PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription de la suite de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance à l’ordre du jour du vendredi 17 mai, le matin, l’après-midi et le soir.
Acte est donné de cette demande.
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Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé est parvenue à l’élaboration d’un texte commun.
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Pour une école de la confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier, à l’article 2 bis.
TITRE Ier (suite)
GARANTIR LES SAVOIRS FONDAMENTAUX POUR TOUS
Chapitre II (suite)
L’extension de l’instruction obligatoire aux plus jeunes
Article 2 bis
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 328 rectifié bis, présenté par Mmes S. Robert, Blondin, Monier et Lepage, MM. Antiste et Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La dernière phrase du sixième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, est ainsi rédigée : « En cas de refus du maire, sans motif légitime, d’inscrire l’enfant sur la liste scolaire ou de délivrer le certificat indiquant l’école que l’enfant doit fréquenter, le directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du préfet procède à cette inscription après en avoir requis le maire, en application de l’article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Je rappelle que l’article L. 131-5 du code de l’éducation a déjà été modifié par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Il prévoit les différentes façons de satisfaire à l’obligation de scolarité, soit par l’inscription dans un établissement scolaire, soit par le choix d’instruction par la famille, et précise les modalités d’inscription. Son sixième alinéa, issu de la loi susmentionnée, soumet l’inscription de l’enfant à la délivrance d’un certificat par le maire à la famille ; si le certificat est refusé, la voie de recours pour la famille repose sur le directeur académique des services de l’éducation nationale, le Dasen, qui a la possibilité, mais pas l’obligation, de saisir le préfet pour autoriser l’inscription et peut aussi autoriser une inscription temporaire dans l’attente de la décision du préfet.
Le nouveau dispositif prévu dans le projet de loi a été supprimé sur l’initiative du rapporteur en commission, au motif qu’il modifiait une mesure votée récemment par le Sénat et qui ne s’appliquait que depuis deux mois. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale constituait pourtant une réécriture intéressante de cette procédure de recours : en cas de refus d’inscription du maire, le Dasen, agissant « sur délégation du préfet », procédait à l’inscription définitive, après avoir requis le maire, comme le prévoit la procédure de droit commun du code général des collectivités territoriales.
Le présent amendement vise à rétablir ce dispositif en le modifiant légèrement afin de lever une ambiguïté. Il tend ainsi à prévoir que le Dasen pourra apprécier la légitimité du refus du maire sur des motifs explicites et fondés.
Dans un premier temps, j’avais choisi de préciser que le refus du maire devait être motivé afin que le Dasen puisse fonder sa décision en réelle connaissance de cause. J’ai ensuite rectifié l’amendement, car l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration prévoit la motivation de tout acte administratif restreignant un droit ou l’exercice d’une liberté publique. Nous proposons d’en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Ma chère collègue, en présentant cet amendement, vous avez excellemment exposé la position du rapporteur !
Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a estimé qu’il n’était pas nécessaire de modifier une procédure dont l’entrée en vigueur remonte seulement au 1er mars dernier.
En outre, l’évolution proposée est largement superflue, dans la mesure où le préfet peut déléguer au Dasen, vous l’avez dit, le pouvoir de substitution qu’il tire du code général des collectivités territoriales.
Enfin, le maire est déjà tenu de motiver une décision défavorable à l’administré.
Pour toutes ces raisons, la commission a estimé nécessaire de supprimer l’article 2 bis et elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Le Dasen est en première ligne dans ce type de situation ; expliciter son rôle me paraît constituer une avancée intéressante, c’est pourquoi j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 328 rectifié bis.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe Les Républicains, l’autre de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 101 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 133 |
Contre | 195 |
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, l’article 2 bis demeure supprimé.
Article 2 ter
I. – Le quatrième alinéa de l’article L. 541-1 du code de l’éducation est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Au cours de leur troisième ou quatrième année, tous les enfants sont soumis à une visite médicale obligatoire. Cette visite comprend un bilan de santé et un dépistage des troubles de santé, qu’ils soient sensoriels, de langage, de corpulence ou de développement psychomoteur. Elle se déroule, dans la mesure du possible, en présence des personnes titulaires de l’autorité parentale ou qui assurent la tutelle de l’enfant, dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« Au cours de leur sixième année, tous les enfants sont soumis à une visite médicale obligatoire. Cette visite comprend un dépistage des troubles spécifiques du langage et de l’apprentissage. Elle est organisée dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« Les médecins de l’éducation nationale travaillent en lien avec l’équipe éducative, les professionnels de santé et les parents afin que, pour chaque enfant, une prise en charge et un suivi adaptés soient réalisés suite à ces visites. »
II. – L’article L. 2325-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2325-1. – L’article L. 541-1 du code de l’éducation s’applique aux services de santé scolaire et universitaire. »
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, sur l’article.
