M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Laugier, rapporteur. Cet amendement tend à aligner le régime fiscal et social des porteurs de presse salariés sur celui des VCP. La modification du statut des vendeurs-colporteurs entraîne logiquement des questions sur celui des porteurs de presse salariés. Sur ce sujet très technique et très complexe, je souhaiterais des éclaircissements : monsieur le ministre, vous paraît-il nécessaire d’aligner les deux régimes et quel en serait le coût ? Je rappelle que les crédits destinés à l’aide au portage ont été abaissés dans la loi de finances pour 2019. Je désire connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Oui, nous sommes favorables à l’alignement du régime des porteurs de presse salariés sur celui des VCP, mais le sujet est très technique, vous l’avez compris. J’ai besoin de passer du temps avec mes services et les services de mes collègues chargées de la santé et du travail pour arriver à rédiger comme il se doit le dispositif.
Pour l’instant, je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement. En revanche, monsieur Assouline, un peu dans l’esprit de ce que nous sommes convenus avec Mme Laborde précédemment, je me propose de travailler, en lien avec vous, ainsi qu’avec M. le rapporteur, pour proposer une rédaction qui pourrait être présentée à l’Assemblée nationale. Je vous demande donc de retirer votre amendement dans l’attente d’un texte qui corresponde bien techniquement au but visé, ce qui n’est pas encore complètement le cas avec votre amendement.
M. le président. Monsieur Assouline, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?
M. David Assouline. L’amendement, tel que je l’ai rédigé avec mon groupe, tient la route. M. le ministre a, semble-t-il, besoin de consulter d’autres partenaires. C’est difficile, un gouvernement, parce qu’il est composé de plusieurs membres ayant leurs propres compétences. La clarté n’est pas toujours au rendez-vous quand ils se concertent (Sourires.) ; c’est plutôt la complexité de leurs relations et de leurs périmètres de compétences qui est mise au jour.
Comme je veux vraiment soutenir le combat que va devoir maintenant mener M. le ministre de la culture auprès de beaucoup pour faire en sorte que ce projet de loi, avec les régulations qu’il a acceptées dans cette enceinte, puisse prospérer à l’Assemblée nationale, je ne vais pas le mettre en difficulté. Je lui fais confiance.
De toute façon, les parlementaires socialistes qui siègent à l’Assemblée nationale prendront le relais si la promesse n’est pas tenue (Nouveaux sourires.), pour redire que le principe d’égalité de traitement entre les colporteurs salariés et les VPC doit devenir une réalité.
Dans l’immédiat, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 15 est retiré.
Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions transitoires et finales
Article 7
I. − Les mandats des membres de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ne sont pas interrompus du fait de l’entrée en vigueur de la présente loi. Les dispositions de l’article L. 130 du code des postes et des communications électroniques relatives à la qualification dans le domaine de la presse requise pour la nomination des membres de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse entrent en vigueur lors de la première nomination suivant la date de l’entrée en vigueur de la présente loi.
II. − La première réunion de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse a lieu dans le mois suivant la date de l’entrée en vigueur de la présente loi.
III. − La première réunion de la commission du réseau de la diffusion de la presse mentionnée à l’article 25 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution de journaux et de publications périodiques dans sa rédaction résultant de la présente loi a lieu dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi.
IV. − Les membres de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ainsi que du Conseil supérieur des messageries de presse et de sa commission du réseau sont maintenus dans leurs fonctions dans les conditions suivantes :
1° Jusqu’à la date de première réunion de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse et le Conseil supérieur des messageries de presse exercent les compétences, autres que celle mentionnée au 2°, qui leur sont dévolues par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date de la publication de la présente loi ;
2° Jusqu’à la date de première réunion de la commission du réseau de la diffusion de la presse, le Conseil supérieur des messageries de presse et sa commission du réseau exercent les compétences qui leur sont dévolues par les 6° et 7° de l’article 18-6 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 précitée dans leur rédaction antérieure à la présente loi en matière d’implantation de points de vente, de certificats d’inscription des agents de la vente de presse et de gestion du fichier recensant les agents de la vente.
