M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, sur l’article.
M. Rachid Temal. Il est important de le souligner, ce sujet est au cœur de l’école de la République : nous souhaitons que chaque enfant puisse évoluer au sein de l’école. Aussi, je tiens d’abord à saluer, comme d’autres avant moi, les avancées de ce texte sur cette question, celle de l’école inclusive. Quand nous sommes en désaccord, nous le disons, et quand il y a des avancées, il faut le souligner. Je tenais donc à le faire et à vous en remercier, monsieur le ministre.
J’ai rencontré, moi aussi, des personnes concernées – AESH, parents d’élèves –, et, si chacun reconnaît les avancées du texte, nous souhaitons aussi pouvoir faire quelques pas supplémentaires. J’espère que ce débat sur l’article permettra cette avancée.
Cela a été dit, ces personnes sont extraordinaires, par leur rôle et par leur volonté, parce que, bien souvent, elles ne sont pas assez formées. Je tiens à saluer leur action au quotidien, qui permet de faire en sorte que chaque enfant puisse progresser, participer aux travaux et avoir une vie avec ses camarades.
J’avais déposé des amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 – cela peut susciter quelques questions. Pourtant, les avancées relatives à leur statut et à leur contrat de travail ne vont pas assez loin. J’avais proposé, pour ma part, que ces personnes soient CDIsées, afin qu’elles puissent s’engager dans la durée, avoir des projets de vie ; pour qu’elles accompagnent mieux les enfants, il faut aussi les rassurer sur leur parcours professionnel.
Il faut aussi prévoir une formation initiale et tout au long de leur parcours professionnel.
Un autre élément qui me semble poser problème, c’est la question de la mutualisation ; on a le sentiment, pour le coup, d’un recul par rapport à aujourd’hui. Aussi, j’espère que, grâce aux amendements en débat aujourd’hui, nous pourrons avancer sur ces trois points : le statut et la rémunération – c’est-à-dire le contrat de travail –, la formation et le maintien de l’accompagnement individuel, qui me paraît essentiel pour les enfants et pour leurs familles.
M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je respecterai votre souhait d’avoir des débats aussi concis que possible, monsieur le président, mais le sujet est très important, et il y a eu beaucoup d’interventions. Je serai donc un tout petit peu moins bref que je ne l’ai été dans mes interventions précédentes et que je ne le serai dans mes interventions suivantes.
Je veux d’abord vous remercier de vos différentes interventions, mesdames, messieurs les sénateurs. L’un de vous a dit qu’il fallait faire, dans ce genre d’occasion, l’éloge du bicamérisme ; je souscris une nouvelle fois à cette idée. Nous avons toujours, grâce au processus itératif du bicamérisme, des occasions de nous améliorer, et je vous en remercie.
Je veux aussi vous remercier de la tonalité de vos interventions, qui correspond à celle qui existait depuis 2005 ; c’est une très bonne tonalité. Vous avez tous rappelé que nous visons la même chose, l’idéal de l’école inclusive et sa réussite au service des enfants. Vous l’avez très bien dit, je n’ai pas besoin de le répéter.
J’ai parfois vécu, au cours des derniers mois, des moments qui ne correspondaient pas à la belle tradition qui avait commencé au début des années 2000. Cette tradition avait ainsi conduit la première loi sur le handicap à être saluée par tous, majorité comme opposition, malgré toutes ses imperfections – si nous en parlons encore aujourd’hui, c’est que tout n’a pas été résolu du premier coup. L’opposition d’alors comprenait parfaitement que c’était un premier pas, et les familles adhéraient à cet élan républicain. On pourrait dire la même chose de chacune des étapes qui ont suivi.
Le fait de garder cette tonalité correspond à l’intérêt général et à l’intérêt, d’abord, des enfants concernés. C’est pourquoi je vous remercie d’avoir souligné les avancées du texte qui vous est proposé, même si, bien sûr, je peux aussi entendre les limites que vous signalez. Peut-être aurons-nous des désaccords sur tel ou tel point, mais, en tout cas, nous savons bien que nous visons le même objectif.
Cela rejoint d’ailleurs ce que j’indiquais au début de nos débats : on doit éviter les procès d’intention. Il serait très regrettable que l’on prétende que ce gouvernement ne souhaite pas la plénitude de l’école inclusive, ne souhaite pas faire le maximum pour les élèves en situation de handicap ; c’est tout le contraire qui est vrai. (M. Rachid Temal fait des gestes de dénégation.) Non, vous ne l’avez pas fait, monsieur le sénateur, et je vous en remercie, mais il est arrivé ailleurs que l’on dise cela, et le bicamérisme permet de constater des différences à cet égard. Cette réalité, la volonté du Gouvernement de faire un grand pas en matière d’école inclusive, est donc traduite dans ce projet de loi.
Je veux maintenant répondre à certaines objections qui ont été faites.
À propos de la méthode, un sénateur a déploré que l’on ait amélioré le texte par voie d’amendement. Je veux restituer la chronologie de cette amélioration.
Nous voulions procéder ainsi, et nous l’avons dit, dès le départ. Dès le mois d’octobre 2018, Sophie Cluzel et moi avons initié une concertation devant durer jusqu’en février, et nous avons annoncé que nous pourrions prendre des mesures à l’issue de cette concertation. Vu le processus législatif, cela impliquait de procéder par voie d’amendement, ce que nous avons fait.
Cela a présenté un double avantage. Premièrement, cela nous a permis d’écouter le Parlement – d’abord, l’Assemblée nationale, puis, aujourd’hui, le Sénat –, de façon à améliorer le texte. Deuxièmement, cela nous a permis de le faire sur le fondement non d’une quelconque improvisation mais d’une concertation qui a duré plusieurs mois.
Il est arrivé que certains fassent semblant d’ignorer cette concertation et nous accusent, par exemple, de ne pas prendre en compte telle proposition de loi qui, étonnamment, avait été déposée quelques jours à peine avant la concertation. Or c’est justement celle-ci qui devait conduire à quelque chose sur le plan législatif.
Il est aussi arrivé que l’on interprète cela comme du dédain pour le sujet, alors que l’objectif était de préparer la rentrée de 2019, ce que nous sommes en train de faire au travers de ce qui vous est proposé aujourd’hui.
Ainsi, grâce aux débats d’aujourd’hui, nous pouvons remettre les choses sur les rails, et toute personne de bonne foi souhaitant la réalisation d’une école inclusive meilleure doit adopter cette tonalité, qui permet d’améliorer les choses par le dialogue.
La concertation a produit des éléments extrêmement intéressants. D’abord, elle a conduit au constat d’une relative inefficacité de notre système et d’une relative frustration. Beaucoup a été accompli depuis vingt ans, mais ces accomplissements sont insuffisants ; du reste, la précarité des accompagnants, ce n’est certainement pas ce gouvernement qui l’a créée ; c’est au contraire la situation que nous avons trouvée.
Qu’a-t-on fait depuis une bonne quinzaine d’années ? On a recruté des personnes en contrat aidé, les unes après les autres ; ce faisant, on a engendré de la frustration chez les titulaires de ces contrats, qu’ils estimaient trop précaires, et chez les familles, car cette précarité avait toute une série de conséquences négatives sur l’accompagnement de leurs enfants. Telle est la situation, je le répète, que nous avons trouvée.
On a déjà procédé à quelque chose de très important – ce n’est pas une promesse pour le futur, c’est une avancée déjà accomplie – : il s’agit de la transformation progressive des contrats aidés en AESH. Cette transformation est déjà, en soi, un progrès, mais elle n’est pas un progrès suffisant, dans la mesure où, très souvent, les AESH sont à temps partiel et que leur rémunération reste, dans la situation actuelle, faible. C’est aussi cela que nous avons voulu améliorer au travers du nouveau dispositif. Je veux résumer celui-ci en deux points, ce qui me permettra d’atteindre l’objectif de concision, car c’est quand même l’occasion d’exposer la logique que nous nous suivons.
Je considère que la rentrée prochaine représentera un véritable changement de paradigme, qui permettra de parler de service public de l’école inclusive.
Pourquoi parler de « service public de l’école inclusive » ? Tout d’abord, parce que nous allons faire évoluer la situation des accompagnants : les contrats de trois ans des quelque 80 000 accompagnants du système scolaire, renouvelables une fois, déboucheront sur un CDI. Il s’agit d’une amélioration considérable par rapport à la situation antérieure, avec des effets en chaîne au bénéfice et des élèves et des accompagnants.
Ce système nous permettra d’avoir des AESH à plein-temps plus nombreux, mieux payés et avec des perspectives de carrière et de formation réelles. Nous voulons faire en sorte qu’ils obtiennent un CDI au bout de six ans, non pas de manière automatique – il me semble normal, au regard des règles de fonctionnement de l’État, d’évaluer leurs compétences –, mais dans l’immense majorité des cas. Pérenniser ces 80 000 postes constitue un effort considérable, notamment dans le contexte budgétaire que nous connaissons.
L’État consacre aujourd’hui 2,5 milliards d’euros à cette politique de l’école inclusive. Pour autant, le diagnostic qu’établissent les acteurs eux-mêmes et les observateurs internationaux n’est pas bon. Ces derniers nous disent que le Danemark ou l’Italie, par exemple, font mieux que nous. De même pour le Canada, qui consacre pourtant moins d’argent que nous à cette question.
Je ne dis pas qu’il faut y consacrer moins d’argent – nous allons en dépenser encore davantage à la rentrée prochaine. Toutefois, il est fondamental d’apporter une amélioration qualitative, plutôt que d’affecter des contrats aidés, au fil de l’eau, en fonction de prescriptions individuelles qui conduisent inévitablement à des frustrations.
L’État n’a en effet cessé de courir après l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap. Une vraie politique consiste à développer une vision beaucoup plus en amont du problème, en ce qui concerne aussi bien l’organisation du système que le cas de chaque élève, de façon à apporter, avant la rentrée, des solutions individualisées. Tel est notre objectif.
Chaque accompagnant aura donc un meilleur statut et sera mieux géré par l’éducation nationale. J’ai donné à chaque recteur la consigne de réorganiser ses ressources humaines en incluant les AESH, en les considérant comme partie intégrante du système scolaire.
C’est une révolution administrative et mentale. Je donne souvent cet exemple qui peut paraître simple, mais qui a son importance : chaque AESH disposera désormais d’une adresse e-mail officielle de son académie d’appartenance. Cette adresse électronique n’est pas un détail ; elle est tout à fait significative d’une forme d’intégration dans le système, avec une véritable gestion de carrière et avec de la considération due à chaque AESH. Au regard de leur situation antérieure, il s’agit d’un changement considérable.
Cette gestion par les rectorats nous engage et nous amène à préparer la rentrée bien plus en amont que par le passé. Je souhaite que les familles le ressentent dès le mois de juillet prochain, en étant contactées par les rectorats ou les établissements, qui leur proposeront des rendez-vous avec l’AESH ou avec l’équipe éducative. La formation de l’AESH doit également se faire en amont de la rentrée, de même que son identification par l’établissement.
Je ne puis garantir, au moment où je vous parle, que nous parviendrons à ce résultat dans 100 % des cas dès la prochaine rentrée. Mais nous voulons tendre vers ce chiffre, et nous devrons y arriver, rentrée après rentrée.
Il s’agit d’une réelle amélioration et je ne comprends pas que l’on puisse la qualifier de « limitée » ou, pis encore, la décrire comme une régression. Tous ceux qui parlent ainsi seront contredits par les faits au cours des prochains mois.
Peut-être ce progrès paraît-il insuffisant à certains – nous allons en débattre –, mais il constitue bien une avancée. Et chaque fois que l’on décrit un progrès comme une régression, on contribue à l’amoindrir. Il s’agit de sujets certes techniques, mais aussi psychologiques. Chacun d’entre nous, selon la façon dont il en parle, est une partie de la solution. Mais nous pouvons aussi faire partie du problème si nous caricaturons les choses.
Nous pouvons également parler de service public de l’école inclusive, parce que, dès la rentrée prochaine, près de 3 000 collèges seront organisés autour des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL. Là aussi, j’entends des critiques et des craintes – je suis là pour les dissiper –, notamment autour de la notion de mutualisation.
Le premier intérêt des PIAL c’est d’offrir une gestion au plus près de chaque élève. C’est de cette façon que fonctionnent les pays que j’ai mentionnés à l’instant. Ce dispositif ne vient pas de nulle part : il est le fruit d’observations internationales et de concertations. Nous voulons que le handicap soit géré depuis l’établissement, là où l’on peut être le plus pragmatique et définir ce qui convient le mieux à l’élève.
Oui, dans certains cas, il faut un accompagnement individualisé ; oui, dans d’autres, il faut un accompagnement mutualisé, et cela non seulement pour des questions de bonne gestion – ce n’est d’ailleurs pas un gros mot –, mais parce que c’est préférable pour tout le monde, à commencer par les enfants.
Nous ne voulons pas mettre en place un suivi cloisonné. Au contraire, nous voulons mener un travail d’équipe. Il n’est pas forcément une bonne chose que les trois élèves en situation de handicap d’une même classe aient chacun un AESH.
On pourrait nous soupçonner de vouloir faire des économies, mais nous créons encore plus de nouveaux postes d’AESH que nous ne supprimons de contrats aidés. Ces milliers de postes créés témoignent de notre volonté d’utiliser les ressources dans l’intérêt de l’enfant. Les faits le démontreront.
J’espère que nous pourrons généraliser les PIAL, que nous avons déjà expérimentés à petite échelle et qui ont fait leurs preuves. Ils permettent en effet d’adopter cette vision au plus près du terrain. Ce sera un progrès qualitatif considérable, également pour les AESH eux-mêmes. Si dix d’entre eux sont affectés à un PIAL, ils pourront avoir un temps plein plus facilement, leur service étant calculé sur la semaine.
Le pourcentage d’AESH à temps plein est aujourd’hui extrêmement faible, de l’ordre de 2 % ou 3 % ; dès la rentrée prochaine, nous espérons atteindre un taux de 30 %, qui augmentera par la suite – étant entendu que tous les AESH ne désirent pas un temps plein. Concrètement, au lieu de gagner 700 euros par mois en moyenne, ils gagneront environ 1 200 euros. Ce changement très important ne saurait être minimisé.
Il s’agit d’évolutions considérables. Il en faut davantage, certains d’entre vous l’ont dit, notamment en matière de formation des professeurs ou de prise en compte de certains types de problèmes qui relèvent du handicap ou du diagnostic médical, tous phénomènes que notre société révèle davantage aujourd’hui et qui vont de pair avec la personnalisation des parcours.
Nous voulons faire preuve de beaucoup de pragmatisme, parce que l’école inclusive ne consiste pas simplement à affecter un AESH à un élève en situation de handicap, sans se soucier de ses caractéristiques propres. Au contraire, c’est être capable d’adopter une vision personnalisée pour chacun. Je sais bien que certains professeurs, notamment à l’école primaire, estiment que nous procédons de manière trop indifférenciée.
Il est donc essentiel de coopérer avec le monde médico-social, et c’est toute l’importance du travail interministériel accompli avec Sophie Cluzel et Agnès Buzyn. Les PIAL vont permettre une coopération de terrain bien plus forte entre établissements scolaires et établissements médico-sociaux.
Nous ne partons pas de zéro. Des progrès considérables ont déjà été accomplis. Je visite souvent des établissements qui disposent d’équipements remarquables, y compris grâce à l’aide des collectivités locales.
Pardonnez-moi d’avoir parlé aussi longuement, monsieur le président, mais ce sujet me paraissant particulièrement important, j’ai voulu tenter de répondre à toutes les interrogations. Si ce n’est la dernière fois que je parle aussi longtemps, ce sera sûrement l’avant-dernière. (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Pour ce soir !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je le répète, il s’agit bien là d’un progrès. Je me tiens à votre disposition pour discuter de tout ce que nous pourrions encore mieux faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 290 rectifié, présenté par Mmes Perol-Dumont, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche et Courteau, Mme Préville, MM. Tissot, Daunis, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au début de la seconde phrase du premier alinéa, sont ajoutés les mots : « Elles appliquent et » ;
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. De nombreux enfants en situation de handicap sont aujourd’hui privés d’une scolarité accompagnée en milieu ordinaire, alors même que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, ou CDAPH, dont ils dépendent a validé un accompagnement rendant cette scolarisation possible. Il paraît donc nécessaire d’inscrire dans la loi que les décisions de la CDAPH s’imposent à l’éducation nationale.
De par sa composition, cette commission est particulièrement à même de définir les besoins au regard de chaque type de handicap. En effet, les décisions de la CDAPH reposent sur des évaluations effectuées par les équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des personnes handicapées, composées notamment de médecins, d’assistantes sociales, d’ergothérapeutes – selon la nature du handicap à compenser.
Ces évaluations sont ensuite validées par la CDAPH, qui comporte des élus départementaux, des représentants de l’État, notamment de l’Éducation nationale, des organisations syndicales, des associations, des parents d’élèves, ainsi que des représentants des personnes handicapées et de leur famille.
Cet amendement tend donc à prévoir que les équipes de suivi de la scolarisation existant dans chaque département ne se borneront plus à assurer seulement le suivi des décisions de cette commission, mais les feront appliquer à la lettre, garantissant ainsi le droit à la scolarisation des enfants en situation de handicap. En effet, on peut malheureusement constater, dans certains départements, que les enfants ont bien été orientés, mais qu’ils se retrouvent sans rien, faute de place, d’énergie ou de volonté de suivre la décision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Ma chère collègue, je suis d’accord avec le début de votre intervention : les décisions de la CDAPH s’imposent. C’est la loi.
En revanche, leur mise en œuvre à l’école, au collège et au lycée revient aux recteurs et aux services concernés. Les équipes de suivi ne peuvent se substituer à l’autorité académique.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 277 rectifié, présenté par M. Marie, Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes G. Jourda et Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…°L’article L. 112-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise le volume horaire et le cahier des charges des contenus de la formation spécifique mentionnée au premier alinéa. » ;
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Les auteurs de cet amendement proposent d’introduire une disposition de la proposition de loi pour une école vraiment inclusive, que le groupe socialiste a récemment présentée à l’Assemblée nationale, mais qui a été vidée de son sens au Sénat.
Il s’agit de prévoir qu’un décret en Conseil d’État précise le volume horaire et le cahier des charges des contenus de la formation spécifique concernant l’accueil et l’éducation des élèves et étudiants en situation de handicap délivrée aux enseignants et autres personnels de l’éducation nationale, dans le cadre tant de leur formation initiale que de leur formation continue.
Il semblerait en effet qu’une marge de progrès existe en la matière, si l’on en croit l’avis quasi unanime de nombreux acteurs, selon lesquels cette formation se limite souvent à une simple « information », de qualité très variable, selon les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les Espé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Le Gouvernement dispose déjà d’un pouvoir réglementaire autonome en la matière. Par ailleurs, à l’article 12 bis, nous avons déjà prévu qu’un arrêté des ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur précise le cahier des charges des contenus de la formation initiale spécifique dispensée aux personnels enseignants et d’éducation en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap.
Cet amendement lui semblant en grande partie satisfait, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je partage totalement l’inspiration de cet amendement, mais il me semble déjà satisfait, comme vient de le souligner le rapporteur.
Vous avez raison, madame la sénatrice, nous devons veiller à la qualité de la formation dispensée à l’ensemble des personnels. Il est déjà possible de le faire dans le cadre des textes existants, mais ce projet de loi nous permettra d’homogénéiser encore davantage la qualité de la formation des acteurs de l’éducation nationale en matière de handicap.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 74 rectifié bis, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, M. Grosdidier, Mme Eustache-Brinio, MM. Mouiller, Piednoir et Sol, Mmes Troendlé, Lassarade et de Cidrac, MM. Husson et Mayet, Mmes Lanfranchi Dorgal, Noël et Lherbier, MM. Courtial et Segouin, Mmes Puissat et Delmont-Koropoulis, MM. Mandelli et Darnaud, Mme Gruny, MM. Vogel, de Nicolaÿ, J.-M. Boyer et Genest, Mme Garriaud-Maylam, M. Bonhomme, Mme Imbert, MM. Meurant et Bascher, Mme Deroche, MM. Pierre, Saury, Laménie et Rapin, Mme A.M. Bertrand et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 351-1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les élèves accompagnés dans le cadre de ces dispositifs sont comptabilisés dans les effectifs scolarisés. » ;
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement, porté par ma collègue, Mme Bonfanti-Dossat, tend à préciser que la scolarisation inclusive des élèves en situation de handicap est une réalité et une vraie nécessité, qui demeure pourtant ignorée dans le calcul des effectifs d’une école.
Il peut ainsi apparaître inadéquat de développer l’école inclusive sans comptabiliser ces élèves dans les effectifs de leur classe. Alors que la politique de dédoublement des classes se généralise, donc les créations de postes, arguer d’un manque d’enseignants et de moyens peut interroger les familles, les enseignants et les élus.
Cet amendement tend donc à prendre en compte dans le calcul des effectifs d’une école les élèves en situation de handicap.
M. le président. L’amendement n° 144 rectifié bis, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant, quelle que soit leur unité d’accueil, sont comptabilisés dans les effectifs de l’établissement.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous proposons également que les enfants relevant d’une unité localisée pour l’inclusion scolaire, ou ULIS, soient comptabilisés dans les effectifs de l’école, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Monsieur le ministre, vous nous l’avez dit voilà quelques instants, certaines façons de procéder peuvent avoir des conséquences psychologiques redoutables. En voici une parfaite illustration : les parents de ces enfants qui ne sont pas comptabilisés dans les effectifs de l’école vivent très mal cette situation.
En outre, cette non-comptabilisation peut entraîner le retrait d’un poste, alors même qu’il s’agit de vrais enfants qui méritent d’être pris en compte.
Il ne me semble d’ailleurs pas déraisonnable de penser que l’accueil d’enfants en situation de handicap devrait s’accompagner d’une augmentation des moyens humains pour ces enfants comme pour l’ensemble des classes, et ce d’autant plus que les dispositifs dédiés aux élèves en difficulté – je ne pense pas seulement au handicap –, tels que les Rased, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou les dispositifs « plus de maîtres que de classes » s’étiolent et disparaissent. Il nous semble donc absolument indispensable de prendre en compte ces enfants.
J’ai même entendu, avec un peu d’effroi, des enseignants nous expliquer que, faute d’accompagnement suffisant, l’accueil des enfants en situation de handicap pouvait conduire à une certaine forme de maltraitance, ce qui met tous les personnels en grande difficulté, alors que tout le monde essaye de bien faire.