M. Robert Laufoaulu. Mes chers collègues, je crains de vous lasser avec mes interventions centrées sur ma collectivité, mais je pense que vous comprenez la situation très particulière de l’éducation dans ce territoire.
M. Jacques Grosperrin. Tout à fait.
M. Robert Laufoaulu. Cet article instaure une visite médicale obligatoire pour les enfants de 3 ou 4 ans. C’est important pour repérer divers troubles.
Pour autant, à Wallis-et-Futuna, l’organisation de ces visites soulève plusieurs questions. Qui les effectuera ? En métropole, les services de protection maternelle et infantile examinent les enfants à l’âge de 3 ans et dépistent les troubles de la santé, mais ces services n’existent pas à Wallis-et-Futuna. Il serait en outre matériellement impossible, pour le médecin scolaire, d’examiner à la fois les enfants de 3 ou 4 ans et ceux de 6 ans.
Enfin, le bilan de langage prévu sera difficile à réaliser en raison du mode de scolarisation en deux langues dont j’ai parlé à propos de l’article 2. Les outils à disposition sont inadaptés et il faudrait en créer en langues locales et faire réaliser le bilan par une personne parlant ces langues.
Pour autant, ces visites précoces permettraient bien sûr de dépister plus tôt les problèmes de santé, de langage et de communication de nos jeunes élèves, problèmes qui sont bien réels à Wallis-et-Futuna.
M. le président. L’amendement n° 81 rectifié, présenté par M. Vaspart, Mme Ramond, MM. D. Laurent, Joyandet, Cardoux et Nougein, Mme Micouleau, MM. Daubresse et Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Courtial et Mandelli, Mme Gruny, MM. Raison, Perrin et de Nicolaÿ, Mme Troendlé, MM. Dallier, Cuypers et Bonhomme, Mme Duranton, MM. Pierre, Pointereau, Laménie et Husson, Mme Lamure et M. Revet, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. L’article 2 ter, introduit par voie d’amendement en séance publique à l’Assemblée nationale et modifié en commission au Sénat, vise à instaurer une visite médicale obligatoire à l’école pour les enfants de 3 ou 4 ans.
L’intention est louable, sachant que les inégalités de santé sont déjà installées avant l’âge de 6 ans, voire dès 3 ans, et que le dépistage le plus précoce est le plus efficace. Toutefois, en raison de la démographie déficitaire de la médecine scolaire, moins de 40 % des visites médicales obligatoires de la sixième année sont effectivement réalisées, ce qui crée une inégalité d’accès à la prévention, au préjudice des enfants.
D’ores et déjà, les médecins et les infirmières puéricultrices des services de PMI des conseils départementaux, dont la démographie n’est pas aussi défavorable que celle des médecins scolaires, assurent l’établissement d’un bilan de santé pour les enfants âgés de 3 à 4 ans, notamment en école maternelle.
Dans ce contexte, il est proposé de ne pas introduire dans la loi une mesure inapplicable et redondante qui constitue une fausse promesse, propre, de surcroît, à rendre illisible le parcours de santé des jeunes enfants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Les auteurs de cet amendement soulignent, avec justesse, que la médecine scolaire s’acquitte avec difficulté de la visite des 6 ans et sera probablement dans l’incapacité d’assurer la visite des enfants de 3 ou 4 ans.
C’est pourquoi la rédaction issue des travaux de notre commission renvoie aux textes réglementaires le soin de déterminer par quels professionnels cette dernière visite devra être réalisée : médecin traitant, services de PMI ou médecin scolaire.
L’amendement n° 405 du Gouvernement, auquel je donnerai tout à l’heure un avis favorable, vise, quant à lui, à maintenir la compétence de la PMI, comme aujourd’hui. Je vous propose donc, ma chère collègue, de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement, qui me semble être de nature à répondre à vos inquiétudes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Micouleau, l’amendement n° 81 rectifié est-il maintenu ?
Mme Brigitte Micouleau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 81 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 126, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – La première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 541-1 du code de l’éducation est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Au cours de la troisième ou quatrième année, de la sixième ou septième année, de la onzième ou douzième année et de la quinzième ou seizième année, une visite médicale est organisée dans les établissements scolaires par les services de la protection maternelle et infantile pour tous les enfants en présence des personnes titulaires de l’autorité parentale ou qui en assurent la tutelle pour la première visite et par les médecins de l’éducation nationale pour les suivantes. Ces visites médicales doivent permettre, entre autres, un diagnostic médical précoce des troubles de santé, qu’ils soient sensoriels, de langage, de corpulence ou de développement psychomoteur et un suivi du premier diagnostic. Conformément à l’article L. 2112-5 du code de santé publique, les services protection maternelle et infantile travaillent en lien avec les médecins de l’Éducation nationale pour que chaque enfant puisse bénéficier en cas de besoin d’une prise en charge précoce et d’un suivi adapté suite à ces visites. »
II. – La première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 2325-1 du code de la santé publique est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Au cours de la troisième ou quatrième année, de la sixième ou septième année, de la onzième ou douzième année et de la quinzième ou seizième année, une visite médicale est organisée dans les établissements scolaires par les services de la protection maternelle et infantile pour tous les enfants en présence des personnes titulaires de l’autorité parentale ou qui en assurent la tutelle pour la première visite et par les médecins de l’éducation nationale pour les suivantes. Ces visites médicales doivent permettre, entre autres, un diagnostic médical précoce des troubles de santé, qu’ils soient sensoriels, de langage, de corpulence ou de développement psychomoteur et un suivi du premier diagnostic. Conformément à l’article L. 2112-5 du code de santé publique, les services protection maternelle et infantile travaillent en lien avec les médecins de l’Éducation nationale pour que chaque enfant puisse bénéficier en cas de besoin d’une prise en charge précoce et d’un suivi adapté suite à ces visites. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Les travaux de la commission ont permis de prévoir deux visites médicales, à l’entrée en maternelle puis en CP. Il nous semble effectivement très important que les enfants bénéficient de visites médicales au cours de leur troisième ou quatrième année, puis au cours de leur sixième année.
Dans le même esprit, il nous paraît également important de prévoir des visites médicales scolaires obligatoires à l’entrée en sixième et en seconde. Tel est l’objet de notre amendement.
Monsieur le ministre, la loi ne doit pas se borner à des promesses ; elle doit être étayée par des moyens. La question a été posée en filigrane : doit-on répondre aux besoins de santé des enfants en maternelle, en CP et, ainsi que nous le proposons, en sixième, ou faut-il restreindre la portée du dispositif, ce gouvernement, comme les précédents, ayant peu à peu privé de moyens la médecine scolaire, qu’il s’agisse des médecins ou des infirmières, dont le nombre est tout à fait insuffisant pour assurer les missions qui leur incombent ?
Il nous semble très important de maintenir ces bilans de santé, qui permettent de dépister des troubles de manière précoce. Dans le projet de loi, il est notamment question des troubles du langage. J’attire votre attention sur le fait que les moyens alloués aux enfants en difficulté sont extrêmement faibles. Dans quelles conditions les troubles du langage seront-ils dépistés ? Il vous revient, monsieur le ministre, en lien avec la ministre de la santé, de faire en sorte que les professionnels de santé soient en nombre suffisant. Je pense notamment aux orthophonistes et aux psychomotriciens.
Mme Maryvonne Blondin. Très bien !
Mme Laurence Cohen. Nous demandons donc des moyens, afin que les déclarations d’intention ne restent pas de vaines paroles.
M. le président. L’amendement n° 405, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 541-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Les personnes responsables de l’enfant sont tenues, sur convocation administrative, de présenter les enfants à ces visites, sauf si elles sont en mesure de fournir un certificat médical attestant que l’examen correspondant à l’âge de l’enfant, prévu par l’article L. 2132-2 du code de la santé publique, a été réalisé par un professionnel de santé de leur choix. »
2° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Une visite est organisée à l’école pour tous les enfants âgés de trois ans à quatre ans. Cette visite permet notamment un dépistage des troubles de santé, qu’ils soient sensoriels, psycho-affectifs, staturo-pondéraux ou neuro-développementaux, en particulier du langage oral. Elle est effectuée par les professionnels de santé du service départemental de protection maternelle et infantile en application du 2° de l’article L. 2112-2 du code de la santé publique et permet l’établissement du bilan de santé mentionné au même article. Lorsque le service départemental de protection maternelle et infantile n’est pas en mesure de la réaliser, la visite est effectuée par les professionnels de santé de l’éducation nationale.
« Au cours de la sixième année, une visite permettant en particulier un dépistage des troubles spécifiques du langage et des apprentissages est organisée dans des conditions fixées par voie réglementaire. » ;
3° La première phrase du quatrième alinéa est supprimée.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il est évident qu’il y a aujourd’hui des manques, mais aussi qu’il est impératif de faire bénéficier les enfants d’une visite médicale le plus tôt possible.
J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer que l’une des conséquences induites de l’instruction obligatoire à 3 ans était l’instauration d’une visite médicale obligatoire à cet âge, qui n’était pas possible dans le cadre juridique précédent. Il s’agit, à mes yeux, d’un progrès considérable. En effet, une part importante des problèmes ou des troubles dont peut souffrir un enfant doivent pouvoir être détectés le plus tôt possible, même si tous ne peuvent pas l’être à l’âge de 3 ans, de sorte qu’il est pertinent de prévoir aussi une visite médicale à 6 ans.
Mesdames les sénatrices, vous avez raison, il y a aujourd’hui un manque de moyens, non pas budgétaires, mais humains. Les postes de médecin scolaire dans l’éducation nationale existent, mais ils ne sont malheureusement pas tous pourvus, sans doute faute d’attractivité. Avec le ministère de la santé, nous œuvrons pour que cela change, notamment en proposant ces postes à la sortie des concours de médecine. Un travail interministériel important est en outre mené depuis deux ans avec Agnès Buzyn afin que la médecine non scolaire puisse appuyer la médecine scolaire.
C’est de cette façon que nous répondrons aux besoins médicaux qui vont naître de cette obligation que nous nous imposons et qui est une des conséquences sociales importantes des dispositions que vous avez à examiner cette semaine. Nous allons nous donner les moyens de réaliser cette visite médicale à 3 ans pour 100 % des enfants, mais aussi, en tant que de besoin, la visite médicale à 6 ans. La visite médicale à 3 ans reposera en premier rideau sur les services de PMI, qui sont demandeurs d’un partenariat avec l’éducation nationale. Lorsque les circonstances feront qu’ils ne pourront pas assurer toutes les visites, les médecins scolaires les relaieront.
Le ministère de la santé et le ministère de l’éducation nationale s’engagent donc, en lien avec les conseils départementaux, à progresser vers cet objectif. Nous attendons beaucoup de cette démarche.
Concernant la disponibilité de professionnels de la santé, notamment d’orthophonistes et de psychomotriciens, pour suivre les enfants de l’école primaire, les besoins sont effectivement importants. Nous ne pouvons pas promettre de miracles. Comme vous le savez, la ministre de la santé mène un travail de fond, qui portera ses fruits sur plusieurs années.
Encore une fois, l’obligation que nous nous créons constitue un progrès sanitaire et social très important au bénéfice des enfants ; nous serons au rendez-vous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. À l’évidence, la médecine scolaire manque aujourd’hui de moyens. Les engagements pris par le ministre à ce sujet méritent d’être soulignés.
Actuellement, trois visites médicales ou dépistages sont organisés à l’école : une visite à 3 ans, réalisée par les services de la PMI, une autre à 6 ans, assurée par la médecine scolaire, et un dépistage à 12 ans, effectué par l’infirmier de l’éducation nationale.
Vous nous proposez, madame Cohen, de prévoir quatre visites médicales à 3, 6, 12 et 16 ans dans la partie législative du code de l’éducation. Je crains qu’une telle mesure ne rigidifie à l’excès l’organisation actuelle, qui permet de confier certaines visites aux infirmiers de l’éducation nationale, et ainsi de soulager les médecins scolaires, dont on connaît les difficultés à réaliser les visites médicales qui leur incombent déjà.
Quant à votre souhait que la visite des enfants de 3 ou 4 ans soit réalisée par les services de la PMI, il est satisfait par l’amendement n° 405 du Gouvernement, qui présente une nouvelle rédaction de l’article 2 ter prévoyant, notamment, que la visite des 3 ou 4 ans sera assurée, comme c’est le cas aujourd’hui, par les services départementaux de la PMI. C’est une bonne chose, car ces services sont particulièrement compétents pour la prime enfance, et leur taux de réalisation des visites est bien meilleur que celui des médecins scolaires. Il semble donc de bonne politique de ne pas remettre en cause un dispositif qui fonctionne et a fait ses preuves et de ne pas surcharger inutilement la médecine scolaire. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 405 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 126 ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je regrette ces avis défavorables, parce qu’il me semble important de prévoir une visite médicale à l’entrée en sixième, au début de l’adolescence.
M. le rapporteur, d’ordinaire mesuré, a parlé d’« excès » : ce mot a sans doute dépassé sa pensée, car il ne saurait y avoir d’excès en matière de suivi d’un enfant.
Je prends note de votre engagement, monsieur le ministre, mais je souligne qu’il s’agit, d’abord et surtout, d’une responsabilité de l’État. Recourir à un partenariat avec les services de la PMI, c’est se défausser en partie sur les départements !
Vous affirmez que le Gouvernement fera tout son possible pour que la médecine scolaire retrouve des lettres de noblesse. Pour cela, il faut valoriser ces professions en termes de salaire comme de carrière, et surtout éviter que médecins et infirmières doivent suivre des centaines d’élèves !
Enfin, concernant la disponibilité des compétences, vous devriez demander à Mme Buzyn de supprimer les quotas pour les orthophonistes, car ces professionnels font cruellement défaut partout, dans les territoires ruraux comme dans les zones urbaines. Il est nécessaire d’en former davantage, et donc d’en finir avec ces quotas qui ne riment plus à rien.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiens volontiers l’amendement n° 126, car la santé des enfants, en particulier des plus jeunes, est prioritaire.
Si l’enseignement scolaire représente le premier poste budgétaire de l’État, avec plus de 70 milliards d’euros, mes collègues de la commission des finances qui interviennent sur les crédits de cette mission soulignent que, malheureusement, la santé scolaire est, depuis un certain nombre d’années, largement oubliée.
Il faut une prise de conscience, qui débouche sur la mobilisation de moyens financiers, mais aussi humains, au bénéfice tant de nos villes, et notamment de leurs quartiers défavorisés, que des territoires ruraux. Partout, la prévention doit être une priorité, s’agissant notamment des plus jeunes.
La santé est, en quelque sorte, une mission régalienne, même si l’État agit en partenariat avec les collectivités territoriales, en particulier les départements, dont nous connaissons les difficultés. Je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La situation de l’orthophonie dans notre pays est devenue tout à fait catastrophique. Sur des territoires entiers, en particulier dans la banlieue parisienne, on ne peut pas consulter un orthophoniste à moins de quinze ou vingt kilomètres de chez soi. J’ai vu des mamans pleurer parce que l’école leur avait dit que leur enfant avait besoin d’être suivi par un orthophoniste, mais qu’elles n’arrivaient pas à obtenir de rendez-vous : c’est l’échec programmé de l’enfant !
Une autre difficulté tient aux horaires de consultation. Il se trouve que j’ai des petits-enfants suivis par des orthophonistes : les séances ont lieu pendant les heures d’école. Or tous les parents ne peuvent pas se libérer le mardi entre neuf et dix heures ou le vendredi entre onze et douze heures, ni faire accompagner leur enfant par quelqu’un d’autre. Résultat : ils arrêtent les séances d’orthophonie. Ainsi, des enfants dyslexiques voient leur situation s’aggraver, parce que leurs parents n’arrivent pas à trouver d’orthophoniste à des heures où ils sont disponibles. Les enseignants ne peuvent rien faire dans une telle situation !
Il faut revaloriser le métier d’orthophoniste : désormais titulaires d’un diplôme de niveau bac+5, les orthophonistes ne sont pas rémunérés à la hauteur de leur qualification. Par ailleurs, il est urgent de lever l’équivalent du numerus clausus, car certains enfants se retrouvent en situation d’échec scolaire irréversible faute de pouvoir consulter un orthophoniste.