M. le président. L’amendement n° 117 rectifié ter, présenté par MM. Savin, Piednoir, Kern, Regnard, Longeot et Sol, Mme Eustache-Brinio, MM. Mandelli et Henno, Mme Puissat, MM. Paccaud et Guerriau, Mme Guidez, MM. Vogel, Perrin et Raison, Mmes Goy-Chavent, Deroche et Kauffmann, MM. D. Laurent, B. Fournier et Détraigne, Mme Garriaud-Maylam, M. Karoutchi, Mmes Lassarade et Malet, M. de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Pellevat, Sido, Revet et Longuet, Mme Lamure, MM. Wattebled, Laménie, Husson et Huré, Mme A.M. Bertrand, M. Vaspart, Mme Ramond, MM. Saury et Pierre, Mmes Gatel et Berthet et MM. Bouchet, Pointereau, Kennel, Bonhomme, Danesi, Théophile, Gremillet, Rapin et Bouloux, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis G
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’État assure une pratique quotidienne d’activités physiques et sportives au sein des établissements du premier degré.
Cet enseignement s’intègre obligatoirement dans le cadre des horaires et des programmes en vigueur dans ces établissements.
Un décret fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. À mon sens, ces amendements sont des amendements d’appel.
Bien sûr, j’en partage pleinement la visée : nous sommes tous ici convaincus de l’importance de la pratique du sport pour nos enfants.
Toutefois, comme je l’ai expliqué en commission, il ne me paraît pas souhaitable de multiplier les injonctions à l’égard de l’école. Ce n’est pas au législateur de fixer l’organisation des emplois du temps et la répartition des horaires d’enseignement. Or prescrire des durées minimales reviendrait à figer l’emploi du temps des élèves, empêchant ainsi de prévoir des créneaux plus importants, nécessaires à la pratique de certaines activités comme la natation.
En outre, mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que les activités physiques et sportives ne relèvent pas seulement de l’État, dont les enseignants assurent trois heures hebdomadaires d’EPS à l’école primaire, mais aussi des communes et des associations, qui proposent des activités périscolaires ou extrascolaires.
En conséquence, je demande le retrait de ces trois amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Sur le fond, nous ne pouvons qu’être d’accord avec ces amendements, qui s’appuient sur des données exactes. Il est effectivement souhaitable que l’activité physique soit quotidienne et correctement répartie. D’ailleurs, on pourrait tenir exactement le même raisonnement pour d’autres disciplines, par exemple les langues vivantes.
Néanmoins, M. le rapporteur a raison de dire que, sur ce point comme sur d’autres, nous ne devons pas être trop injonctifs au travers de la loi, car nous risquerions alors d’être contre-productifs.
Je demande donc le retrait de ces amendements, sachant que nous prenons différentes dispositions allant dans le sens souhaité par leurs auteurs. Je pense notamment aux expérimentations de classes avec cours le matin et sport l’après-midi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Ces trois amendements d’appel sont extrêmement importants.
Je voudrais, pour ma part, évoquer l’égalité républicaine entre nos communes.
Si le sport à l’école est indispensable, il faut, pour pouvoir le pratiquer, disposer des équipements adéquats. En tant qu’élu local, je n’ai jamais construit une école maternelle ou une école primaire sans prévoir tous les équipements sportifs nécessaires, y compris des bassins de natation. Cependant, toutes les collectivités territoriales ne peuvent pas le faire, pour des raisons diverses, tenant notamment au manque d’espace ou de moyens financiers.
Une réflexion s’impose donc pour envisager comment, dans les grandes villes en particulier, en cas de construction ou de rénovation d’une école, mettre en place des équipements sportifs.
C’est un véritable sujet, qui doit à mon sens être examiné département par département, grande agglomération par grande agglomération, créer de tels équipements étant plus facile en milieu rural, où il y a davantage d’espace disponible. Ce qui manque aux communes, monsieur le ministre, ce sont les moyens de donner à nos écoles de la République les équipements permettant la pratique du sport au quotidien.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je voterai ces amendements. Certes, leur dispositif est plutôt d’ordre réglementaire, mais voilà deux jours que nous votons des mesures réglementaires ; je ne vois pas pourquoi nous n’en ferions pas de même ici, d’autant que le sujet est essentiel. Mes chers collègues, le code de l’éducation pèse déjà près de 3 kilogrammes. Au rythme où nous le remplissons, nous aurons vraiment besoin d’une forte éducation sportive pour pouvoir le soulever ! (Rires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Je maintiens ces amendements, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, monsieur le ministre, développer la pratique sportive à l’école a vocation à répondre à un problème de santé publique. Un certain nombre de médecins que nous avons rencontrés ont dressé un tableau alarmant des conditions de vie des enfants âgés de 5 à 10 ans, qui passent aujourd’hui plus de temps assis, à l’école, devant un écran ou dans les transports, qu’à pratiquer des activités physiques.
Je répondrai à mon collègue Grand que la pratique d’une activité physique ne requiert pas nécessairement de grands équipements. Au-delà d’inciter les enfants à faire du sport, il s’agit de leur apprendre à pratiquer tous les jours un peu d’activité physique, afin que cette habitude s’ancre pour toute la vie. Cela leur évitera, à l’âge adulte, des problèmes de santé, cardiaques ou autres, pouvant avoir de graves conséquences.
Il s’agit bien là d’un enjeu de santé publique. On ne peut pas rester insensible devant le tableau alarmant dressé par les médecins et renvoyer sans cesse à plus tard la prise de décisions susceptibles d’améliorer la situation. Aujourd’hui, au collège et au lycée, des élèves produisent des certificats pour être exemptés d’activité physique et sportive. C’est un vrai problème de société.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Cosignataire de l’amendement n° 416 rectifié bis, je laisserai le soin à mon collègue Jean-Pierre Moga le soin de dire s’il est maintenu ou pas.
Le sport, c’est la santé, ce sont des valeurs, l’esprit collectif, le respect de l’autre, le dépassement de soi, l’éducation aussi à la citoyenneté. Il était important de le redire ici.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Le groupe socialiste et républicain votera ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Si ces amendements s’inscrivent dans une perspective de santé publique, il convient aussi de prendre en compte un autre élément essentiel, à savoir l’éducation à l’alimentation. Notre collègue députée Valérie Boyer s’est beaucoup battue et continue sans doute à se battre contre l’obésité, qui touche malheureusement de plus en plus d’enfants. À cet égard, s’il faut évidemment développer l’éducation physique et sportive, il faut également éduquer à l’alimentation.
Est-ce que l’école peut tout faire ? Je ne le sais pas. Certes, les dispositifs de ces amendements sont d’ordre réglementaire, mais peut-être convient-il néanmoins, pour bien marquer les choses, de les adopter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Moga. Il convient aussi de lutter contre l’addiction aux écrans, en permettant aux enfants de s’oxygéner davantage et de pratiquer une activité sportive.
Après avoir entendu M. le rapporteur et M. le ministre, je retire l’amendement n° 416 rectifié bis, au profit de ceux de M. Savin.
M. Max Brisson, rapporteur. Monsieur Savin, l’amendement n° 116 rectifié ter me pose vraiment problème, en ce qu’il tend à figer inutilement à trente minutes la durée minimale quotidienne de pratique d’activités physiques et sportives. L’amendement n° 117 rectifié ter, offrant plus de souplesse, aurait davantage mon soutien. Si vous acceptez de retirer l’amendement n° 116 rectifié ter, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 117 rectifié ter.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Pour moi, ce sont des amendements non pas d’appel, mais de rappel d’un engagement de campagne du Président de la République, dont le programme électoral indiquait à juste titre que l’activité physique et sportive tout au long de la vie était un enjeu d’inclusion sociale, de développement personnel et de santé publique. Avec un collègue, j’ai commis un rapport sur ce sujet et une proposition de loi sera prochainement déposée.
Je sais, monsieur le ministre, que, fidèle à la promesse du Président de la République, vous avez lancé des expérimentations pour la pratique d’activités physiques à l’école en début de matinée. L’adoption de l’amendement n° 117 rectifié ter, qui ne contient aucune disposition d’ordre réglementaire, préfigurera la discussion de cette proposition de loi, qui vise à concrétiser une promesse du Président de la République et porte sur un enjeu de société majeur.
M. Max Brisson, rapporteur. Le rappel, on connaît !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. De quoi parlons-nous au juste ?
M. Pierre Ouzoulias. De l’école !
Mme Françoise Cartron. Certes, et plus précisément, en l’occurrence, de la pratique des activités physiques à l’école, déjà prévue par les programmes, qui lui alloue un volume horaire. Cet amendement vise-t-il à modifier ce volume horaire consacré à l’activité physique pendant le temps scolaire ?
De fait, j’ai l’impression que l’on mélange plusieurs choses : on parle de l’addiction aux écrans, de la trop grande sédentarité des enfants… Or ces sujets ne concernent pas le temps scolaire. L’enseignant organise son travail dans le cadre du volume horaire défini pour chaque matière. Est-il proposé d’ajouter des heures de sport pendant le temps scolaire ou parle-t-on de l’activité physique nécessaire à un enfant en soirée ou le week-end ? Auquel cas, cela ne relève pas de ce projet de loi. Il est évident que certains enfants ne bougent pas assez, mais cela résulte d’habitudes familiales.
M. le président. Monsieur Savin, l’amendement n° 116 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Non, je le retire, monsieur le président, surtout si cela peut aider le ministre… (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 116 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 117 rectifié ter.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis G.
L’amendement n° 326 rectifié, présenté par Mmes S. Robert, Blondin, Monier et Lepage, MM. Antiste et Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis G
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 312-15 du code de l’éducation, les mots : « de la République » sont remplacés par les mots : « et aux symboles de la République et de l’Union européenne ».
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. N’ayez crainte, mes chers collègues, je ne souhaite pas relancer le débat très intéressant et nourri que nous avons eu hier sur les drapeaux ! Cet amendement tend simplement à ce que l’enseignement moral et civique introduit par la loi de 2013 comporte un module sur les valeurs, mais aussi sur les symboles de la République et de l’Union européenne. La finalité est d’améliorer la connaissance du sens de ces symboles fondamentaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Ma chère collègue, après avoir consulté les programmes d’enseignement moral et civique des cycles 2, 3 et 4, je puis vous rassurer sur le fait que l’enseignement du sens des symboles de la République et de l’Union européenne y figure bien. Si cet amendement n’est pas retiré, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Robert, l’amendement n° 326 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Robert. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 326 rectifié est retiré.
Article 1er bis
(Supprimé)
Chapitre II
L’extension de l’instruction obligatoire aux plus jeunes
Article 2
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 131-1 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« L’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de trois ans et jusqu’à l’âge de seize ans. »
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, sur l’article.
Mme Sylviane Noël. J’ai beaucoup de mal à comprendre cette volonté de rendre obligatoire l’instruction dès 3 ans.
Le développement du jeune enfant doit intégrer différentes dimensions, émotionnelles, cognitives, affectives, sociales. Les enfants ont besoin de temps pour se construire ; étant moi-même maman d’un enfant de 3 ans, je peux témoigner que tous n’ont pas la même maturité.
Cette mesure, vantée comme emblématique, permettrait nous dit-on d’améliorer l’apprentissage scolaire de l’enfant. Je ne partage pas cet avis.
Aujourd’hui, 98,9 % des enfants âgés de 3 à 5 ans sont déjà scolarisés. Cette réforme ne concernerait donc que 26 000 enfants tout au plus. En Europe, la Hongrie mise à part, la France serait le seul pays à imposer dès 3 ans cette obligation, la majorité des nations ayant fixé à 6 ans l’âge de l’instruction obligatoire. Pour autant, des pays comme les Pays-Bas ou la Suède enregistrent de bien meilleurs résultats que le nôtre en matière d’éducation. La place médiocre occupée par la France dans les classements PISA doit nous amener à nous interroger…
Il est par ailleurs reconnu que l’avenir scolaire d’un enfant est quasiment scellé à son septième anniversaire, d’où l’importance capitale de conforter le premier cycle de sa vie scolaire. C’est la raison pour laquelle j’appelle de mes vœux la mise en œuvre de la scolarité obligatoire à 5 ans, afin de permettre la création d’un premier cycle dit « d’apprentissage des fondamentaux », intégrant la dernière année de maternelle, le cours préparatoire et la première année de cours élémentaire, ainsi que la création d’un deuxième cycle dit « d’apprentissage approfondi », intégrant la seconde année de cours élémentaire et les deux années de cours moyen.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, sur l’article.
M. Antoine Karam. Comme je l’ai dit hier, il est proposé, au travers de l’article 2, une mesure profondément sociale, dans l’intérêt de nos enfants. Elle permettra à 26 000 enfants de recevoir une instruction dès l’âge de 3 ans. N’oublions pas, mes chers collègues, que ce chiffre est à mettre en perspective avec les disparités qui existent entre les territoires en matière de taux de scolarisation.
J’entends les craintes de certains concernant l’augmentation des dépenses pour nos communes, qui devront s’adapter à la scolarisation des enfants dès l’âge de 3 ans. D’autres déplorent un cadeau fait aux écoles privées. Sur ce point, rappelons qu’il s’agit d’abord d’une obligation constitutionnelle : l’État doit accompagner les communes lorsqu’il y a création d’une nouvelle compétence. Nous aurons l’occasion d’y revenir à propos de l’article 4.
Plus largement, je crois que les petites choses, les détails de mise en œuvre ne doivent pas masquer l’objectif : l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire est une promesse républicaine que l’école doit tenir pour tous les Français.
Je pense naturellement aux enfants de Guyane et de Mayotte, pour lesquels la scolarisation à 3 ans ne sera pas si évidente. Mais je pense aussi aux enfants vulnérables ou en situation de handicap. Pour tous ces enfants, cette mesure n’est pas que symbolique.
Là encore, les études démontrent l’importance des premières années de l’enfant au regard de la construction de ses capacités d’apprentissage, mais aussi des inégalités et du décrochage scolaire. À cet égard, l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire est donc dans l’intérêt de la réussite de nos enfants, de tous les enfants.
Mes chers collègues, voter en faveur de l’adoption de cette mesure, c’est voter en faveur de davantage de justice sociale et de l’égalité des chances pour chacun de nos enfants.
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, sur l’article.
M. Robert Laufoaulu. Abaisser de 6 à 3 ans l’âge à partir duquel l’instruction est obligatoire est une excellente mesure en vue de combler les lacunes des enfants qui n’ont pas le français pour langue maternelle. C’est encore majoritairement le cas à Wallis-et-Futuna, où le wallisien ou le futunien demeure la langue d’usage en famille.
Dans les faits, de nombreux enfants sont déjà scolarisés dès 3 ou 4 ans sur mon territoire, où une organisation pédagogique, mise en place à la fin des années 1990, permet que l’enseignement en petite section se fasse dans la langue locale, avec une introduction progressive du français. Ainsi, à la fin de la petite section, l’enseignement se fait à 90 % en langue locale et à 10 % en français ; en fin de moyenne section, les deux langues sont à parité ; en grande section, l’enseignement se fait à hauteur de 10 % en langue locale et de 90 % en français.
Je veux saluer l’initiative des responsables de l’éducation nationale et du territoire qui a permis la mise en place de cette organisation il y a une vingtaine d’années. Il est temps maintenant de dresser un bilan en vue de définir de nouvelles orientations. Si plus de 90 % des enfants ne maîtrisaient aucunement le français en 1996, ce pourcentage a bien évidemment baissé. Je sais que les responsables actuels du vice-rectorat et de l’enseignement privé sont ouverts à cette réflexion. Je sollicite votre soutien, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Pour ce qui nous concerne – vous l’avez rappelé à l’envi, monsieur le ministre –, nous sommes favorables depuis toujours à l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire. Cependant, nous pensons que, pour que ce soit un véritable progrès social, un progrès partagé qui suscite l’adhésion et la confiance, il faut au préalable répondre à quelques questions et apporter quelques compensations. Ce n’est pas un point de détail.
Différentes situations se présentent. Par exemple, certaines communes assurent d’ores et déjà cette instruction en école maternelle, avec un très haut niveau de service – l’école maternelle étant d’ailleurs plus « coûteuse », parce qu’elle nécessite des équipements particuliers. D’autres communes compensent déjà, partiellement ou en totalité, les forfaits demandés par les écoles privées situées sur leur territoire.
Pour toutes ces communes, des compensations doivent être apportées. On le sait, nous sommes rarement enclins à proposer que l’argent public finance l’école privée, mais, en l’espèce, nous pensons qu’on ne peut pas faire de différence entre les communes qui pratiquaient déjà ainsi et celles qui devront le faire demain, lorsque la loi aura été modifiée. Dans le cas contraire, cela créerait un précédent extrêmement dangereux en termes de différence de traitement entre communes de la République. C’est pourquoi nous nous retrouvons davantage dans la rédaction proposée par la commission.
Quant à la compensation, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a adressé aux préfets une circulaire par laquelle elle préconise que la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, et la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, soient fléchées plus particulièrement vers la scolarisation à 3 ans. C’est aussi une manière d’ôter des moyens aux communes, qui avaient besoin de ces dotations pour financer d’autres projets.
Enfin, nous voudrions avoir l’assurance que sera bien pris en compte l’engagement contractuel pris à l’égard de l’État par les collectivités territoriales de limiter la hausse de leurs dépenses à 1,2 %.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Je voudrais d’abord saluer moi aussi cette initiative d’abaisser à 3 ans l’âge à partir duquel l’école est obligatoire.
Les sénateurs représentant les Français établis hors de France savent combien les établissements scolaires français à l’étranger s’entendent à faire de la diversité une richesse et combien la scolarisation, en particulier dans les petites classes, est indispensable pour ceux, nombreux à l’étranger, qui ont besoin de l’école pour apprendre la langue française.
Monsieur le ministre, aujourd’hui, la moitié des jeunes qui se présentent dans les consulats pour effectuer la journée « défense et citoyenneté » ne sont pas francophones, bien que Français. L’apprentissage de la langue française est un enjeu essentiel pour les Français qui vivent hors de France, et l’école joue un rôle indispensable à cet égard, en particulier pour les enfants des familles binationales. Or seulement un tiers des enfants concernés sont scolarisés dans le réseau des écoles françaises à l’étranger.
Bien entendu, il n’existe à l’étranger aucune obligation de scolarisation ; pour autant, la scolarisation doit être possible partout. Dès lors que l’on abaisse l’âge de la scolarisation obligatoire en France, il est indispensable que les établissements scolaires français à l’étranger disposent des outils nécessaires pour appliquer cette mesure. Pour l’heure, certains établissements, par manque de places et de moyens, du fait des plafonds d’emplois, renoncent à ouvrir des classes de maternelle pour s’en tenir à la scolarisation obligatoire. Il faudra donc prévoir des moyens supplémentaires, modifier les plafonds d’emplois.
Ce débat doit être l’occasion d’évoquer aussi l’enseignement français à l’étranger et ce qu’il peut apporter à la réforme de l’enseignement en France. Il est indispensable de pouvoir scolariser très tôt les enfants qui ont besoin de l’école pour apprendre la langue française. En la matière, la même ambition doit valoir en France et à l’étranger.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, sur l’article.
M. Alain Marc. Un de mes amendements, qui allait dans le sens de ce que vous souhaitez, monsieur le ministre, a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Je suis en effet résolument favorable à l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire, tant il me paraît important que les enfants puissent acquérir le plus tôt possible un niveau de langage suffisant.
Monsieur le ministre, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d’éducation prioritaire et en réseau d’éducation prioritaire renforcé est une très bonne chose, mais il intervient souvent un peu tardivement et beaucoup de territoires sont exclus à tort, à mon sens, de ce zonage. Ainsi, en milieu très rural, de nombreux maires s’efforcent d’attirer des populations, souvent en difficulté sociale, afin de sauver leurs services publics et leurs écoles.
Pour l’élaboration de la carte scolaire, sont comptabilisés les enfants qui auront 3 ans révolus lors de la rentrée scolaire suivante. Il me semble qu’il serait de bonne justice sociale que, dans ces zones hyper-rurales, soient aussi pris en compte les enfants ayant 2 ans révolus au moment de la rentrée scolaire. Il nous incomberait alors de définir ensemble, monsieur le ministre, les critères permettant de définir cette hyper-ruralité, car on ne peut laisser de côté des zones très rurales fragiles, dont certaines populations sont elles aussi éligibles aux REP ou aux REP+. Pour l’heure, il y a des trous dans la raquette !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 273 rectifié, présenté par Mmes Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
pour chaque enfant
par les mots :
pour tous les enfants des deux sexes français et étrangers,
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Pour notre part, nous sommes évidemment satisfaits que l’âge de scolarisation obligatoire soit abaissé de 6 à 3 ans, même si cela soulève des problèmes, que Mme Brulin a évoqués, pour les communes et certains départements d’outre-mer. Nous y reviendrons ultérieurement.
La scolarisation précoce des enfants répond à une préoccupation des sénateurs socialistes, qui, dès 2011, avaient déposé une proposition de loi visant à cette fin. Elle avait malheureusement été déclarée irrecevable en séance au titre de l’article 40, à l’issue de la discussion générale.
L’article L. 131-1 du code de l’éducation, que vise à modifier cet article, dispose pour l’heure que l’instruction dès 6 ans « est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers ».
Or cette précision a disparu dans le texte présenté par le projet de loi pour cet article. J’ai bien entendu les explications données par notre rapporteur lors de l’examen du texte en commission, lors duquel nous avions déjà présenté cet amendement. Cette mention aurait été inscrite dans la loi en 1881, époque à laquelle l’instruction des jeunes filles n’allait pas de soi. Si cette précision peut paraître aujourd’hui un peu surannée, elle nous semble toutefois constituer un gage contre toute éventuelle discrimination ou remise en cause des droits de telle ou telle catégorie d’enfants.
À l’heure où certains droits des femmes qui paraissaient acquis sont remis en question, où les maires refusent parfois d’inscrire des enfants étrangers, primo-arrivants ou non, dans les écoles, pour des raisons souvent infondées, il nous semble important de maintenir cette précision.