V. − À compter de la première réunion de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse suivant la date d’entrée en vigueur de la présente loi :
1° Les décisions prises par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse et le Conseil supérieur des messageries de presse avant la date de la réunion précitée sont maintenues de plein droit jusqu’à décision contraire de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ;
2° La validité des actes de constatation et de procédure accomplis antérieurement à la réunion précitée s’apprécie au regard des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date à laquelle ils ont été pris ou accomplis ;
3° Les demandes portées par le président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ou par le président du Conseil supérieur des messageries de presse devant la cour d’appel de Paris en application des dispositions de l’article 18-14 de la loi du 2 avril 1947 précitée dans sa rédaction antérieure à la présente loi sont poursuivies de plein droit par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ;
4° La charge de la défense des décisions prises par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse et par le Conseil supérieur des messageries de presse faisant l’objet d’un recours ou d’une demande de sursis à exécution encore pendants devant la cour d’appel de Paris est transférée à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
VI. − À compter de la première réunion de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse suivant la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le Conseil supérieur des messageries de presse est dissous.
La liquidation du Conseil supérieur des messageries de presse est assurée par son président assisté de son trésorier. Elle est financée sur les fonds du Conseil supérieur des messageries de presse. Les contributions mises à la charge des sociétés coopératives de messageries de presse pour l’année 2019 restent dues au liquidateur. À l’issue des opérations de liquidation, qui devront être achevées six mois au plus tard après l’entrée en vigueur de la présente loi, les fonds demeurant disponibles ou, selon le cas, les dettes restant à couvrir, sont répartis entre les sociétés coopératives au prorata de leur volume d’activité.
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par Mme Brulin, MM. Gay, P. Laurent, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été retiré.
Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
I. − Les personnes morales qui, à la date de publication de la présente loi, assurent la distribution de la presse conformément aux prescriptions de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution de journaux et de publications périodiques dans sa rédaction antérieure à la présente loi, peuvent poursuivre, sans être soumises à l’agrément prévu à l’article 11 de la même loi, dans sa rédaction résultant de la présente loi, leur activité jusqu’à la date à laquelle prendront effet les agréments délivrés par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse sur la base du cahier des charges prévu au même article 11. Elles sollicitent leur premier agrément dans les six mois suivant la publication de ce cahier des charges qui ne peut pas être postérieure au 1er janvier 2023.
Elles sont soumises sans délai aux obligations applicables aux sociétés de distribution agréées prévues par la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 précitée dans sa rédaction résultant de la présente loi.
Dans les deux mois suivant la date de publication de la présente loi, elles informent des conditions techniques, tarifaires et contractuelles de leurs prestations l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, qui fait application des dispositions du 2° de l’article 17 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 précitée.
II. – Le premier accord interprofessionnel conclu sur le fondement du 2° de l’article 5 de la loi du 2 avril 1947 précitée dans sa rédaction résultant de la présente loi est négocié entre les organisations professionnelles représentatives des entreprises de presse et des diffuseurs de presse et les personnes morales mentionnées au I. Cet accord est communiqué à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et au ministre chargé de la communication dans un délai de six mois à compter de la date de promulgation de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article. Allez-y, mon cher collègue, vous ne l’avez pas beaucoup prise… (Rires.)
M. David Assouline. Je connais les prérogatives des présidents de séance, et je sais qu’ils ne peuvent pas interdire un sénateur de parole. (Sourires.)
Le sujet dont nous traitons est très important, fondamental pour la liberté d’opinion et d’expression telle qu’elle est assurée depuis 1947. Et les trois ou quatre heures de séance publique consacrées au présent projet de loi démontrent le respect à l’égard du travail du rapporteur.
Cela étant, je tiens à prendre la parole sur l’article 8, parce que la question de la date d’ouverture de la distribution à la concurrence fait partie de l’appréciation globale que m’inspire ce projet de loi. Et nous arrivons au vote final.
Beaucoup de points ont été modifiés, précisés, et ce texte est de plus en plus acceptable. Néanmoins, il y a deux domaines sur lesquels le compte n’y est pas, ce qui suscite de grandes inquiétudes.
Le premier tient au choix de l’Arcep. Si j’avais proposé un autre système, je tombais sous le coup de l’article 40 à cause des dépenses supplémentaires, je me suis donc abstenu. Cela ne veut pas dire que j’accepte la solution retenue. Franchement, je ne suis pas convaincu.
Le second tient à la date, objet de cet article 8. Attention, je prends date ! J’ai bien entendu le ministre, qui a été précis : il faut attendre le cahier des charges, et les décrets n’interviendraient qu’au second semestre 2022, ce qui reporte l’ouverture au 1er janvier 2023.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré l’assurance du Gouvernement, j’ai le sentiment que beaucoup espèrent achever le malade Presstalis. Et si tel est le cas, c’est tout de suite que l’on ira chercher quelqu’un d’autre, car il n’y aura alors plus personne pour distribuer la presse dans le pays.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mme Brulin, MM. Gay, P. Laurent, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été retiré.
