M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Les rapporteurs sont ce soir d’une précision et d’une pertinence remarquables : même avis.
M. le président. Madame Monier, l’amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Pierre Monier. Je suis les avis éclairés et retire l’amendement, mais nous tenions vraiment à mettre l’accent sur cette question, qui appelle une grande vigilance.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.
Article 4
Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent également opérer des versements au titre de la souscription nationale auprès de l’État ou de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Ces versements sont considérés, à titre dérogatoire, comme des dépenses correspondant à des projets d’investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine, tels que prévus au III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales. Ces dépenses ne sont pas, cependant, éligibles à un remboursement par le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu à l’article L. 1615-2 du même code.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mme Lopez, M. Sido, Mme L. Darcos, M. J.M. Boyer, Mme Deseyne, M. Calvet, Mmes Lassarade, Gruny, Garriaud-Maylam et de Cidrac et M. Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
groupements
insérer les mots :
, après s’être assurés du bon état de conservation du patrimoine cultuel placé sous leur responsabilité,
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Il s’agit surtout d’un amendement d’appel, mais la question est d’importance.
Alors que 1 milliard d’euros de promesses de don ont été récoltés en quelques heures pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, de nombreux édifices du patrimoine religieux français sont en danger faute de dons suffisants pour financer leur rénovation. Sur les 120 000 édifices religieux répertoriés, environ 30 % manquent d’investissements et d’entretien ; 3 500 églises sont en péril, et il faudrait intervenir rapidement sur environ 5 000 édifices pour qu’ils ne tombent pas en ruines.
Or les communes sont responsables de la restauration des églises qui leur appartiennent, contrairement aux cathédrales, propriété de l’État. Il paraît donc naturel que la participation de nos collectivités locales à la collecte nationale mise en place ne puisse se faire au détriment de la restauration des églises dégradées leur appartenant et soit subordonnée à un examen préalable du bon état de conservation du patrimoine cultuel placé sous leur responsabilité. Tel est l’objet de l’amendement présenté par ma collègue Viviane Lopez.
Si l’on ne peut évidemment pas reprocher à des bonnes volontés d’avoir souscrit pour Notre-Dame de Paris, il s’agit d’un petit clin d’œil à mon ami Stéphane Bern et à son travail pour le loto du patrimoine. Quand j’ai vu affluer les promesses de don par millions, j’ai pensé à toutes ces petites églises de campagne qui sont à l’abandon.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Laure Darcos a parlé très justement d’un amendement d’appel ; c’est bien ainsi que nous le considérons, et comme un soutien à ceux qui s’engagent pour le patrimoine, Stéphane Bern et bien d’autres.
La Ville de Paris, qui a beaucoup d’églises, en plus ou moins bon état, et d’autres communes ayant aussi un patrimoine important auraient-elles dû ne pas s’engager pour Notre-Dame de Paris et financer en priorité leur patrimoine ? Ce choix relève de la libre administration des collectivités territoriales, un principe auquel nous sommes tous très attachés.
Il n’y a pas de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre, ni d’ambiguïté sur le fait qu’une collectivité territoriale peut contribuer à la restauration de Notre-Dame de Paris, la loi prévoyant la possibilité d’une telle intervention en dehors du territoire de la collectivité – pour certaines actions, un principe de territorialisation s’applique, en vertu de la jurisprudence du Conseil d’État.
Cet amendement n’épuise pas la question de l’état de notre patrimoine, en particulier religieux. Chaque commune a son église, parfois plusieurs, et il arrive que de petites communes aient à entretenir des églises importantes. La loi est muette sur le sujet, et les crédits de la direction du patrimoine ne suffisent pas, non plus que ceux du loto du patrimoine.
Au nom de la libre administration des collectivités territoriales, je demande le retrait de cet amendement d’appel – il me semble que Mme Darcos y est disposée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Évidemment, il y a un grand besoin de financement pour la restauration du patrimoine, qu’il soit classé ou inscrit ou non.
En moyenne, 116 millions d’euros par an sont investis pour le patrimoine religieux classé ou inscrit ; selon les années, entre 35 millions et 40 millions d’euros vont aux cathédrales. L’État, certes avec des moyens limités, investit donc régulièrement pour le patrimoine religieux, en appui de ce qui est fait par les collectivités territoriales.
Madame la sénatrice, vous soulevez un problème sensible : dans les petites communes particulièrement, les moyens sont quasiment inexistants pour restaurer des biens patrimoniaux qui peuvent occasionner des frais très importants. Le mécénat, toutes les collectivités territoriales, l’État et des dispositifs comme le loto du patrimoine peuvent permettre la restauration de ce patrimoine, même si c’est toujours difficile et que les besoins sont nombreux.
Je considère cet amendement d’appel avec bienveillance, mais, pour la raison exposée par M. le rapporteur pour avis, je suis obligé d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 65, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Il s’agit de supprimer le second alinéa de l’article 4, en vertu duquel la participation des collectivités territoriales et de leurs groupements à la souscription nationale est considérée comme une dépense d’investissement. Une telle disposition relève du pouvoir réglementaire.
Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale et comme le ministre des comptes publics continuera de le répéter, les sommes versées ne seront pas considérées comme des dépenses de fonctionnement, mais bien d’investissement. Elles ne seront donc pas prises en compte dans le cadre du plafond de 1,2 % fixé pour l’augmentation des dépenses de fonctionnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Avec le Premier ministre et le président du Sénat, j’étais un jour à Cahors – non pas à Cahors même, malheureusement, mais sur un giratoire près de Cahors… –, pour parler, notamment, de ce qui devait entrer dans la norme de dépense. Ce sujet a évidemment passionné la commission des finances du Sénat, et nous nous sommes intéressés notamment aux investissements.
Monsieur le ministre, les dépenses liées aux « projets d’investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine » sont visées dans la partie législative du code général des collectivités territoriales. La disposition adoptée par la commission y faisant expressément référence, nous considérons qu’elle relève du domaine législatif. L’avis est donc défavorable sur l’amendement de suppression.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
I. – Ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 75 % de leur montant les sommes, prises dans la limite de 1 000 €, qui correspondent à des dons et versements, y compris l’abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts, entre le 15 avril 2019 et la date de clôture de la souscription nationale intervenant, au plus tard, le 31 décembre 2019, au profit du Trésor public, du Centre des monuments nationaux ou des fondations mentionnées à l’article 3 de la présente loi, en vue de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il n’est pas tenu compte de ce plafond pour l’application de la limite de 20 % du revenu imposable mentionnée au 1 de l’article 200 du code général des impôts.
Ces sommes ne sont pas prises en compte pour l’application du 1 ter du même article 200.
Pour les sommes excédant la limite de 1 000 €, l’excédent ouvre droit à la réduction d’impôt prévue au 1 de l’article 200 du code général des impôts.
II (nouveau). – La perte de recettes résultant pour l’État de l’application de la majoration de la réduction d’impôt sur le revenu pour les dons effectués le 15 avril 2019 est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme Marie-Pierre Monier. L’article 5 instaure un régime de défiscalisation dérogatoire pour les dons et versements effectués par les particuliers dans le cadre de la souscription nationale.
En portant la part défiscalisée de 66 % à 75 %, dans la limite de 1 000 euros, le Gouvernement souhaite encourager les dons. Toutefois, je crains que la façon d’opérer ne soit pas la bonne, dans la mesure où le choix de la réduction d’impôt ne concernera, de fait, que la moitié des Français : ceux qui sont imposables sur le revenu. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste a déposé un amendement tendant à transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt, afin que les dons de tous les Français bénéficient de la même incitation de l’État.
Il ne faudrait pas que, en dépit du plafond de 1 000 euros, cette initiative soit interprétée comme un effet d’aubaine réservé à certains. Même s’il ne s’agit pas de dénigrer les dons de quiconque, il faut se rappeler l’émoi provoqué dans la population par les annonces de don des plus grandes fortunes françaises et l’obligation qui en est résultée pour certaines d’annoncer aussi leur renoncement à la défiscalisation.
