Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. La rédaction de l’amendement pose, en effet, la difficulté soulevée par Mme la rapporteur.
Au-delà, monsieur de Belenet, le code général des collectivités territoriales prévoit déjà que le rapport fourni à l’occasion du débat d’orientation budgétaire intègre un certain nombre de dispositions relatives au personnel, à la masse salariale et à la gestion des ressources humaines. Votre amendement est donc, à mon sens, assez largement satisfait.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Cet amendement a rempli son office, qui était de soulever une problématique. C’est donc très sereinement que je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 521 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 434 rectifié, présenté par Mmes Lavarde et Estrosi Sassone, MM. Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonne, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, MM. Cardoux, Chaize et Charon, Mmes Chauvin et de Cidrac, MM. Cuypers et Danesi, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton et Eustache-Brinio, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Ginesta et Gremillet, Mme Gruny, MM. Hugonet, Huré et Husson, Mme Imbert, M. Kennel, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux et Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mme M. Mercier, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Paul, Piednoir et Pierre, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, M. Raison, Mme Ramond, MM. Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet, Saury, Savary, Savin, Segouin, Sido et Sol, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 20 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre X de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré un chapitre… ainsi rédigé :
« CHAPITRE…
« De l’exercice du droit de grève
« Art. 101 – Sans préjudice de l’article 10 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du titre Ier du livre V de la deuxième partie du code du travail, l’exercice du droit de grève peut être encadré par toute autorité territoriale dès lors qu’il contrevient aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels de la collectivité et des administrés de son ressort territorial.
« Ces limitations sont fixées par l’autorité territoriale pour tout ou partie des services suivants : la collecte et le traitement des déchets des ménages, le transport public de personnes, l’aide au maintien à domicile, la restauration scolaire, l’aide aux personnes âgées ou handicapées, la protection des biens et des personnes, l’accueil des enfants de moins de trois ans, l’accueil périscolaire, la gestion des équipements sportifs et la délivrance des titres d’état civil.
« Les limitations doivent prendre en compte la nature du service concerné ainsi que les conséquences de la grève en matière d’organisation du service rendu aux usagers, d’information préalable des usagers, de prévention, de sécurité, de santé, de salubrité et d’ordre public que peuvent revêtir les cessations concertées du travail.
« La nature et l’étendue de ces limitations ne peuvent pas porter une atteinte non justifiée à l’exercice du droit de grève.
« Art. 101-1.- I – L’autorité territoriale peut exiger, dans le cas où un préavis de grève a été déposé dans les conditions prévues par l’article L. 2512-2 du code du travail, que tout agent dont l’absence est de nature à affecter directement l’un des services mentionnés au deuxième alinéa de l’article 101 de la présente loi informe, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, comprenant au moins un jour ouvré, l’autorité territoriale de son intention d’y participer.
« II. – Les informations issues des déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour organiser le service durant la grève en assurant le respect de normes de sécurité et d’encadrement et pour informer les usagers. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute autre personne que celles désignées par l’autorité territoriale comme étant chargée de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.
« Art. 101-2 – L’autorité territoriale peut exiger, dans le cas où un préavis de grève a été déposé dans les conditions prévues à l’article L. 2512-2 du code du travail, que tout agent dont l’absence est de nature à affecter directement l’un des services mentionnés au deuxième alinéa de l’article 101 de la présente loi et souhaitant participer à la grève doit commencer sa cessation de travail à sa prise de service.
« Art. 101-3 – Pour les services mentionnés au deuxième alinéa de l’article 101 où une cessation temporaire du travail aurait des conséquences disproportionnées du fait de sa durée, l’autorité territoriale peut fixer la durée de la cessation de travail de la prise de service jusqu’à la fin du service, ou à un demi-service lorsqu’une coupure médiane est prévue dans l’organisation du service.
« Art. 101-4 – Le présent chapitre s’applique :
« – aux personnels mentionnés à la présente loi ;
« – aux personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d’un service public mentionné au deuxième alinéa de l’article 101. »
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Je précise d’emblée qu’il ne s’agit pas pour nous de revenir sur le droit de grève, qui est un principe constitutionnel. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Seulement, ainsi qu’en a jugé le Conseil constitutionnel dans une décision du 25 juillet 1979, il y a lieu, en matière de service public, de limiter la portée de ce droit, de manière, notamment, à assurer la continuité des missions de service public.
Actuellement, la loi encadre le droit de grève dans la fonction publique d’État et dans la fonction publique hospitalière, mais rien n’est prévu pour la fonction publique territoriale. L’objet de cet amendement est de combler cette lacune.
Nous précisons bien que l’encadrement du droit de grève serait limité à certains services des collectivités territoriales : ceux qui remplissent des missions de service public ou considérées comme telles. L’accueil de la petite enfance, par exemple, n’est pas un service public, mais tout le monde perçoit bien que les mairies accomplissent une mission de service public en la matière.
Les limitations qu’il est proposé d’apporter au droit de grève sont de trois ordres.
D’abord, nous souhaitons instaurer un délai de prévenance de quarante-huit heures comprenant un jour ouvré, à l’instar de ce qui est prévu pour la déclaration de grève des enseignants. Ce modèle permet aujourd’hui aux mairies de mettre en place un service minimum d’accueil dans les écoles.
Ensuite, la cessation du travail devra intervenir dès la prise de service, comme le Conseil d’État l’a autorisé dans sa décision du 6 juillet 2016.
Enfin, nous proposons d’instituer une durée minimale de cessation de travail. Ainsi, dans les crèches, une interruption de cinquante-neuf minutes empêche l’accueil des enfants, qui ne peuvent être laissés seuls pendant cette durée. En pareil cas, les conséquences de la grève sur l’accomplissement de la mission de service public seraient disproportionnées par rapport à sa durée.
Mme la présidente. L’amendement n° 520 rectifié ter, présenté par MM. de Belenet, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et Canevet, Mme Vullien et MM. Bonnecarrère, Guerriau, Capus, Menonville, Lafon et Gabouty, est ainsi libellé :
Après l’article 20 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré un article 7-… ainsi rédigé :
« Art. 7-… – I. – Dans les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés au premier alinéa de l’article 2, l’autorité territoriale et les organisations syndicales qui disposent d’au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s’exerce la participation des fonctionnaires peuvent engager des négociations en vue de la signature d’un accord visant à instaurer un service minimum afin d’assurer le fonctionnement des services publics territoriaux dont l’interruption contreviendrait aux nécessités de l’ordre public ou à la salubrité publique ou aux besoins essentiels des usagers de ces services.
« Les services faisant l’objet de ces négociations sont déterminés par délibération de l’autorité territoriale.
« Cet accord peut être révisé à l’occasion de chaque renouvellement général des assemblées délibérantes.
« L’accord prévu détermine le nombre et les catégories d’agents dont l’absence est de nature à affecter l’exécution de ce service minimal ainsi que les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible du service, l’organisation du travail est révisée et les agents disponibles réaffectés afin de permettre la mise en œuvre du service minimal.
« À défaut de conclusion d’accord dans un délai de douze mois après le début des négociations, le nombre et les catégories d’agents strictement indispensables à ce service minimal sont déterminés par délibération de l’autorité territoriale selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État.
« II. – Dans le cas où un préavis de grève a été déposé dans les conditions prévues par l’article L. 2512-2 du code du travail et en vue de la mise en place du service minimal, les agents des services mentionnés au I informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, comprenant au moins un jour ouvré, l’autorité territoriale ou la personne désignée par elle, de leur intention d’y participer. Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève et sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l’autorité territoriale comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.
« L’agent qui a déclaré son intention de participer à la grève qui renonce à y prendre part en informe l’autorité territoriale au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure prévue à sa participation.
« L’agent qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe l’autorité territoriale au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure de sa reprise afin que l’autorité puisse l’affecter.
« L’obligation d’information mentionnée aux deux alinéas précédents n’est pas requise lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsque la reprise de service est consécutif à la fin de la grève.
« Est passible d’une sanction disciplinaire l’agent qui n’a pas informé son employeur de son intention de participer à la grève dans les conditions prévues au présent II. Cette sanction disciplinaire peut également être prise à l’encontre de l’agent qui, de façon répétée, n’a pas informé son employeur de son intention de renoncer à participer à la grève ou de reprendre son service. »
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Je préfère très objectivement cet amendement, qui a été mûrement travaillé et réfléchi, au précédent. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il s’en différencie sur plusieurs points. Ainsi, la limitation du droit de grève que nous proposons d’instaurer est soumise à négociation, ce qui me paraît sain. La signature prévue d’un accord pour la continuité du service ou un service minimum me paraît constituer une autre supériorité. À défaut d’un tel accord, la décision reviendrait évidemment à l’autorité territoriale.
Nous proposons aussi une information sur la reprise vingt-quatre heures auparavant et des sanctions disciplinaires pour défaut d’information de l’autorité territoriale.
Enfin, notre amendement est pleinement respectueux des exigences constitutionnelles, s’agissant notamment du principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires.
L’un de ces amendements mérite d’être adopté. Celui que j’ai l’honneur de présenter a fait l’objet de toutes les consultations et de toutes les expertises juridiques nécessaires. Il me semble répondre à la problématique des collectivités territoriales, finalement très simple : il s’agit non pas d’empêcher la grève, mais d’assurer la continuité du service public et un exercice du droit de grève qui n’y porte pas atteinte.
J’imagine que les enfants, même de sénateurs, sont en plein désarroi quand les dames de cantine présentes dans la matinée se déclarent en grève à onze heures trente, sans plus de considération pour les enfants, et que ce sont des gens peu qualifiés, voire des élus, qui, bénévolement, viennent servir à la cantine. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Tout cela n’est pas sérieux : il faut prendre en compte la réalité et la qualité du service public, ainsi que sa continuité ; il faut permettre le droit de grève dans nos collectivités territoriales avec pour préalable l’information de l’autorité territoriale dans un délai raisonnable, pour que celle-ci puisse s’organiser et remplir les missions qu’elle doit remplir pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ces deux amendements ont, en effet, été beaucoup travaillés.
Tous deux répondent au même objectif : mieux encadrer le droit de grève dans la fonction publique territoriale, tout en respectant le droit des agents. Il s’agit en particulier de lutter contre les grèves perlées, constatées notamment dans les services de restauration, par exemple à Saint-Étienne.
Toutefois, l’amendement de Mme Lavarde nous paraît mieux construit,…
M. Jean-François Husson. Oui ! Bravo !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. … dans la mesure où il définit précisément la liste des services publics concernés par ce dispositif.
M. Jean-François Husson. C’est une supériorité naturelle !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. On évite l’incompétence négative…
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Il s’agit, en effet, d’éviter toute incompétence négative, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1979.
L’amendement n° 434 rectifié précise également les objectifs visés et garantit le respect du principe de proportionnalité. Trois outils distincts sont prévus : le préavis de grève, la cessation du travail dès la reprise de service – ce qui s’applique à la Ville de Paris – et une durée minimale de cessation du travail pour éviter les grèves perlées.
Nous sommes favorables à cet amendement, dont l’auteur peut être remerciée pour son travail très précis, attendu par les employeurs territoriaux.
Quant à l’amendement n° 520 rectifié ter, nous en sollicitions le retrait ; s’il est maintenu, nous y serons défavorables.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement considère, comme Mme la rapporteur, que l’objet des deux amendements est sensiblement le même : préserver le droit de grève, ce qui est une évidence, tout en permettant un service minimum pour les services essentiels.
Je ne souscris pas, madame la rapporteur, à votre argument sur le risque d’incompétence négative. Parce qu’il renvoie à la négociation d’accords au niveau local, permettant ainsi une concertation avec les acteurs sociaux locaux, et permet à chaque autorité territoriale de définir les services qui, selon elle, doivent faire l’objet d’un service minimum, l’amendement de M. de Belenet nous paraît répondre totalement à l’exigence de précision.
À l’inverse, je crains que l’amendement de Mme Lavarde, qui énumère un nombre extrêmement important de services concernés, ne puisse être contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, s’agissant notamment du principe de proportionnalité.
Le Gouvernement a donc une nette préférence pour l’amendement n° 520 rectifié ter, qui lui paraît atteindre l’objectif recherché et répondre à la nécessité de définir les services concernés en renvoyant à l’autorité territoriale le soin de le faire dans une négociation. Cet amendement est plus favorable à la concertation avec les partenaires sociaux et ne nous semble pas entaché d’un risque quant au respect du principe de proportionnalité tel que le définit le Conseil constitutionnel.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement n° 434 rectifié ; l’avis sera défavorable s’il est maintenu. J’invite le Sénat à adopter l’amendement de M. de Belenet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Il faut bien que quelqu’un prenne la parole pour défendre le droit des agents territoriaux…
Qu’elle émane de nos collègues du groupe Les Républicains ou de ceux du groupe La République En Marche, cette proposition était prévisible, tant il est dans l’ADN des uns et des autres de s’attaquer au droit de grève.
Au détour de l’examen d’un texte dont ce n’est pourtant pas l’objet, on propose des régressions en matière de droit de grève, un droit pourtant constitutionnellement reconnu. Après celui des cheminots ou des enseignants, c’est maintenant le droit de grève de l’ensemble des fonctionnaires territoriaux, ou presque, que l’on entend restreindre, en imposant, comme dans le secteur des transports, une déclaration individuelle de grève quarante-huit heures avant le début du mouvement.
De nombreux secteurs sont visés, de la collecte et du traitement des déchets des ménages au transport public des personnes, en passant par l’aide au maintien à domicile, la restauration scolaire, l’aide aux personnes âgées ou handicapées, la protection des biens et des personnes, l’accueil des enfants de moins de trois ans, l’accueil périscolaire, la gestion des équipements sportifs et la délivrance des titres d’état civil.
Comme à chaque fois, nous vous opposons la réalité : museler les agents du service public ne fera pas disparaître les causes de sa dégradation, qui tient non pas aux agents, mais au désengagement de l’État par la baisse des dotations – dont les auteurs des amendements n’ont pas parlé…
Pour notre part, nous sommes farouchement opposés à la déclaration individuelle de grève, qui, comme son nom l’indique, individualise un droit dont l’exercice est par nature collectif. Elle permet, surtout quand les agents sont de plus en plus souvent des contractuels précaires, que s’exercent des pressions inacceptables.
Nous voterons contre ces deux amendements. Il ne saurait être question de limiter – pour reprendre votre terme, madame Lavarde – un droit constitutionnel. Il convient au contraire, à l’inverse de ce que prévoit le projet de loi, d’engager une véritable modernisation des instances de dialogue social, pour améliorer le service rendu aux usagers !
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. On pouvait s’y attendre : ces deux amendements offrent une bonne illustration de la convergence du Gouvernement et de la droite sénatoriale sur ce texte. Non contents d’avoir réduit le dialogue social aux articles 1er à 5, voici que vous vous attaquez au droit de grève des agents de la fonction publique territoriale, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels.
M. de Belenet a tenté de nous rassurer, mais je ne le suis pas du tout. (M. Arnaud de Belenet sourit.) Je ne le suis pas davantage par l’amendement de Mme Lavarde, au regard à la fois des intentions formulées et de la liste des activités qui seraient concernées.
Ce qui aujourd’hui désorganise le service public local, ce ne sont pas les agents lorsqu’ils font valoir légitimement leur droit à revendication, qui peut aller jusqu’à l’exercice du droit de grève ; ce sont les difficultés que les exécutifs territoriaux peuvent rencontrer quand on leur impose un contingentement de l’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 % et quand on remet en cause un certain nombre de leurs prérogatives.
Nous sommes particulièrement opposés à ces deux amendements. Sur la forme, d’ailleurs, s’ils ont le soutien explicite du Gouvernement, ils n’ont fait l’objet d’aucune présentation aux partenaires sociaux, et encore moins aux acteurs territoriaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. O tempora, o mores… J’ai écouté avec attention les explications de M. Dussopt : quelle tristesse, monsieur le secrétaire d’État, au regard de ce que vous avez été – mais il est vrai que l’on peut changer d’avis…
Je le dis avec force : ces deux amendements sont des plus réactionnaires. M. le secrétaire d’État soutient l’amendement de M. de Belenet, mais de Belenet et Lavarde, Lavarde et de Belenet, c’est bonnet blanc et blanc bonnet !
L’un est peut-être plus précis que l’autre, mais l’objectif est le même : museler le droit de grève dans la fonction publique territoriale. Pourquoi d’ailleurs ne pas le faire aussi dans les autres fonctions publiques ? Tant que vous y êtes, démolissez le service public et démobilisez, en créant un climat de défiance, les 5,5 millions de fonctionnaires ! Pour notre part, nous ne participerons pas à cette entreprise. En responsabilité, nous demandons un scrutin public. Cela permettra de savoir qui est qui dans cet hémicycle.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Si permettre aux agents d’une collectivité territoriale de définir eux-mêmes, avec l’autorité territoriale, les conditions d’exercice de leur droit de grève pour que les choses se passent bien et permettre aux plus faibles, dans le cadre de ce dialogue social, de bénéficier des services publics dont ils ont besoin, c’est être réactionnaire, alors, monsieur Kanner, je veux bien être réactionnaire ! Je l’assume totalement !
M. Patrick Kanner. Ça tombe bien : vous l’êtes !
M. Arnaud de Belenet. Comment peut-on aujourd’hui défendre à tout prix un concept qui ne permet pas l’exercice du droit de grève dans de bonnes conditions ? Comment peut-on aujourd’hui défendre un concept qui ne permet l’exercice du droit de grève qu’au détriment de ceux qui bénéficient des services publics, en les privant de la continuité du service public ?
Mme Éliane Assassi. Vous ne savez pas ce que c’est, le droit de grève !
M. Arnaud de Belenet. Je sais très bien ce qu’est le droit de grève ! Lorsque l’autorité territoriale sait maintenir un dialogue social de qualité, elle n’est en général pas directement concernée par le risque de grève perlée ou de dernière minute.
Une mère isolée qui travaille et qui a des temps de transport importants compte sur la collectivité pour prendre en charge en toute sécurité son enfant à la crèche, à la cantine et en temps périscolaire durant la pause méridienne. Il est possible qu’elle vote communiste, mais je ne suis pas certain que vous la défendiez bien ! (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Je ne suis pas certain non plus que vous défendiez le droit de grève : vous n’avez pas le monopole, à gauche, de la défense du droit de grève et des usagers des services publics !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Mme Lavarde l’a bien expliqué : il s’agit non pas de réprimer le droit de grève, mais de l’encadrer. (M. Didier Marie s’exclame.)
M. Patrick Kanner. Vu comme ça, évidemment, tout va bien…
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ce qui ne va pas, tout le monde en convient, c’est la grève perlée, par exemple dans un service de restauration.
Mme Éliane Assassi. C’est à la grève en général que vous vous attaquez !
M. Pierre Ouzoulias. Ce qui ne va pas, ce sont les « gilets jaunes » !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet encadrement est demandé par les employeurs,…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Évidemment !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. … parce qu’ils ont de vrais soucis, ce que l’on peut comprendre, pour organiser la continuité du service public.
Mme Éliane Assassi. Et les salariés, ils n’ont pas de soucis ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Évidemment si, ma chère collègue ; nous ne le nions pas.
L’encadrement du droit de grève est tout de même prévu dans le Préambule de la Constitution de 1946.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Bien sûr !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Monsieur Marie, l’amendement de Mme Lavarde, en particulier, s’inspire grandement de ce qui est pratiqué à la Ville de Paris, dirigée par… je ne sais plus !
M. Patrick Kanner. Élevez un peu le débat, madame la rapporteur !
M. Jean-François Husson. C’est un simple constat.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je place le débat là où vous le placez aussi.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je souscris largement aux propos de M. de Belenet. Renvoyer au dialogue social, à un accord négocié avec les partenaires sociaux la définition des services publics pour lesquels on garantit un service minimum est fondamentalement intéressant et utile, tant pour l’encadrement du droit de grève que pour la garantie de la qualité de service aux usagers.
Puisque vous m’avez interpellé personnellement, monsieur Kanner, permettez-moi de vous dire que je vous ai aussi connu différent, animé davantage par l’esprit de réflexion que par des réflexes, nourris de surcroît par la rancune.
M. Patrick Kanner. Je suis dans l’opposition !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. C’est justement le problème, monsieur Kanner ! C’est peut-être le principal tort de la famille politique qui est encore la vôtre et du parti politique qui a été le mien que d’afficher un libéralisme honteux au gouvernement et un mollétisme effronté dans l’opposition !