L’amendement n° 14, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
peuvent poursuivre
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
leur activité et doivent solliciter l’agrément prévu à l’article 11 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 précitée, dans les six mois suivant la publication du cahier des charges. Les personnes morales qui, à la date de publication de la présente loi n’assurent pas la distribution de la presse conformément aux prescriptions de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 précitée, ne peuvent solliciter l’agrément prévu à l’article 11 de la même loi n° 47-585 du 2 avril 1947 qu’à compter du 1er janvier 2023.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Vous imaginez que je ne vais pas être très longue, puisque David Assouline a bien présenté le sujet. Terminer la discussion du projet de loi sur l’examen de cet amendement n’est pas anodin, parce que c’est tout l’équilibre du système qui se joue.
Nous souhaitons que l’ouverture de la distribution à la concurrence ne puisse intervenir qu’à partir d’une date précise, à savoir le 1er janvier 2023. Si nous avons déposé cet amendement, c’est d’abord parce que, outre l’avis du rapporteur, nous avons surtout besoin de l’engagement ferme du ministre, même s’il nous a donné des gages précédemment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Laugier, rapporteur. Cet amendement vise à figer la période transitoire jusqu’au 1er janvier 2023 en empêchant les sociétés candidates de solliciter un agrément avant cette date. Il paraît certain que le cahier des charges et les premiers agréments ne seront délivrés que quand les acteurs historiques auront pu se mettre au niveau, ce qui, j’en suis persuadé, prendra du temps. Néanmoins, cet amendement, s’il était adopté, priverait le Gouvernement de toute souplesse dans la gestion de la période de transition, ce qui est pour moi regrettable.
Je rappelle que la commission a adopté la semaine dernière un amendement qui garantit la continuité de la diffusion, en tout état de cause. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. M. le rapporteur a tout à fait raison, l’amendement adopté la semaine dernière est important. Une fois de plus, j’ai l’occasion de saluer le travail de la commission, de Mme la présidente et de M. le rapporteur.
Je me suis exprimé longuement pour expliquer le mécanisme qui nous a amenés à retenir la date du 1er janvier 2023. Je le répète, la volonté du Gouvernement est de n’ouvrir qu’à partir du 1er janvier 2023, donc de publier les décrets quelques mois avant, c’est-à-dire en fin d’année 2022, pour laisser le temps aux entreprises qui souhaiteraient être agréées de pouvoir se préparer. Pour qu’elles en aient envie, il faut qu’elles se sentent suffisamment fortes pour pouvoir proposer aux coopératives un dispositif pertinent qui réponde à un cahier des charges ambitieux. L’agrément sera délivré par l’Arcep sur cette base.
S’agissant de la date, mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, le Gouvernement ne veut ouvrir qu’à partir du 1er janvier 2023, et les décrets ne sortiront que fin 2022.
Cependant, après une discussion avec le Conseil d’État, et comme l’a très bien expliqué M. le rapporteur, il nous a paru important de laisser un peu de souplesse au Gouvernement pour ce faire.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. C’est une question fondamentale. Vous étiez d’accord avec moi, monsieur le ministre, et, si vous développez cet argumentaire, c’est à cause du Conseil d’État. J’ai envie de vous croire. Le problème, c’est que le projet de loi, en laissant ouverte la possibilité qu’il y ait un nouvel entrant dès demain, a fragilisé de fait – je sais que ce n’est pas votre volonté, mais n’est-ce pas celle d’autres personnes ?… – le redressement de Presstalis. Que va entraîner la souplesse que vous appelez de vos vœux ? Je ne le souhaite pas, mais je crains que Presstalis, ne pouvant plus se redresser, ne périclite, accélérant ainsi l’arrivée d’un nouvel acteur, car il n’y aura plus personne pour distribuer la presse.
Je ne veux pas de ce scénario. C’est peut-être un scénario catastrophe, mais, vous le savez, mes chers collègues, il est probable si le ministre, qui peut encore nous apporter des précisions d’ici à la fin de la séance, ne met pas tout le poids du ministère de la culture dans la balance pour jouer vraiment le jeu en donnant à Presstalis les moyens de tenir.
