M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Pascale Gruny, je vais être rassurant pour l’ensemble des administrés de votre territoire. J’ai peur néanmoins d’avoir à vous livrer quelques explications quelque peu techniques, compte tenu de la nature financière du sujet.
Les services des urgences bénéficient d’enveloppes de financement spécifiques, qui ne relèvent pas des crédits PDSES – permanence des soins en établissements de santé – du fonds d’intervention régional, le FIR, lesquels sont destinés à la permanence des soins post-urgences, la nuit de vingt heures à huit heures, le week-end à partir du samedi midi, ou les jours fériés, et ce dans le cadre de plateaux techniques hautement spécialisés et pour les maternités notamment.
Le choix antérieur de l’agence régionale de santé des Hauts-de-France de financer des lignes de garde de médecins urgentistes libéraux s’expliquait par les différences de barème national pour les structures autorisées à la médecine d’urgence, entre le statut public et le statut privé.
Or, depuis janvier 2018, du fait de la mise en œuvre de la nouvelle convention médicale, les médecins libéraux assurant des soins en structures d’urgence peuvent facturer de nouveaux tarifs de consultation et ainsi valoriser certains actes avec majoration de l’assurance maladie. C’est la raison pour laquelle le financement de la garde des médecins des urgences privées n’a pas été reconduit.
L’absence de financement PDSES n’entraîne pas la suppression de ces gardes ni la prise en charge 24 heures sur 24 des patients au sein du service d’urgence de l’hôpital privé Saint-Claude : la présence d’un médecin urgentiste en permanence dans ce service est une obligation réglementaire. Les services d’urgence privés sont financés via le « forfait annuel urgence », les forfaits « accueil et traitement des urgences » et au travers des actes tarifés par les médecins libéraux.
Je puis vous assurer de mon attachement et de celui de Mme la ministre des solidarités et de la santé au maintien d’un accès à des soins de qualité dans la région des Hauts-de-France, au sein des services des urgences ou dans le cadre de la PDSES.
Pour conclure, je vous informe qu’un groupe de travail régional associant la Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France et l’Union régionale de professionnels de santé des médecins libéraux, dont des médecins de l’hôpital privé Saint-Claude, s’est déjà réuni, et continuera de le faire, afin de sécuriser l’organisation de la réponse aux besoins de la population en matière de médecine d’urgence et de prise en charge des soins non programmés.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Votre réponse est en effet très technique et très comptable. Pour notre part, nous entendons être vigilants et pragmatiques. Nous avons réellement besoin de ce service d’urgence. La suppression des lignes de garde ne permettrait de réaliser qu’une économie de 0,8 % du budget actuel. Cessons donc de ne considérer que les aspects financiers ! Ce service d’urgence fonctionne 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Je connais personnellement ces médecins, qui choisissent de passer Noël aux urgences plutôt que dans leur famille. On peut les en remercier.
Nous avons besoin de certitudes. J’espère que l’engagement n’est pas seulement pris pour quelques années – ce ne serait pas suffisant – et qu’il sera pérenne. Nos territoires, je le répète, ont vraiment besoin de ce service, car ils sont sous-dotés en médecins.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, au nom de la population du Saint-Quentinois et de la région des Hauts-de-France.
prise en charge des transports assurés par le service départemental d’incendie et de secours
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 843, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le secrétaire d’État, nous restons dans les Hauts-de-France, que vient d’évoquer ma collègue Pascale Gruny, plus précisément dans le département de l’Aisne.
Le sujet que je souhaite aborder avec vous ce matin est récurrent. Il avait fait l’objet de ma part d’une première question écrite en décembre 2016. Restée sans réponse avant le changement de législature, je l’ai donc redéposée en juillet 2017. Après neuf mois sans réponse du cabinet de la ministre des solidarités et de la santé, je me suis permis de me rappeler à son bon souvenir le 4 avril 2018. J’ai reçu une réponse le 19 avril, laquelle ne constitue pas une solution à la problématique que je soulève.
Dans les régions rurales, le département de l’Aisne étant particulièrement concerné, les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, effectuent quotidiennement des trajets pour le compte des hôpitaux, sièges des SMUR, les structures mobiles d’urgence et de réanimation.
Par ailleurs, le code de la santé publique prévoit que la prise en charge doit être réglée par les hôpitaux aux SDIS afin de ne pas faire supporter à ces derniers des dépenses qui relèvent de l’assurance maladie.
C’est ainsi que le SDIS de l’Aisne facture à l’hôpital une somme forfaitaire de 346 euros par trajet, sans jamais être payé ! Or on parle de 3 200 trajets annuels, soit une dette du SMUR de 1,2 million d’euros par an, sur un budget de 40 millions d’euros au total.
En réponse à mes précédentes questions, Mme la ministre avait précisé en 2018 que cette activité était « régie par l’article D. 6124-12 du code de la santé publique et précisée par le référentiel quadripartite d’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente du 25 juin 2008. » Elle avait ajouté que « les établissements de santé et les agences régionales de santé sont particulièrement sensibilisés au respect du cadre réglementaire de l’appui logistique et des modalités d’indemnisation. » Elle m’informait également que son ministère et celui de l’intérieur avaient « saisi conjointement, le 5 janvier 2018, l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale des affaires sociales d’une mission inter-inspections d’évaluation de la mise en œuvre du référentiel du secours d’urgence à la personne et de l’aide médicale urgente visant à conduire à des propositions d’évolution dans ce domaine ».
Malheureusement, plus d’un an et demi après la mise en place de cette mission, le problème n’a toujours pas été réglé puisque les sapeurs-pompiers n’ont toujours pas été payés.
Les demandes de conventions entre le SDIS et le SMUR restent lettre morte, les hôpitaux et l’ARS se renvoient la balle. Les hôpitaux de l’Aisne ont même saisi le tribunal administratif, pour une réponse dans plusieurs mois !
Cette problématique récurrente touche l’ensemble de nos zones rurales et marque une fracture de traitement avec les zones urbaines. Les SDIS doivent récupérer ce qui leur est dû !
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire où en est ce dossier ? Ces dépenses de transport coûtent très cher aux départements alors qu’ils n’en ont pas juridiquement la charge.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Antoine Lefèvre, les interventions que vous évoquez sont dites d’« appui logistique ». Le code de la santé publique prévoit effectivement qu’une structure mobile d’urgence et de réanimation peut conventionner avec différents acteurs : les sapeurs-pompiers, mais aussi des transporteurs privés ou des associations agréées de sécurité civile, pour disposer de certains moyens, qu’il s’agisse de véhicules, de conducteurs ou de renforts de brancardage.
Cependant, vous nous l’avez dit à plusieurs reprises et encore ce matin, sur votre territoire, établissements sièges de SMUR et services d’incendie et de secours ne sont pas parvenus à trouver un accord financier.
Les SDIS estiment en effet le coût de leur prestation à 346 euros par intervention, ce qui est élevé au regard des tarifs appliqués dans d’autres départements. En l’absence de conventions signées, les établissements de santé n’ont pas honoré les factures présentées par les services d’incendie et de secours sur la base de ce tarif et sont donc poursuivis au tribunal pour non-paiement. Je ne peux que déplorer tout comme vous cette situation de blocage, qui est assez unique en France de par son acuité.
L’agence régionale de santé des Hauts-de-France ne renvoie pas la balle. Elle travaille activement à une solution, en associant les SDIS et les établissements sièges de SMUR. Sur la base d’une définition partagée de l’appui logistique aux SMUR, elle travaille à bâtir un cadre conventionnel susceptible de recueillir l’adhésion de l’ensemble des acteurs, afin de leur permettre de retrouver la sérénité nécessaire à une bonne collaboration.
pénurie de médicaments
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteure de la question n° 853, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Je souhaitais interroger Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la pénurie récurrente de certains médicaments. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir répondre à ma question en son nom.
Ces derniers mois, la cortisone, anti-inflammatoire indispensable pour de nombreux patients, était en rupture de stock. Au-delà de ce cas particulier, la pénurie est loin d’être rare, à telle enseigne qu’une mission d’information, conduite par deux de nos collègues l’an dernier, a travaillé sur ce sujet.
Un quart de nos concitoyens y ont déjà été confrontés, pour des médicaments non pas de confort, mais d’intérêt thérapeutique majeur, par exemple pour lutter contre le cancer, l’épilepsie, la syphilis ou pour des vaccins.
Selon les associations d’usagers de notre système de santé, cette pénurie récurrente résulterait essentiellement des stratégies financières des industriels, tournées exclusivement vers le profit, au détriment de la production et de l’approvisionnement continu de certains médicaments.
Aussi, je demande à Mme la ministre les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de mettre un terme à cette situation extrêmement préjudiciable, à laquelle trop de nos concitoyens sont confrontés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, depuis plusieurs années, le circuit du médicament est en effet régulièrement touché par des dysfonctionnements qui entraînent des pénuries de médicaments à usage humain. Ces difficultés récurrentes, sachez-le, ne sont pas propres au système de santé français. Elles touchent également un nombre croissant de pays, notamment à l’échelon européen. Les causes sont multiples.
La prévention des pénuries de médicaments est évidemment un sujet de santé publique majeur, auquel le Gouvernement prête une attention toute particulière. Améliorer la disponibilité des médicaments pour tous les Français est ainsi une priorité pour la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Aussi, elle présentera prochainement les principales actions de la feuille de route pour 2019-2022 visant à lutter contre les pénuries et à améliorer la disponibilité des médicaments.
Cette feuille de route comportera quatre axes.
Premier axe : promouvoir la transparence et la qualité de l’information afin de rétablir la confiance et la fluidité entre tous les acteurs, du professionnel de santé à l’usager bénéficiaire.
Deuxième axe : lutter contre les pénuries de médicaments par de nouvelles actions sur tout le circuit du médicament.
Troisième axe : renforcer la coordination nationale, mais aussi la coopération européenne, puisque ce phénomène touche désormais une bonne partie de nos voisins, afin de mieux prévenir les pénuries de médicaments à l’échelle nationale et du continent.
Quatrième axe : mettre en place une nouvelle gouvernance.
Cette nouvelle gouvernance sera mise en place dès le mois de septembre, afin d’enrichir et de préciser cette feuille de route avec l’ensemble des acteurs concernés. En effet, la coordination entre tous les acteurs concernés, au premier rang desquels les associations de patients, nous semble être un point majeur pour permettre la mise en œuvre des actions de cette feuille de route.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour la réplique.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Que ce problème ne soit pas propre à notre pays n’est pas de nature à rassurer les patients confrontés à cette situation. La mission sénatoriale à laquelle j’ai fait référence a promu un certain nombre de préconisations. Les associations d’usagers proposent elles aussi des mesures concrètes.
Les injonctions de l’Agence nationale de santé publique n’ayant à ce jour pas produit les effets escomptés, nous souhaitons que des mesures concrètes, coercitives s’il le faut, soient mises en place et espérons que la feuille de route annoncée par Mme la ministre prendra en compte ces préconisations qui me semblent de bon sens et de nature un peu plus contraignante pour ces industriels.
avenir de l’unité sos main du diaconat de mulhouse
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, auteur de la question n° 790, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Troendlé. Ma question concernant l’avenir de l’unité SOS Main du Diaconat de Mulhouse s’adressait plus précisément à Mme la ministre des solidarités et de la santé. Je suis intervenue auprès d’elle par le biais de six courriers successifs depuis l’automne 2018 en faveur de la pérennisation des urgences de la main mises en place depuis trente ans et reconnues par décision de l’Agence régionale de santé d’Alsace en juillet 2013.
Depuis cette date, l’ARS reconnaît administrativement l’unité SOS Main du Diaconat et lui verse annuellement 500 000 euros. Or ce statut de structure d’urgences est menacé depuis la fin de l’année 2018. Il est ainsi envisagé de remettre en cause l’existence même de cette activité d’urgence sur le site de la clinique du Diaconat-Roosevelt à Mulhouse pour un simple motif réglementaire, l’administration observant qu’il s’agit d’une activité spécialisée de prise en charge des urgences, ce qui constituerait une « atypie » au regard de la réglementation, qui ne reconnaîtrait que les urgences polyvalentes.