Ce régime dérogatoire pour Notre-Dame de Paris me conduit à soulever un autre point qui me tient à cœur : le financement de l’entretien de l’ensemble de nos monuments historiques. En effet, on peut s’interroger sur la possibilité de faire bénéficier d’autres monuments historiques, moins connus que Notre-Dame de Paris mais parfois dans un état de conservation dramatique, du même régime dérogatoire, afin de favoriser les dons pour leur restauration. Ce questionnement est d’autant plus légitime que, dans le même temps, il a fallu se battre aux côtés de Stéphane Bern au sujet du reversement des taxes perçues par l’État sur le loto du patrimoine, justement fléché vers les monuments en péril, et que les crédits budgétaires destinés au patrimoine monumental ont baissé de 40 % depuis 2002.
Espérons que, comme le dit l’adage, à quelque chose malheur est bon : puisse l’incendie de Notre-Dame susciter une véritable prise de conscience en faveur de notre patrimoine monumental et de la nécessité de mettre en œuvre des moyens budgétaires et fiscaux pour le sauvegarder !
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l’article.
Mme Maryvonne Blondin. En plus de notre amendement visant à remplacer la réduction d’impôt par un crédit d’impôt, nous avions déposé un amendement tendant à faire réaliser par le Gouvernement un rapport sur la possibilité juridique et financière de substituer, de manière générale, des crédits d’impôt aux réductions d’impôt. Cet amendement ne sera pas débattu, car l’irrecevabilité lui a été opposée au titre de l’article 45 de la Constitution.
J’en prends acte, mais je souhaite sensibiliser le Gouvernement sur cette question et connaître ses intentions. Aujourd’hui, moins de la moitié de la population française bénéficie, en cas de don, de dispositifs fiscaux avantageux, dans la mesure où ces derniers sont fondés sur un impôt acquitté par environ 43 % de la population. Il s’agit d’une réelle problématique en termes d’équité fiscale. Nous aurions pu apporter utilement des réponses en la matière.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 37 rectifié est présenté par Mmes Jouve et Laborde, MM. Roux et Requier, Mme Costes, MM. Castelli, Gold et Collin, Mme Guillotin, M. Léonhardt, Mme N. Delattre et MM. Cabanel, Dantec, Guérini, Gabouty, Vall, Artano, A. Bertrand et Corbisez.
L’amendement n° 51 est présenté par MM. Savoldelli, Ouzoulias et Bocquet, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Le relèvement à 75 % du niveau des déductions fiscales octroyées aux particuliers jusqu’à 1 000 euros pour les dons en vue de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris ne nous paraît pas justifié.
D’abord, il représente encore un régime d’exception. Bien que le diagnostic sur le coût total de la restauration n’ait pas encore été réalisé, les projections portent à croire que les promesses de don et les dons déjà réunis couvriront le chantier. Il ne nous semble donc pas nécessaire de stimuler une dynamique qui existait antérieurement à cette annonce fiscale.
Ensuite, nous pensons que cette réduction d’impôt est injuste à double titre. D’une part, comme il vient d’être signalé, cette réduction exceptionnelle d’impôt concerne moins d’un foyer fiscal sur deux, puisque seuls 43 % des foyers fiscaux ont payé l’impôt sur le revenu en 2017 ; les dons consentis par les personnes non imposables, pourtant les moins aisées, ne feraient l’objet d’aucun soutien fiscal. D’autre part, pourquoi d’autres monuments historiques français, parfois en péril et qui ne jouissent pas du même pouvoir d’attraction que la cathédrale Notre-Dame de Paris, ne bénéficieraient pas du même relèvement de taux ?
Enfin, il ne nous paraît pas cohérent de repousser la substitution de la réduction d’impôt par un crédit d’impôt au motif qu’elle aurait un coût pour l’État tout en proposant une majoration de la déduction d’impôt entraînant un coût supplémentaire.
J’y insiste : d’autres monuments historiques français, même quand ils sont en péril, ne bénéficient pas de cette fiscalité avantageuse.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 51.
Mme Céline Brulin. Nous proposons également la suppression de cet article pour ne pas déroger aux règles de déduction fiscale. Cette suppression mettrait tout le monde d’accord sur le débat entre le 15 et le 16 avril, ce qui sécuriserait juridiquement tout le monde.
Surtout, aussi juste soit la cause et même si nous sommes favorables à une souscription nationale mobilisant l’ensemble des Français, et au-delà, pourquoi ces donateurs bénéficieraient-ils d’un traitement plus favorable que ceux qui donnent en faveur, par exemple, de la recherche contre le cancer, de l’aide aux plus démunis ou même du soutien à d’autres monuments, dont l’état et l’histoire n’entraînent ni la même émotion ni la même visibilité ?
En outre, peut-être avez-vous entendu, comme moi, dans le moment d’émotion universelle et de générosité exceptionnelle qui a mobilisé les Français, et pas seulement eux, et qui, je l’espère, continuera de les mobiliser, que, s’il était juste de se mobiliser pour de la pierre – je reprends les termes que certains de nos concitoyens ont utilisés –, il fallait en faire autant pour les hommes et pour les femmes. Je pense qu’il faut entendre ce qui s’est exprimé et ne pas déroger au niveau de déduction actuel.
Puisqu’on rappelle à juste titre que de nombreux autres monuments nécessitent des financements, j’ajoute que le manque à gagner pour l’État s’élèverait, si nos calculs sont exacts, à un peu plus de 700 millions d’euros, une somme qui serait fort utile pour entretenir et rénover l’ensemble de notre patrimoine, entre autres causes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Sur le fond, quitte à vous surprendre, je suis relativement d’accord avec les auteurs des amendements identiques. Plutôt que d’inventer un nouveau dispositif, il aurait sans doute fallu recourir aux règles de droit commun. Je rappelle que la loi Aillagon prévoit une déduction de 66 %, dans la limite de 20 % du revenu imposable.
Je corrigerai néanmoins Mme Brulin sur un point : le relèvement du taux à 75 % ne coûtera pas plus de quelques millions d’euros à l’État. Faire passer la réduction d’impôt de 66 % à 75 % ne représente pas un avantage si considérable que cela, sachant que la moyenne des dons est de 100 euros et que, je le répète, le plafond est de 1 000 euros. Le coût sera donc extrêmement limité pour les finances publiques – le ministre a peut-être des éléments sur ce point, mais, sans doute, est-ce trop tôt pour faire une évaluation, car il faut connaître le revenu imposable de chaque donateur.
Le dispositif relatif au mécénat est assez satisfaisant en France. Certes, il existe beaucoup de niches fiscales, mais je vous rejoins, monsieur le ministre : vous avez fait, en commission, une différence entre le mécénat, qui suppose, par définition, un geste désintéressé – on n’attend pas de contrepartie – et d’autres dispositifs fiscaux. Ainsi, les dispositifs concernant le logement, qui portent le nom de tous les ministres du logement qui se sont succédé, le dernier en date étant le dispositif Denormandie, permettent au contribuable de bénéficier d’un avantage fiscal, du fait que cet investissement est de nature à encourager la construction de logements, et d’en tirer un bénéfice : dans un certain nombre de placements, le contribuable fait un choix quant à son patrimoine immobilier, tout en profitant d’un avantage fiscal. Au contraire, par nature, le don est totalement désintéressé. Il ne faut donc pas considérer qu’il s’agit d’un avantage : le contribuable débourse dans le cas présent 25 % de plus.
Pour ma part, je préférerais que l’on stabilise les dispositifs existants. Nous devons d’ailleurs être vigilants à cet égard. Le rapporteur y a fait allusion précédemment : on risque de trouver dans le projet de loi de finances – j’ai lu encore aujourd’hui un article de presse sur ce point – des dispositions visant à s’attaquer au mécénat. On entend dire que l’on va réduire les dépenses fiscales bénéficiant aux entreprises. Dès lors que le Gouvernement a à l’esprit d’exclure le CIR ou le CICE, que reste-t-il, si ce n’est les dispositions concernant la loi relative au mécénat notamment ? Or on ne peut pas demander plus aux institutions et les laisser se débrouiller pour trouver leurs propres ressources et, dans le même temps, limiter très fortement le recours au mécénat.
Néanmoins, je souhaite le retrait de ces deux amendements identiques pour une raison : la confiance légitime des contribuables. Le Premier ministre ayant déjà annoncé un taux de 75 %, le minimum est de respecter sa parole. Le contribuable pourrait se sentir floué si l’on prévoyait de retenir le taux de 66 %.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Pour cette dernière raison, il est important de ne pas revenir sur le taux de 75 %.
Pourquoi avons-nous prévu un tel taux ? L’État a voulu là aussi envoyer un signal aux Français qui ont spontanément souhaité, sous le coup de l’émotion, contribuer à la restauration de Notre-Dame de Paris. L’idée est d’accompagner cet élan de générosité des particuliers, dans une limite de 1 000 euros. J’insiste sur le don des particuliers, parce que mon propos a pu être ambigu lors de mon discours à la tribune : il s’agit bien ici des particuliers et non pas des entreprises, y compris celles qui seraient soumises à l’IRPP.
Par ailleurs, vous l’avez dit d’une certaine façon, monsieur le rapporteur pour avis, il est quelque peu paradoxal d’affirmer qu’il convient de s’assurer que l’État consacre bien cet argent à la restauration de Notre-Dame de Paris et, sinon crier au scandale, du moins pointer le fait que le dispositif créera une dépense publique supplémentaire.
Mme Céline Brulin. Ce n’est pas une dépense en plus, c’est un manque à gagner !
M. Franck Riester, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis l’a bien précisé, cela ne représente pas un fléchage beaucoup plus important du budget de l’État vers la restauration de Notre-Dame de Paris, puisque, pour un don moyen de 100 euros, le différentiel entre 75 % et 66 % représente une petite somme. C’est une preuve supplémentaire que l’État va financer la restauration de Notre-Dame au travers de la réduction d’impôt.
Il serait paradoxal de dire que l’État n’assume pas ses responsabilités tout en défendant l’idée que les mesures qu’il prend coûtent de l’argent. Il faut être logique !
Enfin, les sénatrices et les sénateurs ici présents sont, pour la plupart d’entre eux, membres de la commission de la culture, ou, en tout cas, intéressés par les questions concernant le patrimoine. Comme l’a très bien relevé M. le rapporteur pour avis, le débat autour de la question du mécénat va se poser régulièrement.
Je fais partie de ceux qui pensent que toute dépense publique doit être évaluée, pilotée et, éventuellement, redirigée, mais prenons garde au fait que le mécénat n’est pas une niche fiscale comme une autre. Ainsi que l’a très bien souligné M. le rapporteur pour avis, il n’y a effectivement pas de gain fiscal à la clé pour le contribuable. Celui-ci dépense de l’argent en plus de l’impôt dont il s’acquitte et flèche simplement son impôt vers l’objectif fixé, en l’espèce la restauration de Notre-Dame de Paris. Il n’a pas de gain fiscal, je le répète ! (M. David Assouline fait une moue dubitative.)
Non, monsieur le sénateur Assouline : on incite le contribuable à orienter son impôt vers un objectif, en lui demandant de remettre de l’argent au bout. Cette mesure n’est donc pas de nature à créer de l’injustice par rapport à n’importe quel autre contribuable. Il paiera son impôt de la même façon qu’avant et, en fléchant son impôt vers le mécénat, il dépensera 25 % ici et 34 % d’une façon générale.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il faudrait harmoniser vos argumentaires sur les différents amendements. À ceux qui veulent en rester à 66 %, vous leur opposez qu’il s’agit ici d’un dispositif d’exception. Lorsque je présenterai un amendement visant à remplacer le dispositif de réduction fiscale par un crédit d’impôt, le rapporteur pour avis va m’objecter qu’il s’agit d’un dispositif d’exception…
Je défendrai tout à l’heure l’idée selon laquelle il ne faut pas discriminer les particuliers voulant donner en faveur de Notre-Dame selon qu’ils paient ou non l’impôt sur le revenu. Ceux qui ont moins de revenus, et donc ne paient pas d’impôt sur le revenu, ne bénéficieront pas de cet encouragement de l’État.