Monsieur le ministre, vous avez exprimé le souhait que Presstalis soit adossé à un grand opérateur public. Que fait le Gouvernement pour inciter les opérateurs ? Vous répétez que Presstalis est dans un état épouvantable, ce qui n’encourage aucun opérateur public à se marier avec quelqu’un qui va lui causer des ennuis.
Pourtant, et il faut le dire, Presstalis a fait des efforts incroyables depuis deux ans. La trajectoire est bonne, et cela vaut le coup d’essayer de continuer. Cet opérateur public peut être La Poste, la Caisse des dépôts et consignations, ou un autre, mais le Gouvernement ne peut pas dire qu’il veut que Presstalis tienne le coup et ne pas user en même temps de toutes ses capacités d’influence pour qu’un opérateur s’engage.
Voilà un exemple de ce que vous pouvez faire pour que les assurances que vous nous apportez soient suivies d’effet.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Laugier, rapporteur. Le texte permet de la souplesse, si jamais il se passe quelque chose. Si l’on fige une date, on ne pourra plus rien faire. Avec le dispositif adopté en commission, le Gouvernement pourra agir en cas de coup dur, puisqu’il a la maîtrise des décrets. Par ailleurs, vous avez raison, on doit apporter certaines réponses à Presstalis, avec qui on a commencé la séance, et qui revient à la fin. C’est sûr que s’il n’y avait pas eu tous ces problèmes autour de Presstalis, la loi n’aurait pas été la même. En tout cas, texte comporte les garanties suffisantes en cas de difficulté.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Sur les garanties, nous aimerions entendre le ministre. Où est le plan censé conforter Presstalis dans la période transitoire ? Excusez-moi de le dire ainsi, mais notre débat est un peu « bisounours » par rapport à la situation.
À toutes les questions que nous posons, on oppose des réponses toutes faites. En vérité, on est face à un secteur d’une très grande fragilité. Des éditeurs sont au bord de l’asphyxie et des journaux importants peuvent disparaître, dont un qui m’est cher.
Presstalis est en très grande difficulté. Les grandes plateformes et les grands acteurs numériques de la logistique sont-ils prêts à jouer le jeu des principes de la loi Bichet ? Rien n’est moins sûr !
L’environnement n’est pas facile, donc l’engagement de la puissance publique doit être extrêmement fort, et pas seulement l’énoncé des principes ; il faut des traductions concrètes de ces principes pour l’avenir.
Sur la manière dont on va, ou pas, conforter Presstalis, il faut que M. le ministre soit un peu plus loquace que jusqu’à présent.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Ce que je vais dire permettra peut-être d’éclairer les explications de vote.
D’abord, si le système fonctionnait parfaitement, nous ne serions pas là.
Ensuite, puisqu’on m’interroge sur le soutien de l’État à Presstalis, je rappelle quand même qu’il lui a prêté 90 millions d’euros au printemps 2018, sans compter les autres actifs qu’il possède dans cette structure. L’État est donc très lié à Presstalis, dont l’avenir, au vu de son rôle essentiel dans la distribution de la presse, dans le respect du pluralisme et de l’indépendance, est fondamental. On l’a dit et le texte le prouve. L’État ne peut pas se désintéresser de son avenir.
Par ailleurs, il est clair que Presstalis a fait des efforts considérables depuis quelques années, notamment ces deux dernières, pour s’adapter et améliorer la qualité de la distribution, ainsi que sa situation économique. Il faut le reconnaître. C’est grâce à sa présidente actuelle, et c’est le fruit d’un travail avec les organisations syndicales et l’ensemble des salariés. Il importe de le dire.
Enfin, un des objectifs du projet de loi est de permettre à ces sociétés de messagerie d’être plus souples dans leur adaptation, notamment capitalistique, soit pour s’adosser à des entreprises spécialistes de la logistique, soit pour nouer des partenariats très particuliers avec ces entreprises. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons ce texte. M. le rapporteur a raison : il faut donner la possibilité malgré tout à l’État de réagir en cas de bouleversement considérable dans la distribution de la presse. Cependant, je le redis une troisième fois devant vous, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’objectif du Gouvernement est d’ouvrir le secteur à d’éventuels nouveaux acteurs à partir du 1er janvier 2023, et donc de publier les décrets relatifs au cahier des charges à la fin de l’année 2022.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Le groupe socialiste et républicain se réjouit d’avoir pu amender le projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse, qui sortira ainsi du Sénat avec des améliorations substantielles. Nous les devons au rapporteur et à d’autres collègues présents dans l’hémicycle.