Aussi est-il imposé au Diaconat de regrouper les urgences de la main et les urgences « polyvalentes » sur un même site, en l’occurrence la clinique du Diaconat-Fonderie de Mulhouse ; à défaut, le dispositif de prise en charge des urgences de la main cesserait d’être financé par des aides de l’État. Or, pour des raisons techniques, ce regroupement est impossible. C’est donc la prise en charge des urgences de la main qui est menacée dans le département du Haut-Rhin, les sites les plus proches étant à Strasbourg, à une heure et quart, ou à Besançon, à une heure quarante minutes. La disparition de cette activité irait à l’encontre de la volonté du Président de la République, qui insistait très récemment sur la nécessité de maintenir une offre de soins de proximité de qualité au niveau des territoires.
Comme la ministre a bien voulu me le préciser par courrier en date du 23 mai dernier, l’ARS Grand Est a accepté de prolonger le versement des aides pour l’année 2019 au titre de la permanence des soins. Qu’en sera-t-il pour les années suivantes, monsieur le secrétaire d’État ? Aussi, je vous demande de nouveau de bien vouloir intervenir en faveur du maintien de cette activité au Diaconat de Mulhouse, afin de permettre un traitement adéquat des blessés de la main dans les meilleures conditions possible, notamment au regard des temps de trajets avant traitement, au besoin, en autorisant l’Agence régionale de santé Grand Est à intégrer dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu avec le Diaconat de Mulhouse un volet venant reconnaître la spécificité de cette activité et garantissant le versement d’aides à hauteur des aides actuelles.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Catherine Troendlé, ma réponse sera définitivement rassurante. Elle se traduira par des considérations techniques de financement, mais, sachez-le, nous partageons votre objectif.
L’intérêt d’une offre telle que celle de l’unité SOS Main de la clinique du Diaconat-Roosevelt à Mulhouse ne fait aucun doute. Il est pleinement reconnu par l’ARS Grand Est, qui finalise aujourd’hui une solution, aux côtés des équipes de la direction générale de l’offre de soins, afin de sécuriser la poursuite de cette activité. Il est en effet nécessaire de faire évoluer le vecteur de financement de cette activité, qui n’est pas conforme aux règles en vigueur. L’activité de ce SOS Main ne relève pas d’un service des urgences.
Les structures des urgences doivent répondre à des conditions d’implantation et à des conditions techniques de fonctionnement précises, propres à garantir la qualité des soins et la sécurité des patients, y compris pour ceux dont l’état relève de l’urgence vitale. À ce titre, elles sont tenues d’accueillir en permanence toute personne qui s’y présente en situation d’urgence ou qui lui est adressée, en particulier par le SAMU. Le financement spécifique qui est alloué à ces services vise à couvrir le coût de ce haut niveau d’exigence, notamment la permanence d’accueil pour tout patient et la présence continue de médecins urgentistes.
L’unité SOS Main de Mulhouse ne répond pas à ces critères et ne peut légitimement prétendre à des financements réservés aux services des urgences, car les ressources qu’elle mobilise diffèrent de celles des services d’urgences. Pour autant, d’autres vecteurs de financement, tels que la permanence des soins en établissement de santé ou les soutiens à l’amélioration de la qualité de l’offre de soins régionale, peuvent être mobilisés pour de telles activités spécialisées assurant un accueil 24 heures sur 24 reconnues par l’ARS. C’est ainsi qu’est préparée en ce moment même par l’ARS, en lien avec l’établissement, une solution pérenne de financement pour l’activité SOS Main. Elle sera mise en œuvre à partir de 2020. Le juste financement de cette activité est donc assuré.
réalité effective de la coparentalité en cas de séparation
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question n° 826, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
M. Stéphane Piednoir. Ma question s’adressait initialement à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Je souhaite appeler son attention sur un fait de société qui a pris de l’importance ces dernières années : le principe de coparentalité, introduit par la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale. Ce principe établit qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents, qu’ils soient séparés ou non. Pourtant, dans de nombreux cas de séparation, le père, sans que ce soit nécessairement son souhait, ne voit son enfant que très rarement, voire plus du tout. Selon une étude de l’Insee sur les familles monoparentales, en 2005, cela concernait 40 % des enfants issus d’une séparation, ce qui est évidemment considérable.
Les chiffres du ministère de la justice vont dans le même sens et témoignent des inégalités en matière de coparentalité. En 2012, après divorce ou séparation, 73 % des enfants vivaient uniquement chez leur mère et ne rencontraient leur père qu’un week-end sur deux, 7 % vivaient uniquement chez leur père, enfin 17 % seulement étaient en résidence alternée. Si le nombre de résidences alternées progresse lentement malgré tout, le fossé entre ces chiffres doit nous interpeller sur l’égalité réelle entre femmes et hommes en matière de parentalité.
Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi ne pas faire de la résidence alternée un principe de base, afin de rééquilibrer la place des deux parents auprès de l’enfant lors d’une séparation ? Mettre en place, comme dans d’autres pays, une présomption de résidence alternée en cas de séparation permettrait à de nombreux enfants de grandir dans un climat plus serein. Plus qu’une possibilité parmi d’autres, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, la coparentalité pourrait être la règle.
Que comptez-vous mettre en place pour que la coparentalité s’exerce pleinement en cas de séparation et que, dès que la situation le permet, un enfant ne soit pas privé de la présence de l’un de ses parents ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Piednoir, je répondrai en lieu et place de ma collègue secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, qui vous prie de l’excuser. Soyez convaincu qu’avec Marlène Schiappa nous travaillons sur de nombreux sujets, ce qui concerne les enfants touchant souvent la cellule familiale dans son ensemble.
Le Gouvernement soutient le principe de coparentalité que vous évoquez, que les parents vivent ensemble ou non, qu’ils aient été mariés ou non. L’article 373-2 du code civil affirme, et ce depuis 2002, que chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.
La question que vous posez relève davantage du ministère de la justice, mais je peux partager avec vous quelques éléments permettant de poser le cadre du sujet que votre question aborde.
C’est le juge aux affaires familiales, selon l’article 373-2-9 du code civil, qui fixe la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun de ses parents ou, si la résidence alternée n’est pas retenue, au domicile de l’un d’eux. L’article 373-2-6 de ce même code confie en effet au juge aux affaires familiales le soin de prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité des liens de l’enfant avec chacun de ses parents. En outre, l’article 373-2-11 fait de l’aptitude à respecter les droits de l’autre parent l’un des éléments que le juge aux affaires familiales doit prendre en considération lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Dans cette mission, notamment lorsqu’il lui est demandé de trancher un désaccord, le juge aux affaires familiales doit être particulièrement attentif au maintien d’un équilibre, afin de maintenir la coparentalité que vous évoquez, mais aussi et avant tout être attentif à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est pourquoi la décision du juge au cas par cas reste la règle et que l’on ne peut pas préjuger du bien-fondé ou de l’intérêt pour l’enfant d’une résidence alternée, même si elle permet le plus souvent de maintenir l’équilibre de la coparentalité. Chaque histoire est spécifique ; chaque enfant est différent. La relation qui a pu se construire, les défis auxquels la famille est confrontée nécessitent forcément une approche au cas par cas, avec toutes ses richesses, mais aussi parfois ses limites. C’est le sens de cette matière humaine.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour l’ensemble de vos réponses.
La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez bien compris le sens de ma question.
Comme vous, je soutiens le principe de la coparentalité, parce que l’on ne saurait se satisfaire que, chaque année, des milliers d’enfants s’éloignent un peu plus de l’un de leurs parents, le plus souvent contre leur gré. L’absence d’un parent est la plupart du temps préjudiciable à l’enfant. Elle peut d’ailleurs créer des troubles que personne ne souhaite généraliser dans notre société.
Le sens de ma question était le suivant : prenons la responsabilité, si ce n’est de systématiser, du moins de généraliser plus qu’aujourd’hui cette règle, parce qu’il y a une disproportion dans les jugements rendus.
coût de l’instruction des permis de construire pour les petites communes
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 786, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Henri Cabanel. Ma question porte sur les difficultés financières que rencontrent des petites communes face au coût de l’instruction des permis de construire et autres documents d’urbanisme.
La loi ALUR a acté en 2014 la fin de la mise à disposition des services de l’État au bénéfice des communes pour l’instruction des demandes d’urbanisme, sauf pour les communes n’ayant pas de plan local d’urbanisme, en raison de l’incapacité de ces services à faire face efficacement aux demandes, après plusieurs années de diminution de leurs moyens du fait de la politique de révision générale des politiques publiques.
Depuis ce désengagement, ces instructions sont réalisées par les communautés de communes, qui, pour réduire leurs charges, facturent ce service aux communes adhérentes. Ce choix rejoignait celui de plusieurs communes de doter leur communauté de communes de services compétents, mieux à même que ceux de l’État d’avoir une approche de proximité et de donner tout son sens à la notion de décentralisation, puisque c’est finalement le maire qui signe le document d’urbanisme.
Pour autant, cette facturation aux communes par leur communauté pèse significativement sur les finances des petites communes exposées à la pression foncière à proximité d’une métropole, comme c’est le cas autour de Montpellier.
Dans l’Hérault, et j’imagine ailleurs, certaines communes ont décidé de demander une contribution financière aux demandeurs de permis de construire, ce qui a été refusé par le préfet au motif que la loi ne le prévoit pas. C’est pourquoi je souhaite connaître sous quelles conditions le Gouvernement pourrait envisager de soutenir ces petites communes pour l’instruction des permis de construire, soit financièrement, soit par le biais de ses services.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, notamment des questions d’urbanisme, qui m’a chargé de vous communiquer la réponse qu’il a préparée à votre intention.
L’instruction des actes d’urbanisme est une compétence des collectivités territoriales. Si les services de l’État pouvaient être mis à disposition de certaines collectivités pour les aider à instruire les actes, c’est le maire, ou le représentant de l’intercommunalité, qui demeurait le signataire de l’acte.
La loi dite ALUR du 24 mars 2014 n’a pas supprimé la mise à disposition des services de l’État pour l’instruction des actes d’urbanisme. Néanmoins, elle l’a réservée, depuis le 1er juillet 2015, aux seules communes compétentes appartenant à des EPCI de moins de 10 000 habitants ou, dans le cas où l’EPCI a la compétence en matière d’urbanisme, aux seuls EPCI de moins de 10 000 habitants. Cela s’explique par le renforcement significatif de la capacité des intercommunalités à assumer ces missions avec la loi NOTRe.
Il est également important de préciser que les demandes d’autorisation d’urbanisme des communes ne disposant pas de documents d’urbanisme sont toujours instruites par les services de l’État, notamment les directions départementales des territoires et de la mer.
Une facturation peut être pratiquée par les EPCI, mais l’organisation mutualisée du service instructeur à un niveau supracommunal permet de réaliser des économies d’échelle et garantit la continuité du service grâce à une optimisation des moyens humains utilisés.
La dématérialisation du dépôt et de l’instruction des actes d’urbanisme, prévue pour le 1er janvier 2022 et possible dès à présent, devrait réduire, d’une part, les coûts de l’instruction, notamment ceux qui sont liés aux échanges et aux transmissions, et, d’autre part, le temps passé par les agents à instruire les demandes. C’est une disposition de la loi ÉLAN, portée par mon collègue Julien Denormandie.
Par ailleurs, un réseau de collaboration intitulé « urbanisme et numérique » a été lancé officiellement en partenariat avec les associations d’élus – citons l’AMF et l’AdCF –, le 25 avril dernier, pour fédérer les différents acteurs afin de préparer l’échéance du 1er janvier 2022.
Sur le plan opérationnel, le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales souhaite développer une solution qu’il mettra à la disposition de toutes les collectivités pour faciliter l’interopérabilité des différents outils utilisés actuellement par les acteurs concernés par l’instruction des demandes.
J’ajoute que, dans le cadre du projet de loi Engagement et proximité, que je vous présenterai à l’automne, nous pourrons définir ensemble de nouvelles opportunités de mutualisation pour les collectivités territoriales, notamment en matière d’urbanisme.