Sommaire
Présidence de Mme Catherine Troendlé
Secrétaires :
MM. Éric Bocquet, Yves Daudigny.
2. Entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France en 2019. – Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Suspension et reprise de la séance
Demande de renvoi à la commission
Articles additionnels avant l’article unique
Amendement n° 15 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Amendement n° 1 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Amendement n° 6 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Amendement n° 7 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Amendement n° 10 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Amendement n° 11 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Amendement n° 12 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Amendement n° 13 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Amendement n° 9 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
Adoption définitive de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
3. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Jean-Yves Roux ; Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
référendum d’initiative partagée sur la privatisation d’adp
Mme Cécile Cukierman ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.
discours écologiste et liste « renaissance »
M. Didier Marie ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Didier Marie.
unité pour détenus violents de la prison de sequedin
M. Jean-Pierre Decool ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Christian Cambon ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Olivier Cigolotti ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Patricia Schillinger ; Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
résilience alimentaire et sécurité nationale
Mme Françoise Laborde ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.
M. Bernard Jomier ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; M. Bernard Jomier.
désert médical et numerus clausus
M. Hugues Saury ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
activités caritatives et ordre public
Mme Nathalie Goulet ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur ; Mme Nathalie Goulet.
Mme Marie-Christine Chauvin ; M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Marie-Christine Chauvin.
services publics en milieu rural
M. Olivier Paccaud ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur ; M. Olivier Paccaud.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Vincent Delahaye
4. Mises au point au sujet de votes
5. Pour une école de la confiance. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 4 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 213 rectifié de M. Jean-Pierre Decool. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 441 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 401 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 72 rectifié bis de M. Alain Marc. – Non soutenu.
Amendement n° 447 rectifié de Mme Véronique Guillotin. – Retrait.
Adoption, par scrutin public n° 103, de l’article modifié.
Amendement n° 432 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 246 rectifié de M. Jean-Pierre Leleux. – Adoption.
Amendement n° 247 rectifié de M. Jean-Pierre Leleux. – Retrait.
Amendement n° 248 rectifié de M. Jean-Pierre Leleux. – Retrait.
Amendement n° 129 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 130 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 102 rectifié ter de M. Bruno Retailleau. – Rejet par scrutin public n° 104.
Amendement n° 75 rectifié de Mme Christine Bonfanti-Dossat. – Retrait.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Adoption de l’article modifié.
Article 5 bis A – Adoption.
Articles additionnels après l’article 5 bis A
Amendement n° 186 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 408 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 291 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 214 de Mme Dominique Vérien. – Rejet.
Amendement n° 86 rectifié de Mme Anne Chain-Larché. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 5 bis
Amendement n° 459 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Amendement n° 444 rectifié bis de Mme Françoise Laborde. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Amendement n° 290 rectifié de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. – Rejet.
Amendement n° 44 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 277 rectifié de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 74 rectifié bis de Mme Christine Bonfanti-Dossat. – Adoption.
Amendement n° 144 rectifié bis de Mme Céline Brulin. – Retrait.
Amendement n° 230 rectifié ter de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 133 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 446 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 435 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rejet.
Amendement n° 495 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 400 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 140 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
6. Candidature à une délégation sénatoriale
7. Pour une école de la confiance. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 142 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 90 rectifié ter de Mme Laure Darcos. – Adoption.
Amendement n° 91 rectifié ter de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Amendement n° 279 rectifié de Mme Maryvonne Blondin. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié quater de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Amendement n° 242 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 5 quinquies
Amendement n° 239 de M. Claude Malhuret. – Retrait.
Amendement n° 207 rectifié bis de Mme Martine Berthet. – Retrait.
Amendement n° 292 rectifié de Mme Maryvonne Blondin. – Rejet.
Amendement n° 293 rectifié de Mme Maryvonne Blondin. – Rejet.
Amendement n° 294 rectifié de Mme Maryvonne Blondin. – Rejet.
Amendement n° 99 rectifié ter de M. Olivier Paccaud. – Rejet.
Amendement n° 411 de M. Robert Laufoaulu. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 9 rectifié quater de M. Philippe Mouiller. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 5 septies
Amendement n° 119 rectifié bis de M. Michel Savin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 295 rectifié de Mme Maryvonne Blondin. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 5 octies
Amendement n° 143 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Articles 5 nonies, 5 decies et 5 undecies – Adoption.
Article additionnel après l’article 5 undecies
Amendement n° 335 rectifié de Mme Claudine Lepage. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 5 duodecies
Amendement n° 257 rectifié de M. Jean-Claude Luche. – Non soutenu.
Amendement n° 399 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 258 rectifié de M. Jean-Claude Luche. – Non soutenu.
Amendement n° 336 rectifié de Mme Samia Ghali. – Rejet.
Amendement n° 393 rectifié de M. Olivier Henno. – Rejet.
Amendement n° 394 rectifié de M. Olivier Henno. – Rejet.
Amendement n° 395 rectifié de M. Olivier Henno. – Rejet.
Amendement n° 259 rectifié de M. Jean-Claude Luche. – Retrait.
Amendement n° 26 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 385 de M. Dominique Théophile. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 6
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
M. Yves Daudigny.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France en 2019
Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (projet n° 493, texte de la commission n° 499, rapport n° 498).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 26 mai prochain, les Français se rendront aux urnes pour élire leurs députés européens. Cette élection, nous en avons déterminé les règles l’année dernière, lors de l’examen de la loi relative à l’élection des représentants au Parlement européen : une circonscription unique et une répartition proportionnelle des sièges français entre les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés.
Ces principes, il n’est pas question de revenir dessus ; si nous nous retrouvons aujourd’hui, ce n’est pas vraiment de notre fait, c’est parce que, depuis l’examen de ce texte, le contexte géopolitique a changé. En effet, à la suite de la décision du Royaume-Uni d’enclencher la procédure prévue à l’article 50 du traité sur l’Union européenne et de quitter l’Union européenne, le Brexit était initialement prévu pour le 29 mars dernier, c’est-à-dire deux mois avant les élections européennes.
En conséquence, une partie des sièges britanniques au Parlement européen – vingt-sept des soixante-treize sièges, pour être précis – avait été répartie entre les différents États membres, et la France avait obtenu cinq sièges supplémentaires, passant ainsi de soixante-quatorze à soixante-dix-neuf élus au Parlement européen.
Néanmoins, vous le savez, les choses ne se sont pas passées, du côté britannique, comme prévu et les difficultés politiques internes de nos voisins ont poussé le Conseil européen à accorder un premier délai, puis un second courant jusqu’au 31 octobre 2019, pour permettre au Royaume-Uni de se mettre d’accord avec lui-même… La conséquence de ce délai, vous la connaissez : le jeudi 23 mai, les Britanniques voteront pour élire leurs soixante-treize députés européens, et la nouvelle répartition des sièges au Parlement européen ne pourra pas être immédiatement effective.
Il nous fallait donc nous adapter, et le faire vite, pour permettre au scrutin qui aura lieu le 26 mai en France de se dérouler sans aucun risque, et dans les meilleures conditions possible. C’est précisément l’objet de ce texte, adopté lundi à l’Assemblée nationale et examiné hier par votre commission.
L’idée est simple ; il s’agit, dans un premier temps, d’attribuer les soixante-quatorze sièges français puis, dans un second temps, une fois le Brexit survenu, d’attribuer les cinq sièges supplémentaires, dans les mêmes conditions que les soixante-quatorze premiers.
Vous comprenez tous, naturellement, la nécessité de l’examen, de l’adoption et de la promulgation de ce texte avant le scrutin du 26 mai en France ; c’est impératif pour assurer que ce scrutin puisse se dérouler sans aucun problème. Je sais que le Sénat a parfaitement pris conscience de la nécessité de traiter ce texte en responsabilité, et je veux sincèrement l’en remercier. Je souhaite également remercier le rapporteur Alain Richard du travail qu’il a réalisé sur ce texte, qui a rendu possible une coconstruction législative avec l’Assemblée nationale, que je salue.
Enfin, je souhaite revenir sur un amendement du groupe du RDSE, qui a été déclaré irrecevable en commission, car il n’a pas trait au texte proprement dit, mais qui s’appuie sur des préoccupations que certains élus ont pu relayer, y compris auprès du ministre de l’intérieur. Il s’agissait d’un amendement d’appel relatif aux panneaux électoraux disponibles dans certaines communes, alors que le nombre de listes qui concourent au scrutin du 26 mai est très important – on en compte trente-quatre.
Il s’agit d’une préoccupation légitime, que je comprends et à laquelle je souhaite répondre dès maintenant. L’installation de trente-quatre panneaux peut effectivement provoquer des difficultés, notamment dans les petites communes. Cette élection ne doit évidemment pas engendrer de lourdeurs ni de frais supplémentaires pour les communes, mais le droit électoral doit néanmoins être respecté. Or je souhaitais indiquer que les panneaux électoraux sont justement conçus pour permettre de placer deux affiches côte à côte, et qu’il est donc d’ores et déjà possible et légal, si c’est nécessaire, de diviser par deux le nombre de panneaux électoraux devant les bureaux de vote.
Vous le voyez, tout doit être mis en œuvre pour que les élections européennes se passent au mieux. Il est donc nécessaire de répondre à cette préoccupation des maires, tout comme il est nécessaire et urgent de tirer les conséquences des changements liés au Brexit. Tel est l’objet précis du texte que nous allons examiner maintenant. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le report de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a été décidé le 10 avril dernier, sur la demande des autorités britanniques, par le Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de Gouvernement.
Cette même décision tire les conséquences de ce report pour la vie des institutions européennes ; en effet, en 2019, une grande partie de ces institutions sera renouvelée. L’annexe de cette décision indique bien que l’on revient à la répartition des sièges issue d’une décision du Conseil européen de 2013 prise en vue des élections européennes de 2014. Ainsi, la mise en œuvre de la redistribution des sièges à laquelle le Conseil européen a procédé l’année dernière doit être différée ; cela fait partie des effets en chaîne du maintien temporaire du Royaume-Uni dans les institutions.
La répartition des sièges fondée sur la décision de juin 2018, qui tirait les conséquences de la sortie du Royaume-Uni – il s’agit d’une obligation que la France doit transcrire dans sa législation –, s’appliquera donc : ces cinq sièges, que nous appelons « supplémentaires », écherront à la représentation des électeurs français lorsque le Royaume-Uni sera sorti des institutions européennes. Ces sièges se différencient ainsi légèrement des soixante-quatorze sièges dont nous allons élire les titulaires, le dimanche 26 mai.
La loi d’adaptation doit être promulguée avant cette date, afin de garantir tant la sincérité du scrutin et la clarté de l’information à destination des électeurs que la sécurité juridique de l’attribution des sièges.
Le Sénat se le rappelle, par la loi du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, nous avons actualisé le mode le scrutin de cette élection, en appliquant le système de la représentation proportionnelle entre les listes de candidats, à l’échelle nationale. Il est donc évident dans l’esprit de tous, y compris de ceux de nos collègues qui n’ont pas approuvé cette modification du mode de scrutin, que ce n’est pas à l’occasion de la répartition des cinq sièges supplémentaires en jeu que l’on changera ce mode de scrutin.
Par conséquent, le présent projet de loi dispose, avec beaucoup de simplicité et de rigueur, que l’on appliquera entre les listes ayant obtenu 5 % des voix le mode de scrutin à la représentation proportionnelle, avec répartition à la plus forte moyenne, pour soixante-quatorze sièges, avec effet immédiat le soir du 26 mai prochain. Il précise ensuite que la commission nationale de recensement des votes désignera également les futurs titulaires des cinq sièges supplémentaires, sur le fondement des mêmes listes et des mêmes nombres de suffrages, mais avec soixante-dix-neuf sièges. L’entrée en fonction de ces élus « en attente » sera subordonnée à l’entrée en vigueur effective du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Toutefois, je me permets d’exprimer un léger regret à cet égard ; nous n’avons pas été suffisamment précis lors de la concertation que le Gouvernement, la rapporteure du texte à l’Assemblée nationale et moi-même avons eue il y a quelques jours. En effet, cette sortie se traduira sans doute, en réalité, par une série de dates d’effet – du point de vue financier, commercial ou encore pour l’application des traités.
Aussi, il faut que cela ressorte clairement de nos travaux préparatoires, la date d’effet de l’entrée en fonction de ces cinq représentants supplémentaires – cela est d’ailleurs également vrai pour nos voisins et amis attributaires de sièges supplémentaires – doit être la date de la sortie des représentants du Royaume-Uni des institutions de l’Union, c’est-à-dire le jour où le Royaume-Uni cessera juridiquement d’être membre de l’Union européenne, où il ne sera plus lié par les traités qui régissent celle-ci et où ses représentants quitteront la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne, le Conseil européen, le Conseil des ministres et le Parlement européen. Telle est, me semble-t-il, la date qui doit faire référence.
À la suite de l’Assemblée nationale, et dans le cadre de la concertation préalable que j’évoquais, la commission des lois a travaillé, en plein accord politique – il y a peu de débats en la matière –, sur la conséquence de cette décision européenne. Nous ne voyions pas de divergence, mais nous souhaitions que la rédaction du texte soit la plus claire possible.
Le travail de l’Assemblée nationale s’est achevé dans de bons délais – M. le secrétaire d’État l’a rappelé –, dès lundi dernier. Grâce à notre concertation préalable, nous avons pu rédiger un rapport présentant l’intégralité des sujets en jeu aux sénateurs. La commission n’a pas vu de source de désaccord avec l’Assemblée nationale sur le texte transmis ; elle n’a pas identifié de motif de modification de ce mécanisme simple, robuste et nécessaire.
C’est pourquoi elle vous propose d’adopter conforme ce projet de loi, tel qu’il nous a été transmis de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d’irrecevabilité
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Masson, d’une motion n° 16.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2 du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (n° 499, 2018-2019).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.
M. Jean Louis Masson. L’article 14 du traité sur l’Union européenne, dit « traité de Lisbonne », définit le cadre de la répartition des sièges de députés européens entre les États membres : « Le Parlement européen est composé de représentants des citoyens de l’Union. Leur nombre ne dépasse pas sept cent cinquante, plus le président. La représentation des citoyens est assurée de façon dégressivement proportionnelle, avec un seuil minimum de six membres par État membre. Aucun État membre ne se voit attribuer plus de quatre-vingt-seize sièges.
« Le Conseil européen adopte à l’unanimité, sur initiative du Parlement européen et avec son approbation, une décision fixant la composition du Parlement européen, dans le respect des principes visés au premier alinéa. »
En application de cet article 14, une décision du Conseil européen du 28 juin 2013 a fixé le nombre des représentants au Parlement européen élus dans chaque État membre pour la législature 2014-2019. Toutefois, cette décision viole de manière flagrante le principe de proportionnalité dégressive prévu par cet article, ce qui pénalise la France et, dans une moindre mesure, plusieurs autres pays.
L’article 1er de cette décision rappelle pourtant les deux principes appliqués. Il rappelle d’une part le principe du nombre minimal – six – et du nombre maximal – quatre-vingt-seize – de sièges de chaque pays, sur un total d’au plus sept cent cinquante et un, dans l’Union à vingt-huit membres : « La répartition des sièges au Parlement européen utilise pleinement les nombres minimaux et maximaux fixés par le traité sur l’Union européenne afin de refléter aussi étroitement que possible les tailles des populations respectives des États membres. »
Il rappelle, d’autre part, le principe de la proportionnalité dégressive : « Le rapport entre la population et le nombre de sièges de chaque État membre avant l’arrondi à des nombres entiers varie en fonction de leurs populations respectives, de telle sorte que chaque député au Parlement européen d’un État membre plus peuplé représente davantage de citoyens que chaque député d’un État membre moins peuplé et, à l’inverse, que plus un État membre est peuplé, plus il a droit à un nombre de sièges élevé. »
Or, après avoir rappelé ces principes, le Conseil européen a fait exactement le contraire : le tableau de la répartition des sièges est en totale contradiction avec les principes sus-évoqués, affirmés par le Conseil européen lui-même. En effet, en application de la proportionnalité dégressive, la France, qui est moins peuplée que l’Allemagne, devait également avoir un ratio moins élevé d’habitants par siège. C’est pourtant le contraire qui a été décidé, puisque ce ratio était de 852 539 habitants pour l’Allemagne et de 883 756 habitants pour la France.
Lors de la préparation des élections de 2019, le Parlement européen a transmis au Conseil européen ses propositions de nouvelle répartition des sièges. À cette occasion, le Parlement a reconnu que « la répartition actuelle des sièges ne respecte pas le principe de proportionnalité dégressive à plusieurs égards et qu’elle doit donc être modifiée en vue de la composition du Parlement européen après les prochaines élections européennes, en 2019 ». La résolution du Parlement européen adoptée le 7 février 2018 souligne aussi que la décision du Royaume-Uni, pays qui compte soixante-treize représentants, de se retirer de l’Union européenne juste avant les élections de 2019 est l’occasion de remédier aux distorsions constatées.
Finalement, par une décision du 28 juin 2018, le Conseil européen a fixé la nouvelle répartition des sièges. Cette décision réduit de sept cent cinquante et un à sept cent cinq le nombre de sièges, en supprimant quarante-six des soixante-treize sièges britanniques, les vingt-sept autres sièges étant répartis entre quatorze pays de l’Union européenne pour compenser leur sous-représentation.
En particulier, la France obtient cinq sièges supplémentaires, ce qui permet de respecter l’article 14 du traité de Lisbonne, puisque, dorénavant, le ratio d’habitants par siège serait, en tenant compte des chiffres actualisés de population, de 854 838 pour l’Allemagne et de 843 818 pour la France.
Toutefois, ce correctif était fragile, puisque la décision du Conseil prévoyait aussi le cas où le Royaume-Uni serait encore membre de l’Union européenne au moment des élections de 2019. Dans cette hypothèse, la répartition des sièges entre les États devait rester la même que celle qui a été utilisée lors des élections de 2014.
Dans la mesure où la décision du Conseil européen du 28 juin 2018 devait être adoptée à l’unanimité des pays membres, il est donc clair que le gouvernement français a sciemment accepté une autre option, par laquelle, en cas de retard ou d’abandon du Brexit, en violation du traité de Lisbonne, notre pays n’obtiendrait pas le nombre de sièges qu’il devrait avoir au sein du Parlement européen.
Lors de la séance du 17 octobre 2018, j’avais interrogé Mme Loiseau, à l’époque ministre chargée des affaires européennes, sur cette question : « Pire encore, en totale violation du traité de Lisbonne, la France a un ratio d’habitants par siège plus défavorable que l’Allemagne. Si ceux qui essaient de torpiller le Brexit parvenaient à leurs fins, cette injustice subsisterait. En effet, lors du Conseil européen du [28] juin 2018, la France a accepté que, en cas d’abandon du Brexit, la répartition actuelle des sièges soit maintenue à notre détriment, et ce en violation du traité de Lisbonne. »
La ministre m’a répondu en m’accusant de diffuser des informations inexactes : « Nous avons obtenu, contrairement aux informations qui vous ont été communiquées et qui sont inexactes, de rattraper ce qu’un mandat précédent n’avait pas su défendre, c’est-à-dire le nombre de députés européens auquel la France a droit. »
Vous le savez, j’ai de la suite dans les idées ; j’ai alors posé la question écrite suivante à Mme Loiseau : le « Conseil européen a décidé que si le Brexit ne se concrétisait pas, la répartition des sièges entre les États resterait inchangée par rapport à la législature précédente. Dans cette hypothèse, la France continuerait à être victime d’une violation flagrante du traité de Lisbonne. La Constitution prévoyant que les traités internationaux doivent être respectés, » je lui demandais « s’il serait alors encore légal d’organiser en France des élections européennes sur cette base. »
Cette fois – mieux vaut tard que jamais –, Mme Loiseau a fini par admettre que, en cas de retard ou d’annulation du Brexit, il y avait un problème, mais elle s’est justifiée par une nouvelle contre-vérité, pour être poli. Selon elle : « En tout état de cause, si le Royaume-Uni renonçait à sa demande de retrait, la décision du Conseil européen du 28 juin 2018 deviendrait caduque » – c’est totalement faux –, « obligeant ainsi ledit Conseil européen à adopter une nouvelle décision ayant pour objet de fixer la composition du Parlement européen pour la prochaine législature. »
C’est faux, je le disais, et, lors de la séance du Sénat du 14 février 2019, j’ai donc de nouveau effectué un recadrage en indiquant : « la décision [du Conseil européen] du 28 juin 2018 a prévu que, si le Royaume-Uni était toujours membre de l’Union européenne au moment des élections, l’ancienne répartition des sièges continuerait à s’appliquer jusqu’au départ effectif du Royaume-Uni. Dans ces conditions, si le Royaume-Uni partait dans six mois, dans un an ou dans dix ans, » voire ne partait pas, « on serait dans une situation évidente de violation du traité de Lisbonne ».
Je continuais en m’adressant ainsi à la ministre : « Madame le ministre, je vous ai interrogée sur cette problématique par une question écrite n° 7142 au mois de novembre 2018. Vous m’avez répondu : “si le Royaume-Uni renonçait à sa demande de retrait, la décision du Conseil du 28 juin 2018 deviendrait caduque”. Madame le ministre, c’est de l’enfumage total et un mensonge à un double titre. […] Tout d’abord, rien n’indique dans la décision du Conseil du 28 juin 2018 que celle-ci deviendrait caduque en cas d’abandon du Brexit. Par ailleurs, les négociations avec le Royaume-Uni peuvent s’éterniser et durer pendant un an, deux ans ou plus : pendant toute cette période, nous continuerions à être dans une situation de violation du traité de Lisbonne. »
Eh bien, mes chers collègues, comme je le pressentais depuis plusieurs mois, nous sommes bel et bien dans une situation de violation du traité de Lisbonne, et nul ne sait si le Brexit aura lieu.
Le 26 janvier 2018, la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen a adopté un rapport sur la répartition des sièges entre les États membres. En annexe, ce rapport comporte, pour chaque pays, les ratios officiels, pour l’Union européenne, d’habitants par siège dans les deux hypothèses – avec ou sans Brexit. On constate donc que, en l’absence de Brexit ou en attendant que celui-ci se produise, l’Allemagne, pays le plus peuplé, a maintenant un ratio de 854 838 habitants par siège alors que ce ratio est, pour la France, compte tenu de l’évolution démographique, de 900 833 habitants par siège et, pour le Royaume-Uni, accessoirement, de 895 085.
La violation du principe de représentation proportionnelle dégressive est ainsi flagrante, au détriment de la France et, dans une moindre mesure, du Royaume-Uni.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Jean Louis Masson. Étant le pays le plus peuplé, l’Allemagne aurait dû avoir un ratio d’habitants par siège supérieur à celui de la France ; ce n’est pas le cas, ce qui constitue une violation flagrante du traité de Lisbonne.
Comme chacun le sait, la Constitution donne la priorité aux traités internationaux en vigueur sur les lois nationales. Dans la mesure où le projet de loi que nous examinons entérine la violation de l’article 14 du traité de Lisbonne, il n’est manifestement pas conforme à la Constitution ; aucun parlementaire honnête ne peut le nier.
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, monsieur Masson.
M. Jean Louis Masson. C’est pourquoi je vous propose d’adopter la présente motion.
M. Alain Richard, rapporteur. La commission ayant adopté le projet de loi, elle est très clairement défavorable à cette motion.
Les chiffres que cite M. Masson sont conformes à la réalité, et il est vrai que l’on en revient à une répartition des sièges qui résulte d’une décision antérieure. Rappelons que cette décision est soumise à une double condition : l’unanimité des représentants des vingt-huit États membres et l’existence d’une majorité au sein du Parlement européen ; une telle décision ne se modifie donc pas si simplement.
Il ne s’agit là que d’une question d’application du droit dans le temps. De manière provisoire, la nouvelle répartition, qui satisfait pleinement aux exigences du traité, ne pourra s’appliquer ; elle n’entrera en vigueur que dans quelques mois, lors de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne. En attendant, nous vivrons sous le régime d’une décision antérieure du Conseil européen, qui ne tient pas complètement compte des chiffres actuels de population ; c’est une situation provisoire, ce qui est parfaitement admissible en droit.
Cela ne me paraît donc pas constituer une violation du traité justifiant que le Sénat interrompe sa discussion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cette motion, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote. (Exclamations.)
M. Jean Louis Masson. Non seulement le texte que nous examinons n’est pas conforme au traité de Lisbonne, même si c’est pour une période limitée, mais, en outre, le fait de dire qu’on est, depuis 2014, dans une situation de violation du traité et qu’on y reste n’est quand même pas une justification. On était déjà dans une telle situation auparavant et, je le répète, on y reste ; même si l’on y reste provisoirement, cela constitue quand même une violation du traité de Lisbonne.
Je considère donc que cela n’est pas conforme à la Constitution.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 16, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Masson, d’une motion n° 18.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’entrée en fonction de représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (n° 499, 2018-2019).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion. Je vous prie de respecter le temps de parole qui vous est imparti, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. J’ai essayé de soulever, en commission, le problème du financement, notamment bancaire, des campagnes électorales dans le cadre des élections européennes. Mon intervention n’a pas été bien reçue, mais je veux quand même profiter de l’examen de ce texte relatif aux élections européennes pour évoquer la problématique du financement, par les banques, des campagnes électorales.
Par le passé, le financement des campagnes électorales était pour le moins opaque. Aux alentours de 1990, plusieurs affaires judiciaires ont été à l’origine d’une réglementation qui a plafonné les dépenses électorales, puis qui a, surtout, interdit les dons de personnes morales. En contrepartie, l’État a pris en charge les dépenses engagées par les candidats jusqu’à la moitié du plafond autorisé.
Pour les élections où le plafond de dépenses est élevé – élections présidentielle, européennes ou régionales –, le système atteint toutefois ses limites, car les candidats doivent avancer des sommes considérables, et ils ne sont remboursés que plus de six mois après l’élection en question. De ce fait, ils sont obligés de souscrire des emprunts auprès des banques.
Or on constate que, selon leurs affinités politiques, les banques pratiquent une discrimination entre les candidats. En général, elles accueillent avec beaucoup de bienveillance les demandes d’emprunt formulées par les partis dits « bien-pensants » ; au contraire, les partis qui contestent le système dominant sont, eux, victimes d’un ostracisme systématique. Lors de l’élection présidentielle de 2017, le Front national avait ainsi été obligé de souscrire un prêt auprès d’une banque étrangère, car les banques françaises lui refusaient tout financement.
En matière électorale, l’argent est le nerf de la guerre et un parti qui est privé de moyens financiers pour faire campagne, subit un handicap rédhibitoire.
Si une banque accorde un prêt à un candidat et le refuse à d’autres, le bénéficiaire profite, à l’évidence, d’un avantage en nature par rapport à ses concurrents. Or un tel avantage accordé par une personne morale est interdit.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP, est très vigilante dans certains domaines. Par exemple, lorsqu’un candidat bénéficie gratuitement d’une salle municipale pour tenir une réunion, la CNCCFP exige la preuve que les autres candidats sont traités sur un pied d’égalité ; à défaut, elle pénalise le compte de campagne du bénéficiaire de la salle.
Or une location de salle correspond à un avantage insignifiant par rapport à un prêt bancaire, lequel peut s’élever à plusieurs millions d’euros pour une élection nationale. Il est donc vraiment regrettable que la CNCCFP, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État n’aient pour l’instant pas réagi à l’encontre des discriminations pratiquées par les banques.
Le problème est incontestable et il faut rendre hommage à François Bayrou, l’éphémère garde des sceaux du premier gouvernement d’Édouard Philippe, d’avoir évoqué le problème en proposant la création d’une banque de la démocratie.
Malheureusement, les partis politiques dominants sont également ceux qui profitent du système, car leurs réseaux d’influence leur permettent d’obtenir des prêts sans grande difficulté.
Ainsi avantagés par rapport aux autres partis politiques, ils ne souhaitent pas que cela change. Lors du débat parlementaire, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, les grands partis se sont entendus pour torpiller l’idée d’une banque de la démocratie. À la place, ils ont créé un ectoplasme, à savoir le médiateur du crédit.
En effet, non seulement ce dernier a une efficacité totalement nulle, mais il nie l’existence de tout problème et justifie les discriminations pratiquées par les banques.
Lors des élections européennes de 2019, certains candidats ont été de nouveau confrontés aux mêmes difficultés que lors de la présidentielle de 2017. En l’espèce, le remboursement forfaitaire maximal de l’État est de 4,37 millions d’euros pour les listes atteignant le seuil requis de 3 % des suffrages exprimés. Les listes ayant, selon des sondages constants, la quasi-certitude de dépasser ce seuil auraient donc dû pouvoir emprunter sans problème auprès des banques.
Pourtant, dès le début de la campagne, la presse a évoqué l’impossibilité pour certains partis politiques de souscrire des emprunts auprès des banques. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les exemples les plus cités sont ceux de partis qui contestent la pensée dominante : l’un à l’extrême droite, le Rassemblement national, ou RN, l’autre à l’extrême gauche, La France insoumise, ou LFI.
Cela est d’autant plus inacceptable que tous les sondages donnent la liste du Rassemblement national en première ou en deuxième position, avec plus de 20 % des suffrages. Ils donnent également la liste LFI aux environs de 9 %, soit trois fois plus que le seuil requis pour le remboursement.
À très juste titre, un représentant de la liste du Rassemblement national a fait le triste constat, dans Le Figaro du 6 février dernier, qu’il revient « désormais aux banques de dire qui a le droit de se présenter ou non. ». De son côté, dans le même journal, un membre de la liste LFI indique : « Ce n’est pas aux banques de décider quelles sont les bonnes idées et quelles sont les mauvaises. C’est au peuple français de se prononcer. »
Dès février 2019, il était évident que le médiateur du crédit, qui venait d’être mis en place, ne servait à rien. Pire encore, les discriminations bancaires lui semblaient acceptables. Ainsi, toujours dans Le Figaro du 6 février 2019, au sujet de la liste du Rassemblement national, il indiquait : « Il y a un certain nombre de critères à respecter. Celui de la solvabilité ne pose pas problème pour le Rassemblement national. Celui de la conformité, de la réputation et de l’image, c’est une autre chose. »
Ce pseudo-médiateur du crédit trouve donc normal qu’une banque défavorise un candidat en fonction de sa réputation au sein des pseudo-élites du microcosme politique. À mon avis, c’est scandaleux.
Dans un article du 6 avril 2019, le journal Le Monde a relancé le débat sous le titre « Européennes : les partis peinent à financer leur campagne ». À lui seul, cet article prouve que les banques ont choisi leur camp, et ce d’autant plus que le directeur d’une grande banque française s’englue dans de fausses explications : « C’est une mauvaise querelle qui nous est faite. Des partis sans financement public parce qu’ils n’ont pas de parlementaires, avec peu de ressources et peu de garanties de franchir le seuil des 3 %, se posent en victimes. Mais les banques ne peuvent pas financer une activité à fonds perdu dès le départ. Ce serait quasiment du don. »
C’est vrai, mais ce n’est pas du tout ce qui est pratiqué. À l’évidence, ce directeur aurait mieux fait de se taire, puisque le Rassemblement national remplit toutes les conditions énoncées : il bénéficie d’un financement public, il a des parlementaires et tous les sondages indiquent qu’il va pulvériser le seuil de 3 %. C’est bien la preuve du double langage du système bancaire.
Dans le même article, le médiateur du crédit réagit, une nouvelle fois, en totale contradiction avec sa mission. En effet, à l’égard des candidats victimes des banques, il propose une solution pour le moins surprenante : « Il n’est pas anormal de faire appel aux militants pour financer une campagne, les partis sont aussi faits pour ça. » Ainsi, selon lui, i1 y aurait deux catégories de candidats : d’une part, ceux qui ont le soutien des banques et qui, avec leur aide, peuvent financer sans problème leur campagne ; d’autre part, les victimes des banques qui n’ont qu’à se débrouiller, soit en faisant appel aux militants afin de rassembler les 4,37 millions d’euros correspondant au futur remboursement par l’État, soit en faisant campagne avec un handicap considérable par rapport à ceux qui sont aidés par les banques.
Lors de la réunion de la commission des lois du 10 avril 2019, j’ai fait part de ma profonde indignation à l’égard du fonctionnement des banques. On ne peut refuser un prêt à des candidats, dont les sondages montrent qu’ils obtiennent largement plus de 10 % des intentions de vote, au seul motif que l’on craigne qu’ils n’atteignent pas le seuil de 3 %. Ce sont véritablement de faux arguments. Nous ne sommes plus en situation d’égalité des chances. Comme je l’ai souligné alors : « Si ce n’est pas de l’ostracisme, je ne vois pas ce que cela peut être. Il y a clairement du favoritisme au profit de certains et au détriment d’autres. En toute honnêteté, je ne suis pas sur la liste du Rassemblement national, mais je ne trouve pas normal qu’il y ait de telles discriminations. » C’est manifestement un avantage en nature au profit des partis qui bénéficient sans problème de prêts des banques.
Il est donc absolument indispensable de garantir l’égalité de traitement entre candidats en créant une obligation pour les organismes bancaires d’accorder les mêmes conditions à tous les candidats. À défaut, il faut que le candidat ayant bénéficié des conditions les plus favorables soit réputé avoir reçu un avantage en nature de la part d’une personne morale. Le candidat et l’organisme bancaire seraient alors passibles des sanctions prévues pour la violation de l’article L. 52-8 du code électoral.
Je regrette vivement qu’il n’ait pas été possible, lors des travaux en commission ou même en séance, de traiter correctement ce problème. Il s’agit d’une réelle discrimination. On ne peut, comme le laisse entendre un directeur de banque, favoriser un parti au détriment d’un autre dont les idées ne nous conviennent pas.
M. Alain Richard, rapporteur. Le seul avis que je puisse donner porte sur la méthode.
M. Masson nous demande d’adopter une question préalable, c’est-à-dire de nous opposer à la mise en débat de ce projet de loi, à dix jours des élections européennes.
Cela me semble d’autant plus malaisé en termes de méthode que la commission des lois, au sein de laquelle M. Masson s’illustre singulièrement, recevra, trois jours après les élections, c’est-à-dire le 29 mai prochain, le médiateur du crédit pour établir un bilan global du fonctionnement de ce système d’accès au crédit.
Si cela lui semblait nécessaire, tout parlementaire, y compris M. Masson, pourrait ensuite déposer un complément législatif à la loi pour la confiance dans la vie politique qui a essayé d’améliorer ce système.
Pour ces raisons, il me semble préférable d’écarter la motion de M. Masson et d’entrer dans le travail législatif pour lequel nous sommes réunis ce matin. Nous lui donnons rendez-vous après l’audition du médiateur du crédit pour écouter ses propositions.
La commission est défavorable à cette motion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage en tout point les propos du rapporteur et émet un avis défavorable sur cette motion.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 18, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Brexit saison 2 ! Vous avez aimé la saison 1, qui s’est achevée le 29 mars ? Quel suspense, quel épilogue !
Combien d’heures passées à nous réunir pour analyser les échanges quotidiens au Parlement britannique, commenter les propos des hard et soft Brexiters, voter des textes pour nous préparer à l’apocalyptique scénario d’une sortie sans accord dont les parlementaires britanniques avaient pourtant clairement rejeté la perspective. Tout ça pour ça !
Nous voilà donc dans la saison 2 du Brexit, avec une nouvelle échéance fixée au 31 octobre prochain. Theresa refusait de discuter avec David durant la saison 1. Désormais, elle tente de le séduire. Elle lui propose de rester dans une union douanière temporaire jusqu’aux prochaines élections générales afin de créer une majorité pour concrétiser son Brexit.
Mais David hésite. Et voilà une nouvelle échéance dépassée en avril. Le Brexit n’a pas eu lieu. Le Royaume-Uni fait toujours partie de l’Union européenne et les Britanniques sont contraints de convoquer des élections européennes.
Coup de théâtre ! Ils participeront au renouvellement du Parlement européen qui interviendra dans dix jours. Si c’est une surprise pour certains, je voudrais leur rappeler que nous avions souligné, en avril 2018, que le Parlement britannique avait voté les crédits budgétaires pour participer aux élections européennes l’année suivante.
M. Jean Bizet. Tout à fait !
M. Olivier Cadic. Au risque de me répéter, je rappelle ce que j’ai déjà dit en juillet dernier : « En réalité, l’intérêt supérieur du Royaume-Uni n’est pas de quitter l’Union européenne. D’ailleurs, Theresa May préserve cette option. Lors du dernier conseil européen [de juin 2018], elle a remis une lettre destinée à permettre à son pays de participer aux élections européennes de 2019, si le Royaume-Uni n’est pas sorti de l’Union européenne à l’échéance prévue. Voilà pourquoi, aujourd’hui plus encore qu’en juin 2016, moi qui vis au Royaume-Uni depuis plus de vingt ans, je reste convaincu que le Brexit n’aura pas lieu. » Je n’ai pas changé d’avis depuis.
Nous nous apprêtons à examiner un texte particulier. Alors qu’une partie des sièges des eurodéputés britanniques avaient déjà été répartis entre d’autres États membres, dont la France, nous voilà contraints de revenir sur cette décision pour le moins hâtive. Tel est l’objet de ce projet de loi que nous ne pouvons, bien évidemment, que soutenir.
Dans dix jours, cinq candidats français seront entre deux eaux. Si les Britanniques restent dans l’Union européenne, ils ne siégeront pas.
Theresa ne veut pas attendre le 30 octobre. Elle veut sortir avant le 30 juin pour que le Parlement européen nouvellement élu se réunisse sans les Britanniques. Je dois vous confier que la saison 2 lasse les gens. Les ressorts ne fonctionnent plus aussi bien. Le suspense s’essouffle. Personne ne croit, au Royaume-Uni, que la Première ministre britannique pourra convaincre son Parlement, le 4 juin prochain, de voter le texte qu’il n’a pas voulu adopter lors de la saison 1.
Contrairement aux ordonnances que nous avons votées en début d’année pour amortir les effets d’une sortie sans accord du Royaume-Uni, il y a de fortes chances que le texte que nous votons aujourd’hui soit utile.
Le Royaume-Uni est désormais profondément divisé. Une mauvaise ambiance s’est installée. Si le suspense s’estompe, la pagaille persiste. Les Européens qui vivent outre-Manche ont été invités à s’inscrire pour participer aux élections européennes en votant pour des listes britanniques. Il leur faut alors renvoyer par courrier postal un formulaire d’inscription sans qu’ils reçoivent d’accusé de réception. Pour surmonter cet obstacle administratif, deux ONG ont mis en place une procédure en ligne afin de faciliter la participation des Européens. Leur action a été stoppée par les autorités britanniques.
Derrière le discours officiel, qui garantit aux citoyens européens le maintien de leurs droits existants, se cachent des faits, des chiffres révélés cette semaine par le quotidien The Independent. Entre le premier trimestre de 2017 et le premier trimestre de 2016, les expulsions forcées d’Européens au Royaume-Uni auraient augmenté de 26 %. Près de 5 000 Européens ont été expulsés lors des douze derniers mois.
Ces données proviennent d’un rapport ayant fuité du Home Office et qui prévoit de restreindre significativement l’immigration d’Européens sur l’île dès la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne.
À la suite de cet article, j’aurais été heureux de lire une réaction de la France pour savoir comment le Gouvernement britannique justifie ses actions, alors que le droit européen est toujours applicable au Royaume-Uni.
Je remercie de son action l’association the3million, qui défend les droits des 3 millions d’Européens du Royaume-Uni. Les chiffres divulgués par The Independent justifient le bien-fondé de cette action.
Je vous l’ai dit, le climat n’est pas bon, et cela se ressent à la lecture des premiers sondages. Nigel Farage, celui qui a juré de faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne, puis de détruire l’Union européenne, caracolerait en tête.
Il dit haïr l’Europe, mais il n’hésite pas à siéger dans ses institutions et à toucher des indemnités. Quelle différence avec le comportement du Sinn Fein, qui fait élire à chaque élection, depuis 1921, des députés en Irlande du Nord qui ne siègent pas à Londres et refusent de percevoir toute indemnité parlementaire ! Mais M. Farage est tout sauf un idéaliste. Il fait partie de la catégorie des nationalistes cyniques : prompt à dénoncer, invisible pour proposer des solutions.
C’est donc pour ce personnage, et pour quelques-uns de ses amis, que nous devons prévoir de faire de la place. S’il est bien une évidence qui s’impose devant le spectacle qui nous est infligé depuis bientôt trois ans, c’est que l’Europe doit revoir la formulation de l’article 50 du traité sur l’Union européenne et réformer son mode de fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « les institutions peuvent, si elles sont bien construites, accumuler et transmettre la sagesse des générations successives » : tels étaient les propos de Jean Monnet.
Au moment où la campagne européenne est lancée et les candidats connus, il est important de rappeler les apports considérables, mais aussi les limites, d’une institution trop méconnue et politiquement sous-estimée.
En effet, le Parlement européen, élu au suffrage universel direct depuis quarante ans, n’a cessé, au fil des années, de s’affirmer et de prendre du poids face aux autres institutions et particulièrement face aux États membres.
Il est devenu le lieu d’expression démocratique de l’Union européenne et ses pouvoirs se sont renforcés progressivement : il est maintenant colégislateur dans quatre-vingt-cinq domaines de compétence allant du marché intérieur à l’environnement, en passant par l’énergie, les transports ou la politique agricole.
Le Parlement européen est plus puissant que beaucoup de parlements nationaux et est indépendant de l’exécutif. Il dispose également d’un pouvoir budgétaire non négligeable, même s’il demeure sans compétence sur les recettes.
C’est aussi lui, une fois installé, qui investit la Commission européenne et qui auditionne les commissaires européens avant leur prise de fonction officielle. Cela serait inimaginable en France.
Entre 2014 et 2018, plus de 2 100 textes ont été adoptés, dont 708 textes législatifs. Et même si la quantité n’est pas gage de qualité, cela démontre indéniablement le dynamisme et le rôle prépondérant du Parlement européen.
Il est souvent précurseur pour faire avancer des dossiers importants comme le paquet climat-énergie, les droits d’auteur ou le règlement général sur la protection des données, avec des positions beaucoup plus ambitieuses que les États. C’est aussi une assemblée qui protège les citoyens, comme ce fut le cas lors de la révision de la directive sur les travailleurs détachés ou sur la mise en place d’instruments de défense commerciale pour faire face aux distorsions de concurrence.
Pourtant, et on peut le regretter, trop peu de nos concitoyens ont conscience du poids croissant du Parlement européen et trop peu s’intéressent au choix des députés européens, alors même qu’ils doivent traiter d’enjeux fondamentaux.
Le taux très élevé d’abstention en Europe et en France – environ 60 % –, notamment chez les plus jeunes – trois sur quatre –, doit nous interroger.
Il y a pourtant du choix pour les 41 millions d’électeurs français qui sont appelés aux urnes le 26 mai prochain avec 34 listes de 79 candidats officiellement enregistrées.
Pourquoi ce Parlement européen reste-t-il si méconnu, quand il n’est pas parfois considéré comme illégitime ? Faut-il y voir une défiance des citoyens européens ? Le système électoral appliqué est-il pertinent ?
Les causes sont multiples et interdépendantes : crise générale de la démocratie représentative, pouvoirs proprement politiques de l’Union insuffisants, image lointaine, complexe et technocrate de l’Europe collant à la peau du Parlement, manque de relais locaux et nationaux, absence de pouvoir d’initiative parlementaire…
Et finalement, alors que les chefs d’État et de gouvernement se sont réunis la semaine dernière, à Sibiu, pour parler, sans le Royaume-Uni, de l’avenir de l’Europe et des grandes priorités européennes pour les années à venir, l’ombre du Brexit continue de planer sur les élections européennes et sur l’Europe.
Avec le report du Brexit, de grandes incertitudes sur leur rôle et sur la durée de leur présence vont peser sur les députés européens britanniques qui seront élus.
Selon un récent sondage, le parti de l’eurosceptique Nigel Farage est crédité de 34 % des intentions de vote, loin devant le parti travailliste, en deuxième position avec 21 %, soit une majorité d’eurosceptiques qui pourraient être tentés de perturber le travail et le bon fonctionnement du Parlement européen.
Ce report du Brexit emporte également des conséquences directes sur les treize États membres qui se voyaient attribuer des représentants supplémentaires, mais qui vont devoir patienter et prévoir des règles transitoires.
La France, qui devait gagner cinq sièges supplémentaires, compte tenu de son évolution démographique, passant ainsi de 74 à 79 représentants, a dû préparer ce projet de loi pour sécuriser et clarifier leur statut en précisant la méthode et le mode de leur désignation.
Ce report compromet le renforcement de sa présence dans l’hémicycle européen et la prise en compte de l’évolution démographique de notre pays. On ne peut que le regretter. L’influence française s’en trouvera sûrement affaiblie, même si elle dépend aussi beaucoup de la présence de nos futurs eurodéputés français et de leur implication dans les différentes instances du Parlement européen. Espérons qu’ils auront à cœur de s’impliquer pour faire entendre la voix de la France.
La complexité du fonctionnement des institutions européennes, la longueur et la difficulté d’approche des traités institutionnels, ainsi que la sous-médiatisation des enjeux communautaires, rendent difficile la démocratie européenne, même si nous ne devons pas oublier que l’Union européenne est garante de la paix en Europe depuis plus soixante ans.
Ce déficit démocratique est un problème. Une réflexion de fond s’impose aux citoyens européens et à nos dirigeants actuels et futurs.
Le Parlement européen doit être une institution dynamique et un pilier de cette démocratie européenne. Les modalités d’élection des députés européens, qui ont évolué au fil des campagnes électorales, doivent être aussi une piste d’action à l’avenir pour renforcer la légitimité de l’Union européenne.
Le groupe Les Indépendants soutient ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans une tribune publiée le 16 mars dernier, Theresa May affirmait : « L’idée que les Britanniques se rendent aux urnes pour élire des députés européens, trois ans après avoir voté pour quitter l’Union européenne, est à peine supportable. Il ne saurait y avoir de symbole plus fort de l’échec politique collectif du Parlement. » On ne peut être plus clair…
Deux mois après cette déclaration de la Première ministre britannique, l’échec politique contre lequel elle mettait en garde la Chambre des communes est pourtant bel et bien consommé et il est désormais acquis que nous assisterons, le 23 mai prochain, à l’organisation ubuesque d’élections européennes outre-Manche.
En effet, malgré la voix dissonante, mais isolée, de la France, les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Sept se sont entendus, le 10 avril dernier, pour reporter de nouveau le Brexit. Après l’échéance initiale du 29 mars, repoussée une première fois au 12 avril, c’est donc désormais le 31 octobre prochain, au plus tard, que le Royaume-Uni quittera finalement l’Union européenne.
Si l’on peut naturellement se féliciter qu’un certain réalisme politique ait prévalu afin d’écarter provisoirement le spectre du scénario catastrophe d’un no deal, la durée de cette prolongation ne peut, en revanche, nous satisfaire.
D’une part, elle allonge de six mois les incertitudes liées au Brexit, ce qui est dommageable d’un point de vue tant économique, en empêchant les entreprises de prendre des décisions fondées sur un horizon clair, que politique, en détournant l’Union européenne d’une tâche ô combien plus urgente, celle de son indispensable refondation face aux nombreux défis qui se posent à elle.
D’autre part, ce nouveau calendrier non seulement vient parasiter le déroulement d’élections européennes particulièrement décisives, mais il risque également de perturber le bon fonctionnement des institutions européennes au moment même où des décisions structurantes devront être prises.
Certes, le Gouvernement britannique s’est engagé, d’ici au Brexit effectif, à faire preuve de coopération loyale, c’est-à-dire à s’abstenir de prises de position qui pourraient entraver l’autonomie décisionnelle de l’Union européenne comme, par exemple, l’utilisation de son droit de veto pour bloquer l’adoption du cadre financier pluriannuel ou pour compliquer la désignation du prochain collège des commissaires.
Toutefois, rien d’autre que cet engagement moral n’empêchera le Royaume-Uni de voter comme il l’entend au Conseil, car il en restera membre de plein droit. En outre, ce principe de coopération loyale ne s’appliquera en rien aux députés européens britanniques, et c’est là qu’est le problème.
On peut sérieusement douter que derniers, et en particulier les élus du Brexit party, la nouvelle formation créée par Nigel Farage donnée largement en tête des intentions de vote, se sentent liés par l’engagement de Mme May et qu’ils acceptent de s’y soumettre. Je souscris malheureusement pleinement au portrait que vient d’en dresser notre collègue Olivier Cadic.
Plus largement, il ne saurait être question de restreindre de quelque manière que ce soit la capacité des députés britanniques régulièrement élus à participer pleinement aux travaux du Parlement européen, mais on ne peut que s’interroger sur le rôle et le type d’influence qu’ils pourraient y exercer, a fortiori dans une institution où les réunions en « format article 50 » n’existent pas.
Dès lors, si les dirigeants européens ont jusqu’ici fait preuve d’une grande patience vis-à-vis des atermoiements du Royaume-Uni, celle-ci ne saurait être sans limites. D’autant que la patience des électeurs britanniques semble, elle, avoir atteint les siennes. Leur exaspération s’est ainsi traduite lors des récentes élections locales par la lourde sanction qu’ils ont infligée aux deux grands partis traditionnels, qu’ils tiennent – à juste titre – pour responsables des blocages sur le Brexit.
Espérons que cet avertissement incite Theresa May et Jeremy Corbyn à accélérer les discussions bipartisanes qu’ils conduisent actuellement et dont on se demande d’ailleurs pourquoi elles n’ont pas été lancées plus tôt.
La semaine dernière, les députés britanniques que j’ai rencontrés à Londres puis à Édimbourg, avec le président Cambon, ne nous ont pas fait mystère qu’ils ne voteraient pas les orientations proposées, et ce même si leurs chefs de parti devaient parvenir à s’entendre.
M. Philippe Dallier. Nous voilà bien avancés !
M. Jean Bizet. Espérons que cet avertissement incite Theresa May et Jeremy Corbyn à accélérer les discussions sur ce point.
Un accord majoritaire concernant la relation future entre Londres et le continent ouvrirait la voie à une ratification du traité de retrait par la Chambre des communes. Et si un tel dénouement ne permet pas d’éviter la tenue des élections européennes au Royaume-Uni, il n’est pas totalement interdit d’espérer qu’il puisse intervenir suffisamment tôt, c’est-à-dire d’ici à la mi-juin, pour que les élus britanniques n’aient jamais à siéger au Parlement européen, dont la séance inaugurale – je vous le rappelle – se tiendra le 2 juillet.
Néanmoins, le contexte politique qui prévaut actuellement au Royaume-Uni vient modérer cet optimisme, tant il demeure marqué par une confusion et une conflictualité extrêmement fortes. Tout compromis solide sur le Brexit reste ainsi particulièrement difficile à atteindre.
Le gouvernement britannique a bien proposé aux travaillistes une solution consistant en un « arrangement douanier » avec l’Union européenne et en un « alignement dynamique » des droits des travailleurs britanniques sur ceux de leurs homologues européens.
Mais si un accord devait être scellé sur cette base entre Mme May et M. Corbyn, il serait inévitablement combattu à la fois par les hard Brexiters conservateurs, qui y voient notamment la trahison de la promesse d’une politique commerciale autonome, mais aussi par les Remainers travaillistes, qui sont nombreux à militer en faveur d’un second référendum.
À ce stade, tout porte donc à croire que le projet de loi que nous étudions aujourd’hui, et auquel le groupe Les Républicains apportera son soutien, sera bel et bien nécessaire.
Voilà, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire en la matière. Je pourrais continuer, mais nous sommes, comme l’ensemble des vingt-sept États membres, pris en otage par nos amis britanniques, alors qu’il s’agit de régler un problème purement domestique.
Monsieur le secrétaire d’État, espérons que la paralysie britannique ne se double pas d’une paralysie européenne durable. Souhaitons que le report du Brexit accordé le 10 avril soit le dernier, à moins que le Royaume-Uni ne prenne la décision de révoquer unilatéralement la notification visée à l’article 50, comme la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 10 décembre dernier le lui permet. Cela nous permettrait, le cas échéant, de mener une autre réflexion, portant, cette fois, sur l’avenir de l’Union européenne, sujet beaucoup plus important – vous me l’accorderez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quelques jours de l’élection européenne, permettez-moi pour commencer de rappeler les propos tenus par le président Emmanuel Macron lors de son discours d’Athènes : « En 2005, une page s’est tournée et nous ne l’avons pas vu tout de suite. C’est que l’Europe ne peut plus avancer à part des peuples. Elle ne peut continuer son destin que si elle est choisie, voulue. »
Quel fossé entre cette déclaration, dont nous partageons le constat, et ce qui se passe aujourd’hui ! Non seulement aucune conséquence n’est tirée de ce diagnostic dans les politiques menées, dont le cours libéral continue à marche forcée, mais que constatons-nous, une fois de plus, avec l’organisation des élections européennes ? L’incurie démocratique et la médiocre qualité du débat des élections européennes demeurent la règle.
Nous pourrions certes appréhender le présent projet de loi comme un simple détail technique. Il est vrai que les circonstances du Brexit obligent juridiquement, mais également politiquement, à conserver des représentants britanniques au sein de l’assemblée européenne jusqu’à ce que le retrait du Royaume-Uni soit effectif et définitif. Nous ne nous opposerons donc pas au projet technique présenté.
Pourtant, force est de constater que cette situation, qui nous conduit à revoir in extremis les conditions de l’élection de nos représentants européens sans que les électeurs français saisissent rien, est révélatrice d’une Union européenne à bout de souffle démocratiquement.
Les dirigeants britanniques et européens se sont jusqu’à présent montrés incapables de mettre en œuvre une sortie pérenne et organisée du Royaume-Uni, quoi qu’on en pense sur le fond. Le Brexit a été un terrible aveu d’échec, et l’un des nombreux signaux d’une distanciation toujours plus forte des peuples vis-à-vis de l’Union européenne.
Le chaos politique s’aggrave au Royaume-Uni, où le dangereux Nigel Farage pourrait rafler la mise de cet incroyable imbroglio. Quant à l’Union européenne dans son ensemble, cet épisode, après d’autres, révèle à quel point les dirigeants de cette Europe conçue seulement pour les marchés ne savent jamais quoi faire quand des peuples émettent des votes contraires à leurs intentions.
En vérité, rien n’est jamais prévu pour qu’il soit tenu compte du vote desdits peuples. Nous en avons nous-mêmes déjà fait l’expérience, avec le refus de respecter la souveraineté populaire qui s’était exprimée à l’occasion des référendums danois, irlandais, néerlandais et français – il n’était pourtant pas question, à l’époque, de sortie, mais de refus de constitutionnaliser le cours libéral de l’Union européenne et la transformation de son sens.
Le traitement politique des conditions de l’élection européenne est lui aussi révélateur de cette incurie démocratique. Cet événement devait être un grand moment de débat démocratique. Or rien n’est réellement fait pour mobiliser l’intérêt de nos concitoyens.
Les conditions de cette élection ont d’ailleurs, depuis l’origine, fait débat. Je rappelle que la loi fixant les modalités de la première élection des parlementaires au suffrage universel direct, en 1977, fut le premier cas, dans notre histoire constitutionnelle, d’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution dans un domaine lié à nos relations extérieures.
La participation aux élections européennes risque, cette année encore, de dépasser tous les records d’abstention ; elle avait déjà baissé de 20 points, en 2014, par rapport à 1979. La déception profonde causée par les politiques menées, leur rejet désormais majoritaire dans toute l’Union et l’opacité des processus de décision en sont les causes fondamentales.
Et puisque ce projet nous donne l’occasion de revenir sur les conditions d’organisation de la campagne électorale, je veux redire notre colère sur trois points qui conduisent directement à alimenter la situation que je viens de décrire, faite d’asphyxie démocratique et de méfiance populaire.
Je redis que le seuil électoral, fixé en France à 5 %, est une grave distorsion démocratique.
M. François Bonhomme. C’est ça, nous manquons de listes !
M. Pierre Laurent. Souvent prompts à plagier l’Allemagne, nous faisons, en l’occurrence, le contraire de ce qu’elle fait, en tordant gravement la représentation proportionnelle. Parmi les électeurs qui s’apprêtent à s’exprimer, ceux qui risquent de se voir priver de représentation au Parlement européen n’auront probablement jamais été aussi nombreux. Le niveau d’abstention et le seuil électoral vont, combinant leurs effets, dégrader gravement la représentation démocratique française.
Je redis, par ailleurs, que la répartition du temps de parole, issue du projet de loi dont nous avions dénoncé ici les travers, est un véritable scandale. Non seulement l’égalité du temps de parole n’est plus qu’un rêve, mais la répartition prévue par la loi aboutit à une caricature.
Chacun de nous, mes chers collègues, pèse royalement sept secondes de temps de parole par candidat ; et que donne concrètement ce tripatouillage législatif voté ici sans broncher l’an dernier ? La République En Marche se voit attribuer un temps de diffusion des clips officiels supérieur à celui des listes communiste, France insoumise, Europe Écologie Les Verts et Génération.s réunies ! Le Front national se taille une part de lion, concentrant plus de temps d’antenne que Les Républicains et l’UDI réunis.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Pierre Laurent. Le Gouvernement souhaitait favoriser indûment la polarisation entre La République en marche et le Rassemblement national ; la loi a exaucé ses vœux. C’est un choix dangereux pour la démocratie et l’avenir de l’Union européenne.
Enfin, mes chers collègues, permettez-nous, à nous qui défendons ici si souvent le service public de France Télévisions contre les attaques dont il est l’objet, d’élever une protestation sur la manière dont France 2 organise le débat entre les listes présentées.
Une première fois mise en échec, la chaîne publique recommence à vouloir écarter plusieurs d’entre elles, dont certaines sont représentées au Parlement européen – celle qui est conduite par Ian Brossat en fait partie –, du principal débat. (Mme Françoise Gatel applaudit vivement.) Les journalistes de France 2 réalisent bien souvent – je le sais – un travail sérieux et instructif dans des conditions difficiles. Ce ne sont pas eux que je mets en cause. Mais j’invite la direction de France Télévisions à revoir sa copie pour accorder un traitement juste et équitable à l’ensemble des listes.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Pierre Laurent. Il est temps, pour l’avenir démocratique de l’Union européenne, que soient créées les conditions d’un choix équitable des Français, qui supportent de moins en moins qu’on les prive de leur libre jugement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mmes Françoise Gatel, Jocelyne Guidez et Brigitte Lherbier ainsi que M. Pierre Louault applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en apparence, ce projet de loi relève du simple pragmatisme ; il répond à un besoin très spécifique : préciser comment, à la date éventuelle de sortie du Royaume-Uni, les cinq sièges supplémentaires qu’obtiendrait alors la France seraient pourvus.
Ces sièges seront donc, aux termes des dispositions de ce texte, attribués aux candidats qui auraient été élus le 26 mai prochain si la France disposait de cinq sièges supplémentaires.
Rappelons en effet que vingt-sept des soixante-treize sièges qui reviennent aujourd’hui au Royaume-Uni seraient redistribués en cas de Brexit effectif, les quarante-six autres étant conservés pour répondre aux besoins d’éventuels élargissements futurs. Sur ces vingt-sept sièges, cinq sont attribués à la France.