Notre abstention sur ce texte se justifie néanmoins par le bilan mitigé des dispositions qu’il contient et que nous avons contestées d’emblée. En désaccord avec la solution de l’Arcep et alors que nous sommes convaincus qu’il fallait un autre opérateur de régulation, nous avons choisi de ne pas refuser le débat. Si nous avions proposé un autre opérateur de régulation, la discussion aurait tourné court parce que cet amendement aurait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Nous avons donc participé au débat, qui a apporté des améliorations. Nous n’approuvons pas pour autant ce choix, que nous ne voulons pas valider.
Il est satisfaisant que les principes de la loi Bichet de 1947 soient maintenus : système coopératif, liberté de distribution, égalité de traitement guideront toujours la distribution des journaux.
Il était urgent d’agir pour tenter d’enrayer la fermeture des points de vente de presse, ce que ce projet de loi permet. Chaque année, il en disparaît 800, situation en partie liée, il est vrai, à la chute des ventes de la presse papier au profit de la presse numérique.
Il était également nécessaire de mettre un terme au système hérité de 1947, qui faisait des éditeurs de presse à la fois des actionnaires et des clients des messageries, entraînant des conflits d’intérêts qui se concrétisaient par des ristournes systématiques accordées aux plus gros. Ces ristournes ont causé la perte financière des messageries, et plus particulièrement de Presstalis.
Il faut espérer que le nouveau système d’agrémentation des sociétés de distribution, qui distribueront la presse de façon groupée, par l’Arcep, tiré d’une nouvelle compétence de régulateur de la distribution, permettra de clarifier le secteur.
Néanmoins, le choix de cette autorité, qui ne raisonne normalement qu’en termes économiques et non au regard de l’objectif constitutionnel du maintien du pluralisme, laisse les sénateurs socialistes perplexes.
Par ailleurs, nous nous réjouissons d’avoir pu améliorer le dispositif en votant les amendements du rapporteur et en obtenant l’adoption des nôtres. Ils concernaient l’encadrement des pouvoirs dont disposera l’Arcep en termes de garanties du maintien du pluralisme, de meilleur maillage du territoire, de transparence des tarifs pratiqués.
Nous sommes aussi contents d’avoir pu limiter le champ d’intervention de l’Arcep à la seule distribution groupée de la presse, afin que les éditeurs qui s’auto-distribuent, principalement la PQR, puissent continuer à le faire, sans droit de regard de cette autorité.
M. le président. Il faut conclure !
M. David Assouline. Face à l’équilibre fragile auquel aboutit le projet de loi, les sénateurs du groupe socialiste et républicain ont choisi de s’abstenir. C’est plutôt positif, car au début du débat, nous pensions voter contre !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous n’avons pas été convaincus par le débat. Nous continuons de ressentir une contradiction entre les principes affirmés, voire réaffirmés, et la réalité. Nous prenons acte des engagements sur les principes et nous ne prenons pas à la légère les paroles prononcées en la matière. Mais nous ne sommes pas convaincus par la rédaction retenue pour traduire ces principes dans le projet de loi, qu’il fragilise au lieu de les conforter, contrairement à ce qui nous est dit, ce qui nous inquiète.
Notre vote contre va exprimer une exigence. Parfaitement conscients que le système doit évoluer, nous ne sommes pas des partisans du statu quo. Si une évolution s’impose, les directions prises soulèvent, à nos yeux, plus de questions qu’elles n’en résolvent.
De plus, nous considérons que le débat sur un enjeu aussi majeur pour la démocratie a été un peu léger. Je n’en fais pas porter la responsabilité aux seules personnes présentes dans l’hémicycle, mais je pense que cette question est peut-être considérablement sous-estimée. D’ailleurs, vous avez souligné à l’instant, monsieur le ministre, que si le Gouvernement a apporté à plusieurs reprises un soutien fort à Presstalis, c’est parce que la rupture du service de la distribution de la presse résonnerait comme une catastrophe démocratique majeure. La question est donc extrêmement sérieuse.
Nous verrons comment évoluera la discussion lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. J’espère que dans les mois et les années à venir et dans la période que vous ouvrez jusqu’à 2023 nous aurons l’occasion d’avoir des débats récurrents sur cette question, assortis d’évaluations de l’évolution de la situation. Nous souhaitons la confronter aux principes affirmés et vérifier que le chemin choisi permet de conforter la démocratie et le pluralisme.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !