M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Comme l’a souligné M. le rapporteur, il s’agit encore une fois d’une grande question. Son traitement nécessite une résolution multifactorielle, ce que nous avons d’ailleurs déjà commencé à faire.
La mise en perspective de la problématique est intéressante. Se posent à la fois la question de l’affectation des jeunes enseignants en REP et en REP+, celle de la pérennité des postes et celle du travail d’équipe, assez liée à la précédente.
En ce qui concerne la pérennité, je citerai des chiffres rassurants : la moyenne d’exercice est de huit ans en REP et en REP+, contre dix ans ailleurs. Certes, on pourra me rétorquer que cet exercice pendant huit ans est plus ou moins volontaire et que la vraie question est celle de la création du désir.
Quoi qu’il en soit, il importe d’aborder ce sujet avec subtilité, car exercer en REP et en REP+ peut être source de très grand bonheur. On peut être excellent professeur tout en étant jeune et moins bon professeur en étant plus âgé en REP+. Bref, ce sujet ne doit pas faire l’objet d’une approche binaire – ce n’est d’ailleurs pas votre position, mesdames les sénatrices.
Cela dit, nous travaillons sur ces questions et nous avons obtenu de premiers résultats intéressants. La prime REP+, de 2 000 euros par an, que nous avons mise en place a constitué un élément d’attractivité auprès des personnels plus expérimentés. Le dédoublement des classes de CP et CE1 en REP et en REP+ a eu le même effet. J’en profite pour signaler que cette mesure a aussi eu une incidence positive sur la mixité sociale en REP et en REP+.
Ce ne sont certes que des premiers bourgeons, mais nous comptons également sur notre politique de gestion des ressources humaines de proximité, articulée avec les thématiques de profilage de postes que nous avons évoquées.
Je ne pense pas que vos propositions soient appropriées du point de vue législatif. Bien sûr, j’adhère à l’esprit de ces amendements, mais la solution passera par des stratégies de politiques publiques, dont je viens de vous donner quelques éléments. C’est uniquement pour cette raison que j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Madame Delmont-Koropoulis, l’amendement n° 21 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J’apprécie les réponses de M. le rapporteur et de M. le ministre. Ils ont reconnu l’un et l’autre qu’il s’agissait d’un vrai problème. Deux de nos collègues députés ont d’ailleurs produit un rapport sur la Seine-Saint-Denis dans lequel l’école est pointée du doigt. Je voulais vous alerter sur le fait qu’un département comme celui-ci souffrait énormément : les situations auxquelles est confrontée l’école concernent aussi la police, avec leur lot de souffrance pour les personnels et pour les élèves. J’espère que nous aurons l’occasion de revenir sur ce point pour affiner notre réflexion. Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 172 est retiré.
Article 12 ter (nouveau)
Après l’article L. 625-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 625-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 625-2. – Au cours des trois années qui suivent sa titularisation, chaque enseignant bénéficie d’actions de formation qui complètent sa formation initiale. »
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Puisqu’il est question de la formation des enseignants, je veux attirer votre attention, monsieur le ministre. Ce qui fait la force, l’efficacité, d’un professeur, c’est sa personnalité. Il importe de ne jamais l’oublier !
Bien sûr, on peut essayer de tout cadrer et de faire des têtes bien pleines, mais l’important est d’avoir plutôt, nous le savons tous, des têtes bien faites…
J’insiste sur ce point, les futurs professeurs doivent être des personnes solides, fortes de leur foi de transmettre leur savoir, car, au bout du compte, un professeur est seul face à ses élèves la majorité du temps. Il faut qu’il y soit préparé.
Si être professeur, c’est exercer le plus beau métier du monde, c’est aussi exercer un métier prenant et difficile nerveusement, les enfants d’aujourd’hui étant ce qu’ils sont, tout particulièrement au collège. Les enseignants doivent compter sur eux-mêmes, d’abord, sur leur savoir et croire en eux. Ils doivent puiser en eux par la force de leur connaissance, de leurs convictions et de leur envie de transmettre. Ils doivent faire preuve d’inventivité et d’adaptabilité. Ils doivent aussi éviter les dogmes et toujours réfléchir par leurs propres moyens. Ils doivent s’appuyer sur le savoir dès le départ et être forts de ce qu’ils sont intrinsèquement, c’est-à-dire habités !
On en impose par ce que l’on est, par ce que l’on porte et par la bienveillance dont on fait preuve à l’égard des élèves. C’est important puisqu’au bout du compte c’est la réussite de ceux-ci qui est en jeu.
Monsieur le ministre, en raison des difficultés de recrutement, il est important de bien mettre l’accent sur tous ces points lors de la formation des professeurs : faisons-leur savoir qu’ils devront être des personnes fortes !
M. le président. L’amendement n° 380 rectifié bis, présenté par Mme Cartron et MM. Cazeau, Yung, Haut, Théophile, Hassani, Karam, Mohamed Soilihi, Bargeton, Marchand, Buis et de Belenet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces actions de formation prennent en compte les spécificités des territoires d’exercice des professionnels, dont le contexte social de l’établissement.
La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. L’alinéa 2 de l’article 12 ter est ainsi rédigé : « Au cours des trois années qui suivent sa titularisation, chaque enseignant bénéficie d’actions de formation qui complètent sa formation initiale. »
Or certains enseignants, en particulier dans les territoires difficiles, se trouvent parfois très démunis par manque de connaissance de la spécificité de ces territoires et de ces publics. Afin de les aider à bien s’intégrer et d’éviter le turnover, il serait utile, dans les trois années qui suivent leur nomination, de les sensibiliser, via des actions de formation, à ces problématiques particulières qui n’ont peut-être pas été abordées durant leur formation initiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. J’apprécie nos débats sur la formation des professeurs, car c’est un métier difficile, qui s’apprend dans la durée et dans lequel on entre progressivement. Cet amendement, madame Cartron, va dans le bon sens.
Je crois beaucoup en une formation initiale continuée, s’inscrivant dans la durée. On ne peut pas tout apprendre dans les Espé avant la titularisation. Prenons d’ailleurs garde à ne pas trop charger la barque de cette formation initiale, sous peine d’éparpillement et de dispersion. Comme le prévoit cet amendement, il faut aussi que les nouveaux titulaires bénéficient d’une formation aux enjeux spécifiques de leur territoire, ce qui rejoint les propos de Mme Assassi. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je souscris au contenu de cet amendement et à son esprit. Néanmoins, il anticipe sur les discussions qui ont lieu avec les organisations syndicales et l’ensemble des partenaires, puisque le référentiel de formation va prévoir que 10 % du temps sera consacré aux spécificités du territoire. Cet amendement me semble donc superfétatoire. J’en demande le retrait, mais avec une vigueur toute relative ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 12 ter, modifié.
(L’article 12 ter est adopté.)
Chapitre II
Les personnels au service de la mission éducative
Article 13
(Non modifié)
I. – L’article L. 911-5 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. – Sont incapables de diriger un établissement d’enseignement du premier ou du second degré ou tout établissement de formation accueillant un public d’âge scolaire, qu’il soit public ou privé, ou d’y être employés, à quelque titre que ce soit : » ;
2° Au 1°, les mots : « subi une condamnation judiciaire » sont remplacés par les mots : « été définitivement condamnés par le juge pénal » ;
3° À la fin du 3°, les mots : « définitive d’enseigner » sont remplacés par les mots : « d’exercer, à titre définitif, une fonction d’enseignement ou une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs » ;
4° L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« II. – Est incapable de diriger un établissement d’enseignement du premier ou du second degré ou tout établissement de formation qu’il soit public ou privé, accueillant un public d’âge scolaire, ou d’y être employée, toute personne qui, ayant exercé dans un établissement d’enseignement ou de formation accueillant un public d’âge scolaire, a été révoquée ou licenciée en application d’une sanction disciplinaire prononcée en raison de faits contraires à la probité et aux mœurs. » ;
5° Le dernier alinéa est supprimé.
II. – L’article L. 444-6 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au a, les mots : « subi une condamnation judiciaire » sont remplacés par les mots : « été définitivement condamnés par le juge pénal » ;
2° À la fin du c, les mots : « absolue d’enseigner » sont remplacés par les mots : « d’exercer, à titre définitif, une fonction d’enseignement ou une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ».
III. – L’article L. 445-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au a, les mots : « subi une condamnation judiciaire » sont remplacés par les mots : « été définitivement condamnés par le juge pénal » ;
2° À la fin du c, les mots : « absolue d’enseigner » sont remplacés par les mots : « d’exercer, à titre définitif, une fonction d’enseignement ou une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ».
IV. – Au 2° de l’article L. 731-7 du code de l’éducation, les mots : « subi une condamnation » sont remplacés par les mots : « été définitivement condamnés par le juge pénal ». – (Adopté.)
Article 13 bis
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 426 rectifié bis, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre et MM. Gold, Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la généralisation de la visite médicale pour les personnels de l’Éducation nationale tout au long de leur carrière et sur la faisabilité d’une telle mesure.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Je connais la position ferme de la commission sur les demandes de rapport. Toutefois, en respectant les contraintes de l’article 40 de la Constitution que je n’ignore pas, je ne pouvais pas aborder autrement que par ce biais la question de la visite médicale des personnels enseignants, qui me paraît au demeurant extrêmement problématique, ce qui justifie à mes yeux une expertise sur sa généralisation.
En pratique, les professeurs des écoles ne voient le médecin du travail qu’une fois au cours de leur vie professionnelle, au moment de leur titularisation, alors qu’une visite régulière serait requise, car ils sont en contact permanent avec les enfants. La visite médicale permet de s’assurer du maintien de l’aptitude de l’intéressé au poste de travail qu’il occupe et de dépister les maladies dont il pourrait être atteint.
Il me paraît donc justifié de rétablir l’article 13 bis demandant un rapport sur la faisabilité de la généralisation de la visite médicale pour les personnels enseignants tout au long de leur carrière, à moins que M. le ministre ne soit porteur du message auprès de Mme Buzyn, qui pourrait intégrer cette mesure dans la loi Santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Mme Laborde soulève une question qui mérite un vrai débat. Je suis bien sûr défavorable à une demande de rapport. Néanmoins, je suis très favorable à la généralisation de la visite médicale. Le ministère de l’éducation, qui compte plus d’un million de fonctionnaires, n’a pas assez de médecins. L’encadrement médical est un vrai problème, mais ce n’est pas nouveau, et M. le ministre n’en est pas totalement responsable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je souscris aux propos de M. le rapporteur. Le sujet est effectivement très important et nous sommes en situation de faiblesse, personne ne peut le nier. Comme pour la médecine scolaire, les postes en médecine du travail à l’éducation nationale manquent d’attractivité. Nous explorons quelques pistes pour améliorer la situation, notamment en relation avec les mutuelles. Tout ce que nous faisons avec elles est souvent de qualité, mais nous devons encore progresser. Par ailleurs, comme vous l’avez suggéré, nous devons travailler avec le ministère de la santé. Comme pour la médecine des élèves, nous avons des perspectives en vue.
Dans la mesure où il s’agit d’une demande de rapport, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, mais je confirme que vous abordez là un sujet important.
Mme Françoise Laborde. Dans ces conditions, je retire mon amendement !
M. le président. L’amendement n° 426 rectifié bis est retiré.
En conséquence, l’article 13 bis demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 13 bis
M. le président. L’amendement n° 205 rectifié bis, présenté par Mme Berthet, M. Charon, Mmes Deromedi et Delmont-Koropoulis, M. B. Fournier, Mme Gruny, MM. Paccaud, H. Leroy, Laménie et Pierre, Mmes Garriaud-Maylam et A.M. Bertrand et MM. Pellevat et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 13 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement prend un décret pour mettre en place un service de médecine du travail comme cela existe pour les entreprises privées.
La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Cet amendement vise à mettre en place un service de médecine du travail pour le personnel de l’éducation nationale identique au service prévu pour les entreprises privées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. L’objectif est louable, ma chère collègue. Tous les agents de la fonction publique d’État devraient en principe bénéficier d’un examen médical d’aptitude lors de leur prise de poste, puis en cours de carrière à l’occasion de chaque changement. En outre, ils sont tenus de se soumettre à un examen médical par le médecin de prévention tous les cinq ans. Les obligations en matière de médecine de prévention existent donc et s’appliquent au ministère de l’éducation nationale. Ce sont un défaut d’organisation et surtout la pénurie de médecins de prévention dans l’éducation nationale qui font échec à la mise en place de ces visites périodiques pourtant obligatoires. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Delmont-Koropoulis, l’amendement n° 205 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 205 rectifié bis est retiré.
Article 14
(Non modifié)
L’article L. 916-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les assistants d’éducation inscrits dans une formation dispensée par un établissement d’enseignement supérieur délivrant un diplôme préparant au concours d’accès aux corps des personnels enseignants ou d’éducation peuvent se voir confier progressivement des fonctions pédagogiques, d’enseignement ou d’éducation. » ;
2° Les deuxième et troisième phrases du dernier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Ce décret précise les droits reconnus aux assistants d’éducation au titre des articles L. 970-1 à L. 970-4 du même code, les modalités d’aménagement de leur temps de travail, en particulier pour ceux qui sont astreints à un service de nuit, ainsi que les conditions dans lesquelles les assistants d’éducation mentionnés au deuxième alinéa du présent article peuvent exercer des fonctions pédagogiques, d’enseignement ou d’éducation. »
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Cet article vise à modifier le recrutement des assistants d’éducation. Ainsi, les étudiants qui se destinent à être enseignants devraient pouvoir découvrir et apprendre progressivement et sans pression ce métier via le cumul d’une rémunération et d’une bourse d’études.
Par ce biais, l’objectif est, d’une part, de renforcer l’attractivité du métier d’enseignant à travers une accession plus aisée des jeunes issus des classes populaires à une carrière de professeur et, d’autre part, de permettre aux enseignants en devenir d’acquérir des compétences pédagogiques pratiques.
Néanmoins, vous le comprendrez aisément, monsieur le ministre, plusieurs collègues et moi-même avons un certain nombre de questions sur ce nouveau mode de recrutement.
Ainsi, les assistants d’éducation se verraient octroyer un salaire compris entre 893 et 980 euros par mois dès leur deuxième année de licence, à condition de préparer les concours de professeur des écoles, de collège ou de lycée. Mais est-ce un salaire brut ou net ?
Comment peut-on légitimement penser qu’il leur sera possible de préparer les cours qu’ils dispenseront à leur classe – cela prend énormément de temps – tout en continuant à suivre leurs études et à préparer les concours ? Un accompagnement accru pour ces jeunes enseignants inexpérimentés est-il prévu ou est-il envisageable, sur le modèle d’un binôme de tutelle volontaire ?
Enfin, pouvez-vous certifier, devant la Haute Assemblée, que ce mode de prérecrutement n’a pas vocation, à court, à moyen ou à long terme, à pallier, à coût réduit, les difficultés de recrutement et de remplacement des enseignants, ce qui risquerait d’accélérer la dévalorisation des vocations éducatives ?
M. le président. L’amendement n° 282 rectifié, présenté par Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, MM. Temal et Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, M. Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. L’article 14 dispose que les assistants d’éducation inscrits dans un établissement préparant le concours du professorat ou des personnels d’éducation pourront progressivement exercer des fonctions pédagogiques d’enseignement ou d’éducation. Cette activité progressive pourra donc concerner l’enseignement comme les fonctions de conseiller principal d’éducation – CPE –, d’employé au centre de documentation et d’information, le CDI, voire de psychologue de l’éducation nationale.
Je connais les difficultés à pourvoir certains postes dans certaines disciplines déficitaires, comme l’allemand, les mathématiques ou les lettres classiques, disciplines pour lesquelles on recourt massivement aux contractuels actuellement.
Le dispositif, s’il était bien encadré, permettrait aux jeunes de se préparer au métier d’enseignant et, éventuellement, être source d’attractivité pour la carrière. Mais il faut être très prudent : comme on l’a dit, se retrouver tout seul face à une classe est très dur surtout si, comme vous l’avez suggéré, monsieur le ministre, il est question d’étudiants à partir de la deuxième année de licence, ou L2, soit deux ans à peine après le bac.
Cet article ne résulte-t-il pas – je sais que vous n’aimez pas qu’on le dise – d’une vision comptable du système et non de la prise en compte de l’intérêt des élèves et du professeur ?
Les assistants d’éducation ainsi employés pourraient se retrouver devant les élèves sans avoir reçu la formation adéquate ni avoir passé de concours. On peut ainsi légitimement s’interroger sur le sort de ceux qui auront commencé à enseigner en tant qu’assistants d’éducation et qui, par la suite, ne seraient pas reçus au concours.
Ces étudiants constitueront par ailleurs une main-d’œuvre bon marché, puisqu’ils occuperont les mêmes fonctions qu’un enseignant, sans toucher le même salaire ni avoir le même statut. On a aussi évoqué des indemnités complémentaires dérisoires à leur traitement d’assistant de direction.
Bref, monsieur le ministre, pourriez-vous nous rassurer un petit peu sur tous ces points ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Sur ce sujet, beaucoup de choses ont été dites, mais il faut certainement clarifier un certain nombre de points à l’occasion de l’examen de ce texte au Sénat.
Dans notre rapport sur le métier d’enseignant, Françoise Laborde et moi-même avions appelé de nos vœux une politique de prérecrutement des futurs professeurs, ce qui nous semble nécessaire pour certaines académies et pour certaines disciplines déficitaires.
Il nous paraît également nécessaire de promouvoir la préprofessionnalisation des assistants d’éducation pour leur permettre d’entrer progressivement dans le métier et de passer progressivement de la formation théorique à des formations de terrain et à l’enseignement.
C’est précisément ce à quoi devrait contribuer l’article 14, puisqu’il ouvre le statut d’assistant d’éducation à certains jeunes, prioritairement boursiers, qui s’engageront dans un nécessaire parcours de préprofessionnalisation dès leur deuxième année de licence. C’est pourquoi la commission ne souhaite pas la suppression de cet article.
Je partage néanmoins certaines des inquiétudes exprimées par les auteurs de l’amendement comme par diverses autres personnes. Le dispositif ne doit pas être dévoyé, monsieur le ministre – je ne dis pas pour autant que cela entre dans vos intentions –, pour faciliter le remplacement d’enseignants par des jeunes en voie de préprofessionnalisation, par exemple.
Il s’agit d’un bon dispositif, mais nous attendons que vous nous rassuriez sur ce point. Vous l’avez déjà fait, mais le faire de nouveau au Sénat aura toute son importance.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 282 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous abordons l’une des dispositions les plus importantes du projet de loi : elle mérite donc la discussion que nous menons.
Au cours de mon discours liminaire, j’ai eu l’occasion de dire à quel point il s’agissait, à mes yeux, d’une avancée essentielle. J’ai également eu l’occasion d’indiquer qu’il s’agissait de l’une des mesures dont je suis le plus fier. Je l’affirme en présence du directeur général des ressources humaines du ministère, à qui j’adresse mes remerciements pour le travail accompli.
Il faut que vous sachiez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le texte qui est soumis à votre examen est le fruit de travaux et de concertations, qui ont eu lieu tout au long de l’année 2018. Cela réfute l’idée souvent entendue selon laquelle cette réforme serait sortie tout droit du ministère sans discussion préalable. En l’occurrence, elle est le résultat d’un travail très collectif.
Dans quel esprit et à quelle fin a-t-on créé ce dispositif ?
S’agissant de l’esprit, j’assume tout à fait la référence à la très belle tradition républicaine dans laquelle s’inscrivaient les instituts de préparation aux enseignements de second degré, les IPES, par le passé. Nous savons que ces IPES avaient mille vertus pour le système scolaire, d’abord, d’un point de vue social, pour les personnes concernées, mais aussi pour le système lui-même, puisqu’ils contribuaient à encourager les vocations, en octroyant notamment une rémunération aux futurs professeurs.
Ce système a été abandonné il y a plusieurs décennies. D’une certaine manière, ce dispositif de préprofessionnalisation le fait revivre de façon renouvelée. Il permet en effet de proposer un salaire, dès la rentrée prochaine, à des étudiants en deuxième année de licence : la rémunération serait légèrement supérieure à 700 euros nets, monsieur le sénateur, cumulable avec une bourse, ce qui pour certains étudiants pourrait représenter entre 900 et 1 000 euros au total.
Je vous le dis très franchement : si j’étais un étudiant de première année en ce mois de mai 2019, je saisirais à pleine main cette opportunité me permettant, dès septembre prochain, de m’orienter vers le métier de professeur et de disposer d’une forme d’autonomie, puisque la rémunération proposée est quand même assez substantielle. En contrepartie, il sera demandé aux assistants d’éducation d’enseigner huit heures en établissement.
Dès le début de la formation, l’assistant d’éducation est accompagné d’un tuteur, ce qui signifie qu’il n’est pas livré à lui-même. Bien entendu, et je le redis solennellement dans cet hémicycle – vous avez eu raison d’insister, monsieur le rapporteur –, il ne s’agit pas de faire en sorte que des étudiants de L2 remplacent des professeurs. Certains nous ont en effet assez rapidement accusés de vouloir remplacer les enseignants par des étudiants, ce qui n’est pas exact. Il n’en a même jamais été question.
C’est une illustration de la façon dont le débat a été perturbé par toute une série de commentateurs, qui aiment bien brouiller les messages.
Nous sommes partis d’une idée très positive et parvenus à un dispositif quasi consensuel avec les organisations syndicales, avant que la mesure ne soit finalement dénoncée comme précaire : j’ai parfois lu que l’on comptait allouer 250 euros aux assistants d’éducation. Or, là encore, il n’en a jamais été question. Vous le voyez, on alimente les controverses avec des idées fausses. Il s’agit en réalité d’un immense progrès social que l’on a essayé de dépeindre comme une régression.
Cette réforme a de grandes vertus sociales : d’abord, elle vise l’élargissement sociologique du vivier de nos futurs professeurs, alors que nous savons tous que la mastérisation a eu comme effet pervers de restreindre cet éventail sociologique. Il s’agit d’un point très important.
Ensuite, elle a pour objectif de créer un véritable vivier pour le système scolaire, parce que nous orienterons ce système de préprofessionnalisation vers les secteurs dans lesquels nous en avons le plus besoin.
S’agissant du premier degré, nous développerons une approche assez géographique, car nous savons que les académies de la région parisienne ou des Hauts-de-France sont celles qui ont le plus besoin d’une telle mesure volontariste.
Pour le second degré, le dispositif ciblera notamment les disciplines en souffrance. Nous savons, par exemple, que les mathématiques, les sciences, certaines langues vivantes nécessitent des recrutements.
Comme vous le voyez, je crois beaucoup à cette disposition. Elle est, à mes yeux, essentielle : elle permettra à certains étudiants de se diriger progressivement vers une carrière d’enseignant et de prendre graduellement des responsabilités. Les étudiants qui exerceront devant une classe le feront à partir de M1 ; ils seront accompagnés de leurs tuteurs qui les superviseront. Cette mesure vise non pas à développer une réserve d’enseignants remplaçants, mais à responsabiliser progressivement de futurs professeurs.
Pour résumer, j’avancerai trois arguments.
Premièrement, de nombreux professeurs encore en poste étaient de niveau licence lorsqu’ils ont réussi leur concours. Le fait qu’un étudiant en M1 enseigne à une classe n’est donc pas indigne.
Deuxièmement, l’étudiant bénéficie de la supervision d’un tuteur.
Troisièmement, un dispositif similaire existe déjà dans les faits, mais à échelle réduite : c’est le système de l’apprentissage, qui est devenu intéressant après la loi de 2013, mais qui n’a pas pu pleinement se développer faute de candidats. À l’inverse, notre dispositif, nous le savons, rencontre déjà un certain intérêt auprès des universités.
Cette réalité, c’est-à-dire le fait que des étudiants actuellement en apprentissage en première année de master MEEF exercent devant une classe, n’a jamais choqué personne et est très favorable à ces étudiants qui, par ailleurs, réussissent à 90 % les concours,…