Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. De nouveau, nous débattons d’un sujet très sérieux et nous ne pouvons que souscrire à vos interventions, mesdames les sénatrices. Le diagnostic que vous avez posé est pertinent, et votre description du phénomène malheureusement bien réelle. Nous sommes déterminés à agir, et j’en discute fréquemment avec Marlène Schiappa pour coordonner notre action.

Comme vient de le dire le rapporteur, les bases législatives de l’action figurent déjà dans le code de l’éducation, et je suis très attentif à leur mise en œuvre.

La circulaire que j’ai signée le 12 septembre 2018 concourt à l’effectivité des trois séances évoquées. Nous y veillons, en étant évidemment respectueux des différents âges de la vie et en privilégiant des approches adaptées à l’école primaire, au collège et au lycée.

Nous voulons dispenser une véritable éducation à la sexualité et alerter sur tout ce qui a trait aux violences sexuelles. Il s’agit aussi, de façon complémentaire, d’agir sur ce qui relève non pas de la violence sexuelle stricto sensu, mais du problème de l’extension de la pornographie et de son accès par les élèves dès le plus jeune âge. L’action doit être multifactorielle. Lorsque l’on interdit les téléphones portables dans tous les collèges de France, en plus des écoles primaires, on agit aussi sur cette question – certains acteurs m’en ont d’ailleurs parlé –, même si cette seule mesure n’est pas suffisante.

De même, lorsque nous lançons des campagnes contre le cyberharcèlement à connotation sexuelle, nous luttons contre les stéréotypes et contre ce que vous avez dénoncé dans vos deux interventions.

Bien entendu, nous devons aller plus loin, mais la base législative existe déjà.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements. Mais je suis totalement mobilisé pour œuvrer dans le sens que vous souhaitez, mesdames les sénatrices. Notre action s’appuiera sur les bases législatives existantes et se renforcera à l’avenir, en concertation avec vous je l’espère.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Je veux tout d’abord souligner que ces amendements ont été proposés par ma collègue Laurence Rossignol.

Je regrette les propos du rapporteur, qui souligne que l’on peine déjà à organiser trois séances sur l’éducation sexuelle par an. Alors que le nombre de femmes décédées ou victimes de violences a augmenté cette année, on ne peut pas se contenter de l’existant, a fortiori s’il n’est pas appliqué !

C’est fondamental pour le respect de notre race humaine et pour notre dignité. Certaines actions sont déjà organisées, mais elles sont visiblement insuffisantes. Il est important de le rappeler et de faire en sorte que l’on avance significativement sur ce sujet.

Je vous propose donc de voter en faveur de ces deux amendements, mes chers collègues.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 322 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 320 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit passé. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Article additionnel après l'article 1er bis C - Amendements n° 322 rectifié et n° 320 rectifié
Dossier législatif : projet de loi pour une école de la confiance
Article additionnel après l'article 1er bis D - Amendement n° 384 rectifié bis

Article 1er bis D

(Supprimé)

Article 1er bis D
Dossier législatif : projet de loi pour une école de la confiance
Article 1er bis EA (nouveau)

Article additionnel après l’article 1er bis D

Mme la présidente. L’amendement n° 384 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Jasmin, Bonnefoy et Féret, M. Vaugrenard, Mmes Guillemot et Meunier, MM. M. Bourquin et Daudigny, Mmes Van Heghe et Tocqueville, MM. Tissot et Lalande, Mme Conway-Mouret, MM. Temal et Duran, Mmes Conconne, Perol-Dumont et Monier et MM. Lurel, Kerrouche, Jacquin, J. Bigot, Manable, Marie et P. Joly, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, après le mot : « humains », sont insérés les mots : « en particulier de l’égalité entre les femmes et les hommes, ».

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Le présent amendement vise à préciser les dispositions générales du code de l’éducation, en y ajoutant clairement l’égalité entre les femmes et les hommes.

Son adoption permettra de renforcer l’effectivité de la formation obligatoire des personnels éducatifs à l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, de garantir le caractère transversal et intégré de l’enseignement de l’égalité des sexes et, enfin, de doter la grande cause du quinquennat de leviers supplémentaires d’action à l’intention des jeunes générations.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. Le code de l’éducation donne pour mission au service public de l’éducation de faire acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité, autant de sujets qui me semblent pleinement inclure l’égalité entre les hommes et les femmes.

En outre, ce même code, dans son article L. 121-1, charge les écoles, collèges et lycées de contribuer à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes.

Cet amendement me semble donc déjà largement satisfait, ma chère collègue. La commission en sollicite le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’irai dans le sens du rapporteur.

Le code de l’éducation définit déjà très explicitement, dans ses dispositions générales, l’égalité entre les femmes et les hommes comme une mission fondamentale de l’école. C’est le sens notamment des articles L. 121-1 et L. 312-17-1, qui disposent que l’école contribue, à tous les niveaux, à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’orientation, ainsi qu’à prévenir les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes. Cette exigence de transmission du respect de l’égalité entre les femmes et les hommes se fait dès la formation dans les écoles élémentaires. Elle se fonde en particulier sur l’enseignement moral et civique, qui fait acquérir aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, de l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que de la laïcité.

Cela fait partie intégrante des missions des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, qui doivent « sensibiliser l’ensemble des personnels enseignants et d’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations ». Ces principes et cette ambition pour l’école trouvent une déclinaison concrète dans les objectifs et les mesures définis par la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, que nous allons renouveler pour la période 2019-2024, et qui constitue un important levier pour mettre en œuvre auprès des jeunes générations la politique d’égalité entre les femmes et les hommes, définie comme la grande cause du quinquennat.

Ce texte-cadre s’attache à développer une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes, en articulant les enjeux de pilotage de formation, d’éducation, d’orientation et de lutte contre les violences.

Je partage totalement vos propos, madame la sénatrice. Mais la base législative existe déjà, et nous voulons résolument agir sur le fondement de celle-ci.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Je suis élue et membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes depuis 2014.

Il ressort de toutes les auditions auxquelles j’ai assisté une chose véritablement essentielle : pour déconstruire les stéréotypes de genre, il faut agir très tôt, et l’école est précisément l’endroit pour le faire. Pourquoi dès lors ne pas l’inscrire dans la loi, pour réaffirmer qu’il s’agit d’une valeur que nous voulons porter ?

Je maintiens donc cet amendement et j’espère que vous serez nombreux à le voter, mes chers collègues.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 384 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er bis D - Amendement n° 384 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi pour une école de la confiance
Article 1er bis E (début)

Article 1er bis EA (nouveau)

Au deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du code de l’éducation, après le mot : « homme », sont insérés les mots : « ou de femme ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 35 rectifié est présenté par MM. Grand et Gremillet.

L’amendement n° 232 est présenté par Mme Cartron, MM. Karam, Patriat et les membres du groupe La République En Marche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par les mots :

et après le mot : « citoyen », sont insérés les mots : « ou de citoyenne »

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.

M. Jean-Pierre Grand. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour présenter l’amendement n° 232.

Mme Françoise Cartron. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Dès lors qu’il est écrit dans la loi, comme le propose la commission, que « la formation scolaire favorise l’épanouissement de l’enfant, lui permet d’acquérir une culture, le prépare à la vie professionnelle et à l’exercice de ses responsabilités d’homme ou de femme et de citoyen », nous préférerions qu’il soit ajouté les termes « ou de citoyenne », dans un souci de parallélisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. Je vais m’efforcer de défendre le point de vue de la commission, même si je ne suis pas sûr d’être suivi.

La commission a considéré que la formation scolaire devait préparer l’élève à l’exercice de ses responsabilités d’homme ou de femme et de citoyen.

Le masculin ayant valeur de neutre dans la langue française, l’ajout que vous proposez, ma chère collègue, serait de nature à nuire à la lisibilité de la loi, qui évoquerait alors les « responsabilités d’homme ou de femme et de citoyen ou de citoyenne ».

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques. Mais je laisse le Sénat en débattre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Je n’ose entendre, dans les propos de M. le rapporteur, que le féminin pourrait nuire d’une certaine manière à la force du masculin, lequel serait apparenté à une notion plus neutre.

M. Max Brisson, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !

Mme Françoise Cartron. Je maintiens mon amendement et je pense qu’il est de nature à renforcer les démarches dont nous avons parlé précédemment, qui sont inscrites dans le code de l’éducation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, vous avez avancé des arguments justes sur les amendements déposés par Mme Rossignol. Mais vous voyez qu’il reste beaucoup à faire !

Quand j’entends le rapporteur, je suis véritablement sidérée ! Il faut éduquer, même si les programmes scolaires et la législation le prévoient déjà, notamment les adultes au travers de la formation continue… (Mme Marie-Pierre Monier applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. M. le ministre en appelle à la sagesse sur ces deux amendements. Je vous suggère, mes chers collègues, une très grande sagesse ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Max Brisson, rapporteur. Ma chère collègue, j’ai présenté l’avis de la commission avec beaucoup de respect. Franchement, me faire dire ce que je n’ai pas dit, cela me chagrine un peu. Mais sans doute faut-il expliquer ces propos par l’heure tardive…

J’ai simplement rappelé que, dans la langue française, le masculin avait valeur de neutre. Et je suis très attaché au respect de la grammaire. C’est tout !

Mme Françoise Cartron. Mais la langue française évolue !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Je vous conseille la lecture d’un petit livre intitulé Non, le masculin ne lemporte pas sur le féminin ! Nous avons, me semble-t-il, l’autorisation légale de féminiser certaines fonctions et certains métiers. Je suis donc d’avis d’ajouter « citoyen ou citoyenne » dans la loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 rectifié et 232.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.)(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. L’amendement n° 323 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il les sensibilise également sur la nécessaire préservation de leurs environnements. »

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. La mobilisation internationale des lycéens Youth for Climate démontre une véritable attente des élèves pour une transmission des savoirs toujours plus approfondie en matière de transition écologique.

Le présent amendement vise à intégrer la dimension environnementale dans le partage des valeurs de la République comme mission première du service public de l’éducation. Les dispositions générales du code de l’éducation sont ainsi enrichies de la notion de respect et de préservation de l’environnement, au même titre que la dignité des êtres humains. Cet alignement de valeurs est indispensable pour préparer les jeunes générations aux profonds changements qui les attendent en matière de transition écologique. Il répond également à une attente légitime de leur part sur le rôle de l’institution éducative comme relais de diffusion des valeurs écologiques. Placer la préservation de l’environnement au même niveau de valeur que la dignité humaine est un symbole fort envoyé aux élèves et à leur famille.

C’est aussi un outil supplémentaire, afin de renforcer la transmission de moyens concrets pour agir favorablement sur leurs environnements directs et de penser la transition écologique de manière globale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. La sensibilisation à la préservation de l’environnement est très importante, mais elle constitue déjà une des missions de l’école. L’article L. 312-19 du code de l’éducation prévoit à cet effet une éducation à l’environnement et au développement durable. En outre, je vous proposerai d’adopter la nouvelle rédaction de cet article L. 312-19 prévue à l’amendement n° 353 rectifié bis de notre collègue Hervé Maurey. Je considère que cet amendement est satisfait : avis défavorable de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il s’agit de nouveau d’un sujet très important. Vous avez eu raison, madame la sénatrice, de souligner la mobilisation internationale des jeunes, notamment des lycéens, le 15 mars dernier. Comme vous le savez, nous avons organisé des débats dans les lycées à cette occasion, qui se sont poursuivis par d’autres débats, jusqu’à donner lieu le 4 avril dernier à une grande réunion du Conseil national de la vie lycéenne, composé de délégués de lycéens. Cela a permis au ministère de l’éducation nationale d’entendre la voix de tous les lycéens de France.

Lors de cette restitution, j’ai invité mes collègues du Gouvernement chargés de l’environnement. Ce moment a été extrêmement fructueux et utile. Nous en tirerons toute une série de conséquences à la fois sur les contenus des programmes et des formations, mais aussi et surtout sur l’action quotidienne de nos élèves en matière d’environnement.

J’en profite pour souligner que cet élément sera amené à évoluer fortement à l’avenir, en cohérence avec les enjeux d’engagement en matière civique.

Nous proposerons à nos écoliers, à nos collégiens et à nos lycéens – il s’agit d’ailleurs d’une de leurs initiatives – de s’engager très concrètement sur des enjeux environnementaux immédiats les concernant. De telles actions sont loin d’être anecdotiques : certains collèges ou lycées engagés dans des démarches environnementales impliquant les élèves au quotidien parviennent aujourd’hui à diminuer par deux leur facture énergétique. Ils ont parfois une influence sur la municipalité, voire dans la vie des familles. De proche en proche, nos 12 millions d’élèves peuvent considérablement contribuer à mener des luttes concrètes au service de l’environnement.

Tout cela va évidemment dans le sens de votre proposition. Néanmoins, comme d’autres amendements précédents, cet amendement est satisfait, ainsi que l’a souligné le rapporteur, car il existe une base législative solide pour construire de telles actions. Quoi qu’il en soit, je ne peux que partager le volontarisme qui se trouve derrière l’esprit de votre proposition.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 323 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 388 rectifié ter, présenté par Mme Préville et M. J. Bigot, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle favorise également l’éducation manuelle. »

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, chers collègues, je parlerai d’un d’enseignement qui a complètement disparu, à savoir l’éducation manuelle. Tout enfant doit pouvoir être en mesure d’acquérir des savoirs et des savoir-faire. C’est pourquoi tout enfant a droit à une éducation manuelle, car c’est un levier puissant pour comprendre, apprendre, progresser et se construire.

En effet, la main et le cerveau sont liés et travaillent ensemble. Nous sommes nés de cela, nous avons évolué grâce à cette synergie, et ce depuis l’aube de l’humanité. Alors que notre société est de plus en plus informatisée, numérisée, dématérialisée, alors que nous avons tant besoin de prise directe avec la réalité, alors que nos enfants grandissent beaucoup trop devant les écrans, pourquoi les priver de ce ressort magnifique de connexion avec le réel, de ce chemin de facilité vers la connaissance ?

Faire avec ses mains permet d’aider à acquérir toutes les notions et de les consolider, y compris les notions les plus abstraites et les plus intellectuelles.

De plus, comment un élève qui n’a pas la chance d’avoir des parents artisans ou bricoleurs, qui donc n’a pas vu, senti, vécu ni essayé le travail manuel, et qui n’a plus goût à l’école peut-il savoir qu’il est fait pour travailler manuellement, qu’il va aimer cela et qu’il sera heureux d’embrasser une profession manuelle ?

Nous avons un problème avec l’apprentissage, qui fait souvent l’objet d’une orientation par défaut. Il tient à nous de faire en sorte que les talents de chacun de nos élèves soient révélés. Cela ne pourrait être que bénéfique pour l’élève lui-même, pour sa famille et, par-delà, pour l’ambiance dans la classe et pour l’ensemble de la société. Les élèves doués pour ces activités seront valorisés : nul doute que cela rejaillira sur toute leur scolarité, sur leur implication, y compris dans les disciplines les plus abstraites. Ils seront mieux dans leur peau et mieux dans l’école. Nous avons donc tout à y gagner !

Nous sommes nombreux ici à avoir grandi en suivant des cours d’éducation manuelle. De tels cours manquent cruellement aujourd’hui. Si tous les enfants pouvaient durant leur scolarité s’essayer à la menuiserie, à la couture, à la poterie, à la cuisine, au tricot, à la vannerie et à mille autres choses, ils pourraient s’orienter en connaissance de cause. Ils seraient alors certains que leur accomplissement est là.

Au-delà, ce serait pour tous nos élèves l’occasion unique d’aller vers plus d’autonomie en réalisant un projet concret de A à Z. Fabriquer un objet, un vêtement, apporte satisfaction et fierté, mais aussi une forme d’humilité. Cela structure la personnalité : c’est une manière de comprendre qu’il est nécessaire d’être organisé et de faire preuve de patience, vertu indispensable dans la gestion de l’ordre des étapes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. Sur le fond, je suis pleinement d’accord avec Angèle Préville : la formation scolaire ne fait pas une part suffisante à l’intelligence de la main. Cela se vérifie également dans l’enseignement professionnel où l’on déplore justement la faible considération des filières de production. Toutefois, la nécessité d’inscrire la mention proposée dans l’article L. 111-2 du code de l’éducation ne me paraît pas évidente et n’aura aucune traduction concrète. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame la sénatrice, je partage totalement l’ensemble de vos remarques. C’est un enjeu essentiel pour l’enseignement en France que de retrouver le sens de l’éducation manuelle pour tous les élèves. Nous devons progresser sur ce point. Cela aura d’ailleurs une incidence sur la force de l’enseignement professionnel.

Vous le savez, une importante réforme de l’enseignement professionnel entrera en vigueur à la rentrée prochaine. Je l’évoquais encore hier en compagnie de Muriel Pénicaud avec qui j’ai rencontré à la Sorbonne, puis à l’Élysée, les meilleurs ouvriers de France. Avec le Président de la République, nous avons souligné à quel point nous voulions revaloriser le travail manuel, non seulement pour les meilleurs, pour ceux qui excellent en lycée professionnel ou en apprentissage dans les métiers manuels, mais aussi pour l’ensemble des élèves, quelles que soient les orientations qu’ils prendront ensuite. C’est pourquoi dès l’école primaire et au collège l’éducation manuelle est très importante.

Il se trouve aussi que j’ai examiné cette question ces derniers jours en travaillant sur les sections d’enseignement général et professionnel adapté, les Segpa. Très souvent, dans nos collèges, ces sections bénéficient d’équipements qui permettent le travail manuel, mais celui-ci est circonscrit aux seuls élèves des Segpa, ce qui accentue le côté « bulle » de cet enseignement ; nous ne le souhaitons pas. Nous envisageons donc la possibilité que ces équipements puissent également bénéficier aux autres élèves.

La question du travail manuel pose un autre problème : celui de son insertion dans les programmes de l’école et du collège, mais aussi du lycée et dans les disciplines qui y sont enseignées. Quoi qu’il en soit, la référence au sein du code de l’éducation à l’éducation manuelle est saine et me paraît de bon aloi pour permettre des évolutions futures, afin de progresser concrètement en la matière. Aujourd’hui, et contrairement à d’autres sujets que nous avons abordés jusqu’à présent, cette référence est insuffisante. C’est pourquoi je suis favorable à votre proposition.

Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Il ne faudra pas en rester aux incantations et il sera nécessaire d’engager un travail en amont. Nos enfants apprendraient non seulement des savoir-faire qui sont déjà précieux en soi, mais aussi et surtout – j’insiste sur ce point – ils auraient la possibilité de réaliser un projet. Enfin, j’ai oublié d’en parler, l’élève pourra laisser libre cours à sa créativité lors de ses réalisations. Il apprendra également sur lui-même, mais aussi beaucoup de belles choses sur les couleurs, les matières, les formes. Les activités manuelles ont des vertus à diffusion lente et prolongée, car les enfants qui y auront été initiés les pratiqueront aussi à l’âge adulte. Or ces activités apportent épanouissement et sérénité. C’est donc un bien pour la société tout entière, une richesse qui, avec le sport et la culture, constitue un viatique vers une certaine forme de bonheur. Kant disait : « car c’est dans le problème de l’éducation que gît le grand secret de la perfection de la nature humaine » !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je me félicite de l’intervention de Mme Préville et de la réponse de M. le ministre. Notre pays connaît une carence depuis fort longtemps en matière d’éducation manuelle. Indépendamment de tout ce qu’a rappelé Mme Préville sur le fait que le travail manuel révèle d’autres formes de savoirs et d’intelligences, la compréhension des mécanismes technologiques suppose, dans bien des cas, la confrontation avec une action manuelle. Notre système éducatif laisse peu de temps à ce travail et aux nouvelles formes pédagogiques d’apprentissage. Bien sûr, la couture et la cuisine, c’est passionnant, surtout dans un pays comme la France, mais il n’en demeure pas moins qu’il importe de diversifier le rapport à l’éducation manuelle. On ne souligne pas assez souvent que c’est un des éléments de carence de notre système quand on le compare avec celui des autres pays à l’étranger.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.