J’entends ceux qui crient au scandale, sur le thème : « Les Britanniques ont décidé de sortir, mais vont continuer à choisir pour nous l’avenir de l’Europe ou à peser sur ses choix. »
Observons ce qui se passe au Royaume-Uni – Olivier Cadic en a parlé – : le Brexit fait l’effet d’un trou noir absorbant intégralement la capacité des forces politiques et économiques de ce pays de se projeter dans l’avenir. Les parlementaires britanniques se sont imposé deux contraintes : non à l’accord signé – ils savent pourtant qu’il s’agit du seul possible – et non à une sortie sans accord. Ce problème n’a pas de solution dans un espace euclidien ! Deux qualités britanniques se livrent aujourd’hui une compétition acharnée : l’opiniâtreté et le pragmatisme. Qui va l’emporter ? On ne le sait pas ; je parie sur le pragmatisme, comme Olivier Cadic, mais nous verrons bien.
En tout état de cause, dans la situation actuelle, constatons que les Britanniques sont toujours maîtres des horloges. Tant que nous accepterons qu’ils repoussent la date de sortie, la date sera repoussée ! Et s’ils souhaitent finalement ne pas sortir, nous ne pourrons pas nous y opposer : ils révoqueront l’application de l’article 50 du traité sur l’Union européenne.
M. Jean Bizet. Exactement !
M. Jean-Yves Leconte. C’est bien pour cette raison qu’Olivier Cadic appelle à une réflexion sur ce sujet : en réalité, c’est l’État qui a activé l’article 50 qui est maître des horloges.
On n’est pas obligé de se laisser happer par ce trou noir qui absorbe les forces britanniques : poursuivons notre route, et travaillons. Les Britanniques, aujourd’hui, me semblent incapables de peser sur l’avenir de l’Union européenne – ils ont de toute façon, en quelque sorte, pris l’engagement de ne pas le faire, même si l’on peut espérer qu’à l’avenir ils retrouvent des forces, si d’aventure le Brexit n’avait pas lieu. Quoi qu’il en soit, nous pouvons, quant à nous, continuer à travailler à l’avenir de l’Europe, sans nous alarmer outre mesure sur ce sujet.
Constatons malgré tout que les citoyens européens ont été les principales victimes de ce débat sur le Brexit. Ils ont été pris en otage – je pense notamment aux Britanniques qui vivent dans l’Union européenne, hors Royaume-Uni, et ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés : quid de leurs droits au séjour, à prestations sociales, à la mobilité et au travail ? Je pense aussi aux Européens non britanniques qui vivent sur le sol du Royaume-Uni. Je pense encore à ceux qui, Britanniques, sont nés avec la citoyenneté européenne, laquelle faisait partie de leur identité ; on la leur arrache.
Le Brexit aura, de ce point de vue, sauf correction, un effet régressif majeur : il va signer la perte de la citoyenneté européenne, qui, construite depuis vingt ans, n’existe quasiment plus. Les citoyens européens, à l’occasion du Brexit, sont redevenus des sujets des États membres, traités comme tels par les différents États, et pas mieux, d’ailleurs, par les autres membres de l’Union que par le Royaume-Uni, car chacun a préféré défendre sa souveraineté plutôt que l’idée de la citoyenneté européenne. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons construire une Europe démocratique !
L’élection du 26 mai est, à ce titre, essentielle ; et ce n’est pas en nous contentant d’une réédition de l’élection présidentielle de 2017 que nous pourrons promouvoir les choix essentiels qui doivent être faits pour les Français et pour l’Europe.
Deux sujets méritent d’être abordés dans le cadre de l’examen de ce projet de loi que, en raison de son caractère très pragmatique – il répond à une urgence –, nous soutiendrons.
J’évoquerai premièrement, monsieur le président de la commission des lois, un avis du Conseil d’État rendu public le 6 mai dernier sur l’implication financière des partis politiques européens dans la campagne des élections européennes. Cet avis change totalement la manière dont nous avons pensé ici même, en tant que législateurs, le financement des campagnes électorales. Il consacre une disposition qui figure dans le règlement européen sans que nous l’ayons correctement intégrée dans notre législation nationale – la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques essayait, quant à elle, de mettre en œuvre ce que nous avions édicté. Cette disposition est la suivante : les partis politiques européens peuvent intervenir dans le financement de la campagne européenne.
De ce point de vue, nous allons devoir très rapidement mener une réflexion pour faire évoluer les règles françaises de financement électoral dans le sens des décisions prises au niveau européen. Il va falloir également accélérer la convergence, au niveau européen, des différentes modalités de financement des partis politiques et de l’activité politique qui coexistent dans l’ensemble de l’Union européenne. Une mission de notre commission et de la commission des affaires européennes sur ce sujet serait bienvenue.
Deuxième sujet, monsieur le secrétaire d’État : la situation des citoyens européens qui vont ou peuvent voter dans un pays qui n’est pas celui dont ils possèdent la nationalité. En la matière, l’administration française est en train, me semble-t-il, de faire une erreur.
Je rappelle que le double vote, en France, est puni par le code électoral d’une peine de 15 000 euros d’amende et de six mois à deux ans d’emprisonnement. Il est certes techniquement possible – par exemple, un citoyen français vivant en Allemagne peut en principe voter tant au consulat que dans la mairie de sa ville de résidence –, mais surtout illégal : l’électeur qui voterait deux fois encourrait une sanction pénale.
Il ne saurait pour autant être question, monsieur le secrétaire d’État – c’est pourtant ce que l’administration s’apprête à faire –, de refuser à un électeur régulièrement inscrit sur la liste consulaire la possibilité de voter au consulat, au prétexte que l’administration française aurait connaissance de l’inscription dudit électeur sur la liste électorale de la commune de son pays de résidence. Il n’est pas possible que les choses se passent de cette manière !
Informer les citoyens, le cas échéant, qu’ils sont inscrits sur les deux listes et encourent une sanction pénale en cas de double vote, c’est très bien. Mais leur refuser la possibilité de voter au consulat – selon les instructions que vous avez données–, alors qu’ils sont régulièrement inscrits sur les listes électorales, me paraît juridiquement contestable.
Je profite donc de ce débat pour vous demander, monsieur le secrétaire d’État, de bien nous préciser que, dès lors qu’une personne est inscrite sur la liste électorale consulaire, elle aura la possibilité de voter après avoir été informée des sanctions pénales qui pourront lui être appliquées en cas de double vote.
Symétriquement, s’agissant des ressortissants européens résidant en France et inscrits sur les listes électorales françaises, il faut là aussi veiller à ce que tout le droit européen et tout le droit français soient respectés, mais en rejetant les interprétations hasardeuses contre lesquelles, malheureusement, il me semble que vous n’êtes pas prémuni – c’est pourquoi j’attire votre attention sur ce point.
Cela dit, et dans l’attente de vos précisions, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie et confirme notre soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Josiane Costes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, entre le 23 et le 26 mai prochain, l’ensemble des citoyens européens est appelé aux urnes pour désigner les membres du Parlement de Strasbourg.
Cette année, ce renouvellement se déroulera dans un contexte de grande incertitude, à la suite des rejets successifs par le Parlement britannique des accords de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Nous avons bien conscience, en outre, que près de 40 000 citoyens britanniques inscrits sur les listes électorales en France se trouveront, le 26 mai, dans une situation très paradoxale, alors que le dénouement de ce feuilleton devrait intervenir d’ici le 31 octobre prochain, avec l’adoption d’un accord de sortie auquel nous continuons de croire.
Le groupe du RDSE se félicite malgré tout que 330 000 citoyens de l’Union européenne résidant en France se soient inscrits pour pouvoir voter aux côtés de nos concitoyens, tandis que 1,35 million de Français prendront part au scrutin depuis l’étranger. C’est le signe que les citoyens européens s’emparent de toutes les modalités de vote mises en place pour accroître la représentativité de notre système électoral.
Néanmoins, l’absence d’accord de sortie placera également les électeurs français dans une situation inédite. Selon la solution entérinée par le Conseil européen du 28 juin 2018, nos concitoyens, comme ceux des États membres restants, voteront par anticipation du retrait britannique pour cinq représentants supplémentaires, qui entreront en fonction après ce retrait.
Dans l’intervalle, le Parlement européen pâtira d’une légitimité affaiblie. C’est pourquoi nous espérons que l’accord que Theresa May s’est engagée à négocier avant l’élection du président du Parlement européen et la désignation de la Commission sera adopté.
Dans le cas contraire, les parlementaires britanniques fragiliseraient toutes les démocraties européennes, dans un contexte de montée des populismes. Cela paraît inconcevable quand on connaît l’influence du modèle britannique sur la démocratie dans le monde ! C’est sur la base de cette logique que nous avions soutenu la position du gouvernement français de refuser un nouvel ajournement des négociations jusqu’en 2020.
Comme l’écrivait Musset dans un tout autre registre : « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. »
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
Mme Josiane Costes. Celle entre le Royaume-Uni et l’Union n’est ni l’un ni l’autre ; il ne faudrait pas que les Européens en subissent plus longtemps les conséquences ! C’est ce qu’ont rappelé en substance les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement en adoptant la déclaration de Sibiu, la semaine dernière.
Dans ce climat particulièrement confus, nous sommes favorables à l’adoption de règles claires, et donc à ce que la règle de désignation des eurodéputés supplémentaire reste la même que celle s’appliquant au reste de leurs collègues – c’est ce que prévoit le projet de loi non amendé.
Nous l’avions déjà rappelé l’an dernier, au moment de l’adoption du projet de loi portant rétablissement d’une circonscription unique : aucun système électoral n’est parfait. S’agissant des temps de parole applicables dans les campagnes électorales, la recherche d’une meilleure représentativité, d’une part, et, d’autre part, la nécessité de préserver le pluralisme, difficiles à concilier, sont de nature à produire des débats sans fin.
Le grand nombre de listes enregistrées, que personne n’avait anticipé, rend aujourd’hui la mission du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, particulièrement délicate, et nous voyons déjà bourgeonner les polémiques. Ces trente-quatre listes ont d’ailleurs pris de court les mairies et les préfectures sur la question des panneaux d’affichage…
M. Philippe Dallier. C’est bien vrai !
Mme Josiane Costes. Notre collègue Jean-Yves Roux avait déposé un amendement, hélas jugé irrecevable, sur ce sujet. Sans entrer dans les détails de ce débat, il me semble que l’allongement de la durée totale de la campagne serait la seule solution consensuelle pour atténuer les frustrations.
Nous savons également que, au temps des réseaux sociaux, les campagnes, désormais, se jouent peut-être ailleurs, et que notre combat pour le pluralisme devrait se mener dorénavant sur ces nouveaux terrains d’échange et d’expression.
Les membres du groupe du RDSE sont ainsi tout à fait favorables à ce que, à la suite du scandale de Cambridge Analytica et de la publication du rapport Mueller, le Gouvernement prenne des initiatives au niveau national et international pour protéger les utilisateurs français de ces réseaux sociaux de tentatives d’influence malveillante, ce qu’il semble enclin à faire. Il y a là une réflexion essentielle à mener au bénéfice de notre jeunesse, dont les techniques d’information diffèrent considérablement des nôtres.
Alors que la campagne électorale a commencé lundi dernier, je voudrais également rappeler à nos concitoyens l’importance du rôle du Parlement européen sur les nombreuses matières relevant de la codécision avec le Conseil, lorsqu’il ne se prononce pas à l’unanimité. Beaucoup de ces thématiques recoupent celles du grand débat : il s’agit donc d’un rendez-vous essentiel pour convertir les réflexions amorcées ces derniers mois en actions concrètes.
Au sein du Parlement européen, nos représentants sont en nombre suffisant pour peser dans les débats, contrairement à ce que certains voudraient laisser entendre – on sait à qui profite l’abstention ! Après le retrait britannique, la France y restera la deuxième nation représentée, derrière l’Allemagne, et la nouvelle répartition portera la part des représentants français dans l’hémicycle européen de 9,8 % à 11,2 % des sièges.
À chacun de donner à nos futurs représentants une légitimité à la hauteur des nombreux défis qui les attendent, en participant à ce scrutin crucial pour l’avenir de l’Europe ! (MM. André Gattolin, Franck Menonville et Jean-Claude Requier applaudissent.)
M. Alain Richard, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre excellent rapporteur a défendu il y a quelques semaines, en commission des lois, dans le cadre d’une proposition de loi qu’il a présentée, une disposition tendant à interdire, au cours de l’année précédant un scrutin, toute modification du régime électoral.
Je suis donc très surpris de constater aujourd’hui, à dix jours d’un scrutin, que l’on modifie les règles du jeu. Certes, on peut arguer du fait qu’il s’agit de l’Union européenne. Mais je suis le premier à dire que l’Union européenne, c’est la chienlit ; et on n’est pas obligé de se coucher devant elle.
Se pose donc un problème de cohérence ; quant à moi, je refuse de m’incliner devant l’argument selon lequel il faudrait voter ce texte parce qu’il y aurait urgence. Non ! Nous ne sommes pas à la botte de l’Union européenne ; nous n’avons pas à céder devant elle. Et je partage tout à fait la position de notre rapporteur sur l’indécence qu’il y a à modifier les règles du jeu une semaine avant les élections.
C’est d’ailleurs une double modification qui est proposée. Nous venons en effet d’apprendre que, depuis quinze jours, les partis européens peuvent financer les campagnes électorales. C’est extrêmement dangereux, mes chers collègues. Vous savez très bien que les partis européens sont financés par les structures de lobbying et que, par exemple, un parti européen que je ne citerai pas est financé par Bayer-Monsanto pour défendre le glyphosate !
M. François Bonhomme. Ça faisait longtemps !
M. Jean Louis Masson. Aujourd’hui, donc, on autorise Bayer-Monsanto, par l’intermédiaire d’un parti européen, à intervenir dans les élections françaises. Mais où va-t-on, avec l’Europe ? On nous interdit, à nous, de bénéficier de quelque financement que ce soit émanant d’une personne morale, et je trouve que c’est normal. Mais on autoriserait des partis européens à toucher des millions d’euros, dans le cadre du lobbying au profit du glyphosate, pour faire ensuite campagne chez nous ?
Il y a là une aberration complète ; il est véritablement scandaleux que l’on accepte que des partis européens financés par des personnes morales, en l’occurrence des lobbies, viennent mettre leur nez dans les structures électorales françaises !
À ce compte, je ne vois pas pourquoi la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques mettrait en cause les comptes de campagne de Dupont ou de Durand au motif qu’il aurait acheté de la farine pour préparer des pizzas ! Aujourd’hui, on annule des comptes pour rien du tout ; et, dans le même temps, on accepterait des énormités comme celle que je viens de décrire ?
Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais avoir votre avis sur cette situation qui me semble anormale. Il y a vraiment quelque chose qui cloche, et ces élections européennes sont complètement biaisées.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. J’en ai terminé, madame la présidente – je reviendrai bientôt, néanmoins ; il me reste du temps de parole dans ce débat ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, passé le Masson Show – pardonnez-moi cette expression, que j’emploie en manière d’hommage à notre collègue –, il me semble qu’il n’est point besoin de disserter trop longtemps sur la légitimité de ce texte et l’opportunité de son adoption conforme, dans les termes votés lundi dernier par l’Assemblée nationale.
Nous sommes en effet à dix jours du scrutin des élections européennes, et ce texte a le grand avantage d’apporter un petit peu de sécurité juridique dans un monde et un moment excessivement incertains.
Les incertitudes sont de tous ordres dans le contexte actuel, s’agissant du Brexit et de l’avenir européen. Il y a de petits et de grands suspenses. Des incertitudes entourent le calendrier du Brexit. On sait que les Britanniques voteront aux élections européennes – ils le feront le 23 mai, quand, dans la plupart des autres États membres, le scrutin aura lieu le 26 mai ; un petit suspense aura donc cours entre le 23 et le soir du 26, puisqu’il faudra attendre pour connaître les résultats britanniques. À observer les sondages actuels et les résultats des précédentes élections européennes, en 2014, au Royaume-Uni, on peut penser que les votes britanniques ne modifieront pas le rapport de forces général – je constate que mon collègue Olivier Cadic, fin connaisseur de ces sujets, approuve.
L’incertitude la plus importante porte sur le résultat global des élections européennes, dans les vingt-sept autres pays : nous ne disposons pas encore d’une vue tout à fait nette des nouveaux équilibres et du degré de fragmentation de la composition du futur Parlement européen.
On aura également un nouveau vote. En effet, après s’être entretenue avec l’opposition travailliste, Mme May a annoncé qu’elle soumettrait de nouveau l’accord au vote au début du mois de juin. L’incertitude quant à l’issue de ce quatrième vote est, là encore, très faible : ce sera certainement un nouveau vote négatif.
On aura malgré tout l’élection d’eurodéputés britanniques. La question se pose effectivement de savoir quelle sera leur attitude lors des deux sessions du Parlement européen au mois de juillet prochain. Je pense notamment à la première, celle du 2 juillet, qui désignera le président du Parlement européen, les quinze vice-présidents et les questeurs.
On a une incertitude sur la composition des groupes politiques. Je le rappelle, M. Nigel Farage fait partie du groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe, EFDD, qui compte plus de vingt-cinq membres, mais qui a des représentants dans tout juste sept pays. Imaginez que ce groupe se reconstitue au Parlement européen, toujours avec les soutiens de Cinque Stelle et de quelques députés isolés, Lituaniens ou autres : si le Brexit a lieu alors que sept pays seulement sont représentés, le groupe explosera lors de la sortie des Britanniques, et ses parlementaires devront être répartis ailleurs.
On a encore et toujours une incertitude quant au calendrier de sortie. Il a été fixé au 31 octobre. Certes, au regard de l’imprécision juridique de la rédaction de l’article 50, on pourrait envisager, d’un point de vue technique et juridique, que les Britanniques retirent leur demande de retrait pour la redéposer. Mais, politiquement, cela me paraît totalement surréaliste. Sachant qu’une prolongation nécessite l’accord unanime des Vingt-Sept, je ne vois pas comment il serait acceptable – et je n’imagine pas les Britanniques oser le faire – de contourner l’obstacle par un subterfuge juridique.
Enfin, et c’est le plus important, nous avons un problème plus général : celui du calendrier institutionnel de l’Union européenne. Dans les jours qui viennent, de l’élection de début du mois juillet jusqu’au 1er novembre, les principaux grands mandats européens seront remis à plat. Je pense à la présidence du Parlement européen, sur laquelle je reviendrai, à la présidence et à la composition de la Commission européenne, à la présidence du Conseil européen et à la désignation du Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Nous le savons, pour préserver la force, la cohésion et l’avenir de l’Union européenne dans le contexte post-Brexit, il faudra que les désignations fassent l’objet d’équilibres savants : équilibres politiques, qui seront en grande partie définis à la suite des résultats des élections européennes et des alliances qui se seront constituées ; équilibres entre les grands pays européens et les petits pays européens ; déséquilibres entre les pays dits « de l’Ouest » et les ex-pays de l’Est ; et, enfin, système de parité hommes-femmes.
La grande difficulté réside dans le fait que ce qui constitue généralement, disons-le, une sorte de lot de consolation, le poste le moins important en termes d’influence, c’est-à-dire celui de président du Parlement européen, fera l’objet d’une désignation au début du mois de juillet. En d’autres termes, le pays et la famille politique qui auront obtenu la présidence du Parlement européen auront de fortes chances d’être disqualifiés pour les autres grands postes.
C’est pourquoi je trouve très opportune et intelligente la décision de M. Donald Tusk, président sortant du Conseil européen, de réunir, outre le Conseil européen des 20 et 21 juin prochain, un Conseil européen informel dès le 28 mai pour que les principaux pays, notamment la France et l’Allemagne – ils ont un rôle majeur à jouer dans cette dynamique –, se mettent d’accord sur le package global de répartition des présidences.
À mes yeux, la France, l’Allemagne et d’autres pays ont une très grande responsabilité pour que notre architecture institutionnelle ne soit pas désorganisée au-delà des termes du Brexit. Il faut travailler très sérieusement et anticiper pour que tout soit en place au 1er novembre et que nous puissions engager les réformes dont l’Europe a besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc de la commission.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, je me réjouis de la qualité de nos débats et sollicite une suspension de séance d’une dizaine de minutes. En effet, nous allons devoir examiner une motion et plusieurs amendements n’ayant pas été examinés par la commission. Nous avons donc besoin de quelques minutes de travail en commun, en espérant que les membres de la commission voudront bien faire preuve de concision dans leurs interventions, comme ils en ont d’ailleurs l’habitude.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Masson, d’une motion n° 17.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’entrée en fonction de représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (n° 499, 2018-2019).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.
M. François Bonhomme. Bis repetita !
M. Jean Louis Masson. Si j’ai présenté cette motion, c’est parce que j’estime que la discussion du présent projet de loi aurait pu être l’occasion d’un réexamen beaucoup plus large d’un certain nombre de problématiques par la commission.
L’un de nos collègues a abordé la question des temps de parole. La situation me paraît en effet tout à fait anormale. Dans un système vraiment démocratique, tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité. Il est profondément injuste d’accorder plus de temps à tel ou tel candidat sous prétexte qu’on le trouverait plus « sérieux » que les autres. C’est un peu comme si, sur un cent mètres, on permettait à un participant jugé meilleur que les autres de courir dix mètres de moins.
En fait, on spécule sur le résultat final. On demande plus d’efforts au candidat dont on pense qu’il fera 10 % qu’à celui dont on pense qu’il fera 40 %. C’est, me semble-t-il, la négation de la démocratie. En démocratie, chacun est candidat à égalité, avec une équité dans la répartition des temps de parole. Or, dans le cadre des élections européennes, des candidats jugés importants vont passer aux heures de grande écoute tandis que d’autres, jugés moins importants, pourront s’exprimer à l’heure où tout le monde est couché. Et l’on s’étonne ensuite que certains candidats soient moins connus que d’autres !
De quel droit spécule-t-on sur le résultat des élections avant qu’elles aient lieu en attribuant trois fois plus de temps de parole à celui dont on pense qu’il fera un meilleur score ? C’est un vrai problème. J’ai déjà eu l’occasion de le dénoncer, en séance comme en commission. Je me réjouis qu’un autre collègue ait abordé le sujet.
La question de l’argent est également problématique. Je pense notamment aux prêts bancaires, que j’ai déjà évoqués. Des candidats ayant la certitude de faire au moins 3 % ne pourront pas utiliser des sommes qui leur seraient remboursées par l’État faute de prêt bancaire. Certains feront donc campagne avec un maximum de moyens alors que d’autres, pourtant assurés d’obtenir au moins 3 %, feront campagne à l’économie. Là encore, c’est inégalitaire. Le système ne me paraît pas sain.
Il n’est pas sain non plus s’agissant du mode de scrutin. Notre collègue a fait référence au seuil de représentativité. Je vous renvoie à ce qu’a indiqué la Cour constitutionnelle allemande. Je conçois qu’il faille constituer une majorité de gestion pour pouvoir désigner un gouvernement ; dans ce cas, il est logique d’opter pour un scrutin majoritaire ou un scrutin proportionnel à forte correction majoritaire. Mais, dans une assemblée comme le Parlement européen, ce qui compte, c’est la représentativité : tout le monde doit être représenté. Comme l’a souligné notre collègue, le système retenu en Allemagne est beaucoup plus objectif et sain : chacun a une représentation équitable en fonction du nombre de suffrages obtenus.
J’aimerais également aborder le principe de proportionnalité dégressive pour l’attribution du nombre de sièges au sein du Parlement européen. Certes, dès lors que le principe figure dans le traité de Lisbonne, nous devons le respecter ; en l’occurrence, nous ne le respectons pas… Mais ce principe est, à mon sens, complètement antidémocratique. On est très loin du système : « un homme une voix ». Ainsi, Malte a un député européen pour 40 000 habitants, tandis que nous en avons un pour 900 000 habitants. Peut-on parler de démocratie dans ces conditions ? Je conçois qu’un petit pays doive avoir au moins un ou deux représentants. Mais pourquoi imposer qu’il en ait six au minimum ? Si la principauté de Monaco adhérait à l’Union européenne, elle aurait six députés européens pour quelque 100 000 habitants. C’est à la fois totalement incohérent et injuste pour les grands États ! Le système n’est pas vraiment démocratique. La démocratie, c’est « un homme une voix ». Or la voix d’un citoyen français pèse douze fois moins celle d’un citoyen de Malte ou du Luxembourg.
Tous ces éléments auraient, me semble-t-il, mérité de faire l’objet d’un débat et d’être lissés en commission. C’est le sens de la présente motion tendant au renvoi du texte à la commission. Certes, je ne me fais guère d’illusions sur le sort qui lui sera réservé.
M. François Bonhomme. C’est juste pour le panache !
M. Alain Richard, rapporteur. La commission vient de se prononcer pour le rejet de cette motion de renvoi en commission. Elle considère que ses travaux ont été suffisants.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 17, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n’est pas adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à l’entrée en fonction des représentants au parlement européen élus en france aux élections de 2019
Articles additionnels avant l’article unique
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les première et deuxième phrases du deuxième alinéa de l’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen sont ainsi rédigés : « Les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. Si plusieurs listes ont le même reste pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Le principe de la représentation proportionnelle est de refléter de manière la plus équitable possible l’importance des différents courants de pensée. Ce n’est pas le cas d’une représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Ce n’est pas le cas non plus d’un seuil de représentation fixé à 5 % aux seules fins de favoriser les partis dominants.
Cet amendement vise donc, d’une part, à ramener le seuil d’attribution des sièges de 5 % à 3 % des suffrages exprimés et, d’autre part, à répartir les sièges selon la règle du plus fort reste, et non de la plus forte moyenne.
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « la règle de la plus forte moyenne » sont remplacés par les mots : « la règle du plus fort reste » ;
2° À la deuxième phrase, les mots : « la même moyenne » sont remplacés par les mots : « le même reste ».
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Chacun se souvient que les deux chambres ont débattu en profondeur des caractéristiques du mode de scrutin lors de l’examen du texte devenu depuis la loi du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen. Nous discutons aujourd’hui d’une adaptation temporaire pour quelques sièges. Il n’y a évidemment aucun motif de revenir sur la position que le législateur avait alors retenue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Le débat a déjà eu lieu l’an dernier, lors de l’adoption du texte évoqué par M. le rapporteur. Il n’est pas question d’y revenir.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. M. Masson est parmi les personnes que j’écoute avec le plus d’attention. Lors du débat sur le mode de scrutin pour les élections européennes, il avait qualifié le retour de la circonscription unique de « très positif », estimant que cela permettrait d’avoir un « débat clair ». Apparemment, bien qu’il ait obtenu satisfaction, cela ne lui suffit pas…
J’entends les récriminations permanentes de notre collègue quant au seuil de 5 % pour l’attribution des sièges ou au seuil de 3 % pour le remboursement des frais. Ces questions me semblent totalement dérisoires au regard du sujet majeur. Le problème initial, c’est le scrutin proportionnel. Certes, on peut regretter des écarts de représentation liés à des difficultés techniques. Mais le problème de fond – nous avions eu ce débat l’an dernier avec Mme Gourault, qui défendait le texte du Gouvernement –, c’est le fait que l’Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct de 1976 ait imposé le scrutin proportionnel. La désaffection, qui risque malheureusement de s’aggraver, vient d’abord de là, même s’il est possible de trouver d’autres facteurs.
L’an dernier, Mme Gourault nous faisait part de son enthousiasme envers l’instauration d’une circonscription nationale unique, qui allait sans doute encombrer les bureaux de vote en raison de la passion nouvelle des citoyens. À dix jours du scrutin, ce n’est pas manifeste… Dans quelques jours, nous pourrons lui envoyer une carte postale amicale pour lui demander si le mode de scrutin qu’elle nous avait alors proposé lui inspire toujours autant d’enthousiasme.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je crois que notre collègue mélange les sujets. On peut parfaitement – c’est mon cas – être pour le scrutin proportionnel avec une représentation forte de tous les courants d’opinion, donc avec une répartition des sièges suivant la règle plus fort reste et un seuil d’éligibilité à 3 %, voire – pourquoi pas ? – sans seuil d’éligibilité. Je ne suis donc pas du tout en porte-à-faux avec mes déclarations antérieures, comme il voudrait le faire croire. Je suis tout à fait partisan d’un scrutin proportionnel dans une circonscription nationale, mais je n’approuve pas les décisions qui ont été prises sur les différents seuils.
Au demeurant, voilà trois ans, le parti auquel notre collègue appartient, c’est-à-dire Les Républicains, critiquait le gouvernement d’alors en prônant une circonscription unique.
M. François Bonhomme. Mais non ! Relisez les comptes rendus des débats !
M. Jean Louis Masson. Certes, tout le monde peut changer d’avis, mais je trouve que ce parti en change souvent !
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l’article 12 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, après le mot : « disposition », sont insérés les mots : « et si l’irrégularité était légère et de bonne foi ».
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Pour les élections européennes, comme pour toutes les élections, il existe un délai pour le dépôt des listes. La loi de 1977 permet de régulariser a posteriori des listes qui ne sont pas complètes ou qui comportent de très graves irrégularités. La loi prévoit en effet un délai de 48 heures, mais comme le Gouvernement saisit en général le Conseil d’État pour avis, cela laisse au total une semaine de plus au responsable de la liste pour la régulariser. À quoi bon, dans ce cas, prévoir des délais ?
Il n’est pas normal qu’on permette à quelqu’un de présenter une liste avec des noms de candidats, mais sans leur accord ni leur signature. Il n’est pas normal non plus que le responsable de la liste puisse, en cas de refus de signature, inscrire sur la liste quelqu’un d’autre. Il y a quand même des limites !
Cet amendement vise à ne pas autoriser de régularisation a posteriori en cas d’anomalies importantes et délibérées. On l’a vu récemment avec la trente-quatrième liste acceptée pour les élections européennes : donner huit jours de plus à une liste déposée sans signature pour qu’elle soit régularisée, c’est se foutre du monde !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Il s’agit d’un texte d’ajustement à l’intérieur d’un mode de scrutin en faveur duquel nous avons déjà délibéré. Cet amendement tend à modifier une règle qui s’applique à une collection de modes de scrutin et qui est au demeurant raisonnable. Ce droit de régularisation lors du dépôt d’une liste existe de longue date et n’a pas donné lieu à des abus particuliers.
Ajoutons qu’avec l’obligation d’une mention manuscrite individuelle de chaque candidat s’appliquant à ces élections et surtout aux élections municipales l’année prochaine, il serait malencontreux de supprimer toute possibilité de régularisation.
La rédaction prévue par l’amendement de notre collègue ne fournit pas de critères précis pour appliquer ou non le droit à la régularisation. La commission ne peut que s’opposer à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je m’inscris dans la suite des propos de mon collègue Bonhomme. J’éprouve beaucoup de respect pour la commission des lois, qui travaille sur de nombreux textes. Je le dis objectivement, puisque je ne siège pas dans cette commission. Ma modeste explication de vote vaudra également pour les autres amendements.
Le droit d’amendement est un droit tout à fait légitime, mais ces amendements n’arrivent-ils pas trop tard ? Les élections au Parlement européen ont pratiquement lieu demain.
Au vu de la complexité de toute élection en général, du nombre d’États concernés pour les élections européennes et de la rigueur qui s’impose, je suivrai les avis du rapporteur et de mes collègues de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le rapporteur, cet amendement ne tend pas à supprimer toute possibilité de régularisation. Seuls les vices graves sont concernés. Je pense, par exemple, à l’inscription d’une personne sur une liste sans sa signature. Je ne vise pas ici la mention manuscrite.
Inscrire une personne sur une liste sans qu’elle soit au courant et permettre ensuite de régulariser la situation si la personne ne veut pas signer, c’est vachement gros !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article unique
(Non modifié)
Pour l’application du dernier alinéa du paragraphe 2 de l’article 3 de la décision 2018/937 du Conseil européen du 28 juin 2018 fixant la composition du Parlement européen, les sièges supplémentaires sont les cinq sièges qui n’auraient pas été attribués si la France avait conservé soixante-quatorze sièges au Parlement européen pour la législature 2019-2024.
Lors de la proclamation des résultats, la commission nationale mentionnée à l’article 22 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen désigne, en application des modalités prévues à l’article 3 de la même loi, les candidats auxquels sont attribués les cinq sièges supplémentaires.
Ces candidats prennent leur fonction de représentants au Parlement européen à compter de la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Si l’un d’eux est appelé avant cette date à remplacer un représentant dont le siège devient vacant dans les conditions prévues à l’article 24 de ladite loi, il est pourvu à son propre remplacement selon les modalités prévues au même article 24.
Lorsqu’ils se trouvent dans l’un des cas d’incompatibilité mentionnés aux articles 6-1 à 6-5 de la même loi, ces candidats disposent d’un délai de trente jours à compter de leur entrée en fonction au Parlement européen pour démissionner des mandats ou fonctions visés par ces dispositions. À défaut d’option dans le délai imparti, leur remplacement est assuré dans les conditions prévues à l’article 24 de la même loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Monsieur Masson, accepteriez-vous de nous présenter conjointement les sept amendements que vous avez déposés sur cet article unique, dont trois seulement sont en discussion commune ? Vous n’y êtes pas contraint, il s’agit uniquement d’une suggestion.
M. Jean Louis Masson. C’est demandé si gentiment, madame la présidente, que je ne peux refuser.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion les six amendements suivants :
L’amendement n° 7, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour l’application de l’article 3 de la décision 2018/937 du Conseil européen du 28 juin 2018 fixant la composition du Parlement européen et par dérogation aux dispositions de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. Si plusieurs listes ont le même reste pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué à la liste dont la moyenne d’âge est la moins élevée.
L’amendement n° 10, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 11, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° 12, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
L’amendement n° 13, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 9, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa de l’article 12 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, les mots : « aux articles 7 à 10 » sont remplacés par les mots : « à l’article 7 ».
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour présenter ces sept amendements.
M. Jean Louis Masson. Vous pouvez considérer, madame la présidente, qu’ils sont défendus. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements, car elle souhaite rester dans la droite ligne des règles d’élection fixées l’année dernière dans la loi, d’autant que celle-ci avait reçu une approbation majoritaire au sein de cette assemblée.
Ces amendements, pour certains, nous paraissent trop éloignés de l’objet du présent projet de loi et doivent être considérés comme irrecevables ; pour les autres, ils sont contraires à la régularité du schéma électoral qui a été retenu pour les élections européennes. Nous proposons donc de ne pas modifier ce système électoral.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Pour les mêmes motifs, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Bien évidemment, nous voterons contre ces amendements, mais je tiens à remercier M. Masson d’avoir si ardemment défendu le traité de Lisbonne ce matin : je ne croyais pas cela possible ! Quoi qu’il en soit, ça a été un grand plaisir de l’entendre rappeler la prééminence du traité de Lisbonne sur le droit national ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. M. Masson m’a amalgamé avec mon groupe. Je le renvoie au compte rendu du 10 avril 2018. J’étais certes minoritaire – c’est une problématique qu’il connaît bien –, mais j’ai fait partie de ceux qui ont contesté l’acte européen de 1976 sur le scrutin proportionnel. J’avais déposé un amendement afin de caler les circonscriptions sur le nouveau découpage régional à défaut.
Je préfère effectivement le scrutin majoritaire pour une raison simple : nous voyons tous aujourd’hui les travers du scrutin proportionnel. Dimanche prochain, nos concitoyens vont découvrir 34 bulletins de vote avec 79 noms, soit 2 686 candidats !
Mme Éliane Assassi. C’est la politique qui produit ça, pas le mode de scrutin !
M. François Bonhomme. Je vous laisse imaginer leur perplexité. Voilà le résultat concret de ce qui a été discuté et voté l’année dernière !
Monsieur Masson, plutôt que de vous soucier d’ajustements marginaux et des questions d’écart de représentation, vous devriez vous occuper de ce genre de chose.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Qu’on soit pour ou contre le traité de Lisbonne, la loi reste la loi ! Quand on a voté quelque chose, il faut le respecter ! Certes, le traité de Lisbonne est scandaleux, et je n’ai pas voté sa ratification, car c’est un traité pourri qui a violé la volonté du peuple exprimée par référendum. Cela étant, dans la mesure où il s’applique, il doit valoir pour tous. Il serait bon que ceux qui le défendent l’appliquent, ce qui n’est pas le cas ici avec cette répartition du nombre de sièges.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi relatif à l’entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’invite chacun à respecter à la fois son temps de parole et les uns et les autres.
Aujourd’hui se tient le DuoDay, initiative de Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. Nous vivons donc en duo cette journée. Je salue Virginie, Henry et Armel, en tribune, que nous accueillons aujourd’hui dans le cadre de cette initiative, que le Sénat soutient. (Applaudissements.)
décentralisation
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Yves Roux. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Il y a quelques semaines, à la suite du grand débat, le Président de la République a annoncé les grandes lignes d’un nouvel acte de la décentralisation. Une pièce au répertoire d’apparence classique pour nous, sénateurs, mais qui ne manque pas de susciter l’inquiétude des principaux acteurs : les collectivités locales. Aujourd’hui, cette pièce n’est pas encore à l’affiche, mais déjà les rumeurs bruissent et le ballet des suppositions donne quelque peu le tournis. Il s’agirait ainsi, je cite le ministre chargé des collectivités territoriales, « de faire une décentralisation qui reparte du citoyen, et non des élus ou de l’État ». Cette formule mériterait sans doute quelques explications.
Madame la ministre, comme vous le savez, les collectivités locales ont en quelques années dû et su s’adapter au gré des réformes : changements de périmètres des intercommunalités ou des communes, changements de compétences, délégations de compétences, baisses de dotations ont été réalisés dans des délais parfois très courts ou peu adaptés aux réalités locales. Ces réformes ont mobilisé beaucoup d’énergie et suscité beaucoup d’inquiétudes. Elles ont laissé des traces chez les élus, dans les administrations, parmi les citoyens.
S’il doit y avoir un nouvel acte d’ampleur de la décentralisation, nous demandons au Gouvernement de répondre rapidement aux principales interrogations qui se sont fait jour. Toutes ces incertitudes constituent des freins pour les projets locaux et pour l’investissement. Nous plaidons, à ce titre, pour un calendrier très précis. Nous plaidons pour que la question des moyens et de la fiscalité locale soit examinée en même temps. Nous plaidons pour que les collectivités soient confortées et mieux identifiées dans leurs rôles. Nous plaidons pour la préservation d’un maillage de proximité.
Quel calendrier envisagez-vous ? Quelle méthode proposez-vous ? Quelle France des territoires voulez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, comme vous le savez, lors du grand débat, notamment lors des réunions entre le Président de la République et les élus locaux, les élus ont fait part de demandes nouvelles en matière de décentralisation. Le Président de la République, conformément à ce qu’il a entendu sur l’ensemble du territoire, a annoncé le 25 avril dernier un nouvel acte de la décentralisation. Il a cité trois domaines : le logement, les transports et la transition écologique.
Cette évolution, monsieur le sénateur, s’appuiera sur des principes clairs : responsabilité, lisibilité et financement. C’est à mon sens le triptyque nécessaire. Sur ce fondement, j’entends identifier au sein de ces champs les compétences susceptibles d’être confiées aux collectivités territoriales. Cette évolution se fera, bien entendu, en étroite collaboration avec les associations d’élus locaux et avec les élus dans les territoires. Je m’apprête à lancer un cycle d’échanges avec l’ensemble des élus pour discuter de tout cela à partir du mois de juin – nous allons bien sûr attendre la fin de la période électorale.
Il m’appartiendra aussi, je tiens à le préciser, d’engager un travail interministériel. Naturellement, la question du logement fait partie de mon ministère, mais pas celle des transports ni celle de la transition écologique, qui sont des questions transversales. Il importera donc à différents ministères de réaliser un travail commun et de débattre avec les élus locaux.
Au-delà de ces éléments de méthode, ce nouvel acte de décentralisation devra permettre de définir également la politique de contractualisation avec les collectivités locales dans les matières qui le nécessitent. J’ajoute que nous discuterons du droit à la différenciation dans la réforme constitutionnelle à venir. Ces chantiers doivent s’articuler avec l’existant, et il n’y aura pas de grands bouleversements : il s’agira plutôt de construire ensemble un travail commun. (M. Martin Lévrier applaudit.)
référendum d’initiative partagée sur la privatisation d’adp
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Le 9 mai dernier, le Conseil constitutionnel a rendu une décision historique en validant de manière incontestable la première mise en œuvre d’un référendum d’initiative partagée. Ainsi, la privatisation d’Aéroports de Paris, bradage d’un service public national, sera soumise au vote de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Rappelons que la mise en œuvre de cette procédure revêt tellement d’embûches que, en 2008, lors de son inscription dans la Constitution, personne ne croyait vraiment à sa réalisation.
Il aura fallu l’exaspération suscitée par la politique d’Emmanuel Macron, un ultralibéralisme désordonné et dogmatique, pour permettre de franchir la première étape. Maintenant, 4,7 millions d’électrices et d’électeurs doivent approuver cette procédure référendaire pour que le cheminement démocratique se poursuive.
C’est vous, monsieur le ministre de l’intérieur, qui, selon l’article 3 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013, devez mettre en œuvre, « sous le contrôle du Conseil constitutionnel, le recueil des soutiens apportés à une proposition de loi » soumise à référendum. C’est pourquoi huit parlementaires, dont cinq présidents de groupe représentant deux cent vingt-six députés et sénateurs, ont souhaité vous rencontrer pour examiner avec vous les conditions de la plus large participation à cet événement citoyen. À ce jour et par courrier, vous avez refusé de les recevoir, les renvoyant au président du Conseil constitutionnel. Cette attitude est inacceptable, car c’est vous qui aurez la responsabilité technique et politique du bon déroulement de cette consultation !
Monsieur le ministre, est-ce l’excès de consultation du peuple qui mine nos institutions ou la remise en cause systématique des votes et des espérances populaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Sébastien Meurant et Jean-Marie Morisset applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous avez raison, le respect des votes populaires est un sujet qui doit toujours nous rassembler. (Exclamations ironiques sur diverses travées.)
Effectivement, le 9 mai dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris.
Il faut rassembler 4 717 396 signatures d’électeurs inscrits sur une liste électorale. Il appartient au Conseil constitutionnel d’organiser la vérification du bon déroulement de cette collecte de signatures. Dans ce cadre, le ministère de l’intérieur agit sous l’autorité du Conseil constitutionnel comme un opérateur, et c’est un bon système. C’est pourquoi j’ai transmis immédiatement la demande des présidents de groupe au président du Conseil constitutionnel, et je l’ai informé que je me tenais à sa disposition. En fonction de sa décision, je préparerai et je présenterai tous les documents qu’il sollicitera, et je rencontrerai les présidents de groupe.
Madame la sénatrice, rappeler ce bon principe de fonctionnement et rappeler que le ministère de l’intérieur n’a pas vocation à court-circuiter le Conseil constitutionnel dans la mise en œuvre de la consultation citoyenne sur ce sujet, ce n’est nullement faire insulte aux présidents de groupe qui m’ont écrit. Il est évident qu’il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer si la proposition a obtenu ou non un soutien d’au moins un dixième des électeurs. C’est dans ce cadre-là que nous devons agir.
Sachez qu’avant même que le Conseil constitutionnel prenne sa décision nous avions préparé les dispositions techniques pour pouvoir agir. Sa décision est aujourd’hui confirmée, et nous serons prêts, dans le délai d’un mois, pour ouvrir la consultation pendant les neuf mois qui seront nécessaires. (MM. Arnaud de Belenet et François Patriat applaudissent.)
discours écologiste et liste « renaissance »
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Marie. Dans dix jours, les Français éliront leurs députés européens. Le Gouvernement est massivement entré en campagne. Cela se voit : les ministres sont sur tous les fronts, dans tous les territoires. Cela s’entend : les belles paroles et les promesses se multiplient. On a ainsi entendu parler d’un « tournant vert » de M. Macron lors de la présentation de votre programme. Un tournant, car ce n’était pas, jusqu’à présent, votre plus grand marqueur politique, ni européen ni national.
À l’échelle européenne, le vide de la dernière déclaration de Sibiu est l’exemple même du manque d’ambition concrète de la France sur le climat, alors que l’accord de Paris a été notre honneur en 2015. Si La République En Marche promet aujourd’hui une banque européenne du climat, le Président de la République, qui siège au Conseil européen, ne l’a jamais évoquée avec ses pairs en deux ans.
Au niveau national, les trous dans la raquette sont également nombreux. Ne prenons qu’un exemple récent : la suppression annoncée d’un train pour transporter les fruits et légumes de Perpignan à Rungis. Résultat : 25 000 camions de plus par an sur les routes. On est loin du make our planet great again !
Votre programme évoque aussi un tournant social et démocratique. Des notions qui font écho au discours de la Sorbonne. C’était il y a un an et demi, et les actes se font toujours attendre. Pis, ce sont des signaux contraires qui ont été envoyés par le Président de la République lorsqu’il s’opposait en première ligne aux avancées sociales et démocratiques européennes, à l’image de la directive Lanceurs d’alerte malmenée et de la directive Congé parental torpillée par la France.
Comment expliquez-vous, monsieur le ministre d’État, le décalage entre ce programme et ce que vous avez réalisé depuis deux ans ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Marie, je vous le confirme : oui, nous nous engageons pour la construction européenne ! Ce soir, je serai dans le Tarn, et je me déplace sur l’ensemble territoire pour défendre la construction européenne.
Il est de bon ton, de nos jours, de crier haro sur l’Europe et de considérer qu’elle est la source de tous les problèmes. Nous, nous croyons au contraire à l’utilité de la construction européenne, notamment pour l’écologie. Si le meilleur slogan pour défendre la construction européenne reste la maxime selon laquelle « l’union fait la force », il est aisé de comprendre qu’une politique écologique sera beaucoup plus forte à 500 millions d’habitants que si on la mène tout seul dans notre coin.
Concernant les ambitions françaises, vous avez sans doute mal suivi le dernier Conseil européen, car c’est la France, avec une coalition de huit pays et avec le soutien du Président de la République, qui a porté une motion pour que l’Union européenne soutienne la neutralité carbone, référentiel de l’accord de Paris, dans les négociations internationales. L’Allemagne, qui avait initialement refusé de signer cette motion, a finalement accepté de suivre la France. Nous allons continuer à rassembler les pays européens.
Il y a des batailles à livrer en Europe, nous devons les mener et nous pouvons les gagner. Nous l’avons fait, par exemple, sur les émissions de CO2 des voitures, en octobre et novembre derniers. Avant que j’aille mener cette négociation au nom de la France, on m’avait dit : « En la matière, c’est toujours l’Allemagne qui gagne à la fin ! » En l’occurrence, l’Union européenne s’est rassemblée autour de la position française, et, très concrètement, les industriels de l’automobile vont devoir proposer à tous les Européens des voitures qui consomment et polluent moins. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. L’Europe mérite mieux qu’un troisième tour de l’élection présidentielle. Vous vous présentez comme un rempart contre l’extrême droite. En fait, vous avez organisé un rencart avec Mme Le Pen ! Vous kidnappez le débat européen ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’Europe doit tourner la page du libéralisme et changer de cap pour devenir véritablement écologique et sociale, avec une nouvelle majorité de gauche au Parlement européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
unité pour détenus violents de la prison de sequedin
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Jean-Pierre Decool. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux et concerne le projet qu’il est convenu d’appeler « unité pour détenus violents ». Cette structure nouvelle est destinée à accueillir des détenus dont le seul langage est la violence verbale et physique, ce qui rend bien entendu très difficile, voire impossible la cohabitation avec les autres détenus et, a fortiori, avec le personnel pénitentiaire.
Compte tenu de l’augmentation significative des agressions et de la difficulté à gérer cette violence, une réflexion s’est engagée pour tenter de trouver des solutions nouvelles, d’où le concept « d’unité pour détenus violents », dont la vocation est de resociabiliser des individus pour lesquels la prise en charge classique n’est plus adaptée. Il s’agit de mettre en œuvre les conditions d’une possible intégration en détention classique.
Pour la première fois en France, une telle unité a été ouverte dans la prison de Sequedin, dans le Nord. Pourquoi ce choix ? L’établissement nordiste dispose d’une expérience forte en matière de prise en charge psychologique et, donc, d’un vrai savoir-faire, ce qui a permis d’accélérer le dispositif.
Cette unité, que j’ai eu l’occasion de visiter la semaine dernière, permet d’accueillir une dizaine de ces « détenus violents » dans des cellules individuelles, pour un suivi très personnalisé par des psychologues, des conseillers pénitentiaires et des surveillants. Je n’entre pas dans le détail, mais le séjour ne doit pas dépasser neuf mois.
En discutant longuement avec les acteurs du projet, j’ai ressenti une véritable motivation, une conviction forte sur l’opportunité de ce concept, qu’il convient d’encourager. Certes, il faudra du recul pour apprécier l’efficacité de ce dispositif récent.
Quelles seront donc vos orientations, madame la garde des sceaux ? On évoque le développement d’initiatives identiques à Strasbourg ou Marseille. Prendrez-vous le temps d’évaluer l’expérimentation de Sequedin avant d’engager d’autres projets ou seront-ils lancés rapidement ? Si tel était le cas, quel serait le coût de cette opération ? Quels moyens entendez-vous mobiliser ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, votre question telle que vous la posez montre l’intérêt de cette nouvelle structure.
Nous avons en effet décidé d’ouvrir à Lille-Sequedin cette année une unité pour détenus violents. Ce projet s’inscrit dans un cadre plus général, que j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer devant vous : construire dans nos prisons à la fois des parcours d’individualisation, aux différentes étapes des parcours de peine, et des régimes différenciés de prise en charge des détenus en fonction de leur degré de dangerosité.
Cette unité, dont vous avez souligné l’intérêt, nous permet de prendre en charge une dizaine de détenus parmi les plus violents au moyen d’un encadrement soutenu et adapté et d’un régime de détention particulier. Le but est que ces détenus se désengagent du processus de violence et puissent ensuite être réintégrés en détention ordinaire ou, en cas d’échec, dans un lieu de détention adapté.
D’ici à la fin du mois de juin, outre Sequedin, nous allons ouvrir trois quartiers pour détenus violents aux Baumettes, à Strasbourg et à Rennes. Nous en ouvrirons six supplémentaires d’ici à la fin de l’année 2019. Le financement, qui s’élève à 1,5 million d’euros, est prévu dans le budget 2019 et il est assuré grâce à la loi de programmation pour la justice, que vous avez bien voulu adopter, mesdames, messieurs les sénateurs.
En conclusion, je souligne que les personnels pénitentiaires, qu’il s’agisse des surveillants ou des psychologues, sont spécialement formés pour prendre en charge ces détenus. Par ailleurs, un comité d’évaluation et de suivi sera mis en place pour évaluer l’impact de ces régimes adaptés et en mesurer la pertinence.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Si l’impact de ces quartiers pour détenus violents est positif, nous continuerons à les déployer. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
militaires tués
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mardi, aux Invalides, autour du Président de la République, la France bouleversée a rendu un hommage solennel à Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, ces héros du commando Hubert, qui, avec leurs camarades, ont sauvé des otages, touristes inconscients du danger qu’ils couraient dans cette région du Nord-Bénin. Ces soldats ont accompli un exploit. Ils l’ont payé de leur vie, mais ils ont montré ainsi que la France n’abandonne jamais ses enfants. Nous ne les oublierons pas, et nous pensons à cet instant à leurs familles, à leurs camarades de combat et à ces milliers de soldats qui, pour notre compte, combattent au Sahel pour assurer la sécurité de l’Europe tout entière.
Laissons de côté les polémiques sur les conditions d’accueil de ces touristes à l’aéroport de Villacoublay ou sur la couleur de la carte du Quai d’Orsay. Chacun a son idée sur ces sujets, et notre hémicycle n’est pas le lieu des polémiques. En revanche, notre hémicycle est le lieu où nous votons les prolongations de mission de ces soldats et les crédits d’équipements nécessaires à l’accomplissement de leur métier dangereux. Nous partageons donc aussi la responsabilité de ce qui leur arrive ; nous devons être économes de leurs vies et de leur souffrance !
Dès lors, monsieur le ministre, ma question est simple : puisque des touristes irresponsables continueront sûrement à chercher l’aventure dans ces contrées dangereuses, n’est-il pas temps d’exiger de ces pays à risque une politique plus sévère d’octroi des visas touristiques pour ces zones infestées par le terrorisme ? Plus largement, pouvez-vous nous assurer que tout va être fait pour que nos soldats, qui payent déjà un très lourd tribut à la lutte contre le djihadisme, n’aient pas en plus à payer de leur vie l’irresponsabilité de ces aventuriers inconscients, en mal d’émotions fortes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur Cambon, nous nous joignons naturellement à l’hommage poignant que vous venez de rendre aux premiers-maîtres Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello.
Aux Invalides, ce fut un moment très fort de communion de toute la Nation, et même au-delà, puisque nous avons reçu de multiples témoignages de nos partenaires européens et africains. Ce faisant, nous avons adressé un message très fort à toutes celles et tous ceux qui souhaiteraient s’en prendre à nos compatriotes, qu’ils soient Français établis hors de France – ils sont plusieurs millions, notamment sur le continent africain – ou touristes.
Dans un monde où les foyers de crise et de tension se multiplient, nous devons faire preuve d’une vigilance accrue. Celles et ceux qui souhaitent se rendre à l’étranger doivent donc consulter systématiquement les conseils aux voyageurs, et je rends hommage au centre de crise et de soutien du Quai d’Orsay, qui veille à leur meilleure information possible, en lien naturellement avec les opérateurs de voyage. Nous devons également inciter nos compatriotes qui se rendent à l’étranger à s’inscrire sur la plateforme Ariane.
La situation appelle une responsabilité accrue, de nos concitoyens à titre individuel – les ex-otages ont reconnu qu’ils auraient peut-être dû suivre plus scrupuleusement un certain nombre de recommandations –, mais aussi des opérateurs, notamment des plateformes en ligne, que je réunirai dans les prochains jours.
S’agissant de la politique des visas, comme vous le savez, elle relève de la souveraineté de chaque État. Mais, sur ce sujet comme sur d’autres, nous devons, Européens et Africains, dialoguer en profondeur pour ne faire courir aucun risque supplémentaire à des femmes et des hommes qui, sous l’uniforme, ont déjà fort à faire pour traquer les djihadistes. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
situation au sahel
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Olivier Cigolotti. Ma question prolonge celle de notre collègue Christian Cambon.
Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello sont allés au bout de leur mission, jusqu’au sacrifice de leur vie. Ils ont permis la libération de quatre otages, dont deux de nos compatriotes.
Notre groupe s’incline devant le courage et la détermination de ces deux militaires d’exception. Nos pensées vont à leurs proches, à leurs familles et à leurs frères d’armes.
Cet événement tragique remet au cœur de l’actualité la situation politique de l’Afrique de l’Ouest. L’heure n’est pas à la polémique, comme cela vient d’être dit, mais plutôt aux questionnements sur les éléments liés à la sécurité dans cette bande sahélo-saharienne, dont la superficie, je le rappelle, est équivalente à celle de l’Europe.
Je m’interroge tout d’abord sur la force conjointe du G5 Sahel. Cette dernière n’est actuellement pas en mesure d’assurer totalement sa mission, à savoir la sécurité dans la zone des trois frontières du Tchad, du Mali et du Niger. Le sera-t-elle d’ailleurs un jour, compte tenu des difficultés qu’elle rencontre ? Il est évident que les groupes armés terroristes ont des connexions entre eux et se jouent de la stratégie du G5 Sahel.
Je m’interroge ensuite sur l’action de la France et son engagement dans cette région du monde.
Nos forces armées font au quotidien un travail remarquable dans ces territoires hostiles, mais la France semble bien seule, même si elle est aidée efficacement par ses alliés historiques que sont nos amis Britanniques et Américains. Entre aide au développement et présence militaire, combien de temps allons-nous continuer à lutter avec force et détermination, mais pratiquement seuls, contre la barbarie et le fanatisme ?
La lutte contre le terrorisme est un enjeu international. Quand pourrons-nous enfin compter sur un véritable engagement européen au Sahel ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Cigolotti, mardi, alors même que la Nation était rassemblée autour de nos deux héros, les ministres des affaires étrangères et de la défense européens, mais aussi les membres du G5 Sahel se réunissaient à Bruxelles. Cette réunion, outre qu’elle fut l’occasion de leur rendre hommage, a montré une prise de conscience européenne sur l’importance d’unir nos forces et nos actions pour apporter des réponses de long terme à cette zone sahélienne déstabilisée par de nombreux actes terroristes. La nuit dernière en a, hélas ! apporté une nouvelle confirmation, avec l’attaque de plusieurs dizaines de soldats nigériens.
La réponse à cette menace est nécessairement multidimensionnelle.
Elle doit être sécuritaire, comme vous l’avez rappelé, avec la montée en puissance de la force conjointe G5 Sahel. Les Européens ont investi 100 millions d’euros pour équiper et former ces troupes, composées de près de 4 000 hommes issus des cinq pays. Aujourd’hui, cette force effectue des sorties très régulières sur le terrain.
Nous devons également apporter une réponse en matière de développement. C’est pourquoi nous avons tenu à mettre en place l’Alliance Sahel, qui, sur l’initiative du Président de la République et de la Chancelière Angela Merkel, réunit l’ensemble des bailleurs de fonds et des donateurs pour accélérer les procédures et agir sur le terrain en matière d’éducation et d’accès à l’emploi. C’est ainsi que l’on empêchera des jeunes de basculer dans le radicalisme.
La réponse, enfin, est politique. Mardi, à Bruxelles, l’impératif du dialogue au nord et au centre du Mali a été souligné. C’est ainsi que des réponses pérennes pourront être apportées. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
initiative « duoday »
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme Patricia Schillinger. Madame la secrétaire d’État, aujourd’hui même se tient le DuoDay, initiative qui permet à une personne en situation de handicap d’être accueillie par un professionnel au sein d’une entreprise, d’une collectivité ou d’une association.
Lancé par un ESAT du Lot-et-Garonne et soutenu par votre action résolue, cet événement a pris désormais une ampleur nationale. Plus de 12 000 duos se sont ainsi constitués pour cette quatrième édition. Le temps de cette journée, employeurs et personnes handicapées vont se rencontrer, échanger et travailler ensemble, croiser leurs expériences et leur vécu.
L’objectif est de développer les opportunités d’insertion professionnelle en surmontant les préjugés qui freinent l’emploi des personnes handicapées. La tâche est immense, comme nous le rappelle la citation d’Albert Einstein reprise sur la plateforme DuoDay : « Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé ! »
Si nous devons nous féliciter de la mobilisation grandissante autour de cet événement, ce changement de regard doit absolument s’accompagner de la mobilisation de tous en faveur de politiques particulièrement volontaristes. En France, 2,7 millions de personnes sont en situation de handicap et en âge de travailler. Le taux de chômage des travailleurs handicapés est de 19 %, et trois quarts des demandeurs d’emploi handicapés ont un niveau de qualification inférieur au bac.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous détailler l’action du Gouvernement en matière d’incitation à l’emploi direct, de formation professionnelle, d’accès à l’emploi et de sécurisation des parcours professionnels pour les personnes en situation de handicap ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, monsieur le président du Sénat, pour l’échange que nous avons eu avec les deux duos ici présents. Donner la parole aux personnes en situation de handicap, montrer leurs compétences et leur envie de travailler au milieu des autres, voilà ce qui anime notre politique !