J’estime que le Gouvernement devrait réfléchir plus globalement à la question pour ce que je vais proposer ne soit pas considéré comme un dispositif d’exception. Les personnes qui ne paient pas d’impôt sur le revenu et font des dons en faveur de la lutte contre le cancer ou de toute autre cause n’ont absolument aucun retour, ni aucune reconnaissance ; c’est un problème.
Le Gouvernement pourrait donc réfléchir à l’idée, comme l’ont proposé précédemment M. Éblé et ma collègue Blondin, de mettre en place un dispositif global permettant d’intégrer tous les donateurs. C’est une question de justice fiscale. Il ne s’agirait plus alors d’un dispositif d’exception : tout le monde serait traité sur un pied d’égalité. Mais quand on propose de telles dispositions au cours de ce débat, on nous répond que celles-ci sont irrecevables au motif qu’elles n’ont pas de rapport avec cette loi. Si on nous oppose des arguments différents à chaque fois, on ne peut pas débattre de cette question !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. J’ai bien entendu les arguments du rapporteur pour avis, mais j’ai quand même bien envie de voter ces deux amendements identiques.
En réalité, on revient sur le principe d’égalité de traitement et on hiérarchise les projets. On l’a dit précédemment, dans tous nos territoires, des églises ont aussi besoin de subventions. Dès le soir même de l’incendie, les personnes n’ont pas attendu des réductions d’impôt supplémentaires pour donner.
N’en déplaise au rapporteur pour avis, je suis tentée de voter ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. J’ai un peu de mal à comprendre l’argument consistant à dire que des personnes ont peut-être donné parce qu’on avait annoncé qu’elles bénéficieraient d’une réduction d’impôt de 75 %. Comme cela vient d’être fort justement dit, beaucoup de promesses de don avaient été faites avant même cette annonce. Je ne suis donc pas sûre que le fait de revenir sur ce pourcentage soit de nature à inverser considérablement les choses.
Par ailleurs, j’ai du mal à accepter le fait – nous sommes plusieurs à le penser – que nous devions nous conformer à l’annonce du Premier ministre ou du Président de la République. Dans ce cas, pourquoi sommes-nous réunis ici ? Sans répéter ce qu’ont dit un certain nombre de mes collègues, nous constatons que plusieurs articles sont le fait du prince. Autant je peux entendre certains arguments avancés par le rapporteur pour avis, autant je ne peux accepter que l’annonce faite au plus haut niveau doive faire force de loi ; les parlementaires ne peuvent l’entendre !
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Que l’on ne se méprenne pas : je suis totalement en phase avec vous sur le fond.
Pour la défense des causes humanitaires, patrimoniales ou autres, le régime de mécénat est relativement satisfaisant. Lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, l’enjeu, je l’annonce d’ores et déjà, sera de maintenir ce régime. Nos institutions ont des dotations budgétaires moindres. On leur demande donc très légitimement de rechercher des ressources propres, c’est-à-dire de recourir au mécénat. Il est donc important de préserver ce régime. C’est, à mes yeux, un enjeu plus important.
Je le répète, même s’il était plus simple et plus lisible de s’en tenir au dispositif en vigueur, le coût sera, en l’espèce, limité.
Je suis d’accord avec vous, avec un don moyen de 100 euros, les contribuables n’ont pas fait un don à Notre-Dame parce qu’avait été annoncé l’avantage fiscal de 75 %, au lieu de 66 %. L’effet de levier n’est pas suffisant. Toutefois – et, vous l’aurez remarqué, je ne suis pas le premier à être partisan de toutes les actions menées par le Gouvernement –, si je parle de confiance légitime, c’est parce que je considère que, s’agissant d’une loi rétroactive, dès lors que l’État, par la voix du Gouvernement, du Premier ministre en premier lieu, a annoncé ce taux de réduction d’impôt de 75 %, en termes de confiance, le minimum que l’on doit au contribuable est de respecter cette parole.
Même si nous sommes des parlementaires totalement libres de notre vote, la parole de l’État en matière fiscale est, malheureusement, très souvent remise en cause, y compris par des dispositions rétroactives. La disposition visée est favorable au contribuable, mais, souvent, ce n’est pas le cas. Même si je suis à 100 % en phase avec vous sur le fond, je préférerais que l’on respecte la parole de l’État.