M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 49, présenté par M. Jacquin, Mmes Taillé-Polian et Grelet-Certenais, M. Bérit-Débat, Mme Tocqueville, MM. Joël Bigot et M. Bourquin, Mmes Conconne et Lepage, MM. Tourenne et Vallini, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Tissot et Mme Blondin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 45
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« III. – Pour les services mentionnés au 1° du II de l’article 299, le montant de la taxe est calculé en appliquant à l’assiette définie au I du présent article un taux allant de 3 à 6 %.
« Ce taux est assis de manière progressive en fonction de la volumétrie carbone moyenne des actes de livraison réalisés dans l’année, selon les modalités fixées par le décret n° 2017-639 du 26 avril 2017 relatif à l’information sur la quantité de gaz à effet de serre émise à l’occasion d’une prestation de transport.
« IV. – Les modalités d’application du III sont fixées par décret.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Cet amendement, ainsi que l’amendement suivant, vise, à l’occasion de l’instauration de la taxe sur les Gafa, à réduire les émissions de carbone que génèrent les livraisons. Il a donc pour objet de créer un taux dérogatoire progressif à la taxe sur les services numériques, dans le cas particulier des places de marché proposant la revente et la livraison de biens. Il tend, en effet, à prévoir que les donneurs d’ordres abondent une redevance en fonction de la volumétrie carbone du transport qu’ils ont commandé et appliquent ainsi le principe « pollueur-payeur ».
Ce dispositif peut paraître complexe, mais il s’inspire d’un décret existant et vise à inciter la plateforme à utiliser des solutions de transport plus écoresponsables. En effet, ce mécanisme de remontée d’informations sur le volume de carbone généré par un transport a été inventé du temps du Grenelle de l’environnement. Un décret d’avril 2017 impose actuellement aux transporteurs, pour tous les modes, d’informer leurs clients sur la quantité de gaz à effet de serre émise pour chaque prestation de transport.
Dès lors, les entreprises donneuses d’ordre, ici les plateformes qui livrent des biens, feront une déclaration directe de leur volume d’émissions de carbone, ce qui permettra de moduler la taxe sur le numérique. Ce dispositif incitera les entreprises donneuses d’ordre à avoir moins recours à des modes de livraison dits « express » ou « rapides » et à des camions ou à des véhicules utilitaires dont la capacité volumétrique n’est pas optimisée.
J’avais présenté cet amendement dans le cadre du projet de loi Mobilités. Il s’agissait alors d’un amendement d’appel, appuyé par le syndicat OTRE de transporteurs. Cette idée avait été reprise par deux députés lors de l’examen de ce projet de loi à l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par M. Jacquin, Mmes Taillé-Polian et Grelet-Certenais, M. Bérit-Débat, Mme Tocqueville, MM. Joël Bigot et M. Bourquin, Mmes Conconne et Lepage, MM. Tourenne et Vallini, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Tissot et Mme Blondin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 45
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les services mentionnés au 1° du II de l’article 299, le montant de la taxe est calculé en appliquant à l’assiette définie au I du présent article un taux de 5 % dans le cas où les coûts totaux des actes de livraison réalisés dans l’année excèdent les recettes totales réalisées dans l’année, encaissées au titre des frais de livraison acquittés par les clients de l’interface.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Cet amendement s’appuie sur le même raisonnement. Il s’agit de rendre les livraisons et les transports vertueux.
Cet amendement tend à introduire un autre mécanisme, inspiré de l’interdiction de la revente à perte. Il vise à instaurer un taux de 5 % lorsque l’entreprise numérique propose des services de livraison dont les coûts totaux excèdent les recettes demandées au titre des frais de livraison payés par les consommateurs.
On a interdit aux plateformes numériques de proposer des livraisons gratuites. Elles ont donc inventé les transports à 0,01 centime. Le mécanisme que nous proposons permettrait d’éviter les reventes à perte.
Ce taux inciterait les places de marché et les entreprises de livraison de biens à proposer des frais de livraison plus proches de leur coût réel. Ainsi, des modes de livraison plus propres seraient encouragés et les livraisons « express » ou « rapides » seraient moins utilisées. Quant aux consommateurs, ils seraient encouragés à privilégier le commerce physique ou des livraisons moins rapides, ce qui permettrait d’optimiser et de massifier les transports.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Tout le monde partage les objectifs de M. Jacquin de rendre les transports plus vertueux. C’est une excellente idée. Le seul problème, c’est que les transports ne sont pas inclus dans l’assiette de la taxe. Cet amendement est donc hors champ.
M. Jean-François Husson. Il est hors sujet !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Les prestations de transport ne sont pas du tout concernées par la taxe. Ces amendements ne sont pas du tout opérants, même si le sujet évoqué est tout à fait intéressant.
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Nous partageons évidemment les objectifs écologiques dans le domaine des transports exposés par M. le sénateur. Toutefois, pour des raisons liées à l’assiette de la taxe, comme l’a dit le rapporteur, et pour des raisons de cohérence avec ce que nous avons retenu à l’échelon européen, et compte tenu de la complexité qu’entraînerait la mise en œuvre des dispositifs que tendent à introduire ces deux amendements, nous y sommes défavorables.
M. le président. Monsieur Jacquin, les amendements nos 49 et 50 sont-ils maintenus ?
M. Olivier Jacquin. Vous me dites que les transports ne sont pas inclus dans l’assiette de la taxe. Je l’ai bien compris. Mes amendements visent justement à contester l’assiette proposée, à l’heure du réchauffement climatique et des problématiques générées par les transports en flux express. Nos propositions permettraient de prendre en compte ces questions.
Je constate que ces amendements n’ont pas été déclarés irrecevables. S’ils étaient adoptés, ils permettraient d’atteindre d’autres objectifs. Je regrette que la création de cette nouvelle taxe ne vous ait pas donné l’idée de lutter aussi contre le réchauffement climatique et contre la congestion dans les transports, soit des problématiques contemporaines.
Cela étant, je retire ces amendements.
M. le président. Les amendements nos 49 et 50 sont retirés.
L’amendement n° 48 rectifié ter, présenté par M. Pointereau, Mme Eustache-Brinio, MM. Cardoux, Sol, Grand, Decool, Regnard, de Nicolaÿ, Lefèvre, Moga et Danesi, Mmes Guidez et Bruguière, M. Fouché, Mmes Puissat et L. Darcos, MM. Luche et D. Laurent, Mmes Gruny, Richer et Billon, MM. del Picchia, Kennel, B. Fournier, Hugonet, Guerriau, Brisson, Vogel, Canevet, Charon, Mayet, Reichardt, Bizet et Laménie, Mme A.M. Bertrand, M. Chasseing, Mmes Duranton et de Cidrac, MM. Pierre, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Lamure, MM. Segouin et Courtial, Mme Férat, M. Vaspart, Mmes Ramond, Lassarade et Noël, MM. Louault, Houpert et Gremillet et Mme Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 54
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. …. – Dès la première année de perception du produit total de la taxe prévue à l’article 299 une part dudit produit est affectée à la dotation globale de fonctionnement (DGF) tel que définie par l’article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Même s’il n’est pas politiquement correct, aujourd’hui, d’inventer de nouvelles taxes, je me réjouis de la création de cette taxe sur les services numériques. En effet, cela est cohérent avec la proposition de loi instaurant un pacte de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, que j’avais présentée avec Martial Bourquin et qui prévoyait une taxe sur les Gafa pour financer des opérations de restructuration.
L’amendement rappelle notamment la nécessité de parvenir à une équité fiscale complète entre les entreprises du commerce physique et celles du commerce numérique. À cette fin, nous proposons qu’une part du produit de la taxe soit affectée à la dotation globale de fonctionnement. La discussion se prolongera lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, mais je suis prêt à rectifier dès maintenant cet amendement, pour affecter par exemple le produit de la taxe à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, afin de financer des opérations de revitalisation, ou au Fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce, le Fisac, dont l’enveloppe est devenue insuffisante pour répondre aux besoins de nos commerces locaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’idée est en effet assez séduisante, et parfaitement cohérente avec la proposition de loi adoptée à l’unanimité, si ma mémoire est bonne, par le Sénat.
M. Rémy Pointereau. Oui.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. J’identifie toutefois un risque. Nous avons décidé que la taxe devait être temporaire et ne vaudrait que pour les années 2019, 2020 et 2021, en attendant l’adoption d’une disposition dans le cadre de l’OCDE. Dès lors, si l’on en affecte le produit à la DGF, à la DETR ou au Fisac, il n’y aura pas de garantie de ressources pour les collectivités territoriales. Lorsque la taxe disparaîtra, l’État compensera-t-il la perte de recettes qu’elles subiront ? Nous ne le savons pas. Il convient donc d’être prudents. La commission émet un avis de sagesse réservée sur cet amendement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Il est défavorable. Indépendamment du principe de non-affectation des taxes, il ne nous semble ni souhaitable ni nécessaire de lier le débat sur la taxation des entreprises du numérique et celui sur le bon niveau de la DGF.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je ne voudrais pas que l’on passe ce soir à côté de l’essentiel en voulant se faire plaisir.
L’essentiel, c’est l’équité entre le commerce physique et le e-commerce, la disparition des commerces physiques des centres-bourgs et la révision de la fiscalité locale, notamment la taxe sur les surfaces commerciales, la Tascom. Si le Gouvernement ne s’attèle pas à ces sujets d’importance, nous le ferons. Le e-commerce peut être bénéfique, mais il peut également être destructeur de valeur. Il nous revient de faire évoluer une fiscalité qui n’est plus adaptée. Je souhaiterais que la question soit abordée plus globalement en loi de finances, en étudiant les différences réelles qui existent entre un commerce physique, soumis à l’impôt national, aux charges foncières et aux impôts locaux, et une entreprise de e-commerce, qui peut quasiment échapper à toute taxation si ses entrepôts sont situés hors de France. Je suggérerai plutôt, à titre personnel, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Pointereau, l’amendement n° 48 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Rémy Pointereau. J’étais disposé à rectifier cet amendement d’appel pour affecter le produit de la taxe à la DETR ou au Fisac, mais je comprends qu’il soit difficile de trancher aujourd’hui. Nous devrons toutefois faire en sorte que cette taxe sur les Gafa serve aussi à restructurer nos commerces détruits par le commerce numérique, selon une logique gagnant-gagnant. Pour l’heure, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 48 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 16, présenté par M. Carcenac, Mme Taillé-Polian, MM. Lurel, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mme Artigalas, MM. Bérit-Débat et Jacquin, Mmes G. Jourda et Lepage, MM. Mazuir, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 83
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, l’engagement de cette procédure peut être assorti de pénalités supplémentaires.
La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Eu égard aux difficultés que connaîtra l’administration fiscale pour exercer des contrôles en matière de taxe sur les services numériques, il convient de mettre en place un dispositif de sanctions suffisamment dissuasif pour éviter toute dissimulation ou manipulation de données de la part des entreprises redevables. En l’absence de modalités de sanctions assez fortes, il est permis de s’interroger sur les démarches qui seront entreprises en la matière par l’administration fiscale.
En outre, les seuils de redevabilité existants garantissent de fait que les entreprises assujetties disposent d’une expertise suffisante pour pouvoir renseigner efficacement et exhaustivement l’administration, sans que cela entraîne pour elles des coûts de gestion exorbitants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Notre collègue Thierry Carcenac souhaite instaurer des pénalités spécifiques. Il me semble que le problème, c’est la détermination de l’assiette, plus que les pénalités. Le président de la commission et moi-même sommes allés consulter les dossiers des grandes entreprises : toute la difficulté – on le voit dans la jurisprudence administrative – est de pouvoir établir le chiffre d’affaires. Cette taxe étant déclarative, les entreprises paieront ce qu’elles voudront et l’administration aura toutes les peines du monde à établir le chiffre d’affaires d’entreprises qui n’ont pas d’établissement stable en France. Il est difficile d’obtenir des données fiables. Aujourd’hui, lors des contrôles, les entreprises disent qu’elles vendent depuis l’Irlande et qu’elles ne peuvent pas détailler le chiffre d’affaires réalisé en France.
Peut-être le Gouvernement pourra-t-il nous éclairer ? Sinon, je demanderai le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Il nous semble que cet amendement pose un problème constitutionnel : c’est en effet au seul législateur, et non au Gouvernement, qu’il appartient de définir les sanctions en matière fiscale.
Sur le fond, l’amendement n’en reste pas moins extrêmement important. La capacité de la puissance publique à réguler efficacement les entreprises du numérique, qu’il s’agisse de taxation, de régulation des contenus haineux ou de protection de la vie privée, est une question de survie pour les gouvernements du monde entier. Si nous ne sommes pas capables de faire respecter la loi et de protéger nos concitoyens, pour des raisons de capacités techniques ou de lenteur de réaction, ceux-ci se tourneront vers des solutions plus radicales.
En l’espèce, j’ai une petite divergence d’appréciation avec le rapporteur sur un point : il me semble que nous avons aujourd’hui une assez bonne estimation de ce que devrait être le produit de cette taxe, et nous serons évidemment extrêmement attentifs à ce que le décalage éventuel entre nos attentes et la réalité de ce produit ne soit pas trop grand.
Il y aura bien entendu un temps de discussion et d’adaptation, notamment pour les plus petits acteurs, souvent français, qui sont les moins armés en termes de conseil fiscal. L’idée est de déterminer le bon niveau de fiscalité.
Tout impôt étant déclaratif, à commencer par l’impôt sur le revenu, la question est de savoir si l’on est capable ensuite de réunir les informations nécessaires. Ont d’ores et déjà été mis en place des moyens spéciaux de contrôle, des obligations spécifiques, un droit de reprise de six ans au lieu de trois ans pour les taxes similaires, à la suite de l’adoption à l’Assemblée nationale d’un amendement déposé par Émilie Cariou, une demande de justifications spécifiques, une procédure de taxation d’office à défaut de réponse ou d’éléments probants, une obligation pour les entreprises qui ne sont pas établies dans l’Union européenne ou dans l’Espace économique européen de désigner un représentant fiscal, la possibilité de faire jouer les instruments de coopération fiscale internationale pour obtenir des informations sur les redevables, voire solliciter une assistance au recouvrement.
Il y a donc une vraie volonté politique de mettre en place une taxe efficace. Nous pensons, à ce stade, que les outils prévus sont proportionnés, mais ils pourront toujours être revus, bien entendu.
L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote.
M. Thierry Carcenac. Je vous remercie de ces explications, monsieur le ministre.
J’avais bien pris note des dispositions votées à l’Assemblée nationale ; j’ai également entendu l’argument relatif à la constitutionnalité. L’objet de cet amendement était d’obtenir les déclarations : je me doute bien que nous irons, à terme, vers des taxations d’office, voire des transactions amiables.
Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 16 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 92 et 93
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite, par le biais de cet amendement, supprimer les dispositions introduites par la commission visant à prévoir la déductibilité du montant de taxe sur les services numériques acquitté du montant de la contribution sociale de solidarité des sociétés, ou C3S.
La TSN est déjà déductible de l’assiette de la C3S, comme toutes les taxes assimilées à des taxes sur le chiffre d’affaires. La rendre par ailleurs déductible du montant de C3S lui-même introduirait un traitement inéquitable par rapport aux autres taxes assises sur le chiffre d’affaires, conduisant à un avantage non justifié pour les futurs redevables de la TSN. Dès lors que la TSN vise certains services numériques, cette déductibilité s’apparenterait à un avantage sélectif accordé spécifiquement à ce secteur. Le dispositif qui en résulte aurait le caractère d’une aide d’État.
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement, qui garantit la sécurité juridique du dispositif proposé.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Gabouty, Collin, Requier, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, M. Gold, Mmes Guillotin et Laborde et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 93
1° Supprimer les mots :
, dans la limite de son montant,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si le montant de la taxe est supérieur au montant de la contribution due au titre de la même année, ils peuvent déduire la taxe qu’ils ont acquittée de la contribution au titre des trois années suivantes.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement vise à consolider la possibilité de déduire la TSN de la C3S sur trois années. On trouve dans le code général des impôts de nombreux exemples de tels mécanismes de report de déductibilité.
Le montant de la taxe pourra en effet connaître une certaine irrégularité : une entreprise pourra avoir trop à déduire une année et rien l’année suivante. Il me semble donc raisonnable de permettre d’étaler la déduction sur trois ans, selon le même principe que pour le franchissement de seuils. On trouve des dispositifs similaires, sur le plan fiscal, pour l’ISF-PME, auparavant, ou le DEFI-forêt.
En pure logique comptable, il aurait sans doute été préférable d’opérer cette déduction sur des bases de valeur ajoutée, plus en rapport avec le chiffre d’affaires et le profil d’exploitation d’une entreprise, mais il aurait alors fallu prévoir une compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, pour les collectivités locales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Nous sommes réunis aujourd’hui pour créer une taxe sur des entreprises qui acquittent peu d’impôt sur les sociétés en France alors qu’elles y réalisent un chiffre d’affaires important, pas forcément connu. L’objectif n’est pas d’alourdir la fiscalité pour les entreprises qui payent déjà normalement l’impôt.
Dans un monde idéal, nous aurions donc souhaité que la taxe nouvelle soit déductible de l’impôt lui-même. Par exemple, une entreprise qui paye déjà 10 millions d’euros d’impôt sur les sociétés en France aurait ainsi pu déduire de ce montant les 5 millions d’euros de taxe sur les services numériques qu’elle devra acquitter en plus. En d’autres termes, nous aurions souhaité que la création de la taxe soit neutre pour les entreprises qui s’acquittent déjà de leurs obligations fiscales, mais on se heurte alors aux conventions fiscales. C’est la raison pour laquelle a été proposé un dispositif de déduction de la C3S, qui est un impôt sur le chiffre d’affaires. Cette solution n’est pas parfaite, mais elle amoindrit un peu la charge pour les entreprises françaises qui s’acquittent déjà de l’impôt sur les sociétés.
Bizarrement, le Gouvernement veut supprimer cette disposition introduite par le Sénat, au prétexte qu’il s’agirait d’une aide d’État – notion qu’il invoque ou pas selon les circonstances… La commission est évidemment très défavorable à l’amendement n° 24.
La proposition de notre collègue Jean-Marc Gabouty de lisser la déduction sur trois ans est intéressante. Toutefois, le dispositif de l’amendement n° 63 rectifié ne me paraît pas vraiment opérant, car que se passe-t-il au bout de trois ans ? Il n’est pas prévu de remboursement. Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 63 rectifié ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je dois être le seul secrétaire d’État au numérique qui demande au Sénat de ne pas réduire la fiscalité sur les entreprises du numérique !
La TSN étant acquittée par les seules entreprises du numérique, le dispositif de déduction de la C3S adopté par la commission n’allège la fiscalité que pour celles-ci. Cela introduirait, outre une perte de rendement, une certaine distorsion de concurrence avec le secteur industriel.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Les possibilités de déduction existant pour un certain nombre d’impôts ne valent pas toujours ad vitam aeternam. La déduction peut s’opérer sur les années n+1, n+2 et n+3, le solde excédentaire éventuel de l’année « n » étant ensuite définitivement perdu.
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 98
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il renseigne particulièrement les parlementaires sur les possibilités de la mise en œuvre d’une coopération renforcée pour la fiscalité du numérique à l’échelle européenne.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Depuis le début de nos échanges, nous recherchons les moyens d’une coopération renforcée pour une fiscalité sur le numérique à l’échelle européenne. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de renseigner l’ensemble des parlementaires sur les possibilités existant à cet égard, pour qu’ils puissent être aux côtés de l’État sur ce sujet dans le cadre des discussions européennes. Je remercie Albéric de Montgolfier d’avoir sollicité en commission l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Nous sommes tous convaincus que le niveau pertinent d’une imposition sur les géants du numérique est a minima celui de l’Europe. Le Gouvernement a souligné l’échec des négociations au Conseil européen. Cependant, si la France veut être leader, comme elle a pu l’être au plan international à certaines périodes en matière de fiscalité environnementale, elle ne doit pas s’accommoder de cette situation. Pour que nous puissions avoir une approche dynamique et évolutive, il nous semble nécessaire de pousser les débats en Europe. Des pays comme l’Italie, l’Espagne ou l’Autriche ont déjà lancé des projets, et il suffirait que neuf États membres s’engagent pour qu’une coopération renforcée soit possible.
La possibilité de mener des coopérations renforcées est souvent évoquée par le Président de la République, par exemple pour l’Europe de la défense. Pourquoi ne pas le faire pour la fiscalité numérique ? Nous ne sous-estimons pas les difficultés, mais il nous semble que cet amendement peut rassembler une majorité au Sénat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?