Oui, cette édition est un succès : 25 000 personnes vont aujourd’hui travailler ensemble et avoir l’opportunité de découvrir de nouveaux métiers. Mais il faut maintenant passer à la vitesse supérieure, et c’est tout l’enjeu des politiques publiques que je porte avec Muriel Pénicaud et Olivier Dussopt.
Aujourd’hui, la complexité n’est plus une excuse, car nous avons simplifié et automatisé les déclarations sociales nominatives. Application du droit commun, efficacité et lisibilité, tels sont les principes qui nous guident.
Nous offrons des prestations de services aux entreprises pour les accompagner dans l’accueil des personnes en situation de handicap. Nous allons recruter jusqu’à 50 000 personnes pour faire vivre le dispositif d’emploi accompagné. Nous rapprochons Pôle emploi et Cap emploi pour mettre un terme à l’errance des personnes à la recherche d’un emploi. Nous allons également créer une plateforme de ressources numériques avec la Caisse des dépôts et la CNSA, toujours dans l’optique de gagner en lisibilité et en simplicité.
Nous voulons accompagner à l’emploi, mais également maintenir dans l’emploi. Nous entendons ainsi éviter la désinsertion professionnelle et travailler sur une reconversion pour que toutes les personnes en situation de handicap aient enfin leur place dans l’emploi et qu’elles puissent la conserver. Notre société s’enrichit de la différence.
C’est ainsi que tout le Gouvernement œuvre pour les politiques à destination du handicap, véritable priorité du quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
résilience alimentaire et sécurité nationale
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Françoise Laborde. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Les scandales sanitaires récurrents placent la question du bien manger au cœur des enjeux de santé publique. Un pan du sujet n’est jamais évoqué : l’articulation entre ordre public et continuité alimentaire.
Par le passé, notre modèle agricole reposait sur le foncier nourricier et sur un aménagement du territoire local multifonctionnel. La sécurité alimentaire était une préoccupation des élus.
Aujourd’hui, production et consommation ne sont plus territorialisées, et même les zones rurales sont « alimentairement » vulnérables, perfusées par le ballet des camions de la grande distribution.
À l’heure des cyberattaques, du dérèglement climatique et du terrorisme, production et approvisionnement alimentaires ne sont pas analysés comme des risques stratégiques. Des signaux nous alertent pourtant. La moindre annonce de blocage routier vide les magasins, avant même toute pénurie, allant jusqu’à provoquer des émeutes, comme il y a peu en outre-mer.
En cas de force majeure, le déficit en capacité de subvenir localement à l’un de nos besoins primaires, celui de se nourrir, est flagrant. Les populations ne sont pas préparées.
Assurer un niveau minimum de sécurité d’approvisionnement alimentaire est un devoir pour les autorités, qui devraient pouvoir garantir une chaîne résiliente allant du foncier agricole nourricier jusqu’au consommateur. Cela doit nous interroger sur la souveraineté et la sécurité nationales, articulées autour des biens communs, alors que les pouvoirs publics perdent peu à peu la main sur des infrastructures d’intérêt vital comme les aéroports, le foncier agricole ou la gestion de l’eau. Il est urgent de s’en préoccuper.
Monsieur le ministre, cette question fait-elle l’objet d’une réflexion de votre ministère ou du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Laborde, vous m’interrogez sur la stratégie qui serait déployée pour garantir la sécurité alimentaire en cas de trouble grave à l’ordre public. C’est une question dont la probabilité est faible, mais dont le risque est majeur.
Permettez-moi d’évoquer ce que nous faisons en matière de gestion de troubles graves liés à des catastrophes naturelles. C’est évidemment ce modèle que nous pouvons mettre en œuvre en cas de trouble grave à l’ordre public.
Lors des catastrophes naturelles, vous le savez, la chaîne d’approvisionnement est prise en compte immédiatement dans le cadre des plans ORSEC. Les préfets agissent dans ce cadre sous le pilotage du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, pour garantir le bon approvisionnement. Un plan d’action spécifique est mis en œuvre immédiatement pour l’accès à l’eau potable, l’alimentation, l’énergie électrique, les communications électroniques, le gaz et les hydrocarbures. Des contacts réguliers ont lieu entre les différents opérateurs à ce propos.
C’est ce plan d’urgence que nous avons mis en place aux Antilles lors du passage de l’ouragan Irma : 4 millions de litres d’eau et 375 tonnes de denrées avaient été distribués en urgence pour subvenir aux besoins de la population en détresse. Un travail immédiat avait été engagé avec l’armée pour garantir l’accès à l’alimentation et à l’eau potable, mais aussi avec les opérateurs, notamment Orange et EDF.
Dans le cas de troubles à l’ordre public, il peut arriver que les points d’approvisionnement soient visés. Là encore, nos forces de sécurité intérieure ont fait la démonstration de leur capacité à libérer ces points quand cela était nécessaire, sans pour autant provoquer de tensions extrêmement graves. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
fichiers de « gilets jaunes »
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Bernard Jomier. Cent médecins ont récemment appelé à ne pas renseigner le fichier Sivic, de Bernard Debré à Xavier Emmanuelli, d’André Grimaldi à Philippe Denormandie ou Irène Kahn-Bensaude. Nous sommes également un certain nombre à avoir signé cet appel sur les travées de cette assemblée. Nos parcours et nos opinions sont différents, mais nous avons en commun de ne jamais accepter que des informations médicales et nominatives soient transmises à des personnes qui ne concourent pas directement aux soins. Il s’agit en effet d’une violation grave du secret professionnel.
Le fichier Sivic est une procédure exceptionnelle déclenchée en cas d’afflux exceptionnel de victimes. Il a été détourné de son objet à l’occasion du mouvement dit des « gilets jaunes ». Du seul fait de leur participation à ce mouvement, des personnes ont vu des informations médicales et nominatives être collectées et transmises.
L’AP-HP, après des déclarations successives, a fini par admettre la réalité des faits. Les signataires ont interpellé le Parlement.
Madame la ministre, allez-vous diligenter une enquête indépendante sur ces faits ? Allez-vous désavouer et faire cesser cette collecte d’informations, qui ne respecte pas les conditions posées par la CNIL à la mise en œuvre de Sivic ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Bernard Jomier, le système d’information Sivic aide les hôpitaux et les établissements de santé à répondre à une arrivée exceptionnelle de blessés lors d’un événement particulier. Il est activé lorsqu’un événement est susceptible de générer beaucoup de blessés et désactivé quand l’événement en question prend fin. À titre d’exemple, le système Sivic a été activé récemment lors de l’explosion liée à une fuite de gaz dans le IXe arrondissement de Paris ou des inondations dans l’Aude.
Permettez-moi de revenir quelques années en arrière, en 2015 – chacun s’en souviendra, malheureusement –, lors des attentats. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Rachid Temal. Quel est le rapport avec les « gilets jaunes » ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Les victimes ont été réparties dans l’urgence entre les établissements, avec des difficultés pour savoir ensuite où chacune se trouvait et une faiblesse des autorités à renseigner les familles, à établir un bilan précis et à anticiper la surcharge des services d’urgence.
M. Rachid Temal. Ce n’est pas la question !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. J’y viens.
Le système Sivic a donc été créé à la suite de cet événement, avec pour objectif, lors de chaque événement grave, d’organiser le plus vite et le mieux possible la prise en charge des blessés et l’accompagnement de leurs proches.
M. Ladislas Poniatowski. Répondez à la question ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Oui, c’est une honte !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. L’utilisation du système Sivic est utile aux soignants, aux hôpitaux et aux ARS en cas de situation sanitaire exceptionnelle. Néanmoins, la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, l’a rappelé et répété : « Jamais nous n’accepterons que l’on demande aux soignants de ficher des gilets jaunes qu’ils soignent. Jamais, d’ailleurs, ils n’accepteraient. »
Il y a eu un malentendu. Pouvoir repérer les victimes de blessures en marge de manifestations pour adapter le système de santé ne veut pas dire ficher les « gilets jaunes ». Lors des manifestations où Sivic a été activé, toutes les personnes en lien avec les manifestations – forces de l’ordre, journalistes, passants et manifestants – ont pu potentiellement être entrées dans le fichier, sans distinction.
Nous avons demandé à la direction compétente du ministère de la santé, à l’AP-HP et aux ARS de faire acte de transparence, notamment sur le fonctionnement de Sivic.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. C’est ainsi qu’une inspection commune de l’ARS Île-de-France et de l’AP-HP est diligentée afin d’évaluer s’il y a eu des dysfonctionnements et pour s’assurer que ce fichier sera désormais strictement constitué d’informations. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.
M. Bernard Jomier. On ne demande pas à ceux qui sont susceptibles d’avoir commis une infraction de mener l’enquête. Ce serait tout de même étonnant sur le plan juridique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Le fichier Sivic a clairement été dévoyé. L’ordre des médecins a saisi la CNIL. Malheureusement, vous n’aviez déjà pas respecté l’avis de cette commission sur un autre fichier de santé qui avait été croisé avec un fichier du ministère de l’intérieur… Les fondements de notre éthique du soin ne sont pas un mercato ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
désert médical et numerus clausus
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury. Ma question s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, vous le savez, l’une des préoccupations majeures des Français concerne l’accès aux soins, et plus spécifiquement la possibilité de trouver un médecin à proximité de leur lieu de vie. Il existe sur le territoire national des régions entières où cette difficulté d’accès pose un grave et réel problème de santé publique.
La région Centre-Val de Loire et le département du Loiret sont parmi les plus défavorisés en nombre de médecins par habitant. Un rendez-vous chez un cardiologue, c’est un an ; idem pour consulter un ophtalmo. Il faut six mois pour rencontrer un allergologue ou un gynécologue, et, pour un nouvel arrivant dans l’Orléanais, il est quasiment impossible de trouver un généraliste.
La région, le département et les communes se sont mobilisés depuis longtemps, avec constance et ténacité, pour proposer des solutions. En vain, car, si les structures existent, encore faut-il trouver les praticiens pour les remplir !
Le même constat peut être effectué dans de très nombreux autres départements. Outre mes collègues du Loiret, Rémy Pointereau, sénateur du Cher, s’associe à cette question qu’il souhaitait lui aussi poser.
Madame la ministre, beaucoup d’entre nous ont été consternés à l’annonce des chiffres du numerus clausus du Paces pour la rentrée prochaine. Si on le considère de manière globale, on peut se féliciter de son évolution brute, puisqu’il augmente de 13,5 %. Tant mieux pour les grands centres urbains tels que Paris, Lyon, Aix-en-Provence, Marseille et quelques autres, où le nombre d’admissibles progresse sensiblement. Mais qu’en est-il des facultés sièges de territoires plus ruraux tels que Caen, Clermont-Ferrand, Dijon, Poitiers, Reims et Tours, notamment ? Le statu quo ! Au total, on constate, pour cette dernière année d’existence du numerus clausus, une stagnation inquiétante pour dix-sept des trente facultés de médecine de la métropole.
Ce qui nous scandalise, c’est l’absence de prise en compte du problème dramatique que constitue la désertification médicale dans la définition du nombre d’étudiants admis à suivre des études de médecine. Cela signifie que ceux qui sont déshérités aujourd’hui le seront davantage encore demain.
M. le président. Votre question !
M. Hugues Saury. Qu’ont fait les habitants de ces régions pour être ainsi privés de ce droit essentiel qu’est celui d’être correctement soignés ? Quels sont les critères qui ont conduit à l’augmentation des effectifs de certaines facultés et à la stagnation d’autres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Saury, la lutte contre la désertification médicale est au cœur du plan Ma santé 2022 et du projet de loi Santé, dont l’examen vient de commencer au Sénat en commission. Notre objectif est de prendre à bras-le-corps ce problème, de manière globale, d’y apporter des réponses à court terme et d’autres à plus long terme, la formation d’un médecin, vous le savez, durant entre neuf et quinze ans.
Quelles propositions seront faites dans le cadre du projet de loi Santé ?
Il s’agit de permettre à des jeunes de démarrer leurs études médicales dans tous les territoires, et non plus seulement dans les métropoles où se situent des CHU. Au-delà, il faut également leur permettre d’avoir accès à des stages de troisième cycle dans l’ensemble des territoires. Nous apportons là une réponse structurelle de long terme.
À court terme, nous prévoyons la création des assistants médicaux, le recrutement de 400 médecins généralistes et une réorganisation du système de santé au plus proche des territoires.
Vous m’interrogez spécifiquement sur la façon dont le numerus clausus a été fixé pour la rentrée de 2019. Il se trouve que c’est la loi actuelle qui s’applique, et non la future loi. Les augmentations que vous avez pu constater s’expliquent par le fait qu’un certain nombre d’établissements expérimentent déjà les nouvelles formes de Paces, qui permettront à l’ensemble des territoires, dès la rentrée de 2020, de bénéficier d’une augmentation de leur numerus clausus. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
activités caritatives et ordre public
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nathalie Goulet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Alors qu’il est interdit de séjour en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et dans de nombreux pays musulmans, dont les Émirats arabes unis, qu’il est recherché par Interpol, financé et hébergé par le Qatar, Youssef Al-Qaradawi, leader des Frères musulmans, a lancé depuis Dublin une application, Euro Fatwa App, brûlot antisémite déroulant sa haine à longueur de pages. À la suite d’une intervention conjointe de collègues britanniques et de la Fondation des musulmans contre l’antisémitisme, nous avons pu obtenir sa suppression par Google le 11 mai dernier, mais l’application est toujours disponible dans l’AppStore.
Des disciples et admirateurs d’Al-Qaradawi diffusent sa pensée en France en ce moment même. Ainsi, un dîner caritatif, permettant de recueillir des dons présentés comme déductibles des impôts, devrait avoir lieu le 25 mai prochain à Saint-Denis. Il a été précédé par une tournée de douze conférences et par une collecte de fonds – je tiens les documents à votre disposition – au profit du Centre de formation des oulémas mauritaniens. Or ce centre, proche des Frères musulmans, a été fermé par les autorités mauritaniennes, car il enseignait un islam radical. Lors d’une vidéoconférence, le cheikh Dedew, connu pour prêcher un islam radical, antisémite, a reproché aux musulmans d’avoir exprimé leur tristesse lors de l’incendie de Notre-Dame.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous que nous autorisions ce type de manifestations potentiellement dangereuses pour l’ordre public, qui visent de manière évidente, via les collectes de fonds, à soutenir une activité prohibée en Mauritanie, chef de file du G5 Sahel, que nous soutenons avec nos troupes dans cette région ? Pouvez-vous faire interdire cette manifestation et cette application ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Goulet, vous m’interrogez sur le dîner « caritatif » organisé par les Frères musulmans, au profit effectivement du Centre de formation des oulémas mauritaniens.
J’ai été informé de ce dîner, sur l’organisation duquel j’ai demandé à avoir des renseignements précis. Je peux vous assurer que cette manifestation a été annulée et qu’elle n’aura pas lieu.
Cela étant, il ne nous appartient pas d’autoriser ou d’interdire la tenue d’un dîner caritatif ou autre, quel que soit l’objet. En revanche, notre rôle est d’être vigilant et d’intervenir dès lors que nous considérons qu’il y a un trouble manifeste à l’ordre public – et je suis prêt à considérer avec vous que tel est le cas ici –, et c’est ce que nous faisons de façon systématique.
Votre seconde question porte sur la déductibilité fiscale des dons. J’ai vu comme vous l’affiche que vous évoquez, qui mentionne que les participations ou les dons seraient déductibles fiscalement. Vous précisez que ce contrôle est fait a posteriori. Or l’administration fiscale veille avec un soin tout particulier, s’agissant notamment de financements liés à l’étranger, à ce que de tels dons ne puissent pas être déductibles fiscalement. Nous devons les contrôler avec une grande attention. En cas de fraude, des amendes peuvent être infligées et des avantages fiscaux supprimés.
Sachez, madame la sénatrice, que nous portons une attention toute particulière à la diffusion de ce genre d’idées qui menacent l’ordre public et que nous condamnons tous fermement, je pense, sur l’ensemble de ces travées.
Depuis 2018, le ministère de l’intérieur a entamé des procédures visant à obtenir la fermeture de vingt-sept lieux de culte en France. Actuellement, vingt d’entre eux sont encore fermés. Un tel chiffre n’avait jamais été atteint.
Dans le même esprit, en lien avec le ministre de l’éducation nationale, quatre écoles hors contrat, huit établissements culturels ou associatifs, ainsi que quatre-vingt-neuf débits de boisson ont été fermés, conformément aux dispositions de la loi Silt.
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, ministre. Il s’agit de faire en sorte que ce genre de lieux ne puisse pas diffuser d’idées malsaines. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, ma police n’est pas aussi efficace que la vôtre, mais presque. Je vous informe que le dîner a été reporté au 25 mai, toujours à Saint-Denis. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Par ailleurs, je vous demande de mettre en œuvre la déclaration de Christchurch concernant l’application Euro Fatwa App. Cette application – je tiens l’ensemble des documents à votre disposition – est un brûlot antisémite absolument inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
mercosur
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Christine Chauvin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
La Commission européenne paraît déterminée à conclure au plus vite un accord commercial avec le Mercosur, c’est-à-dire avec le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Le ministre brésilien du commerce, Lucas Ferraz, vient d’ailleurs de déclarer que la conclusion d’un accord « n’a jamais été aussi proche ».
En l’état des négociations, cet accord conduirait le citoyen français à consommer toujours plus de viandes non conformes aux normes environnementales et sanitaires que nous nous imposons à nous-mêmes. En outre, il placerait nos agriculteurs dans une situation de concurrence parfaitement déloyale.
La Commission fait des choix de plus en plus singuliers dans le monde. On peut légitimement se demander s’il est raisonnable d’envisager de brader notre souveraineté alimentaire.
N’y a-t-il pas une contradiction à faire de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité et à envisager « en même temps » l’importation de volumes de viande ne répondant à aucune demande, alors que la sagesse et la cohérence devraient nous conduire à choisir une autre voie ?
Monsieur le ministre, allez-vous défendre les intérêts des éleveurs et des consommateurs ? Le Gouvernement va-t-il entériner toutes les concessions destinées à permettre l’ouverture des frontières européennes aux produits sud-américains, sans tenir compte notamment de l’exigence environnementale ?
L’accord avec le Mercosur porte sur des domaines qui requièrent l’unanimité des États au Conseil européen. Quelle sera la position du gouvernement français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, comme vous l’avez dit, la Commission relance des discussions en vue de parvenir à un accord avec les pays du Mercosur. Votre question me donne l’occasion de préciser de nouveau, comme je l’ai fait à cette tribune la semaine dernière, lors de la discussion de la proposition de résolution européenne sur la PAC, la position claire, ferme et nette de la France.
Le Président de la République s’est entretenu samedi dernier avec le président Juncker. J’ai moi-même travaillé de longues heures avec le commissaire Hogan. Notre position est claire : la France est opposée à la signature de l’accord avec le Mercosur voulu par l’actuelle Commission, car il ne correspond pas à nos standards. La France ne peut pas être favorable à cet accord, car il se ferait au détriment de notre agriculture. La France est opposée à cet accord, parce qu’il se ferait au détriment de nos standards sanitaires. La France est opposée à cet accord, parce qu’il se ferait au détriment de nos standards alimentaires. Enfin, la France est opposée à cet accord, parce qu’il se ferait au détriment de l’accord de Paris et de nos critères environnementaux. Je ne peux pas être plus clair.
La majorité actuelle de la Commission négocie avec le Mercosur et voudrait entériner cet accord. La France n’y est pas favorable, nous l’avons dit. En l’état actuel des choses, si la question se posait, la France voterait contre cet accord. Avant que la question ne se pose, les discussions diplomatiques et politiques doivent se poursuivre. Il faut que la Commission infléchisse sa position. L’accord du Mercosur ne peut pas se faire au détriment de l’agriculture et des agriculteurs français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin, pour la réplique.
Mme Marie-Christine Chauvin. Merci, monsieur le ministre. J’espère véritablement que vous tiendrez un discours aussi ferme devant la Commission européenne, parce qu’on ne peut pas demander toujours plus d’efforts et imposer toujours plus de normes à nos agriculteurs et, « en même temps », ne pas appliquer les mêmes règles aux produits d’importation.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Christine Chauvin. Ce n’est pas cohérent, ce n’est pas acceptable.
Monsieur le ministre, cessons de sacrifier nos agriculteurs, nos éleveurs et de tromper nos consommateurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
services publics en milieu rural
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
« Plus de proximité », réclament les Français ; « faire vite et faire mieux », déclame le Premier ministre : telle est l’une des équations que le Gouvernement doit résoudre pour retrouver crédibilité et efficacité. Or l’État, malheureusement, réduit la proximité, fait lentement et fait pire, comme le démontre, à titre d’exemple, la délivrance des titres d’identité.
Il n’y a pas si longtemps, tout citoyen pouvait effectuer des démarches dans sa mairie, ce dernier service de proximité dans de très nombreuses communes, là où bat le cœur de notre démocratie. Désormais, cette démarche ne peut se faire que dans les mairies équipées d’une station d’enregistrement. Dans l’Oise, sur 679 communes, seules 27 en sont équipées, soit moins de 4 % d’entre elles. Et il ne faut surtout pas être pressé, car les délais d’attente peuvent dépasser les trois mois, non pas pour obtenir ses papiers, mais simplement pour déposer ses photos et compléter son dossier !
Ce passage à l’ère biométrique n’aura fait gagner ni temps, ni argent, ni énergie. Il a indéniablement entraîné une régression du service public, que l’on éloigne une fois encore. Pour y accéder, il faut parcourir des kilomètres et dépenser de l’essence… Belle cohérence pour un gouvernement donneur de leçons d’écologie, mais dont les paroles sont toujours aux antipodes des actes ! (Mme Brigitte Lherbier applaudit.)
Bien des élus locaux regrettent de ne plus accueillir en mairie leur population à l’occasion du renouvellement de leurs titres d’identité. C’était parfois l’unique moment où ils pouvaient rencontrer leurs administrés, l’unique occasion pour certains habitants de se rendre en mairie.
Alors que le Président de la République a redécouvert la vertu de la proximité et annoncé la création de relais des services publics dans tous les cantons, ne serait-il pas judicieux de revenir sur la réorganisation de la délivrance des titres d’identité, qui n’a fait que des mécontents ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, je pense qu’il est inutile de polémiquer et de mettre en cause le Gouvernement, car, comme vous le savez, puisque vous avez posé la question mardi matin au secrétaire d’État, qui vous a répondu,…
M. Olivier Paccaud. Ce n’est pas la même question !
M. Christophe Castaner, ministre. … et que mon cabinet vous a transmis un certain nombre de documents, la mise en place de ces outils numériques n’est pas le fait de l’actuel gouvernement. Cela étant, vous avez raison, leur mise en place pose un certain nombre de problèmes, que nous allons évoquer sans polémiquer.
Vous savez comme moi que le format des cartes nationales d’identité a été modifié, que les démarches ont été dématérialisées et que la réalisation de cartes biométriques nécessite des dispositifs de recueil, des DR, connectés. Le coût de ces dispositifs s’élève à environ 30 000 euros.
Plusieurs gouvernements se sont mobilisés et ont déployé partout en France 3 526 dispositifs de recueil afin d’accroître la proximité. Ils ont confié cette responsabilité aux mairies, avec lesquelles ils ont passé un contrat.
La difficulté, c’est que ces dispositifs ne fonctionnent pas à 100 %. En moyenne, leur taux d’utilisation se situe plutôt au-dessous de 35 %. Ayant été maire, je ne suis pas en situation de donner des leçons à cet égard. En conséquence, les délais moyens pour obtenir un rendez-vous dans l’un des 3 526 points que je viens d’évoquer afin d’effectuer l’ensemble des démarches et déposer ses empreintes digitales sont trop importants. Ce délai est ainsi de 22 jours dans votre département, ce qui correspond à la moyenne nationale. Quant au taux d’utilisation des dispositifs de recueil dans votre département, il est de 55 %, soit un taux supérieur à la moyenne.
Il y a quelques jours, j’ai proposé au Premier ministre d’ajouter une centaine d’équipements afin d’accroître le maillage du territoire. J’examinerai avec vous, si vous le voulez bien, comment renforcer les équipements dans votre département.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Un ancien Président de la République avait promis un choc de simplification ; un autre avait demandé qu’on arrête d’emmerder les Français. Force est de constater qu’ils n’ont pas été entendus !
Pour conclure, je vous laisse méditer la devise d’une belle commune de l’Oise, Pierrefonds : « Qui veult peult ! » (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 21 mai 2019.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Mme Éliane Assassi, M. Pierre Laurent, Mme Laurence Cohen, MM. Guillaume Gontard, Fabien Gay, Pascal Savoldelli et Mme Esther Benbassa font savoir qu’ils souhaitaient voter contre l’amendement n° 100 rectifié quater tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er bis G du projet de loi pour une école de la confiance. Mmes Christine Prunaud, Cathy Apourceau-Poly et Michelle Gréaume font savoir qu’elles souhaitaient voter pour cet amendement.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Lors du scrutin n° 100 portant sur l’amendement n° 100 rectifié quater, présenté par M. Jérôme Bascher et plusieurs de ses collègues, tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er bis G du projet de loi pour une école de la confiance, Mme Nathalie Goulet a été comptabilisée comme s’étant abstenue, alors qu’elle souhaitait voter contre. M. Hervé Maurey a été comptabilisé comme s’étant abstenu, alors qu’il ne souhaitait pas prendre part au vote.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
5
Pour une école de la confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (projet n° 323, texte de la commission n° 474, rapport n° 473).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre II du titre Ier, l’examen de l’article 4.
TITRE Ier (Suite)
GARANTIR LES SAVOIRS FONDAMENTAUX POUR TOUS
Chapitre II (suite)
L’extension de l’instruction obligatoire aux plus jeunes
Article 4 (suite)
L’État attribue de manière pérenne à chaque commune les ressources correspondant à l’augmentation des dépenses obligatoires qu’ils ont prises en charge en application des articles L. 212-4, L. 212-5 et L. 442-5 du code de l’éducation au titre de l’année scolaire 2019-2020 par rapport à l’année scolaire précédente, en tenant compte, pour les collectivités qui y procédaient antérieurement à la présente loi, de la prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées liées à l’État par contrat, dans la limite de la part d’augmentation résultant directement de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire.
La réévaluation de ces ressources peut être demandée par une commune au titre des années scolaires suivantes.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 316 rectifié bis est présenté par Mmes S. Robert, Blondin, Monier et Lepage, MM. Antiste et Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 440 rectifié est présenté par Mmes N. Delattre, Laborde et Jouve, MM. Roux, Castelli, Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec et Guérini, Mme Guillotin et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La part d’augmentation mentionnée au premier alinéa n’est pas prise en compte dans les dépenses réelles de fonctionnement entrant dans le calcul de l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre, mentionné au III de l’article 13 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 316 rectifié bis.
Mme Sylvie Robert. Nous reprenons nos discussions entamées hier soir sur la compensation financière par l’État aux communes versant déjà le forfait aux maternelles privées. Mon amendement vise à exclure le surcoût induit par l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire du « capage » à 1,2 %.
Monsieur le ministre, vous avez réitéré votre engagement en ce sens hier devant notre assemblée, et nous vous en remercions. Du coup, vous allez me dire que cet amendement, et c’est juste, est satisfait. Je tenais néanmoins à rappeler, car cette question est vraiment importante, que nous n’avons pas la même position que vous sur la compensation versée aux communes.
Pour ma part, je suis élue d’un département où de nombreuses communes versent déjà le forfait aux maternelles privées. Si notre amendement et celui de la commission devaient ne pas aller au terme de l’examen du texte, ce que je ne souhaite pas bien sûr, les communes comme la mienne et comme d’autres, qui ne font pas la différence entre le public et le privé, qui paient depuis plusieurs années pour les maternelles privées et qui intègrent ces dépenses dans le capage à 1,2 %, seront-elles exonérées ?
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l’amendement n° 440 rectifié.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement étant identique à celui que vient de présenter Sylvie Robert, vous pouvez considérer qu’il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Ces amendements visent à prévoir que les dépenses de fonctionnement supplémentaires ne seront pas prises en compte dans le calcul de l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales.
Si je suis favorable sur le fond aux dispositions que tendent à prévoir ces amendements, elles relèvent d’une circulaire du ministre du budget, qui fixe le périmètre des dépenses concernées. En fait, ces amendements visent avant tout à obtenir de M. le ministre qu’il renouvelle devant le Sénat son engagement, qui fait juridiquement foi, que ces dépenses seront bien exclues du calcul de l’objectif de l’évolution des dépenses.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Je fais miens tous les arguments du rapporteur, qui viennent à l’appui de ce que j’ai déjà dit hier soir. La doctrine sur laquelle repose la décision que nous avons prise est très simple, je l’ai formalisée ainsi hier : une commune ayant dépensé x en 2018-2019 et qui dépensera x + n en 2019-2020 se verra rembourser n. C’est aussi simple que cela ! Je sais que certains voudraient que cela soit n + quelque chose, mais seul n sera remboursé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. En fait, monsieur le ministre, on aurait aimé que l’État rembourse la différence entre le x – n et le x. Comme cela a été dit hier, toutes les communes ayant déjà pris en charge le financement des maternelles privées, avant l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, devraient également être aidées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 316 rectifié bis et 440 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 213 rectifié, présenté par MM. Decool et Henno, Mme Eustache-Brinio et MM. Gremillet, Guerriau, Danesi, Moga, Courtial, Laménie, A. Marc, Panunzi et Chasseing, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment dans le cadre des conventions entre communes pour la scolarisation d’élèves dans une commune extérieure
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Cet amendement tend à prévoir que la situation spécifique des enfants scolarisés dans une commune autre que celle de leur domicile devra être clairement prise en compte, notamment dans le cadre des conventions entre communes. Il s’agit de spécifier que la commune d’accueil supportant les dépenses inhérentes percevra une compensation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. La compensation portera sur l’ensemble des dépenses de fonctionnement des communes en matière scolaire et s’appliquera donc à la participation aux frais de scolarisation des communes de résidence. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 441 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Castelli et Roux, Mme N. Delattre, MM. Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes et MM. Gold, Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les conséquences financières, pour les communes et leurs groupements, de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire prévu par la présente loi, et notamment son incidence sur les modalités de calcul de l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre, mentionné au III de l’article 13 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Alors que le surcoût global de la réforme pour les communes et leurs groupements est estimé à 150 millions d’euros, selon les calculs de certains syndicats, la compensation de l’État, qui repose sur des évaluations encore imprécises, serait d’environ 50 millions d’euros en direction des maternelles privées, un peu plus s’agissant du remboursement des forfaits des maternelles publiques. Le montant complet de la compensation ne permettrait donc pas de couvrir l’ensemble du surcoût pour les collectivités. En conséquence, cet amendement tend à prévoir la remise par le Gouvernement d’un rapport sur cette question au Parlement.
Cela étant, le Sénat rejetant les demandes de rapport, je vous prie d’ores et déjà, monsieur le ministre, d’apporter une réponse précise et circonstanciée à mes interrogations. Je pourrai ensuite retirer mon amendement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Mme Laborde a déjà fait mon travail. (Nouveaux sourires.)
Si cet amendement n’est pas retiré, la commission émettra un avis défavorable, compte tenu de sa position sur les demandes de rapport.
Mme Françoise Laborde. Je le savais ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. En application de l’article L. 1211-4 du code général des collectivités territoriales, le Comité des finances locales établit chaque année un rapport sur la situation financière des collectivités locales. Il s’agit du rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale.
En outre, en application de l’article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales, la commission consultative sur l’évaluation des charges établit à l’intention du Parlement un bilan annuel de l’évolution des charges transférées aux collectivités locales.
Enfin, la Cour des comptes produit annuellement un rapport sur la situation des finances locales.
Un nouveau rapport serait donc redondant.
Je pense avoir triplement répondu à votre question, madame la sénatrice.
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 441 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, qui me satisfait.
Trois rapports étant déjà prévus, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 441 rectifié est retiré.
Article 4 bis
Par dérogation à l’article L. 131-2 du code de l’éducation, l’instruction obligatoire peut être donnée aux enfants âgés de trois à six ans dans un établissement d’accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans dit « jardin d’enfants ».
Les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation d’instruction prévue à l’article L. 131-1 du même code doivent déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, dans les conditions prévues à l’article L. 131-5 dudit code, qu’elles l’inscrivent dans un établissement mentionné au premier alinéa du présent article.
L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation prescrit le contrôle des établissements mentionnés au même premier alinéa afin de s’assurer que l’enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation et que les élèves de ces établissements ont accès au droit à l’éducation tel que celui-ci est défini par l’article L. 111-1 du même code.
Ce contrôle est organisé selon les modalités prévues aux quatrième à dernier alinéas de l’article L. 442-2 dudit code.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 401, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
peut
sont insérés les mots :
, au cours des années scolaires 2019-2020, 2020-2021 et 2021-2022,
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L’article 4 bis dispose que l’instruction obligatoire peut être dispensée à titre dérogatoire dans les jardins d’enfants. Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait une dérogation de deux ans. Votre commission a souhaité rendre cette dérogation pérenne. Une telle proposition présente, selon le Gouvernement, un risque de rupture d’égalité, notamment vis-à-vis des écoles privées hors contrat.
Il ne fait aucun doute que des dispositions transitoires sont nécessaires de façon à permettre, d’une part, aux familles de s’adapter aux nouvelles conditions de prise en charge de leurs enfants découlant de la nouvelle obligation d’instruction dès l’âge de 3 ans et, d’autre part, à ces structures, quel que soit leur statut, de s’adapter aux nouvelles contraintes et de préparer les éventuelles évolutions et reconversions professionnelles de leurs employés.
Plusieurs voies d’évolution articulées au développement des modes d’accueil du jeune enfant sont possibles pour les jardins d’enfants. L’une est de demeurer un jardin d’enfants, en se recentrant sur la tranche d’âge de 2 à 3 ans et être ainsi une passerelle douce vers l’école – cela peut être très fructueux. Une autre est de devenir un établissement d’accueil collectif de jeunes enfants de 0 à 3 ans, type crèche collective. J’ai cité hier l’exemple d’Arras, où l’on voit ce genre d’établissement articulé avec les écoles maternelles. Cela peut être très positif et un vecteur de transformation très intéressant. Enfin, ils peuvent se transformer en école maternelle hors contrat avec un projet éducatif et pédagogique défini, puis, le cas échéant, et selon les dispositions en vigueur, en école maternelle sous contrat.
Les évolutions de ces structures doivent être analysées au cas par cas, en fonction des projets propres portés par les jardins d’enfants existants – par exemple, ceux qui ont des méthodes éducatives alternatives, ceux qui pratiquent le bilinguisme, etc. –, mais également en fonction des besoins locaux en matière d’accueil préscolaire et scolaire. Chaque structure pourra ainsi évoluer vers la forme juridique qui lui correspond le plus.
L’État, au travers des plans de formation dédiés pour les personnels, pourra accompagner certaines structures qui le souhaiteraient vers leur transformation en école maternelle publique.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement propose, avec cet amendement, de rétablir une dérogation limitée dans le temps pour les jardins d’enfants. Nous optons pour un délai plus important que celui qui avait été adopté par l’Assemblée nationale, en passant de deux à trois ans. Durant cette période de trois années, ces établissements feront l’objet d’un contrôle de la part des services académiques, afin de vérifier que l’instruction, telle qu’elle est prescrite nationalement, y est effective.
Les jardins d’enfants sont aujourd’hui un type particulier d’établissement d’accueil du jeune enfant. C’est évidemment important de respecter ce qu’ils ont accompli. Je suis le premier à reconnaître qu’il y a des choses très positives dans le bilan que l’on peut en faire. Comme dans d’autres situations, il faut, je crois, avoir la démarche de garder ce qui est positif, de faire évoluer ce qui l’est moins, de sorte que les jardins d’enfants profitent de ce nouveau contexte pour apporter leur expérience et se transformer selon l’une des modalités que j’ai indiquées.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 185 est présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 234 est présenté par Mme Cartron, MM. Karam, Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Après le mot :
peut
insérer les mots :
, au cours des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021,
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 185.
Mme Céline Brulin. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 185 est retiré.
La parole est à Mme Françoise Cartron, pour présenter l’amendement n° 234.
Mme Françoise Cartron. Cet amendement va dans le même sens que celui du Gouvernement, si ce n’est que nous souhaitons maintenir la dérogation pour deux années. En tout cas, il est important de prévoir une date.
Comme le disait M. le ministre, dans les deux mois qui ont précédé l’examen du projet de loi, on a entendu de fausses informations qui ont causé beaucoup d’inquiétude. Dans l’esprit de certains s’est développée l’idée qu’il pourrait y avoir une instruction obligatoire à l’école maternelle et, à côté, des jardins d’enfants qui pourraient aussi prendre une part importante dans le dispositif.
Cela étant, je retire cet amendement, puisque le Gouvernement pense qu’il est préférable de prévoir une période transitoire de trois ans.
M. le président. L’amendement n° 234 est retiré.
L’amendement n° 72 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Dans le projet de loi initial, il n’y avait aucun délai. Je constate que le Gouvernement s’est rendu compte qu’il y avait un problème.
Mme Cartron a parlé d’inquiétude. Si je suis d’accord avec M. le ministre pour dire que, parfois, certaines inquiétudes peuvent être totalement infondées, pour le coup, l’inquiétude sur l’avenir des jardins d’enfants, elle, est totalement fondée.
Nous avons du mal à comprendre qu’un système centenaire dans certaines régions de notre pays soit rayé d’un trait de plume, par une décision venue d’en haut, sans aucune réflexion, sans aucune audition. On se demande même si le ministre n’a pas découvert les jardins d’enfants, qui sont dans le code de la santé publique, au hasard de ce projet de loi.
Monsieur le ministre, ce système fonctionne et a fait ses preuves. Les résultats des élèves, lorsqu’ils arrivent au cours élémentaire, sont de très grande qualité. À Paris, à La Réunion ou en Alsace, les jardins d’enfants sont inscrits dans les territoires, et certains sont municipaux.
J’ai été très surpris par cette proposition. Aussi, la commission, qui a beaucoup travaillé et auditionné sur le sujet, propose la pérennisation des jardins d’enfants, ne voyant pas pourquoi, je le répète, il faudrait faire disparaître quelque chose qui fonctionne et qui a fait ses preuves.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur !
M. Max Brisson, rapporteur. Le ministre nous dit que les jardins d’enfants ont le choix. Oui, ils ont le choix entre disparaître ou disparaître ! Voilà pourquoi nous sommes défavorables à l’amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Une fois n’est pas coutume, l’argumentation fougueuse de notre rapporteur me convient, mais je vais y ajouter quelques éléments.
Ces jardins d’enfants, souvent centenaires, ont été créés, à Paris notamment, pour satisfaire des besoins dans les couches populaires, le plus souvent dans le cadre des HBM. Ils permettaient de prendre en charge des enfants assez tôt dans des familles où les femmes travaillaient, souvent en tant qu’ouvrières. Votre projet, monsieur le ministre, a donc suscité une émotion tout aussi populaire.
À Paris, 2 000 enfants sont concernés, ce qui n’est pas rien, et ça fonctionne bien ! Nous sommes d’ailleurs très attachés à la formation de ceux qui encadrent et à la qualité des prestations.
J’ai une petite expérience personnelle, mais j’ai surtout écouté tous ceux qui ont mis leurs enfants dans ces structures. Ils sont très satisfaits, pas seulement parce que leurs enfants seraient agréablement occupés, mais surtout parce qu’ils y reçoivent une éducation et une instruction de valeur. On constate d’ailleurs que ces enfants quand ils entrent ensuite à l’école primaire ne sont pas du tout en retard par rapport aux autres. C’est même parfois l’inverse. Donc, ça marche !
Comme vous instituez l’école obligatoire à 3 ans, vous proposez l’alternative suivante : soit les jardins d’enfants rentrent dans le droit chemin, en devenant des maternelles, soit ils disparaissent d’ici à trois ans. Franchement, je le répète, vous avez suscité un grand émoi.
Je vous renvoie à vos déclarations répétées sur votre désir d’être pragmatique, de ne pas faire une loi qui porte votre nom… Mais, là, le pragmatisme, c’est de reconnaître que ça marche et que personne ne s’en plaint. Certes, l’implantation est assez sectorisée, dans le Bas-Rhin, dans le Rhône, qui a des établissements adossés à la puissance publique qui fonctionnent bien, à Paris, où cela relève de la municipalité et non pas du diocèse.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. David Assouline. À partir du moment où on souhaite la pérennisation, vous pouvez très bien faire entrer…
M. le président. Cher collègue, il faut vraiment conclure !
M. David Assouline. D’accord, je m’arrête là, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. David Assouline a parlé de la situation parisienne ; je vais parler de la situation bas-rhinoise. Dans ce département, il y a effectivement une tradition de jardins d’enfants extrêmement importante. Ils fonctionnent bien.
Votre objectif, monsieur le ministre, c’est que les enfants, dès l’âge de 3 ans, soient pris en charge dans une structure dans le but d’y recevoir une instruction. Or il s’avère que ces jardins d’enfants, comme l’a dit David Assouline, ont apporté cette instruction sans que personne les critique. Dans le Bas-Rhin, la situation strasbourgeoise est particulière, des jardins s’étant créés, notamment, pour subvenir aux besoins des fonctionnaires européens, dont certains viennent des pays nordiques, où les parents sont très attachés à ce type de structures.
Faire disparaître les jardins d’enfants est une aberration et ne répond pas à l’objectif que vous vous êtes fixé dans la loi. Comme l’a dit le rapporteur, je pense que le problème a totalement échappé à vos services. Je sais que le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, Bruno Studer, qui est député du Bas-Rhin, a été alerté. C’est d’ailleurs lui qui a proposé la dérogation.
Il faut se rendre compte que la dérogation à deux ans ne suffit absolument pas. Les jardins d’enfants sont aujourd’hui du ressort du ministre de la santé ; leurs personnels sont des éducateurs de jeunes enfants, et pas forcément des enseignants. Il y aura donc une vraie difficulté dans deux ans, ou même dans trois ans. Pourquoi empêcher de vivre ce qui marche bien, surtout que le Président de la République nous parle ailleurs de droit à la différenciation ?
J’ai interpellé les gestionnaires de jardins d’enfants du Bas-Rhin à propos de l’article issu de notre commission sur le fait que le contrôle serait dorénavant effectué par l’autorité compétente en matière d’éducation nationale. Ils n’y voient aucun inconvénient. L’éducation nationale pourra accompagner les jardins d’enfants dans leur pérennisation.
Pourquoi se donner un délai de trois ans ? Vous prenez le risque que l’on revienne à l’issue de ce délai avec un amendement cavalier ou une loi spéciale pour éviter de fermer des lieux qui fonctionnent bien et qui sont viables économiquement. Peut-être ne serez-vous plus là, mais on sera face à un vrai sujet.
À mon sens, la solution adoptée par notre commission est sage. Elle répond aux intérêts locaux et ne porte pas atteinte aux enfants et à leur instruction.
M. le président. Merci !
M. Jacques Bigot. Je ne crois pas que l’on retrouvera ces enfants dans la tranche des 16-18 ans que vous voulez éduquer par la suite.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Il serait incompréhensible que le Gouvernement ne se saisisse pas de la rédaction du Sénat. Nous avons tous approuvé le principe de la scolarité obligatoire à 3 ans, mais nous devons pouvoir l’adapter à des situations existantes très précises et qui concourent à l’évidence à l’intérêt général.
À Paris, comme dans d’autres territoires, ces jardins d’enfants, souvent des structures associatives non lucratives, contribuent à l’intérêt général. D’ailleurs, vous le reconnaissez d’une certaine manière, monsieur le ministre, en prévoyant une dérogation. Ils sont dans des quartiers populaires, participent à la mixité sociale, à l’inclusion d’enfants en situation de handicap. Dans le Xe et le XXe arrondissement de Paris, les jardins d’enfants franco-allemands contribuent au bilinguisme, avant que l’école publique ne prenne le relais à partir du CP.
Si ces dispositifs fonctionnent bien, pourquoi prévoir une dérogation de deux ans ou de trois ans ? Pourquoi pas une dérogation pérenne ? C’est le souhait de la commission de la culture du Sénat, qui a prévu l’encadrement nécessaire, notamment en matière de contrôle de la qualité de l’enseignement dispensé, qui serait exercé par l’éducation nationale.
Enfin, personne n’est dupe : prévoir une dérogation de deux ans ou de trois ans permettrait d’enjamber les élections municipales et de limiter l’ampleur des vagues de contestation devant ce genre de mesure. Il serait bien plus sage et conforme à l’intérêt de tous d’en rester à la rédaction de la commission de la culture du Sénat, dont je remercie le rapporteur. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. J’hallucine quand j’entends de tels propos. Nous nous sommes battus pendant des années et des années pour que l’école maternelle dispose de personnels formés à bac+5. Aujourd’hui, les mêmes nous disent que, finalement, les jardins d’éveil, avec des éducateurs, font aussi bien, voire mieux, et qu’il est préférable de laisser, à côté de l’école maternelle, ce système concurrentiel. Rappelons-le, les jardins d’éveil exigent une participation financière des familles dans beaucoup de cas. Pour moi, cela ne fait que favoriser l’entre soi. Alors, oui, il y a du bilinguisme, tout ce que certaines familles adorent…
M. David Assouline. Vous n’y connaissez rien !
Mme Françoise Cartron. Contrairement à vous, je connais l’école maternelle !
M. David Assouline. Vous n’y êtes pas du tout : il ne s’agit pas de bobos !
Mme Françoise Cartron. Je le rappelle, l’ambition de ce projet de loi est d’instituer l’instruction obligatoire à 3 ans pour tous les enfants de France. Il n’a pas vocation à prévoir des exceptions pour les Parisiens, les habitants du Bas-Rhin ou d’ailleurs, sous prétexte qu’il s’agirait de traditions. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Vous nous dites que des éducateurs dans des jardins d’enfants font aussi bien que des enseignants dans une école maternelle. L’étape d’après sera de dire : la pérennisation ayant bien fonctionné, on peut finalement se contenter de ne mettre que des éducateurs dans les écoles maternelles.
M. David Assouline. C’est maintenant que vous vous réveillez ?
Mme Françoise Cartron. Je n’ai pas mis un siècle à me réveiller. Quand j’ai déposé, voilà huit ans, la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à 3 ans, j’étais animée de la même volonté : donner un statut à l’école maternelle.
Là, vous êtes en pleine contradiction, mais je pense que les syndicats d’enseignants, qui vous suivent de très près, vont apprécier cette initiative.
Mme Sylvie Goy-Chavent. On mélange tout !
M. le président. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.
M. Guy-Dominique Kennel. Monsieur le ministre, madame Cartron, je dois vous dire que je suis vraiment étonné de votre prise de position.
Monsieur le ministre, au lieu d’une mise à mort en deux ans, vous proposez une mise à mort en trois ans. Franchement, c’est déplorable !
Madame Cartron, ne soyez pas méprisante…
Mme Françoise Cartron. Mais non !
M. Guy-Dominique Kennel. … à l’égard d’un travail qui est fait depuis un siècle. Je vous invite à venir à Strasbourg. Vous verrez ce qui s’y passe en matière d’instruction. Je pense que vous changerez d’avis, vous qui aviez une autre approche, voilà quelque temps, quand vous aviez une autre étiquette politique.
M. Michel Savin. Il y a un an et demi…
M. Guy-Dominique Kennel. Monsieur le ministre, sans vouloir polémiquer, vous qui souhaitez une instruction dès l’âge de 3 ans, je dois vous dire que je suis heureux que la commission de la culture ait adopté mon amendement, car elle a compris quel est le rôle essentiel de ces jardins d’enfants dans un certain nombre de territoires. Vous avez quand même là 10 000 jeunes qui sont instruits, accompagnés et qui bénéficient d’une insertion sociale. Ces structures ne profitent pas à une élite, bien au contraire.
Je m’étonne que vous souhaitiez la mort de ces jardins d’enfants, alors que, depuis un siècle, ils accomplissent un travail de fond remarquable, dont personne n’a jamais contesté l’issue, puisque ces jeunes entrent ensuite automatiquement dans le système scolaire traditionnel. Ils n’ont jamais été handicapés. Bien au contraire, ils ont été acceptés et ont fait toutes leurs preuves dans l’enseignement traditionnel.
Je m’étonne aujourd’hui qu’on veuille signer l’arrêt de mort de ces jardins d’enfants, d’autant qu’ils ne vous coûtent rien du tout. Et cela représente 10 000 jeunes sur les prétendus 24 000 qui ne sont pas encore scolarisés aujourd’hui !
Je plaide évidemment en faveur de la rédaction de la commission. Je souhaite que les jardins d’enfants soient pérennisés. Ils sont prêts – leurs représentants nous l’ont dit en audition – à accepter un certain nombre de conditions, qu’il vous revient de définir. De grâce, laissez-les vivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. David Assouline, Mme Victoire Jasmin et M. Laurent Lafon applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Il y a quelques mois, à la quasi-unanimité, notre assemblée avait demandé avec insistance au Gouvernement d’abandonner l’augmentation de la taxe sur les carburants. Cette demande a été rejetée, malgré un vote qui frôlait l’unanimité. Vous en connaissez les conséquences, monsieur le ministre, et ce n’est pas fini.
Aujourd’hui, le Sénat vous appelle encore à la sagesse. Ce Sénat des territoires ; ce Sénat qui est composé d’anciens élus locaux, voire d’élus locaux toujours en exercice – c’est mon cas – ; ce Sénat composé de personnes qui ont été maires, voire ministres et qui ont cette connaissance de la réalité des territoires.
Pour ma part, j’habite une région où chaque parcelle d’activité vaut de l’or. Une entreprise qui ferme, même si elle ne comprend que quatre ou cinq salariés, cela devient un désastre, dans un territoire où le taux de chômage avoisine les 25 % de manière globale, et je ne vous parle pas du taux dans certaines régions.
Je m’excuse d’être terre à terre en parlant d’argent et d’économie, mais cette mesure portera un coup à une activité qui emploie aujourd’hui des centaines de personnes. Faites attention aux mesures que vous imaginez ! Ne renouvelez pas les erreurs qui ont eu des conséquences brutales ! Évaluez chaque impact sur les territoires ! Mesurez ce que cela peut coûter ! Une bonne intention peut devenir un désastre à l’arrivée.
Je vous demande de prendre en compte la sagesse à laquelle vous appelle le Sénat. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. J’avoue que, au sein du groupe du RDSE, nous nous posons toujours la même question que celle que nous nous posions en commission.
J’ai été institutrice en école maternelle, comme Françoise Cartron, et je n’ai jamais dénigré le travail fait dans les jardins d’enfants.
On parle beaucoup de social, ce qui était vrai à leur création. Mais, je me tourne vers David Assouline, car je connais plus les exemples parisiens que ceux d’autres régions, vous me le confirmez, ces structures sont payantes ?…
Je peux concevoir que, pour les enfants de 2 à 3 ans, les jardins d’enfants puissent remplacer les crèches. C’est un substitut que l’on peut prôner. Ils peuvent se transformer en lieux d’accueil supplémentaires pour des mamans qui n’ont pas de places en crèche. Après, on va à l’école publique.
Aujourd’hui, au risque de déplaire, j’en suis encore à me demander dans quel sens je vais voter. Cependant, je pense que je vais suivre M. le ministre.
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour explication de vote.
Mme Vivette Lopez. Je partage totalement les positions de M. Kennel et de M. le rapporteur.
Je suis un peu surprise quand j’entends Mme Cartron s’étonner que les enfants, dès le plus jeune âge, puissent apprendre une nouvelle langue. Je ne comprends d’ailleurs pas que l’on n’impose pas à toutes les écoles maternelles d’enseigner une deuxième langue. En effet, aujourd’hui, dans les grandes maisons, il est impossible de recruter des jeunes Français, parce qu’ils ne parlent pas couramment plusieurs langues. On est obligé d’aller recruter dans les pays de l’Est, ce qui me désole un peu. Réjouissons-nous que tous ces enfants apprennent l’anglais, l’allemand ou peu importe.
Ce qui me désespère, c’est que l’on n’ait pas pris conscience que cet apprentissage doit se faire dès le plus jeune âge, même si je trouve dommage que l’on impose la scolarisation à 3 ans, la liberté de chacun devant primer. Je le répète, faisons au moins en sorte que tous les enfants puissent apprendre une langue supplémentaire. S’il y a des parents qui veulent payer pour cela dans les jardins d’enfants, c’est très bien. On ne retrouvera certainement pas ces jeunes-là sur les trottoirs entre 16 et 18 ans.
Vous l’aurez compris, je suivrai la position du rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je salue, comme nous tous ici, puisqu’il y a eu unanimité, l’obligation de scolarisation dès l’âge de 3 ans. Toutefois, en entendant les exemples cités par mes collègues, je me suis rendu compte qu’il y avait des territoires où les jardins d’enfants avaient répondu à la volonté très forte des élus de proposer des lieux d’accueil, d’éveil, correspondant aux objectifs que vous visez, monsieur le ministre, en rendant l’école obligatoire à 3 ans.
En Bretagne, nous n’avons pas de jardins d’enfants, parce que c’est l’école privée catholique qui a proposé de scolariser tous les enfants, parfois même à l’âge de 2 ans.
J’entends parler de décentralisation, de différenciation. Je suis donc gênée que l’on ne prenne pas en compte des expériences très positives qui ont été conduites dans des territoires et qui correspondent à une culture, à une histoire et à des objectifs qui ont été conjugués courageusement par des élus.
Je vous avoue que, comme Françoise Laborde, je suis un peu dubitative et perplexe au moment de décider de mon vote.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je suivrai M. le rapporteur. Si j’avais déposé l’amendement n° 72 rectifié bis, c’est parce que, je l’avoue en toute humilité, je ne connaissais pas bien le principe des jardins d’enfants. Ce sujet est aussi l’occasion de discuter entre nous des annonces du Président de la République, qui a déclaré qu’il était favorable à plus de décentralisation et à plus d’adaptations au niveau des territoires.
Les jardins d’enfants répondaient à un besoin de scolarisation très tôt. Je pense qu’il faut garder cette formule, peut-être en l’adaptant avec un système de conventionnement.
Nous aurons l’occasion de reparler de la scolarisation des enfants dès 3 ans, ce qui est peut-être déjà trop tard pour une bonne acquisition du langage. Je proposerai donc d’autres formules pour les régions hyper-rurales.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Je veux reprendre trois points pour éclairer ce que j’ai dit précédemment. Auparavant, je souhaite rendre hommage au travail des professionnels de la petite enfance qui interviennent dans les jardins d’enfants, et qui sont de grande qualité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
Tout d’abord, si on entre dans votre logique, monsieur le ministre, le délai que vous proposez ne permettra pas la reconversion que vous appelez de vos vœux. C’est un leurre ! En trois ans, on ne transformera pas les jardins d’enfants en écoles privées sous contrat ou hors contrat.
Ensuite, les jardins d’enfants sont payants, les écoles privées hors contrat ou sous contrat aussi. Certains ont l’air de découvrir quelque chose de nouveau, mais il y a longtemps que notre système fonctionne ainsi.
Enfin, nous avons voté hier à l’unanimité l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction. Nous n’avons jamais voté l’instauration d’un monopole, en vertu duquel tous les enfants devraient être dans le même moule. Ce n’est pas du tout la tradition de cette maison : nous défendrons toujours la liberté de choix des parents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’interviens dans l’espoir, sans doute un peu utopique, de retourner certains votes. C’est peut-être avec vous, monsieur Assouline, que j’aurai le plus d’arguments.
J’ai reconnu l’éloquence du rapporteur, mais j’ai moins reconnu sa modération dans la façon dont il a engagé les débats.
Je ne suis pas en très grand désaccord avec une bonne partie de ce qui a été dit par les uns et par les autres. Si vous m’avez écouté, reconnaissez que je n’ai cessé de dire que nous devions suivre la voie la plus pragmatique.
Je ne veux absolument pas la mort des jardins d’enfants et encore moins mettre au chômage ceux qui y travaillent. Il est important de s’écouter et de comprendre la logique de notre amendement. Il y a un principe en médecine, qui, à mon avis, vaut pour les politiques publiques – j’essaie d’ailleurs de l’appliquer, car j’y tiens énormément – : il ne faut pas nuire ! Autrement dit, et je suis d’accord avec vous, il est hors de question de casser quelque chose qui marche.
M. Olivier Paccaud. Très bien !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Parfois, pour le charme du débat public, on a tendance à dépeindre les situations de façon extrême : soit tout va très bien, soit tout va très mal. Il serait inexact de dire que tout va très bien du côté des jardins d’enfants, mais je ne dis pas non plus que tout va très mal. Il y a des choses excellentes qui s’y passent, et je les salue sans aucun problème. Ils peuvent même être, à certains égards, un modèle pour l’école maternelle. Et puis, il y a des choses qui ne vont pas. C’est très hétérogène d’un endroit à l’autre.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il me semble même, monsieur Assouline, que le maire de Paris avec qui vous avez travaillé, Bertrand Delanoë, avait envisagé de supprimer les jardins d’enfants à Paris,…
M. Julien Bargeton. En 2001 !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … pour des raisons qui sont sensiblement les mêmes que celles que je vais exposer, à la différence près que mon but n’est certainement pas de « supprimer » les jardins d’enfants. Ce mot est beaucoup trop fort. Nous voulons une période de transition pour que les jardins d’enfants puissent maintenir ce qui va bien et s’améliorer sur ce qui ne va pas. C’est tout ce que nous souhaitons, avec plusieurs possibilités que j’ai énumérées.
Je vais redessiner devant vous les scénarios positifs, y compris pour l’emploi, mais d’abord et avant tout pour les enfants.
On peut avoir un jardin d’enfants qui décide de faire ce que j’ai indiqué en premier, c’est-à-dire se reconvertir pour la tranche d’âge au-dessous de 3 ans. On aura ainsi un continuum jardin d’enfants-école maternelle qui peut être excellent. Je citais hier le cas d’Arras, où il y a une très bonne coopération entre les personnels municipaux de la petite enfance et les personnels de l’éducation nationale. C’est très souhaitable d’arriver à ce type d’organisation.
Je n’ai aucun problème à m’associer à l’hommage que vous avez rendu, monsieur le rapporteur, aux personnels de la petite enfance. Nous avons besoin de complémentarité et d’union, nous avons besoin que règne un esprit d’équipe entre ces personnels.
Ce scénario, qui est très bon, va probablement se dérouler dans un certain nombre de cas.
Il arrivera aussi que le jardin d’enfants souhaite devenir une école maternelle à part entière. Il conservera sa saveur propre de jardin d’enfants, car nous ne lui demandons pas d’abandonner sa tradition et de renoncer à faire ce en quoi il excelle. Nous attendons seulement de lui qu’il se mette en conformité avec des standards de qualité. Une demande qu’acceptent d’ailleurs parfaitement, comme cela a été très bien dit, ces jardins d’enfants. Dès lors qu’ils ont le sentiment de faire partie d’un système de qualité, ils n’ont aucun problème à se soumettre aux contrôles de l’éducation nationale. La procédure est tout à fait normale pour une structure qui s’occupe d’enfants de trois à six ans. En réalité, il y a un terrain d’entente sur ce sujet.
Je ne souscris pas au propos du rapporteur selon lequel il est impossible de transformer au bout de trois ans un jardin d’enfants en école maternelle. Je ne vois absolument pas ce qui lui permet d’affirmer une chose pareille. D’ailleurs, l’évolution que nous allons impulser constituera même une opportunité pour accélérer le déroulement de carrière de certains des personnels employés dans les jardins d’enfants. Il est donc tout à fait possible de hisser vers le haut l’ensemble du système.
Bien entendu, cela ne me pose aucun problème de déclarer publiquement le respect que j’ai pour tous les aspects positifs qui ressortent du bilan des jardins d’enfants. J’affirme bien volontiers mon respect des traditions existantes. Ce que nous recherchons au travers de cette loi, c’est à garantir une instruction de qualité pour tous les enfants et à élaborer des règles du jeu communes, en matière de gratuité, par exemple, un objectif certainement non négligeable sur l’ensemble de ces travées.
Je crains que l’opinion exprimée par certains d’entre vous n’ait été influencée par des inquiétudes qui n’étaient pas fondées. Nous ne voulons pas supprimer les structures qui existent ! Autrement dit, un jardin d’enfants qui existe aujourd’hui a toutes les chances d’exister encore demain. Simplement, il aura vécu des transformations qui l’auront tiré vers le haut, et je suis tout à fait prêt à donner des garanties en la matière.
Je termine mon intervention en gardant le brin d’utopie qui l’a caractérisée : je pense qu’à l’écoute de mes arguments vous devriez logiquement voter cette disposition, car elle correspond à l’exposé des motifs des amendements soutenus par la plupart d’entre vous.
M. le président. L’amendement n° 402, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
qui était ouvert à la date du 1er septembre 2018
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. En corrélation avec ce que je disais précédemment, cet amendement vise à encadrer la dérogation prévue par l’article 4 bis pour les jardins d’enfants, en la limitant aux structures ouvertes à la date du 1er septembre 2018. Toute nouvelle structure de ce type qui aurait été ouverte après le 1er septembre 2018 l’aurait été en connaissance de cause. Le projet de loi a en effet été annoncé par le Président de la République, lors des Assises de l’école maternelle, dès le mois d’avril 2018.
Ces structures sont soumises à l’autorisation des représentants de l’État à l’échelon local. Il ne devrait donc plus y avoir de création de nouvelles structures sous cette forme juridique, mais nous devons nous en assurer.
Tel est l’objet de cet amendement du Gouvernement.
Comme vous le comprenez, il s’agit aussi d’éviter – c’est l’une des raisons de la position que j’ai exprimée précédemment – la création d’une sorte de système parallèle, qui deviendrait une coquille dans laquelle se développeraient toutes sortes de choses, dont certaines ne seraient pas souhaitables.
M. le président. Le sous-amendement n° 494, présenté par M. Brisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement 402, alinéa 3
Remplacer les mots :
du 1er septembre 2018
par les mots :
d’entrée en vigueur de la présente loi
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 402.
M. Max Brisson, rapporteur. Le sous-amendement vise à ce que la dérogation prévue à l’article 4 bis ne vaille que pour l’avenir.
Avec l’amendement n° 402, le Gouvernement propose de limiter la dérogation aux seuls jardins d’enfants existants, ce qui me paraît juste. Toutefois, cette dérogation se saurait être rétroactive. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent amendement, modifié par le sous-amendement que je viens de présenter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 494 ?
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Cet amendement et ce sous-amendement, que nous soutenons, devraient apaiser certaines craintes, notamment celles qui ont été exprimées par Mme Cartron. Ils démontrent que nous ne sommes pas en train d’encourager un système parallèle, susceptible d’entrer en concurrence avec l’école maternelle.
Il convient, non de déstabiliser ce qui existe et qui marche, mais de le préserver. L’objectif n’est pas de faire un cheval de Troie qui remettrait en cause l’école publique et l’instruction obligatoire à 3 ans telles qu’elles sont définies dans la loi. Cela devrait apaiser l’inquiétude de Mme Cartron, obsédée par l’idée que nous sommes en train de préparer la destruction de l’école maternelle dans tout le pays. Gardons un peu de raison !
Vous avez raison de dire, monsieur le ministre, qu’il faut convaincre les jardins d’enfants que ce texte vise non à les supprimer mais à les améliorer. Nous allons aider les jardins d’enfants à s’adapter aux exigences de la nouvelle situation, en lien avec l’éducation nationale, éventuellement par un conventionnement. Il n’est pas forcément nécessaire de passer par la loi. La Ville de Paris est prête à vous accompagner dans ce sens.
Avec le vote qui a eu lieu précédemment, nous avons envoyé un signal positif aux jardins d’enfants, qui pensaient disparaître dans deux ou trois ans. Ils s’attendaient à être traités de façon assez uniforme, en méconnaissance des différenciations tant vantées par le Président de la République. Or, comme ces structures marchent, j’espérais de votre part, monsieur le ministre, un soutien plus ardent de la position quasi unanime de notre commission.
M. le président. L’amendement n° 447 rectifié, présenté par Mme Guillotin, M. A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Dantec, Gabouty et Gold, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Par dérogation à l’alinéa L. 131-2 du code de l’éducation, l’instruction obligatoire peut, au cours des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021, être donnée aux enfants âgés de trois à six ans accueillis dans un établissement d’accueil collectif régulier recevant des enfants de moins de six ans à l’exception des micro-crèches.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, porté par Véronique Guillotin, a pour objet de permettre aux structures accueillant des enfants de moins de six ans – hors micro-crèches, crèches et haltes-garderies –, dont le statut se rapproche de celui des jardins d’enfants, de bénéficier d’une dérogation de deux ans pour dispenser l’instruction obligatoire aux enfants de trois à six ans qui y sont inscrits, et ainsi leur permettre de se mettre en conformité avec le droit dans ces deux ans afin de continuer à dispenser l’enseignement obligatoire au-delà de cette période transitoire.
Certaines structures recevant des enfants entre deux mois et six ans seraient exclues du dispositif de dérogation accordé aux jardins d’enfants, adopté à l’article 4 bis par la commission de la culture du Sénat. Or nombre de ces établissements, présents en Alsace notamment et en Meurthe-et-Moselle, le département de Véronique Guillotin, proposent un circuit éducatif fondé sur le bilinguisme. Les enfants accueillis doivent pouvoir continuer à accéder à une telle formation, essentielle en zone frontalière, et ce type de structure doit pouvoir être maintenu et pérennisé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Cet amendement prévoit une dérogation de deux ans au profit d’autres structures de petite enfance. Du point de vue de la commission, il élargirait à l’excès le champ des structures bénéficiaires. Les jardins d’enfants sont les seules structures destinées à accueillir exclusivement des enfants de deux à six ans, recoupant ainsi l’instruction dispensée en maternelle.
Mon cher collègue, je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’ai le même avis que M. le rapporteur, soutenu par le même argument.
Au moment où s’achève notre discussion autour des jardins d’enfants, je souhaite dire à tous les acteurs des jardins d’enfants que les mesures que nous souhaitons prendre sont inspirées par la bienveillance. Celle-ci est à l’origine de cette logique consistant à respecter ce qui fonctionne et à hisser vers le haut ce qui fonctionne moins bien.
J’ai ressenti au cours de ces discussions quelque chose d’assez savoureux. En effet, lors des dernières semaines, j’ai été largement accusé de vouloir la fin de l’école maternelle, que j’entendrais remplacer par le jardin d’enfants. Me voilà maintenant accusé de vouloir être une sorte d’extrémiste de l’école maternelle !
Mme Françoise Cartron. C’est vrai !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Sans doute est-ce le lot d’un gouvernement qui se situe là, au centre d’un hémicycle, de se prendre ainsi du vent à droite, du vent à gauche et, à la fin, du vent des deux côtés, dans une sorte de méli-mélo.
Je profite de cette occasion pour redire, à l’intention de ceux qui ne l’auraient pas entendu, que l’esprit de cette loi est de fortifier l’école maternelle, considérée comme fondamentale pour l’enfant et fondamentale pour l’école de la République. Je le redis très nettement, nous n’avons qu’un seul objectif : la renforcer à tous égards, quantitativement et qualitativement. Tel est le but de cette loi, et nous le traduisons.
En outre, cela va de soi, nous respectons les choses qui fonctionnent. Ce que nous voulons pour ces jardins d’enfants, c’est organiser cette période transitoire et faire en sorte qu’elle permette des formes de convergence évidemment respectueuses des personnes et de l’intérêt de l’enfant.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 447 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président, dans un souci d’ouverture, de consensus et de bienveillance. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 447 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 103 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 280 |
Contre | 44 |
Le Sénat a adopté.
Chapitre III
Le renforcement du contrôle de l’instruction dispensée dans la famille
Article 5
L’article L. 131-10 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « responsables », sont insérés les mots : « de l’enfant » ;
2° Les troisième et quatrième alinéas sont ainsi rédigés :
« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d’instruction par les personnes responsables de l’enfant prévue au premier alinéa de l’article L. 131-5, faire vérifier, d’une part, que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction tel que défini à l’article L. 131-1-1 et, d’autre part, que l’instruction dispensée dans un même domicile l’est pour les enfants d’une seule famille. Ce contrôle permet de s’assurer de l’acquisition progressive par l’enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122-1-1 au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire. Il est adapté à l’âge de l’enfant et, lorsqu’il présente un handicap ou un trouble de santé invalidant, à ses besoins particuliers.
« Le contrôle est prescrit par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation selon des modalités qu’elle détermine. Il est organisé en principe au domicile où l’enfant est instruit. Les personnes responsables de l’enfant sont informées, à la suite de la déclaration annuelle qu’elles sont tenues d’effectuer en application du premier alinéa de l’article L. 131-5, de l’objet et des modalités des contrôles qui seront conduits en application du présent article. » ;
3° (Supprimé)
4° Le sixième alinéa est supprimé ;
5° Les deux derniers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les résultats du contrôle sont notifiés aux personnes responsables de l’enfant dans un délai qui ne peut être supérieur à deux mois. Lorsque ces résultats sont jugés insuffisants, les personnes responsables de l’enfant sont informées du délai au terme duquel un second contrôle est prévu et des insuffisances de l’enseignement dispensé auxquelles il convient de remédier. À la demande des personnes responsables de l’enfant, ce second contrôle peut être effectué par des personnes différentes de celles chargées du premier contrôle. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l’objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l’article 227-17-1 du code pénal.
« Si les résultats du second contrôle sont jugés insuffisants, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé sous contrat et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi. Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire suivant celle au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée.
« Lorsque les personnes responsables de l’enfant ont refusé, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel prévu au troisième alinéa du présent article, elles sont informées qu’en cas de second refus, sans motif légitime, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation est en droit de les mettre en demeure d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé sous contrat dans les conditions et selon les modalités prévues au septième alinéa. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l’objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l’article 227-17-1 du code pénal.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l’article.
Mme Françoise Gatel. La liberté d’enseignement permet l’instruction à domicile. Certaines familles font ce choix, pour des raisons personnelles mais respectueuses des lois de la République.
Le nombre d’enfants instruits en famille est en très nette progression. En dix ans, entre 2007 et 2017, la hausse a été spectaculaire, puisqu’elle a été de 122 %. Aujourd’hui, plus de 30 000 enfants sont instruits en famille.
Cette progression me paraît quelque peu préoccupante, d’autant que la proportion d’enfants inscrits au CNED en classe à inscription réglementée décroît fortement, pouvant faire craindre des situations de radicalisation. À cet égard, j’ai été interpellée par les propos de l’avocat de l’école privée hors contrat d’Échirolles, que vous entendez fermer, monsieur le ministre, car « d’inspiration salafiste ». Il dit : « Les parents de ce quartier prioritaire ne voulaient pas ou plus mettre leurs enfants à l’école publique. Sur la centaine d’élèves inscrits à cette école, une trentaine était auparavant scolarisée à domicile. »
On le voit, nous sommes confrontés à un sujet préoccupant, qui prend de l’ampleur. Aussi, je me réjouis que le présent projet de loi s’en saisisse de nouveau.
J’approuve le principe de mise en demeure de scolariser l’enfant en cas de refus réitéré de se soumettre au contrôle obligatoire. En effet, aujourd’hui, les services de l’État sont dépourvus de solution immédiate.
Quant aux lieux du contrôle, certains parents s’appuient sur l’ambiguïté de la loi pour opposer un refus aux inspecteurs de l’éducation nationale. S’il est nécessaire de préciser que ce sont bien les services de l’État qui déterminent les modalités du contrôle, il est important de réaffirmer le principe du contrôle sur le lieu de l’instruction, car il permet à l’inspecteur d’apprécier l’environnement, ainsi que les méthodes et les ressources utilisées et donc de mieux appréhender les dérives potentielles.
Comme je l’avais déjà indiqué lors du débat sur la loi Égalité et citoyenneté, outre les aspects juridiques, se pose la question fondamentale des contrôles.
Il est encore aujourd’hui regrettable qu’une part significative des enfants instruits à domicile ne fasse l’objet d’aucun contrôle. Environ un quart des élèves n’a pas fait l’objet d’un premier contrôle.
Il y a plus grave, monsieur le ministre, mais les derniers chiffres dont je dispose sont ceux de 2014-2015. À ces dates, 40 % des premiers contrôles d’instruction en famille considérés comme insatisfaisants n’avaient donné lieu à aucun second contrôle, alors que la loi l’impose. L’État doit allouer des moyens nécessaires à l’exécution de la loi, pour éviter toute dérive.
Je connais votre engagement et votre détermination. Disposez-vous de chiffres plus récents nous permettant de mesurer les évolutions des contrôles de l’instruction en famille ?
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, sur l’article.
Mme Françoise Laborde. L’instruction à domicile est un phénomène en plein essor. Elle concernait 18 800 enfants en 2011, pour atteindre près de 25 500 enfants en 2017. Cette expansion a malheureusement mis en lumière les failles de l’identification et du contrôle de l’instruction à domicile, qui peuvent également être détournés par des mouvements prônant des valeurs contraires à celles de la République. Or un certain nombre d’élèves échappent encore au suivi de l’État ou des services sociaux. Retirés de l’école, sans être déclarés comme étant instruits à domicile, absents des registres ou mal instruits, ces enfants peuvent parfois être dans des situations à risque.
Aujourd’hui, l’identification, le contrôle, le suivi et la connaissance des enfants identifiés comme étant instruits à domicile sont clairement insuffisants. C’est pourquoi, en s’inspirant d’une proposition de la mission flash de l’Assemblée nationale du 18 juillet 2018 concernant la déscolarisation, ma collègue Nathalie Delattre a déposé un amendement visant à améliorer le suivi et l’identification au niveau national des enfants non scolarisés en leur attribuant à tous un numéro d’identification national élève, l’INE, dès l’âge de la scolarité obligatoire, soit 3 ans. Jugé irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution, cet amendement aurait pourtant permis d’élargir l’attribution d’un numéro d’identification national élève à tous les enfants, en incluant ceux qui sont scolarisés à domicile.
Il convient de mettre en place un traitement des données à caractère personnel couvrant l’ensemble de la population en âge scolaire pour contrôler le respect de cette obligation d’instruction. Pour cela, monsieur le ministre, vous avez déclaré devant le Parlement qu’« il suffisait de modifier la portée d’outils informatiques déjà existants par voie réglementaire ». C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité vous demander si, avec le Gouvernement, vous entendez bien agir sur cette mise en place. La solution est simple, il suffit juste d’en avoir la volonté et si possible rapidement.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, sur l’article.
M. Alain Marc. Nous, sénateurs, nous rencontrons souvent les maires, qui nous interrogent sur ce que sont leurs obligations. Il apparaît qu’ils doivent fréquemment aller vérifier eux-mêmes l’environnement familial dans lequel se déroule l’instruction. Ils sont en proie au doute : doivent-ils y aller, comment peuvent-ils s’y rendre et dans quelles conditions ? Leur faut-il faire un rapport ? J’ai été saisi, il y a peu de temps, par trois ou quatre maires sur ce sujet. Je voudrais savoir les moyens que l’éducation nationale va leur allouer pour bien vérifier que cette instruction a lieu.
Par ailleurs, je suis assez étonné du niveau d’orthographe pratiqué dans les mails que je reçois parfois de certains parents. Certes, je le sais, monsieur le ministre, depuis quelques années, l’éducation à l’orthographe a quelque peu failli. J’aimerais vraiment que l’éducation nationale consacre les moyens pour vérifier que l’instruction est correctement réalisée dans les familles qui prétendent éduquer leurs enfants chez elles.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, sur l’article.
Mme Sylvie Goy-Chavent. J’aimerais compléter, si besoin était, l’intervention de ma collègue Françoise Gatel, en précisant que j’ai été rapporteur d’une commission d’enquête au Sénat sur l’évolution de la menace terroriste en France et en Europe. Dans ce cadre, nous avons auditionné de nombreuses personnalités, parmi lesquelles certains de vos collègues ministres et des représentants de l’éducation nationale.
Sur la question du contrôle des nombreux enfants déscolarisés dans certains quartiers, le problème était non pas le contrôle en lui-même, mais les capacités des contrôleurs à se rendre sur place. On nous a répondu textuellement qu’ils ne contrôlent pas et ne se rendent pas dans les familles non pas parce qu’ils ne sont pas assez nombreux, mais parce qu’ils ont peur. Je voulais profiter de cet instant pour vous le redire, monsieur le ministre, et vous demander qu’ils soient plus nombreux – peut-être mieux formés – et qu’on ne renonce pas à ces contrôles.
En effet, les chiffres sont impressionnants. Certains enfants ne sont répertoriés nulle part. L’éducation nationale donne le moyen de savoir où ils sont et ce qu’ils font. Comme on le dit très souvent, l’éducation permet d’éviter certains écueils. Comme vous, je tiens à ce que l’éducation nationale, au-delà de sa fonction d’ascenseur social, protège nos enfants de certaines dérives.
Ces contrôles sont très importants. Or, bien souvent, les familles ne sont pas contrôlées. On dit qu’il faut un contrôle par an, voire deux. Il serait utile de procéder au moins à un. J’insiste pour que ces contrôles aient réellement lieu.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 432 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty et Gold, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Les deux premiers alinéas sont supprimés ;
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Cet amendement d’appel vise à alerter sur le fait que les contrôles des maires sont peu souvent mis en place et pourraient être menés de manière plus systématique par le préfet.
Actuellement, le maire a la responsabilité de mener le contrôle visant à vérifier les conditions de vie des enfants et à établir les raisons ayant motivé ce choix d’instruction. Le contrôle de la mairie doit aussi déterminer s’il est bien donné aux enfants une instruction compatible avec leur état de santé. Or un certain nombre de maires, par manque d’information ou de moyens, ne conduisent pas ces contrôles, parfois délicats à mener, notamment en raison du sentiment d’intrusion qu’ils peuvent générer dans les familles.
Malgré la diffusion de la circulaire n° 2017-056 du 14 avril 2017 relative au contrôle de l’obligation scolaire et du guide interministériel du 27 novembre 2017 sur le rôle des acteurs locaux dans le cadre de l’instruction dans la famille, l’obligation pour les maires d’assurer ce contrôle reste mal connue des élus locaux et soulève l’incompréhension des administrés.
M. le président. L’amendement n° 246 rectifié, présenté par MM. Leleux, Magras et Schmitz, Mme Berthet, M. Meurant, Mmes Gruny et Duranton, M. Chaize, Mmes Deromedi et L. Darcos, M. Savin, Mme Imbert, MM. Sido, Saury, Laménie et H. Leroy, Mme Lamure et MM. Pointereau, Longuet et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…. La seconde phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et aux personnes responsables de l’enfant » ;
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Je défends l’amendement de mon collègue Jean-Pierre Leleux.
Les familles n’ont aujourd’hui généralement pas accès au rapport de l’enquête de la mairie. Or toute personne a un droit d’accès aux documents administratifs la concernant. Nous demandons donc que ce document soit systématiquement envoyé aux familles, comme c’est le cas pour les résultats du contrôle pédagogique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. L’amendement n° 432 rectifié vise à supprimer le contrôle à caractère social effectué par le maire. Je ne conteste pas le constat effectué par les auteurs de l’amendement. En effet, ces contrôles sont difficilement mis en œuvre, en particulier dans les villes. Pour autant, les supprimer purement et simplement me semble d’autant moins la solution que le maire constitue un acteur neutre pour des familles en conflit avec l’éducation nationale. Je suggère le retrait de l’amendement. Sinon, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 246 rectifié vise la communication aux familles du rapport social établi par le maire, par symétrie avec le rapport sur le contrôle pédagogique. J’émets un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous abordons de nouveau un sujet très important. Après avoir écouté très attentivement chacune des interventions, je pense que, une fois encore, nous visons tous le même objectif.
Je rappelle que le Gouvernement a soutenu la proposition de loi Gatel, il y a près d’un an – je donnerai un certain nombre d’éléments sur sa mise en œuvre. L’adoption de ce texte a clairement représenté un progrès juridique très important, notamment pour empêcher les ouvertures d’écoles non conformes. Reste que le travail à accomplir pour obtenir une fermeture est extrêmement lourd et difficile. Nous le faisons au prix d’un gros investissement. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin, tout en restant dans le cadre constitutionnel qui convient, de nous doter d’instruments juridiques plus forts.
Ce qui est certain – je donnerai les chiffres tout à l’heure –, c’est que nous devons poursuivre la tendance amorcée. Elle passe par le déploiement des moyens humains adéquats. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à chaque recteur et rectrice d’avoir une équipe à ses côtés pour travailler sur ces questions et accentuer les contrôles, en particulier avec des inspecteurs de l’éducation nationale dédiés.
Il est en outre important de disposer d’une capacité numérique convenable pour gérer l’ensemble des enfants, de façon à éviter la dérive trop souvent constatée et rappelée par certains d’entre vous : certains enfants, qui sont en dehors de tous les radars, commencent les premières années de leur vie dans des conditions tout à fait inacceptables pour la République, puisqu’ils sont en quelque sorte préparés à des dérives graves pour eux, voire pour la société.
Dans ce contexte, mes avis sur ces deux amendements rejoignent ceux de M. le rapporteur.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 432 rectifié. Je ne pense pas qu’il faille supprimer l’enquête du maire sur l’instruction dans la famille, même si l’éducation nationale dispose désormais de moyens humains renforcés.
Pour les raisons rappelées par M. le rapporteur, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 246 rectifié visant à permettre aux personnes responsables de l’enfant de se voir communiquer le résultat de l’enquête du maire sur l’instruction dans la famille.
Pour répondre à la question de Mme Laborde s’agissant de notre capacité numérique, ce qu’on appelle le DNE, cet identifiant numérique, sera prêt pour la rentrée prochaine. Cela signifie que, à partir de septembre 2019, nous disposerons de cet outil informatique. Ce sera un grand progrès pour l’action que nous menons.
M. le président. Monsieur Roux, l’amendement n° 432 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Roux. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 432 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote sur l’amendement n° 246 rectifié.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je m’exprime, une fois n’est pas coutume, en tant que maire – je parle rarement de mes fonctions – pour dire que l’amendement du groupe du RDSE était intéressant. En effet, il y a un mélange des genres : soit on va au domicile pour vérifier comment l’enfant apprend et quelles compétences il acquiert, soit on fait un rapport social.
La vraie difficulté pour les maires, c’est d’envoyer un travailleur social faire une enquête et vérifier l’enseignement donné à domicile. Pour ma part, en tant que maire, j’ai toujours refusé de la faire, parce que j’estimais que le travail social devait être effectué toute l’année par les services sociaux, alors que cette vérification de l’enseignement est de la responsabilité de l’éducation nationale : il ne faut pas mélanger les genres !
Il faut selon moi faire attention à ne pas mélanger rapports sociaux et rapports sur l’éducation. En procédant ainsi, on mettrait en porte-à-faux les travailleurs sociaux des collectivités, qui ne sont pas toujours bien reçus quand la visite porte sur l’enseignement.
Quant à la communication des rapports sociaux, il faut savoir ce que l’on met dedans. Effectuer ces vérifications dans les familles n’est pas si simple ; je ne doute pas que l’éducation nationale fasse, elle aussi, très attention à ce qui s’écrit dans ces rapports. Je ne sais pas si elle communique aux familles ceux qu’elle produit ; je n’en suis pas certaine. Dès lors qu’on voudra communiquer un rapport social à une famille, il n’y aura plus rien dedans !
Je m’abstiendrai donc sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Leleux, Magras et Schmitz, Mme Berthet, M. Meurant, Mmes Gruny et Duranton, M. Chaize, Mme Deromedi, M. Houpert, Mme L. Darcos, M. Savin, Mme Imbert, MM. Sido, Saury, Laménie et H. Leroy, Mme Lamure, M. Longuet et Mme Boulay-Espéronnier, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ainsi qu’à son vécu scolaire
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Nous souhaitons, sur l’initiative de mon collègue Leleux, compléter l’alinéa 4 de cet article. La rédaction actuelle précise que le contrôle est adapté aux besoins de l’enfant quand celui-ci présente un handicap ou un trouble de santé invalidant ; nous voudrions ajouter que le contrôle doit aussi être adapté à son vécu scolaire.
De nombreux enfants instruits en famille ont vécu une souffrance scolaire et, parfois, un retard dû aux troubles d’apprentissage ou à une anxiété scolaire, voire à un harcèlement. Il est indispensable que le contrôle tienne compte de cette anxiété ou du retard accumulé en établissement avant le début de l’instruction dans la famille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je comprends l’intention de Jean-Pierre Leleux : dans certains cas, il est vrai que l’instruction en famille est une réponse à des situations difficiles. Toutefois, l’expression « vécu scolaire » me semble trop floue pour être inscrite dans la loi. Je suggère donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 247 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Je m’attendais à un tel avis. Peut-être aurions-nous dû choisir des termes plus précis, tels que « harcèlement scolaire », ce qui aurait peut-être permis de les faire figurer dans la loi. L’Assemblée nationale fera peut-être ce choix, monsieur le ministre. Je retire donc l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 247 rectifié est retiré.
L’amendement n° 248 rectifié, présenté par MM. Leleux, Magras et Schmitz, Mme Berthet, M. Meurant, Mmes Gruny et Duranton, M. Chaize, Mme Deromedi, M. Houpert, Mme L. Darcos, M. Savin, Mme Imbert, MM. Sido, Saury, Laménie et H. Leroy, Mme Lamure et MM. Longuet et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Supprimer les mots :
selon des modalités qu’elle détermine
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le projet de loi nous paraît ambigu quant aux modalités de contrôle prévues à l’article 5. Elles seraient déterminées unilatéralement par l’inspecteur le jour du contrôle, selon la première phrase de l’alinéa 5, mais aussi déterminées par décret, selon la troisième phrase.
Pour éviter des contrôles hétérogènes en fonction des inspecteurs, et donc des litiges dus au non-respect par l’inspecteur du décret d’application, il est souhaitable que les modalités de contrôle soient uniquement définies par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Nous ne serons pas tout à fait d’accord sur ce sujet, ma chère collègue. En effet, cet amendement tend à supprimer l’une des dispositions essentielles de cet article, qui vise à mettre fin aux contentieux et aux refus de contrôle liés au lieu dans lequel il s’effectue, en affirmant clairement qu’il revient à l’État de déterminer le lieu, la date et le contenu du contrôle de l’enseignement, ce qui me semble de bonne administration.
Une telle suppression reviendrait à réduire fortement l’efficience du dispositif de contrôle et – je tiens à ajouter ce point, au vu des propos qui ont pu être tenus – l’importance de ces contrôles. C’est d’ailleurs une bonne raison pour adopter ce texte et, notamment, l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer cet amendement ; sinon, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 248 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 248 rectifié est retiré.
L’amendement n° 129, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette information préalable ne peut pas porter sur le contenu pédagogique propre de l’évaluation.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Afin d’accélérer nos débats, je présenterai en même temps l’amendement n° 130, monsieur le président, puisque leurs objets sont identiques : il s’agit d’assurer un contrôle efficace dans les familles et d’éviter de leur révéler les matières sur lesquelles elles seront contrôlées.
M. le rapporteur sait très bien que, quand un inspecteur entre dans une classe, le résultat n’est pas tout à fait le même suivant que la classe a été prévenue ou non.
Quant à vos déclarations relatives à la loi Gatel, monsieur le ministre, j’entends bien que vous considérez qu’il vous manque un certain nombre d’instruments légaux qui vous permettraient d’intervenir. Je rappellerai à Mme Gatel que nous avions proposé ces instruments ; c’est vous qui les aviez alors refusés. Je suis très heureux que vous reveniez aujourd’hui vers nos positions.
M. le président. L’amendement n° 130, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10, première phrase
Après les mots :
met en demeure
insérer les mots :
dans un délai de deux mois
II. – Alinéa 11, première phrase
Après les mots :
elles sont informées
insérer le mot :
immédiatement
Cet amendement a été précédemment défendu par son auteur.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Concernant l’amendement n° 129, la précision que vous souhaitez apporter, monsieur Ouzoulias, n’a pas lieu d’être, puisque le contenu des exercices ne sera pas communiqué aux familles avant le contrôle.
L’amendement n° 130 vise, quant à lui, à fixer un délai de deux mois après la communication des résultats du second contrôle pour mettre en demeure la famille de scolariser son enfant. Un tel délai ne m’apparaît pas pertinent, car il me semble beaucoup trop long. Si le second contrôle est insuffisant, la mise en demeure doit, selon moi, être prise dans les délais les plus brefs.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 102 rectifié ter, présenté par MM. Retailleau, Babary et Bascher, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, MM. Bizet, Bonne et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco et Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert, Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Joyandet et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut et Leleux, Mme Malet, M. Mayet, Mme M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Pellevat, Pemezec, Piednoir, Pierre et Priou, Mmes Procaccia et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Revet, Mme Richer, MM. Saury, Savary, Schmitz et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 10 et 11, premières phrases
Supprimer les mots :
sous contrat
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Je présente cet amendement au nom du président de notre groupe, M. Bruno Retailleau.
Un amendement adopté en commission au Sénat a exclu les établissements privés hors contrat du champ des établissements dans lesquels la famille peut scolariser son enfant dans le cadre d’une mise en demeure de l’inscrire dans un établissement d’enseignement scolaire. Or nous considérons qu’une telle distinction n’est pas justifiée et est de nature à créer une rupture d’égalité, dès lors que l’établissement d’enseignement privé hors contrat est légalement ouvert et qu’il est contrôlé par l’État. Cela reviendrait également à considérer que, par principe, les établissements d’enseignement hors contrat ne dispensent pas un enseignement conforme à l’objet de l’instruction obligatoire telle qu’elle est définie à l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation.
De ce fait, cette disposition porte atteinte au droit de choisir l’instruction de son enfant, qui est une composante de la liberté de l’enseignement. Le présent amendement vise donc à la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Nous avons largement eu ce débat en commission ; je pense que M. Lafon nous proposera de l’avoir de nouveau.
Je dirai les choses très simplement : si, après deux contrôles, il est indiqué qu’un enfant qui reçoit son instruction en famille doit rejoindre une école, il peut être inscrit dans une école hors contrat, dès lors que cette dernière respecte l’obligation d’instruction. Si cette école ne respecte pas l’obligation d’instruction, elle doit être fermée. Soyons cohérents !
Même si je comprends les très bonnes intentions des auteurs de l’amendement adopté en commission et, en particulier, de Laurent Lafon, même si je comprends parfaitement la nécessité de protéger ces enfants – c’est dans cet esprit que M. Lafon va s’exprimer –, il n’en reste pas moins que nous devons être cohérents avec le principe constitutionnel de liberté de choix des parents. Si cette école est ouverte et déclarée, elle répond à l’obligation d’instruction.
Voilà pourquoi, monsieur Mouiller, j’émets au nom de la commission, un avis favorable sur le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je comprends bien l’inspiration de cet amendement, ainsi que les arguments de M. le rapporteur. À l’évidence, nous voulons que les établissements hors contrat soient tous conformes aux obligations qu’implique le fait d’enseigner dans la République française. Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Nous avons effectivement déjà eu ce débat en commission, et le rapporteur s’est fait à l’instant l’écho de certains de mes arguments.
Je défends une mesure de protection de l’enfant. Il est question d’une procédure qui fait suite à deux contrôles dans la famille : les deux inspections ont constaté que les conditions ne sont pas satisfaisantes et que l’enfant, d’une certaine manière, est en danger. Si l’on demande que, sous quinze jours, et non pas six mois – il n’est pas question d’attendre la prochaine rentrée scolaire –, l’enfant soit scolarisé, c’est bien qu’il y a urgence ! Le risque est grand et réel.
J’ai bien entendu les arguments du rapporteur, mais j’ai aussi relevé la remarque qu’a faite le ministre, ainsi que l’intervention de Françoise Gatel : le système de contrôle des établissements privés hors contrat n’est pas parfait. Il y a des trous dans le filet, et un temps de réaction est nécessaire avant que l’on puisse fermer un établissement. Il faut intégrer cela à notre réflexion.
Si des parents se voient imposer, à l’issue de cette procédure, la scolarisation de leur enfant sous quinze jours, je doute fort qu’ils aillent l’inscrire à l’école publique ou dans une école privée sous contrat à proximité de chez eux. C’est pourquoi, par prudence et parce que l’intérêt de l’enfant est en jeu, je demande que les écoles privées hors contrat soient retirées de ce dispositif.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. Je voterai en faveur de cet amendement. En effet, il tend à respecter l’instruction de l’enfant et, surtout, le droit de choisir de ses parents. Il tend également à apporter des garanties aux parents qui craignent une remise en cause de leur liberté d’instruction. Enfin, comme le rapporteur l’a très bien dit, si les établissements sont ouverts et qu’ils fonctionnent, ils doivent être inclus dans le dispositif, et l’amendement adopté en commission n’a pas de sens.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Je suis cosignataire de cet amendement. En effet, dans le prolongement de la loi adoptée sur l’initiative de notre collègue Françoise Gatel, si les écoles privées hors contrat sont contrôlées et restent ouvertes, c’est qu’elles appartiennent complètement au système scolaire.
Les enfants scolarisés chez eux, comme je l’ai dit en défense d’un amendement que j’ai signé avec M. Leleux, ont souvent subi une rupture scolaire à la suite d’un traumatisme. Des établissements hors contrat tels que les écoles Espérance banlieues ou Montessori sont peut-être plus à même de leur offrir une transition vers des écoles publiques où les élèves sont plus nombreux et où les spécificités de ces enfants risquent en conséquence d’être moins bien prises en compte.
Je voterai donc, bien évidemment, en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Les contrôles peuvent être ressentis comme une intrusion ou une agression par certaines familles qui pratiquent pourtant l’instruction à domicile pour des motifs tout à fait valables, de manière très républicaine, et auxquelles on n’a rien à reprocher. Ces parents eux-mêmes se montrent parfois quelque peu agressifs à l’égard des inspecteurs, qui peuvent être assez mal à l’aise dans l’exercice de leurs fonctions. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez mis en place, à l’exemple de ce qui s’est fait dans l’académie de Versailles, un accompagnement et une formation à destination de ces inspecteurs. Ces contrôles doivent être faits de manière neutre et relativement sereine.
J’entends l’argument juridique des défenseurs de cet amendement, mais je voterai contre. On constate dans notre pays que certaines écoles privées hors contrat semblent être plutôt déviantes.
Il est ici question de situations où l’instruction en famille a fait l’objet de deux contrôles négatifs. Cette instruction était donc en irrégularité par rapport aux principes républicains. J’estime que laisser ces parents poursuivre l’exercice de leur liberté les conduira à se tourner vers une école hors contrat qui n’offre, aujourd’hui, pas de garanties.
Quand quelqu’un commet une infraction, on le sanctionne. Eh bien, je considère que des parents qui ont été largement contrôlés peuvent être sanctionnés : on peut les contraindre à scolariser leurs enfants dans une école publique. Ce n’est pas une infraction à la liberté d’enseignement : c’est obliger quelqu’un à réparer une faute qu’il a commise.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.
Mme Josiane Costes. Je partage les propos de Mme Gatel : lorsque le contrôle a révélé des défaillances dans les familles, les inciter à mettre leurs enfants dans des écoles hors contrat serait prendre un risque, car ces écoles ne sont pas, jusqu’à présent, très bien contrôlées. Les enfants risquent de se retrouver dans des écoles où l’enseignement est quelque peu déviant.
Selon moi, la solution est tout simplement de demander à ces familles de mettre leurs enfants dans l’enseignement public, qui doit accueillir tous les élèves.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.
Mme Maryvonne Blondin. Mon groupe rejoint les arguments qui ont été exprimés par les dernières oratrices. Certes, la liberté de choix existe, mais la protection de l’enfant est importante. Je suis persuadée que le contrôle des établissements hors contrat est imparfait : il nous faut véritablement privilégier l’intérêt de l’enfant et faire en sorte qu’il soit scolarisé dans des établissements publics ou privés sous contrat.
M. Rachid Temal. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Je m’inscris dans la lignée des dernières interventions. Cet amendement concerne des familles qui sont déjà quelque peu en rupture et qui doivent avoir quelques difficultés à suivre la règle et à observer une certaine rigueur. Leur laisser la possibilité d’inscrire leurs enfants dans des écoles hors contrat ne me paraît pas judicieux, d’autant qu’il y a parfois un temps de latence entre la constatation de dérives dans un tel établissement et sa fermeture.
Ces enfants sont déjà fragilisés par ce qu’ils ont vécu dans leurs familles ; autoriser leur inscription dans ces établissements serait les exposer à un risque supplémentaire, alors que la bonne intention derrière cette procédure est, pour ainsi dire, de les « remettre dans le droit chemin » de l’enseignement obligatoire.
Autant je n’ai aucun problème à l’égard de la liberté de choix entre public et privé sous contrat, autant je doute que ces familles fassent le choix de l’école hors contrat où envoyer leurs enfants en fonction d’éléments objectifs. Elles ont déjà eu quelques difficultés avec certaines règles.
Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Je suis persuadé que cet amendement part d’une bonne intention, du constat que des écoles hors contrat peuvent parfaitement bien fonctionner et avoir une véritable utilité et un intérêt général indéniable. Pour autant, quand on est confronté à une situation qui est inadmissible, qui pose problème, qui met en danger des enfants, je peux vous assurer qu’il est très difficile de la traiter.
Je suis moi-même maire d’une commune qui a été face à une telle situation : une école hors contrat qui était manifestement en dérive et qui posait de grosses difficultés. Je peux vous assurer que le contrôle est alors très difficile à exercer en pratique. Quand on arrive enfin à obtenir la fermeture de l’école, cela prend beaucoup de temps : dans le cas de ma commune, plusieurs années furent nécessaires. C’est l’une des raisons pour lesquelles notre groupe votera contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Je suis un peu à front renversé. À l’instar de M. le ministre précédemment, je vais essayer de convaincre le Sénat.
Les insuffisances du contrôle sont, à l’évidence, réelles ; elles ont été relevées. D’ailleurs, on peut souhaiter, monsieur le ministre, qu’il y ait davantage de contrôles ; cela est nécessaire. C’est un combat que je partage : madame Gatel, je vous en donnerai une nouvelle preuve tout à l’heure, même si je pense que vous n’avez aucun doute à ce sujet.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Max Brisson, rapporteur. Qu’il y ait nécessité de contrôler davantage, afin de s’assurer que les règles de la République s’appliquent partout, nous en convenons tous.
Cela étant, il y a des principes qui nous dépassent. Dans cette enceinte, nous devons marquer notre respect d’un certain nombre de grands principes. Si une école est ouverte, selon les règles, elle exerce pleinement l’obligation d’instruction. On ne peut pas, quand on fabrique la loi, l’oublier sous l’effet d’une situation ou d’une émotion que je peux partager. Il faut s’inscrire dans la durée ! Certains principes sont forts, notamment la liberté qu’ont les familles de choisir pour leurs enfants l’instruction qu’elles souhaitent.
L’instruction dans une école hors contrat, avez-vous dit, madame Gatel, n’offre pas toutes les garanties. Mais si tel est le cas, elle ne doit pas être ouverte !
Mme Françoise Gatel. Et si elle est ouverte quand même ?
M. Max Brisson, rapporteur. Si elle est ouverte, elle répond à l’obligation d’instruction pour cet enfant comme pour les autres.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de suivre l’avis de la commission.
M. Philippe Mouiller. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote, même si nous touchons à la fin de ce débat…
M. Pierre Ouzoulias. Je présenterai à cette occasion l’amendement n° 186, monsieur le président, ce qui devrait nous faire gagner du temps.
La discussion que nous avons à présent pourrait en effet être réglée par l’adoption de cet amendement, qui vise à soumettre à l’inspection académique le projet de chaque école privée hors contrat. Cela offrirait à M. le ministre un outil juridique beaucoup plus fort, qui empêcherait que l’instruction des enfants continue dans des écoles hors contrat bidon.
Encore une fois, chers collègues, nous nous inscrivons dans la logique de ce que nous avions proposé il y a un an : nous proposons un outil juridique beaucoup plus fort, qui permettrait d’éviter les contournements de la loi qui nous ont été exposés.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 104 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 144 |
Contre | 197 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 75 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, M. Grosdidier, Mme Eustache-Brinio, MM. Piednoir et Sol, Mmes Troendlé et de Cidrac, M. Mayet, Mmes Lanfranchi Dorgal, Noël et Lherbier, MM. Courtial et Segouin, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Mandelli et Darnaud, Mme Gruny, MM. de Nicolaÿ, J.M. Boyer et Genest, Mme Garriaud-Maylam, M. Bonhomme, Mme Imbert, MM. Meurant et Bascher, Mme Deroche, MM. Pierre, Husson et Laménie, Mme Lamure, MM. Rapin et Gremillet et Mme A.M. Bertrand, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les personnes responsables de l’enfant ont refusé deux fois, sans motif légitime, de soumettre l’enfant au contrôle annuel prévu au troisième alinéa ou au second contrôle prévu au sixième alinéa, ou lorsqu’elles n’ont pas inscrit l’enfant dans un établissement d’enseignement public ou privé dans les délais prescrits en dépit de la mise en demeure de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, cette dernière saisit l’inspecteur d’académie. Ce dernier, après avoir mis les personnes responsables de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l’absence de motif légitime ou d’excuses valables, saisit le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant en cause, calculées selon les modalités prévues à l’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale. Le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales informe l’inspecteur d’académie de la date de mise en œuvre de cette suspension. Il informe les personnes responsables de l’enfant de cette décision.
« Le versement des allocations familiales est rétabli lorsque l’inspecteur d’académie signale au directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales avoir reçu soit les résultats satisfaisants des contrôles prévus au titre des troisième ou sixième alinéas du présent article, soit le certificat d’inscription dans un établissement d’enseignement public ou privé prescrit à l’article L. 552-4 du code de la sécurité sociale. »
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – L’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 552-3. – Dans les cas mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 131-10 de l’éducation, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales suspend, sur demande de l’inspecteur d’académie, le versement de la part des allocations familiales due au titre du ou des enfants en cause, selon les modalités prévues au même article. Le rétablissement des allocations familiales s’effectue selon les modalités prévues à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l’enfant en cause sont définies par décret en Conseil d’État. »
…. – L’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension en application de l’article L. 131-10 du code de l’éducation demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. »
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement, déposé par ma collègue Christine Bonfanti-Dossat, a pour objet de suspendre le versement des allocations familiales aux familles ayant refusé deux fois, sans motif légitime, de se soumettre à un contrôle de l’instruction d’un enfant en famille.
Cette disposition contribuerait à matérialiser concrètement l’équilibre nécessaire entre droits et devoirs des citoyens. Les responsables d’un enfant peuvent bénéficier d’aides publiques à la condition qu’ils assument leurs obligations. Dès que l’obligation d’instruction est satisfaite, leur versement serait rétabli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. À la différence de l’absentéisme, la méconnaissance d’une mise en demeure d’inscrire son enfant dans un établissement scolaire est pénalement réprimée. La peine encourue est de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Elle peut être assortie de peines complémentaires, comme l’obligation d’accomplir un stage de responsabilité parentale ou l’interdiction des droits civiques, civils et de famille.
Il ne paraît dès lors pas utile de prévoir la suspension des allocations familiales. Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, comme l’aurait fait, sans nul doute, Mme Bonfanti-Dossat ; sinon, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Eustache-Brinio, l’amendement n° 75 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Mme Bonfanti-Dossat aurait effectivement suivi vos conseils, monsieur le rapporteur. C’est pourquoi je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote sur l’article.
Mme Françoise Gatel. Je voterai cet article. Toutefois, pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, je suis très dubitative quant à une disposition que la commission a admise relativement au contrôle, à savoir la possibilité donnée aux parents, quand un second contrôle est requis, de demander qu’il soit effectué par des personnes différentes de celles qui avaient été chargées du premier. Je vous avoue qu’il y a là selon moi un risque de contentieux assez élevé et que cela fragilise les autres dispositions. Quand une personne ou une entreprise fait l’objet d’un contrôle fiscal, elle ne peut pas demander à changer de contrôleur !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote sur l’article.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je veux appeler l’attention de M. le ministre sur les difficultés que rencontrent certains de ces inspecteurs à assumer leur mission de contrôle au sein des familles. Malheureusement, en partie du fait de leur emploi du temps surchargé, quantité de familles ne sont pas contrôlées, notamment en Île-de-France, et en particulier en fin d’année scolaire. Cela fait écho à l’amendement que j’avais souhaité déposer hier. À partir du 15 juin, bien des familles partent en vacances ; comme elles ne sont plus là, les contrôles ne se font pas.
Je voudrais insister sur la nécessité de ce contrôle dans l’intérêt des enfants. Ce sont des enfants de la République. Souvent, les enfants qui sont scolarisés à domicile par certaines familles ne participent à aucune activité de sport ou de loisir à l’extérieur de leur famille. Ce sont des enfants isolés. Vraiment, deux contrôles par an seraient le minimum, mais ils ne sont malheureusement pas faits.
Évidemment, je voterai en faveur de cet article, mais il y a vraiment un travail très important à faire, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Je veux répondre à Mme Gatel pour lui expliquer pourquoi la commission a travaillé dans ce sens.
Il ne s’agit pas de chiffres ; il s’agit d’enfants et de leur rapport à la scolarisation ou, plutôt, à l’instruction. Ce qui a motivé la commission est la chose suivante : il peut y avoir un blocage entre l’inspecteur et la famille. Le fait d’avoir un second regard est une pratique qui est très fréquente à l’éducation nationale ; je peux en témoigner. En général, quand il y a blocage, on fait appel à une seconde personne, et un dialogue s’instaure ensuite entre les deux inspecteurs. Ce dialogue est nécessaire et permet de régler la situation.
C’était donc, selon moi, une proposition de sagesse que de permettre ce dialogue entre deux inspecteurs afin que l’institution parvienne à une conclusion, car c’est bien l’institution qui décide.
M. le président. Je voudrais appeler chacun à la concision : nous n’avons examiné que vingt amendements en une heure et trente-cinq minutes. Il faudrait accélérer…
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je serai très rapide, monsieur le président : je suis d’accord avec Mme Gatel, je le dirai dans la suite du processus législatif.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 5 bis A
L’article L. 131-5 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait, pour les parents d’un enfant ou pour toute personne exerçant à son égard l’autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, d’inscrire cet enfant dans un établissement d’enseignement privé qui a ouvert malgré l’opposition prévue au chapitre Ier du titre IV du livre IV de la deuxième partie du présent code ou sans remplir les conditions prescrites au même chapitre Ier, alors qu’ils ont déclaré qu’ils feront donner à cet enfant l’instruction dans la famille, est passible des peines prévues au premier alinéa de l’article 441-7 du code pénal. » ;
2° (nouveau) Au cinquième alinéa, après la référence : « L. 212-7 », sont insérés les mots : « du code de l’éducation ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 bis A
M. le président. L’amendement n° 186, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au a du 1° du I de l’article L. 441-2 du code de l’éducation, les mots : « conformément à l’article L. 122-1-1 dans le respect de la liberté » sont remplacés par les mots : « , le projet ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Cohen. Mais pourquoi ?
M. le président. Il faut aller vite, monsieur le rapporteur, mais peut-être quelques arguments seraient-ils les bienvenus…
M. Max Brisson, rapporteur. Je voulais répondre à votre appel, monsieur le président. (Sourires.)
Cet amendement tend à revenir sur des débats que nous avons eus ici à l’occasion de la loi Gatel : il vise à supprimer la mention du respect de la liberté pédagogique des établissements privés et exige un projet pédagogique. Le Sénat s’était prononcé clairement contre cela afin d’éviter un contrôle d’ordre purement pédagogique, ce qui serait contraire à la liberté de l’enseignement.
Nous ne sommes pas naïfs pour autant. C’est pourquoi je vous inviterai à adopter des amendements présentés par Françoise Gatel et par le Gouvernement qui apportent des retouches au dispositif de la loi Gatel afin de le rendre plus opérationnel.
Voilà pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Notre débat a mis en évidence le fait que le dispositif Gatel ne permettait pas d’empêcher la création de structures plus ou moins factices pour contourner la loi. Cet amendement vise à mettre en place un système efficace qui évite la création de ces classes que je qualifierais de fantômes, en imposant un contrôle de l’État sur le projet pédagogique.
Monsieur le rapporteur, vous défendiez hier avec véhémence la laïcité et les valeurs de la République. Si vous voulez être cohérent, il faut nous doter d’instruments qui permettront de contrôler le projet pédagogique de ces établissements.
M. le président. L’amendement n° 219 rectifié, présenté par Mme Gatel, MM. Lafon, Delcros et Bonnecarrère, Mme Guidez, MM. Henno et Longeot, Mme Loisier, MM. L. Hervé et Détraigne, Mmes N. Goulet, Vullien et Doineau, M. Canevet, Mmes Billon et Férat, M. Moga, Mme Goy-Chavent, M. D. Dubois, Mme de la Provôté, M. Capo-Canellas, Mmes Létard et C. Fournier, MM. Kern, Janssens et Mizzon et Mmes Vermeillet et Saint-Pé, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le c du 2° du I de l’article L. 441-2 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Les mots : « Le cas échéant, » sont remplacés par le mot : « Soit » ;
2° Sont ajoutés les mots : « , soit celle prévue à l’article L. 111-8-3 du même code ».
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Cet amendement vise à adapter la loi sur les écoles privées hors contrat pour la rendre plus efficace.
Cette loi prévoit que tout porteur d’un projet d’établissement scolaire doit demander une autorisation de recevoir du public avant de déposer sa déclaration d’ouverture d’un établissement scolaire. Toutefois – c’est une subtilité juridique –, l’article L. 441-2 du code de l’éducation ne vise que l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation, c’est-à-dire l’autorisation préalable à l’« exécution de travaux » sur un bâtiment destiné à recevoir du public. Dès lors, il y a lieu d’ajouter la référence à la demande d’autorisation à recevoir du public prévue à l’article L. 111-8-3 du même code.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Cet amendement apporte une utile correction à la loi du 13 avril 2018 qui porte votre nom, ma chère collègue. L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5 bis A.
L’amendement n° 220 rectifié, présenté par Mme Gatel, MM. Lafon, Delcros et Bonnecarrère, Mme Guidez, MM. Henno et Longeot, Mme Loisier, MM. L. Hervé et Détraigne, Mmes N. Goulet, Vullien et Doineau, M. Canevet, Mmes Billon et Férat, M. Moga, Mme Goy-Chavent, M. D. Dubois, Mme de la Provôté, M. Capo-Canellas, Mmes Létard et C. Fournier, MM. Kern, Janssens et Mizzon et Mmes Vermeillet et Saint-Pé, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 441-3 du code de l’éducation est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation est informée lorsque l’établissement entend modifier :
« 1° Son projet, notamment son caractère scolaire ou technique ;
« 2° L’objet de son enseignement ;
« 3° Les diplômes ou les emplois auxquels il souhaite préparer des élèves ;
« 4° Les horaires et disciplines s’il souhaite préparer des élèves à des diplômes de l’enseignement technique.
« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation peut s’opposer à ces modifications dans un délai d’un mois pour les motifs mentionnés aux 1° et 4° du II de l’article L. 441-1. »
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Dans le même esprit, cet amendement a pour objet de permettre de suivre les évolutions substantielles des écoles privées hors contrat, une fois les formalités d’ouverture accomplies.
En complément des obligations existantes, l’établissement déjà ouvert devra déclarer certains changements relatifs à son projet, notamment son caractère scolaire – enseignement général ou technique, du type technologique ou professionnel –, à l’objet de son enseignement, à savoir les enseignements dispensés et les niveaux de classe et filières de formation assurés, et, enfin, à l’étendue de ses propositions aux élèves et aux familles – il s’agit notamment de savoir s’il répond à l’obligation d’instruction, à l’obligation de formation ou aux deux. C’est la raison pour laquelle l’établissement sera tenu de déclarer qu’il entend préparer ses élèves à des diplômes ou emplois différents de ceux dont il avait, le cas échéant, déjà fait part à l’administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. L’adoption de cet amendement permettra d’éviter certains contournements. L’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je ne comprends pas. Lorsque je propose un amendement visant à instaurer un contrôle de l’État a priori sur le projet, il est refusé, alors que cet amendement, qui prévoit que ce type d’établissement devra déclarer les modifications substantielles de ce même projet, reçoit des avis favorables.
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas pareil !
M. Pierre Ouzoulias. Je ne crois pas du tout à l’efficacité de cette mesure. Il vaudrait mieux mettre en place un contrôle préalable.
Je crois que nous aurions pu travailler ensemble pour proposer un dispositif adapté. Ce qui est prévu dans cet amendement sera, à mon sens, aussi inefficace que le dispositif actuel.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5 bis A.
L’amendement n° 408, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 442-2 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « Les établissements mentionnés au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « II. – Les établissements mentionnés au I » et les mots : « et les titres des personnes exerçant des fonctions d’enseignement » sont remplacés par les mots : « des personnes exerçant des fonctions d’enseignement ainsi que les pièces attestant de leur identité, de leur âge, de leur nationalité et de leurs titres » ;
3° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« III. – Lorsque l’une des autorités de l’État mentionnées au I constate que les conditions de fonctionnement de l’établissement présentent un risque pour l’ordre public, elle met en demeure le directeur de l’établissement de remédier à la situation dans un délai qu’elle fixe en l’informant des sanctions dont il serait l’objet en cas contraire.
« En cas de refus de la part du directeur de l’établissement de remédier à la situation, l’autorité mentionnée au premier alinéa du présent III avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale, puis l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure qui leur est faite. »
II. – L’article 227-17-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même lorsque le directeur d’établissement privé accueillant des classes hors contrat n’a pas respecté la mise en demeure mentionnée au III de l’article L. 442-2 du code de l’éducation. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Cet amendement vise, en cas d’atteintes persistantes à l’ordre public dans un établissement hors contrat, à créer un délit et une injonction de rescolarisation et à faciliter le contrôle du régime des incapacités pénales pour exercer dans ces établissements.
Comme nous l’avons évoqué lors de l’examen des amendements précédents, la loi du 13 avril 2018 a trouvé un point d’équilibre entre la liberté de l’enseignement et les garanties que l’État doit aux enfants pour qu’ils bénéficient de manière effective du droit à l’éducation. Cet équilibre est efficace, il doit être conservé ; l’amendement que je vous présente le maintient.
Sur le plan formel, il est apparu que la mention des seuls titres des professeurs, dont la liste est transmise chaque année au recteur, n’était pas toujours bien comprise par les déclarants au sein des établissements. Cette mention n’a pas constitué un obstacle à la mise en œuvre de la loi, mais il est apparu plus simple et plus clair d’ajouter à la mention des titres celles de l’identité, de l’âge et de la nationalité.
Sur le fond, cet amendement conforte et prolonge la garantie déjà offerte aux enfants quant au respect de l’ordre public dans les établissements hors contrat.
Le premier alinéa de l’article L. 442-2 prévoit déjà un contrôle de l’État sur le respect de l’ordre public dans les établissements d’enseignement privés qui ne sont pas liés à l’État par contrat. Cet amendement prévoit de compléter ce dispositif par des sanctions, prises sous le contrôle du juge, et par la possibilité de soustraire les enfants au manquement à l’ordre public, après mise en demeure, au moyen de l’injonction de rescolarisation, dans la même logique que celle déjà en vigueur lorsqu’il y a persistance à ne pas respecter le droit à l’éducation des enfants.
Pour ces raisons, je vous invite à voter cet amendement, qui ne crée pas un nouveau contrôle ni ne remet en cause la liberté pédagogique. Il permet simplement de tirer toutes les conséquences des contrôles existants.
C’est l’occasion pour moi de répondre aux demandes de Mmes les sénatrices Gatel et Laborde sur le bilan de l’application de la loi du 13 avril 2018.
Depuis la dernière rentrée, cent cinquante-trois établissements ont été créés en France – c’est la première fois que je donne ces chiffres. Les oppositions à une ouverture ont été au nombre de trente ; c’était huit les années précédentes.
L’ensemble de ces cent cinquante-trois nouveaux établissements aura été inspecté avant la fin de l’année scolaire, comme le prévoit la loi. Si des problèmes apparaissent, nous en tirerons toutes les conséquences.
S’agissant de ces nouveaux établissements, trois d’entre eux se trouvaient en situation d’illégalité, notamment pour des atteintes portées à l’ordre public ou du point de vue de la protection de l’enfance et de la jeunesse. Ces trois établissements ont fait l’objet d’une procédure en vue de leur fermeture. À ce jour, je n’ai pas connaissance d’autres cas qui auraient été détectés par les inspecteurs de l’éducation nationale, mais leur mission se poursuit au quotidien. Tout un chacun peut d’ailleurs signaler à l’éducation nationale une situation qui lui paraîtrait anormale.
À l’occasion de cette intervention, je tiens à rendre hommage à l’excellence du travail qui a été réalisé à ce sujet et à préciser que cet effort a été nettement accentué par rapport aux périodes précédentes.
Comme cela a été demandé par plusieurs intervenants, j’estime que nous devons mettre en place des ressources humaines adaptées, tant quantitativement que qualitativement, pour accomplir cette mission. Nous avons engagé ce processus, et nous l’accentuerons afin d’être à la hauteur des enjeux de cette loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. M. le ministre a parfaitement rappelé le contexte et décrit le sens de cet amendement, qui permet de compléter utilement la loi Gatel. La commission y est favorable.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je souhaite profiter de ce moment pour saluer l’engagement du ministre et de ses équipes sur la question des contrôles – ils permettent de protéger nos enfants. Chacun d’entre nous y est très sensible, car il s’agit de faire respecter la laïcité, qui est la force de notre République.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour ce travail.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5 bis A.
Article 5 bis B
(Supprimé)
Article 5 bis C (nouveau)
Au troisième alinéa de l’article L. 131-6 du code de l’éducation, après les mots : « prestations familiales », sont insérés les mots : «, les services fiscaux ».
M. le président. L’amendement n° 291 rectifié, présenté par Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. L’article 5 bis C, qui a été introduit lors de l’examen du texte en commission au Sénat, élargit la liste des documents qu’un maire pourra se faire transmettre et conserver afin de recenser les enfants scolarisés dans sa commune et d’améliorer le suivi de l’obligation d’assiduité scolaire.
Actuellement, l’article L. 131-6 du code de l’éducation prévoit que le maire peut mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, où sont enregistrées les données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune, qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales, ainsi que par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation et par le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement. À ces documents transmis par les caisses d’allocations familiales, notre commission a décidé d’ajouter des données transmises par les services fiscaux.
Autant la politique éducative est liée à celle des prestations familiales, autant on ne voit pas bien en quoi la transmission par les services fiscaux des déclarations d’impôt des familles participerait de la scolarité obligatoire et en quoi ces données présenteraient un quelconque rapport ou intérêt avec l’obligation d’instruction. Bien au contraire, il me semble néfaste que les maires aient communication de la situation fiscale de leurs administrés qui ont des enfants en âge scolaire. Il y va de la protection des données personnelles ! Je ne suis d’ailleurs pas certaine que, si la CNIL avait été saisie de ce sujet, elle aurait validé une telle transmission.
Je le répète, une telle transmission ne présente aucun lien avec l’objet du recensement scolaire. Qui plus est, les réfugiés ou primo-arrivants ne seront sans doute pas en mesure de fournir ce type de documents. Or il ne faudrait pas que l’incapacité des services fiscaux à transmettre ces données constitue un argument opposable à un refus d’inscription d’un enfant dans une école ou un établissement scolaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 5 bis C introduit sur l’initiative de Laurent Lafon et qui permet aux maires d’avoir recours aux fichiers des services fiscaux pour contrôler le respect de l’obligation scolaire.
La mission flash de nos collègues députées Anne Brugnera et George Pau-Langevin a mis en évidence les difficultés des maires, particulièrement en ville, à recenser effectivement les enfants en âge d’être scolarisé. Les fichiers qui leur sont transmis par les CAF sont rarement exhaustifs et souvent anciens.
Avoir recours aux fichiers des services fiscaux, dans des conditions qui seront définies par voie réglementaire, me semble une mesure intéressante. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 bis C.
(L’article 5 bis C est adopté.)
Article 5 bis
(Non modifié)
À l’article L. 131-9 du code de l’éducation, après le mot : « éducation », sont insérés les mots : « ou le maire ».
M. le président. L’amendement n° 214, présenté par Mme Vérien, M. Henno, Mmes Vullien, Billon, Sollogoub et Goy-Chavent et M. Janssens, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 131-9 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire peut signaler à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation des faits susceptibles de constituer une infraction aux dispositions du présent chapitre. »
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. L’article 5 bis du projet de loi prévoit que le maire d’une commune, au même titre que les services de l’éducation nationale, doit saisir le procureur de la République en cas de violation des obligations scolaires. Selon le code de l’éducation, ces obligations comportent deux volets : l’obligation de scolarisation et la qualité de l’enseignement.
Or le maire n’a pas l’expertise suffisante pour pouvoir juger de la qualité de l’enseignement. C’est pourquoi il ne convient pas, à mon sens, de lui demander de saisir le procureur de la République pour des questions relatives à ce sujet. Par conséquent, cet amendement vise à ce que, en cas de doute, il puisse le signaler aux services de l’éducation nationale, qui, eux, disposent de l’expertise pour juger des manquements aux obligations scolaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. La loi investit le maire d’une mission de mise en œuvre et de contrôle de l’obligation scolaire des enfants de sa commune. L’article 5 bis lui permet, s’il est témoin d’un manquement aux obligations des familles en matière d’obligation scolaire, de saisir le procureur de la République.
Ces dispositions ne visent pas le contenu de l’enseignement dispensé dans le cadre de l’instruction à domicile, mais d’autres délits prévus par le même chapitre : le fait, pour la famille, de ne pas procéder à la déclaration d’instruction dans la famille ; le fait de ne pas se conformer aux obligations d’assiduité scolaire ; le fait de ne pas se conformer à la mise en demeure de scolariser son enfant prévue par le code de l’éducation.
Il me paraît parfaitement légitime que le maire puisse, de sa propre initiative, saisir le procureur de la République en la matière. Il s’agit de la reconnaissance légitime de ses prérogatives. C’est pourquoi je vous invite, ma chère collègue, à retirer cet amendement. Sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Sollogoub, l’amendement n° 214 est-il maintenu ?
Mme Nadia Sollogoub. Oui, je le maintiens.
M. le président. L’amendement n° 86 rectifié, présenté par Mmes Chain-Larché et Thomas, M. Cuypers, Mmes Eustache-Brinio, Lanfranchi Dorgal et L. Darcos, M. B. Fournier, Mme Bories et MM. de Nicolaÿ, Léonhardt, Milon, Laménie, Karoutchi, Grosperrin et Meurant, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
dans le cadre de la mission de recensement
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Aux termes de l’article 5 bis, les maires sont désormais encouragés à effectuer un signalement s’ils suspectent une insuffisance d’instruction, c’est-à-dire à détecter les enfants non scolarisés et non déclarés en instruction en famille. Or cette rédaction n’est pas claire. C’est pourquoi cet amendement vise à préciser que le maire a uniquement pour mission de référencer, et non celle de juger de l’effectivité de l’instruction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Les infractions visées dans ce chapitre dépassent la seule mission de recensement. Il ne s’agit pas pour le maire de juger de l’enseignement dispensé au sein de la famille, ce qui ne relève en effet pas de sa compétence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laure Darcos. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 86 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 5 bis.
(L’article 5 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 bis
M. le président. L’amendement n° 459 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les enfants soumis à l’obligation scolaire qui reçoivent l’instruction dans leur famille, l’évaluation de leurs connaissances est effectuée au sein d’un établissement d’enseignement public et par le personnel enseignant dans ces établissements. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement a pour objet de préciser que, pour les contrôles pédagogiques, les évaluations des connaissances des enfants qui reçoivent l’instruction à domicile doivent se faire au sein des établissements d’enseignement public par le personnel enseignant de ces établissements.
Actuellement, les enfants soumis à l’obligation scolaire qui reçoivent l’instruction dans leur famille sont évalués lors du contrôle pédagogique avec des exercices écrits et oraux adaptés à leur âge. Rien n’est prévu quant aux modalités de mise en œuvre de ces exercices et quant au personnel chargé de les évaluer.
Organiser ces contrôles au sein des établissements d’enseignement public et par le personnel enseignant de ces établissements vise à s’assurer de la qualité et de la sincérité de ces évaluations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Le code de l’éducation définit déjà les principes de ce contrôle : il doit être réalisé par des personnes désignées par l’autorité académique – ce sont, le plus souvent, des inspecteurs ou des conseillers pédagogiques – et a lieu, en principe, au domicile de l’enfant. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 444 rectifié bis, présenté par Mmes Laborde et Costes, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux, Cabanel, Collin et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Léonhardt et Vall, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 441-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Les mots : « d’en déclarer son intention à » sont remplacés par les mots : « de déposer une demande d’autorisation auprès de » ;
2° Le mot : « déclaration » est remplacé par les mots : « demande d’autorisation »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
L’ouverture des établissements d’enseignement privés
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement a déjà été proposé par le groupe du RDSE lors de l’examen de la proposition de loi Gatel visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat. Il a pour objectif d’instaurer un régime d’autorisation préalable pour l’ouverture des établissements privés hors contrat à la place du régime déclaratif, ce qui se justifie par le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et de son droit à l’instruction.
Le régime de l’autorisation préalable permettra d’examiner en amont le respect des conditions d’ouverture des établissements privés et de procéder aisément à un retrait de l’autorisation en cas d’infraction. L’autorité académique sera chargée d’instruire le dossier et devra informer l’ensemble des acteurs – maire, préfet, procureur de la République… – des suites données à la demande d’autorisation.
Le régime déclaratif n’est pas entièrement satisfaisant. La création d’un régime d’autorisation permettrait de suspendre ou de retirer l’autorisation.
Je tiens à rappeler que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur l’incompatibilité d’un tel régime avec la liberté d’enseignement. Cette liberté, principe à valeur constitutionnelle, emporte certes des droits, comme celui d’établir un projet pédagogique alternatif ou de percevoir un financement public dans certaines conditions pour les établissements sous contrat, mais elle a toujours comporté des limites qu’il est loisible au législateur de fixer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je salue la ténacité des auteurs de cet amendement, mais il revient sur la position que le Sénat a adoptée à l’occasion du vote de la loi Gatel, promulguée il y a seulement un an. Nous avons déjà eu ce débat, et il a été tranché en faveur d’un régime déclaratif. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 444 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre IV
Le renforcement de l’école inclusive
Article 5 quinquies
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 111-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cadre d’une école inclusive, elle fonde sa cohésion sur la complémentarité des expertises. » ;
1° bis (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 112-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La scolarisation en milieu ordinaire est un droit dans la mesure où elle favorise les apprentissages et permet de conforter l’enfant, l’adolescent ou l’adulte handicapé dans ses acquis pédagogiques. » ;
2° L’article L. 112-2-1 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , et l’accompagnement des familles » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ainsi que les personnes chargées de l’aide individuelle ou mutualisée prescrite par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du même code. Le représentant de la collectivité territoriale compétente peut y être associé. » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’enseignant référent qui coordonne les équipes de suivi de la scolarisation est l’interlocuteur des familles pour la mise en place du projet personnalisé de scolarisation, dans le strict respect des décisions prises par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. » ;
3° L’article L. 351-3 est ainsi modifié :
a) (nouveau) La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « et en précise les activités principales » ;
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des pôles inclusifs d’accompagnement localisés sont créés dans chaque département. Ils ont pour objet la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat. Ils constituent des pôles ressources à destination de la communauté éducative ; ils associent à cet effet des professionnels de santé et les gestionnaires des établissements et services médico-sociaux mentionnés au 2° et 3° de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. Ces dispositifs visent à mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l’élève en situation de handicap en vue du développement de son autonomie. » ;
c) (nouveau) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’aide mutualisée doit garantir l’intérêt de chacun des élèves concernés au regard de sa situation personnelle. Le retour à une aide individuelle est possible à chaque instant de la scolarité.
« Si la famille et le corps enseignant formulent avec l’accord du chef d’établissement ou du directeur d’école, une demande d’un retour à une aide individuelle auprès de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, celle-ci doit examiner la demande dans un délai d’urgence de quinze jours suivant son dépôt. » ;
4° Le chapitre Ier du titre V du livre III de la deuxième partie est complété par un article L. 351-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-4. – Les parents ou les représentants légaux de l’enfant ou de l’adolescent en situation de handicap bénéficient d’un entretien avec le ou les enseignants qui en ont la charge ainsi qu’avec la personne chargée de l’aide individuelle ou mutualisée. Cet entretien a lieu préalablement à la rentrée scolaire ou, le cas échéant, au moment de la prise de fonction de la personne chargée de l’aide individuelle ou mutualisée. Il porte sur les modalités de mise en œuvre des adaptations et aménagements pédagogiques préconisés dans le projet personnalisé de scolarisation prévu à l’article L. 112-2. » ;
5° L’article L. 452-2 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° De veiller au respect des principes de l’école inclusive envers les élèves à besoins éducatifs particuliers. » ;
6° Après l’article L. 452-3, il est inséré un article L. 452-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 452-3-1. – Le respect des principes de l’école inclusive fait partie des critères d’homologation des établissements de l’enseignement français à l’étranger. » ;
7° (Supprimé)
8° L’article L. 917-1 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Au début du quatrième alinéa, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation et les collectivités territoriales peuvent s’associer par convention en vue du recrutement commun d’accompagnants des élèves en situation de handicap. » ;
a) La première phrase du sixième alinéa est ainsi rédigée : « Ils sont recrutés par contrat d’une durée de trois ans, renouvelable une fois. » ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans chaque département, le directeur académique des services de l’éducation nationale désigne, parmi les accompagnants des élèves en situation de handicap répondant à des critères d’expérience fixés par arrêté, un ou plusieurs référents chargés de fournir à d’autres accompagnants des élèves en situation de handicap un appui dans leurs missions auprès des élèves en situation de handicap. »
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, sur l’article.
M. Philippe Mouiller. L’école inclusive est un volet important de ce projet de loi.
Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de ma satisfaction devant les réelles avancées de ce texte, qui permettent notamment de prendre en compte certaines attentes des parents en ce qui concerne le développement de l’accueil des enfants handicapés à l’école. Je suis plutôt satisfait de ces mesures comme du discours qui les accompagnent, même si, en parallèle, un certain nombre d’inquiétudes et d’interrogations se font jour.
Tout d’abord, je voudrais revenir sur la méthode. Les avancées dont nous allons débattre ont été introduites dans le texte par des amendements adoptés à l’Assemblée nationale. Cette méthode interroge tout de même sur la réalité de la prise en compte de la question, importante je l’ai dit, de l’école inclusive. Il me semble que le sujet aurait pu être traité différemment, notamment en termes de concertation – celle-ci aurait pu être plus importante et mieux se déployer sur l’ensemble du territoire national.
Ensuite, je voudrais revenir sur quelques points essentiels.
En ce qui concerne le statut des AESH, qui a donné lieu à beaucoup de discussions, de communication et qui a suscité des inquiétudes de la part des salariés et des familles, je voudrais là aussi saluer quelques avancées, notamment en ce qui concerne les contrats, qui pourront être pérennisés au bout de deux fois trois ans. Cependant, il me semble que nous ne sommes pas allés suffisamment loin. Il faut encore améliorer le statut de ces personnes, notamment en se rapprochant d’une durée de travail à temps plein – aujourd’hui, nombre d’AESH sont des travailleurs pauvres et ont des niveaux de revenus extrêmement faibles –, en reconnaissant plus avant ce métier et en développant la formation. Si nous voulons que l’école inclusive soit une réussite, il faut aller beaucoup plus loin sur ce sujet, car c’est un métier essentiel pour les enfants handicapés.
Je voudrais également aborder la question de la mutualisation, qui a suscité beaucoup d’inquiétudes dans les familles. Si l’on peut comprendre l’intérêt de ce dispositif pour développer, sur le territoire national, une plus grande capacité d’accueil des enfants en situation de handicap, il ne doit pas masquer un manque de moyens qui ferait peser un risque d’inclusion au rabais. Il me semble que, lorsque la mutualisation ne correspond pas aux besoins de l’enfant, nous devons mettre en place d’autres outils et revenir à des aides individuelles. Une telle souplesse dans les dispositifs proposés me semble essentielle.
Enfin, je note que l’article 40 de la Constitution restreint notre capacité à aller plus loin.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Philippe Mouiller. Je crois qu’il sera important d’évaluer très rapidement l’ensemble des outils et dispositifs afin d’améliorer encore les choses pour ces enfants et leurs familles.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, sur l’article.
Mme Laure Darcos. Il est toujours un peu compliqué de s’exprimer après un collègue avec lequel on partage exactement les mêmes réflexions, mais je vais enfoncer le clou…
C’est un sujet qui me tient à cœur, et je veux vous remercier, monsieur le ministre, pour les avancées contenues dans ce texte.
Chacun sait très bien que, dans une classe, un enfant atteint de handicap fait miracle. Très souvent, les problèmes de discipline sont beaucoup moins importants. Sa présence crée de la cohésion et de la solidarité.
Je suis très heureuse que la question des auxiliaires de vie scolaire, maintenant appelés AESH, avance. Ils prennent progressivement leur place au sein de l’éducation nationale, même s’il faut sûrement aller plus loin.
Lors d’une audition, vous nous avez indiqué que les AESH pourraient être CDIsés. J’espère que ce sera le cas. Je note d’ailleurs que, dans la fonction publique, un contractuel à durée déterminée passe par principe à durée indéterminée au bout de six ans. Il ne faudrait pas que les contrats des AESH s’arrêtent au bout de cinq ans et onze mois… Surtout, je crois qu’il faut leur donner envie à de faire ce métier. C’est pourquoi je proposerai, dans un amendement, de leur permettre de suivre des formations, par exemple celle des conseillers principaux d’éducation. Ils pourraient ainsi devenir des encadrants et avoir une perspective de carrière au sein de l’éducation nationale.
Nous avons été à l’écoute des AESH, mais nous ne proposerons pas de créer un corps spécifique. Nous savons très bien que ce serait absolument inimaginable. En revanche, il devrait être possible de revaloriser leurs salaires.
Par ailleurs, les AESH craignent que les PIAL ne leur permettent pas d’obtenir des postes à temps plein. Il faudra bien évidemment les rassurer ; vous l’aviez fait en audition, mais l’exemple de l’académie de Nice ne semble pas aller dans ce sens, puisqu’il paraîtrait que les temps pleins n’y sont pas possibles.
Il faudra aussi rassurer les familles sur le fait que les MDPH continueront à avoir toute leur place dans le parcours personnalisé des enfants. D’ailleurs, si l’enfant doit avoir un auxiliaire de vie personnel, et non pas mutualisé, c’est à l’ensemble des personnes qui l’accompagnent, tant dans la communauté éducative que dans le secteur médico-social, de le décider.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, sur l’article.
Mme Jocelyne Guidez. J’ai souhaité prendre la parole sur cette partie du texte, car j’avais déposé un amendement qui traitait de l’école inclusive, et plus particulièrement des jeunes aidants, c’est-à-dire des enfants ou adolescents qui accompagnent un proche en situation de maladie, de handicap ou de dépendance. Cet amendement a été déclaré irrecevable pour un motif que nous connaissons tous par cœur : l’article 40 !
Je veux profiter de cette séance pour dire que le débat législatif est régulièrement restreint par l’utilisation, à mon sens trop fréquente, de cette disposition constitutionnelle, qui va parfois trop loin. Nous le rappelons souvent dans cet hémicycle. Je regrette donc cette irrecevabilité, et je la conteste. En effet, je trouve dommage de ne pas avoir pu défendre et soumettre cette proposition à l’avis de notre chambre.
Toutefois, je veux en profiter pour évoquer le sujet afin d’alerter sur la situation de ces jeunes aidants, qui sont environ 500 000. La France est en retard quant à leur prise en charge. La majorité d’entre eux est au collège ou au lycée. Leur situation génère beaucoup de stress et crée énormément de difficultés chaque jour. Pis, certains se déscolarisent petit à petit.
Ce n’est donc pas un élément à prendre à la légère. Les pouvoirs publics doivent leur venir en aide, il y a urgence ! C’est pourquoi j’avais proposé des pistes pour faciliter leur quotidien. Certaines de ces mesures sont d’ailleurs déjà en place pour des jeunes qui sont dans d’autres situations, par exemple les enfants et adolescents handicapés.
Ainsi, mon amendement entendait répondre à plusieurs objectifs. J’en citerai quelques-uns : permettre l’inscription dans une école ou un établissement au plus proche de leur domicile, ce qui ne coûte rien ; assurer un parcours de formation adapté, en créant un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires et en évaluant leurs compétences et leurs besoins ; permettre des aménagements aux conditions de passation des examens ou des concours de l’enseignement scolaire et supérieur avec un temps supplémentaire accordé ; former les enseignants et les personnels à l’accueil et l’éducation des jeunes aidants, formation qui comporte notamment une information sur la lutte contre la stigmatisation et le harcèlement et sur les différentes modalités d’accompagnement scolaire.
Sur ce dernier point, je tiens à préciser qu’une telle formation, initiale et continue, existe déjà. Traiter le sujet des jeunes aidants ne créait donc aucun coût supplémentaire.
Monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement sera attentif à mon appel. Je l’ai dit, il y a urgence. Agissons, réagissons vite ! Allons-nous continuer à faire comme si ces jeunes n’existaient pas ? Je me tiens à votre disposition pour avancer sur ce sujet, qui me tient particulièrement à cœur.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, sur l’article.
M. Antoine Karam. Permettez-moi à mon tour d’apprécier que de telles dispositions soient prises en faveur de l’inclusion de tous nos enfants. L’esprit de ce projet de loi est de donner une meilleure justice sociale à tous et de permettre l’égalité des chances pour tous les enfants, y compris ceux qui sont en situation de handicap.
Le statut des accompagnants est valorisé et le plan de transformation en AESH des contrats aidés, qui étaient trop précaires, s’accélère. Ainsi, dès la rentrée de 2019, les AESH se verront proposer des CDD de trois ans renouvelables une fois avec, à la clé, un CDI au bout de six ans. Les accompagnants ne sont plus recrutés sous contrat unique d’insertion, ce qui met fin au recrutement via des contrats aidés.
Les établissements font aussi l’objet de réformes dans le cadre du présent article. Ils sont le lieu central pour l’instruction de nos enfants. Il convient de mieux les penser afin que nous soyons véritablement fiers d’avoir une école inclusive.
Mes chers collègues, l’école inclusive ne consiste pas uniquement à traiter de la situation des accompagnants. Il s’agit aussi de mieux penser les infrastructures d’accueil, éléments également essentiels pour l’accompagnement de nos enfants tout au long de leur scolarité. C’est pourquoi le dispositif des pôles inclusifs d’accompagnement localisé, expérimenté depuis la rentrée de 2018, aura une accroche législative dans ce projet de loi. Ces pôles coordonneront les moyens humains dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap au sein des écoles. Ils permettront ainsi de mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers ; nous sommes convaincus que l’aide mutualisée peut contribuer, au même titre que l’aide individualisée, à la réussite des élèves.
Avant de terminer mon propos, je souhaite apporter un témoignage, qui renforcera notre argumentation. Voilà quelques mois, en Guyane, dans le lycée Damas, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, une jeune élève très brillante de première, lourdement handicapée, a mobilisé la population, parce que ses accompagnants, qui étaient dans une situation précaire, n’étaient pas souvent au rendez-vous lorsqu’il fallait l’accompagner dans une salle de classe située au cinquième étage de son établissement. Il aura fallu cette situation pour que, dans notre territoire, on comprenne que le moment était venu de donner un statut aux AESH, afin qu’ils soient mieux rémunérés, mieux encadrés et qu’ils travaillent dans de meilleures conditions à l’accompagnement de nos enfants souffrant de très lourds handicaps.
Nous reprendrons certainement à notre compte toutes les propositions qui seront faites ; le texte va dans le bon sens, il faut simplement continuer nos efforts.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Je rejoins ce qu’ont dit un certain nombre de collègues sur la méthode suivant laquelle ce débat survient : des propositions de loi, notamment à l’Assemblée nationale, n’ont malheureusement pas pu être débattues, alors qu’elles auraient permis de creuser véritablement ce sujet.
Il y a évidemment beaucoup à faire, et, on le voit, rentrée après rentrée, les choses sont de plus en plus chaotiques du point de vue de l’accueil, notamment depuis la suppression d’un grand nombre d’emplois aidés. Il y a donc besoin de créer un statut véritablement attractif pour répondre à la crise du recrutement des AESH.
Les quelques éléments positifs contenus dans le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui nous semblent insuffisants. Je pense, par exemple, aux deux contrats de trois ans avant une éventuelle CDIsation. Cela met particulièrement en colère des AVS ou des AESH déjà employés depuis bien longtemps, qui vivent mal le fait de devoir encore faire leurs preuves. Je pense aussi aux salaires, qui restent très insuffisants, et à la formation ; c’est une demande évidemment absolument essentielle.
On assiste par ailleurs, au travers de ce projet de loi, à une inversion de la logique : désormais, la mutualisation des accompagnements serait la règle, et on pourrait éventuellement y déroger pour mettre en place un accompagnement individualisé.
Selon nous, c’est l’individualisation de l’accompagnement qui doit être la règle, parce que l’accompagnement doit d’abord répondre aux besoins de l’enfant, avant de répondre à ceux de l’institution ; cela nous semble essentiel du point de vue des droits humains. D’ailleurs, nous avons eu vent de consignes extrêmement inquiétantes qui seraient d’ores et déjà données dans certaines académies pour faire cesser des notifications ou ne pas reconduire des accompagnements, en attendant les modifications législatives ; c’est évidemment scandaleux. Il est même parfois précisé qu’il faut éviter de mettre les familles au courant, parce qu’elles pourraient alors être très inquiètes ; je vous le confirme, monsieur le ministre, elles seraient en droit de l’être.
Enfin, cette mutualisation n’est même pas de nature à répondre au sous-emploi des AESH et des AVS.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Céline Brulin. En effet, il est indiqué que, y compris dans le cadre d’une mutualisation, ces professionnels seraient amenés à travailler entre vingt-quatre et trente heures maximum par semaine, ce qui est loin d’un temps plein.
Cela ne répond donc à aucun des enjeux qui sont sur la table.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. Je partage ce qui a été dit sur l’aspect positif de la prise en compte de l’école inclusive. Notre collègue Antoine Karam l’a dit, on avance vers une plus grande justice sociale à l’égard des plus fragiles d’entre nous, que sont les enfants en situation de handicap.
En revanche, la justice sociale, cela passe aussi par la reconnaissance de ces nouveaux métiers, qui sont extrêmement nobles ; ils doivent être professionnalisants et reconnus, y compris du point de vue du salaire. Or, sur ce sujet, je sais que vous êtes gêné, monsieur le ministre, de même qu’un certain nombre de vos collègues, par les aspects budgétaires. Tous les amendements que nous avons déposés en ce sens, qui visaient à instaurer un statut, sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Pour nous, et pour vous aussi, en votre for intérieur, humainement, ce n’est pas acceptable. Il faudra qu’on trouve des solutions.
On a parlé, pour ces personnes, de contrats de deux fois trois ans, peut-être – mais pas forcément – CDIsables, et de temps partiel ; le temps partiel, souvent imposé, est presque pérennisé par le texte. La formation initiale et continue est quasiment inexistante. La rémunération moyenne est de 650 euros par mois ; on parle de justice sociale – on évoquait précédemment les travailleurs, ou plutôt, en l’occurrence, les travailleuses, pauvres –, mais 650 euros, c’est indécent pour ce niveau d’exigence. Ce sont des personnes, souvent jeunes, qui aiment leur travail, qui souhaitent le continuer, mais qui ne pourront plus le faire dans ces conditions.
Je ferai donc partie de ceux qui lutteront jusqu’au bout, au-delà de ce texte – lequel aura, on le sait, ses limites –, pour avancer dans la reconnaissance de ces métiers.
Enfin, j’ai reçu hier des représentants de l’enseignement agricole, qui ont évoqué la situation des AESH dans ce secteur. La situation y est plus difficile encore ; des milliers de professionnels précaires sont laissés pour compte. Leur condition est encore moins protégée que dans l’éducation nationale, où le statut est déjà précaire et dévalué. Ces professionnels demandent donc que le statut des AESH agricoles – et maritimes, il y en a aussi quelques-uns – soit, au minimum, harmonisé avec celui qui existe dans l’éducation nationale.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Avec la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la scolarisation des élèves handicapés dans le milieu scolaire est devenue un principe de droit.
Ainsi, beaucoup a été fait pour accueillir ces élèves différents et les intégrer au mieux au sein des classes. L’instauration, en 2000, d’auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, désormais devenus accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, a été une étape charnière. D’ailleurs, il serait aujourd’hui totalement inenvisageable d’imaginer scolariser des enfants handicapés sans l’aide d’AESH ; au contraire, bien des parents, mais aussi bien des enseignants, déplorent le nombre insuffisant de ces professionnels, dont le statut et la formation sont à préciser.
La dignité et la grandeur d’une société se mesurent notamment à l’attention accordée aux plus fragiles et aux moins chanceux. Certains ont tendance à toujours voir le verre à moitié vide, mais la lucidité et l’honnêteté ne peuvent que nous amener à reconnaître que, en matière d’inclusion, cet article, s’il n’est pas parfait, instaure et, pour reprendre un terme cher à notre rapporteur, Max Brisson, « crante » de réels progrès.
Sans doute, on peut faire mieux, et on doit faire mieux, mais je le dis à ceux qui doutaient de la pertinence et de l’efficacité de l’exercice parlementaire, ce texte, amélioré sur de nombreux points par la commission de la culture du Sénat, est un bon exemple des vertus du bicamérisme. J’espère donc que certains amendements que nous allons examiner maintenant seront adoptés ; je pense notamment à ceux de mes collègues Mouiller et Darcos qui traitent du statut et de la formation des AESH.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l’article.
Mme Samia Ghali. Sur ce sujet, les considérations politiques doivent être secondaires. En effet, derrière cette question, on trouve des enfants qui, malheureusement, ont un handicap, mineur ou important.
Je veux maintenant parler des enfants autistes ou souffrant d’un trouble de déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité, ou TDAH. Ces enfants sont souvent oubliés, car leur handicap ne se voit pas ; il se vit.
Pour les parents, cela représente un parcours du combattant, une souffrance, parce que ces handicaps, notamment le TDAH, ne se voient pas immédiatement, il faut du temps avant de les reconnaître. En effet, ce handicap se détecte au fil des années, quand l’enfant grandit ; les parents se retrouvent alors complètement démunis face à ce problème. Les enseignants n’arrivent pas toujours à détecter ce handicap et l’enfant est, dans sa classe, rejeté par ses camarades, voire par l’enseignant, qui a devant lui un enfant insupportable, même lorsqu’il travaille bien. Les parents essaient alors, de leur côté, de trouver une solution pour leur enfant.
Il y a des sujets sur lesquels on peut ne pas être d’accord, sur lesquels il n’est pas grave de s’engueuler entre nous ; mais, sur ce genre de sujet, on doit trouver un consensus, comprendre que cela représente une véritable souffrance pour les parents, pour l’enfant, pour les autres enfants et pour l’enseignant.
La question des enfants souffrant de TDAH est un véritable problème. Aujourd’hui, entre 8 % et 10 % des enfants sont concernés ; cela signifie que presque un enfant par classe, en France, est en souffrance dans l’école de la République. En outre, il peut parfois mettre une classe en péril, lorsque son handicap n’a pas été reconnu ou détecté.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Permettez-moi de relever un paradoxe, monsieur le ministre. Le gouvernement auquel vous appartenez a engagé, en octobre dernier, une concertation intitulée « Ensemble pour une école inclusive ». Vous parlez de l’école inclusive comme d’une priorité, et nous partageons vraiment cet objectif, mais vous continuez à maintenir dans une forme de paupérisme, sans aucune reconnaissance, le personnel indispensable à la scolarisation des enfants en situation de handicap. Or vous avez pu constater que les différentes prises de parole sur article, de quelque travée qu’elles viennent, expriment toutes le même souci. J’espère donc que vous allez les entendre.
La proposition de mise en place d’un recrutement par CDD de trois ans, renouvelables puis transformables en CDI, est bien sûr une mesure positive, mais elle est en même temps décevante. Elle ne répond pas du tout à l’enjeu de la reconnaissance de ce personnel, du point de vue tant du salaire que de la formation ; la formation doit être d’un niveau suffisant pour les enfants en situation de handicap. Par conséquent, il est urgent de prévoir des mesures beaucoup plus fortes que celles qui sont contenues dans le projet de loi. C’est d’autant plus décevant que, non seulement ces professionnels ne sont pas reconnus ni formés au niveau qu’ils, ou plutôt qu’elles – il s’agit majoritairement de femmes –, devraient atteindre, mais, en outre, ces personnes sont en nombre totalement insuffisant ; avec la mutualisation entre établissements, ce sera encore pire. Cela ne va donc pas, cela ne correspond pas aux besoins.
J’ajoute – cela me semble très important – que toutes les structures spécialisées en dehors de l’école ferment les unes après les autres. Je pense aux hôpitaux de jour et aux CMP ou aux CMPP, qui font souvent l’objet de regroupements et ne répondent pas à la demande de prise en charge, d’accompagnement et de rééducation de ces enfants en situation de handicap.
Il convient donc d’avoir une ambition beaucoup plus grande que celle que vous portez au travers de ce projet de loi ; il y a vraiment besoin d’entendre certains amendements qui seront défendus par différents groupes et qui convergent vers le même objectif.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, sur l’article.
M. Rachid Temal. Il est important de le souligner, ce sujet est au cœur de l’école de la République : nous souhaitons que chaque enfant puisse évoluer au sein de l’école. Aussi, je tiens d’abord à saluer, comme d’autres avant moi, les avancées de ce texte sur cette question, celle de l’école inclusive. Quand nous sommes en désaccord, nous le disons, et quand il y a des avancées, il faut le souligner. Je tenais donc à le faire et à vous en remercier, monsieur le ministre.
J’ai rencontré, moi aussi, des personnes concernées – AESH, parents d’élèves –, et, si chacun reconnaît les avancées du texte, nous souhaitons aussi pouvoir faire quelques pas supplémentaires. J’espère que ce débat sur l’article permettra cette avancée.
Cela a été dit, ces personnes sont extraordinaires, par leur rôle et par leur volonté, parce que, bien souvent, elles ne sont pas assez formées. Je tiens à saluer leur action au quotidien, qui permet de faire en sorte que chaque enfant puisse progresser, participer aux travaux et avoir une vie avec ses camarades.
J’avais déposé des amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 – cela peut susciter quelques questions. Pourtant, les avancées relatives à leur statut et à leur contrat de travail ne vont pas assez loin. J’avais proposé, pour ma part, que ces personnes soient CDIsées, afin qu’elles puissent s’engager dans la durée, avoir des projets de vie ; pour qu’elles accompagnent mieux les enfants, il faut aussi les rassurer sur leur parcours professionnel.
Il faut aussi prévoir une formation initiale et tout au long de leur parcours professionnel.
Un autre élément qui me semble poser problème, c’est la question de la mutualisation ; on a le sentiment, pour le coup, d’un recul par rapport à aujourd’hui. Aussi, j’espère que, grâce aux amendements en débat aujourd’hui, nous pourrons avancer sur ces trois points : le statut et la rémunération – c’est-à-dire le contrat de travail –, la formation et le maintien de l’accompagnement individuel, qui me paraît essentiel pour les enfants et pour leurs familles.
M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je respecterai votre souhait d’avoir des débats aussi concis que possible, monsieur le président, mais le sujet est très important, et il y a eu beaucoup d’interventions. Je serai donc un tout petit peu moins bref que je ne l’ai été dans mes interventions précédentes et que je ne le serai dans mes interventions suivantes.
Je veux d’abord vous remercier de vos différentes interventions, mesdames, messieurs les sénateurs. L’un de vous a dit qu’il fallait faire, dans ce genre d’occasion, l’éloge du bicamérisme ; je souscris une nouvelle fois à cette idée. Nous avons toujours, grâce au processus itératif du bicamérisme, des occasions de nous améliorer, et je vous en remercie.
Je veux aussi vous remercier de la tonalité de vos interventions, qui correspond à celle qui existait depuis 2005 ; c’est une très bonne tonalité. Vous avez tous rappelé que nous visons la même chose, l’idéal de l’école inclusive et sa réussite au service des enfants. Vous l’avez très bien dit, je n’ai pas besoin de le répéter.
J’ai parfois vécu, au cours des derniers mois, des moments qui ne correspondaient pas à la belle tradition qui avait commencé au début des années 2000. Cette tradition avait ainsi conduit la première loi sur le handicap à être saluée par tous, majorité comme opposition, malgré toutes ses imperfections – si nous en parlons encore aujourd’hui, c’est que tout n’a pas été résolu du premier coup. L’opposition d’alors comprenait parfaitement que c’était un premier pas, et les familles adhéraient à cet élan républicain. On pourrait dire la même chose de chacune des étapes qui ont suivi.
Le fait de garder cette tonalité correspond à l’intérêt général et à l’intérêt, d’abord, des enfants concernés. C’est pourquoi je vous remercie d’avoir souligné les avancées du texte qui vous est proposé, même si, bien sûr, je peux aussi entendre les limites que vous signalez. Peut-être aurons-nous des désaccords sur tel ou tel point, mais, en tout cas, nous savons bien que nous visons le même objectif.
Cela rejoint d’ailleurs ce que j’indiquais au début de nos débats : on doit éviter les procès d’intention. Il serait très regrettable que l’on prétende que ce gouvernement ne souhaite pas la plénitude de l’école inclusive, ne souhaite pas faire le maximum pour les élèves en situation de handicap ; c’est tout le contraire qui est vrai. (M. Rachid Temal fait des gestes de dénégation.) Non, vous ne l’avez pas fait, monsieur le sénateur, et je vous en remercie, mais il est arrivé ailleurs que l’on dise cela, et le bicamérisme permet de constater des différences à cet égard. Cette réalité, la volonté du Gouvernement de faire un grand pas en matière d’école inclusive, est donc traduite dans ce projet de loi.
Je veux maintenant répondre à certaines objections qui ont été faites.
À propos de la méthode, un sénateur a déploré que l’on ait amélioré le texte par voie d’amendement. Je veux restituer la chronologie de cette amélioration.
Nous voulions procéder ainsi, et nous l’avons dit, dès le départ. Dès le mois d’octobre 2018, Sophie Cluzel et moi avons initié une concertation devant durer jusqu’en février, et nous avons annoncé que nous pourrions prendre des mesures à l’issue de cette concertation. Vu le processus législatif, cela impliquait de procéder par voie d’amendement, ce que nous avons fait.
Cela a présenté un double avantage. Premièrement, cela nous a permis d’écouter le Parlement – d’abord, l’Assemblée nationale, puis, aujourd’hui, le Sénat –, de façon à améliorer le texte. Deuxièmement, cela nous a permis de le faire sur le fondement non d’une quelconque improvisation mais d’une concertation qui a duré plusieurs mois.
Il est arrivé que certains fassent semblant d’ignorer cette concertation et nous accusent, par exemple, de ne pas prendre en compte telle proposition de loi qui, étonnamment, avait été déposée quelques jours à peine avant la concertation. Or c’est justement celle-ci qui devait conduire à quelque chose sur le plan législatif.
Il est aussi arrivé que l’on interprète cela comme du dédain pour le sujet, alors que l’objectif était de préparer la rentrée de 2019, ce que nous sommes en train de faire au travers de ce qui vous est proposé aujourd’hui.
Ainsi, grâce aux débats d’aujourd’hui, nous pouvons remettre les choses sur les rails, et toute personne de bonne foi souhaitant la réalisation d’une école inclusive meilleure doit adopter cette tonalité, qui permet d’améliorer les choses par le dialogue.
La concertation a produit des éléments extrêmement intéressants. D’abord, elle a conduit au constat d’une relative inefficacité de notre système et d’une relative frustration. Beaucoup a été accompli depuis vingt ans, mais ces accomplissements sont insuffisants ; du reste, la précarité des accompagnants, ce n’est certainement pas ce gouvernement qui l’a créée ; c’est au contraire la situation que nous avons trouvée.
Qu’a-t-on fait depuis une bonne quinzaine d’années ? On a recruté des personnes en contrat aidé, les unes après les autres ; ce faisant, on a engendré de la frustration chez les titulaires de ces contrats, qu’ils estimaient trop précaires, et chez les familles, car cette précarité avait toute une série de conséquences négatives sur l’accompagnement de leurs enfants. Telle est la situation, je le répète, que nous avons trouvée.
On a déjà procédé à quelque chose de très important – ce n’est pas une promesse pour le futur, c’est une avancée déjà accomplie – : il s’agit de la transformation progressive des contrats aidés en AESH. Cette transformation est déjà, en soi, un progrès, mais elle n’est pas un progrès suffisant, dans la mesure où, très souvent, les AESH sont à temps partiel et que leur rémunération reste, dans la situation actuelle, faible. C’est aussi cela que nous avons voulu améliorer au travers du nouveau dispositif. Je veux résumer celui-ci en deux points, ce qui me permettra d’atteindre l’objectif de concision, car c’est quand même l’occasion d’exposer la logique que nous nous suivons.
Je considère que la rentrée prochaine représentera un véritable changement de paradigme, qui permettra de parler de service public de l’école inclusive.
Pourquoi parler de « service public de l’école inclusive » ? Tout d’abord, parce que nous allons faire évoluer la situation des accompagnants : les contrats de trois ans des quelque 80 000 accompagnants du système scolaire, renouvelables une fois, déboucheront sur un CDI. Il s’agit d’une amélioration considérable par rapport à la situation antérieure, avec des effets en chaîne au bénéfice et des élèves et des accompagnants.
Ce système nous permettra d’avoir des AESH à plein-temps plus nombreux, mieux payés et avec des perspectives de carrière et de formation réelles. Nous voulons faire en sorte qu’ils obtiennent un CDI au bout de six ans, non pas de manière automatique – il me semble normal, au regard des règles de fonctionnement de l’État, d’évaluer leurs compétences –, mais dans l’immense majorité des cas. Pérenniser ces 80 000 postes constitue un effort considérable, notamment dans le contexte budgétaire que nous connaissons.
L’État consacre aujourd’hui 2,5 milliards d’euros à cette politique de l’école inclusive. Pour autant, le diagnostic qu’établissent les acteurs eux-mêmes et les observateurs internationaux n’est pas bon. Ces derniers nous disent que le Danemark ou l’Italie, par exemple, font mieux que nous. De même pour le Canada, qui consacre pourtant moins d’argent que nous à cette question.
Je ne dis pas qu’il faut y consacrer moins d’argent – nous allons en dépenser encore davantage à la rentrée prochaine. Toutefois, il est fondamental d’apporter une amélioration qualitative, plutôt que d’affecter des contrats aidés, au fil de l’eau, en fonction de prescriptions individuelles qui conduisent inévitablement à des frustrations.
L’État n’a en effet cessé de courir après l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap. Une vraie politique consiste à développer une vision beaucoup plus en amont du problème, en ce qui concerne aussi bien l’organisation du système que le cas de chaque élève, de façon à apporter, avant la rentrée, des solutions individualisées. Tel est notre objectif.
Chaque accompagnant aura donc un meilleur statut et sera mieux géré par l’éducation nationale. J’ai donné à chaque recteur la consigne de réorganiser ses ressources humaines en incluant les AESH, en les considérant comme partie intégrante du système scolaire.
C’est une révolution administrative et mentale. Je donne souvent cet exemple qui peut paraître simple, mais qui a son importance : chaque AESH disposera désormais d’une adresse e-mail officielle de son académie d’appartenance. Cette adresse électronique n’est pas un détail ; elle est tout à fait significative d’une forme d’intégration dans le système, avec une véritable gestion de carrière et avec de la considération due à chaque AESH. Au regard de leur situation antérieure, il s’agit d’un changement considérable.
Cette gestion par les rectorats nous engage et nous amène à préparer la rentrée bien plus en amont que par le passé. Je souhaite que les familles le ressentent dès le mois de juillet prochain, en étant contactées par les rectorats ou les établissements, qui leur proposeront des rendez-vous avec l’AESH ou avec l’équipe éducative. La formation de l’AESH doit également se faire en amont de la rentrée, de même que son identification par l’établissement.
Je ne puis garantir, au moment où je vous parle, que nous parviendrons à ce résultat dans 100 % des cas dès la prochaine rentrée. Mais nous voulons tendre vers ce chiffre, et nous devrons y arriver, rentrée après rentrée.
Il s’agit d’une réelle amélioration et je ne comprends pas que l’on puisse la qualifier de « limitée » ou, pis encore, la décrire comme une régression. Tous ceux qui parlent ainsi seront contredits par les faits au cours des prochains mois.
Peut-être ce progrès paraît-il insuffisant à certains – nous allons en débattre –, mais il constitue bien une avancée. Et chaque fois que l’on décrit un progrès comme une régression, on contribue à l’amoindrir. Il s’agit de sujets certes techniques, mais aussi psychologiques. Chacun d’entre nous, selon la façon dont il en parle, est une partie de la solution. Mais nous pouvons aussi faire partie du problème si nous caricaturons les choses.
Nous pouvons également parler de service public de l’école inclusive, parce que, dès la rentrée prochaine, près de 3 000 collèges seront organisés autour des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL. Là aussi, j’entends des critiques et des craintes – je suis là pour les dissiper –, notamment autour de la notion de mutualisation.
Le premier intérêt des PIAL c’est d’offrir une gestion au plus près de chaque élève. C’est de cette façon que fonctionnent les pays que j’ai mentionnés à l’instant. Ce dispositif ne vient pas de nulle part : il est le fruit d’observations internationales et de concertations. Nous voulons que le handicap soit géré depuis l’établissement, là où l’on peut être le plus pragmatique et définir ce qui convient le mieux à l’élève.
Oui, dans certains cas, il faut un accompagnement individualisé ; oui, dans d’autres, il faut un accompagnement mutualisé, et cela non seulement pour des questions de bonne gestion – ce n’est d’ailleurs pas un gros mot –, mais parce que c’est préférable pour tout le monde, à commencer par les enfants.
Nous ne voulons pas mettre en place un suivi cloisonné. Au contraire, nous voulons mener un travail d’équipe. Il n’est pas forcément une bonne chose que les trois élèves en situation de handicap d’une même classe aient chacun un AESH.
On pourrait nous soupçonner de vouloir faire des économies, mais nous créons encore plus de nouveaux postes d’AESH que nous ne supprimons de contrats aidés. Ces milliers de postes créés témoignent de notre volonté d’utiliser les ressources dans l’intérêt de l’enfant. Les faits le démontreront.
J’espère que nous pourrons généraliser les PIAL, que nous avons déjà expérimentés à petite échelle et qui ont fait leurs preuves. Ils permettent en effet d’adopter cette vision au plus près du terrain. Ce sera un progrès qualitatif considérable, également pour les AESH eux-mêmes. Si dix d’entre eux sont affectés à un PIAL, ils pourront avoir un temps plein plus facilement, leur service étant calculé sur la semaine.
Le pourcentage d’AESH à temps plein est aujourd’hui extrêmement faible, de l’ordre de 2 % ou 3 % ; dès la rentrée prochaine, nous espérons atteindre un taux de 30 %, qui augmentera par la suite – étant entendu que tous les AESH ne désirent pas un temps plein. Concrètement, au lieu de gagner 700 euros par mois en moyenne, ils gagneront environ 1 200 euros. Ce changement très important ne saurait être minimisé.
Il s’agit d’évolutions considérables. Il en faut davantage, certains d’entre vous l’ont dit, notamment en matière de formation des professeurs ou de prise en compte de certains types de problèmes qui relèvent du handicap ou du diagnostic médical, tous phénomènes que notre société révèle davantage aujourd’hui et qui vont de pair avec la personnalisation des parcours.
Nous voulons faire preuve de beaucoup de pragmatisme, parce que l’école inclusive ne consiste pas simplement à affecter un AESH à un élève en situation de handicap, sans se soucier de ses caractéristiques propres. Au contraire, c’est être capable d’adopter une vision personnalisée pour chacun. Je sais bien que certains professeurs, notamment à l’école primaire, estiment que nous procédons de manière trop indifférenciée.
Il est donc essentiel de coopérer avec le monde médico-social, et c’est toute l’importance du travail interministériel accompli avec Sophie Cluzel et Agnès Buzyn. Les PIAL vont permettre une coopération de terrain bien plus forte entre établissements scolaires et établissements médico-sociaux.
Nous ne partons pas de zéro. Des progrès considérables ont déjà été accomplis. Je visite souvent des établissements qui disposent d’équipements remarquables, y compris grâce à l’aide des collectivités locales.
Pardonnez-moi d’avoir parlé aussi longuement, monsieur le président, mais ce sujet me paraissant particulièrement important, j’ai voulu tenter de répondre à toutes les interrogations. Si ce n’est la dernière fois que je parle aussi longtemps, ce sera sûrement l’avant-dernière. (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Pour ce soir !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je le répète, il s’agit bien là d’un progrès. Je me tiens à votre disposition pour discuter de tout ce que nous pourrions encore mieux faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 290 rectifié, présenté par Mmes Perol-Dumont, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche et Courteau, Mme Préville, MM. Tissot, Daunis, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au début de la seconde phrase du premier alinéa, sont ajoutés les mots : « Elles appliquent et » ;
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. De nombreux enfants en situation de handicap sont aujourd’hui privés d’une scolarité accompagnée en milieu ordinaire, alors même que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, ou CDAPH, dont ils dépendent a validé un accompagnement rendant cette scolarisation possible. Il paraît donc nécessaire d’inscrire dans la loi que les décisions de la CDAPH s’imposent à l’éducation nationale.
De par sa composition, cette commission est particulièrement à même de définir les besoins au regard de chaque type de handicap. En effet, les décisions de la CDAPH reposent sur des évaluations effectuées par les équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des personnes handicapées, composées notamment de médecins, d’assistantes sociales, d’ergothérapeutes – selon la nature du handicap à compenser.
Ces évaluations sont ensuite validées par la CDAPH, qui comporte des élus départementaux, des représentants de l’État, notamment de l’Éducation nationale, des organisations syndicales, des associations, des parents d’élèves, ainsi que des représentants des personnes handicapées et de leur famille.
Cet amendement tend donc à prévoir que les équipes de suivi de la scolarisation existant dans chaque département ne se borneront plus à assurer seulement le suivi des décisions de cette commission, mais les feront appliquer à la lettre, garantissant ainsi le droit à la scolarisation des enfants en situation de handicap. En effet, on peut malheureusement constater, dans certains départements, que les enfants ont bien été orientés, mais qu’ils se retrouvent sans rien, faute de place, d’énergie ou de volonté de suivre la décision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Ma chère collègue, je suis d’accord avec le début de votre intervention : les décisions de la CDAPH s’imposent. C’est la loi.
En revanche, leur mise en œuvre à l’école, au collège et au lycée revient aux recteurs et aux services concernés. Les équipes de suivi ne peuvent se substituer à l’autorité académique.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 277 rectifié, présenté par M. Marie, Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes G. Jourda et Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…°L’article L. 112-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise le volume horaire et le cahier des charges des contenus de la formation spécifique mentionnée au premier alinéa. » ;
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Les auteurs de cet amendement proposent d’introduire une disposition de la proposition de loi pour une école vraiment inclusive, que le groupe socialiste a récemment présentée à l’Assemblée nationale, mais qui a été vidée de son sens au Sénat.
Il s’agit de prévoir qu’un décret en Conseil d’État précise le volume horaire et le cahier des charges des contenus de la formation spécifique concernant l’accueil et l’éducation des élèves et étudiants en situation de handicap délivrée aux enseignants et autres personnels de l’éducation nationale, dans le cadre tant de leur formation initiale que de leur formation continue.
Il semblerait en effet qu’une marge de progrès existe en la matière, si l’on en croit l’avis quasi unanime de nombreux acteurs, selon lesquels cette formation se limite souvent à une simple « information », de qualité très variable, selon les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les Espé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Le Gouvernement dispose déjà d’un pouvoir réglementaire autonome en la matière. Par ailleurs, à l’article 12 bis, nous avons déjà prévu qu’un arrêté des ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur précise le cahier des charges des contenus de la formation initiale spécifique dispensée aux personnels enseignants et d’éducation en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap.
Cet amendement lui semblant en grande partie satisfait, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je partage totalement l’inspiration de cet amendement, mais il me semble déjà satisfait, comme vient de le souligner le rapporteur.
Vous avez raison, madame la sénatrice, nous devons veiller à la qualité de la formation dispensée à l’ensemble des personnels. Il est déjà possible de le faire dans le cadre des textes existants, mais ce projet de loi nous permettra d’homogénéiser encore davantage la qualité de la formation des acteurs de l’éducation nationale en matière de handicap.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 74 rectifié bis, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, M. Grosdidier, Mme Eustache-Brinio, MM. Mouiller, Piednoir et Sol, Mmes Troendlé, Lassarade et de Cidrac, MM. Husson et Mayet, Mmes Lanfranchi Dorgal, Noël et Lherbier, MM. Courtial et Segouin, Mmes Puissat et Delmont-Koropoulis, MM. Mandelli et Darnaud, Mme Gruny, MM. Vogel, de Nicolaÿ, J.-M. Boyer et Genest, Mme Garriaud-Maylam, M. Bonhomme, Mme Imbert, MM. Meurant et Bascher, Mme Deroche, MM. Pierre, Saury, Laménie et Rapin, Mme A.M. Bertrand et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 351-1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les élèves accompagnés dans le cadre de ces dispositifs sont comptabilisés dans les effectifs scolarisés. » ;
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement, porté par ma collègue, Mme Bonfanti-Dossat, tend à préciser que la scolarisation inclusive des élèves en situation de handicap est une réalité et une vraie nécessité, qui demeure pourtant ignorée dans le calcul des effectifs d’une école.
Il peut ainsi apparaître inadéquat de développer l’école inclusive sans comptabiliser ces élèves dans les effectifs de leur classe. Alors que la politique de dédoublement des classes se généralise, donc les créations de postes, arguer d’un manque d’enseignants et de moyens peut interroger les familles, les enseignants et les élus.
Cet amendement tend donc à prendre en compte dans le calcul des effectifs d’une école les élèves en situation de handicap.
M. le président. L’amendement n° 144 rectifié bis, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant, quelle que soit leur unité d’accueil, sont comptabilisés dans les effectifs de l’établissement.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous proposons également que les enfants relevant d’une unité localisée pour l’inclusion scolaire, ou ULIS, soient comptabilisés dans les effectifs de l’école, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Monsieur le ministre, vous nous l’avez dit voilà quelques instants, certaines façons de procéder peuvent avoir des conséquences psychologiques redoutables. En voici une parfaite illustration : les parents de ces enfants qui ne sont pas comptabilisés dans les effectifs de l’école vivent très mal cette situation.
En outre, cette non-comptabilisation peut entraîner le retrait d’un poste, alors même qu’il s’agit de vrais enfants qui méritent d’être pris en compte.
Il ne me semble d’ailleurs pas déraisonnable de penser que l’accueil d’enfants en situation de handicap devrait s’accompagner d’une augmentation des moyens humains pour ces enfants comme pour l’ensemble des classes, et ce d’autant plus que les dispositifs dédiés aux élèves en difficulté – je ne pense pas seulement au handicap –, tels que les Rased, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou les dispositifs « plus de maîtres que de classes » s’étiolent et disparaissent. Il nous semble donc absolument indispensable de prendre en compte ces enfants.
J’ai même entendu, avec un peu d’effroi, des enseignants nous expliquer que, faute d’accompagnement suffisant, l’accueil des enfants en situation de handicap pouvait conduire à une certaine forme de maltraitance, ce qui met tous les personnels en grande difficulté, alors que tout le monde essaye de bien faire.
M. le président. L’amendement n° 230 rectifié ter, présenté par Mme Lamure, MM. Nougein, Houpert et Bouchet, Mme Eustache-Brinio, MM. Sol, Mouiller, D. Laurent et Daubresse, Mmes L. Darcos et Bruguière, MM. Mayet et Vaspart, Mmes Ramond et de Cidrac, M. Savin, Mme Morhet-Richaud, MM. Lefèvre et Husson, Mmes Procaccia et Di Folco, MM. Charon et Danesi, Mme Deromedi, M. B. Fournier, Mmes Lassarade, Dumas et Puissat, MM. Savary, Bascher, Milon et Reichardt, Mme Gruny, MM. Vogel, de Nicolaÿ, Perrin et Raison, Mmes Bories et Troendlé, MM. Buffet, Genest, Laménie, Kennel et Grosperrin, Mmes Garriaud-Maylam et Deseyne, M. Babary, Mme Imbert, MM. Forissier, Grand, Rapin et Gremillet et Mme Renaud-Garabedian, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Après le premier alinéa de l’article L. 351-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour tous les établissements d’enseignement élémentaire, le décompte total du nombre d’élèves accueillis tient compte des effectifs relevant de dispositifs de scolarisation adaptés, indistinctement des élèves scolarisés dans le cadre ordinaire. »
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Je voudrais également souligner l’engagement des collectivités en matière d’aménagement des classes adaptées pour l’accueil d’ULIS. Il me semble important de comptabiliser les élèves.
Je profite de cette discussion pour vous faire passer un message, monsieur le ministre : en raison du manque de moyens des collectivités, qui ne sont pas toujours certaines de pouvoir conserver des classes, les ULIS se retrouvent surchargées, puisqu’elles peuvent atteindre 15 ou 16 élèves, quand les rapports recommandent des classes de 12 élèves.
Si l’on veut conforter les collectivités dans la mise en place d’ULIS, notamment dans les zones les plus défavorisées ou dans les zones rurales, il me semble important d’assurer une vraie reconnaissance et de comptabiliser ces élèves.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Il me semble, monsieur le ministre, que vous avez demandé, via une circulaire, que ces élèves soient comptabilisés. Or, partout, les maires nous disent que ce n’est pas le cas. Je comprends donc les auteurs de ces amendements, qui veulent inscrire ce principe dans la loi pour traduire cette mesure dans la réalité.
La commission demande donc aux auteurs des amendements nos 144 rectifié bis et 230 rectifié ter de bien vouloir se rallier à l’amendement n° 74 rectifié bis, auquel elle est favorable, en retirant leurs propositions ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Comme vient de le souligner M. le rapporteur, nous avons demandé, lors de la dernière rentrée, que les élèves des ULIS soient comptabilisés. Ces amendements me semblent donc en partie satisfaits, puisque nous sommes en train de procéder à ce décompte.
J’entends des échos du terrain selon lesquels ce ne serait pas le cas. Peut-être fait-on référence à la situation antérieure, dans la mesure où il s’agit d’une disposition relativement récente. À mes yeux, il est évident que les élèves des ULIS doivent être comptabilisés à l’école primaire, au collège et au lycée, mais cela ne relève pas de la loi, même si je comprends votre volonté de rendre plus solennelle cette disposition.
En toute rigueur légistique, je devrais être défavorable à ces amendements, mais, sur le fond, j’y suis favorable. J’émets donc un avis de sagesse sur ces trois amendements. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Il est important de prendre en compte ces amendements.
Les chefs d’établissements et les rectorats ont besoin d’avoir une liste exhaustive des élèves de toutes les classes et des personnels de l’éducation nationale ou de toute personne se trouvant dans les établissements concernés, ne serait-ce que pour connaître les différents risques qui existent et mettre en œuvre les plans particuliers de mise en sécurité, les PPMS. Il n’y a pas à discuter sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je comprends à la fois l’avis du rapporteur et le sentiment du ministre. L’avis de sagesse est lui aussi une avancée !
Tout ne peut figurer dans la loi, mais il y a ici une dimension humaine importante. C’est pourquoi je suis cosignataire des amendements n° 74 rectifié bis et 230 rectifié ter.
Il faut prendre en compte les nombreuses inquiétudes légitimes des enseignants, des personnels des collectivités locales concernées, de la maternelle jusqu’à la terminale, et des familles. Cette dimension humaine est fondamentale.
Soutenir les enfants en situation de handicap est une avancée qui marque une forme de respect et de reconnaissance. Comme vous l’avez souligné, mes chers collègues, l’aide que nous pouvons apporter à ces collégiens et lycéens dépend entièrement des moyens humains que nous pouvons déployer.
Pour ces raisons, je soutiendrai ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre, dès lors que vous souhaitez renforcer l’école inclusive, il me semble évident qu’il faut comptabiliser les élèves en situation de handicap dans les effectifs. Je vous remercie donc de votre avis de sagesse. À titre personnel, je voterai ces amendements
Je tiens toutefois à souligner que nombre de ces élèves ne sont scolarisés que quelques jours, voire quelques heures par semaine, ce qui crée une situation très difficile.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Même si je ne suis jamais très prompte à me rallier à qui que ce soit, je réponds favorablement à l’invitation de notre rapporteur Max Brisson ! Je le fais d’autant plus sereinement après l’avis de sagesse émis par le Gouvernement.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 144 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Nous voterons également cet amendement. En effet, je ne puis imaginer que l’on ne comptabilise pas les élèves en situation de handicap. Lors des réunions avec les parents, cette situation est une violence terrible.
L’adoption de cet amendement permettra également d’aider M. le ministre à être encore mieux entendu par ses recteurs !
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je retire l’amendement n° 230 rectifié ter, au profit de l’amendement n° 74 rectifié bis, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 230 rectifié ter est retiré.
La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote sur l’amendement n° 74 rectifié bis.
Mme Colette Mélot. Nous voterons nous aussi l’amendement n° 74 rectifié bis. Il est bien évidemment nécessaire de décompter les élèves en situation de handicap.
M. le président. L’amendement n° 133, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Le deuxième alinéa est supprimé ;
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Je le répète, nous sommes extrêmement inquiets de la mutualisation, notamment celle qui est prévue au travers des PIAL. En effet, il sera difficile pour les AESH de déterminer les quotités d’accompagnement de chaque enfant qu’ils suivent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je puis comprendre que vous ayez des réticences en ce qui concerne les PIAL, qui sont une manière de mettre en œuvre la mutualisation.
Toutefois, au travers de cet amendement, vous vous opposez au principe même de la mutualisation. Or les professeurs eux-mêmes nous ont dit avoir besoin de cette mutualisation, un trop grand nombre d’accompagnants pouvant parfois leur poser problème. De même, les élèves en situation de handicap peuvent être gagnants dans cette mutualisation.
Il faut distinguer les modalités, sur lesquelles je puis comprendre vos réticences, du principe même de la mutualisation.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je pense qu’il y a un malentendu : la mutualisation existait déjà avant les PIAL.
Par ailleurs, on ne peut pas résumer les PIAL à la mutualisation. Les pôles inclusifs d’accompagnement localisés ont pour but premier de réfléchir, depuis l’établissement concerné, au meilleur service à apporter à l’élève, de manière beaucoup plus personnalisée. C’est alors qu’il convient de choisir entre aide individualisée ou mutualisée, en respectant les préconisations de la MDPH.
Supprimer la mutualisation, qui n’est pas un mal en soi, reviendrait à se priver d’un outil. Il serait tout à fait intéressant, sur le plan qualitatif, de ne pas considérer la mutualisation sous un aspect purement négatif et de ne pas assimiler les PIAL à la mutualisation, et réciproquement.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 132 est présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 278 rectifié est présenté par Mmes Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 453 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Guérini, Roux et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 132.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement, comme le précédent, vise à empêcher la généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL, introduite par ce projet de loi alors même que les expérimentations en cours n’ont donné lieu à aucune évaluation.
Le choix de généraliser les accompagnements mutualisés peut sembler compréhensible, puisqu’il permet aux accompagnants d’effectuer un nombre d’heures suffisant pour disposer de revenus décents – vous l’avez dit, monsieur le ministre.
Toutefois, pour quiconque a fait l’effort de se renseigner sur le sujet, il saute aux yeux qu’il s’agit d’une très mauvaise solution à un problème pourtant bien réel.
Outre que cette modalité d’accompagnement est très difficile à appliquer, notamment dans les zones rurales où les établissements sont trop éloignés, les mutualisations se traduisent, là où elles sont déjà mises en œuvre, par une dégradation très importante de la qualité de l’accompagnement.
Dans un contexte austéritaire où l’offre d’accompagnement est bien souvent inférieure aux besoins, les AESH se retrouvent à devoir arbitrer entre les élèves pour savoir à qui ils consacreront leurs heures, par exemple lorsque celles-ci se chevauchent dans les emplois du temps. La mutualisation conduit en fait, le plus souvent, à réduire le temps de suivi et à dégrader la prise en charge.
Quant à l’apport d’un tel mécanisme pour les accompagnants, si l’objectif est d’améliorer leur situation, force est de constater que le moyen est contre-productif. Partout où elle est déjà mise en place, la mutualisation mène à une dégradation des conditions de travail : les trajets entre établissements augmentent, et ne sont pas toujours remboursés, les pressions hiérarchiques, parfois contradictoires, se multiplient, etc.
Des solutions simples et efficaces pour donner aux AESH des conditions de travail décentes existent, par exemple la création d’un statut ou la prise en compte des heures de travail invisibles – nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure.
La mutualisation ne permet ni un meilleur accompagnement ni de meilleures conditions de travail pour les accompagnants. Son objectif est purement comptable : elle permet de rationaliser à l’envi l’accompagnement et de donner à sa gestion une orientation quantitative – il ne s’agit plus de partir des besoins, mais de se partager les moyens alloués dans un contexte de pénurie. Cette logique est aux antipodes de l’ambition de la loi de 2005.
Le sujet de l’école inclusive mérite mieux – nous sommes tous d’accord sur ce point. Ne nous satisfaisons pas de simples solutions comptables aux conséquences sur le terrain souvent désastreuses.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour présenter l’amendement n° 278 rectifié.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, je vous remercie des propos que vous avez tenus ; vraiment, on serait presque tenté d’y croire ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je tiens à rappeler que les amendements du Gouvernement visant à introduire dans le texte le chapitre sur l’école inclusive ont été déposés le jour même de la fin de la concertation, à savoir le 11 février 2019, une semaine après la discussion en séance d’une proposition de loi socialiste portant sur le même objet.
Le dispositif du Gouvernement était donc déjà rédigé au moment de la restitution de la concertation, alors même que certains sujets étaient loin de faire l’unanimité parmi les participants – la création des PIAL compte au nombre de ces sujets controversés.
En outre, l’expérimentation menée en 2018 dans trois territoires, me semble-t-il, n’a pas du tout été évaluée. Ces PIAL constitueront donc, à notre sens, un outil de gestion des AESH, ou plutôt, parfois, un outil de gestion de la pénurie d’AESH.
On peut réellement craindre que les élèves en situation de handicap ne soient pénalisés par une gestion rigoriste, trop économique, des AESH, et que l’aide individualisée ne soit réduite au profit d’une généralisation de l’aide mutualisée.
Nous avons rencontré des AESH ; ils nous ont indiqué qu’actuellement, un AESH est généralement affecté auprès de six élèves, soit dans deux établissements, soit dans plusieurs classes d’un même établissement, voire dans une seule classe d’un même établissement.
La gestion départementale par les PIAL accentuera ce phénomène : les besoins d’ajustement des moyens humains ne pourront plus être pris en compte ou seront mal pris en compte ; et les victimes en seront les enfants concernés.
Nous souhaitons donc supprimer ces PIAL, qui ne sont que des instruments de gestion comptable, non des outils en faveur d’une réelle politique de scolarisation.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 453 rectifié.
M. Joël Labbé. Moi aussi, monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos propos ; j’aurais tendance à vous croire, comme j’ai tendance à croire à votre honnêteté intellectuelle et à votre sincérité.
Cela dit, la création de ces PIAL n’a donné lieu à aucune étude d’impact, ni à aucun avis du Conseil d’État.
On peut également déplorer la situation des AESH – elle a été évoquée. Le mode de déploiement des PIAL au sein des écoles, notamment en milieu rural, n’a pas été précisé, alors que les temps de trajet entre plusieurs écoles risquent d’affecter l’accompagnement des élèves en situation de handicap et de renforcer la précarité des AESH.
M. le président. L’amendement n° 446 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Roux, Castelli, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mme Guillotin et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 12
1° Première phrase
Après les mots :
sont créés
insérer les mots :
en nombre adapté
2° Après la première phrase
insérer une phrase ainsi rédigée :
La mise en œuvre et la localisation de ces pôles font l’objet d’une concertation préalable entre les rectorats, les agences régionales de santé et les collectivités territoriales concernées.
3° Troisième phrase
Après les mots :
des professionnels de santé
insérer les mots :
, des professionnels de l’Éducation nationale formés à cet effet
4° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La définition de l’architecture de ces pôles est précisée par arrêté après concertation des différents acteurs concernés.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Mes chers collègues, comme vous le savez – cela a déjà été dit et répété –, les PIAL que la loi prévoit de généraliser ne sont en cours d’expérimentation que depuis la rentrée 2018. Nous aurions aimé avoir connaissance des évaluations avant toute généralisation.
Puisque, toutefois, la volonté politique de M. le ministre est ferme sur ce sujet, nous sommes amenés à vous proposer certaines améliorations et à soulever certaines interrogations.
L’objet de cet amendement est d’apporter certaines garanties à la mise en œuvre des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, car la mutualisation et le renforcement de la coordination doivent se faire en protégeant les droits des élèves en situation de handicap tout en encourageant la coopération entre les différents acteurs.
L’objectif est de transformer les PIAL, aujourd’hui simples instruments de gestion des ressources humaines, en véritables pôles ressource, dotés de moyens adaptés et organisant la coopération entre tous les acteurs, notamment les professionnels de l’éducation nationale formés à cet effet, le champ médico-social et les collectivités territoriales.
D’une part, cet amendement vise à préciser que les PIAL sont créés en nombre adapté dans chaque département. En fonction des caractéristiques du département, le nombre de PIAL requis pour couvrir tout le territoire serait susceptible de varier fortement. En outre, il faut veiller, lors de la création de ces PIAL, à ne pas allonger démesurément les temps de transport des AESH.
D’autre part, cet amendement tend à organiser la création des PIAL autour d’une coopération entre l’éducation nationale, le champ médico-social et les collectivités territoriales, afin que les choses se fassent dans un espace géographique pertinent. Une concertation obligatoire est donc prévue entre les différents acteurs – un tel chapitre manque un peu dans ce texte, je dois le dire.
Il s’agit par ailleurs d’associer les enseignants référents au suivi de la scolarité des élèves handicapés, afin de garantir au mieux la coordination.
M. le président. L’amendement n° 435 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Roux, Castelli et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Collin, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Gold, Mme Guillotin et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les élèves dans les situations de handicap liés aux troubles de la déficience mentale et à l’autisme sont exclus du dispositif des pôles inclusifs d’accompagnement localisés afin de garantir à ces élèves une stricte continuité de l’accompagnement. » ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement, dans la continuité du précédent, vise à exclure du dispositif des PIAL les élèves dont le handicap est lié aux troubles de la déficience mentale et à l’autisme, afin de garantir une stricte continuité de leur accompagnement, celui-ci devant être assuré par un seul et même AESH.
M. le président. L’amendement n° 495, présenté par M. Brisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 12, troisième phrase
Après les références :
2° et 3°
insérer les mots :
du I
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion.
M. Max Brisson, rapporteur. L’amendement n° 495 est un amendement de précision légistique.
S’agissant des amendements identiques nos 132, 278 rectifié et 453 rectifié, je commencerai par dire que nous avons beaucoup auditionné sur le sujet, mais aussi beaucoup débattu entre nous. Monsieur le ministre, je voudrais rapidement vous donner le point de vue de la commission, du moins de sa majorité.
Nous avons certes pu regretter – nous l’avons dit – l’inscription précipitée de ces pôles dans le projet de loi, à peine quelques mois après le lancement de l’expérimentation, et par voie d’amendement. Ce parcours explique la méfiance, et même, parfois, la défiance, ainsi que le caractère excessif de certains propos.
Nous avons essayé de nous abstraire de ce contexte, pour nous concentrer sur le fond, vu l’importance du sujet – il concerne des enfants qui ont droit à une scolarisation, comme les autres.
La commission a donc considéré – je pèse mes mots –, en sa majorité, que la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés constituait une évolution positive : elle devrait permettre de donner davantage de souplesse à un système qui en a besoin – la situation actuelle n’est plus tenable. Elle a aussi l’avantage d’impliquer l’ensemble des acteurs dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap.
Voilà pourquoi, au nom de la commission, j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques nos 132, 278 rectifié et 453 rectifié.
En ce qui concerne l’amendement n° 446 rectifié de Mme Laborde, la notion de « nombre adapté » est, de mon point de vue, trop floue pour être intégrée dans la loi. Les autres dispositions de l’amendement pourront probablement être satisfaites par l’organisation des PIAL envisagée par M. le ministre.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 435, également présenté par Mme Laborde, les PIAL sont un mode d’organisation qui permet de favoriser le travail collectif des professionnels et d’assurer une gestion plus souple et plus efficiente des accompagnants. Il n’y a pas de raison d’exclure a priori certains handicaps du champ des PIAL. Les élèves souffrant de déficience mentale ou d’autisme peuvent, tout autant que les autres élèves en situation de handicap, avoir besoin d’une aide mutualisée dans le cadre d’un PIAL.
Nous avons déjà eu ce débat en commission ; votre proposition y avait été rejetée, ma chère collègue. L’avis de la commission est donc de nouveau défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 132, 278 rectifié et 453 rectifié, je vais faire un exposé général sur les PIAL, dont vous avez déjà entendu l’essentiel dans mon exposé liminaire.
Je déplore que, à peine né, ce sigle fasse l’objet de tentatives de diabolisation, alors même qu’il y a là, avec les PIAL, les ferments d’un espoir très important. À tous ceux qui, aujourd’hui, sont déjà très critiques vis-à-vis du PIAL, je donne rendez-vous dans un, deux ou trois ans ; chacun devra assumer, alors, les positions qu’il aura prises ce soir sur ce sujet, quand le temps sera venu de constater qu’il y a là une amélioration qualitative dont les enfants, les familles et les AESH se réjouissent.
Tout un discours a été tenu pour dénigrer d’emblée une perspective qui, je le rappelle, est inspirée des meilleures pratiques internationales en la matière. Nous voulons sortir d’un système uniforme, vertical, qui a montré ses limites, pour construire un système de terrain, au service des élèves.
Tous les soupçons relatifs à notre prétendue volonté d’économiser des postes sont évidemment à écarter. Je rappelle que nous créons, à la rentrée prochaine, autour de 3 500 postes d’AESH – je parle de création nette, sans même évoquer les postes de substitution aux contrats aidés. Notre but n’est donc pas de faire des économies ; il est que les moyens que nous déployons soient réellement utiles aux élèves – il est important de le dire.
Les PIAL ont évidemment une utilité qui va très au-delà de l’enjeu de la mutualisation. Je ne répète pas ce que j’ai dit, mais je pense notamment – cela a été dit par M. le rapporteur – aux effets de réseau, qui sont extrêmement importants.
Ultérieurement, au cours de la discussion du projet de loi, nous parlerons de l’évaluation du système, qui signifie évaluation de chaque école, de chaque collège, de chaque lycée. Cette évaluation fera bien entendu toute sa place à l’enjeu de l’école inclusive. L’appréciation de ce qui se fait de bien dans chaque école, collège et lycée de France en matière de handicap sera donc systématisée.
La création de telles contagions positives à partir de ces pôles inclusifs est inhérente à la notion même de PIAL. L’effet de réseau doit être considérable, entre le collège et d’autres établissements scolaires de son environnement, mais aussi entre le collège et les instituts médico-sociaux. Je l’ai dit, et ce point est extrêmement important : nous évitons les effets de cloisonnement ou de « bulle » qui ont pu exister jusqu’à présent.
Gardons-nous de considérer que le remède miracle serait simplement d’affecter une personne à l’accompagnement d’un élève ; les choses sont beaucoup plus complexes que cela. Il y a, en la matière, beaucoup d’enjeux relevant du travail collectif, et c’est à cela que sert le PIAL.
Nous sommes totalement convaincus que le PIAL peut être un progrès considérable ; l’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les amendements identiques nos 132, 278 rectifié et 453 rectifié.
S’agissant des amendements présentés par Mme Laborde, je souscris à une grande partie des propos qu’elle a tenus, qui, d’une certaine façon, illustrent ce que je viens de dire, c’est-à-dire le besoin de disposer de toute une série d’éléments précis de caractérisation de la vie des PIAL, qui ne se résument pas aux modalités d’affectation des AESH. Je ne reviens pas sur tout ce que vous avez dit, madame la sénatrice, que je trouve très pertinent.
Simplement, on peut vous faire deux objections. Premièrement, votre proposition revient à inscrire dans la loi une rigidité non souhaitable ; deuxièmement, vous laissez de côté certaines améliorations.
Nous voulons, nous, une forte autonomie et une capacité de créativité des établissements. Pour le reste, s’agissant des motifs qui inspirent vos propos, je suis évidemment pleinement d’accord avec vous. J’émets donc, malgré tout, un avis défavorable sur l’amendement n° 446 rectifié.
Quant à votre autre amendement, madame la sénatrice, il vise à exclure des PIAL les élèves atteints de troubles de la déficience mentale ou d’autisme. Cette disposition me semble quelque peu « contaminée », si vous me permettez l’expression, par les problèmes que j’ai précédemment mentionnés. Autrement dit, si vous faites cette proposition, c’est parce que, pour vous, « PIAL » égale « mutualisation ». Or tel n’est pas le cas ! Dans les PIAL, il y aura aussi du suivi individuel, et les élèves qui ont besoin d’un tel suivi continueront bien entendu à en bénéficier.
J’émets donc également un avis défavorable sur l’amendement n° 435 rectifié.
Je serai moins disert sur l’amendement n° 495 de la commission : l’avis du Gouvernement est favorable.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Il y a là un sujet important, qui mérite que nous nous exprimions.
La création des PIAL s’est faite, cela a été dit, par le biais d’un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale ; elle n’a donné lieu à aucune étude d’impact, ni même n’a été soumise pour avis au Conseil d’État.
Vous nous avez donné rendez-vous, monsieur le ministre, dans un an ou deux, pour un état des lieux de ces PIAL. Mais l’expérimentation de ces pôles aurait mérité une évaluation avant qu’il ne soit procédé à sa généralisation !
Sur le fond, je crains que cette mesure ne nuise gravement à l’accompagnement des enfants en situation de handicap et n’améliore aucunement la situation des professionnels d’accompagnement. En cela, je partage l’inquiétude des familles et des collectifs d’AESH, ainsi que leur incompréhension. Comme eux, je crains que ces pôles soient généralisés uniquement pour permettre une mutualisation forcée des AESH.
Comprenez bien qu’il ne s’agit pas de s’opposer à l’idée de mutualiser les expertises ; néanmoins, nous savons d’expérience que nombre d’élèves en situation de handicap sont fragiles, vulnérables, et qu’ils ont besoin, à ce titre, d’une aide individualisée, qui s’inscrive dans la durée. Ces enfants doivent pouvoir être accompagnés par une personne qui leur donne confiance en eux, les sécurise et leur permette de grandir.
Or les PIAL, à notre sens, ouvrent la voie d’une mutualisation des AESH qui ne répond pas aux besoins spécifiques d’un accompagnement individualisé. Les retours d’expérience du terrain tendent à montrer que la mutualisation met en difficulté à la fois les enfants, qui ne bénéficient pas d’une aide suffisante, et les AESH, qui se retrouvent en responsabilité pour déterminer la quotité de temps à effectuer auprès de tel ou tel enfant.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 132, 278 rectifié et 453 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 105 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 99 |
Contre | 230 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Madame Laborde, l’amendement n° 446 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je vais le retirer, monsieur le président. Je fais confiance à M. le ministre et aux réponses qu’il m’a données.
En revanche, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, si nous utilisons le mot « mutualisation », c’est peut-être parce qu’il n’y en a pas d’autre ; et je vous ai d’ailleurs entendu le prononcer plusieurs fois…
Je retire donc l’amendement n° 446 rectifié, mais maintiens l’amendement n° 435 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 446 rectifié est retiré.
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote sur l’amendement n° 435 rectifié.
M. Philippe Mouiller. Je ne voterai pas cet amendement, bien que, sur le fond, je considère qu’il est important d’adopter un regard différencié sur les divers types de handicaps.
Je profite de cette discussion, monsieur le ministre, pour vous alerter sur la question de l’acceptabilité par les familles de la mise en place des PIAL. Vous avez entendu les débats ; aujourd’hui, nous vous faisons confiance dans la démarche que vous avez engagée. Il existe des situations spécifiques ; de ce point de vue, j’aimais beaucoup l’amendement qui vient d’être retiré par Mme Laborde – elle y abordait des sujets importants, certes en introduisant de la rigidité dans le texte.
Vous auriez tout intérêt, si ce n’est par la loi, en tout cas par des signes, à très rapidement garantir la quiétude des familles. L’acceptabilité fait partie des éléments qui compteront dans le succès ou l’échec de la mise en place des PIAL. Dans les familles qui sont touchées par le handicap, les dispositifs prévus pour les enfants concernés ne suffisent jamais : pour son enfant, on veut toujours mieux ; c’est humain et c’est compréhensible.
Il y a vraiment là, donc, un sujet extrêmement sensible. Il est essentiel de communiquer, non seulement oralement, mais par des actes tangibles, de façon à ce que les familles soient rapidement, et avant même la rentrée, rassurées sur la mise en place de ce type d’outils.
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 400, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Conformément à l’article L. 351-3 du code de l’éducation, la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, la CDAPH, est seule compétente pour notifier un accompagnement humain, individuel ou mutualisé. À tout moment de la scolarité de l’élève concerné, la CDAPH peut modifier l’accompagnement initialement notifié, qu’il soit individuel ou mutualisé.
En revanche, il n’est pas possible d’effectuer ce changement en moins de quinze jours, car les procédures de demande de modification auprès de la CDAPH ont des délais incompressibles de traitement, pour une démarche de qualité. Toute demande nécessite une évaluation de l’équipe pluridisciplinaire, une modification du PPS, le projet personnalisé de scolarisation, et une nouvelle notification émise par la CDAPH.
On peut donc tout à fait partager l’objectif de compresser les délais ; mais ce délai de quinze jours est impraticable si l’on souhaite que la démarche de prescription soit une démarche de qualité.
Je profite de cette intervention pour répondre à M. le sénateur Mouiller. Je souscris à l’essentiel de vos propos. En définitive, nous allons dans le même sens : nous avons besoin, maintenant, de rassurer, car les familles se sont parfois inquiétées des divers commentaires qu’elles ont pu entendre, commentaires qui ne venaient certes pas de moi.
Je ferai donc ce que vous souhaitez : un vade-mecum et une circulaire seront publiés. Certains éléments des amendements de Mme la sénatrice Laborde y seront repris, ce qui permettra d’expliquer par écrit en quoi le PIAL est utile dans la perspective de l’école inclusive, en quoi il représente un progrès pour les élèves et pour leurs familles. (Mmes Françoise Gatel et Jocelyne Guidez applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Monsieur le ministre, lorsque la commission a rédigé les deux alinéas que votre amendement vise à supprimer, elle l’a fait justement en réponse à l’inquiétude des familles dont vient de parler Philippe Mouiller.
Ces alinéas ont pour objet de permettre un retour à l’aide individuelle, mais un retour concerté, assorti d’un certain nombre de filtres, et non un retour automatique.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
S’il s’agit d’une simple question de délai, et à supposer que nous puissions nous entendre sur ce dernier, autrement dit si vous n’êtes pas opposés au principe d’un retour possible devant la CDAPH, un accord pourrait néanmoins être trouvé entre la Haute Assemblée et le Gouvernement. (Mme Céline Brulin et M. Pierre Ouzoulias approuvent.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Puisque je suis à l’origine de cette évolution, je veux y insister de nouveau, en complément de l’intervention de M. le rapporteur : certes, un délai de quinze jours est extrêmement court ; néanmoins, il ne s’agit pas d’une première demande, mais d’un réexamen. Les délais incompressibles dont vous avez parlé, monsieur le ministre, ne pèsent donc pas. La commission est réellement capable de réexaminer le dossier en quinze jours.
La situation visée est celle dans laquelle il s’agit de réévaluer l’adaptation d’un choix d’aide mutualisée aux caractéristiques de la personne concernée, ces dernières étant connues et la décision d’orientation initiale n’ayant pas levé tous les doutes.
Le délai est certes court, mais il permet surtout d’envoyer un signe important s’agissant de la nécessité d’un examen rapide. Les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, ont des systèmes de priorité en fonction desquels il est possible de les mobiliser.
On peut discuter du délai exact : quinze jours, un mois, je ne sais pas. Il y a là, en tout cas, un outil concret permettant de rassurer directement les familles, élaboré en concertation avec un certain nombre d’associations. Au travers de cette proposition, monsieur le ministre, la Haute Assemblée vous soumet un premier geste positif en direction des familles.
M. le président. L’amendement n° 140, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « y compris en dehors du temps scolaire » sont supprimés ;
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. La présente rédaction de l’article 5 quinquies tend à suggérer que, pour compléter le temps de travail partiel actuel des AESH, une convention soit signée entre l’État et les collectivités, afin que ces dernières puissent elles-mêmes recruter ces accompagnants, qui exerceraient alors hors temps scolaire.
Premier problème – ce point a été évoqué par mon collègue Guillaume Gontard –, le temps de travail des AESH n’est décompté que lorsque ceux-ci se trouvent en compagnie de l’élève ; or on pourrait considérer, comme pour tous les métiers de l’éducation, ou presque, que le temps de travail ne se limite pas au temps passé en face ou aux côtés d’un élève. Il faut tenir compte également d’un temps de travail « invisible », de préparation en particulier.
Deuxième problème, l’application d’un tel dispositif conduirait à un morcellement du temps de travail qui ne se traduirait par aucune « déprécarisation » de ce métier – on peut douter que le temps de travail qui serait ainsi consacré aux collectivités territoriales s’emboîte strictement dans le temps de travail relevant de l’éducation nationale.
Par ailleurs, est-ce vraiment une bonne idée que les enfants en situation de handicap – ce constat vaut pour tous les autres enfants – aient affaire aux mêmes adultes pendant le temps scolaire et hors temps scolaire ? Le temps de loisir a sa propre logique ; il n’est pas forcément opportun de confier son encadrement à des personnes associées à l’école.
Enfin, mes chers collègues, dans le contexte budgétaire qui est celui de la plupart de nos collectivités, je n’en connais pas beaucoup qui seraient prêtes à financer des AESH pour accompagner des enfants dans des activités extrascolaires !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. À l’école, en plus du temps scolaire, il y a le temps consacré à d’autres activités, sous l’égide des collectivités territoriales. Il est très important, parfois même plus que le temps scolaire.
En outre, l’emploi du temps partagé, grâce à un contrat avec la collectivité et l’éducation nationale, est un outil de lutte contre la précarité des AESH, en leur permettant de faire des services d’activité complets. Certaines collectivités ont déjà des AESH dans le temps qui n’est pas scolaire, mais qui fait souvent partie du temps de l’école au sens large pour les parents.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le Gouvernement émet un avis profondément défavorable sur cet amendement : la possibilité d’avoir de l’accompagnement en temps scolaire et en temps périscolaire me paraît doublement, voire triplement positive, pour les élèves comme pour les AESH.
Pour les AESH – je reprends l’angle que vous avez choisi, madame la sénatrice –, c’est une des modalités pour avoir un plein-temps. Bien entendu, rien n’est obligatoire. Il s’agit simplement d’un outil supplémentaire pour parvenir à un temps plein. Ni les AESH, ni la collectivité, ni l’éducation nationale ne sont obligés de recourir au dispositif ; mais ils pourront choisir ensemble d’avoir un temps plein de cette manière. Ce sera donc bénéfique pour tout le monde.
Ce le sera encore plus pour l’enfant. En effet, l’un des problèmes qui est le plus souvent signalé est celui du morcellement.
D’une part, du fait de la précarité des contrats aidés qui existait auparavant, l’accompagnant changeait souvent, ce qui était très difficile d’un point de vue affectif pour l’enfant, la famille et le professionnel. Nous y remédions avec le contrat de trois ans et la « CDIsation ».
D’autre part, il y a un morcellement dans le temps de la semaine : des élèves ayant des activités périscolaires ne bénéficient parfois pas d’un accueil pour handicapés dans ce cadre. Nous offrons la possibilité – il appartiendra à la collectivité, à l’élève et à l’accompagnant de l’utiliser ou non – que l’AESH soit en continu pour l’enfant, y compris dans les activités périscolaires. C’est potentiellement très positif.
Le dispositif n’étant pas contraignant, je ne vois aucune raison de s’y opposer. Il s’agit simplement d’un outil qualitatif en plus.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. L’alinéa 24 de l’article 5 quinquies est lié à un amendement que j’avais déposé en commission, pour répondre à la demande de collectivités confrontées au problème de la prise en charge des enfants en situation de handicap hors du temps scolaire, notamment lors de la pause méridienne.
Les collectivités souhaitent vraiment pouvoir partager le temps des AESH entre le moment où ceux-ci s’occupent des enfants à l’école et celui où ils les emmènent manger à la cantine ou faire des activités périscolaires.
Le dispositif permettra de faire plus facilement des emplois du temps « normaux » pour les AESH. Il est évident que cela les « déprécarisera ». C’est du bon sens !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Comme cela vient d’être souligné, il s’agit d’une demande des collectivités ; je puis en témoigner. C’était également une demande des parents. Nous y avons été confrontés les deux dernières années dans le cadre de la mise en place des rythmes scolaires.
Des activités étaient proposées aux enfants, et nombre de parents se sont émus que leur enfant en situation de handicap ne puisse pas participer à un atelier s’il n’était pas accompagné par l’AESH. D’ailleurs, beaucoup de collectivités avaient demandé à pouvoir prendre le relais pour recruter des AESH dans un temps complémentaire ces AESH pour que l’enfant puisse participer aux activités proposées.
Par parallélisme, le dispositif envisagé peut s’appliquer pour le temps méridien – cela a été souligné – ou pour du temps de garderie. Certains enfants ont besoin de conserver leur accompagnant pour participer aux activités, faute de quoi ils en seraient de fait exclus.
Je pense donc qu’il s’agit d’une mesure tout à fait positive et d’une démarche qu’il faut encourager.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. L’amendement que nous examinons et les interventions qu’il a suscitées montrent bien que le présent projet de loi ne traite pas pleinement du statut des AESH.
On propose des compléments de contrat, des compléments horaires et, finalement, une multiplicité d’employeurs : pendant le temps scolaire, la personne est employée par l’éducation nationale ; hors temps scolaire, elle l’est par la collectivité locale.
Face à un tel flou, à une telle insécurité et à une telle précarité, il aurait fallu apporter plus de précisions aux accompagnants, qui, cela a été rappelé, sont indispensables aux enfants en situation de handicap. Il faudrait sécuriser leur statut et leur dispenser une véritable formation. Une école de la confiance ne peut en effet se concevoir avec des AESH en situation de précarité.
Ce dont ces professionnels ont besoin, ce ne sont pas de CDD de trois ans renouvelables ; ce sont de CDI à temps plein, de rémunérations décentes, d’une vraie formation diplômante et de perspectives de carrières attractives.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. M. le ministre souhaite rendre l’école plus inclusive. Je voudrais donc saluer le travail des collectivités locales à cet égard. On ne souligne pas suffisamment, me semble-t-il, le rôle fondamental qu’elles jouent. Avant même la mise en place des mesures relatives aux accompagnants, beaucoup d’entre elles avaient déjà fait le choix de financer des compléments, pour permettre la prise de repas par l’enfant ou sa participation aux activités.
Néanmoins, ne masquons pas la réalité. Dans la période actuelle, les collectivités sont confrontées à la décision qui a été prise de limiter leurs capacités à investir et à fonctionner. Faisons l’addition : les collectivités doivent financer cette nouvelle dépense, que je ne conteste pas sur le fond – c’est une bonne mesure –, et assumer le coût de la scolarité obligatoire dès 3 ans, ce qui est source de contraintes supplémentaires, en particulier dans les villes où il y a des établissements privés.
Je le dis au Gouvernement : il n’est pas le seul à avoir des contraintes ; les collectivités en ont également pour assurer le vivre ensemble.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 44 amendements ; il en reste 206. (Exclamations.)
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Candidature à une délégation sénatoriale
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
7
Pour une école de la confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre IV du titre Ier, l’examen des amendements à l’article 5 quinquies.
TITRE Ier (suite)
GARANTIR LES SAVOIRS FONDAMENTAUX POUR TOUS
Chapitre IV (suite)
Le renforcement de l’école inclusive
Article 5 quinquies (suite)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 137 rectifié est présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 454 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Cabanel, Corbisez, Dantec, Guérini et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Après le mot : « l’État », la fin du premier alinéa est supprimée ;
II. – Alinéa 24
Rédiger ainsi cet alinéa :
aa) Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés ;
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 137 rectifié.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à faire preuve de cohérence avec notre volonté de créer un véritable statut des accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, à répondre aux difficultés de ces professionnels et à prendre en compte les charges pesant sur les directeurs d’établissement scolaire.
Tout d’abord, de même que nous nous opposons au recrutement direct des enseignants, il nous semble essentiel de garder un cadre national des affectations en matière d’AESH.
En effet, cette pratique participe à la dynamique visant à appliquer dans le service public, par ailleurs régalien, les mêmes logiques managériales et gestionnaires que dans le secteur privé. La situation actuelle tend à faire des écoles et des établissements du secondaire des unités totalement indépendantes, et non des maillons du système plus global que devrait être l’éducation nationale.
Ensuite, un tel recrutement met les AESH directement sous la responsabilité et les ordres des directeurs d’établissement. De fait, cela conduit à empêcher une uniformisation de leurs conditions de travail, notamment en matière d’accès aux réunions pédagogiques et de tâches dévolues à ces accompagnants.
Comme le signalent depuis plusieurs années les professionnels du secteur, certaines académies et certains établissements ont tendance à user de leur pouvoir hiérarchique pour imposer aux AESH des tâches qui ne devraient pas les concerner. Je pense notamment à la pratique d’actes médicaux ou paramédicaux, à l’accompagnement sur du temps périscolaire et extrascolaire, voire à la transformation des AESH en véritables assistants des enseignants. En parallèle, selon leur employeur, ces professionnels peuvent se voir autoriser ou refuser l’accès à des réunions pourtant essentielles à leur activité.
Enfin, il faut bien le rappeler, les directeurs d’établissement ont déjà suffisamment de tâches pour ne pas avoir à gérer en plus le recrutement des AESH. C’est d’autant plus vrai que l’argument parfois avancé par le ministère laisse dubitatif.
Ainsi, les directions d’établissement seraient les plus à même d’évaluer les besoins d’accompagnement des élèves de leur établissement. Sauf à considérer que les directeurs sont tous des experts de la sensibilisation et de l’accompagnement du handicap, on voit mal comment ces derniers pourraient être plus qualifiés et compétents que les spécialistes des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 454 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à supprimer le recrutement direct des AESH par les établissements et les collectivités locales qui les recrutent pour des missions en dehors du temps scolaire.
D’une part, le recrutement unique par l’État permettrait d’établir une circulaire de cadrage aux rectorats, harmonisant l’ensemble des conditions de travail des AESH, notamment s’agissant du temps de travail.
D’autre part, d’après les informations qui nous sont remontées, le recrutement par les collectivités, pour participer aux activités complémentaires prévues à l’article L. 216-1 ou aux activités organisées en dehors du temps scolaire dans les écoles et les établissements d’enseignement, n’apparaît pas satisfaisant pour le développement de l’autonomie des élèves handicapés en contact avec le même AESH pendant le temps scolaire et en dehors pour d’autres activités.
Monsieur le ministre, vous avez avancé des arguments qui n’allaient pas en ce sens. Mais je tiens à faire part des retours que nous avons eus.
M. le président. L’amendement n° 142, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Leur affectation prend en compte leurs vœux et les situations particulières qu’ils pourraient notifier. » ;
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement a également pour objet les conditions de travail et, plus précisément, d’affectation des AESH.
Comme vous l’avez vous-même fort justement rappelé, monsieur le ministre, il y a un besoin de continuité dans un certain nombre d’accompagnements. Le turnover n’est bénéfique ni pour les enfants ni pour les AESH. D’une part, il y a besoin de nouer des liens de confiance et de connaissance. D’autre part, les AESH se spécialisent dans certaines formes de handicaps.
J’ai bien conscience qu’un tel dispositif n’a pas forcément sa place dans le présent projet de loi. Je reconnais volontiers que la manière dont nous procédons relève un peu du bricolage. À mon sens, ces mesures auraient leur place dans le projet de réforme de la fonction publique que l’Assemblée nationale examine actuellement. Il y a besoin de créer un nouveau métier de l’éducation ; à nos yeux, cela pourrait être dans la fonction publique.
Ce que nous faisons n’est pas satisfaisant. Il faut peut-être ouvrir ce chantier et ajouter un nouveau chapitre dans la réforme de la fonction publique, afin de créer et de sécuriser un statut qui aurait été travaillé en bonne intelligence. Ce serait, me semble-t-il, une manière plus satisfaisante de procéder.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Le recrutement direct des AESH par les établissements du second degré, que les amendements identiques nos 137 rectifié et 454 rectifié visent à supprimer, permet d’organiser les procédures de recrutement au plus près des besoins recensés par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, la CDAPH. Afin de rassurer les auteurs de ces amendements, je rappelle que l’accord du directeur académique des services de l’éducation nationale, le Dasen, est requis dans ce cas.
Par ailleurs, l’adoption de ces deux amendements empêcherait les établissements privés sous contrat de recruter des AESH, ce qui serait très préjudiciable à leurs élèves.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 137 rectifié et 454 rectifié.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 142, qui est déjà largement satisfait : l’affectation tient compte des vœux des AESH.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. L’avis est également défavorable, pour les raisons qui ont été avancées par M. le rapporteur et au regard de ce que j’ai indiqué précédemment.
Il me paraît important de garder de la souplesse, dans l’intérêt de tout le monde, y compris des ASH.
Ce à quoi on peut le plus comparer le contrat d’un AESH, ce sont les contrats des assistants d’éducation, marqués par une liberté de recrutement par le chef d’établissement ou par le rectorat. Dans certains cas, il est plus pratique que cela relève du chef d’établissement ; dans d’autres, lorsque le chef d’établissement n’est, par exemple, pas en situation de trouver un candidat, il s’appuie sur le rectorat.
Nous enverrons au mois de juin prochain une circulaire qui cadrera l’exercice. Elle donnera le cadre de gestion des AESH, pour aller dans le sens que j’ai indiqué : une gestion des ressources humaines des AESH ressemblant le plus possible à celle du reste des personnels de l’éducation nationale.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 137 rectifié et 454 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 90 rectifié ter, présenté par Mme L. Darcos, MM. Mouiller et Dallier, Mme Primas, M. Cambon, Mme Estrosi Sassone, MM. Paccaud, Grosperrin, Piednoir et Rapin, Mme Billon, M. Babary, Mmes A.M. Bertrand et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnecarrère, Mmes Bories, Boulay-Espéronnier, Bruguière, Canayer et Chain-Larché, MM. Charon et Darnaud, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi et Deseyne, MM. Détraigne et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, M. Gremillet, Mme Gruny, M. Guené, Mme Guidez, MM. Henno, Houpert, Huré, Husson, Janssens et Laménie, Mme Lamure, MM. Lefèvre et Longeot, Mme Malet, MM. Mandelli, Pierre, Reichardt, Savary, Savin, Schmitz, Segouin et Sido, Mme Thomas, M. Vogel et Mme Vullien, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le cinquième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Leur formation professionnelle continue est fixée conformément à un référentiel national et adaptée à la diversité des situations des élèves accueillis dans les écoles et établissements d’enseignement. Un arrêté des ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur précise le cahier des charges des contenus de la formation continue spécifique concernant la prise en charge des enfants en situation de handicap. » ;
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Les AESH sont recrutés parmi les candidats titulaires du diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social, diplôme de niveau V, dont la création est relativement récente, voire sans condition de diplôme dès lors qu’ils justifient d’une expérience professionnelle d’au moins neuf mois dans les domaines de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, des élèves en situation de handicap ou des étudiants en situation de handicap. Ils sont membres à part entière de l’équipe éducative.
Comme le souligne le rapporteur, le nombre d’élèves scolarisés en situation de handicap a presque doublé entre 2004 et 2017, pour atteindre 391 000.
Cette augmentation, due, entre autres, à l’élargissement du champ de la définition du handicap à des publics nouveaux, à un meilleur repérage des troubles, à des changements dans l’acceptation d’enfants handicapés qui peuvent être pris en charge ou encore à la progression de la poursuite d’études en milieu ordinaire dans le second degré, est intégralement réalisée en milieu ordinaire.
Alors que la demande de suivi individuel ou mutualisé des élèves handicapés explose et que le milieu scolaire ordinaire accueille une plus grande diversité de handicaps, le besoin de formations adaptées se révèle particulièrement aigu, de l’avis même des accompagnants, qui jugent indispensable un renforcement de leur professionnalisation.
Le présent amendement tend à faire droit à cette demande.
Si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 91 rectifié ter.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 91 rectifié ter, présenté par Mme L. Darcos, MM. Mouiller et Dallier, Mme Primas, M. Cambon, Mme Estrosi Sassone, MM. Paccaud, Grosperrin, Piednoir et Rapin, Mme Billon, M. Babary, Mmes A.M. Bertrand et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnecarrère, Mmes Bories, Boulay-Espéronnier, Bruguière et Chain-Larché, MM. Charon, Courtial et Darnaud, Mmes Delmont-Koropoulis et Deromedi, MM. Détraigne et B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Giudicelli, M. Gremillet, Mme Gruny, M. Guené, Mme Guidez, MM. Henno, Houpert, Huré, Husson, Janssens, Lafon et Laménie, Mme Lamure, MM. Lefèvre et Longeot, Mme Malet, MM. Mandelli, Pierre, Savary, Savin, Schmitz, Segouin et Sido, Mme Thomas, M. Vogel et Mme Vullien, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 24
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les accompagnants des élèves en situation de handicap peuvent se présenter aux épreuves du concours interne de recrutement de conseillers principaux d’éducation après trois années d’exercice professionnel révolues. Un décret fixe les conditions d’application du présent alinéa. » ;
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Laure Darcos. Cet amendement, auquel j’ai fait référence lorsque j’ai pris la parole sur l’article 5 quinquies, a pour objet d’ouvrir des perspectives d’évolution professionnelle pour les AESH en leur permettant de se présenter aux épreuves du concours interne de recrutement de conseillers principaux d’éducation, ou CPE.
J’estime en effet qu’il s’agit de la même forme d’encadrement des élèves. Cela pourrait constituer une perspective pour les professionnels, si ces derniers décidaient au bout de quelques années de changer d’activité tout en restant dans le monde de l’éducation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. L’amendement n° 90 rectifié ter tend à préciser que la formation continue des AESH fait l’objet d’un référentiel national et qu’elle est adaptée à tous les types de handicaps. De telles précisions sont utiles.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
En revanche, je ne suis pas favorable à l’amendement n° 91 rectifié ter. Actuellement, pour se présenter au concours interne de CPE, les AESH doivent justifier d’un diplôme de niveau licence. La commission ne souhaite pas la suppression de cette condition.
Toutefois, ma chère collègue, vous soulevez une vraie question : celle des perspectives d’évolution professionnelle des AESH. Hormis les fonctions d’AESH référents, que nous créons dans le projet de loi, les perspectives d’évolution professionnelle restent entières.
Je considère votre amendement comme un amendement d’appel. Je vous suggère donc de le retirer, faute de quoi je serais obligé d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je pense que les dispositions de l’amendement n° 90 rectifié ter vont dans le bon sens. Comme je l’ai indiqué, nous avons l’intention de faire une formation continue riche et structurée. On peut en effet le fixer par arrêté et inscrire dans la loi le principe que cela se fixe par arrêté. Je pense que c’est un progrès et que c’est de nature à rassurer les AESH et l’ensemble des acteurs.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
En revanche, à l’instar de M. le rapporteur, je ne suis pas favorable à l’amendement n° 91 rectifié ter. Certes, je partage l’esprit de ce qui est proposé. Nous allons en effet faire le maximum pour ouvrir des perspectives de carrière aux AESH. C’est d’ailleurs l’un des objets du dialogue social qui a lieu en ce moment même et qui va se déployer au cours des prochains mois. Mais il n’est pas nécessaire de passer par la loi.
Je considère donc également cet amendement comme un amendement d’appel, et j’en sollicite le retrait, sachant que la préoccupation soulevée par Mme Darcos sera prise en compte sur le fond.
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 91 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 91 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 90 rectifié ter.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 279 rectifié, présenté par Mmes Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 27
Supprimer les mots :
un ou
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Les représentants des AESH que nous avons rencontrés nous ont fait part de leurs craintes quant à la formulation de l’alinéa 27 de l’article 5 quinquies, aux termes de laquelle le Dasen désignera un ou plusieurs référents des AESH par département.
Compte tenu des impératifs budgétaires et, sans doute, de la pénurie des moyens, nous craignons fort qu’« un ou plusieurs » ne se transforme en « un seul » dans certains départements.
Le rôle du référent AESH départemental est essentiel pour ses collègues, notamment pour ceux qui sont inexpérimentés. Les référents bénéficient d’une décharge pour accueillir et conseiller les nouveaux AESH. À Paris, il existe même des tuteurs depuis 2008.
Au regard des conditions difficiles d’exercice des AESH et de la diversité des handicaps des enfants que ces professionnels accompagnent, la mission du référent est loin d’être simple. Elle requiert une certaine forme de professionnalisme.
De l’aveu des référents, en dehors de Paris et des grandes métropoles, où la ville se confond avec le département et où l’on peut relier rapidement un établissement à un autre grâce aux transports en commun, il sera impossible pour un seul AESH de réaliser sa mission de maillage départemental de manière satisfaisante en devant sillonner des centaines de kilomètres dans une même journée, souvent en l’absence transports rapides, voire de transports tout court.
Dans les départements ruraux comme le mien – le Lot –, il n’y a pas de transports en commun. Les référents devront forcément utiliser leur voiture et emprunter des routes départementales, certes pleines de charme, mais obligeant à parcourir de grandes distances, avec des temps de trajet assez importants.
La plupart des départements ont une superficie quasi identique, même si les densités de population sont très variables, notamment dans les départements ruraux. Je pense qu’il faut en tenir compte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Il ne fait aucun doute qu’il y aura plusieurs AESH référents dans l’immense majorité des départements. La commission ne souhaite pas s’enfermer dans une logique quantitative.
Par ailleurs, plus que leur nombre, ce seront certainement les qualités, l’expérience et la formation des AESH référents qui seront déterminantes pour la réussite de leur mission.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Notons au passage le progrès que représente la création des AESH référents dans le présent projet de loi. Il faut tout de même le souligner, d’autant que l’on a parfois tendance à ne voir que les éventuelles insuffisances des différentes dispositions…
En outre, par pragmatisme, je rejoins les arguments du rapporteur. Nous ne devons certainement pas créer de rigidités.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié quater, présenté par M. Mouiller, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Sol, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Daubresse, Mme de la Provôté, M. Morisset, Mme Malet, M. Vogel, Mme Puissat, MM. Kern et Guerriau, Mmes Bories, Noël, Raimond-Pavero et Deseyne, M. Segouin, Mme de Cidrac, M. Forissier, Mme Lassarade, M. Frassa, Mme Richer, M. Priou, Mme Lanfranchi Dorgal, M. B. Fournier, Mme Lavarde, M. Vaspart, Mme Bruguière, M. Nougein, Mmes Billon et Chauvin, MM. Canevet et Piednoir, Mmes M. Mercier, Ramond, Micouleau et Thomas, MM. Lefèvre, Bazin, Adnot, de Nicolaÿ et Charon, Mme Dumas, MM. Laménie, Perrin et Raison, Mmes Estrosi Sassone et Garriaud-Maylam, MM. Moga, Le Gleut, Revet, Decool, Chasseing et Détraigne, Mme Guidez, MM. Duplomb et Mayet, Mme Lherbier, MM. Grosperrin, Babary et Bonhomme, Mme Doineau, M. Capus, Mme Deroche, MM. Gilles et Meurant, Mme Canayer, MM. Pellevat, L. Hervé et Gremillet, Mme Renaud-Garabedian et M. Bouloux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 917-1, il est inséré un article L. 917-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 917-1-…. – Pour chaque département, un établissement mentionné à l’article L. 421-1, nommé établissement mutualisateur de paye, peut mettre en place un groupement de services pour l’exécution financière des opérations de paye ainsi que le suivi de toutes les opérations annexes liées à la rémunération des personnels recrutés le cas échéant par les établissements employeurs par un contrat de droit public d’accompagnant d’élèves en situation de handicap.
« L’établissement mutualisateur de paye définit par convention avec le ou les établissements employeurs, dans des conditions définies par décret, les modalités de transmission des informations nécessaires aux missions mentionnées au premier alinéa du présent article.
« Dans le cas où un accompagnant d’élèves en situation de handicap est employé par plusieurs établissements relevant de départements différents au sein d’une même région, une convention peut être établie entre plusieurs établissements mutualisateurs de paye afin que seul l’un d’entre eux prenne en charge les missions mentionnées au même premier alinéa. »
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Nous avons évoqué les difficultés des AESH, notamment lorsqu’ils ont plusieurs employeurs pour suivre plusieurs enfants en situation de handicap. Plusieurs employeurs, cela signifie plusieurs contrats de travail, donc plusieurs feuilles de paie.
Cet amendement vise donc à permettre une mutualisation, afin de n’avoir qu’une seule feuille de paie.
Certes, c’est un amendement technique. Une telle opération existe déjà ; par convention, la mutualisation est possible dans certaines situations. Mais il y a un problème de sécurisation juridique. L’idée est donc de généraliser cette possibilité à l’ensemble du territoire.
Il existe également un aspect purement psychologique : vous le savez, certaines feuilles de paie d’AESH s’élèvent à moins de 200 euros. Nous l’avons vu sur internet, beaucoup d’AESH sont employés par plusieurs structures. Sans parler du débat autour du prélèvement à la source, car certaines de ces personnes sont amenées à payer des impôts, ce qui pose des problèmes avec plusieurs fiches de paie.
Il existe enfin un débat autour de l’efficience et du coût. Même, si par convention, tout cela peut se faire de façon ponctuelle, il est nécessaire aujourd’hui de l’inscrire dans la loi comme un outil généralisable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez vous-même reconnu que cet amendement était satisfait, puisque la pratique existe déjà. En particulier, les dispositions que la commission a adoptées à l’article L. 917-1 du code de l’éducation, et qui permettent le recrutement commun d’AESH, me semblent de nature à satisfaire l’amendement, puisque de facto elles devraient conduire à la mutualisation des paies.
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
J’ajoute que je présenterai un amendement visant à compléter l’article L. 421-16 du code de l’éducation, afin de préciser que l’organisation de la mutualisation des opérations de liquidation de la paie assurée par les établissements publics locaux d’enseignement, les EPLE, relève de la compétence de l’État. Un décret en Conseil d’État en confiera l’exercice aux recteurs d’académie. Cette organisation de la gestion doit concourir à la sécurisation de la paie des agents concernés.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je retire l’amendement, monsieur le président, non en raison des arguments de M. le rapporteur, mais eu égard aux explications de M. le ministre.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 242 rectifié, présenté par Mme Jasmin, M. Antiste, Mme Rossignol, MM. Lurel et Daudigny, Mme Conway-Mouret, M. Jacquin, Mme Conconne, M. Temal, Mme Grelet-Certenais et MM. P. Joly, Vaugrenard, Dagbert et M. Bourquin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – Dans chaque académie, un plan d’actions territoriales en faveur de l’école inclusive est défini, par le directeur académique des services de l’éducation nationale, en liaison avec les enseignants référents, les représentants des parents d’élèves, les collectivités territoriales de rattachement et tous les acteurs concernés par la scolarisation de l’enfant, l’adolescent, l’adulte en situation de handicap.
…. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement est simple : il vise à maîtriser les dépenses et à mettre l’accent sur l’efficience.
Nous avons beaucoup parlé des AESH, mais ici il s’agit de flécher des budgets au sein des collectivités et des établissements pour apporter des moyens supplémentaires aux élèves et aux parents en fonction du handicap. Je me suis inspirée de la charte Romain Jacob, mais aussi de l’association Bébian un autre monde, qui œuvre pour les personnes sourdes et malentendantes.
Monsieur le ministre, vous avez demandé que les élèves n’aient plus de portables dans les établissements scolaires. Toutefois, il existe des logiciels pour les malentendants : ils pourraient bénéficier d’une tablette de traduction, afin de passer de l’oral à l’écrit. Il s’agit de flécher les moyens pour offrir à ces enfants une possibilité de communiquer.
Par ailleurs, nombre de parents d’élèves sont malentendants. Je pense, par exemple, aux parents de la première dauphine de Miss France, qui a eu la chance de réussir. Tous les parents doivent pouvoir s’impliquer dans la scolarité de leurs enfants. Il serait donc souhaitable que le chef d’établissement ait la possibilité d’offrir une traduction simultanée en langue des signes.
Voilà pourquoi je souhaite flécher les budgets en fonction des situations. Il est important que tous les parents et tous les enfants puissent bénéficier de la même égalité des chances.
Ici, il s’agit non pas de moyens supplémentaires pour les AESH, mais de moyens pour permettre ponctuellement, de façon efficience, conformément à la charte Romain Jacob, mais aussi aux recommandations de France Assos Santé et de l’association Bébian un autre monde, de prendre en compte les besoins réels. Il s’agit non pas de dépenser dans le vide, mais d’investir dans des actions explicites, claires et précises.
Par ailleurs, les budgets nécessaires ne sont pas importants, car il s’agit de satisfaire des demandes ponctuelles. L’important, à mon sens, est de pouvoir prévoir ce type d’actions, car les établissements n’ont pas forcément les moyens financiers, tout comme les collectivités. En revanche, en fléchant par avance les moyens, il devient possible de dégager des marges de manœuvre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer des plans d’action en faveur de l’école inclusive dans chaque académie. La commission y est défavorable, car il est satisfait. Les académies développent déjà de tels plans d’action pour les élèves à besoins particuliers. Je peux ainsi citer celui de l’académie de Lille, qui couvre la période 2018-2021.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 quinquies, modifié.
(L’article 5 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 quinquies
M. le président. L’amendement n° 239, présenté par M. Malhuret, Mme Mélot et MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, A. Marc et Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 5 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’acquisition du socle commun est progressive. Pour les élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières, au sens du troisième alinéa de l’article L. 321-4, et bénéficiant d’aménagements appropriés, le renforcement de l’exigence du socle commun s’accompagne de mesures permettant d’adapter la scolarité des élèves à leurs besoins éducatifs particuliers. »
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Le code de l’éducation prévoit que les élèves intellectuellement précoces bénéficient d’aménagements particuliers, afin de favoriser leur intégration et leur réussite scolaire.
Cet amendement vise à favoriser la réussite scolaire des enfants à haut potentiel, en précisant que l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences s’accompagne de mesures permettant à la communauté éducative d’adapter la scolarité des élèves intellectuelles précoces à leurs besoins éducatifs particuliers.
Comme le mentionne la « mission flash » sur la prise en charge à l’école de la précocité et des troubles associés, il s’agit de généraliser les initiatives vertueuses prises par certains établissements scolaires pour adapter la scolarité des enfants précoces en difficulté. Ces mesures d’inclusion scolaire constituent une solution de substitution à la déscolarisation et un levier d’action contre l’échec scolaire, échec qui concerne encore un enfant surdoué sur trois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l’acquisition du socle est progressive et que des mesures peuvent être prises pour adapter la scolarité des enfants intellectuellement précoces.
Certains établissements adaptent déjà la scolarité d’enfants intellectuellement précoces qui sont en difficulté. De telles mesures sont déjà possibles sans texte de loi. Cet amendement étant satisfait, la commission en demande le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Cet amendement extrêmement intéressant sur le fond tend à renvoyer à un sujet trop peu identifié dans le passé, mais qui l’est beaucoup plus aujourd’hui en raison de sa consécration dans le code de l’éducation.
Nous nous sommes très fortement engagés dans la mise en œuvre des dispositions de ce code, qui sont de nature à satisfaire votre demande. Je pense à l’animation du réseau des référents élèves à haut potentiel, ou EHP. Nous relancerons tout cela à la rentrée scolaire prochaine, afin que les académies diversifient leurs réponses.
Par ailleurs, nous soutiendrons l’ensemble des établissements pour qu’ils engagent les actions de formation nécessaires et mettent en œuvre la personnalisation du parcours des élèves.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, une proportion importante d’élèves à haut potentiel se retrouve en échec scolaire en raison du manque de personnalisation des parcours. Je suis donc tout à fait d’accord avec vous, monsieur le sénateur.
Toutefois, comme l’a rappelé M. le rapporteur, le code de l’éducation actuel constitue une base suffisante pour mener de telles actions. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Malhuret, l’amendement n° 239 est-il maintenu ?
M. Claude Malhuret. Si l’amendement est satisfait, je ne puis que l’être aussi ! (Sourires.)
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 239 est retiré.
L’amendement n° 207 rectifié bis, présenté par Mme Berthet, MM. Bonhomme et Charon, Mmes Deromedi, Delmont-Koropoulis et Lamure, MM. H. Leroy, Laménie et Pierre, Mmes Gruny, Garriaud-Maylam et A.M. Bertrand et MM. Gremillet, Pellevat et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 5 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’issue de la première année scolaire à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement fait un état des lieux des besoins en personnels accompagnant les élèves en situation de handicap tout en envisageant les évolutions possibles de leur statut et de leur formation.
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Il s’agit d’une initiative de notre collègue Martine Berthet.
Cet amendement vise, à l’issue de la première année scolaire à compter de la publication de la présente loi, à faire un état des lieux des besoins en personnels accompagnant les élèves en situation de handicap. Il faudra également envisager les évolutions possibles de leur statut et de leur formation. En effet, notre système scolaire ne dispose pas de suffisamment de personnel pour encadrer les 320 000 élèves en situation de handicap.
Or, pour une école inclusive et l’épanouissement scolaire des enfants en situation de handicap, le rôle de ces auxiliaires de vie scolaire est indispensable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Il s’agit de demander un rapport. J’ai refusé toutes les demandes de rapports venant de la gauche de l’hémicycle. Je me dois donc de m’opposer également aux demandes de rapports émanant de la droite de notre assemblée ! (Sourires.)
J’émettrai donc un avis défavorable, car cette demande est contraire à la position constante de la commission en la matière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Laménie. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 207 rectifié bis est retiré.
Article 5 sexies
I. – Le titre Ier du livre II de la première partie du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 212-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la construction ou la réhabilitation d’une école maternelle ou élémentaire d’enseignement public est décidée, le conseil municipal tient compte, pour le projet de construction ou de réhabilitation, des recommandations pour une école inclusive de l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement mentionné à l’article L. 239-2. » ;
2° Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 213-2, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la construction ou la réhabilitation d’un collège d’enseignement public est décidée, le conseil départemental tient compte, pour le projet de construction ou de réhabilitation, des recommandations pour une école inclusive de l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement mentionné à l’article L. 239-2. » ;
3° Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 214-6, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la construction ou la réhabilitation d’un lycée d’enseignement public est décidée, le conseil régional tient compte, pour le projet de construction ou de réhabilitation, des recommandations pour une école inclusive de l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement mentionné à l’article L. 239-2. »
II. – Le cinquième alinéa de l’article L. 4424-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la construction ou la réhabilitation des établissements précités est décidée, la collectivité de Corse tient compte, pour le projet de construction ou de réhabilitation, des recommandations pour une école inclusive de l’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement mentionné à l’article L. 239-2 du code de l’éducation. »
M. le président. L’amendement n° 292 rectifié, présenté par Mmes Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et recueille l’avis consultatif d’un établissement ou service mentionné aux 2° et 3° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai par la même occasion les amendements nos 293 rectifié et 294 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion ces deux amendements.
L’amendement n° 293 rectifié, présenté par Mmes Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et recueille l’avis consultatif d’un établissement ou service mentionné aux 2° et 3° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles
L’amendement n° 294 rectifié, présenté par Mmes Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et recueille l’avis consultatif d’un établissement ou service mentionné aux 2° et 3° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Maryvonne Blondin. Ces trois amendements tendent au même objet pour différents types d’établissements dépendant de niveaux de collectivités différents.
Le texte prévoit que tout projet de réhabilitation et de construction d’un établissement entraîne pour la collectivité concernée la prise en compte des recommandations pour une école inclusive de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement. Nous avons évoqué, monsieur le ministre, la coopération que vous affichez avec les établissements médico-sociaux.
Notre groupe souhaite que soient consultés les personnels des établissements médico-sociaux et des centres d’action médico-sociale précoce. Il s’agit d’une demande des personnels de ces établissements, qui œuvrent sur le terrain au plus près des élèves. De ce fait, ils auront certainement des remarques pertinentes à transmettre sur l’adéquation des projets de travaux avec la situation des élèves handicapés.
Il est important que l’aménagement, la réhabilitation ou la construction soient cohérents avec les besoins réels constatés par les personnels chargés des élèves en situation de handicap dans les établissements médico-sociaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Ces trois amendements visent soit les conseils municipaux, soit les conseils départementaux, soit les conseils régionaux pour les écoles, les collèges ou les lycées. Nous en avons déjà discuté en commission, cette préconisation alourdirait considérablement les projets de construction ou de réhabilitation des établissements scolaires.
L’article 5 sexies tend déjà à imposer au conseil municipal, départemental ou régional de tenir compte des recommandations pour une école inclusive de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement. Or, dans cette assemblée, nous sommes nombreux à déplorer la multiplication des normes. Faisons confiance aux élus ! Rien n’empêche par ailleurs ces derniers de recueillir des avis techniques supplémentaires en cas de besoin.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié ter, présenté par M. Paccaud, Mme Berthet, MM. Babary et Bascher, Mme A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mme Bories, M. J.M. Boyer, Mme Chain-Larché, M. Charon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mme de Cidrac, MM. Decool et del Picchia, Mme Deromedi, M. Duplomb, Mmes Duranton et Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mme Goy-Chavent, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Houpert et Joyandet, Mme Imbert, MM. Kennel et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. D. Laurent, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lopez et M. Mercier, M. Meurant, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Pemezec, Piednoir et Pierre, Mme Puissat et MM. Rapin, Revet, Savin, Segouin, Sido et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 2, 3 et 4
Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cadre de la répartition des moyens déconcentrés du soutien aux investissements des collectivités territoriales, les services de l’État inscrivent parmi leurs priorités la participation au financement de ces projets.
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. L’article 5 sexies concerne les constructions et réhabilitations des établissements scolaires par les communes, les conseils départementaux, les conseils régionaux et la collectivité de Corse, avec obligation de respecter les recommandations pour une école inclusive.
Il s’agit, via cet amendement, de compléter les alinéas 2, 3 et 4, car, nous le savons tous, les collectivités locales ont été victimes de baisses de dotations non négligeables.
Ainsi, j’ai appris il y a quinze jours que l’enveloppe globale de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, et de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, dans l’Oise enregistrera une baisse de 1,5 million d’euros pour cette année. Or ce sont principalement les collectivités qui participent à l’accès au service public de proximité sur le territoire, sans avoir pour autant le choix leurs investissements. Elles se voient imposer toujours plus de contraintes, même si cela va dans le bon sens.
Cet amendement a donc pour objet d’amener le prescripteur, à savoir l’État, à prendre ses responsabilités : s’il exige une dépense, il doit aussi en être un des acteurs financiers, grâce aux outils qu’il met à la disposition des collectivités, qu’il s’agisse de la DETR, du fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT, ou de la DSIL. Il s’agit d’un amendement de logique financière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, car la situation est la même, qu’il s’agisse des Pyrénées-Atlantiques ou de l’Oise ! Les baisses de dotations et les normes de plus en plus nombreuses constituent des injonctions quelque peu contradictoires et mettent les élus en grande difficulté.
Toutefois, la commission est aussi attachée au respect des prérogatives des commissions départementales d’élus locaux, par exemple la DETR, à qui il revient de décider des catégories d’opérations prioritaires.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Monsieur le ministre, nous sommes nombreux à avoir cosigné cet amendement, qui a pour objet le financement des équipements, en particulier les investissements réalisés par les communes, les départements et les régions.
Malheureusement, bon nombre de petites communes n’ont plus d’école. Les financements sont donc portés par des bourgs ou par des syndicats de communes, voire par des communautés de communes.
Néanmoins, ces investissements constituent une priorité pour les collectivités locales, notamment les dossiers DETR et DSIL. Nous avons voté dans cet hémicycle, à l’été 2017, la suppression de la réserve parlementaire, qui était aussi une façon d’aider les projets portés par les collectivités locales, y compris en faveur des équipements scolaires. Deux sénatrices ou sénateurs par département font partie de la commission DETR.
Or on s’aperçoit que nous sommes certes un peu écoutés, mais pas toujours entendus les représentants de l’État, préfets et sous-préfets. Nous n’avons pas forcément la main. Les collectivités locales soutiennent de nombreux dossiers relatifs à des investissements pour les équipements scolaires, qu’il s’agisse de l’informatique ou autres, dans l’intérêt des élèves.
C’est pourquoi je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. On ajoute effectivement des obligations aux communes sans que le DSIL et la DETR soient à la hauteur.
En revanche, je suis étonnée que l’article 40 de la Constitution n’ait pas été invoqué, car l’adoption de cet amendement induirait une charge nouvelle pour l’État…
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. J’irai dans le même sens que ma collègue. Ce qui est proposé avec cet amendement existe déjà, j’en ai parlé hier. J’ai ici la circulaire de la ministre de la cohésion des territoires, qui enjoint les préfets à flécher la DSIL et la DETR sur l’accueil et la scolarisation des enfants de 3 ans. Le problème est que tout cela doit se faire à enveloppe constante.
Or votre amendement est muet sur ce point. Bien sûr, l’État, tout en développant des dispositifs nouveaux, peut demander aux services dans nos départements et régions de mettre en œuvre les orientations qu’il décide, mais si l’on ne veut pas que ce soit au détriment de ce que l’on faisait déjà, il importe que ces enveloppes soient revues à la hausse
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je préférerais effectivement que les enveloppes soient à la hausse, d’autant qu’elles ne sont même pas stabilisées, puisqu’elles sont à la baisse. C’est le cas dans mon département de l’Oise.
Permettez-moi de corriger ce qu’a dit notre vénérable rapporteur (Sourires.) : ce ne sont pas les élus départementaux, dans le cadre de la DETR, et encore moins de la DSIL, qui décident ! Ils orientent et ont des grilles, mais les décisions finales sont prises par les préfets de département, en ce qui concerne la DETR, et par les préfets de région, en ce qui concerne la DSIL !
Mme Marie-Pierre Monier. Exactement !
M. Olivier Paccaud. Je suis d’accord avec Mme Brulin : il y a eu des directives – et c’est une bonne chose – de la part du ministère de l’éducation nationale pour flécher les moyens vers les écoles devant s’adapter à l’accueil des plus petits. J’ai d’ailleurs eu le plaisir d’accueillir M. le ministre à Creil, où nous avions évoqué le sujet dans une école maternelle.
Toujours est-il que cette directive doit être généralisée à l’accueil des élèves en situation de handicap. L’école inclusive est-elle, oui ou non, une priorité ? Si la réponse est oui, soyons clairs et logiques : cela doit être une priorité dans les textes et une priorité financière !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Je voudrais apporter un éclairage sur un fonctionnement possible de la DETR.
Je citerai l’exemple de la Gironde. Certes, il y a une directive avec des priorités. Nous sommes d’ailleurs tous d’accord pour mettre l’école au centre des investissements. Quoi qu’il en soit, nous avons décidé de mettre en place un fonctionnement très démocratique au sein de la DETR et de nous entendre sur un ordre des priorités pour les investissements. Nous déclinons ensuite les financements en fonction de cet ordre.
Très franchement, quand on procède ainsi, en concertation avec l’ensemble des élus, il n’y a pas de problème. Tous les élus sont très attachés à la sauvegarde de leurs écoles et tous sont d’accord pour considérer les aménagements scolaires comme prioritaires dans l’ordre des investissements.
M. le président. L’amendement n° 411, présenté par M. Laufoaulu, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Dans les îles Wallis et Futuna, lorsque la construction ou la réhabilitation des établissements d’enseignement est décidée, l’État tient compte, pour le projet de construction ou de réhabilitation, des recommandations pour une école inclusive de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement mentionné à l’article L. 239-2 du code de l’éducation.
La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Aux termes de la loi de 1961 conférant aux îles de Wallis et de Futuna le statut de territoire d’outre-mer, notamment son article 7, l’État assume intégralement la charge des dépenses de fonctionnement et d’équipement de l’enseignement.
Or le bâti est actuellement très dégradé – les constructions ont été mal faites. Le bâtiment du lycée est inadapté, parce qu’il a été conçu pour des pays tempérés et absolument pas pour nos climats chauds. Il y a quelques années, on a même envisagé de le démolir pour le reconstruire. Les malfaçons sont nombreuses, ce qui entraîne beaucoup de réparations, mais les subventions de fonctionnement sont totalement insuffisantes.
L’an dernier, un plafond s’est effondré, heureusement en dehors des horaires de cours, sans quoi des élèves auraient été tués ou blessés, et c’eût été un carnage !
La réhabilitation des bâtiments d’enseignement à Wallis et à Futuna devra avoir lieu d’urgence, et en tenant compte des nouvelles normes de sécurité. Il y va de la sécurité et de la vie des élèves et des enseignants. Monsieur le ministre, nous comptons sur votre engagement urgent et déterminé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. A priori, une ordonnance est prévue à l’article 22 pour étendre et adapter le cas échéant les dispositions du projet de loi à l’outre-mer.
Cela dit, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Dans le cadre des opérations de construction ou de réhabilitation des établissements dont l’État à la charge à Wallis et à Futuna, les recommandations pour une école inclusive, émises par l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement ont évidemment vocation à être prises en compte.
Toutefois, dans une logique de cohérence avec les autres dispositions relatives à Wallis et à Futuna, il paraît préférable de traiter ce point dans le cadre des dispositions prévues à l’article 22 du projet de loi.
Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Laufoaulu, l’amendement n° 411 est-il maintenu ?
M. Robert Laufoaulu. J’attendrai l’article 22 ! (Sourires.) Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 411 est retiré.
Je mets aux voix l’article 5 sexies.
(L’article 5 sexies est adopté.)
Article 5 septies
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° A (nouveau) À la cinquième phrase du premier alinéa de l’article L. 111-1, les mots : « l’inclusion scolaire » sont remplacés par les mots : « la scolarisation dans un environnement inclusif » ;
1° À la fin de l’intitulé du chapitre II du titre Ier du livre Ier de la première partie, à la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 112-1, aux articles L. 112-5 et L. 123-4-2, au deuxième alinéa de l’article L. 312-4, à la fin du dernier alinéa de l’article L. 335-1, à la fin de l’intitulé du titre V du livre III de la deuxième partie et du chapitre II du même titre V, à la fin du premier alinéa de l’article L. 352-1, au deuxième alinéa de l’article L. 624-2 et au premier alinéa de l’article L. 723-1, le mot : « handicapés » est remplacé par les mots : « en situation de handicap » ;
2° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 112-1, à la première phrase des premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 ainsi qu’au dernier alinéa des articles L. 251-1 et L. 351-2, le mot : « handicapé » est remplacé par les mots : « en situation de handicap » ;
2° bis (nouveau) À la fin du troisième alinéa de l’article L. 312-15, les mots : « et à leur intégration dans la société » sont remplacés par les mots : « dans une société inclusive » ;
3° Aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 312-15, au dernier alinéa de l’article L. 351-1 et au 9° de l’article L. 712-2, le mot : « handicapées » est remplacé par les mots : « en situation de handicap » ;
4° (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié quater, présenté par M. Mouiller, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Sol, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Daubresse, Mme de la Provôté, M. Morisset, Mme Malet, M. Vogel, Mme Puissat, MM. Kern et Guerriau, Mmes Bories, Noël, Raimond-Pavero et Deseyne, M. Segouin, Mme de Cidrac, M. Forissier, Mme Lassarade, M. Frassa, Mme Richer, M. Priou, Mme Lanfranchi Dorgal, M. B. Fournier, Mme Lavarde, M. Vaspart, Mme Bruguière, M. Nougein, Mmes Billon et Chauvin, MM. Canevet et Piednoir, Mmes M. Mercier, Ramond, Micouleau et Thomas, MM. Lefèvre, Bazin, de Nicolaÿ et Charon, Mme Dumas, MM. Laménie, Perrin et Raison, Mmes Estrosi Sassone et Garriaud-Maylam, MM. Moga, Le Gleut, Revet, Decool et Chasseing, Mmes Guidez et Lherbier, MM. Grosperrin, Bonhomme et Capus, Mme Deroche, MM. Gilles, Meurant et L. Hervé, Mme Canayer et MM. Pellevat, Rapin, Gremillet et Bouloux, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
dans un environnement inclusif
par le mot :
inclusive
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement vise à introduire une variante sémantique. Il semble plus opportun de parler de « scolarisation inclusive » et non d’« environnement inclusif ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 septies, modifié.
(L’article 5 septies est adopté.)
Article additionnel après l’article 5 septies
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 115 rectifié ter, présenté par MM. Savin, Piednoir, Kern, Regnard, Longeot et Sol, Mme Eustache-Brinio, MM. Mandelli et Henno, Mme Puissat, MM. Paccaud et Guerriau, Mme Guidez, MM. Vogel, Perrin et Raison, Mmes Goy-Chavent, Deroche et Kauffmann, MM. D. Laurent, B. Fournier et Détraigne, Mme Garriaud-Maylam, M. Karoutchi, Mmes Lassarade et Malet, M. de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Pellevat, Sido, Revet et Longuet, Mme Lamure, MM. Wattebled, Laménie, Husson et Huré, Mme A.M. Bertrand, M. Vaspart, Mme Ramond, MM. Saury et Pierre, Mmes Gatel et Berthet, MM. Bouchet et Pointereau, Mmes Bonfanti-Dossat et Billon, MM. Grosperrin et Théophile, Mme Boulay-Espéronnier et MM. Rapin et Bouloux, est ainsi libellé :
Après l’article 5 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 321-4 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des aménagements appropriés sont prévus au profit des élèves manifestant des aptitudes sportives particulières en vue de la pratique sportive d’excellence et d’accession au haut niveau, afin de leur permettre de développer pleinement leurs potentialités. La scolarité peut être adaptée en fonction du rythme d’apprentissage de l’élève. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent alinéa. »
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Mes chers collègues, je reviens sur la problématique du sport.
De plus en plus d’athlètes, notamment étrangers, participent à des compétitions internationales dès l’âge de 13 ou de 14 ans. En France, ce n’est heureusement pas le cas. Néanmoins, certains de nos grands champions ont disputé leurs premiers championnats internationaux à l’âge de 16 ans, en gymnastique, en natation, en patinage et autres.
Pour être compétitif à 16 ou 17 ans, il faut plusieurs années de préparation à un âge où l’athlète est encore au collège, voire en dernière année d’école primaire. Il est prouvé que c’est entre 7 et 13 ans que les capacités d’apprentissage du jeune sont excellentes. Il ne s’agit ici, monsieur le ministre, que de quelques dizaines d’enfants à l’échelle du pays, mais ils pourront, surtout à l’horizon de 2024, constituer notre fierté.
Cet amendement vise donc à prévoir des aménagements appropriés au profit de ces élèves, afin de pouvoir adapter leur scolarité en fonction du rythme d’apprentissage. Un décret en Conseil d’État fixe ses modalités d’application du présent alinéa.
Je vous invite, mes chers collègues, à faire un peu d’activité sportive et physique, en levant le bras au moment du vote ! (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Un scrutin public serait l’idéal !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par le code de l’éducation, qui est tellement lourd qu’il pourrait servir d’haltères ! (Nouveaux sourires.)
Je vous donne lecture de son article L. 321-4 : « Des aménagements appropriés sont prévus au profit des élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières, afin de leur permettre de développer pleinement leurs potentialités. La scolarité peut être accélérée en fonction du rythme d’apprentissage de l’élève. »
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si nous voulons éviter que le code de l’éducation ne devienne un objet d’haltérophilie, il faut en effet savoir nous limiter !
Vos arguments sont intéressants et légitimes, monsieur Savin, mais la rédaction actuelle autorise déjà ces aménagements.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Il n’est pas normal que les demandes d’aménagement du temps scolaire présentées par les fédérations pour de jeunes sportifs de 10 ans à 14 ans soient refusées par le directeur d’école ou le principal de collège ! Les enfants doivent alors choisir entre le sport et l’école, les parents font naturellement le choix de l’école – on peut le comprendre –, et ces jeunes abandonnent une vocation sportive, qui aurait pu contribuer, en cas de résultats positifs, à mettre en avant le sport français à l’échelle internationale.
J’entends les arguments du rapporteur et du ministre, mais la réalité sur le terrain est tout autre. Nombre de fédérations sportives françaises sont confrontées à cette difficulté criante et comptent aujourd’hui sur cet amendement.
Encore une fois, cela ne concerne que quelques dizaines de jeunes, qui ne peuvent pas aujourd’hui bénéficier d’un aménagement adapté de leur scolarité au regard de leur préparation sportive.
Par conviction, je maintiens cet amendement, et j’espère, mes chers collègues, que vous ferez un peu d’activité en levant le bras pour l’adopter ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. J’irai dans le sens de notre collègue Michel Savin.
Nous pouvons tous nous abriter derrière le texte d’un code, mais cela ne remplace pas une réponse concrète. Monsieur le ministre, vous est-il possible de nous communiquer dans les jours prochains le nombre de demandes présentées chaque année ? Combien sont-elles satisfaites ? Quels sont les résultats pour les enfants concernés ?
Mme Maryvonne Blondin. Il faut un rapport ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Tout d’abord, je ne voudrais pas laisser penser que nous négligeons le sport. Je ne citerai pas toutes les mesures que nous avons prises, mais elles sont nombreuses.
Dans la perspective des JO de 2024, avec la ministre des sports et le comité olympique, j’ai pris toute une série d’initiatives, notamment la labellisation d’établissements Paris 2024, qui ont vocation à créer des sections sportives et à développer les possibilités de préparation de futurs athlètes. Toute une dynamique est enclenchée, et je vous en communiquerai volontiers les détails dans les prochains jours si vous le souhaitez, y compris les éléments directement liés à cette proposition d’amendement.
Quoi qu’il en soit, je prends ce sujet au sérieux. Dans les prochains jours, nous lancerons également l’appel à projets pour les établissements désirant s’engager dans le dispositif « confiance et sport », autrement dit un système dans lequel on dispense des cours le matin et des activités sportives ou autres l’après-midi.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je vous crois sur parole, monsieur le ministre, sauf que les parents d’enfants sportifs sont confrontés à une réalité bien différente ! Je ne conteste pas la dynamique que vous insufflez, mais de la coupe aux lèvres, il y a loin.
La France, contrairement à d’autres États, n’a pas le sport ancré dans sa matrice éducative. Vouloir concilier un parcours scolaire de bon niveau et un parcours sportif de haut niveau est une véritable gageure dans notre pays.
La réalité n’est pas toujours celle du code de l’éducation, monsieur le rapporteur, et je soutiendrai donc l’amendement de notre collègue Michel Savin.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Il s’agit à la fois d’un amendement d’appel et de rappel. Je l’ai cosigné et, naturellement, je le soutiendrai.
Le Président de la République veut faire de la France une nation sportive, ce qui suppose des changements culturels très importants. En effet, il y a, d’un côté, les termes de ce beau et volumineux livre rouge qu’est le code de l’éducation, et, de l’autre, la réalité des établissements scolaires, où il est souvent compliqué pour les directeurs d’organiser des aménagements. Le code de l’éducation perd souvent un peu de son autorité au passage.
Il nous faut, me semble-t-il, trouver le moyen d’encourager les directeurs d’établissements à réaliser ces aménagements lorsqu’ils sont indispensables. Certains enfants en difficulté dans des apprentissages intellectuels ou scolaires peuvent atteindre l’excellence grâce au sport. Nous devons faire preuve de volontarisme.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5 septies, et l’amendement n° 119 rectifié bis n’a plus d’objet.
Article 5 octies
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 295 rectifié, présenté par Mmes Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Un rapport détaillant l’évolution des demandes, le nombre d’élèves accompagnés, les moyens mobilisés dans chaque département, le nombre exact d’accompagnants d’élèves en situation de handicap en postes dans chaque département, avec la mention de leurs quotités et de leurs qualifications individuelles, mutualisées ou collectives, les carences éventuelles et un état statistique complet de la scolarisation des élèves en situation de handicap est remis par le Gouvernement au Parlement chaque année. Il est transmis au Parlement un mois avant le vote de la loi de finances initiale.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. J’espère que vous ne m’en voudrez pas, monsieur le rapporteur, de demander un rapport ! (Sourires.)
Cet amendement a en effet pour objet d’obliger le Gouvernement à rendre public, annuellement les différentes données concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap, notamment le nombre d’accompagnants des élèves en situation de handicap ou AESH en poste dans chaque département. Ces données sont actuellement impossibles à obtenir, malgré les mises en garde répétées de la Cour des comptes.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, une augmentation des postes d’AESH. Leur nombre, estimé à 80 000, ne repose toutefois sur aucun chiffrage précis, et il ne faudrait pas que ce flou vous entraîne à figer le recrutement. C’est pourquoi nous aimerions véritablement obtenir des précisions sur le nombre d’enfants et d’AESH concernés.
Vous affichez de belles intentions de renforcement de l’école inclusive, monsieur le ministre. Nous les partageons, évidemment, mais il faut aussi que les moyens suivent. Il revient au Parlement d’assurer le contrôle de l’application de cette belle politique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Votre intervention comprend deux volets, ma chère collègue : une demande d’information et une demande de rapport.
Prenons acte, tout d’abord, des efforts importants que l’école a faits depuis plusieurs années pour accueillir les élèves en situation de handicap. On peut estimer qu’ils restent insuffisants, et ils devraient certainement être mesurés avec plus de précision.
La volonté du ministre de développer une politique en la matière a été saluée, mais celle-ci nécessitera en effet d’être quantifiée.
Quant à la demande de rapport, vous savez qu’elle est contraire à la position constante de la commission et qu’elle recevra une réponse défavorable, ma chère collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mon avis rejoint celui du rapporteur, par respect de la jurisprudence du Sénat sur les rapports (Sourires.), mais aussi parce que toutes les données sont déjà sur la table. Je vous renvoie notamment à la publication L’État de l’école et aux travaux de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale.
Mon ministère reste toutefois à votre disposition pour vous transmettre toutes les informations supplémentaires que vous souhaiteriez obtenir, madame la sénatrice.
M. le président. En conséquence, l’article 5 octies demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 5 octies
M. le président. L’amendement n° 143, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 112-2 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase du deuxième alinéa, après le mot : « scolarité », sont insérés les mots : « et de passage des examens et d’évaluation de ces derniers » ;
2° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le projet personnel de scolarisation comprend un volet, écrit en concertation avec les établissements, dédié au respect par ces derniers de leurs obligations prévues dans la section III du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous souhaitons par cet amendement compléter les dispositions du projet personnalisé de scolarisation afin d’y inclure dans les préconisations à adopter les questions de l’accessibilité physique des bâtiments et les modalités de contrôle des connaissances. En effet, pour un certain nombre de handicaps, des dispositions particulières doivent être mises en œuvre pour que les élèves puissent passer leurs examens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Les questions relatives au bâti scolaire n’ont pas leur place dans le projet personnalisé de scolarisation. Elles relèvent des collectivités territoriales, lesquelles doivent évidemment mettre aux normes tous leurs établissements recevant du public.
Quant aux aménagements des épreuves des examens, une procédure existe déjà, sans qu’il soit besoin de faire intervenir la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, la CDAPH.
Le candidat doit adresser une demande d’aménagement d’épreuve au médecin de son établissement, qui la transmet au médecin de la maison départementale des personnes handicapées, la MDPH, qui statue pour chaque cas d’espèce. Il transmet ensuite ses recommandations à l’administration organisatrice de l’examen, laquelle prend une décision et la notifie au candidat.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Ce sujet est très important.
La question du bâti est réglée par les procédures que le rapporteur a rappelées. S’agissant des modalités d’examen, nous avons encore des progrès à accomplir. Cela ne relève pas de la loi, mais les travaux actuellement menés par le ministère déboucheront prochainement sur la rédaction de circulaires.
En attendant, parce que cette question ne relève pas de la loi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 143.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5 nonies
L’article L. 401-2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il rappelle le principe de l’école inclusive, en précisant les principaux droits et devoirs qui y sont attachés. » – (Adopté.)
Article 5 decies
(Non modifié)
Au 5° du II de l’article L. 121-4-1 du code de l’éducation, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « physique ou psychique ». – (Adopté.)
Article 5 undecies
(Non modifié)
Au troisième alinéa de l’article L. 541-1 du code de l’éducation, le mot : « psychologique » est remplacé par le mot : « psychique ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 5 undecies
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié ter, présenté par M. Mouiller, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Sol, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Daubresse, Mme de la Provôté, M. Morisset, Mme Malet, M. Vogel, Mme Puissat, MM. Kern et Guerriau, Mmes Bories, Noël, Raimond-Pavero et Deseyne, M. Segouin, Mme de Cidrac, M. Forissier, Mme Lassarade, M. Frassa, Mme Richer, M. Priou, Mme Lanfranchi Dorgal, M. B. Fournier, Mme Lavarde, M. Vaspart, Mme Bruguière, M. Nougein, Mmes Billon et Chauvin, MM. Canevet et Piednoir, Mmes M. Mercier, Ramond, Micouleau et Thomas, MM. Lefèvre, Bazin, de Nicolaÿ et Charon, Mme Dumas, MM. Laménie, Perrin et Raison, Mmes Estrosi Sassone et Garriaud-Maylam, MM. Moga, Le Gleut, Revet, Decool, Chasseing et Détraigne, Mmes Guidez et Lherbier, MM. Bonhomme et Capus, Mme Deroche, MM. Gilles, Meurant et L. Hervé, Mme Canayer et MM. Pellevat et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 5 undecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – La coopération entre les établissements et services mentionnés aux 2° , 3° , 11° et 12° du I du présent article et les établissements mentionnés à l’article L. 351-1 du code de l’éducation est organisée par convention afin d’assurer la continuité du parcours de scolarisation des élèves en situation de handicap qu’ils accompagnent et de déterminer les conditions permettant l’intervention dans les établissements mentionnés au même article L. 351-1.
« Les modalités selon lesquelles les établissements et services mentionnés aux 2° , 3° , 11° et 12° du I du présent article apportent leur expertise et leur appui à l’accompagnement par l’équipe éducative des élèves en situation de handicap scolarisés dans les établissements mentionnés à l’article L. 351-1 du code de l’éducation sont également déterminées par convention.
« Les modalités d’application du présent paragraphe sont déterminées par décret. »
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement a pour objet la coopération entre les établissements scolaires et le secteur médico-social.
Renouer la confiance avec les familles d’élèves handicapés nécessite de faciliter les parcours scolaires et de garantir aux parents la reconnaissance et la prise en compte des besoins spécifiques de leurs enfants, ainsi que la mobilisation plus rapide de réponses adaptées. La réussite des parcours scolaires des élèves handicapés implique une coopération plus étroite de l’ensemble des professionnels de l’éducation nationale et du secteur médico-social, avec comme objectif une école toujours plus inclusive.
Il s’agit, concrètement, de renforcer la présence et l’intervention des équipes médico-sociales au sein des établissements scolaires, en complémentarité des dispositifs d’inclusion scolaire existants.
L’amendement tend à conforter le cadre de la coopération entre les deux secteurs, afin de permettre celle-ci en toutes circonstances, y compris en anticipation d’une éventuelle décision de la MDPH. Il vise à ouvrir la possibilité qu’un enfant handicapé et/ou l’équipe pédagogique bénéficient d’un appui apporté par une équipe médico-sociale déjà présente dans l’école, une équipe mobile ou un pôle de compétences et de prestations externalisées. En cela, il tend à sécuriser, donc à favoriser la scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Des conventionnements de ce type sont déjà en place – il existe même des modèles de convention –, mais il me semble intéressant de les rendre systématiques.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5 undecies.
Article 5 duodecies (nouveau)
Après le troisième alinéa de l’article L. 331-6 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces formules adaptées prévoient des aménagements d’horaires au profit des élèves sportifs afin de leur permettre de développer pleinement leurs potentialités. La scolarité peut être adaptée en fonction du rythme d’apprentissage de l’élève. »
M. le président. L’amendement n° 335 rectifié, présenté par Mmes Lepage, Blondin et Monier, M. Antiste, Mmes S. Robert et Conway-Mouret, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
prévoient
insérer les mots :
dans les établissements scolaires, y compris les établissements du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger,
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Cet amendement a pour objet de compléter l’article L. 331-6 du code de l’éducation, afin que les élèves sportifs scolarisés dans les établissements du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger bénéficient également des aménagements horaires et d’une scolarité adaptée.
Cet amendement tend à poursuivre le travail entamé lors de l’examen de la loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et de la loi sur l’éthique et la transparence du sport professionnel.
Selon l’article L. 331-6 du code de l’éducation, « les établissements du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger favorisent la pratique sportive de haut niveau ».
La réalité est légèrement différente ! Cet amendement vise uniquement à s’assurer que les élèves scolarisés dans le réseau AEFE bénéficient également des nouvelles dispositions prévues au travers de l’amendement n° 115 rectifié ter, présenté par notre collègue Michel Savin, que nous venons d’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Les quelques élèves des établissements de l’AEFE concernés par le sport de haut niveau bénéficient déjà de possibilités d’aménagement de leurs horaires. (Mme Claudine Lepage le conteste.)
L’AEFE nous l’a confirmé par téléphone, ma chère collègue. Je ne peux que m’en tenir à ce qu’elle nous a dit…
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.
Mme Claudine Lepage. Il y a la théorie et il y a la pratique, monsieur le rapporteur… Je pourrais vous citer des cas pour lesquels les aménagements n’ont pas lieu.
Je souhaiterais donc que nous adoptions cet amendement, dans le prolongement de l’amendement n° 115 rectifié ter de M. Savin.
M. Max Brisson, rapporteur. Cet amendement a été adopté contre mon avis !
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Je remercie notre collègue de porter cet amendement. À titre personnel, j’appelle à le voter.
Je comprends la lecture que le rapporteur fait de la situation, mais la réalité dans les établissements est bien différente.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Mes chers collègues, le code de l’éducation ne peut pas indéfiniment s’épaissir ! En outre, l’introduction d’une telle disposition dans la loi ne garantirait pas la disparition des mauvaises pratiques.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Max Brisson, rapporteur. Je vous demande donc de soutenir cette fois l’avis de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 duodecies.
(L’article 5 duodecies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 duodecies
M. le président. L’amendement n° 257 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 15 rectifié ter, présenté par M. Mouiller, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Sol, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Daubresse, Mme de la Provôté, M. Morisset, Mme Malet, M. Vogel, Mme Puissat, MM. Kern et Guerriau, Mmes Bories, Noël, Raimond-Pavero et Deseyne, M. Segouin, Mme de Cidrac, M. Forissier, Mme Lassarade, M. Frassa, Mme Richer, M. Priou, Mme Lanfranchi Dorgal, M. B. Fournier, Mme Lavarde, M. Vaspart, Mme Bruguière, M. Nougein, Mmes Billon et Chauvin, MM. Canevet et Piednoir, Mmes M. Mercier, Ramond, Micouleau et Thomas, MM. Lefèvre, Bazin, de Nicolaÿ et Charon, Mme Dumas, MM. Laménie, Perrin et Raison, Mmes Estrosi Sassone et Garriaud-Maylam, MM. Moga, Le Gleut, Revet, Decool et Détraigne, Mme Lherbier, MM. Bonhomme et Capus, Mme Deroche, MM. Gilles, Meurant et L. Hervé, Mme Canayer et MM. Pellevat et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 5 duodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 312-7-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après le mot : « adultes », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « handicapés ou présentant des difficultés d’adaptation. » ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « accueillent », est remplacé par le mot : « accompagnent » ;
3° Les troisième à cinquième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de dispositif partenarial, le fonctionnement en dispositif intégré est subordonné à la conclusion d’une convention entre les établissements et services intéressés. Cette convention est intégrée au contrat mentionné à l’article L. 313-12-2 de ces établissements et services. » ;
4° Au sixième alinéa, les mots : « dans des conditions prévues par décret » sont supprimés ;
5° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. La loi pour la modernisation de notre système de santé a permis l’organisation des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques, les ITEP, en « dispositifs intégrés », destinés, dans le cadre de la stratégie de transformation de l’offre médico-sociale, à favoriser des modalités d’accompagnement diversifiées, modulables et évolutives en fonction des besoins des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qu’ils accueillent, en lien avec leurs parcours scolaires.
L’évaluation de ce dispositif a conclu à l’utilité de l’élargir à l’ensemble des établissements et services médico-sociaux accompagnant des jeunes en situation de handicap. Le fonctionnement en dispositif intégré est en effet un réel moyen de permettre une meilleure fluidité des parcours et, ainsi, d’améliorer l’inclusion scolaire, en assurant la mobilisation plus rapide de réponses adaptées.
Ce dispositif permet en effet de renforcer la scolarisation dans l’école ordinaire de façon sécurisée pour les enfants concernés, puisque l’accompagnement peut être adapté et reconfiguré rapidement au fil du temps.
Cet amendement tend à élargir à l’ensemble des établissements et services médico-sociaux accompagnant les jeunes en situation de handicap la possibilité de s’organiser en « dispositif intégré ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Sur cette question, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Votre proposition est extrêmement intéressante, monsieur Mouiller. Elle va dans le sens de l’assouplissement et me semble favorable aux élèves.
Les dispositifs intégrés permettent aux jeunes des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques, les ITEP, de bénéficier d’une réorientation vers le milieu ordinaire, sans passer par une nouvelle saisine de la CDAPH. L’amendement vise à étendre les dispositifs intégrés à d’autres établissements médico-sociaux.
Bien que les difficultés des jeunes accompagnés en ITEP ne soient pas de même nature que celle des jeunes orientés dans les autres types d’établissements et services médico-sociaux, j’émettrai un avis favorable sur cet amendement, pour permettre, dans toute la mesure du possible, une plus grande fluidité des parcours scolaires des jeunes en situation de handicap.
La qualité des coopérations entre les établissements et les différentes institutions qui encadrent et accompagnent la mise en œuvre de ces politiques est fondamentale. C’est cohérent avec ce que nous disons depuis le début sur la notion de réseau, sur la fluidité et sur le travail en équipe.
Notre objectif partagé est en effet que les élèves soient réellement bénéficiaires de cette évolution et que les enseignants et les cadres disposent d’un appui solide et constant de la part des personnels spécialisés des établissements médico-sociaux.
Il nous faudra ensuite préparer le décret et les conventions permettant de structurer l’accomplissement de cet objectif.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Ce dernier amendement sur l’école inclusive recevra un double avis favorable ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5 duodecies.
TITRE II
INNOVER POUR S’ADAPTER AUX BESOINS DES TERRITOIRES
Chapitre Ier
L’enrichissement de l’offre de formation et l’adaptation des structures administratives aux réalités locales
Article 6
I A. – (Non modifié) À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 351-1 du code de l’éducation, après la référence : « L. 214-6 », est insérée la référence : « , L. 421-19-1 ».
I. – La section III bis du chapitre Ier du titre II du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation est ainsi rédigée :
« Section III bis
« Les établissements publics locaux d’enseignement international
« Art. L. 421-19-1. – Les établissements publics locaux d’enseignement international sont constitués de classes des premier et second degrés et dispensent tout au long de la scolarité des enseignements en langue française et en langue vivante étrangère. Ils préparent soit à l’option internationale du diplôme national du brevet et à l’option internationale du baccalauréat, soit au baccalauréat européen, délivré dans les conditions prévues par l’accord relatif à la modification de l’annexe au statut de l’école européenne et portant règlement du baccalauréat européen, signé à Luxembourg le 11 avril 1984. Les établissements publics locaux d’enseignement international préparant à l’option internationale du baccalauréat peuvent également préparer, au sein d’une section binationale, à la délivrance simultanée du baccalauréat général et du diplôme ou de la certification permettant l’accès à l’enseignement supérieur dans un État étranger en application d’accords passés avec cet État.
« Ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l’État dans le département sur proposition conjointe de la collectivité territoriale ou des collectivités territoriales compétentes en matière de gestion des collèges et des lycées, de la commune ou des communes et de l’établissement public de coopération intercommunale ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de fonctionnement des écoles, après conclusion d’une convention entre ces collectivités et établissements publics de coopération intercommunale et avis de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation.
« Sous réserve des dispositions prévues à la présente section, cet établissement est régi par les dispositions du titre préliminaire du présent livre et les autres dispositions du présent titre.
« Art. L. 421-19-2. – La convention mentionnée à l’article L. 421-19-1 fixe la durée pour laquelle elle est conclue et les conditions dans lesquelles, lorsqu’elle prend fin, les biens de l’établissement sont répartis entre les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale signataires. Elle détermine également le délai minimal qui ne peut être inférieur à une année scolaire au terme duquel peut prendre effet la décision de l’une des parties de se retirer de la convention.
« La convention fixe la répartition entre les parties des charges leur incombant en vertu des dispositions des chapitres II, III et IV du titre Ier du livre II de la première partie au titre de la gestion des écoles, des collèges et des lycées. Elle définit notamment la répartition entre elles des charges liées à la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement de l’ensemble de l’établissement et des dépenses de personnels, autres que ceux mentionnés à l’article L. 211-8, qui exercent leurs missions dans l’établissement.
« La convention détermine la collectivité de rattachement de l’établissement et le siège de celui-ci. La collectivité de rattachement assure les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement de l’ensemble de l’établissement ainsi que le recrutement et la gestion des personnels autres que ceux mentionnés au même article L. 211-8 qui exercent leurs missions dans l’établissement.
« En l’absence d’accord entre les signataires sur le contenu de la convention, soit lors de son renouvellement, soit à l’occasion d’une demande de l’un d’entre eux tendant à sa modification, le représentant de l’État fixe la répartition des charges entre les signataires en prenant en compte les effectifs scolarisés dans les classes maternelles, élémentaires, de collège et de lycée au sein de l’établissement public local d’enseignement international et désigne la collectivité de rattachement qui assure, jusqu’à l’intervention d’une nouvelle convention, les missions énoncées au troisième alinéa du présent article.
« Art. L. 421-19-3. – L’établissement public local d’enseignement international est dirigé par un chef d’établissement, désigné par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qui exerce les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411-1 et les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421-3.
« Art. L. 421-19-4. – L’établissement public local d’enseignement international est administré par un conseil d’administration comprenant, outre le chef d’établissement et deux à quatre représentants de l’administration de l’établissement qu’il désigne, de vingt-quatre à trente membres, dont :
« 1° Un tiers composé de représentants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale parties à la convention mentionnée à l’article L. 421-19-1 et d’une ou plusieurs personnalités qualifiées ;
« 2° Un tiers de représentants élus du personnel de l’établissement ;
« 3° Un tiers de représentants élus des parents d’élèves et des élèves.
« La convention mentionnée au même article L. 421-19-1 fixe le nombre de membres du conseil d’administration, qui comprend au moins un représentant par collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale partie à la convention. Lorsque le nombre de sièges réservés aux représentants de ces collectivités ou établissements publics en application du 1° du présent article n’est pas suffisant pour permettre la désignation d’un représentant pour chacun d’entre eux, la convention précise les modalités de leur représentation au conseil d’administration. Dans ce cas, la région, le département, la commune siège de l’établissement et, si elle est différente, la collectivité de rattachement de l’établissement disposent chacun d’au moins un représentant.
« Lorsqu’une des parties à la convention dispose de plus d’un siège au conseil d’administration, l’un au moins de ses représentants est membre de son assemblée délibérante.
« Art. L. 421-19-5. – Le conseil d’administration de l’établissement public local d’enseignement international exerce les compétences du conseil d’administration mentionné à l’article L. 421-4 ainsi que celles du conseil d’école mentionné à l’article L. 411-1.
« Art. L. 421-19-6. – Outre les membres mentionnés à l’article L. 421-5, le conseil pédagogique comprend au moins un enseignant de chaque niveau de classe du premier degré.
« Le conseil pédagogique peut être réuni en formation restreinte aux enseignants des niveaux, degrés ou cycles concernés par l’objet de la séance.
« Art. L. 421-19-7. – Les compétences des collectivités territoriales mentionnées aux articles L. 213-2-2 et L. 214-6-2 s’exercent dans les conditions prévues aux mêmes articles L. 213-2-2 et L. 214-6-2 après accord, le cas échéant, de la collectivité de rattachement désignée par la convention mentionnée à l’article L. 421-19-1.
« Cette convention peut prévoir que l’organe exécutif d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale signataire confie à l’organe exécutif de la collectivité de rattachement qu’elle a désigné le soin de décider, en son nom, d’autoriser l’utilisation des locaux et des équipements scolaires de l’établissement dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article.
« Art. L. 421-19-8. – Les élèves des classes maternelles et élémentaires de l’établissement public local d’enseignement international bénéficient du service d’accueil prévu aux articles L. 133-1 à L. 133-10.
« La convention mentionnée à l’article L. 421-19-1 peut prévoir que la commune confie l’organisation, pour son compte, de ce service d’accueil à la collectivité de rattachement de l’établissement public local d’enseignement international.
« Art. L. 421-19-9. – Le budget des établissements publics locaux d’enseignement international peut comprendre des concours de l’Union européenne ou d’autres organisations internationales ainsi que des dons et legs, dans les conditions prévues par le code général de la propriété des personnes publiques. Ces dons et legs n’ouvrent droit à aucune contrepartie, directe ou indirecte.
« Pour l’application des articles L. 421-11 à L. 421-16 du présent code, la collectivité de rattachement de l’établissement public local d’enseignement international est celle ainsi désignée par la convention mentionnée à l’article L. 421-19-1, sans préjudice de la participation des autres collectivités et établissements publics de coopération intercommunale parties à cette convention aux dépenses d’équipement et de fonctionnement de cet établissement, dans les conditions fixées au deuxième alinéa de l’article L. 421-19-2.
« Art. L. 421-19-10. – L’admission des élèves dans l’établissement public local d’enseignement international est soumise à la vérification de leur aptitude à suivre les enseignements dans la langue étrangère pour laquelle ils se portent candidats, dans des conditions adaptées à leur âge et fixées par décret.
« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation affecte dans l’établissement public local d’enseignement international les élèves qui ont satisfait à cette vérification d’aptitude, en veillant à la mixité sociale des publics scolarisés au sein de celui-ci.
« Art. L. 421-19-11. – Des enseignants peuvent être mis à disposition de l’établissement public local d’enseignement international par les États dont une des langues officielles est utilisée dans le cadre des enseignements dispensés dans l’établissement public local d’enseignement international.
« Art. L. 421-19-12. – Les établissements publics locaux d’enseignement international qui disposent de l’agrément délivré par le Conseil supérieur des écoles européennes dispensent des enseignements prenant en compte les principes de l’organisation pédagogique figurant dans la convention portant statut des écoles européennes, signée à Luxembourg le 21 juin 1994.
« Par dérogation à l’article L. 122-1-1 et aux titres Ier, II et III du livre III de la présente partie, la scolarité dans les établissements mentionnés au premier alinéa du présent article est organisée en cycles pour lesquels ces écoles définissent les objectifs et les programmes de formation ainsi que les horaires de chaque année d’études et de chaque section conformément à ceux fixés par le Conseil supérieur des écoles européennes en application de la convention portant statut des écoles européennes précitée.
« Le nombre des cycles et leur durée sont fixés par décret.
« Les établissements mentionnés au même premier alinéa participent à l’organisation de l’examen du baccalauréat européen en accord avec le Conseil supérieur des écoles européennes conformément aux stipulations de l’accord relatif à la modification de l’annexe au statut de l’école européenne et portant règlement du baccalauréat européen, signé à Luxembourg le 11 avril 1984.
« Art. L. 421-19-13. – Les dispositions des titres Ier à V du livre V de la présente partie applicables aux élèves inscrits dans les écoles et à leur famille sont applicables aux élèves inscrits dans les classes du premier degré des établissements publics locaux d’enseignement international et à leur famille.
« Les dispositions des mêmes titres Ier à V applicables aux élèves inscrits dans les collèges et à leur famille sont applicables aux élèves des classes des niveaux correspondant à ceux des collèges des établissements publics locaux d’enseignement international et à leur famille.
« Les dispositions desdits titres Ier à V applicables aux élèves inscrits dans les lycées et à leur famille sont applicables aux élèves des classes des niveaux correspondant à ceux des lycées des établissements publics locaux d’enseignement international et à leur famille.
« Art. L. 421-19-14. – Les commissions consultatives exclusivement compétentes en matière de vie des élèves au sein des établissements publics locaux d’enseignement international sont composées de manière à ce qu’un nombre égal de représentants des élèves de chaque sexe soit élu.
« Art. L. 421-19-15. – Une association sportive est créée dans tous les établissements publics locaux d’enseignement international. Les articles L. 552-2 à L. 552-4 lui sont applicables.
« Art. L. 421-19-16. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente section. »
II. – (Non modifié) Le 1° de l’article L. 3214-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au début, les mots : « Du proviseur ou du principal » sont remplacés par les mots : « Du chef d’établissement » ;
2° À la fin, les mots : « les lycées ou les collèges » sont remplacés par les mots : « les établissements publics d’enseignement ».
III. – (Supprimé)
IV. – (Non modifié) Dans leur rédaction en vigueur à la date de la publication de la présente loi, l’arrêté du préfet du département du Bas-Rhin pris en application de l’article L. 421-19-1 du code de l’éducation dans sa rédaction en vigueur avant la publication de la présente loi et la convention conclue sur le fondement des mêmes dispositions sont réputés pris sur le fondement de la section III bis du chapitre Ier du titre II du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation dans sa rédaction résultant de la présente loi.
V. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, sur l’article.
M. Dominique Théophile. L’article 6 institue le cadre législatif applicable aux établissements publics locaux d’enseignement international. Ces derniers vont pouvoir s’implanter sur tout le territoire en fonction de la volonté des collectivités territoriales, prenant exemple sur l’école européenne de Strasbourg, qui est une référence et un succès.
Ces établissements seront constitués de classes de premier et de second degré, qui dispenseront des enseignements en langue française et en langue étrangère. Ils prépareront à l’option internationale du brevet, au bac et au bac européen. Ils seront non seulement un levier indéniable d’attractivité à l’international, mais aussi un vecteur de rayonnement local.
Les EPLEI participeront ainsi à l’objectif d’enrichissement de l’offre de formation et d’adaptation des structures administratives locales, tel qu’il est visé par le projet de loi pour une école de la confiance.
De plus, l’admission des élèves se fera après la simple vérification de leur aptitude à suivre les enseignements dans la langue étrangère pour laquelle ils se portent candidats, le tout dans des conditions adaptées à leur âge. Ces établissements n’ont pas vocation à devenir élitistes.
Ils donneront ainsi à nos élèves toutes les chances d’avoir un acquis linguistique et culturel important, qui leur favorisera, j’en suis convaincu, la meilleure insertion professionnelle en France ou à l’international.
Or, à la lecture de l’arrêté du 18 janvier 2019 fixant la liste des sections internationales, il apparaît que les États limitrophes des départements d’outre-mer pouvant bénéficier de telles conventions sont quasi inexistants.
Aussi, pour une meilleure insertion de ces territoires dans leur environnement géographique, je proposerai, via un amendement, une demande de rapport d’évaluation de cette mesure dans les deux ans, afin de permettre au Gouvernement d’accompagner au mieux les collectivités d’outre-mer pour faire émerger des EPLEI dans nos territoires et faciliter si besoin la signature de nouvelles conventions. J’espère que cette demande pourra être satisfaite.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l’article.
Mme Claudine Lepage. Nous abordons dans cet article 6 la création des établissements publics locaux d’enseignement international, ou EPLEI.
En tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, attachée au plurilinguisme, je ne peux qu’approuver la création d’écoles qui promeuvent des enseignements en langue vivante étrangère. Nous ne pouvons en effet que nous réjouir de voir de futurs élèves devenir parfaitement bilingues, voire trilingues à la sortie de leurs études secondaires, comme c’est souvent le cas dans les établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger.
De plus, il convient que les enfants des salariés des organisations européennes ou internationales, à qui ces EPLEI s’adressent en priorité, puissent bénéficier d’un enseignement dans leur langue maternelle, en allemand, en anglais ou dans une autre langue.
C’est pourquoi, au vu de ce contexte, le fait que l’admission des élèves soit soumise à la vérification de leur aptitude à suivre les enseignements dans la langue de la section pour laquelle ils sont candidats ne me semble pas poser de difficultés majeures, même si un test peut se révéler inutilement stressant pour les plus jeunes et si les enfants de 3 ans peuvent apprendre une langue très rapidement.
Par ailleurs, si notre pays souhaite à l’avenir accueillir ces organisations internationales, la création de ces établissements est un préalable nécessaire.
Cependant, je m’interroge sur le fait que ces futurs EPLEI, qui relèvent de la tutelle conjointe du ministère de l’éducation nationale et du Conseil des écoles européennes, prépareront soit à l’option internationale du diplôme national du brevet et du baccalauréat, soit au baccalauréat européen. Or ce sont des programmes différents, des pratiques différentes, qui ne s’adressent pas au même public et n’ont pas les mêmes objectifs.
L’instauration de ces établissements ne doit surtout pas nous faire oublier, mes chers collègues, l’immense défi que représente l’enseignement des langues étrangères au sein de notre pays. Chaque élève devrait pouvoir maîtriser une langue étrangère au moins à la fin de ses études secondaires, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.
Monsieur le ministre, au côté de ces nouveaux établissements, il est indispensable de développer, sur l’ensemble du territoire, des sections internationales, qui permettent d’intégrer, au sein du système français, un enseignement ouvert sur le monde.
Ce n’est que par cette politique ambitieuse que nous parviendrons définitivement à mettre un terme à l’échec relatif de l’enseignement des langues vivantes en France.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, sur l’article.
M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en prévoyant la création des établissements publics locaux d’enseignement international, l’intention qui préside aux dispositions de l’article 6 me semble particulièrement adaptée à la situation des départements français d’Amérique, qui, comme vous le savez, sont entourés de territoires anglophones et hispanophones.
J’irai plus loin : je reste persuadé que l’enseignement bilingue doit être la norme dans ces collectivités.
Ainsi, une réflexion spécifique à ces territoires aurait pu éviter deux écueils, qui rendront très peu probable la création d’EPLEI dans les outre-mer : le premier est financier, et le second relatif à l’absence de prise en compte de l’environnement linguistique régional des outre-mer.
Financièrement, les collectivités ultramarines auront des difficultés à faire face aux obligations qui leur incomberaient avec la création d’un nouvel établissement.
Sur le principe, à la faveur de la création des EPLEI, une réflexion de fond aurait pu être conduite sur l’opportunité de différencier véritablement les enseignements en outre-mer.
De fait, en 2011, à la suite d’une mission sur le tourisme en Guadeloupe et en Martinique, j’avais constaté la nécessité d’ouvrir les Antilles à d’autres marchés et à d’autres cultures, pour favoriser notamment la fin d’une vision « coloniale » du tourisme qu’une orientation longtemps exclusivement tournée vers la métropole a pu alimenter. La barrière de la langue a sans doute aussi été à l’origine de cette orientation et de son alimentation.
Aussi, pour doper l’activité et modifier la culture touristique, le bilinguisme me semble devoir être l’objectif à atteindre à l’issue du second cycle, ce qui favoriserait de surcroît l’insertion régionale des outre-mer.
Je rappelle que toutes les études statistiques sur le développement du tourisme montrent que, dans les destinations qui réussissent, quelque 60 % de la clientèle proviennent de l’environnement régional – dans les Antilles, cet environnement est essentiellement anglophone ou hispanophone.
Je suis donc sensible, une fois n’est pas coutume, à la proposition de rapport de mon collègue Dominique Théophile – certes, je connais la position traditionnelle du Sénat sur ce type de demande. Pour autant, ce rapport doit constituer le point de départ concret d’un processus d’adéquation des enseignements à la réalité locale ultramarine.
Monsieur le ministre, je serai très attentif à votre avis et aux engagements que vous pourrez prendre au nom du Gouvernement – ils détermineront mon vote sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, je reprends une intervention de ma collègue Esther Benbassa, qui ne peut pas être présente ce soir.
La création d’établissements publics locaux d’enseignement international prévue à l’article 6 participera sans nul doute au renforcement de l’attractivité du système éducatif français et peut permettre, à terme, d’adapter l’offre scolaire des territoires.
Cependant, la mise en œuvre de ce dispositif nous pose problème. Ainsi, nous regrettons les modalités d’admission des élèves, calquées sur celles qui sont en vigueur à l’école européenne de Strasbourg, à savoir une sélection drastique fondée sur le multilinguisme de l’élève dans une langue européenne. Or, nous le savons, le multilinguisme est bien souvent l’apanage des familles les plus aisées, celles dont les enfants reçoivent très tôt un apprentissage des langues étrangères.
La réalité est tout autre : selon une étude réalisée par Education First, la France se trouverait au 22e rang sur 26 pays européens en ce qui concerne les langues étrangères après la Roumanie et la Bosnie-Herzégovine.
La France, pays mondialisé, devrait développer des écoles internationales, mais, en pleine crise sociale, il serait parfaitement regrettable de ne pas pouvoir intégrer dans ce nouveau cursus des élèves issus des diverses strates de la société. Pourquoi exclure la mixité sociale dans les formations d’excellence, en instaurant des prérequis dès le plus jeune âge ? Nous sommes bien loin du principe d’égalité de l’école républicaine…
Un tel élitisme institutionnalisé risque d’accroître l’inégalité des chances entre les élèves, et ainsi perpétuer l’injustice au sein de notre société. Nous devons éviter de construire une école à deux vitesses, avec des élites séparées du reste de la population.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 106 rectifié est présenté par MM. Temal, Iacovelli, P. Joly, Antiste, Daudigny, Tourenne et Tissot, Mme Taillé-Polian, M. Kerrouche, Mme Lubin et MM. J. Bigot et Manable.
L’amendement n° 145 est présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Rachid Temal, pour présenter l’amendement n° 106 rectifié.
M. Rachid Temal. En introduction, je précise que mon propos ne concerne pas l’outre-mer, les zones frontalières ou les établissements à vocation internationale qui existent aujourd’hui. Ce sont des questions spécifiques, que je mets à part.
Cela dit, l’article 6 de ce projet de loi organise, de manière concrète, une très grande inégalité. Il me semble incroyable de parler pendant des heures de l’exemplarité des enseignants, de la nécessaire présence des enfants ou de l’école inclusive et, dans le même temps, mettre en place une telle inégalité. C’est affligeant !
Je rappelle que le rapport du Conseil national d’évaluation du système scolaire, le Cnesco, évoque une longue chaîne de processus inégalitaires. Or, avec cet article, l’enfant sera sélectionné dès l’âge de 3 ans et en fonction d’éléments qui dépendent largement, chacun le sait, du contexte familial et social. Est-ce sérieux ?
Ce système sera d’autant plus élitiste et inégalitaire que ces enfants ne croiseront jamais d’autres élèves, puisque, de la maternelle jusqu’au baccalauréat, ils seront dans un système à part.
Sous couvert de certaines problématiques, comme celle de l’outre-mer, les zones frontalières ou les établissements qui accueillent par exemple des enfants de fonctionnaires internationaux – je le répète, je dissocie ces sujets de mon propos –, nous allons figer les inégalités existantes, alors que nous devrions plutôt travailler à les réduire.
L’article 6 consolidera les inégalités de notre système éducatif sur une longue durée. C’est hallucinant !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 145.
Mme Céline Brulin. Nous souhaitons également la suppression de cet article, et cela pour plusieurs raisons.
Les nouveaux établissements seront libres de sélectionner leurs élèves, notamment sur la connaissance des langues étrangères. Or, chacun le sait bien – vous le répétez régulièrement, monsieur le ministre, et je vous rejoins sur ce point –, la maîtrise du langage et des langues étrangères est directement corrélée à la condition sociale.
Ensuite, ces établissements pourraient s’exonérer des programmes nationaux, des enseignants pourraient être mis à leur disposition par des États étrangers et des dons et legs privés pourraient leur être versés.
Tout cela fait tout de même beaucoup ! Il s’agit clairement d’une nouvelle pierre posée en vue de l’édification d’une école à plusieurs vitesses.
Nous avons parlé du sport il y a quelques instants. Or, pour réussir à faire vivre le sport de haut niveau, il faut d’abord développer massivement le sport partout dans la société et sur le territoire. Il en est de même pour les langues étrangères, et je ne crois pas que nous réussirons à corriger les difficultés de notre pays en matière de maîtrise des langues étrangères en ne formant, de manière élitiste, qu’un petit nombre de nos jeunes. Au contraire, nous n’y parviendrons qu’en permettant au plus grand nombre de maîtriser les langues étrangères.
Vous pourriez vous dire, mes chers collègues, qu’une telle position n’est pas surprenante de la part du groupe CRCE…
Toutefois, je note que de nombreux amendements ont été déposés par des sénateurs appartenant à des groupes différents pour corriger en pratique le caractère élitiste de ces écoles, soit en invitant à davantage de mixité sociale, soit en incitant à la présence de ces établissements sur l’ensemble du territoire, soit en proposant la mise en place de quotas de boursiers. C’est la meilleure preuve que les craintes relatives à ces établissements sont largement répandues.
Il y a donc bien un problème et, pour notre part, nous proposons de supprimer cet article, parce que l’idée de créer ce type d’établissement constitue pour nous une forme de péché originel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Ces établissements ne sont pas encore créés qu’ils sont déjà exécutés en place publique ! (Sourires.) Je crois que nous ne serons pas d’accord sur ce sujet. Assumons donc pleinement notre désaccord.
M. Pierre Ouzoulias. C’est sain !
M. Max Brisson, rapporteur. C’est sain, en effet.
Je vois deux intérêts à la création de ces établissements publics locaux d’enseignement international, les EPLEI.
Tout d’abord, ce sont les collectivités locales qui en seront à l’initiative et, en tant que Girondin, je trouve cela très bien. Elles partiront des besoins de leur territoire et mèneront ainsi une politique d’attractivité. C’est, me semble-t-il, une excellente chose.
Ensuite, cet article crée des établissements publics, autrement dit des outils à la disposition du service public de l’éducation. Je trouve regrettable que ceux qui s’affirment comme des défenseurs de l’éducation nationale ne donnent pas cette chance à l’école publique.
C’est pour ces raisons que la commission a donné un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je crois en effet que nous devons assumer nos désaccords !
En écoutant les uns et les autres, certaines choses me reviennent à l’esprit, notamment le projet que j’ai mené, lorsque j’étais recteur à Créteil, de création d’un lycée international à Noisy-le-Grand, à cheval sur trois départements, le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne – un territoire que plusieurs d’entre vous connaissent bien. Les maires, issus de mouvements politiques très variés, se battaient pour la création de cet établissement, notamment parce qu’ils le voyaient comme un élément de mixité sociale.
J’entendais à l’époque des arguments – par charité, je tairai les noms de ceux qui les énonçaient – assez semblables à ceux que je viens d’entendre. Or, dix ans plus tard, tout le monde se félicite – comme dans certaines fables, l’unanimité existe donc bien… – de la création de ce lycée et constate les fruits du travail réalisé, qui a bénéficié à des enfants de toutes conditions sociales.
Ce projet a donc bien contribué à la mixité sociale. Il a aussi permis d’avancer sur la requalification de l’est parisien : si nous n’avions rien fait, seul l’ouest de l’agglomération aurait profité de ce type d’établissement, puisqu’il en existe un à Saint-Germain-en-Laye. Notre inaction aurait creusé les inégalités ou, au mieux, les aurait figées. Nous proposons finalement de faire la même chose à l’échelle de la France.
D’autres éléments me reviennent à l’esprit. Lorsque j’ai pris mes fonctions de ministre, j’ai rétabli les sections européennes des classes bilangues qui avaient été supprimées – je note d’ailleurs qu’elles avaient été supprimées à 5 % dans l’académie de Paris et à 95 % dans l’académie de Caen…
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Exactement !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’ai alors entendu les mêmes arguments qu’aujourd’hui : élitisme, etc. Il s’agit au contraire de tirer tout le monde vers le haut et d’apporter le maximum de bénéfices aux élèves les plus défavorisés.
Sur ce sujet, comme sur les autres, j’appliquerai une même philosophie : mettre en œuvre des mesures visant à créer une égalité réelle, et non factice, et orientées particulièrement vers les élèves les plus défavorisés, quitte à créer des mécanismes différenciés.
M. le rapporteur a judicieusement rappelé que ces nouveaux établissements publics laisseront une large place à l’initiative locale. Ils pourront donc voir le jour dans des lieux très divers. Je pense à un projet en cours dans le nord de la France, qui inclut un important volet de mixité sociale.
L’amendement que je vous présenterai dans un instant tendra à accentuer ce volontarisme social. J’ai naturellement parlé de cette question lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, et nous avons déjà donné un certain nombre de garanties. Cela ne me dérange absolument pas de donner de telles garanties : elles correspondent pleinement aux convictions que je porte sur ce sujet.
Je vois ce dispositif comme une occasion de lutter contre les inégalités dans notre pays, mais aussi d’améliorer le niveau de connaissances en langues de nos enfants. C’est un sujet important, car, comme on l’a dit, nous devons nettement progresser en la matière.
Nous attendons également beaucoup d’effets positifs de la mise en place de réseaux autour de ces établissements, dont la création créera une forme d’émulation.
En tout cas, il ne s’agit évidemment pas de mettre en place des processus sélectifs qui conduiraient à écarter les classes sociales défavorisées. Au contraire, c’est l’occasion de progresser vers plus de mixité sociale. Dans ces dispositifs, certains enfants viendront évidemment des classes moyennes et supérieures, mais d’autres seront issus des classes défavorisées.
Ces nouveaux EPLEI ont donc plusieurs vertus. C’est pourquoi je suis défavorable aux amendements de suppression de l’article 6.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, votre discours est beau, mais c’est de la théorie ! En tant que sénateur des Hauts-de-Seine, je puis vous dire que la réalité du terrain est profondément différente : l’exclusion est absolue, systématique, et l’on ne peut malheureusement pas y résister.
Par ailleurs, je voudrais dire à M. le rapporteur que ce type d’établissement existe déjà – je pense notamment au lycée de Courbevoie. Très clairement, le département des Hauts-de-Seine a voulu créer ce lycée pour favoriser « l’implantation de sociétés internationales à la Défense ». L’éducation devient donc un critère d’attractivité du territoire !
Que se passe-t-il après l’ouverture d’un tel lycée, qui est considéré comme intéressant ? Les classes supérieures arrivent, et les prix de l’immobilier augmentent tellement que, à un moment donné, la mixité sociale devient impossible. Aujourd’hui, vous ne pouvez plus organiser, dans une ville comme Courbevoie, la mixité sociale. Elle n’existe plus, c’est fini !
Dans des villes comme Gennevilliers au nord du département, ou Bagneux, au sud, la mixité sociale n’existe plus non plus, parce que seuls les pauvres y vivent. Et dans ces communes très défavorisées, nous assistons à une fuite massive des enfants du public vers le privé, parce que l’enseignement public est désormais très dégradé.
Je constate ce processus depuis trente ans, et il s’accélère. Le nouvel outil que vous voulez offrir aux départements ne pourra qu’accentuer ce phénomène, si bien que nous aboutirons à un véritable apartheid scolaire dont nous ne pourrons plus sortir !
Je suis absolument opposé à ce système de ségrégation sociale et territoriale irréversible. En fait, la mixité que vous nous proposez ressemble à celle qui est promue par Sciences Po : on va chercher quelques élèves pour se donner bonne conscience, et c’est tout !
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. J’ai été très sensible à l’exemple pris par M. le ministre. Je le connais bien moi aussi, puisque j’étais à ce moment-là maire de l’une des communes concernées.
Nous avions beaucoup travaillé sur ce projet de lycée international, et il est vrai qu’il n’était pas évident de choisir l’est parisien pour installer un tel équipement phare. En outre, toutes les palettes de l’échiquier politique étaient représentées, et je dois dire que le maire le plus convaincu était celui de Montreuil, Jean-Pierre Brard.
Sommes-nous en train de créer, avec un tel dispositif, quelque chose d’élitiste ? Tout dépend de la manière dont on se saisit de cet outil : un tel établissement peut être élitiste, comme il peut aussi favoriser l’intégration.
De l’expérience de ce lycée de l’est parisien, je retiens deux éléments, qui peuvent faire pencher la balance vers l’intégration.
Tout d’abord, le choix des langues est important. Évidemment, quand on évoque un lycée international, on pense tout de suite à l’anglais, mais d’autres langues permettent de s’ouvrir à un public scolaire différent et plus large socialement. En outre, elles sont tout aussi intéressantes en termes de perspectives de formation supérieure et d’emploi.
Ensuite, le travail en réseau est également important. Si un établissement est complètement séparé du reste du tissu scolaire local, le risque d’élitisme existe. En revanche, si cet établissement développe des relations avec les établissements de proximité et rayonne sur le territoire, une autre logique sera à l’œuvre. C’est bien dans cette seconde logique que le projet de loi s’inscrit.
C’est pour ces raisons que je voterai l’article 6 de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Je voudrais tout d’abord dire à M. le rapporteur que personne ne veut « exécuter » quoi que ce soit. Prenons garde aux propos que nous tenons ! Nous sommes là pour débattre, et il n’y a pas, d’un côté, les tenants de la bonté, et, de l’autre, ceux qui voudraient « exécuter »… J’invite chacun à respecter les propos des uns et des autres.
Monsieur le ministre, je vous le dis très honnêtement, le rétablissement des classes bilangues était positif. Je n’étais pas en responsabilité à l’époque de leur suppression, mais vous voyez que je puis tout à fait reconnaître quand une décision n’est pas satisfaisante.
Je dis simplement que le dispositif prévu à l’article 6 ouvre une voie que nous ne devrions pas emprunter, d’autant que le projet de loi ne fixe pas suffisamment de limites. Reconnaissez, monsieur le ministre, que la situation de l’éducation nationale n’est pas du tout satisfaisante aujourd’hui en matière de mixité sociale et de lutte contre les inégalités ! Et cet article ne va pas permettre d’avancer sur ces questions.
On peut dire ce que l’on veut, mais cet article prévoit bien la sélection des enfants dès l’âge de 3 ans. C’est donc le contexte social et familial qui prédominera.
Ensuite, le texte ne fixe pas suffisamment de verrous, et ce n’est pas parce qu’une expérience semble fonctionner correctement, comme celle qui a été mise en avant par M. le ministre, que ce sera la même chose pour les autres. C’est pourquoi il faut vraiment retravailler sur cette question.
C’est pour tirer la sonnette d’alarme que j’ai déposé un amendement de suppression de l’article, mais j’en avais déposé un autre, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, pour généraliser le type de dispositif prévu. En effet, si nous visons l’excellence, les EPLEI ne peuvent constituer qu’un premier pas, et nous devons développer les classes bilangues, comme celles qui ont une vocation internationale. Tous les enfants de France ont droit à l’excellence !
Quoique l’on en dise, quoi que l’on en pense, les EPLEI ne renforceront pas la mixité sociale – bien au contraire ! C’est pourquoi je reste sur ma position et demande la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Pour les mêmes raisons que celles qui sont avancées par mes collègues Céline Brulin, Pierre Ouzoulias et Rachid Temal, j’arrive au résultat inverse.
Il me semble, sans flagornerie, que l’ambition du ministre est de faire de l’école publique une école d’excellence. Et c’est un long chemin !
Oui, nous devons reconnaître la qualité des enseignants et la difficulté de leur métier, car l’école est le reflet de la société, elle-même compliquée quelquefois…
Je n’aime pas le mot « égalité », que je trouve parfois triste et appauvrissant quand on parle d’enfants auxquels on doit permettre d’atteindre l’excellence. Je lui préfère le mot « équité », et, à ce titre, je crois que c’est une excellente chose que l’État crée des établissements de cette nature.
Mes chers collègues, ne nous cachons pas derrière des mots ou des dogmes ! Aujourd’hui, la sélection existe, et elle se fait par l’argent. J’insiste, ce dont nous parlons existe déjà, mais seules les familles qui ont les moyens peuvent permettre à leurs enfants de fréquenter des établissements privés, qui proposent exactement les mêmes choses.
Le programme lancé par le ministre est ambitieux – scolarisation obligatoire des enfants dès l’âge de 3 ans, attention à la qualité des enseignements et des activités… – et je crois que ce processus est intéressant à long terme, y compris en termes d’équité territoriale.
Je donnerai un bref exemple. Les pouvoirs publics, notamment le rectorat, ont décidé d’installer des formations supérieures industrielles rares et de grande qualité dans un secteur difficile de mon département, ce qui a permis la création d’entreprises sur ce territoire.
Ainsi, sous réserve de prendre en compte un objectif d’équilibre social, je suis tout à fait favorable à ce que le dispositif prévu à l’article 6 du projet de loi soit engagé.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 106 rectifié et 145.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 399, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5, dernière phrase
Supprimer le mot :
général
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces établissements peuvent également accueillir des élèves préparant les diplômes nationaux du brevet et du baccalauréat qui ne sont pas assortis de l’option internationale ni préparés dans une section binationale, sous réserve que l’effectif de ces élèves n’excède pas le quart des effectifs de l’établissement.
III. – Alinéa 28
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 421-19-10. – L’admission des élèves dans l’établissement public local d’enseignement international, à l’exclusion de ceux mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 421-19-1, est soumise à la vérification de leur aptitude à suivre les enseignements dispensés dans la langue de la section, dans des conditions adaptées à leur âge et fixées par décret.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Dans la continuité de notre discussion, je crois que cet amendement permettra de convaincre les sénateurs qui ont un doute sur l’apport des EPLEI à la mixité sociale.
Mme Céline Brulin. Au contraire !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. En tout cas, je suis certain que ce doute sera levé dans les prochaines années.
Nous proposons de compléter à la marge les dispositions relatives à ces établissements publics locaux d’enseignement international adoptées en première lecture à l’Assemblée nationale, afin de mieux prendre en compte la réalité de l’organisation pédagogique des futurs établissements.
En premier lieu, les EPLEI pourront préparer, au sein d’une section binationale, à la délivrance simultanée du baccalauréat et du diplôme ou de la certification permettant l’accès à l’enseignement supérieur dans un État étranger en application d’accords passés avec cet État. Je crois que cette mesure lève l’une des objections que j’ai entendues.
La rédaction actuelle, qui évoque uniquement le baccalauréat général, ne permet pas d’inclure les filières technologiques qui entrent pourtant dans le dispositif actuel des sections binationales. Il est donc proposé de supprimer la référence au caractère général du baccalauréat.
En second lieu, la diversité de l’offre de formation d’un certain nombre d’établissements qui souhaitent accéder au statut d’EPLEI justifiait d’offrir à ce type d’établissement la possibilité de dispenser des formations préparant au diplôme de droit commun – brevet des collèges ou baccalauréat général, technologique ou professionnel. Afin de conserver la spécificité des futurs EPLEI, ces formations ne pourront pas être suivies par plus d’un quart de l’ensemble des effectifs de l’établissement. C’est le sens du nouvel alinéa proposé.
Enfin, cette ouverture des EPLEI à des formations préparant aux diplômes de droit commun implique d’ajuster les dispositions relatives à l’admission des élèves, en limitant les tests d’admission aux seuls élèves souhaitant accéder aux formations linguistiques spécifiques. De plus, il est préférable de faire référence à la langue de la section, plutôt qu’à la langue étrangère, puisqu’il peut exister, au sein des écoles européennes, une section francophone.
Ces modifications ajoutent de nouvelles garanties en matière de mixité sociale au sein des EPLEI, en leur permettant de préparer une partie des élèves au brevet des collèges et au baccalauréat général, technologique et professionnel. Cela s’accompagnera aussi de mesures pratiques afin que, de façon volontariste, toutes les classes sociales soient représentées.
Au-delà de cet amendement, et en lien avec la discussion que nous venons d’avoir, il me paraît important de souligner l’enjeu de justice territoriale qui va de pair avec celui de justice sociale. Les EPLEI sont une chance pour les collectivités locales, y compris pour celles qui sont situées dans une zone urbaine défavorisée et pour les territoires ruraux en déshérence, de développer des projets ambitieux. Ces projets contribueront à l’attractivité du territoire.
Comme vous le voyez, non seulement nous ne voulons pas accentuer les injustices sociales – celles-ci sont aujourd’hui bien réelles –, mais nous entendons, comme l’a très bien dit Mme Gatel, les dépasser, en proposant un enseignement gratuit, ouvert à tous et volontariste en matière de mixité sociale.
M. le président. L’amendement n° 258 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 399 ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je n’ai qu’un regret, celui de ne pas avoir pensé à ces mesures lorsque nous avons travaillé en commission sur cet article ! Ouvrir les sections binationales aux voies professionnelle et technologique et accueillir des élèves dans des filières de droit commun est une très bonne chose.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Ce débat est intéressant ; permettez-moi de le prolonger dans l’esprit qui caractérise nos échanges.
Monsieur Lafon, il faut dire les choses très clairement en ce qui concerne les langues : au lycée de Courbevoie, il y a 6 500 élèves, dont cinq apprennent l’arabe…
Mes chers collègues, comprenez bien que l’éducation est, aujourd’hui, un instrument de ségrégation spatiale très puissant. Je vais vous donner un exemple. Je suis voisin du lycée Lakanal de Sceaux, un établissement réputé, et je puis vous dire que les annonces immobilières mentionnent davantage la proximité avec ce lycée que celle qui existe avec le RER…
Mme Françoise Gatel. C’est lié à la carte scolaire !
M. Pierre Ouzoulias. Les parents achètent un bien immobilier pour faire un investissement dans l’éducation. On pourrait dire, finalement, qu’ils achètent une place au lycée Lakanal de Sceaux ! Rien d’autre n’a de la valeur.
Face à la puissance de cette ségrégation économique et spatiale, la seule solution, monsieur le ministre, c’est que l’État investisse beaucoup plus dans les territoires qui en ont besoin.
Je donnerai un autre exemple. Je suis conseiller départemental de Bagneux, une commune extrêmement défavorisée ; la région Île-de-France va y ouvrir un lycée. Si vous voulez vraiment corriger les énormes différences qui existent aujourd’hui, il faut que l’État investisse lourdement dans ce lycée, notamment en termes d’options comme le latin – c’est en effet ce type d’option qui permet de réinjecter de la mixité.
Monsieur le ministre, je ne raisonne pas en opposant une éducation de riches à une éducation de pauvres ! Je serais prêt à accepter ce que vous proposez si vous preniez l’engagement ferme, au travers d’un article du projet de loi, de réinvestir dans les collèges et lycées des communes populaires, pour faire en sorte que la mixité sociale soit réellement possible !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Le projet qui nous est proposé s’appuie, pour une fois, sur la création d’établissements publics. En outre, il fixe un certain nombre de garde-fous : par exemple, le fait de ne pas se limiter à la filière générale et d’autoriser des élèves à préparer des diplômes de droit commun éloigne le risque d’une sélection et favorise la mixité sociale.
Pour obtenir un certain brassage, il est important d’afficher clairement que ce n’est pas au marché de réguler l’éducation et que le projet d’établissement doit inclure plusieurs points précis.
Certains établissements privés sont très sélectifs et attractifs. Avec ce dispositif, des établissements publics seront eux aussi très attractifs, ce qui permettra de montrer l’excellence de l’enseignement public. Une telle excellence n’est pas réservée à certains !
Voilà pourquoi nous devons voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.
Mme Claudine Lepage. Je veux réagir aux propos de M. Ouzoulias. C’est vrai, on le sait tous, il y a des lycées élitistes, ce qui provoque un certain boom immobilier à proximité, que ce soit à Paris ou à Sceaux.
Cependant, j’aimerais vous citer l’exemple d’un lycée, dans un quartier très populaire de Paris, qui accueille des classes de section internationale, aux niveaux collège et lycée.
Il s’agit du lycée Honoré-de-Balzac, qui est situé porte de Clichy. Cet établissement accueille dans ses classes internationales aussi bien des enfants du quartier que des jeunes qui viennent d’un peu plus loin, parce qu’ils ont un intérêt particulier à suivre la section arable, allemande, portugaise, etc.
Ce type de lycée existe, et c’est ce qu’il faut développer. Je ne me suis peut-être pas exprimé très clairement par rapport à l’établissement de Strasbourg. Au départ, j’étais partie sur l’idée de l’école européenne. Je connais ce modèle d’établissement pour en avoir visité. L’un de mes fils a été scolarisé dans une école européenne à Munich.
C’était mon idée initiale, mais je crois que, si l’on veut répondre à vos exigences et à ce que vient de dire Mme Cartron, c’est dans cette direction qu’il faut aller : accueillir des enfants du secteur, mais aussi développer les sections internationales.
Nous avons besoin d’étendre l’enseignement des langues au-delà de deux heures par semaine. Nos enfants doivent être en mesure de mener une vraie discussion et de conduire un vrai travail dans des langues étrangères.
M. le président. L’amendement n° 336 rectifié, présenté par Mmes Ghali, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, MM. Assouline, Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’État veille au déploiement homogène de ces établissements sur le territoire, en particulier dans les zones définies par le pouvoir réglementaire comme prioritaires sur le plan éducatif.
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Nous souhaitons aller dans le sens de l’égalité sociale, de l’égalité des chances et de l’égalité territoriales en encourageant le déploiement des établissements publics locaux d’enseignement international, les EPLEI, dans les zones qui sont classées comme prioritaires sur le plan éducatif, c’est-à-dire en réseau d’éducation prioritaire, REP, ou en REP+.
Nous connaissons les problèmes de contournement de la carte scolaire. Nous avons beaucoup parlé, il y a un instant, des problèmes d’inégalité territoriale. Si nous voulons que ces nouveaux EPLEI servent à l’attractivité des écoles situées dans les quartiers les plus défavorisés, il faut faire en sorte que le déploiement des EPLEI soit harmonieux sur le territoire, avec une priorité accordée aux zones REP et REP+.
Il s’agit vraiment, monsieur le ministre, de vous prendre au mot et de préciser dans la loi que nous voulons ensemble faire de ce nouveau dispositif un véritable outil d’égalité des chances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je comprends les intentions des auteurs de l’amendement.
Toutefois, l’initiative de créer un EPLEI repose exclusivement sur les collectivités territoriales concernées. Il reviendra à celles-ci de veiller à l’égalité des chances et à l’équité territoriale. Pour ma part, je fais confiance aux élus pour introduire ces exigences, qui sont au cœur même de leur engagement.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L’esprit de cette proposition est évidemment tout à fait intéressant. Il correspond à ce que j’ai dit jusque-là.
Néanmoins, je rejoins le rapporteur pour dire que l’on ne doit pas introduire une rigidité supplémentaire. On doit respecter les choix des collectivités locales, sachant que l’éducation nationale aura vocation à encourager les implantations volontaristes dans certains territoires qui pourront ainsi se requalifier.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Quand j’évoquais mon opposition à l’article tel qu’il est proposé, je proposais a contrario de les développer, de faire en sorte que cette bonne idée que l’on nous présente puisse être offerte à tous les enfants de la République. Du moins, il faudrait tendre vers cet objectif.
Avec cet amendement, nous proposons de mettre en œuvre une forme de plan de développement. Monsieur le rapporteur, personne ici ne veut tordre le bras aux élus. Depuis le début de l’examen de ce texte, il nous est aussi arrivé de voter des contraintes pour les élus. Nous avons, pour ce qui nous concerne, toujours confiance dans les élus.
Pourtant, à l’instant, les masques sont tombés. Bizarrement, un simple plan de développement, qui, entre nous soit dit, ne mange pas de pain, est rejeté. Nous prévoyons simplement de développer cette offre de façon homogène – vous l’imaginez bien ! –, en laissant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les choses.
On peut imaginer que M. le ministre, qui est adepte de la concertation, exercera ce pouvoir réglementaire après avoir rencontré des élus. On peut imaginer que l’adoption de notre amendement permettrait au ministre d’engager une concertation avec les associations d’élus pour examiner comment, sur plusieurs années, installer et développer ces établissements que vous ne cessez de nous vanter au nom de la mixité sociale.
Toutefois, quand il faut passer aux actes, tout s’arrête ! Les grands discours s’interrompent, et vous refusez cet amendement.
M. Philippe Dallier. Vous caricaturez !
M. le président. L’amendement n° 393 rectifié, présenté par M. Henno, Mme Guidez, MM. Kern, Longeot, Bockel, Détraigne et Moga, Mmes Goy-Chavent et Férat et M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
exerce les compétences attribuées au directeur d’école
par les mots :
s’appuie sur les directeurs d’école dont les compétences sont définies
Monsieur Longeot, acceptez-vous de présenter en même temps les amendements nos 394 rectifié et 395 rectifié ?
M. Jean-François Longeot. Volontiers, monsieur le président.
M. le président. J’appelle donc en discussion ces deux amendements.
L’amendement n° 394 rectifié, présenté par MM. Henno et Détraigne, Mme Guidez, MM. Kern, Longeot, Bockel et Moga, Mmes Goy-Chavent et Férat et M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Après la référence :
L. 421-19-1
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, d’une ou plusieurs personnalités qualifiées et des directeurs des écoles maternelles et élémentaires du secteur ;
L’amendement n° 395 rectifié, présenté par MM. Henno et Détraigne, Mme Guidez, MM. Kern, Longeot, Bockel et Moga, Mme Goy-Chavent, M. Capo-Canellas et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Supprimer les mots :
ainsi que celles du conseil d’école mentionné à l’article L. 411-1
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Au travers de ces amendements, nous souhaitons défendre le maintien du directeur d’école dans ses compétences actuelles.
La création des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, les EPLESF, ou des établissements publics locaux d’enseignement international, les EPLEI, modifie profondément les équilibres entre le premier et le second cycle.
Cette modification porte atteinte à la relation de proximité, nécessaire et précieuse, entre les familles et le directeur d’école, le directeur d’école et son équipe éducative, le directeur d’école et la commune.
Nous proposons donc d’inscrire dans la loi, sans nous opposer au principe de la création des EPLESF et des EPLEI, que le chef d’établissement travaille en lien avec les directeurs d’école, sans que ceux-ci deviennent des chefs d’établissement adjoints.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je ne pense pas que l’on puisse mettre les EPLESF et les EPLEI sur le même plan, surtout en ce qui concerne le rôle des directeurs.
Nous reparlerons plus tard, ce soir ou demain, des EPLESF. Les EPLEI formeront, eux, un seul établissement « uni-site », à la différence des EPLESF, s’ils voient le jour. La composante « école » de l’établissement demeurera dirigée par un directeur d’école.
Toutefois, pour que l’établissement fonctionne bien, il convient, dans le cadre des EPLEI, que le chef d’établissement ait bien autorité sur l’ensemble de l’établissement, comme c’est d’ailleurs le cas dans les établissements de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, où il y a bien des écoles, des collèges et des lycées.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 259 rectifié, présenté par MM. Luche, Canevet, Capo-Canellas et Détraigne, Mme C. Fournier, MM. Henno, Lafon, A. Marc et Moga, Mme Perrot et M. Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Après le mot :
sociale
insérer les mots :
et territoriale
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Cet amendement vise à ajouter la notion de territorialité à celle de social, dans un esprit d’équilibre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Autant la mixité sociale peut être mesurée et synthétisée, autant la mixité territoriale n’est pas un concept opérant pour prononcer l’admission dans un établissement.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Lafon. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 259 rectifié est retiré.
L’amendement n° 26 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 385, présenté par MM. Théophile, Karam, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 46
Rétablir le V dans la rédaction suivante :
V. – Dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant le bilan de l’application outre-mer des dispositions prévues par la présente section.
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Il est important d’avoir une évaluation de la mise en place des établissements publics locaux d’enseignement international en outre-mer.
Les environnements géographiques de nos territoires sont polyglottes – on y parle le français, le créole, l’espagnol, l’anglais, le portugais, l’hindi, et j’en passe … Nous pouvons également évoquer à cet égard la proposition du sénateur Magras sur le bilinguisme dans son rapport sur le tourisme aux Antilles qui date de 2011. Cependant, il apparaît que beaucoup de pays limitrophes des départements d’outre-mer n’apparaissent pas dans la liste fixée par l’arrêté du 18 janvier 2019.
Rappelons que les EPLEI préparent soit à l’option internationale du diplôme national du brevet et à l’option internationale du baccalauréat, soit au baccalauréat européen. Ces établissements seront créés par arrêté du représentant de l’État dans le département, sur proposition conjointe des collectivités territoriales. Il s’ensuivra une convention.
En conséquence, on peut s’interroger sur le financement des établissements publics locaux d’enseignement international, compte tenu de la fragilité financière des collectivités territoriales des départements d’outre-mer.
N’aurait-on pas plus de chances d’avoir des EPLEI en Île-de-France qu’en Martinique, en Guyane ou à Mayotte ?
Dans cette logique, un rapport, après deux ans d’application de la présente loi, devrait nous permettre d’avoir une bonne visibilité sur la création et la gestion des EPLEI dans les outre-mer. Mes chers collègues, à titre exceptionnel, je vous encourage à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Monsieur le président, nous avons peut-être été un peu rapides lors du vote sur l’amendement n° 395 rectifié…
En effet, j’avais donné un avis seulement sur l’amendement n° 393 rectifié, et non sur l’amendement n° 395 rectifié, aux termes duquel, dans les EPLEI formant un unique établissement, le conseil d’administration est censé exercer les compétences d’un conseil d’administration normal. Par cohérence avec l’amendement n° 264 de M. Grosperrin, la commission était favorable à cette disposition.
M. le président. Les trois amendements ont été présentés en même temps par M. Longeot. La commission et le Gouvernement ont donné un avis global, et ces trois amendements ont été rejetés.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Je les avais présentés ensemble à votre demande, monsieur le président ! Le règlement ne nous offre-t-il pas une solution pour cet amendement, qui, en réalité, avait reçu un avis favorable de la commission ?
M. le président. J’en suis désolé : nous ne pouvons revenir sur un vote qui a eu lieu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 385 ?
M. Max Brisson, rapporteur. L’avis sera défavorable, car il s’agit d’une demande de rapport. Je rappelle d’ailleurs que le Gouvernement, tout comme le Sénat, peut toujours réaliser un rapport sur la mise en œuvre des EPLEI dans les outre-mer s’il le souhaite.
Conformément à sa position traditionnelle, la commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je remercie M. Théophile de ses propos, car ils permettent de prolonger les interventions précédentes et de montrer l’importance d’un tel sujet pour l’outre-mer.
En concevant les EPLEI, nous avons évidemment eu à l’esprit les outre-mer, qui peuvent particulièrement profiter de cette logique. Il faut tenir compte bien entendu des difficultés financières des collectivités territoriales, mais aussi et surtout de leurs atouts, à savoir des frontières internationales particulièrement développées et riches, ce qui permet de développer des projets originaux.
Oui, nous souhaitons faire preuve d’un volontarisme particulier à l’endroit des territoires d’outre-mer pour ce qui concerne l’implantation des EPLEI. Cela justifierait, une fois n’est pas coutume, et à titre un peu exceptionnel, de dépasser une jurisprudence qui est celle non pas du Gouvernement, mais du Sénat. Je n’irai pas jusqu’à émettre un avis favorable sur cet amendement, parce que je ne veux pas aller trop loin, mais un avis de sagesse me paraît adapté, car cette thématique est, à mes yeux, très importante.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Tout à l’heure, monsieur le ministre, j’avais justement souhaité entendre votre avis. Nous l’avons tous compris ici, les élus ultramarins ont des idées à proposer en la matière. Mais, dans un tel texte de loi, sur une telle disposition, elles ont un coût financier, ce qui les fait tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution. La demande de rapport s’explique par la nécessité de contourner cet article.
Je m’attendais à ce que vous saisissiez la balle au bond ou la perche tendue, pour rester dans un contexte sportif, pour voler vers l’outre-mer et reconnaître la réalité, que nous soulignons tous, d’un besoin de différenciation territoriale dans les outre-mer.
Je l’ai dit dès le début, la problématique est intéressante. Elle correspond à une nécessité absolue pour le développement des outre-mer dans leur espace régional, en particulier pour le développement de l’activité touristique, qui reste, ou qui deviendra, si elle ne l’est pas déjà, la première activité économique de ces territoires.
Seulement, le rapport sera le plus simple de tous ceux que le Gouvernement a jamais eu à rédiger : il consistera à constater, dans deux ans, qu’il n’y aura eu aucune mise en application.
Je le répète, j’attendais un peu plus, à savoir une volonté du Gouvernement de reconnaître qu’il y a une question de fond, qu’il doit examiner. Il doit comprendre que le rapport doit aller au-delà d’une simple évaluation de la faisabilité ou du résultat obtenu.
Malgré tout, je soutiendrai l’amendement de mon collègue à titre exceptionnel, tout en répétant au ministre que le Gouvernement doit aller plus loin.
M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 6
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 67 rectifié bis est présenté par MM. A. Marc, Bignon, Chasseing, Wattebled et Decool.
L’amendement n° 377 rectifié est présenté par MM. Dantec, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme N. Delattre et MM. Gold, Labbé, Roux et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les régions et territoires concernés, l’apprentissage de la langue et de la culture régionales est intégré au socle commun de connaissances, de compétences et de culture des élèves qui suivent cet enseignement. À ce titre, l’apprentissage de la langue et de la culture régionales doit être organisé de telle sorte que les élèves puissent le suivre sans être contraints de choisir entre cet enseignement et celui des autres domaines du socle. »
La parole est à M. Alain Marc, pour présenter l’amendement n° 67 rectifié bis.
M. Alain Marc. Les langues et cultures régionales constituent un patrimoine national et ne peuvent donc être traitées comme les langues étrangères. Leur apprentissage donne lieu à des activités qui contribuent directement à l’acquisition du socle commun, notamment pour la découverte du milieu.
J’ajouterai que, à un moment où le Président de la République découvre la nécessité d’adapter les politiques localement, notamment dans l’éducation, il ne faudrait pas oublier les langues régionales. On ne se prive pas de répéter qu’il faut développer le français à l’extérieur du pays, mais, à l’intérieur, on oublie souvent de valoriser les langues régionales de France.
Monsieur le ministre, nous comptons beaucoup sur vous pour ne pas oublier cet aspect-là de notre culture. En Occitanie, ma région d’origine, mon père et mes grands-parents étaient bilingues. D’ailleurs, ils faisaient beaucoup moins de fautes d’orthographe que nous. Si vous lisez les travaux d’Hagège, vous apprendrez que le bilinguisme permet d’être bien plus efficace en français. On constate aussi dans les écoles bilingues que l’on est bien plus efficace en mathématiques, ce qui est surprenant, mais pas tant que cela. Il faut donc agir dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 377 rectifié.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est extrêmement important. Depuis la fameuse loi Deixonne des années 1950, on a progressé, et on n’a plus de faux débats sur l’importance de préserver ce patrimoine fondamental pour notre identité collective que sont les différentes langues de France.
Néanmoins, la loi, telle qu’elle est aujourd’hui, soulève une véritable inquiétude. En effet, dans l’organisation concrète de l’enseignement, on se retrouve avec une concurrence entre les langues régionales et les langues étrangères dans l’enseignement. Je n’ai pas besoin d’aller prendre l’exemple de ma grand-mère ; le mien suffit, puisque j’ai appris le breton au lycée, voilà bientôt une quarantaine d’années. Je me souviens très bien de la leçon de breton tombant au même moment que la cantine ou placée à des heures totalement folkloriques.
Les associations culturelles, un peu partout en France, attendent donc que l’on écrive clairement dans la loi qu’il faut éviter toute concurrence dans les horaires dans l’organisation de l’enseignement du socle entre les langues étrangères et les langues régionales au moment où l’on fait les emplois du temps.
Nous sommes ici non pas sur des grands principes, mais des choses très concrètes, car il existe aujourd’hui une grande inquiétude sur ce point. En votant cet amendement, nous pouvons rassurer tout le monde en donnant des indications claires s’agissant notamment de la réalisation des emplois du temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je ne crois pas avoir à prouver mon attachement aux langues régionales, lequel a parfois même pu agacer le ministre.
Néanmoins, mes chers collègues, je me dois de vous indiquer que l’apprentissage d’une langue régionale appartient déjà au premier domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Ces amendements sont donc satisfaits par le droit existant.
En outre, je ne suis pas vraiment favorable à des socles communs différents selon les régions, parce qu’ils perdraient alors leur caractère commun.
Je suis donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. M. le rapporteur laisse entendre qu’il aurait défendu dans des épisodes précédents les langues régionales et que je ne serais pas allé dans le même sens que lui.
M. Pierre Ouzoulias. C’est ce que l’on a cru comprendre… (Sourires.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je ne puis laisser prospérer une telle idée ! (Nouveaux sourires.)
La position du ministre de l’éducation nationale est, par définition, de fixer un cadre. Dans ces discussions autour des langues régionales, je souhaite que nous nous considérions comme étant tous dans le même bateau, le bateau « France », avec une langue qui est le français, consacrée par la Constitution, et des langues régionales, qui participent de la vitalité générale du pays. Je pense que nous sommes tous d’accord autour de cette approche.
C’est pourquoi, en tant que ministre de l’éducation nationale, je souhaite non pas le face-à-face sur ces questions, mais plutôt le côte à côte, c’est-à-dire que nous puissions agir ensemble de manière raisonnable et cadrée.
Ainsi, j’ai déjà pris un certain nombre de mesures en faveur des langues régionales. Je voudrais citer un exemple, qui a été trop peu souligné à mes yeux : dans le cadre de la réforme du lycée, l’un des enseignements de spécialité peut être l’enseignement d’une langue régionale, ce qui est tout sauf négligeable, puisque cela représente quatre heures par semaine en première et six heures en classe de terminale. C’est extrêmement intéressant pour le développement des langues régionales et, au-delà, pour les cultures et leur articulation.
Je pense aussi que nous devons avoir une vision non cloisonnée du sujet. Par exemple, il a précédemment été question des langues romanes et latines, et il faut pouvoir montrer les voisinages entre certaines langues régionales et des langues étrangères, ainsi qu’avec le latin. Cette approche peut ouvrir des innovations pédagogiques très intéressantes.
Nous allons certainement parler de différents sujets autour des langues régionales ce soir, et je pourrai alors montrer l’ouverture du Gouvernement sur ce point, avec, évidemment, une certaine vigilance concernant le cadre à fixer.
S’agissant plus précisément de ces deux amendements, rendre obligatoires les langues et cultures régionales nous mettrait pour le coup en dehors de la Constitution.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel est très claire à cet égard, puisque celui-ci a jugé à plusieurs reprises que l’enseignement des langues régionales, s’il pouvait être encouragé, ne saurait avoir un caractère obligatoire ni pour les élèves ni pour les professeurs. Il y a eu plusieurs décisions en ce sens, notamment celle du 17 janvier 2002 ou du 12 février 2004. Cependant, ces décisions ne vont pas du tout à l’encontre du développement des langues régionales dans notre système scolaire.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, sauf votre respect, je pense que votre argumentaire ne correspond pas à l’amendement.
J’ai bien entendu ce que disait M. le rapporteur, mais l’important n’est pas tant que cela le socle. Il importe surtout de préciser que les différents enseignements du socle sur les langues ne seront pas en concurrence dans l’organisation du lycée.
Sinon, on peut aboutir à un résultat contradictoire, où cet enseignement facultatif – le sujet n’est pas là, monsieur le ministre – serait en danger, car il se retrouverait en concurrence là où il ne l’était pas dans l’organisation précédente.
Je le répète, il faut inscrire le principe de non-concurrence des langues dans le socle pour répondre aux inquiétudes de ceux qui se sont mobilisés depuis des décennies sur les langues régionales et qui craignent qu’une victoire symbolique sur le socle ne se trouve remise en cause dans l’organisation concrète.
D’où l’importance de cet amendement. Je le regrette, monsieur le ministre, mais ce n’était pas le sens de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Mon cher collègue, vous évoquez plutôt la réforme du baccalauréat. Le sujet n’est pas lié à l’école du socle. Qu’il y ait un véritable problème avec la réforme du baccalauréat, je ne le nie pas.
Monsieur le ministre, je regrette que vous n’ayez pas, pour les langues régionales, pris les dispositions qui valent pour les sections internationales ou les sections européennes. Il y a là incontestablement un vrai problème et une véritable inquiétude, que Ronan Dantec a relayée, et que je relaye à mon tour.
Néanmoins, je le répète, cette question se situe en dehors de l’école du socle, qui se termine au collège. J’aurais aimé vous entendre sur l’enseignement des langues régionales au lycée et sur les sections bilingues en langues régionales. Le magnifique tableau que le ministère a publié pour les sections internationales et les sections européennes aurait pu aussi être publié pour les sections bilingues en langues régionales ; nous n’aurions pas alors les inquiétudes que Ronan Dantec a fort justement développées.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Nous voterons ces amendements identiques, auxquels nous sommes très favorables.
À cette heure tardive, je souhaiterais vous faire une proposition, monsieur Marc : imposons l’hymne occitan, le Se canto, à côté de La Marseillaise, pour que les enfants s’imprègnent de nos traditions régionales. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. En tant qu’élue d’Occitanie, région qui a une identité très forte, je suis très attachée à la langue et à la culture régionales.
Or j’ai été saisie par les professeurs d’occitan de mon département de la suppression des moyens fléchés et de la réforme du lycée. Je reprends donc les propos du rapporteur, pour vous appeler à la vigilance sur un sujet très important pour les territoires, notamment l’Occitanie.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Je le dis d’emblée, je soutiens totalement les deux amendements de nos collègues. Vous comprenez que cette position s’explique par mon origine.
Sachez que, aux Antilles, nous sommes élevés dans une langue qui n’est pas exactement le français. Nous vivons avec le français. Nos petits traduisent bien souvent la langue créole quand ils parlent français. Éviter d’intégrer cette langue régionale dans un socle commun, c’est arracher à l’enfant une partie de son propre socle.
Les choses sont donc très claires. Pour ma part, je suis évidemment partisan de donner un statut, et le plus haut possible, aux langues régionales, parce qu’il y va de la construction, je dirais même de la reconstruction de ces enfants à l’école.
Je soutiens donc totalement ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Dans les propos de notre collègue Ouzoulias, si j’ai perçu un fort élan de sympathie envers les langues régionales, j’ai aussi ressenti la dimension quelque peu folklorique qu’il leur donne. Or tel n’est absolument pas le cas !
C’est une question sensible et extrêmement importante pour nous, ce que ne perçoivent pas ceux qui ne sont pas concernés ici, alors qu’ils sont vent debout lorsque notre culture nationale risque de dépérir, par exemple, au profit de la culture anglo-américaine.
Je le dis parce que les langues régionales font partie des cultures de France et qu’elles sont notre richesse. M. le ministre le sait, Richard Cœur de Lion parlait l’occitan, par exemple ! Il y a certaines choses qui sont dans nos référents, que l’on ne doit pas oublier, que l’on ne doit pas laisser perdre !
Particulièrement attaché aux cultures régionales, je voterai, bien évidemment, cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Élu moi aussi d’un territoire où l’on parle une langue régionale, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur Dantec, nous allons, pour une fois, et je l’espère, une seule fois, inverser les rôles. En l’occurrence, c’est moi qui vais vous poser une question, parce que j’ai un réel problème d’interprétation de votre amendement. Et les échanges que nous venons d’avoir ne m’ont guère éclairé.
M. le rapporteur a établi une distinction entre ce qui relève du socle et ce qui relève de la réforme du lycée. Nous sommes là clairement, par définition, sur deux sujets différents. Vous proposez dans votre amendement, tel que je le comprends, que la langue régionale soit dans le socle. Vous souhaitez donc que cette langue soit apprise dans le cadre de l’acquisition du socle, lequel intègre aujourd’hui l’apprentissage d’une langue étrangère.
J’ai un problème de compréhension du sens de votre amendement, que je vais lire à haute voix : « Dans les régions et territoires concernés, l’apprentissage de la langue et de la culture régionales est intégré au socle commun de connaissances, de compétences et de culture des élèves qui suivent cet enseignement. À ce titre, l’apprentissage de la langue et de la culture régionales doit être organisé de telle sorte que les élèves puissent le suivre sans être contraints de choisir entre cet enseignement et celui des autres domaines du socle. »
M. Ronan Dantec. Seule la deuxième phrase compte ! Le reste existe déjà.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’entends bien, mais, aujourd’hui, les enfants peuvent apprendre une langue étrangère et une langue régionale.
M. Ronan Dantec. C’est un désastre !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Du fait des dispositions existantes, à mes yeux, votre amendement est satisfait. Je ne vois pas ni contradiction ni menace pour les langues régionales dans le système tel qu’il est.
M. le président. Mes chers collègues, il est minuit passé. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit trente, afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 67 rectifié bis et 377 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 128 |
Contre | 213 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux autres amendements identiques.
L’amendement n° 69 rectifié ter est présenté par MM. A. Marc, Canevet, Bignon, Chasseing, Wattebled et Decool.
L’amendement n° 372 rectifié est présenté par MM. Dantec, Arnell, Artano, A. Bertrand, Castelli, Gold, Labbé et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l’article L. 312-10 du code de l’éducation est complété par les mots : « à parité horaire ou par immersion, sans préjudice de l’objectif d’une pleine maîtrise de la langue française, prévu à l’article L.121-3 ».
La parole est à M. Alain Marc, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié ter.
M. Alain Marc. Cet amendement vise à apporter une souplesse dans la mise en œuvre de l’enseignement bilingue, tel qu’il se pratique déjà dans nombre d’écoles publiques et privées sous contrat, afin de permettre d’atteindre une véritable compétence bilingue des élèves, l’objectif de pleine maîtrise de la langue française étant assuré conformément à l’article L121-3 du code de l’éducation, qui est ici rappelé.
Ce soutien particulier à la langue régionale, dans des contextes de diglossie au préjudice de la langue régionale, loin de nuire à la langue française, la renforce, au contraire. Le bilinguisme contribue au développement de hautes compétences dans les deux langues, notamment métalinguistiques, et favorise l’acquisition d’autres langues.
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs validé ces différentes formes d’enseignement bilingue par sa décision 99-412 du 15 juin 1999, estimant qu’aucune des 39 dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires signées par la France le 7 mai 1999, y compris l’enseignement en immersion, n’était contraire à la Constitution.
Pour avoir suivi un nombre de sections bilingues dans un autre temps, où j’exerçais d’autres fonctions, je rappelle que les résultats, notamment aux évaluations nationales dans les sections bilingues, en particulier celles des langues régionales, étaient largement supérieurs à ceux qui sont obtenus dans les cursus classiques, à la fois en français et en mathématiques.
J’ajoute que ces sections bilingues ne coûtent pas plus cher à l’éducation nationale. En effet, si les mathématiques ou la biologie sont enseignées dans une langue régionale, en occitan, en basque ou en français, deux et deux font toujours quatre ! (Sourires.)
Quand on a la chance de pratiquer de la sorte et d’obtenir des résultats qui sont supérieurs aux autres, il ne me semble pas tout à fait idiot de favoriser l’enseignement bilingue !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 372 rectifié.
M. Ronan Dantec. Cet amendement vise à donner une pleine reconnaissance à l’enseignement immersif d’une langue régionale dans l’enseignement public et à apporter une souplesse dans la mise en œuvre de l’enseignement bilingue.
Sur ce point-là aussi, on a progressé. Il serait bien de reconnaître les engagements pris par le Premier ministre lors de son déplacement en Bretagne, ainsi que les avancées faites ici même, au Sénat. En effet, je veux le rappeler, c’est dans cette enceinte que nous avons pleinement reconnu cet enseignement immersif, au moment de la discussion du projet de loi relatif aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace, très fortement porté par nos collègues de l’Union Centriste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Avant de donner l’avis de la commission, je voudrais dire quelque chose de plus personnel.
J’ai assisté, dimanche, à Saint-Pée-sur-Nivelle, aux fêtes des Ikastola et des Seaska. Il existe au Pays basque les écoles immersives en langue basque. Elles sont légales et sous contrat d’association, à l’instar de l’école Diwan en Bretagne. L’immersion existe donc dans ce pays. Mais l’immersion au Pays basque – nous avons eu, en effet, un échange un peu tendu avec Mme Gourault lors du débat sur la collectivité européenne d’Alsace – existe à l’école maternelle publique, dans le cadre de l’expérimentation.
C’est la raison pour laquelle j’ai réagi un peu vivement aux propos de Mme Gourault, selon laquelle ces sections immersives n’existeraient pas dans l’école publique. Je suis allé, avec le directeur académique des services de l’éducation nationale, le Dasen, des Pyrénées-Atlantiques visiter l’école maternelle immersive publique d’Ahetze. Les choses existent donc.
Les deux amendements identiques proposés ici visent à inscrire l’immersion dans le code de l’éducation pour l’enseignement public. Or je crains que les meilleures volontés ne finissent par se retourner contre l’immersion. En effet, tels que les amendements sont rédigés, et tant que la Constitution ne sera pas modifiée, ces dispositions seront malheureusement tout à fait fragilisées vis-à-vis de toute la jurisprudence constitutionnelle. Cela ne me semble donc pas faire avancer la cause.
Je vous proposerai plutôt d’examiner la rédaction de la commission au titre de l’article 8 et du recours à l’expérimentation. On peut, et cela se fait déjà, expérimenter, en immersion, dans les écoles maternelles publiques, l’enseignement dans une langue régionale. La rédaction de la commission est très claire : « Ces expérimentations peuvent concerner […] l’enseignement dans une langue vivante étrangère ou régionale ».
Ancien président de l’Office public de la langue basque, je pèse ici mes mots. Je proposerai, au nom de la commission, par rigueur, un avis défavorable pour ces deux amendements. Je veux de nouveau le dire nettement, nous avons, me semble-t-il, ouvert une porte à l’immersion au travers de l’expérimentation, qui permet de déroger au rythme hebdomadaire horaire dans le cadre d’un projet d’école.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il y a un sujet pédagogique, il y a un sujet juridique et, in fine, il y a probablement un sujet politique.
Sur le sujet pédagogique, on ne peut qu’être d’accord avec ce qui a été dit par les uns et par les autres : sur le plan cognitif, notamment, il est bon de connaître une autre langue. C’est vrai d’une langue étrangère comme d’une langue régionale.
Voilà un certain nombre d’années que l’on peut être totalement convaincu que l’apprentissage d’une autre langue, très jeune, n’est en rien nuisible, voire est positif pour l’acquisition de la langue française, comme pour les autres apprentissages. Sur ces bases, je crois qu’il peut y avoir une entente générale. C’est d’ailleurs ce qui justifie la promotion de l’enseignement bilingue.
Toutefois, au cours de nos débats, il s’est produit un saut du raisonnement. En effet, depuis la défense du bilinguisme, on en arrive à l’immersif.
Ce n’est pas tout à fait la même chose : par définition, l’immersif, c’est le multilinguisme. Ce que recouvre la notion de maternelle immersive, c’est le fait que les enfants ne parlent que la langue régionale. Le raisonnement se renverse donc, ce qui, d’un point de vue pédagogique, donne déjà largement lieu à discussion. Dans une perspective précisément cognitive, on pourrait dire que cette politique n’est pas positive, a fortiori si l’enfant est placé dans la situation d’ignorer la langue française.
D’un point de vue sociétal, vous raisonnez toujours comme si nous étions ramenés cinquante ou cent ans en arrière, à l’époque où l’on parlait la langue régionale en famille et où l’école de la République cherchait à imposer à tout prix le français aux élèves. Dans la réalité, c’est l’inverse qui se passe : on parle le français en famille et l’école de la République vient, d’une certaine façon, compenser l’extinction de la pratique de la langue régionale par un certain volontarisme, pour promouvoir la langue régionale. On assiste donc à une sorte d’inversion des rôles, que j’ai voulu pointer dans mes propos liminaires.
En clair, sur le plan pédagogique, l’immersion pose une véritable question. C’est la raison pour laquelle le rapporteur a eu raison de faire référence, non seulement sur le plan juridique, mais aussi sur le plan pédagogique, à la notion d’expérimentation, parce que celle-ci suppose l’évaluation.
Puisque les expériences immersives ont commencé il y a quelques années, acceptons-en l’augure – elles ont été faites, c’est une réalité. Comme il s’agit d’une expérimentation, celle-ci doit être évaluée. S’il en ressort quelque chose de très positif sur le plan pédagogique, peut-être pourrons-nous aller plus loin.
En attendant, nous ne saurions le consacrer d’un point de vue strictement juridique. En effet, la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel est très claire. Elle nous dit que l’on doit bien entendu favoriser les langues régionales, mais sans pour autant passer – si vous me pardonnez l’expression – de l’autre côté du cheval, c’est-à-dire sans défavoriser la langue française au point que, finalement, on ne la parle plus à l’école.
La proposition consistant à consacrer prématurément l’immersion est anticonstitutionnelle. Elle ne peut donc que recueillir du Gouvernement un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je ne vais pas m’exprimer longuement, puisque nous souhaitons tous clore ce soir le chapitre des langues régionales. Toutefois, je pense que vos propos, monsieur le ministre, seront extrêmement commentés. Je vous le dis en toute sincérité, ils sont extrêmement datés.
Nous ne sommes pas dans cette réalité. Tout d’abord, il y a des familles et des parents jeunes qui parlent le breton ; je vous en présenterai. Au Pays basque, beaucoup de familles pratiquent la langue basque. Elles sont nombreuses un peu partout en France à pratiquer les langues régionales.
Ensuite, je ne connais pas, moi – mais vous m’en présenterez peut-être –, d’enfants qui soient passés par des systèmes immersifs de langues régionales et qui ne parlent pas le français ! Je rappelle même que, voilà quelques années, le lauréat du concours général en français était un élève de l’école Diwan.
Ce que vous dites n’est pas la réalité. Ce que vous dites, on l’a entendu quasiment depuis les années 1950. Voyez l’évolution du monde et des idées : énormément de pays, notamment en Afrique, ont aujourd’hui reconnu la diversité de leurs langues comme langues officielles.
En France, nous en sommes encore – je salue les efforts du rapporteur, qui réussit à se mouvoir dans ce cadre – à passer par l’expérimentation, faute de pouvoir faire autrement. La France date ! Il n’est pas même pas certain que ses pratiques seraient acceptées par l’Union européenne par rapport aux règles que celle-ci a édictées sur la reconnaissance de la diversité culturelle.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Sur ce problème, je crois qu’il faut dépasser l’aspect émotionnel. M. le ministre a bien fait de séparer l’aspect du bilinguisme de l’aspect de l’immersion.
Monsieur le rapporteur, vous avez bien dit que l’aspect immersion se situait plutôt dans le cadre de l’expérimentation.
Aujourd’hui, les écoles Diwan, mais aussi les écoles Calandreta en Occitanie, font de l’immersion en maternelle. Les enfants ne parlent que la langue régionale, mais lorsqu’ils arrivent en cours préparatoire, ils sont obligés – c’est normal, cela existe depuis quinze ou vingt ans – d’apprendre le français.
Or les résultats obtenus par les sections bilingues dans les écoles Calandreta ne sont pas du tout mauvais. Ils sont même bien au-dessus des résultats de la moyenne nationale. C’est quelque chose d’essentiel !
Vous affirmez qu’il en va de même avec l’apprentissage d’une langue étrangère, mais je veux tout de même souligner une différence : lorsque l’on apprend une langue régionale et que l’on se situe dans une région, on connaît tous les aspects de la culture régionale qui l’entourent. Je pense à la toponymie et à tous ces aspects auxquels on peut se référer dans une classe et qui, hélas, font défaut pour l’apprentissage d’une langue étrangère.
Par ailleurs, il est vrai que la flexibilité cognitive est un peu plus assurée lorsque l’on a appris deux langues. On apprend d’autant plus vite les langues étrangères que l’on a appris une langue régionale en étant petit.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je me sens obligé d’intervenir de nouveau pour répondre à votre intervention, monsieur Dantec. Malheureusement, il me semble qu’il y a entre nous un petit problème de compréhension, alors même que nous parlons la même langue ! (Sourires.)
En effet, les propos que vous venez de tenir sont vraiment l’illustration de tout ce que je voulais éviter au travers de mon propos liminaire sur le sujet : j’y soulignais précisément que, tous autant que nous sommes, nous raisonnions encore trop, dans le débat public, comme si rien n’avait changé en cinquante ans et que l’école de la République se plaçait encore en position de résistance face aux langues régionales ; or tel n’est plus le cas.
Vous avez fait référence, monsieur Dantec, d’un point de vue quelque peu sociétal, aux jeunes familles qui parlent une langue régionale à la maison, de manière assez volontariste. Vous avez raison ; je le sais et je n’ai jamais dit le contraire.
Je vais donc essayer de me résumer pour être parfaitement clair. Oui, le contexte a changé. C’est ce que j’ai voulu souligner en déclarant que les choses se sont inversées, d’une certaine façon : le volontarisme est désormais à l’école, au travers notamment des classes bilangues régionales, ou même des classes immersives. J’ai voulu ainsi montrer que l’école de la République avait évolué en la matière. Telle est bien la situation actuelle.
Cela dit, on doit, d’une part, préserver certaines normes juridiques que j’ai rappelées et qui justifient, à elles seules, l’avis défavorable du Gouvernement, et, d’autre part, mener une réflexion pédagogique.
Certes, j’entends parfaitement ce qui vient d’être dit quant au succès de ces initiatives. Il ne faut pas pour autant oublier qu’il s’agit de familles très dynamiques, qui sont en mesure de très bien entourer leurs enfants ; si tel n’était pas le cas, elles ne se seraient pas engagées dans ce genre d’expériences. Ce constat n’est en rien un reproche ; il permet simplement d’éclairer le raisonnement, à l’appui, d’ailleurs, de vos propos sur l’évolution de la société, monsieur le sénateur.
Je suis donc, pour ma part, ouvert sur ces enjeux. Je juge très important de maintenir, et même de développer, la vitalité des langues régionales. Cependant, il m’appartient tout de même d’être attentif au cadre dans lequel cela s’opère et, évidemment, au respect de l’article 2 de la Constitution. Au-delà même de ces considérations, il m’importe tout simplement de préserver la qualité de l’enseignement, ainsi qu’une certaine égalité de l’accès à la langue française pour tous les enfants de France.
Je ne pense pas que de tels propos nous opposent ; ils nous conduisent simplement vers des positions d’équilibre, ce que la suite du débat démontrera sans doute.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Je veux dire un mot pour essayer de conclure ce débat, que j’ai trouvé noble et intéressant.
Voilà quelques années, quand, élu local, j’écoutais, regardais ou lisais les débats qui se tenaient au Parlement sur ces sujets, bien des caricatures avaient cours ; on évoquait souvent je ne sais quels dangers. Au moins, nous avons progressé sur ce sujet ; nous le considérons désormais sous l’angle de la pédagogie, de l’intérêt de l’enfant, de l’apprentissage des langues, mais aussi de l’importance de nos langues régionales dans nos territoires.
Ensuite, je pense pour ma part qu’il faut aborder la question sous l’angle de l’expérimentation et de la pédagogie, mais dans le cadre du droit constitutionnel actuel, dont nous devons tenir compte. J’aimerais, moi aussi, que ce cadre soit différent, mais il est ce qu’il est. C’est donc ainsi, selon moi, que l’on peut faire progresser l’école publique.
Vous déclariez à juste titre, monsieur le ministre, que les familles qui s’engageaient vers l’immersion étaient souvent très volontaristes. C’est justement pourquoi il faut que l’école publique accompagne cette démarche, afin qu’en bénéficient les enfants de toutes les familles qui le voudront. C’est aussi, me semble-t-il, un enjeu pour l’école publique.
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi pour conclure de pointer de nouveau ce que je vous disais, ce soir, au sujet du lycée : écoutez-nous sur ces questions, parce qu’il y a là un vrai problème, et nous attendrons vos réponses.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 69 rectifié ter et 372 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 107 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l’adoption | 113 |
Contre | 214 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 6 bis
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 312-10 du code de l’éducation est complété par les mots : « , de leur intérêt et de leurs enjeux ».
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, sur l’article.
M. Antoine Karam. L’un de mes amendements ayant été jugé irrecevable, je veux profiter de l’examen de cet article 6 bis, relatif à l’enseignement des langues régionales, pour évoquer la nécessaire prise en compte du plurilinguisme dans les outre-mer.
Depuis 1996, les recommandations de La Haye concernant les droits des minorités nationales à l’éducation préconisent l’emploi de la langue maternelle de l’enfant comme vecteur idéal de l’enseignement au niveau de l’école primaire.
En Guyane, dans la plupart des villages riverains du Maroni, le fleuve frontière avec le Suriname, et de l’Oyapock, le fleuve frontière avec le Brésil, ainsi que sur le littoral, qu’ils soient amérindiens ou bushinengués, c’est-à-dire descendants de noirs marrons, nos enfants n’ont pas le français pour langue maternelle. La reconnaissance de l’identité de ces peuples nous impose le respect et la défense de la spécificité de chacune de leurs langues, qui sont d’ailleurs reconnues comme langues de France.
Dans cet esprit, la loi pour la refondation de l’école de la République a admis la possibilité du recours à ces langues pour l’acquisition du socle commun de connaissances. L’académie de Guyane a ainsi conforté la place de nos langues et de nos cultures, avec l’ambition forte de se doter, à moyen terme, de plusieurs écoles primaires bilingues.
En pratique, des intervenants en langue maternelle, ou ILM, accompagnent au plus près les élèves, constituant ainsi de véritables passerelles entre le français et la langue maternelle ; leur nombre a été porté à quatre-vingts par l’accord de Guyane d’avril 2017.
Nous savons bien que l’échec scolaire de nos enfants est dû, en grande partie, à leurs difficultés à entrer dans les processus d’apprentissage de la lecture et de l’écriture du français. C’est pourquoi, parallèlement à l’abaissement à 3 ans de l’instruction obligatoire, il est indispensable de renforcer la prise en compte du plurilinguisme, pour garantir à ces enfants les mêmes chances de réussite.
Pour atteindre cet objectif, les intervenants en langue maternelle sont précieux, mais ils ne suffisent pas. Il faut également former les enseignants aux enjeux du plurilinguisme et accorder à ce dernier une place toute particulière dans le système éducatif des territoires ultramarins. Il serait temps de faire de cette richesse linguistique ce qu’elle est : un atout inestimable pour les jeunes.
Certains de nos collègues, notamment Mme la présidente de la commission de la culture, se sont rendus en Guyane, en particulier à Saint-Laurent-du-Maroni ; elle peut témoigner de la situation.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 83 amendements au cours de la journée ; il en reste 167.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 17 mai 2019 :
À neuf heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (texte de la commission n° 474, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 17 mai 2019, à zéro heure trente.)
nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Guillaume Arnell est membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de M. Franck Menonville, démissionnaire.
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER