Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Au risque d’être insistant, monsieur le sénateur, la « direction des finances » n’existe pas.
Nous avons une direction générale des finances publiques, au sein de laquelle il y a une direction de la législation fiscale, et une inspection générale des finances, qui est considérée comme un grand corps. Il serait utile, pour nourrir votre argumentation, que je vous remette, à l’occasion de la prochaine séance, un organigramme complet des services du ministère de l’action et des comptes publics, ainsi que du ministère de l’économie et des finances.
Je le dis avec un peu de colère, parce que – je le répète – à la place qui est la mienne aujourd’hui, je peux témoigner de la qualité de ces hommes et ces femmes, et de celle de leur engagement. La France et les représentants du peuple français devraient s’enorgueillir d’avoir une haute fonction publique et, au-delà, une fonction publique de cette qualité et de cet engagement, plutôt que de systématiquement chercher à lui faire procès.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 156 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 246, présenté par M. Collombat, Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 16 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 432-13 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que membre du Gouvernement, membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, titulaire d’une fonction exécutive locale, fonctionnaire, militaire ou agent d’une administration publique, dans le cadre des fonctions qu’elle a effectivement exercées, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle des entreprises privées d’un secteur d’activité, soit de conclure des contrats de toute nature, de formuler un avis sur de tels contrats, de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par des entreprises privées de ce secteur ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une des entreprises de ce secteur d’activité avant l’expiration d’un délai de cinq ans suivant la cessation de ces fonctions. »
2° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait, par une personne ayant été chargée de fonctions de direction dans un secteur d’activité ou de défense des intérêts de ce secteur d’exercer des fonctions de contrôle ou de régulation concernant ce secteur d’activité au sein de l’administration publique ou d’une autorité administrative indépendante avant un délai de cinq ans suivant la cessation de l’activité privée. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. En préliminaire, je voudrais vous faire observer, monsieur le secrétaire d’État, que la directrice du service de l’inspection générale des finances n’a pas été capable de me dire combien elle avait d’inspecteurs des finances sous sa direction – elle ne le savait pas !
Vous me reprochez de ne pas me débrouiller dans votre méli-mélo, mais je ne suis pas le seul, et cela profite à tout le monde !
Par ailleurs, je ne confonds pas tout ! Par exemple, moins de 20 % des énarques, qu’on accuse pourtant de tout, pantouflent… Mais les inspecteurs des finances pantouflent à 70 %, les membres du Conseil d’État à 40 %, sans compter ceux de la Cour des comptes… Ce sont les chiffres que l’on m’a donnés. Il y a tout de même, je le redis, un petit problème.
Je veux bien que, dans la version pour enfants qui nous est régulièrement servie, on évoque le « conflit d’intérêts ». Moi, je n’appelle pas cela ainsi ; comme je suis assez mal élevé, je parlerai de favoritisme, qui est sanctionné par le code pénal, et de trafic d’influence qui est, lui aussi, sanctionné par le code pénal. Voilà quels sont les risques !
Cet amendement vise justement à protéger ces fonctionnaires de bonne volonté, sinon de la tentation, du moins des écueils qu’il y aurait à se trouver trop rapidement à prendre des décisions qui intéressaient ou intéresseront des entreprises privées. Car, vous l’avez remarqué, nous nous intéressons non seulement au pantouflage, mais aussi au rétropantouflage.
Le but est parfaitement désintéressé : il s’agit simplement d’éviter à ces fonctionnaires des bévues et des ennuis, pour leur bien-être et leur quiétude.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. L’amendement que M. Collombat nous propose vise à étendre de trois ans à cinq ans la période considérée pour la prise illégale d’intérêts.
L’avis de la commission est défavorable : il faut maintenir une certaine cohérence avec les réserves de la HATVP, qui s’appliquent pendant un délai de trois ans.
Cet amendement serait également plus sévère pour les élus locaux, alors même que la définition de la prise illégale d’intérêts pose un véritable problème.
En ce qui concerne les mobilités du privé vers le public, je rappelle que nous avons amélioré, à l’article 16, le contrôle du rétropantouflage.
J’attire l’attention de mes collègues sur le vote de cet amendement qui modifie un article du code pénal. La matière pénale mérite que nous légiférions avec d’autant plus de prudence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. En matière pénale, on n’a pas toujours ces précautions !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il faudrait pourtant !
M. Pierre-Yves Collombat. Quand il s’agit de petits délinquants ou de personnes qui manifestent imprudemment, ma foi, augmenter les peines, cela ne gêne strictement personne ! Mais alors, là, c’est vrai, il faudrait prendre quelques précautions…
Il ne vous aura pas échappé – moi, cela m’a étonné – que le conflit d’intérêts n’est pas un délit. Ce n’est rien du tout ! Le seul article, ajouté tardivement, du code pénal qui « colle » à peu près aux problèmes posés par le pantouflage, c’est l’article 432-13. Nous demandons simplement, par souci de prudence et pour assurer la quiétude de ces braves gens qui se dévouent, de prévoir un délai suffisant pour que ces derniers ne soient pas soumis à la tentation.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. L’ensemble des amendements que nous venons d’examiner visent à rétablir la confiance. Nous vivons aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, une forme de crise démocratique. Nombre de nos concitoyens, souvent poussés par des forces que nous n’apprécions pas nécessairement, considèrent que la haute fonction publique n’est pas toujours exempte de reproches.
Au travers de ces amendements, nous souhaitons rassurer nos concitoyens et, en même temps, protéger les hauts fonctionnaires. Je peux comprendre la colère de M. le secrétaire d’État : personne ici n’a de doute sur l’intégrité de la quasi-totalité des fonctionnaires du ministère de l’économie et des finances, mais j’attire son attention sur le fait qu’il peut y en avoir un ou deux – malheureusement, nous en avons connu à certains moments – dont le comportement jette l’opprobre sur l’ensemble de la corporation.
Notre souci, c’est de prémunir ces fonctionnaires contre ces risques et, en même temps, de restaurer la confiance. C’est la raison pour laquelle nous insistons sur ces mesures.
Mme la présidente. L’amendement n° 150 rectifié bis, présenté par MM. Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 16 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 8-1 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Toute personne dont la nomination est envisagée à un emploi civil ou militaire relevant de l’article 13 de la Constitution, à un emploi supérieur relevant du décret mentionné à l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, ou à un emploi de direction de l’État ou de ses établissements publics relevant du décret mentionné au 1° bis de l’article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précité fait l’objet des procédures mentionnées au I du présent article. »
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement prévoit de soumettre toute personne dont la nomination est envisagée à un poste supérieur ou de direction de la fonction publique d’État au dispositif de contrôle actuellement prévu pour les membres du Gouvernement.
Il s’agit, d’abord, de la communication par le président de la HATVP « des informations indiquant, à la date de la demande et compte tenu des éléments dont dispose la Haute Autorité, si cette personne a, le cas échéant, satisfait ou non aux obligations de transmission d’une déclaration d’intérêts et d’activités, d’une déclaration d’intérêts ou d’une déclaration de situation patrimoniale et à la justification des mesures prises pour gérer ces instruments financiers dans des conditions excluant tout droit de regard de sa part, ainsi que si cette personne se trouve dans une situation pouvant constituer un conflit d’intérêts et les mesures nécessaires pour prévenir ou faire cesser immédiatement celui-ci ».
Il s’agit, ensuite, de la communication par l’administration fiscale « d’une attestation constatant qu’à la date de la demande et en l’état des informations dont dispose cette administration, la personne satisfait ou non aux obligations de déclaration et de paiement des impôts dont elle est redevable ».
Il s’agit, enfin, de la communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Dans la loi pour la confiance dans la vie politique, le Sénat a créé, sur l’initiative du président Bas, une procédure de contrôle avant la nomination des membres du Gouvernement.
Le Président de la République peut désormais consulter la HATVP, l’administration fiscale et le bulletin n° 2 du casier judiciaire.
L’amendement de M. Durain propose d’étendre cette procédure aux nominations au titre de l’article 13 de la Constitution et à certains emplois publics.
La commission des lois y est défavorable, pour deux raisons.
D’abord, parce que l’amendement nous semble largement satisfait pour les emplois publics : les personnes concernées doivent remplir une déclaration d’intérêts en amont de leur nomination. Il en va de même pour le casier judiciaire qui doit être vierge.
Ensuite, concernant les nominations au titre de l’article 13 de la Constitution, qui semblent d’ailleurs éloignées du champ du projet de loi, les éventuelles révisions institutionnelles seront l’occasion de renforcer les pouvoirs du Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 150 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 251, présenté par Mmes Lienemann, Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 16 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution sont incompatibles avec le fait d’exercer ou d’avoir exercé, au cours des trois dernières années, les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d’une société contrôlée, supervisée, subordonnée ou concernée par l’institution, l’organisme, l’établissement ou l’entreprise auquel cet emploi ou fonction se rattache.
II. – Aucune personne exerçant les emplois et fonctions mentionnés au I ne peut participer à une délibération concernant une entreprise ou une société contrôlée, supervisée, subordonnée ou concernée par l’institution, l’organisme, l’établissement ou l’entreprise dans laquelle elle a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.
Les personnes exerçant les emplois et fonctions mentionnés au même I ne peuvent, directement ou indirectement, détenir d’intérêts dans une société ou entreprise mentionnée audit I.
L’article 432-13 du code pénal est applicable aux personnes mentionnées au même I, après la cessation de leur emploi ou de leur fonction.
Le non-respect de cet article est passible des sanctions prévues à l’article 432-13 du code pénal.
Un décret en Conseil d’État fixe le modèle de déclaration d’intérêts que chaque personne doit déposer au moment de sa désignation.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous souhaitons rétablir des amendements, adoptés par le Sénat lors de la discussion du projet de loi pour la confiance dans la vie politique et supprimés par l’Assemblée nationale, relatifs à la déontologie de la haute fonction publique.
Il s’agit en l’occurrence d’un amendement de Marie-Noëlle Lienemann qui interdisait de nommer à une fonction d’intérêt général relevant de la procédure de l’article 13 de la Constitution une personne qui aurait travaillé, au cours des trois années précédentes, dans une entreprise ayant des liens avec l’organisme au sein duquel elle exercera sa fonction.
Par ailleurs, cet article interdit la participation des personnes exerçant actuellement une fonction d’intérêt général à une délibération concernant une entreprise dans laquelle elles ont travaillé au cours des trois années précédant cette délibération et qui entretient des liens avec l’organisme auquel elles sont rattachées.
Il s’agit d’une disposition particulièrement utile pour éviter les conflits d’intérêts.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement avait déjà reçu un avis négatif du président Bas quand il était rapporteur du projet de loi pour la confiance dans la vie politique. Nous ne pouvons pas déjuger le président de la commission des lois ce soir ! (Sourires.)
L’amendement tend à interdire de nommer à une fonction relevant de la procédure de l’article 13 de la Constitution une personne qui aurait travaillé dans un organisme se rattachant à cet emploi.
La procédure de l’article 13 dépasse très largement le champ du projet de loi. Elle pourrait d’ailleurs être renforcée à l’occasion des prochaines réformes institutionnelles.
Par ailleurs, les auditions devant les commissions parlementaires permettent d’ores et déjà de prévenir les conflits d’intérêts.
De plus, l’adoption de cet amendement empêcherait, par exemple, la nomination à la tête de la Caisse des dépôts et consignations d’une personne ayant auparavant dirigé une de ses filiales. Nous serions alors contraints de prendre un fonctionnaire de Bercy, ce qui n’est sans doute pas l’intention des auteurs de l’amendement. La situation est identique pour l’Autorité de sûreté nucléaire. Nous avons besoin de spécialistes pour un certain nombre de postes sensibles. Il s’agit de ne pas bloquer des évolutions de carrière ou des nominations qui pourraient être tout à fait pertinentes, en vertu d’un principe qui se retournerait contre la volonté du législateur.
Enfin, les organismes concernés possèdent déjà en interne leurs propres règles de déport.
L’avis est donc doublement défavorable, par cohérence avec la position adoptée sur la loi précitée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les occasions pour le Gouvernement d’être totalement d’accord avec le président Philippe Bas sont trop rares à mes yeux. Je saisis l’occasion pour le conforter sur ce point !
J’ajoute que les emplois ciblés dans cet amendement sont des emplois qui ne relèvent pas du statut général de la fonction publique, mais de la loi organique de 2010 en matière d’emplois à la discrétion du Gouvernement.
Aux arguments déjà développés par le rapporteur, j’ajoute que cet amendement ne nous semble pas relever du cadre de ce projet de loi.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 247 est présenté par M. Collombat, Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 418 rectifié quater est présenté par Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme G. Jourda, MM. Antiste et M. Bourquin, Mme Meunier, M. P. Joly, Mmes Préville et Monier, M. Joël Bigot et Mmes Blondin et Grelet-Certenais.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 16 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 108, 109 et 110 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel sont abrogés.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 247.
M. Pierre-Yves Collombat. Contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire, le pantouflage n’est pas une exception !
Ce qui se passe réellement, c’est qu’on a abattu progressivement les barrières entre le public et le privé, et on passe de l’un à l’autre et de l’autre à l’un. Fatalement, cela aboutit à un système collusif où les intérêts se mélangent.
On constate que le Gouvernement facilite cette situation, avec laquelle il est d’accord. En effet, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait prévu qu’une personne exerçant une fonction dans le privé pouvait continuer à bénéficier des avantages du statut de la fonction publique : l’avancement, le droit à la retraite, etc. Mais où va-t-on ?
L’amendement vise à revenir sur cette disposition qui avait reçu, si ma mémoire est bonne, un avis défavorable du Conseil d’État – c’est dire ! – et à rétablir un minimum de séparation entre l’exercice des prérogatives publiques et l’exercice d’un métier privé.
Mme la présidente. L’amendement n° 418 rectifié quater n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Depuis l’adoption de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, un fonctionnaire placé en disponibilité pour exercer des fonctions professionnelles dans le secteur privé conserve ses droits à avancement et à retraite. Cette mise en disponibilité peut donc s’apparenter à un détachement.
L’amendement n° 247 vise à supprimer cette disposition. J’en comprends l’objectif, surtout que cette dernière a été introduite dans un texte qui ne comportait pas de véritable lien avec la fonction publique.
Sur un plan technique, il conviendrait de supprimer la disposition telle que « codifiée » dans le statut général de la fonction publique, mais nous pourrons voir cela au moment de la commission mixte paritaire.
Nous souhaitons entendre les explications du Gouvernement sur ce point capital : nous sommes favorables aux mobilités du public vers le privé, sous réserve des contrôles déontologiques, mais pas à n’importe quel prix !
Dans un suspense insoutenable (Sourires.), la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. La mesure visée ici est une disposition de la loi du 5 septembre 2018 qui, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, vise, d’une certaine manière, à aligner, en termes de droits pour les agents, le régime de la disponibilité pour convenances personnelles sur celui du détachement.
Avant cette loi, un agent public qui faisait valoir son droit à occuper un emploi par détachement conservait le bénéfice de son déroulement de carrière et la possibilité de relever des caisses de retraite de la fonction publique.
Si un agent obtenait une disponibilité pour convenances personnelles et qu’il revenait dans la fonction publique à l’issue de cette période, son avancement était figé à la date de son départ en disponibilité : il perdait donc le bénéfice de l’avancement, ainsi que celui de sa carrière.
Le Gouvernement a souhaité aligner les dispositions relatives à la disponibilité sur celles qui sont applicables au détachement. Cela signifie qu’un agent qui demande une disponibilité pour convenances personnelles peut, lorsqu’il revient dans la fonction publique, conserver notamment le bénéfice de son déroulement de carrière et de son avancement.
À quel type de situations cela correspond-il ?
Vous dites, monsieur Collombat, que cette mesure vise à encourager le pantouflage. En réalité, nous l’avons pensée comme une modalité tendant à faciliter les retours dans la fonction publique d’agents publics faisant valoir leur droit à une disponibilité.
Nous avons aujourd’hui des agents publics – vous avez cité précédemment quelques exemples que j’ai contestés parce que je les ai trouvés stigmatisants – qui peuvent exercer une fonction dans le secteur privé en disponibilité et dont l’expérience acquise pendant cette période peut être extrêmement bénéfique à l’administration publique.
Je prends un exemple volontairement caricatural : si un agent des services fiscaux a travaillé quelques années dans une banque privée, il est peut-être ensuite meilleur pour examiner un certain nombre de dispositions et pour lutter contre la fraude. Cela peut donc être utile.
La difficulté que l’on rencontre aujourd’hui, c’est que nous avons du mal à faire revenir les agents publics. Cela s’explique par les différences de rémunération entre le public et le privé, auxquelles il faut ajouter le fait que, à leur retour, ils reprennent leur carrière là où ils l’avaient laissée, si vous me permettez cette expression. Cela n’est guère attractif.
Par ailleurs, nous ciblons les disponibilités pour convenances personnelles. Ce terme recouvre tant la disponibilité pour exercer une fonction dans le secteur privé que la disponibilité pour des raisons tout à fait personnelles.
Parmi ces raisons, il s’agit, d’abord, d’élever un enfant au-delà du congé parental, de manière à pouvoir prolonger le temps passé auprès de celui-ci.
Il s’agit, ensuite, dans une part numériquement plus importante, de la demande de femmes – même s’il peut y avoir des hommes – mariées ou en couple avec un fonctionnaire muté d’office, comme un militaire ou un gendarme, qui souhaitent suivre leur conjoint dans sa région d’affectation.
Dans ce deuxième cas, ces femmes ne trouvent pas d’emploi public disponible correspondant à leur grade dans la nouvelle région d’affectation : elles se mettent en disponibilité, non pas pour exercer une activité dans le privé par choix, non pas pour aller pantoufler ou verser dans je ne sais quel autre travers qu’on pourrait leur reprocher, mais pour arrêter de travailler ou pour occuper un poste dans le privé, parce qu’elles n’ont pas trouvé de poste dans le public, alors qu’elles ont suivi leur conjoint. Cette situation ne relève pas du choix.
Cette disposition, qui a depuis donné lieu à la publication d’un décret le 27 mars dernier, vise, d’abord, à faciliter le retour dans le public d’agents qui ont vécu une expérience dans le privé et, ensuite, à protéger le déroulement de carrière d’agents et d’agentes qui n’ont pas fait le choix d’une disponibilité, mais qui la subissent.
J’ajoute pour compléter mon propos que nous avons ramené à cinq ans la durée totale de disponibilité, qui était jusqu’alors limitée à dix ans. Nous avons exigé, dans le décret, qu’un agent qui fait valoir une disponibilité pour cinq ans ne puisse en demander une seconde qu’après avoir passé dix-huit mois consécutifs dans son administration de retour. Il s’agit d’éviter les allers et retours séparés de quelques jours, pour lesquels effectivement on peut s’interroger sur le mobile réel de la demande de la deuxième disponibilité.
Nous avons encadré le régime de la disponibilité dans la durée et dans le « rattachement » à l’administration. Je le répète, favoriser les retours, c’est utile, tout comme il est utile de protéger la carrière de ceux, et surtout de celles, qui font valoir leur droit à une disponibilité pour convenances personnelles sans l’avoir choisie.
C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d’État, je me demandais quand vous alliez me sortir la version pour enfants que l’on sert toujours à cette occasion : c’est une disposition pour les femmes, car elle leur est favorable ! Qui pourrait être contre une telle décision ?
En réalité, ceux qui en profitent le plus, ce sont ceux pour lesquels le pantouflage est une modalité d’exécution de leur carrière. Ils ne perdent rien !
Voilà le fond du débat ! Dites franchement qu’il n’y a plus de différence entre la fonction publique et les autres métiers. La fonction publique servait apparemment jusqu’à présent à défendre l’intérêt général, celui de l’ensemble de la population, et pas celui d’une profession, fût-elle aussi glorieuse que celle de banquier.
Cela me fait penser à ce que disait un ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre : « Les banques prospèrent à l’international et viennent mourir au pays. » (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. J’ai l’impression, depuis un petit moment, d’entendre l’expression d’une suspicion généralisée de la part de collègues qui voient le mal partout… Heureusement, certains ont souligné ici qu’on peut vouloir devenir fonctionnaire par volonté, pour servir son pays sans profiter d’un moyen ou d’un autre.
Je ne sais pas si la disposition actuelle s’appliquerait à quelqu’un qui prendrait une disponibilité pour exercer un mandat d’élu. Quand on devient vice-président d’une région ou d’une grande agglomération, maire d’une ville, on peut décider de mettre entre parenthèses sa carrière dans la fonction publique le temps d’exercer ce mandat.