Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
M. Daniel Dubois, Mme Annie Guillemot.
supplétifs de statut civil de droit commun
Question n° 747 de Mme Marta de Cidrac. – Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
baisse des dotations horaires globales et impact dans les collèges ruraux
Question n° 730 de M. Bernard Delcros. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Bernard Delcros.
Question n° 732 de Mme Françoise Férat. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Françoise Férat.
état de catastrophe naturelle et fissurations de maisons
Question n° 715 de M. Jean-Pierre Decool. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Jean-Pierre Decool.
attribution à saint-martin et à saint-barthélemy d’une préfecture de plein exercice
Question n° 716 de M. Guillaume Arnell. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
effectifs de police à aix-en-provence
Question n° 738 de Mme Sophie Joissains. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; Mme Sophie Joissains.
risque de tsunami et alerte descendante
Question n° 739 de M. Roland Courteau. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Roland Courteau.
activités du parti « égalité et justice »
Question n° 777 de M. Pierre Ouzoulias. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Pierre Ouzoulias.
Question n° 789 de M. Olivier Paccaud. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Olivier Paccaud.
impact du brexit sur la flotte de pêche normande
Question n° 743 de M. Didier Marie. – Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes ; M. Didier Marie.
malaise des personnels de l’hôpital public
Question n° 584 de M. Bernard Fournier. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; M. Bernard Fournier.
Question n° 696 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; M. Yannick Vaugrenard.
avenir de la protection maternelle et infantile
Question n° 720 de Mme Laure Darcos. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Laure Darcos.
prise en charge des détresses respiratoires par les médecins généralistes
Question n° 728 de M. Pierre Médevielle. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; M. Pierre Médevielle.
jeunes élèves et organismes à rythme approprié
Question n° 671 de Mme Dominique Vérien. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Dominique Vérien.
ordonnance sur la coopération agricole
Question n° 708 de Mme Christine Lanfranchi Dorgal. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Christine Lanfranchi Dorgal.
mouvement de protestation des entreprises adaptées dans la région des hauts-de-france
Question n° 697 de Mme Sabine Van Heghe. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Sabine Van Heghe.
avenir du programme européen de développement de l’économie rurale
Question n° 590 de Mme Frédérique Puissat. – Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; Mme Frédérique Puissat.
établissements à objet social et recensement des logements sociaux
Question n° 609 de Mme Jocelyne Guidez. – Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
dysfonctionnements du réseau internet et téléphonique dans l’Aude
Question n° 698 de Mme Gisèle Jourda. – Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Question n° 710 de Mme Anne-Marie Bertrand. – Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; Mme Anne-Marie Bertrand.
indemnités de fonction des exécutifs des syndicats intercommunaux et mixtes
Question n° 712 de M. André Reichardt. – Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; M. André Reichardt.
réalité d’une réparation promise par le gouvernement à la ville de lure
Question n° 724 de M. Michel Raison. – Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; M. Michel Raison.
état de vétusté du parc immobilier de montréjeau
Question n° 642 de Mme Brigitte Micouleau. – Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; Mme Brigitte Micouleau.
hébergement des travailleurs saisonniers
Question n° 695 de Mme Nathalie Delattre. – Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Question n° 741 de Mme Chantal Deseyne. – Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; Mme Chantal Deseyne.
taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pour la filière équine
Question n° 673 de M. Jean Bizet. – Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jean Bizet.
travaux et investissements dans les transports en île-de-france
Question n° 653 de M. Fabien Gay. – Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
équipement des motrices de la sncf
Question n° 726 de M. Olivier Jacquin, en remplacement de M. Jean-Marc Todeschini. – Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
maintien des arrêts au niveau des gares de tenay-hauteville et de virieu-le-grand – belley
Question n° 433 de M. Patrick Chaize. – Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
impossibilité d’effectuer des trajets die-gap ou die-valence sur la ligne paris-briançon
Question n° 647 de M. Bernard Buis. – Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Bernard Buis.
Question n° 585 de Mme Maryvonne Blondin. – Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
réglementation de la chasse aux colombidés et du sanglier en dordogne
Question n° 652 de M. Bernard Cazeau. – Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
abandon du projet de l’autoroute a831
Question n° 151 de M. Didier Mandelli. – Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Didier Mandelli.
mesures envisagées pour les outre-mer à la suite du grand débat national
Question n° 762 de Mme Victoire Jasmin. – Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
3. Hommage aux soldats tués au Burkina Faso
4. Scrutin pour l’élection de juges à la Cour de justice de la République
5. Pour une école de la confiance. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture
6. Élection de juges à la cour de justice de la République
7. Prestation de serment de juges à la cour de justice de la République
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
8. Pour une école de la confiance. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Clôture de la discussion générale.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Amendement n° 254 rectifié bis de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Amendement n° 270 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 433 rectifié de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 221 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Rejet.
Amendement n° 227 de M. Antoine Karam. – Rejet.
Amendement n° 65 rectifié ter de M. Alain Marc. – Retrait.
Amendement n° 387 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 469 rectifié bis de M. Henri Leroy. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
Conclusions de la conférence des présidents
10. Pour une école de la confiance. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 317 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 6 rectifié quater de M. Philippe Mouiller. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 1er bis AA
Amendement n° 229 rectifié de Mme Françoise Cartron. – Rejet.
Amendement n° 360 rectifié bis de Mme Martine Filleul. – Rejet.
Amendement n° 122 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 271 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.
Amendement n° 188 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 98 rectifié bis de M. Olivier Paccaud. – Adoption.
Amendement n° 236 de M. Claude Malhuret. – Rejet.
Amendement n° 199 rectifié bis de M. Philippe Dallier. – Retrait.
Amendement n° 73 rectifié ter de M. Alain Marc. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er bis A
Amendement n° 237 de M. Claude Malhuret. – Retrait.
Amendement n° 251 rectifié de M. Laurent Lafon. – Retrait.
Amendement n° 123 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 321 rectifié de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Amendement n° 361 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 190 rectifié de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Amendement n° 231 de M. Antoine Karam. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er bis C
Amendement n° 322 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 320 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Article additionnel après l’article 1er bis D
Amendement n° 384 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 323 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 388 rectifié ter de Mme Angèle Préville. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Adoption des conclusions de la conférence des présidents
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
M. Daniel Dubois,
Mme Annie Guillemot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 9 mai 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
supplétifs de statut civil de droit commun
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, auteure de la question n° 747, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
Mme Marta de Cidrac. Madame la secrétaire d’État, je souhaite porter à votre connaissance la situation ubuesque que connaissent actuellement les supplétifs de statut civil de droit commun.
Consécutivement à l’adoption de plusieurs amendements à l’Assemblée nationale et à la publication de la loi de finances pour 2019, un certain nombre de ces supplétifs vous ont écrit dans le courant du mois de janvier 2019, afin de connaître les modalités pratiques de mise en œuvre de la mesure adoptée.
Ceux qui ont reçu une réponse en ont été étonnés. En effet, il leur était indiqué qu’ils devaient prendre contact avec le service de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre de leur département de résidence. Ils l’ont évidemment fait aussitôt, mais les services départementaux de l’ONACVG leur ont indiqué qu’ils n’avaient reçu aucune instruction de la part du secrétariat d’État pour traiter les demandes d’allocation de reconnaissance effectuées par les supplétifs de statut civil de droit commun entre le 4 février 2011 et le 19 décembre 2013.
L’ensemble des associations de rapatriés s’interrogent sur cette situation et se demandent s’il y aurait une volonté délibérée de la part de l’administration de temporiser, voire de ne pas appliquer la mesure adoptée par le Parlement. Il est regrettable que ces mesures votées ne soient pas suivies d’effet, d’autant que les personnes concernées ont plus de 80 ans et sont pour la plupart de santé précaire.
Dès lors, je souhaiterais savoir si vous comptez agir, afin que des instructions claires et rapides soient données aux services départementaux de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et au bureau central des rapatriés et que le versement de l’allocation de reconnaissance sous forme de rente annuelle soit effectif le plus rapidement possible pour les vingt-six personnes concernées.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Madame la sénatrice, vous le savez, le législateur a réservé de manière constante un traitement différent aux supplétifs de droit commun et aux supplétifs de droit local, du fait des conditions d’accueil particulièrement difficiles de ces derniers. Toutefois, le Conseil constitutionnel a reconnu la possibilité pour les harkis de droit commun de bénéficier de l’allocation de reconnaissance sous réserve qu’ils en aient fait la demande entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013 – vous l’avez rappelé – et qu’ils aient engagé une procédure contentieuse en cas de rejet.
Dès l’adoption de la loi de finances pour 2019, qui prévoit le transfert de 106 000 euros pour le traitement de la situation des supplétifs de droit commun, j’ai demandé à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre d’examiner l’ensemble des situations individuelles qui nous ont été rapportées.
En l’occurrence, soixante-quatorze personnes nous ont été signalées par une association. Sur ce nombre, seules vingt-cinq personnes, et non vingt-six, correspondent réellement à des supplétifs de droit commun. Trois d’entre elles sont décédées depuis lors. Les vingt-deux autres ne peuvent pas prétendre juridiquement à une allocation de reconnaissance, car elles n’ont pas fait leur demande dans la fenêtre qui leur était ouverte entre 2011 et 2013. Bien sûr, la plupart de ces personnes n’ont pas fait de recours en contentieux. Seules sept d’entre elles sont en effet allées en justice : elles ont toutes été déboutées.
Compte tenu de la volonté des parlementaires, comme de la nôtre, de soutenir ces harkis de droit commun, j’ai demandé à l’ONACVG de contacter chacune des personnes concernées, afin qu’elles soient intégrées aux dispositifs d’aide sociale de l’Office. Six personnes n’ont pas souhaité donner suite à cette démarche ; sept personnes n’ont pas exprimé de besoin particulier ; six personnes sont déjà accompagnées par le service d’action sociale de l’ONACVG – nous poursuivrons ce soutien actif – ; enfin, une personne sera reçue cet après-midi pour l’étude de son dossier et deux personnes se sont déjà vu attribuer 3 000 euros.
En somme, nous ne pouvons traiter ces dossiers sur le plan juridique et légal que par le biais de l’action sociale de l’ONACVG. Les traitements sont individualisés, et je peux vous assurer qu’une attention toute particulière sera portée à tous les dossiers.
baisse des dotations horaires globales et impact dans les collèges ruraux
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 730, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, je souhaite vous alerter sur l’avenir des collèges ruraux.
Dans le département du Cantal, la dotation en heures d’enseignement prévue pour la rentrée de 2019 diminue de deux cents heures, alors que le nombre d’élèves, lui, ne diminue pas.
Le nouveau mode de calcul des dotations est pénalisant pour les collèges ruraux. Par exemple, au collège d’Allanche, alors que la forte mobilisation de l’équipe éducative autour d’un projet adapté à ce territoire a permis d’augmenter les effectifs de 50 % en trois ans, la dotation en heures d’enseignement baisse de 9 % entre 2018 et 2019, et ce malgré une nouvelle augmentation des effectifs pour la rentrée prochaine.
L’explication donnée est plus qu’inquiétante : alors que ce collège compte quatre divisions, la dotation pour 2019 n’est calculée que sur la base de trois divisions, puis complétée par un ajustement horaire.
Ce nouveau mode de calcul appliqué aux petits collèges les affaiblit considérablement. On observe que des élèves de deux niveaux différents sont regroupés dans un même cours, que certaines équipes pédagogiques sont déstructurées, éclatées sur deux ou trois établissements et que la qualité de service est parfois dégradée. On constate aussi le découragement des enseignants et l’incompréhension des parents.
Les collèges ruraux mettent concrètement en œuvre une offre éducative d’excellence, ce que les résultats au brevet, bien supérieurs à la moyenne nationale, démontrent. Aussi, ces petits collèges doivent conserver leurs moyens pour maintenir la qualité de l’offre éducative et continuer à remplir leur mission essentielle au cœur des territoires hyper-ruraux. Pouvez-vous assurer aux élus et habitants du monde rural que vous maintiendrez les heures d’enseignement des collèges ruraux, dès lors que les effectifs ou le nombre de divisions resteront stables ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Bernard Delcros, le sujet est évidemment très important et s’inscrit dans le cadre du soutien que nous devons à l’éducation nationale en milieu rural. Comme vous le savez, le Président de la République s’est prononcé de manière très claire en faveur du soutien à l’école primaire rurale. C’est une raison supplémentaire d’évoquer cette question aujourd’hui.
L’école primaire rurale, non seulement contribue à la vitalité du monde rural, mais réussit également mieux que la moyenne des écoles primaires. En ce qui concerne les collèges, c’est un peu différent, car les collèges ruraux ne réussissent pas toujours aussi bien que les écoles primaires.
Nous devons nous préoccuper à la fois de la vitalité du monde rural et de l’intérêt des élèves. Vous avez raison de l’évoquer, l’intérêt des élèves passe par le taux d’encadrement. Or, dans le Cantal, le taux d’encadrement dans les collèges est parmi les plus favorables de France.
Malgré les chiffres que vous avez cités, le collège d’Allanche a un taux d’encadrement – ce qu’on appelle le H/E ou nombre d’heures d’enseignement par élève – qui atteint 1,81. Pour vous donner une idée, en REP+, dans les établissements les plus favorisés de notre système, ce taux n’est que de 1,45.
Le collège d’Allanche, qui accueille autour de soixante-cinq élèves, à ma connaissance, fait donc l’objet d’une attention toute particulière de l’éducation nationale et représente un coût par élève, assumé par la collectivité publique, beaucoup plus élevé en moyenne que dans la majeure partie du pays. Il faut poursuivre la stratégie qui y est menée, celle des équipes éducatives. Je salue cette stratégie, car elle favorise l’attractivité et permet d’accroître le nombre des élèves dans les établissements. Bien entendu, tant que l’existence d’un tel collège se justifiera par l’hyper-ruralité que vous avez évoquée, il faudra le maintenir et le soutenir.
Cependant, le soutenir signifie que l’on ne doit pas avoir une approche de la situation uniquement en termes de taux d’encadrement, d’autant que ce taux est très généreux aujourd’hui dans votre département, comme je viens de le dire, et que l’on doit aussi développer une approche qualitative, c’est-à-dire conduire des projets. De ce point de vue, encourager l’innovation et être capable de travailler autrement peuvent constituer des pistes à suivre.
Le recteur de Clermont-Ferrand est très attentif au cas du collège d’Allanche comme à celui de l’ensemble des collèges de son académie, tout particulièrement les collèges de Condat, de Pierrefort et de Pleaux dans le Cantal, qui ont le point commun d’accueillir soixante-dix élèves, voire moins. Il s’agit de situations très particulières auxquelles nous devons prêter une attention, non seulement quantitative – ce qui est largement fait aujourd’hui –, mais aussi qualitative, car nous visons l’intérêt des élèves.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.
M. Bernard Delcros. Je vous remercie, monsieur le ministre. Simplement, on ne peut pas comparer les dotations entre établissements avec le seul ratio du nombre d’heures par élève : ce n’est pas juste ! Qu’il y ait quinze, vingt ou vingt-cinq élèves dans une division, le besoin en heures d’enseignement reste évidemment le même pour chacune des classes. Traiter équitablement tous les collèges consiste à attribuer une base de vingt-neuf heures par division, quel que soit le nombre d’élèves dans la division.
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour soutenir ces collèges ruraux et pour maintenir les dotations dont ils ont besoin pour continuer à offrir un service éducatif de qualité. Ces collèges jouent en effet un rôle extrêmement important en termes d’offre éducative de proximité et un rôle essentiel pour l’avenir de ces territoires. Je compte sur vous !
effectivité de la possibilité d’effectuer des stages d’observation pour les élèves de moins de 14 ans
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 732, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, je reviens vers vous pour évoquer la non-application de la disposition législative concernant les stages d’observation rendus possibles pour les élèves de moins de 14 ans.
Par la voie d’un amendement que j’avais déposé, l’article 19 de la loi du 5 septembre 2018 autorise désormais ces élèves à effectuer leur stage d’observation, lié aux objectifs de l’éducation nationale dans les entreprises, comme leurs camarades de classe âgés de plus de 14 ans. Auparavant, pour faire simple, seules les administrations pouvaient les accueillir.
Puisque ce stage d’observation vise à faire découvrir aux élèves le monde professionnel et économique, à explorer les métiers et les formations et à développer leurs connaissances, il me paraissait pertinent d’ouvrir le champ des possibilités et d’élargir la tenue de ces stages d’observation dans toute entreprise, qu’elle soit sociétaire, individuelle, artisanale ou associative, aux élèves inscrits en troisième et en quatrième, même lorsqu’ils sont âgés de moins de 14 ans.
Bien que cette disposition ait été votée à la rentrée de septembre 2018, de nombreux témoignages issus de toute la France m’ont été adressés : ils rapportent que les chefs d’établissement ne sont pas informés de cette évolution législative et, de fait, n’autorisent pas l’accueil de ces élèves dans les entreprises.
Les parents saluent pourtant cette mesure de bon sens, que vous aviez acceptée, tout comme l’avait fait Mme la ministre du travail. Il ne manque plus qu’une étape : informer les principaux de collège. Je souhaiterais donc savoir dans quel délai une circulaire ouvrant cette faculté aux élèves de moins de 14 ans sera adressée aux chefs d’établissement, aux Dasen, voire aux recteurs.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Françoise Férat, je partage tous les tenants et aboutissants de votre question et pourrai y répondre très favorablement.
Comme vous le savez, la séquence d’observation de cinq jours en milieu professionnel est obligatoire pour tous les élèves des classes de troisième, en application des dispositions de l’article D. 332-14 du code de l’éducation. Celle-ci est intégrée au parcours individuel de formation, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel. Elle se déroule dans les entreprises, les associations, les administrations, les établissements publics ou les collectivités territoriales dans les conditions prévues par le code du travail.
Nous avons fait évoluer ces conditions concrètes, puisque, cette année, nous avons créé une base de données qui offre des milliers de stages, notamment aux élèves issus de milieux défavorisés qui n’ont pas le réseau familial pour trouver de tels stages. Nous constatons un premier grand succès à ce titre, et je remercie tous ceux qui y contribuent.
Même si nous voulons aller encore beaucoup plus loin en matière d’orientation et de connaissance du monde du travail, la séquence d’observation a changé beaucoup de choses pour les élèves des classes de troisième de notre pays. On ne saurait donc accepter que des limites, de quelque nature que ce soit, empêchent certains élèves d’en profiter. L’objectif de cette séquence, nous le savons tous, est de sensibiliser les élèves à l’environnement technologique, économique et professionnel en liaison avec les programmes d’enseignement.
Nous avons effectivement donné la possibilité à des élèves de moins de 14 ans d’effectuer leur séquence d’observation dans une entreprise régie par le droit privé avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2019 de l’article 19 de la loi du 5 septembre 2018, qui a modifié l’article L. 4153-1 du code du travail.
Le 4 avril 2019, nous avons transmis une note à ce sujet à l’attention des recteurs d’académie, des inspecteurs d’académie, des directeurs académiques des services de l’éducation nationale et des principaux de collège. Cette note rappelle la législation et la réglementation sur les séquences d’observation en milieu professionnel pour les élèves des classes de quatrième et de troisième. Celle-ci répond à votre attente, puisqu’elle a pour objet d’apporter des précisions sur les points ayant suscité des questionnements.
Il est également à noter qu’un projet de décret, en cours de publication, modifie certaines dispositions du code de l’éducation relatives à l’accueil d’élèves mineurs de moins de 16 ans en milieu professionnel, afin d’être en adéquation avec l’article 19 de la loi du 5 septembre 2018. Mais sachez que la note que je viens de mentionner permet d’ores et déjà d’ouvrir les séquences d’observation aux élèves de moins de 14 ans. Surtout, sachez que je sensibiliserai tout particulièrement les recteurs et les rectrices d’académie à la question que vous avez soulevée.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour la réplique.
Mme Françoise Férat. Je vous remercie infiniment, monsieur le ministre. Vos propos sont de nature à me rassurer pleinement.
Comme vous l’avez rappelé, il s’agit d’une parenthèse importante que ces stages d’observation qui permettent d’approcher au plus près les métiers, de voir s’ils conviennent aux élèves ou s’ils ne leur conviennent pas, ce qui est tout aussi important. Vous savez mieux que moi combien l’orientation à ce stade du parcours de l’élève est terriblement importante.
état de catastrophe naturelle et fissurations de maisons
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, auteur de la question n° 715, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jean-Pierre Decool. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
L’été approche et, avec lui, le retour probable d’épisodes de fortes chaleurs. Si celles-ci font le bonheur du plus grand nombre, leurs conséquences, a fortiori ces dernières années avec le dérèglement climatique, peuvent aussi être redoutées.
Les élus locaux, dont nous sommes les relais ici au Sénat, craignent l’arrivée de cette saison estivale. Je pense aux maires du Nord, qui ne sont pas encore remis de l’été dernier, lorsqu’ils ont reçu des dizaines de concitoyens dont l’habitation s’était fissurée. Ces mêmes élus locaux ont passé beaucoup de temps pour que leurs communes obtiennent la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Je pense aussi à tous ceux qui, partout en France, ont subi la sécheresse.
Ces maires et leurs concitoyens ont déposé des demandes auprès de leurs compagnies d’assurance. Ils n’auraient jamais imaginé devoir endurer une telle catastrophe et ses conséquences. Peu d’entre eux soupçonnaient en effet que les fortes chaleurs que nous connaissons parfois auraient de tels effets sur les bâtiments.
En parant au plus pressé, les occupants de ces édifices sinistrés ont dressé des poutres de soutènement pour consolider les façades et installé des bastings pour renforcer les murs. J’ai à l’esprit le montant d’un devis s’élevant à 57 000 euros pour remettre en état une maison de taille modeste dans une commune rurale.
Ne pas pouvoir bénéficier des assurances, c’est la certitude de devoir renoncer à un patrimoine constitué durant une vie de labeur. Certaines maisons devront être reconstruites, alors même que celles-ci n’ont pas été totalement payées. Or, pour bénéficier des assurances, la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est nécessaire.
De fait, mes questions sont simples : les communes qui ont connu un épisode de sécheresse l’été dernier bénéficieront-elles de l’état de catastrophe naturelle ? Quand seront-elles fixées sur leur sort ?
Nos concitoyens et les élus locaux qui les accompagnent attendent beaucoup de cette procédure. Ils attendent d’autant plus qu’elle dure depuis trop longtemps et qu’elle est fondée sur des critères parfois nébuleux, qu’il conviendrait de rendre plus clairs et plus transparents.
Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, répondait il y a quelques semaines à une question orale de notre collègue Serge Babary que la simplification de la procédure aboutirait dans les prochaines semaines et que l’un des objectifs était de rendre les critères de mise en œuvre plus lisibles. Ma troisième question est donc aussi simple : où en sommes-nous de cette réflexion ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Un épisode de sécheresse-réhydratation des sols a touché le territoire métropolitain au cours du second semestre de 2018, notamment dans le nord-est du pays.
Au 1er mars 2019, plus de 3 300 demandes communales de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse 2018 ont été déposées dans soixante-huit préfectures de département, notamment dans le quart nord-est du pays.
Pour décider de la reconnaissance d’une commune en état de catastrophe naturelle, je rappelle que l’autorité administrative se prononce sur l’intensité anormale de l’agent naturel à l’origine des dégâts, et non sur l’ampleur des dégâts.
Compte tenu de la cinétique lente qui caractérise l’aléa sécheresse et des connaissances scientifiques disponibles à ce jour, deux critères cumulatifs sont mis en œuvre pour caractériser son intensité. Premièrement, une condition géotechnique : un sol d’assise des constructions constitué d’argile sensible aux phénomènes de retrait et/ou de gonflement. Deuxièmement, une condition de nature météorologique : une sécheresse du sol d’intensité anormale. Ce modèle permet à l’autorité administrative d’instruire l’ensemble des demandes sur le fondement de données techniques présentant les mêmes qualités et, ainsi, de s’assurer d’une égalité de traitement des dossiers.
L’instruction effective des dossiers déposés au titre de l’année 2018 interviendra au cours du printemps 2019, Météo-France et les services de l’État concernés ayant été tout particulièrement sensibilisés à la nécessité de traiter ces demandes dans des délais raisonnables.
S’agissant de la simplification de la procédure, elle aboutira dans les jours qui viennent. Les nouveaux critères seront utilisés dès cette année pour analyser les demandes au titre de l’épisode de sécheresse-réhydratation des sols de l’année 2018.
Ces travaux visent deux objectifs : d’abord, prendre en compte l’amélioration des connaissances scientifiques relatives au phénomène, notamment les modalités techniques de traitement des données météorologiques permettant d’établir le niveau d’humidité des sols superficiels par Météo-France ; ensuite, rendre plus lisibles pour les responsables communaux et les sinistrés les critères mis en œuvre. À cet égard, un effort de simplification de leur présentation sera réalisé.
Par cette réforme, nous améliorons la qualité des critères tout en rendant plus simple et compréhensible leur mise en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu que vous preniez en considération les attentes que j’évoquais, notamment en ce qui concerne la simplification de la procédure. Il convient d’assurer une plus grande transparence dans les critères retenus, voire de faire en sorte que les décisions soient prises davantage à l’échelon départemental que national.
attribution à saint-martin et à saint-barthélemy d’une préfecture de plein exercice
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, auteur de la question n° 716, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Guillaume Arnell. À la suite de la réforme de 2007 érigeant les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy en collectivités d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution, la sous-préfecture de Saint-Martin et Saint-Barthélemy qui existait jusqu’alors est devenue une préfecture, placée depuis 2009 sous la responsabilité d’un préfet délégué, rattaché au préfet de la Guadeloupe.
Malgré cette transformation, les moyens humains, financiers et administratifs sont restés ceux de la sous-préfecture, voire ont régressé. Les services de l’État qui préexistaient ont été rattachés au préfet par le biais de conventions, sans augmentation de moyens, et la préfecture n’a bénéficié d’aucun des moyens budgétaires normalement affectés à son nouveau statut. Je pense en particulier aux budgets opérationnels de programme, les BOP.
Les préfets délégués successifs ont fait valoir à plusieurs reprises le manque de moyens mis à leur disposition et les risques encourus : pas de cabinet du préfet, pas de cellule de communication, un contrôle de légalité difficile à exercer, des services déconcentrés insuffisants, notamment dans les domaines de la santé, de l’urbanisme et de l’environnement.
En réponse aux demandes réitérées des élus, certaines évolutions ont été mises en œuvre, comme la modification du poste de secrétaire général de la préfecture, assuré depuis 2016 par un membre du corps préfectoral. Pendant huit ans, le préfet était le seul membre du corps préfectoral.
La survenance de l’ouragan Irma a également démontré les limites de la préfecture déléguée de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, tant en ce qui concerne la gestion de l’anticipation de la crise que dans la situation de post-crise.
Notre situation institutionnelle avec un préfet délégué à compétence territoriale est unique en France. À titre de comparaison, Saint-Pierre-et-Miquelon, qui compte 6 000 habitants, et les îles Wallis et Futuna, peuplées de 14 000 habitants, sont des préfectures de plein exercice et ont à leur tête un préfet de plein exercice depuis de nombreuses années.
Or Saint-Barthélemy et Saint-Martin, avec respectivement 10 000 et 35 000 habitants, reçoivent en haute saison plus de 100 000 touristes pour la première et plus de 250 000 pour la seconde.
J’ajoute que l’île de Saint-Martin étant binationale, le préfet est confronté à des problématiques qui ne sont pas exactement celles de la Guadeloupe, tels l’immigration clandestine, le travail clandestin et les multiples fraudes, alors même que les législations et réglementations de Sint Maarten rendent l’action des services de l’État chargés de la sécurité particulièrement délicate.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, l’État doit poursuivre son engagement en faveur d’une évolution de ses services. Il doit également modifier les décrets de 2009, afin que la préfecture de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne soit plus une préfecture dite « déléguée » et que le préfet délégué soit un préfet de plein exercice.
M. le président. Mon cher collègue, je vous remercie de veiller à respecter le temps qui vous est imparti.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’opportunité d’instituer une préfecture de plein exercice dans les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
À la suite des évolutions institutionnelles que ces collectivités ont connues en 2007, que vous avez rappelées, l’organisation administrative des services de l’État a fait l’objet d’une adaptation significative visant à renforcer leur autonomie vis-à-vis de la préfecture de Guadeloupe, sans pour autant renoncer à son appui précieux.
Cette adaptation s’est d’abord traduite sur le plan juridique par la transformation de la sous-préfecture des îles du Nord en une préfecture regroupant les antennes des services déconcentrés, administrée par un préfet agissant par délégation du préfet de la Guadeloupe.
Cette transformation et l’organisation actuelle résultent de deux décrets du 24 juillet 2009 : d’abord, le décret relatif aux pouvoirs du représentant de l’État, à l’organisation et à l’action des services de l’État à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ; ensuite, le décret relatif aux services de la préfecture de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Dans ce cadre, j’y insiste, bien que le préfet délégué agisse par délégation du préfet de la Guadeloupe, il assure la direction effective des services.
L’organisation en place répond avant tout à une logique opérationnelle : le préfet délégué dispose des services de la préfecture de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, conçue comme une structure souple et intégrée, disposant de moyens propres, mais surtout capable de mobiliser les services de l’État en Guadeloupe pour certaines missions exigeant une expertise ou une compétence rare.
Par ailleurs, la circulaire du Premier ministre du 24 juillet 2018 incite les préfets de région à développer la mutualisation et le regroupement de services. Le dédoublement des services à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin irait à l’encontre de l’objectif de rationalisation et serait peu opportun : la proximité des deux territoires avec la Guadeloupe ne plaide pas en ce sens.
Enfin, l’organisation actuelle pour l’accompagnement des populations et des collectivités prodigué par l’État donne satisfaction. Après le passage de l’ouragan Irma, celle-ci a permis de renforcer, non seulement les moyens dédiés à la reconstruction, mais aussi ceux qui sont consacrés à la prévention et la gestion d’une crise éventuelle. Elle a également permis la reconstruction des locaux hébergeant les services de la préfecture de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Croyez bien, monsieur le sénateur, que nous serons très attentifs à la pérennité de ces moyens et à leur renforcement si le besoin s’en faisait sentir.
effectifs de police à aix-en-provence
M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, auteur de la question n° 738, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Sophie Joissains. Ma question concerne les effectifs de police affectés à la circonscription d’Aix-en-Provence, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)
Les effectifs de police dans la ville d’Aix-en-Provence travaillent en flux tendus depuis plusieurs années. De surcroît, ils sont confrontés à une forte augmentation de leur charge en 2019.
La capacité de la prison d’Aix-Luynes vient d’être doublée. Prête à accueillir 2 000 détenus, elle est devenue au cours de cette année le troisième centre pénitentiaire de notre pays. La cour d’appel d’Aix-en-Provence, la deuxième de France, a dû ouvrir une quatrième session d’assises en urgence.
Ces charges sont exceptionnelles et se traduisent par une mobilisation croissante des effectifs de police existants, ce qui diminue d’autant le nombre d’agents exerçant effectivement des missions sur la voie publique.
Le nombre des cambriolages augmente significativement et connaît un pic jamais atteint ces dernières semaines.
Chaque jour ouvré, la CSP d’Aix-en-Provence mobilise trente-cinq fonctionnaires pour assurer les différentes charges judiciaires. Une vingtaine de postes sont nécessaires pour l’extraction et la réintégration des détenus en maison d’arrêt, une dizaine en police d’audience. S’y ajoutent six officiers de police judiciaire spécialisés dans le contentieux lié à la maison d’arrêt, lesquels sont en nombre à peine suffisant pour le contentieux existant au sein du seul premier bâtiment.
L’augmentation des charges liées à la prison de Luynes se traduit aussi par une explosion du nombre des transferts sanitaires et gardes de détenus à l’hôpital. Chaque garde est effectuée, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec relève par deux ou trois fonctionnaires du commissariat selon les cas. Il est à présent courant que deux détenus soient gardés simultanément, avec quatre à six agents mobilisés en permanence.
Des renforts substantiels sont cruciaux pour continuer à assumer la sécurité judiciaire, gérer correctement le quotidien du centre pénitentiaire et, enfin, assurer normalement les missions sur la voie publique – en bref, la sécurité quotidienne des habitants. Pour exemple, il n’y a aujourd’hui pas plus de policiers sur la voie publique aixoise que sur celle de la ville de Salon-de-Provence, qui n’atteint pas tout à fait le tiers des habitants d’Aix.
J’alerte le ministère depuis juin 2018. On peut craindre la survenue de dysfonctionnements lourds, et cette demande d’effectifs a pris un caractère d’urgence. Qu’avez-vous prévu de faire, monsieur le secrétaire d’État ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. À Aix-en-Provence, comme ailleurs, les moyens doivent tenir compte des charges pesant sur les services, par exemple celles qu’engendre la proximité d’un établissement pénitentiaire.
Ainsi, l’effectif cible fixé pour les services territoriaux de la sécurité publique avait pleinement pris en compte, dans le cadre des mouvements de mutation de 2018, l’extension du centre pénitentiaire d’Aix-Luynes. Cela constitue effectivement un enjeu majeur pour la circonscription d’Aix-en-Provence, qui assure quotidiennement nombre de missions au bénéfice de l’autorité judiciaire, liées au fonctionnement du tribunal de grande instance et de la cour d’appel. Ces « contraintes » s’accroissent depuis l’ouverture, en janvier 2019, d’une quatrième section de la cour d’assises et le doublement des capacités d’accueil du centre pénitentiaire l’année dernière.
Cette charge de travail « judiciaire » impose régulièrement de mobiliser diverses unités du commissariat, au détriment des capacités opérationnelles de voie publique.
Face à cette problématique, et c’est le sens de votre question, madame la sénatrice Joissains, nous agissons depuis le début du quinquennat pour permettre aux forces de l’ordre de se recentrer sur leurs missions prioritaires. Nous intensifions notamment les efforts pour supprimer les tâches indues ou encore alléger la procédure pénale. Le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice travaillent également ensemble pour une répartition plus rationnelle des tâches.
S’agissant d’Aix-en-Provence, la situation va évoluer positivement dans les mois à venir. Les missions de transfèrement, de garde dans les locaux des juridictions et de présentation de détenus aux magistrats seront reprises par les services du ministère de la justice, ce qui permettra de redéployer des policiers sur la voie publique. Toutefois, les services de police d’Aix-en-Provence continueront d’assurer certaines tâches liées à la cour d’assises et au centre pénitentiaire d’Aix-Luynes.
La question des effectifs conservera donc toute son importance, je ne le nie pas. À ce jour, cette circonscription bénéficie d’un nombre de gradés et de gardiens de la paix conforme à son effectif de référence, soit 232 agents du corps d’encadrement et d’application. C’est dix de plus qu’à la fin de l’année 2016. Prise dans son ensemble, cette circonscription de police dispose d’un effectif de 313 agents, contre 306 à la fin de 2016.
Des efforts s’imposent certainement encore. Nous veillerons donc, dans le cadre des mouvements de mutation de 2019, à assurer les renforts nécessaires à la police nationale pour faire face aux sujétions que fait peser sur elle le fonctionnement des juridictions et du centre pénitentiaire.
Je puis vous assurer, madame la sénatrice, de mon attention toute particulière pour la situation de cette circonscription, que je connais bien, comme vous l’avez rappelé.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour la réplique.
Mme Sophie Joissains. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, mais cette demande étant déjà ancienne, j’en appelle à votre vigilance. Aujourd’hui, nous rencontrons des problèmes croissants s’agissant des missions concernant la voie publique, avec des répercussions que ce soit en matière de cambriolages ou sur nos quatre quartiers prioritaires.
risque de tsunami et alerte descendante
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 739, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Roland Courteau. À la suite des recommandations que j’avais formulées dans le cadre de l’Opecst sur le risque tsunami sur les côtes françaises, le Cenalt, le Centre d’alerte aux tsunamis, est opérationnel depuis 2012. Il couvre la Méditerranée occidentale et l’Atlantique Nord-Est.
L’alerte « montante » vers les autorités chargées de la sécurité civile fonctionne bien, j’ai pu le vérifier. Cependant, des insuffisances demeurent s’agissant d’une alerte « descendante » performante vers les populations, les communes et les préfectures, compte tenu de la nécessité de respecter des temps de réaction très courts.
Plusieurs faiblesses sont apparues à ce niveau. Outre des délais de transmission de l’alerte trop longs, avec une multiplication des intermédiaires aggravant la situation, la sensibilisation et la préparation des populations en cas d’alerte se révèlent insuffisantes. Par quels moyens alerte-t-on ? Haut-parleurs, panneaux lumineux ? La ville de Cannes s’est équipée en ce sens. C’est d’ailleurs, à ma connaissance, un cas unique sur notre littoral. Comment améliorer l’articulation entre alerte « montante » et alerte « descendante » ? Le Cogic ne manquerait-il pas d’effectifs ?
L’État, m’a-t-on dit, peut disposer de 5 000 sirènes pour couvrir les plages de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et de la côte Languedoc-Roussillon de l’Occitanie. Pourquoi attendre ?
Par ailleurs, les Antilles, La Réunion et Mayotte apparaissent démunies en matière de dispositifs d’alerte. Je suggère donc que le Cenalt puisse couvrir ces zones, ce qui représenterait une dépense, non pas de millions, mais de quelques milliers d’euros seulement.
Tenant sur le sujet un rapport à votre disposition, monsieur le secrétaire d’État, je rappelle que l’opinion publique accepte de moins en moins de voir les populations non protégées, alors même que des dispositifs d’alerte peuvent être instaurés pour sauver des vies humaines.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Exposée au risque tsunami, la France a mis en place des mécanismes d’alerte et d’anticipation qu’il convient d’améliorer constamment.
La cinétique très rapide du phénomène tsunami nécessite une réaction tout aussi rapide de la chaîne d’alerte, impliquant le Centre d’alerte aux tsunamis, le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, les services déconcentrés de l’État, les services d’incendie et de secours, ainsi que les collectivités territoriales.
Pour tester et améliorer l’efficacité de nos procédures, des exercices sont régulièrement organisés : il y en a eu quinze depuis le mois de mars 2017.
La totalité des messages d’alerte émis par le Cenalt a été relayée par le Cogic en moins de dix minutes, à la seule exception de l’exercice du 5 novembre 2018, au cours duquel l’envoi du message d’alerte est intervenu trente minutes après.
M. Roland Courteau. Eh oui ! C’est ça qui est grave !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. La récurrence de ces exercices doit précisément permettre d’identifier les points de procédure à améliorer.
Il semble néanmoins nécessaire de raccourcir encore le délai entre l’alerte « montante » du Cenalt vers le Cogic et l’alerte « descendante » vers tous les acteurs. À cet effet, une réflexion collective est engagée afin d’optimiser cette alerte « descendante ». Ainsi, l’extension des missions du Cenalt, afin d’englober cette dernière, est inscrite à l’ordre du jour du prochain comité de pilotage du Centre, prévu ce mois-ci.
S’agissant des moyens d’alerte des populations, au 5 avril 2019, 1 865 sirènes ont été installées et raccordées au logiciel de déclenchement, soit près de 75 % du contingent cible de 2 500 sirènes fixé au titre de la première phase de déploiement qui s’achèvera en 2021.
L’alerte est multicanal et fait intervenir les médias, les collectivités territoriales, les partenaires et, à l’avenir, la téléphonie mobile.
Nous développons également des mesures de sensibilisation et d’information des populations : un guide pédagogique, relatif à l’alerte et aux mesures de protection en cas de tsunami, a ainsi été diffusé aux préfectures concernées le 22 février 2019.
Enfin, s’agissant de l’opportunité d’étendre les missions du Cenalt à l’outre-mer, notamment aux départements que vous avez cités, monsieur le sénateur Courteau, je tiens à préciser que la mission d’alerte aux tsunamis outre-mer est déjà assurée par des systèmes d’alerte internationaux.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour la réplique.
M. Roland Courteau. Nos dix millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, répartis sur tous les océans, soulignent notre vulnérabilité face au risque de tsunami. Mon intervention de ce jour, monsieur le secrétaire d’État, ne vise qu’à vous demander d’améliorer le dispositif existant en matière d’alerte « descendante ».
Vous indiquez que certaines réflexions sont en cours, que des décisions pourraient être mises en œuvre… Je prends note de votre réponse, dont je ferai part à l’Opecst pour suite à donner. Mais je précise une fois de plus qu’il est question, ici, de protéger des vies humaines, car si le phénomène est rare et imprévisible, il n’en est pas moins dévastateur. On peut parier sur sa rareté, mais gare si une catastrophe arrive ! Les responsabilités de chacun seront alors engagées !
activités du parti « égalité et justice »
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 777, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Pierre Ouzoulias. Très récemment, à propos du génocide des Arméniens, le Président de la République de Turquie, M. Erdogan, déclarait : « Le déplacement en Anatolie orientale des gangs arméniens et de leurs partisans, qui ont massacré le peuple musulman, y compris les femmes et les enfants, est la mesure la plus raisonnable qui puisse être prise dans une telle période. »
Je rappelle ici solennellement que le Parlement de la République française, le Parlement européen et de nombreux parlements à travers le monde ont reconnu officiellement le génocide des Arméniens.
En France, le parti qui se donne pour nom « égalité et justice », relais officieux du parti de la justice et du développement, l’AKP, du président Erdogan, défend au grand jour la négation du génocide arménien. J’ai déjà saisi le ministère de l’intérieur sur ces actions odieuses et condamnables.
Investi dans les dernières élections législatives et, maintenant, pour les futures élections municipales, le parti égalité et justice demande aussi officiellement un moratoire sur la laïcité, c’est-à-dire la suspension d’un des principes constitutifs de notre République. En cela, il développe en France le programme de son inspirateur turc, qui promeut, en Turquie et partout en Europe, un islam politique rétrograde, anti-laïque et anti-occidental.
Monsieur le secrétaire d’État, plusieurs membres du gouvernement auquel vous appartenez avaient, dans le passé, dénoncé les ingérences d’un grand pays européen dans le déroulement de la campagne présidentielle. À quelques mois du scrutin de mars 2020, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour que le parti égalité et justice ne concoure pas aux tentatives d’immixtion du gouvernement turc et du parti de la justice et du développement dans les futures élections municipales françaises ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Je partage naturellement votre préoccupation, monsieur le sénateur Ouzoulias, quant à toute ingérence étrangère dans notre système démocratique lors des prochaines élections municipales sur notre sol. Toutefois, en matière électorale, plusieurs principes juridiques éminents s’imposent à tous et, en premier lieu, aux pouvoirs publics.
Tout d’abord, le pluralisme des courants de pensée et d’opinion est le corollaire de la démocratie. Cette notion a été consacrée comme objectif à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel, avant même son inscription à l’article 4 de la Constitution par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Ensuite, le principe en matière électorale est la liberté de se porter candidat. Un citoyen, dès lors qu’il remplit les conditions pour se présenter à l’élection, ne peut être déclaré inéligible en l’absence de texte.
L’exigence démocratique impliquant une très grande liberté de candidature, l’inéligibilité s’apprécie strictement : elle n’existe pas sans texte, pas plus qu’elle ne saurait exister au-delà des textes applicables.
Ce principe trouve d’abord sa mise en œuvre lors de la candidature. Pour les élections municipales, que vous évoquez, les conditions d’éligibilité se résument ainsi : avoir 18 ans révolus, justifier d’une attache avec la commune où le candidat se présente et ne pas être privé de toute capacité électorale.
En outre, rien n’impose au candidat, lors du dépôt de sa candidature, de mentionner le soutien qu’il reçoit d’une formation politique, quelle qu’elle soit. S’il le fait, cette affirmation ne peut justifier à elle seule un refus d’enregistrer sa candidature.
Une fois l’élection acquise, et seulement après, dans le cadre d’un contentieux électoral, l’éligibilité peut être contestée devant le juge administratif.
Le Gouvernement est attaché à notre système démocratique et veillera, par sa neutralité et son impartialité, à la préservation de ces principes.
Pour autant, nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que des risques d’ingérence étrangère existent. Aussi, il revient au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale – organisme interministériel placé auprès du Premier ministre –, avec, à ses côtés, l’ensemble des services de renseignement, notamment de renseignement intérieur, de détecter, puis de répondre aux ingérences étrangères, de quelque nature qu’elle soit. Or vous savez avec quelle détermination ces services s’acquittent de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. J’entends vos engagements, monsieur le secrétaire d’État, mais sachez que je continuerai, comme je le fais ici en permanence, de vous saisir officiellement sur cette question, afin que votre ministère, mais aussi toute notre République agissent avec force contre la propagande visant le principe constitutionnel de laïcité, d’une part, et, d’autre part, pour honorer la mémoire des Arméniens et des Arméniennes victimes du génocide perpétré par l’État turc.
titres d’identité
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 789, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Olivier Paccaud. S’il y a bien une demande qui rythme nos campagnes, c’est la volonté d’un retour des services publics de proximité. Proximité : que signifie ce mot si usité dans le vocabulaire politique actuel ? Quelque chose qui se trouve à peu de distance et proche dans le temps !
S’il en est ainsi, la fonctionnalité n’est décidément pas de mise lorsqu’il s’agit, entre autres actes administratifs, de la délivrance des titres d’identité.
Il n’y a pas si longtemps, chaque citoyen pouvait effectuer des démarches dans sa mairie. Désormais, si l’on prend l’exemple de mon département de l’Oise, on se retrouve avec un service concentré dans 27 communes sur 679, qui bloque par son volume et ses délais, coûte cher aux communes d’accueil et occasionne une dépense, en temps, comme en carburant, pour les Français ayant à se déplacer.
Cette mesure n’aura donc fait que des mécontents.
Les élus locaux voient un service leur échapper alors qu’ils n’avaient rien demandé.
Les communes équipées reçoivent une compensation pouvant désormais, dans certains cas, atteindre 12 130 euros annuels. Des efforts ont été faits, et c’est une bonne chose, mais cette somme s’avère très nettement inférieure au coût réel de la prestation imposée. Tous les élus que j’ai interrogés dans mon département évoquent une dépense de fonctionnement supérieure à 30 000 euros par an. Dans pratiquement tous les cas, la mairie doit effectivement déléguer au moins un agent à temps plein pour assumer cette mission.
La non-compensation, réelle et totale, des frais supportés par une collectivité à la suite d’une décision unilatérale de l’État ne peut qu’alimenter le procès du désengagement territorial dudit État.
Cette technologie, dont la vertu serait de sécuriser les documents, est vécue, non pas comme un atout ou une simplification, mais bien comme une contrainte.
Ma question est donc simple et, peut-être, naïve, mais, à l’heure où l’exécutif dit avoir entendu le besoin de proximité, elle peut s’avérer pertinente : à défaut de réattribuer à chaque municipalité le traitement des dossiers de renouvellement des titres d’identité – on peut toujours rêver… –, l’État envisage-t-il de dédommager plus équitablement les communes réquisitionnées comme station d’enregistrement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. La mise en œuvre de la réforme de la délivrance des cartes nationales d’identité a prévu la dématérialisation des échanges entre les mairies et les centres d’expertise et de ressources des titres qui instruisent les demandes.
Le recueil d’informations biométriques pour l’établissement du titre – c’est un gage de sécurité – impose leur transmission par des lignes dédiées et sécurisées, installées dans les communes équipées en dispositifs de recueil.
La sensibilité des données à caractère personnel et la nécessité de prévenir les tentatives de falsification des titres ont imposé de restreindre le nombre des dispositifs, ainsi que le nombre des personnels habilités à les traiter, à raison de leurs attributions et dans la limite de leur besoin d’en connaître.
Dans ce cadre, ce sont 3 526 dispositifs de recueil qui ont été déployés sur l’ensemble du territoire. Chaque année depuis 2016, environ 250 stations supplémentaires sont déployées. Le taux moyen national d’utilisation de ces dispositifs de recueil est passé de 49 % en 2017 à 58 % en 2018. En concertation avec les élus locaux, j’insiste sur ce point, les préfets de département ont décidé de l’attribution entre les communes de leurs départements de ces nouveaux dispositifs, en s’assurant qu’elle s’accompagne d’une offre de service pérenne à tous les usagers du département.
Ces matériels et les réseaux sécurisés auxquels ils sont raccordés ont un coût. L’équipement et les frais d’installation d’une station représentent environ 10 000 euros, tandis que le coût de fonctionnement, intégrant le remplacement tous les trois ans du dispositif, est évalué à 16 000 euros par an, compte non tenu du coût des personnels qui les opèrent.
S’agissant du délai de délivrance des titres, je rappelle que les mairies dotées de dispositifs de recueil doivent s’engager à proposer une qualité de service, au travers d’une ouverture du service de cinq jours par semaine, d’une amplitude horaire d’accueil au public adaptée et d’un cadencement optimal des rendez-vous, toutes les quinze à vingt minutes.
Dans l’Oise, le taux d’utilisation des 46 dispositifs de recueil implantés n’est, en moyenne pour l’année 2018, que de 55 % des capacités nominales, pour un délai moyen de rendez-vous de 22 jours, identique au délai moyen national.
Le Gouvernement continuera à optimiser le réseau des dispositifs de recueil en 2019, en examinant, en collaboration avec les maires, les sites qui pourraient justifier d’être équipés.
J’ajoute que le dispositif prévoit également la possibilité pour les communes de disposer, par le biais d’ordinateurs équipés d’internet, de services de préenregistrement en ligne. Il existe également des dispositifs mobiles pouvant être déployés à la demande dans les mairies. Enfin, des points numériques sont mis en place et animés par des personnels dans chaque sous-préfecture et préfecture pour venir en aide à ceux de nos usagers qui souhaiteraient utiliser ces services pour pouvoir déposer des prédemandes, ensuite instruites par des dispositifs de recueil.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de cette réponse technique. Vous avez indiqué que, dans l’Oise, le délai moyen s’établissait à 22 jours. J’ai testé moi-même : pour Beauvais, c’est trois mois d’attente ! On peut faire beaucoup mieux ! Par ailleurs, vous n’avez pas répondu sur le coût de compensation réel aux communes.
impact du brexit sur la flotte de pêche normande
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 743, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
M. Didier Marie. Ma question porte sur l’impact du Brexit sur la flotte de pêche normande.
Pour le moment, rien ne permet de prédire en quels termes les Britanniques quitteront l’Union européenne, voire s’ils la quitteront. Cependant, l’éventualité d’une sortie sèche inquiète profondément l’ensemble de la filière de la pêche : les artisans pêcheurs, mais aussi, évidemment, les entreprises de transformation.
Dans l’hypothèse d’un Brexit sans accord, la perte totale de l’accès aux eaux britanniques aurait des impacts socio-économiques dramatiques pour le secteur. Plus de la moitié des navires de pêche professionnelle normands pratiquent leur activité, au moins en partie, dans les eaux britanniques ou près des îles anglo-normandes. Cela représente 300 navires, 750 emplois directs et 2 250 emplois indirects.
Plus de 20 millions d’euros de produits vendus par les navires normands ont été capturés dans les eaux britanniques, dont plus de 11,5 millions d’euros de pêche par les chalutiers hauturiers et 4 millions d’euros de coquilles Saint-Jacques. Les ports de Cherbourg, Granville, Le Havre, Dieppe, Le Tréport seraient particulièrement touchés par les répercussions économiques d’une telle perte.
À cela, s’ajoute l’impact que connaîtrait la filière en aval, privée d’une part significative de la production des pêcheurs britanniques, qui débarquent dans les ports normands et de la région des Hauts-de-France pour faire transformer et commercialiser leur pêche.
Enfin, les reports d’activité des navires normands, mais aussi bretons et des Hauts-de-France, ainsi que ceux des autres flottes de l’Union européenne auraient des conséquences négatives sur les eaux territoriales françaises.
Une facilitation de l’attribution d’autorisations d’accès aux eaux du Royaume-Uni, ainsi qu’une extension des modalités de gestion et d’échange de quotas, telles qu’elles existent aujourd’hui entre le Royaume-Uni et les autres États membres, jusqu’à la fin de l’année garantiraient un statu quo pour 2019, laissant le temps aux négociateurs européens et britanniques de conclure des accords bilatéraux pour la pêche.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement entend-il revoir les calendriers nationaux et européens, ainsi que les processus d’attribution d’espaces maritimes pour soutenir les pêcheurs normands et la filière ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Le Gouvernement a une conscience extrêmement aigüe de l’importance de l’accès aux eaux britanniques, actuellement garanti par l’Union européenne, pour la flotte de pêche française et, singulièrement, pour la flotte de pêche normande. Je l’ai dit dès ma prise de fonctions aux pêcheurs de Boulogne-sur-Mer ; de la même manière, monsieur le sénateur Marie, je viendrai, dans les prochaines semaines, rassurer les pêcheurs de votre département de la Seine-Maritime sur le travail que nous menons.
Nous le savons, 500 navires français sont directement concernés par le Brexit. Parmi eux, 180 navires, employant 1 200 marins, dépendent à plus de 20 %, pour leur activité, de l’accès aux eaux britanniques. Plus spécifiquement, 10 % des navires normands exploitant les eaux britanniques sont dépendants de ces eaux à plus de 30 %, en tonnage et en valeur.
Au-delà de l’activité de pêche, comme vous l’avez souligné, c’est aussi la filière dans son ensemble qui pourrait être impactée, puisque les captures dans les eaux britanniques représentent, par exemple, 54 % des volumes traités en criée de Cherbourg.
C’est pourquoi la France et l’Union européenne sont mobilisées pour assurer, dans la mesure du possible, un Brexit ordonné, qui garantirait une continuité d’accès à ces eaux britanniques au moins jusqu’au 31 décembre 2020 et potentiellement jusqu’au 31 décembre 2022. Nous aurions ainsi le temps nécessaire pour négocier – dans le cadre de l’Union européenne, et non de manière bilatérale – un nouveau cadre d’accès à ces eaux. Plus pérenne, ce cadre inclurait la question des quotas et pourrait entrer en vigueur dès la fin de la période de transition.
Mais un tel scénario impose que le Royaume-Uni ratifie l’accord de retrait négocié au nom des vingt-sept États membres par Michel Barnier, qui, on le sait, a accordé une attention très particulière aux sujets liés à la pêche.
Or, le 10 avril dernier, à la demande du Royaume-Uni, les chefs d’État ou de gouvernement, réunis au sein du Conseil européen, ont donné une nouvelle – et ultime – échéance au Royaume-Uni pour ratifier l’accord de retrait : le 31 octobre 2019. Des négociations internes sont en cours, mais nous n’avons aucune certitude quant à un résultat positif.
Par conséquent, nous continuons de préparer l’ensemble des acteurs à la possibilité d’un Brexit sans accord, et ce afin de protéger les citoyens français de toute éventualité et, en particulier, de protéger les pêcheurs de conséquences très néfastes à court terme d’une telle sortie.
Nous travaillons donc, d’abord, au maintien de l’accès aux eaux territoriales britanniques, puis à la négociation d’un nouvel accord de pêche incluant le sujet des quotas. Cette négociation sera menée en parallèle de bien d’autres, qui seront des négociations multilatérales, donc, et non bilatérales. J’insiste sur ce point, car il est extrêmement important que nous puissions, avec les Néerlandais, les Belges, les Espagnols, les Irlandais, établir de nouvelles relations avec le Royaume-Uni pour ce secteur de la pêche.
Je suis en contact étroit avec mes homologues, tout comme le ministre de l’agriculture et de la pêche, Didier Guillaume. Nous travaillons tous deux activement. Pour nous, la pêche est une priorité, et nous l’avons fait savoir à nos partenaires européens.
Vous pouvez donc compter sur notre action, monsieur le sénateur Marie. Je reste à votre entière disposition dans les semaines à venir pour apporter, à vous-même et aux pêcheurs du territoire que vous représentez, de plus amples précisions.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces informations et de votre engagement.
La filière est fragile, comme vous le savez. Au cours des années passées, les aléas climatiques, l’augmentation du coût des carburants, la concurrence exacerbée ont conduit un certain nombre d’artisans pêcheurs à cesser leur activité, parfois accompagnés par l’Union européenne, parfois seuls.
Je vous remercie d’être particulièrement vigilante sur cette question dans les semaines et les mois à venir, de telle sorte que les autres puissent poursuivre leur activité dans les meilleures conditions possible. Il y va de l’identité de notre territoire, un territoire littoral très attaché à la pêche.
malaise des personnels de l’hôpital public
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 584, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Bernard Fournier. Je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé et celle du Gouvernement sur le malaise insupportable des personnels de l’hôpital public.
Si la concertation lancée à l’occasion du plan Ma santé 2022 a fait naître beaucoup d’espoir parmi les hospitaliers, des sujets majeurs ont, en revanche, été éludés. La révision indispensable de certains périmètres de groupements hospitaliers de territoire n’est pas abordée. La réorganisation impérative des organismes d’État est totalement absente. L’impulsion attendue pour répondre à l’urgence, tant en termes de choc d’attractivité médicale pour les carrières hospitalières que d’investissements pour la transformation, n’a pas été donnée. Mais, surtout, qu’est-il prévu à court terme en réponse au malaise hospitalier actuel ? Visiblement rien !
La résignation des personnels se transforme progressivement en colère, tant ces derniers sont attachés à leurs valeurs, des valeurs bafouées par une désintégration de l’hôpital public vécue au quotidien. Un plan d’urgence comprenant des mesures transitoires doit être mis en œuvre pour sauver l’hôpital public, incapable de répondre aux carences avec des moyens sans cesse réduits.
La lutte contre les gaspillages doit aussi débuter sans attendre. Elle doit s’appuyer sur une analyse de la pertinence des pratiques médicales et soignantes, conduite par tous et englobant tous les modes d’exercice. Avant d’atteindre le point de non-retour, il faut envoyer un signal politique fort et, surtout, concret à l’ensemble des professionnels hospitaliers, qui sont de plus en plus exaspérés.
Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ces enjeux majeurs pour l’avenir de l’hôpital public et de notre système de santé ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Le Gouvernement a pris des mesures importantes pour répondre aux tensions que vivent les professionnels hospitaliers et qui touchent le système de santé dans son ensemble. Vous le savez, monsieur le sénateur, ces tensions ne datent pas d’aujourd’hui.
Nous devons apporter des réponses concrètes à ces difficultés et offrir aux professionnels de santé les conditions d’exercice à la hauteur de leur mission. C’est pour cela que nous avons notamment décidé d’augmenter les tarifs hospitaliers pour la première fois en dix ans et d’allouer de nouveaux moyens pérennes aux activités de la psychiatrie.
Vous l’avez également rappelé, la stratégie Ma santé 2022 et le projet de loi qui va être débattu au Sénat dans les prochaines semaines portent de nombreuses mesures : pour mieux valoriser la qualité dans les soins, pour développer les activités hospitalières de proximité ou pour mieux accompagner les professionnels de santé tout au long de leur carrière.
Pour traiter les différentes formes de malaise auxquelles peuvent être confrontées les équipes, il convient de les analyser finement et d’y répondre de manière concrète et efficace. C’est dans cette dynamique que s’inscrit le travail du ministère des solidarités et de la santé, notamment au travers de la mise en œuvre d’une stratégie nationale en matière de qualité de vie au travail, qui se décline au moyen de plusieurs actions concrètes, dont un observatoire national dédié à l’accompagnement des bonnes pratiques ou la mise en œuvre d’un réseau de médiateurs.
Les travaux de la stratégie Ma santé 2022 sur le renforcement du management hospitalier, qui font actuellement l’objet de groupes de travail avec les acteurs concernés, s’inscrivent également dans cet objectif. Ils devront permettre d’identifier des actions pour soutenir l’encadrement et mieux valoriser les équipes au quotidien.
Nous avons par ailleurs décidé d’avoir une attention toute particulière pour certains métiers particulièrement exposés. Je pense par exemple aux aides-soignants. Il s’agit de mieux répondre aux réalités et à l’évolution de leur exercice et de mieux reconnaître ces professionnels. Un groupe de travail formulera des propositions pour cela, notamment en lien avec les enjeux de la dépendance et du grand âge.
À ces objectifs impulsés par les services de l’État, il convient d’ajouter les actions mises en œuvre localement par les établissements, notamment dans le cadre des clusters sanitaires et médico-sociaux en matière de santé et de qualité de vie au travail.
Ces actions de terrain concourent à l’amélioration de la qualité de vie dans son travail, souvent au travers de dispositifs simples, mais efficaces, pensés par les équipes ou en liaison avec elles.
Notre engagement est total pour améliorer l’environnement de travail des professionnels et pour valoriser l’exercice hospitalier.
Les professionnels sont en attente de dispositifs incitatifs, lisibles et efficaces. C’est tout l’esprit et l’enjeu de la stratégie Ma santé 2022, que nous allons poursuivre et accentuer.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour la réplique.
M. Bernard Fournier. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie des réponses que vous avez apportées. Nous serons très vigilants et resterons attentifs aux actions que vous allez proposer dans les semaines qui viennent.
avenir de la phagothérapie
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 696, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Yannick Vaugrenard. La phagothérapie a été découverte à Paris voilà cent ans. Elle consiste en l’utilisation, pour le traitement d’infections bactériennes, de phages ou bactériophages, des virus capables d’infecter et de tuer les bactéries multirésistantes. Elle a aujourd’hui quasiment disparu en France en raison de l’avènement des antibiotiques, jugés plus pratiques et plus efficaces. Cependant, dès que l’usage des antibiotiques s’est répandu entre les années 1960 et 1980, les praticiens et les chercheurs ont constaté que les bactéries avaient la capacité à se transformer pour survivre à l’assaut d’un ou de plusieurs antibiotiques. Conséquence de ce phénomène, la France, avec 125 000 infections par an et 5 500 décès, est le sixième pays européen le plus affecté après l’Italie, la Grèce, la Roumanie, le Portugal et Chypre.
Aujourd’hui, des patients se retrouvent donc en impasse thérapeutique en raison d’infections particulièrement résistantes. Or la phagothérapie peut être utilisée pour de nombreuses pathologies, telles que les infections urinaires, les staphylocoques dorés, les maladies nosocomiales ou les infections respiratoires.
En novembre 2018, la ministre des solidarités et de la santé avait annoncé le lancement d’un programme prioritaire de recherche de 40 millions d’euros pour lutter contre la résistance aux antibiotiques. En février dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé annonçait la création d’un nouveau comité scientifique spécialisé temporaire – CSST – pour la phagothérapie. Cependant, des interrogations demeurent quant à la conclusion de ces travaux. Pourriez-vous me préciser, madame la secrétaire d’État, le carnet de route du CSST, qui devrait inclure la possibilité de développer la culture locale des phages et permettre à chaque Français, et ce quels que soient ses moyens, d’utiliser cette thérapie ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Vous avez raison, monsieur le sénateur, dans un contexte où la résistance des bactéries aux antibiotiques est un problème aigu et représente une menace croissante mondiale de santé publique, la phagothérapie peut être une solution à des situations d’impasse thérapeutique lorsque le traitement n’est pas urgent. Toutefois, il n’existe pas, actuellement, d’autorisation de mise sur le marché pour des bactériophages, notamment par manque de données cliniques.
Depuis 2016, près d’une quinzaine de patients en France ont bénéficié d’administration compassionnelle de bactériophages par les pharmacies à usage interne des établissements de santé. Ces utilisations ont été rendues possibles grâce à l’accompagnement personnalisé de l’ANSM pour chacun de ces cas.
En ce qui concerne la recherche clinique, une équipe française de l’hôpital Percy, avec le financement de la Commission européenne, est la première au monde à avoir évalué l’efficacité de bactériophages. Toutefois, les données sur l’efficacité des bactériophages restent à produire et il apparaît nécessaire d’organiser et de sécuriser le circuit de recherche et de production de cette stratégie thérapeutique.
En 2016, l’ANSM a mis en place un comité scientifique spécialisé temporaire « phagothérapie ». Parallèlement, plusieurs bactériophages ont été mis à disposition à titre compassionnel. Par ailleurs, après l’essai clinique Phagoburn, deux programmes hospitaliers de recherche clinique avec essais cliniques multicentriques vont être réalisés en France prochainement. Ils seront très utiles pour apporter des éléments probants d’efficacité de la phagothérapie, basés sur des études à haut niveau de preuve, qui manquent à ce jour.
Le programme prioritaire de recherche sur l’antibiorésistance, annoncé à la fin de 2018, permettra également de financer des études de recherche sur le sujet.
Enfin, de nouvelles préparations de bactériophages anti-pseudomonas et anti-staphylococcus devraient être mises à disposition par le biais d’autorisations temporaires d’utilisation nominatives, ou ATU, également courant 2019.
L’ANSM a jugé nécessaire de mettre en place un nouveau CSST pour échanger sur l’expérience clinique des équipes hospitalières ayant pratiqué l’usage de phages en traitement compassionnel depuis 2016 et pour évoquer les perspectives d’essais cliniques et d’ATU.
Il apparaît d’ores et déjà essentiel de mettre en place un réseau de recherche et d’expertise ainsi que de production répondant aux bonnes pratiques de fabrication afin de permettre une collaboration européenne et internationale sur ce défi de santé.
Dans l’attente des conclusions définitives du CSST, qui s’est déroulé le 21 mars 2019, je peux vous assurer que la France continuera de se montrer porteuse dans la recherche de pointe au bénéfice des patients tout en garantissant leur sécurité.
M. le président. Madame la secrétaire d’État, vous veillerez s’il vous plaît, dans vos prochaines réponses, à respecter le temps de parole qui vous est imparti.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, très argumentée et précise. Je souhaite véritablement un développement de la recherche dans ce domaine. Le fait que l’Europe apporte une aide financière est un élément positif. Aujourd’hui, faute de pouvoir se faire soigner en France, des malades se rendent en Géorgie ou en Russie, ce qui implique certains moyens financiers.
Affiner la recherche pour faire pièce à la résistance aux antibiotiques permettra d’assurer l’égalité de traitement.
J’ajoute que je souhaiterais être destinataire des conclusions définitives du CSST.
M. le président. Une nouvelle fois, j’appelle les uns et les autres à respecter le temps imparti.
avenir de la protection maternelle et infantile
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 720, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Laure Darcos. Par la voie d’une disposition introduite dans la loi pour un État au service d’une société de confiance, disposition à laquelle le Sénat s’était fermement opposé tant sur la forme que sur le fond, le Gouvernement s’apprête à bousculer par ordonnance les règles encadrant la création et le fonctionnement des modes d’accueil de la petite enfance. J’utilise le mot « bousculer », car il ne s’agit pas seulement de simplifier les règles applicables et de les rendre plus cohérentes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Le Gouvernement a en effet prévu qu’une des autorités concernées par la petite enfance puisse prendre tout ou partie des actes nécessaires à l’implantation, au développement, au maintien et au financement des modes d’accueil du jeune enfant. En d’autres termes, il s’agira de désigner un chef de file, le cas échéant l’organisme débiteur des prestations familiales, qui aura compétence pour décider au nom de chacune ou de certaines d’entre elles, et après leur accord.
De nombreux élus de mon département, l’Essonne, m’ont fait part de leur scepticisme, voire de leur défiance vis-à-vis d’une mesure comme le guichet administratif unique, dont la mise en œuvre figurera parmi les missions de ce chef de file, et qui aura pour effet de déresponsabiliser les administrations concernées en leur retirant leur pouvoir de décision.
Si la question de la simplification des démarches des porteurs de projet de modes d’accueil de la petite enfance mérite d’être posée, il y a lieu de s’interroger sur trois points : comment cette réforme s’articulera-t-elle avec la proposition du chef de l’État de créer des maisons de services au public, baptisées « France service », au sein desquelles interviendront notamment les caisses d’allocations familiales ? Quel sera le rôle futur des départements au titre de la protection sanitaire de la famille et de l’enfance qui leur incombe légalement – je pense en particulier à l’agrément, au suivi et à la formation des assistantes maternelles, ainsi qu’au contrôle des normes de sécurité des différents modes d’accueil ? Enfin, comment entendez-vous sécuriser les responsabilités portées par le président du conseil départemental et le médecin responsable du service départemental de protection maternelle et infantile, notamment du point de vue pénal ?
Je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, que vous puissiez nous apporter des assurances sur les enjeux que je viens d’évoquer.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. En effet, aux termes de l’article 50 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc, le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et d’assouplissement du cadre normatif des modes d’accueil du jeune enfant afin de stimuler le développement de l’offre.
La nécessité de s’adresser à plusieurs interlocuteurs – communes ou intercommunalités, services de protection maternelle et infantile, caisse d’allocations familiales – lorsqu’on envisage de créer un établissement peut générer de la complexité et de l’incertitude, allonger la durée d’instruction et reporter également la date d’ouverture.
Ainsi, la loi prévoit que le Gouvernement peut expérimenter la mise en place de guichets uniques. Pour l’éclairer dans son travail, le ministère des solidarités et de la santé a organisé dès septembre 2018 – et jusqu’en janvier 2019 – une première phase de concertation préalable abordant notamment les questions relatives à l’ensemble des modes de garde, anticipant la mise en œuvre des mesures au niveau réglementaire et s’efforçant d’articuler simplification, qualité de l’accueil et attractivité des métiers.
Le guichet unique permettra au porteur de projet de déposer son dossier auprès d’une seule des autorités compétentes en la matière. Celle-ci sera chargée d’organiser la procédure d’instruction et de son suivi et de revenir auprès du porteur de projet. Le cas échéant, l’autorité organisatrice d’un guichet unique pourra prendre tout ou partie des décisions nécessaires au nom des autorités intéressées et après leur accord.
L’organisation des expérimentations de guichet unique et la désignation de territoires pilotes feront l’objet d’une consultation technique dédiée.
Il sera également tenu compte des conclusions de la mission sur les politiques de protection maternelle et infantile qui a été confiée en juillet 2018 par le Premier ministre à Mme la députée Michèle Peyron.
Dans le cadre de cette mission seront formulées des propositions visant à définir les modalités d’un renforcement des services de la PMI dans leur rôle de prévention et d’accompagnement, conformément au plan national de santé publique et, parallèlement, à progresser dans la clarification et une meilleure articulation des rôles respectifs de la PMI et de la caisse d’allocations familiales en matière d’agrément et de contrôle des modes d’accueil du jeune enfant.
En complément de cette mission, une expertise sera conduite afin de déterminer les modalités de mise en œuvre de ces propositions.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. Je vous remercie de vos explications, madame la secrétaire d’État. Nous attendons de voir ce qui se passera au terme de ces expérimentations.
Rien ne vaut le terrain, et nous avons très peur que la CAF ne se déplace pas. En Essonne, des bus de la PMI sillonnent l’ensemble du département, en particulier sa partie sud, qui est souvent laissée pour compte. Il faudra vraiment rassurer les familles et les assistantes maternelles en offrant à ces dernières un cadre juridique adapté.
prise en charge des détresses respiratoires par les médecins généralistes
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, auteur de la question n° 728, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Pierre Médevielle. Ma question concerne la problématique de la prise en charge des détresses respiratoires par les médecins généralistes.
Les bronchodilatateurs par inhalation sont des médicaments à prescription restreinte, comme les dispositifs aérosols, prescription réservée exclusivement aux médecins spécialistes en pédiatrie et en pneumologie.
Dans les territoires ruraux, dont certains relèvent des zones d’action prioritaires dans le zonage arrêté par les agences régionales de santé, et dans un contexte de difficulté d’accès aux soins, mais aussi en situation d’urgence, certains médecins généralistes sont confrontés à la prise en charge des détresses respiratoires pour lesquelles l’application des textes réglementaires leur interdit la prescription de ce type de dispositif. Est-il raisonnable de priver les patients d’une prescription en première intention d’appareillages dont l’efficacité et la simplicité ne sont plus à prouver ?
Pour les cas qui ne relèvent pas de l’urgence, un médecin généraliste doit renvoyer son patient vers un médecin pneumologue ou un pédiatre dans le cadre du parcours de soins. Ces spécialités médicales présentent des délais d’attente pour obtenir un rendez-vous qui se sont considérablement allongés ces dernières années.
Quand on connaît l’efficacité et l’importance de l’aérosolthérapie et la difficulté d’accès aux soins dans les déserts médicaux, il faut admettre que cette procédure n’est plus adaptée.
Je souhaite savoir si une évolution de la réglementation régissant la prescription de l’aérosolthérapie est envisageable afin de permettre aux médecins généralistes de prendre en charge des patients en détresse respiratoire.
Pourquoi encourager le maintien à domicile des patients quand on supprime dans le même temps les moyens d’assurer des soins ambulatoires de qualité ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Les conditions de prescription et de délivrance des médicaments sont effectivement définies par l’autorisation de mise sur le marché.
Dans le cas précis des médicaments visés dans votre question, monsieur le sénateur, à savoir les bronchodilatateurs pour inhalation par nébulisateur à base de terbutaline ou d’ipratropium et de salbutamol, ces prescriptions sont restreintes. En effet, il s’agit de médicaments à prescription réservée aux spécialistes en pneumologie ou en pédiatrie. Cependant, l’autorisation de mise sur le marché a également prévu que ces médicaments puissent être administrés par tout médecin intervenant en situation d’urgence ou dans le cadre d’une structure d’assistance médicale mobile ou de rapatriement sanitaire, selon les dispositions de l’article R. 5121-96 du code de la santé publique.
Par conséquent, et pour répondre de façon très concrète à votre question, un médecin généraliste qui dispose de ces médicaments dans son cabinet, dans sa trousse d’urgence, via la commande à usage professionnel, peut les administrer à des patients qui se trouveraient en situation d’urgence.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d’État, j’entends votre réponse, mais ma question portait aussi sur les aérosols ou nébulisateurs, qui ont prouvé leur utilité et leur efficacité. En privant les généralistes de la faculté de les prescrire, on leur retire une arme particulièrement efficace.
Plusieurs d’entre eux, sur mon territoire – mais le problème se pose au niveau national –, ont demandé à pouvoir prescrire ces aérosols, traitement peu coûteux qui permet l’administration par voie locale d’antibiotiques et de corticoïdes, ce qui est préférable à des injections.
jeunes élèves et organismes à rythme approprié
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, auteure de la question n° 671, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Dominique Vérien. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a modifié l’article L. 4153-1 du code du travail afin de permettre aux élèves de l’enseignement général, durant les deux derniers niveaux de l’enseignement des collèges, d’effectuer des stages d’observation dans des entreprises.
Avant cette réforme, la loi prévoyait déjà la possibilité pour les élèves d’effectuer un stage au collège, mais l’ancienne rédaction de l’article du code du travail limitait cette possibilité aux enfants de plus de 14 ans.
La nouvelle rédaction prenant en considération non pas l’âge, mais le niveau scolaire de l’élève, elle permet d’ouvrir cette possibilité à des enfants de moins de 14 ans.
Cette mesure est très intéressante et permet aux élèves de se confronter à la réalité de la vie active et de s’orienter le plus tôt possible, mais il est regrettable qu’elle ne s’applique qu’à l’enseignement général. En effet, les jeunes de moins de 14 ans passant en classe de quatrième qui souhaiteraient intégrer un organisme à rythme approprié tel que les maisons familiales rurales ne peuvent pas le faire.
Cette contrainte provient du fait que les élèves qui suivent un enseignement alterné ou un enseignement professionnel ne peuvent pas effectuer de stage avant l’âge de 14 ans, car la réforme de septembre 2018 n’a modifié la règle que pour l’enseignement général.
Or une rédaction similaire pour les autres types d’enseignement – je pense à l’enseignement agricole – à celle de l’enseignement général permettrait à ces jeunes de sortir d’un système classique dans lequel ils ne sont pas à l’aise et d’intégrer des organismes plus adaptés à leur future vie professionnelle.
Madame la secrétaire d’État, j’aimerais connaître votre position sur cette proposition d’alignement des régimes des différents enseignements en matière de stage professionnel.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de M. Didier Guillaume, qui est retenu au Conseil de l’Europe.
En effet, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a ouvert la possibilité aux élèves de quatrième et de troisième de moins de 14 ans et scolarisés dans l’enseignement général d’effectuer des stages d’observation dans des entreprises.
La rédaction issue de cette réforme prend donc en considération non plus l’âge de l’élève, mais son niveau scolaire. Elle se limite toutefois à l’enseignement général.
Pour l’enseignement agricole, cette réforme ne s’applique pas. Ce choix s’inscrit dans la priorité donnée à la santé et à la sécurité au travail des jeunes dans le milieu professionnel agricole. La réglementation stricte en matière de stage et de période de formation en milieu professionnel a permis, grâce à la mobilisation de tous les acteurs, de confirmer la tendance à la baisse du nombre d’accidents de jeunes de moins de 25 ans dans le secteur agricole – une baisse de 40 % entre 2002 et 2012.
Pour autant, au sein des établissements relevant de l’enseignement agricole, les élèves de moins de 14 ans ont la possibilité de réaliser soit des visites d’information, qui ont pour objectif de permettre aux élèves de découvrir l’environnement économique et professionnel en lien avec les référentiels de formation, soit des séquences d’observation collective. Dans ce cas, les modalités d’encadrement des élèves sont déterminées et mises en œuvre par l’établissement dans le cadre général d’organisations de sorties scolaires. Il n’est à ce jour pas envisagé de permettre à des moins de 14 ans d’effectuer des stages en milieu professionnel.
Telle était la réponse que souhaitait vous apporter Didier Guillaume.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour la réplique.
Mme Dominique Vérien. D’abord, c’est un peu méconnaître l’enseignement agricole, dont les stages ne se limitent pas aux travaux agricoles. Ensuite, on demande aux enfants qui, en quatrième, pourraient intégrer une maison familiale rurale de redoubler dans une école qui ne leur convient pas simplement dans l’attente qu’ils atteignent l’âge les autorisant à faire ce qu’ils souhaitent faire. Généralement, ils sont perdus pour l’enseignement général et ne retourneront pas en maison familiale rurale.
ordonnance sur la coopération agricole
M. le président. La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal, auteure de la question n° 708, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Ma question concerne l’ordonnance sur la coopération agricole, prise en application de l’article 11 de la loi Égalim et publiée le 25 avril.
Dans le Var, mon département, on compte 72 coopératives, unions et Sica, ainsi que 72 Cuma, coopératives d’utilisation de matériel agricole, dans cinq filières. Elles réalisent 338 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploient 1 080 salariés en équivalent temps plein.
Au niveau national, les chiffres sont tout aussi significatifs. Ainsi, trois agriculteurs sur quatre adhèrent au moins à une coopérative. Cela montre la confiance qu’ils placent dans ce modèle économique. En le gouvernant et en étant actifs en son sein, ils se protègent, mais ils protègent aussi les plus fragiles d’entre eux, et ils maintiennent une ruralité vivante sur tous les territoires.
Je suis donc inquiète de la décision qui a été prise de changer ce modèle en assimilant le contrat coopératif à un contrat commercial. En agissant ainsi, vous niez les valeurs, l’esprit et les fondements des coopératives. En les financiarisant, vous rompez le sain équilibre entre l’associé coopérateur et sa coopérative. Pourquoi vouloir à tout prix changer ce qui fonctionne et ce qui fédère ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. La loi Égalim, examinée l’été dernier, a un objectif : ramener du revenu au producteur en rénovant en profondeur le cadre de la contractualisation. Plusieurs indicateurs, dont le seuil de revente à perte et le prix abusivement bas, ont été prévus pour empêcher le dumping social et inverser le rapport de force entre amont et aval.
L’ordonnance prise le 24 avril vise non pas à détruire le modèle de la coopération agricole à la française, mais bien à renforcer son exemplarité en faisant bénéficier les associés coopérateurs des avancées de la loi Égalim. Comme le Gouvernement s’y était engagé, cette ordonnance est le fruit de concertations. Le ministère de l’agriculture a travaillé avec Coop de France, le Haut Conseil de la coopération agricole, comme avec les syndicats agricoles. Il y a également eu un débat dans cet hémicycle le 15 janvier dernier.
Le modèle coopératif est dessiné pour être le modèle le plus abouti d’organisation économique pour le producteur. Notre objectif commun est de préserver ce modèle coopératif et cette vision collective, au moyen de deux leviers : la transparence, pour redonner pleinement son effet au principe « un homme, une voix » ; la responsabilisation, avec des instances garantes de son fonctionnement.
Nous faisons en sorte que les associés coopérateurs disposent d’une information claire et simple sur la rémunération des apports en justifiant l’écart entre le prix déterminé et le prix versé, sur le versement de ristournes en justifiant la part des résultats de la coopérative destinée aux associés coopérateurs, et sur le versement de dividendes en justifiant la part des résultats des filiales destinée à la coopérative.
À la frontière entre transparence et responsabilisation se trouvent les conditions de la sortie de la coopérative, qui doivent être transparentes et proportionnées.
Enfin, les instances spécifiques à la coopération agricole que sont le HCCA et le médiateur de la coopérative ont été revisitées.
L’ensemble de ces dispositions, madame la sénatrice, qui prennent en compte les spécificités du modèle coopératif, conforteront son exemplarité et son attractivité en tant que levier essentiel du regroupement commercial des agriculteurs et de développement de l’agriculture dans les territoires.
Voilà la réponse que je me souhaitais vous apporter au nom de Didier Guillaume.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal, pour la réplique.
Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Ce ne sont ni de la quiétude ni de la sérénité qui remontent des acteurs de terrain. Les agriculteurs comme tous les Français attendent du Gouvernement qu’il montre la voie, qu’il donne l’assurance et la confiance dont nous avons besoin pour faire avancer notre pays. Malheureusement, j’ai l’impression que nous reculons et que, compte tenu de la philosophie antisolidarité que sous-tendent ces ordonnances, nous allons continuer, lentement mais sûrement, à nier des pans entiers de notre identité.
S’il vous plaît, écoutez le monde agricole : il connaît son environnement et veut continuer à le maîtriser tout en se tournant vers une agriculture engagée et respectueuse. Laissez-lui son outil !
mouvement de protestation des entreprises adaptées dans la région des hauts-de-france
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteure de la question n° 697, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Sabine Van Heghe. Je souhaite mettre l’accent, une nouvelle fois, sur le mouvement de protestation de plusieurs entreprises adaptées de la région Hauts-de-France.
La loi de finances pour 2019 a diminué les crédits pour les entreprises adaptées et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel va imposer un plafond de 75 % du nombre de travailleurs en situation de handicap aidés pour 2022. Les entreprises adaptées sont donc non plus incitées à accueillir des personnes en situation de handicap ni à renouveler ces emplois, mais à embaucher des personnes sans reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Les entreprises adaptées des Hauts-de-France ont tout à fait conscience de l’orientation des politiques publiques visant à permettre aux personnes en situation de handicap qui le souhaitent de travailler ailleurs que dans les entreprises de travail adapté, mais elles s’opposent au quota de sorties vers les entreprises dites « classiques », quota qui va à l’encontre des réalités économiques de nos territoires.
Le choix économique de baisser les crédits pour inciter à l’inclusion dans le milieu ordinaire est un pari risqué. Non seulement les personnes avec handicap psychique ou intellectuel, les plus éloignées de l’emploi, ne seront plus embauchées par les entreprises adaptées, mais les entreprises dites « classiques » n’auront pas nécessairement les moyens de les accueillir dans leurs structures.
S’il s’agit d’une pure considération économique, c’est un mauvais calcul, dans la mesure où ces citoyens qui vont se retrouver au chômage engendreront des coûts supplémentaires pour l’État. Les entreprises adaptées des Hauts-de-France souhaitent que soit revu à la hausse et porté à 85 % le taux plafond du nombre de travailleurs en situation de handicap aidés pour continuer à accueillir les publics les plus éloignés de l’emploi.
Autre revendication : le maintien de l’aide aux investissements des entreprises adaptées pour améliorer les conditions de travail des personnes handicapées, leur insertion et leur adaptation aux postes de travail.
Toutes les revendications des entreprises adaptées des Hauts-de-France visent à respecter le parcours des travailleurs en situation de handicap, qui ne souhaitent pas tous aller vers le milieu dit « ordinaire », dont ils ont, pour certains, été écartés.
Je vous demande, madame la secrétaire d’État, d’entendre ces légitimes revendications.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Sophie Cluzel, qui m’a chargée de vous apporter sa réponse. Celle-ci devrait, je l’espère, rassurer les entreprises adaptées et leur apporter des précisions, sachant que la DGEFP et le cabinet de Mme Cluzel ont déjà échangé à de nombreuses reprises avec leurs représentants.
Oui, le contrat d’engagement signé par la secrétaire d’État le 12 juillet dernier avec Muriel Pénicaud et les représentants des entreprises adaptées et la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel portent une réforme ambitieuse pour les entreprises adaptées !
D’une part, il s’agit en effet de continuer à accompagner les entreprises adaptées vers un modèle toujours plus ouvert et inclusif : la précédente réforme de 2005 a fait sortir ces entreprises du secteur protégé vers le milieu ordinaire adapté. Treize ans plus tard, le cap est donné vers l’entreprise inclusive.
D’autre part, l’État accompagne le développement de l’emploi en entreprise adaptée. Notre objectif est de doubler le nombre de travailleurs handicapés embauchés en 2022. Ce sont 80 000 personnes handicapées qui doivent pouvoir être accompagnées par des entreprises adaptées en 2022, contre 40 000 aujourd’hui.
Au travers de ces deux axes, nous voulons réaffirmer la vocation économique et sociale des entreprises adaptées et innover pour développer l’emploi pérenne des personnes handicapées. Il nous faut répondre au défi que représente aujourd’hui le taux de chômage très élevé, trop élevé, des personnes handicapées : 19 %, c’est le double du taux de chômage de l’ensemble de la population active.
Mais, je vous rassure, excepté dans le cadre des expérimentations qui ont précisément pour objectif de développer les passerelles entre les entreprises adaptées et les autres employeurs, aucun objectif ou quota de sorties ne sera fixé à chaque entreprise adaptée.
Le Gouvernement entend par ailleurs votre inquiétude concernant le plafond de financement du nombre de travailleurs handicapés bénéficiant d’une aide de l’État.
Ce plafonnement sera effectivement porté progressivement à 75 % du nombre total de salariés de l’entreprise adaptée d’ici à 2022. Pourquoi un tel plafond ? Car l’aide de l’État n’est pas une aide systématique, versée automatiquement pour chaque embauche de travailleur handicapé. Il ne s’agit évidemment nullement de mettre les personnes au chômage, d’autant que les aides de l’État vont augmenter en nombre important comme je l’ai dit. Il s’agit d’évoluer vers un modèle où les profils se diversifient et s’enrichissent mutuellement.
Si, d’ici à 2022, certaines entreprises adaptées rencontraient des difficultés en raison de ce plafonnement, un accompagnement spécifique serait mis en œuvre par les services de l’État. Les financements publics ne vont pas diminuer comme vous le dites, mais vont au contraire augmenter pour atteindre 500 millions d’euros en 2022, contre 390 millions en 2018.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour la réplique.
Mme Sabine Van Heghe. Madame la secrétaire d’État, j’entends vos propos, auxquels je suis très attentive. Je le redis, faire peser sur les personnes handicapées la double peine du handicap et du chômage est incompréhensible et inadmissible. Nous veillerons donc à ce que vos propos soient respectés.
avenir du programme européen de développement de l’économie rurale
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 590, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Frédérique Puissat. À la fin de 2018, sur les 700 millions d’euros prévus par le programme européen Leader, la France pointait à l’avant-dernière place devant la Slovaquie en termes de paiement et n’avait programmé que 10 % de son enveloppe. Plus de 5 000 dossiers étaient en attente au niveau national.
Lorsque je vous ai interrogée le 17 janvier dernier, madame la ministre, je souhaitais savoir quelles simplifications et mesures d’amélioration le Gouvernement envisageait de mettre en œuvre afin d’éviter les retards et les blocages qui pénalisent les projets, privés comme publics, ainsi que le risque de perdre une part importante de ces fonds européens.
Nous avons été quelque peu rattrapés par le calendrier, si je puis dire, puisque le 7 mars dernier, notre collègue Maryse Carrère a posé quasiment la même question. Le ministre Didier Guillaume lui a apporté une réponse peu rassurante dans la mesure où il était lui-même inquiet. Il a évoqué un décroisement total des aides, une simplification et une clarification.
Je me permets donc de compléter un peu ma question.
Depuis le 7 mars, un certain nombre de mesures ont-elles été prises ? Quel est l’échelon le plus pertinent pour gérer ces dossiers : l’échelon national ou l’échelon régional ? Pour sa part, le ministre a évoqué, me semble-t-il, l’échelon national. Or nos collègues conseillers régionaux sont plutôt inquiets des programmes Osiris et de l’ASP, qui constituent plutôt un frein et sont des paramètres nationaux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, je vous remercie de poser cette question sur le programme européen Leader et sur la mauvaise consommation de ces crédits. Vous avez raison, la situation que nous connaissons ne peut rester en l’état, car nous parlons d’une enveloppe importante de 700 millions d’euros sur la période 2014-2020, destinés à des projets en milieu rural. Nous le savons tous ici, bien souvent ces projets et ces initiatives locales sont nécessaires, voire indispensables au bon fonctionnement de nos territoires ruraux.
La particularité de cette enveloppe est d’être mise en œuvre par des GAL, des groupes d’action locale, placés sous la responsabilité des conseils régionaux. Depuis 2014, sa mise en œuvre relève de la responsabilité des régions, qui ont à cet effet sélectionné 340 GAL qui sont chargés de la sélection et de l’instruction des projets. L’État est quant à lui chargé de la production des outils informatiques nécessaires à l’instruction et au paiement. Pour votre parfaite information, sachez que j’ai reçu récemment le président national des GAL, qui est un jeune élu des Côtes-d’Armor et qui m’a posé les mêmes questions que vous.
Pour améliorer la situation actuelle, l’État a depuis mars 2018 renforcé sa mobilisation en tant que facilitateur pour appuyer l’action des régions, dans le cadre d’un plan d’action en faveur du programme Leader. Le premier point a été de livrer les outils informatiques nécessaires à l’instruction des dossiers.
Le Gouvernement a aussi mis en place un groupe d’échange entre les régions et l’Agence de services et de paiement, l’ASP, pour favoriser la diffusion des bonnes pratiques des régions qui ont les taux de consommation les plus élevés – il existe de grandes différences entre les régions.
Enfin, l’État a déployé depuis plus d’un an un programme de formation et d’accompagnement des personnels des régions chargés de l’instruction des dossiers. Je regrette d’ailleurs que toutes les régions n’aient pas souhaité y participer.
Alors que la gestion du programme est désormais décentralisée, le rattrapage du retard accumulé relève de la compétence des conseils régionaux. Reste que ce n’est pas un bon jeu de s’accuser mutuellement. Je pense que les régions et l’État doivent travailler ensemble pour que l’argent du programme européen Leader bénéficie aux projets. L’État fait tout ce qu’il peut pour remplir son rôle.
Cette situation illustre la nécessaire simplification des responsabilités pour la future PAC, afin de ne pas se retrouver dans la même situation lors du prochain exercice.
M. le président. Madame la ministre, lors de vos prochaines réponses, je vous remercie de bien vouloir respecter le temps de parole qui vous est imparti.
La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Vous avez raison, ce n’est pas un bon jeu de s’accuser mutuellement. Sur ces dossiers, on a besoin de pragmatisme.
Le Premier ministre devrait bientôt rencontrer les présidents de région, juste avant les élections européennes. Je souhaite très sincèrement que ce sujet soit mis à l’ordre du jour et traité de façon très factuelle pour que nous puissions enfin trouver des réponses. C’est important pour les collectivités, pour le Gouvernement, pour la crédibilité de la France et pour les acteurs privés qui sont concernés par ces dossiers.
établissements à objet social et recensement des logements sociaux
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 609, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur une demande importante pour laquelle j’ai été sollicitée : la prise en compte d’établissements ayant un objet social dans le recensement des logements sociaux.
La loi SRU oblige les communes à disposer d’un nombre minimum de ces logements, proportionnellement à leur parc résidentiel. De plus, les obligations ont été accentuées par la loi de 2013. Désormais, elles doivent en principe disposer de 25 % de logements sociaux, en regard des résidences principales, d’ici à 2025.
À ce stade, il est opportun de rappeler qu’en cas de retard chaque commune concernée fait l’objet d’un prélèvement annuel sur ressources. Selon les cas, une majoration des pénalités financières peut même être décidée ; ce n’est pas rien !
Il demeure regrettable que certaines structures ayant un objet social ne soient pas comptabilisées au titre de la loi SRU. Les centres recevant des personnes handicapées l’illustrent parfaitement. Surtout, et il est important de le souligner, parmi les résidents, plusieurs perçoivent des aides sociales comme l’aide personnalisée au logement. C’est le cas de la maison Valentine, située en Essonne, recevant des personnes handicapées vieillissantes en foyer d’accueil médicalisé, en foyer de vie, en accueil temporaire ou d’urgence, mais aussi en accueil de jour. Actuellement, cette structure dispose d’une liste d’attente considérable et souhaiterait renforcer son offre de services par l’extension du site ou par la création d’un établissement identique dans ce même département.
Il devient urgent de favoriser l’implantation de ces structures sur l’ensemble du territoire français. Pour ce faire, il serait souhaitable que celles-ci soient décomptées dans le nombre de logements sociaux disponibles dans une collectivité.
Par ailleurs, la question se pose également pour les logements à loyers et charges accessibles. En Île-de-France, l’association Solidarités nouvelles pour le logement œuvre en ce sens. Cependant, ces biens locatifs ne sont pas comptabilisés en logements sociaux, alors qu’ils permettent à des personnes se trouvant en situation de grande précarité d’obtenir un bail temporaire, le temps de trouver par la suite une stabilité dans le parc locatif plus classique.
L’adoption d’une telle mesure permettrait d’envoyer un message de confiance aux élus, de favoriser la souplesse et une meilleure autonomie des maires dans la mise en œuvre de leur politique sociale et, enfin, de renforcer l’émergence de ces projets sociaux. Pouvez-vous nous préciser l’intention du Gouvernement sur cette proposition, ainsi que les moyens qui seront mis en œuvre pour aider les collectivités territoriales à faire face à leurs obligations croissantes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Jocelyne Guidez, vous m’interrogez sur la possibilité d’intégrer au décompte des logements sociaux réalisé au titre de l’article 55 de la loi SRU les foyers d’accueil médicalisés, de vie, en accueil temporaire ou d’urgence, et les logements accueillant des publics précaires à loyers accessibles.
En imposant à certaines communes de disposer d’un taux minimal de logement social, l’article 55 de la loi SRU vise à développer une offre de logements locatifs sociaux bien répartis sur l’ensemble du territoire, pérennes, à loyers plafonnés et accessibles de façon universelle, dans la durée, à tous les ménages modestes sous plafonds de ressources, selon des critères et des procédures d’attribution transparentes.
Pour assurer la pérennité du caractère social des logements pris en compte, leur décompte est fondé sur l’agrément en logement locatif social conventionné à l’APL ou, dans le parc privé, sur le conventionnement social ou très social ANAH. Pour les logements privés mis en intermédiation locative au profit de ménages modestes, ceux-ci doivent respecter un plafond de loyer révisé annuellement par arrêté.
Bien entendu, je soutiens sans réserve le développement de toutes les structures d’accueil et d’hébergement d’urgence qui répondent à un besoin spécifique, notamment à celui des handicapés, et je salue toutes les initiatives qui permettent de loger les plus précaires dans des conditions accessibles, qu’ils se trouvent dans le parc social ou privé. Mais c’est bien l’engagement conventionnel, sur une moyenne ou une longue durée, qui est le garant de la transparence et de la pérennité de cette affectation permanente à des ménages modestes, à des conditions économiques adaptées. Je rappelle que plus de 2 millions de nos concitoyens sont encore en attente d’un logement social.
En ce sens, le Gouvernement n’est pas favorable à l’intégration des hébergements ou des logements non conventionnés dans le décompte SRU et à la modification de la loi. Je ne peux donc que réaffirmer mon souhait de voir les communes concernées s’engager fermement dans le conventionnement.
dysfonctionnements du réseau internet et téléphonique dans l’Aude
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, auteure de la question n° 698, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Gisèle Jourda. Ma question porte sur les dysfonctionnements chroniques du réseau internet et téléphonique, tant mobile que fixe, que subissent depuis plus de quinze ans les communes audoises de Plaigne, Pécharic-et-le-Py et Villautou qui, avec leurs 204 habitants répartis sur 2 565 hectares collinaires, dépendent du même répartiteur, répartiteur dont les liens cuivre sont reconnus, y compris par l’opérateur, obsolètes et défectueux depuis 2004.
Je vous fais grâce de la succession des dégradations et réparations que se sont succédé depuis, pour en arriver à celle de 2017 où les liens cuivre sont réparés, alors que, de l’avis d’Orange, il conviendrait de les remplacer par de la fibre optique. Que ne l’a-t-on pas fait ? Eh bien, non ! C’est du ressort du conseil départemental et de son schéma directeur d’aménagement numérique. Ne peut-on pas se parler ?
Disons-nous la vérité : l’ensemble des liens n’a jamais fonctionné. Les défauts de connexion sont récurrents et ne se limitent pas aux microcoupures liées à la saturation du réseau. Pourquoi les liens cuivre n’ont-ils pas été remplacés plus tôt ? Treize ans d’attente !
La mission de service public confiée à Orange prévoit un raccordement à un réseau fixe ouvert au public et un service téléphonique de qualité à un prix abordable et l’acheminement des communications de données à des débits suffisants pour permettre l’accès à internet, ainsi que l’acheminement gratuit des appels d’urgence. Orange doit cesser de se réfugier derrière le département, qui est très dynamique sur ce sujet, pour justifier son manquement à ses obligations.
Au désespoir des élus, de la population, dès le début de l’année, la situation s’est de nouveau gravement détériorée, avec pour conséquence un isolement total pénalisant toutes les couches socio-économiques qui font la vie de ces territoires. L’Arcep a bien sûr été saisie.
Madame la ministre, comment résoudre de façon pérenne la situation de ces communes et de toutes celles qui sont frappées par la fracture numérique, telles Castans ou Monze ? Est-ce que l’Arcep dispose réellement des moyens nécessaires pour le faire ? Enfin, existe-t-il des recours juridiques pour que les opérateurs assument les responsabilités qui leur incombent ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, comme vous le savez, le Gouvernement s’est engagé à assurer la couverture du territoire en haut débit dès 2020 et en très haut débit à l’horizon de 2022.
Les communes de Plaigne, Pécharic-et-le-Py et Villautou que vous mentionnez dépendent d’un nœud de raccordement, dit NRA-ZO, positionné à Plaigne et établi dans le cadre du partenariat public-privé de l’ancienne région Languedoc-Roussillon avec Orange, qui dispose d’un lien de collecte en cuivre avec un fort taux d’occupation, ce qui explique les mauvais débits constatés. C’est pourquoi cette infrastructure, identifiée comme prioritaire par le syndicat audois d’énergies & du numérique, devrait prochainement être raccordée par un lien de fibre optique pour améliorer les débits disponibles.
Par ailleurs, l’opérateur Orange a été désigné par arrêté du 27 novembre 2018 comme chargé de la fourniture des prestations de service universel. À ce titre, Orange fournit à toute personne qui en fait la demande un raccordement à son réseau téléphonique ouvert au public et assure en permanence la disponibilité de l’offre de service téléphonique sur l’ensemble du territoire, avec des objectifs de qualité de service correspondants. Pour assurer la fourniture satisfaisante de ce service, l’Arcep a, le 23 octobre 2018, mis en demeure Orange de respecter son obligation de qualité de service.
Pour ce qui est de la couverture mobile des trois communes que vous citez, celles-ci ont été inscrites, dans le cadre du « new deal mobile », dans les programmes d’amélioration de la couverture mobile, qui prévoient notamment l’installation de nouveaux pylônes, décidés avec les élus locaux.
Les travaux pour les communes de Plaigne et Pécharic-et-le-Py sont réalisés par le Syaden avec un soutien financier de l’État. La commune de Villautou figure dans l’arrêté du 4 juillet 2018 pris par le Gouvernement, qui crée une obligation de couverture par les opérateurs ; les travaux sont en cours, et la couverture constatée devrait donc, là aussi, s’améliorer.
Voilà, madame la sénatrice, les éléments que je suis en mesure de vous fournir sur cette situation particulière. Soyez assurée de la détermination du Gouvernement, dans l’Aude comme sur le reste du territoire, à améliorer rapidement la desserte numérique des zones qui en sont dépourvues ou sont mal desservies.
enjeux de la mobilité
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand, auteur de la question n° 710, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Anne-Marie Bertrand. Madame la ministre, vous le savez, la mobilité est un levier majeur pour libérer des énergies, pour rapprocher les lieux de vie des bassins d’emploi et ainsi lutter contre l’exclusion sociale en préservant, bien sûr, notre environnement.
La métropole d’Aix-Marseille-Provence répond à ces enjeux, et la pertinence de son agenda de la mobilité est reconnue par l’État. Ses projets sont prêts à être déployés, seuls manquent les moyens financiers, face à des besoins recensés qui atteignent 3,5 milliards d’euros d’ici à 2025 et 12 milliards d’euros sur les vingt prochaines années.
Le conseil départemental des Bouches-du-Rhône soutient déjà ce développement des transports dans des proportions par ailleurs inédites, avec un effort de 300 millions d’euros au titre du plan départemental 2016-2020, dont plus de 80 % sont déjà engagés.
La présidente, Martine Vassal, a demandé à plusieurs reprises à l’État que notre territoire soit doté d’un levier financier fiscalisé, inspiré de celui qui soutient actuellement le Grand Paris Express. Ce type de mécanisme implique alors la création d’un établissement public dédié, associant l’État à sa gouvernance et ayant pour mission de mobiliser des financements. Nécessaire au bon développement des Bouches-du-Rhône, peut-on espérer la création de cet outil prochainement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, comme vous le savez, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet des Bouches-du-Rhône, M. Pierre Dartout, a remis le 13 mars dernier un rapport au Premier ministre qui formule plusieurs propositions quant à l’avenir de l’actuelle métropole d’Aix-Marseille-Provence et son éventuelle fusion avec le département.
Vous m’interrogez sur la position du Gouvernement quant à l’octroi à la métropole, ou à une structure nouvelle constituée sous la forme d’un établissement public inspiré de la Société du Grand Paris, d’un nouveau levier financier fiscalisé lui permettant de financer l’ensemble des investissements prévus dans « l’agenda transports » élaboré par la métropole et soutenu par le conseil départemental.
L’approfondissement de la politique des transports, j’ai pu le constater sur le terrain, est au cœur du projet de constitution d’une métropole sur la totalité du département des Bouches-du-Rhône. Cette question s’inscrit naturellement dans le prolongement des réflexions en cours sur l’avenir de la métropole que le Premier ministre m’a d’ailleurs demandé de conduire.
Ce n’est qu’une fois ces réflexions achevées que le Gouvernement examinera, avec les collectivités, les réponses à apporter aux besoins en matière de transports et les modalités de financement qui les accompagnent, afin de les organiser aux échelles appropriées et avec la cohérence souhaitable.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand, pour la réplique.
Mme Anne-Marie Bertrand. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Nous avons tous conscience ici que nous devons porter un regard plus qu’attentif aux finances publiques. Néanmoins, vous pouvez le constater, il existe des investissements qui permettent de conjuguer enjeux économiques, environnementaux et sociaux. Il serait dommage de passer à côté.
Quant à la fusion entre le département et la métropole, il me tarde de savoir si elle va avoir lieu ou pas, car, actuellement, le climat entre toutes les communes est très tendu. J’ignore quand nous connaîtrons la décision du Premier ministre.
indemnités de fonction des exécutifs des syndicats intercommunaux et mixtes
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 712, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. André Reichardt. L’article 42 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a profondément modifié les règles d’attribution des indemnités de fonction aux exécutifs des syndicats intercommunaux et de certains syndicats mixtes. Il a prévu que les présidents et vice-présidents des syndicats intercommunaux « dont le périmètre est inférieur » à celui d’une communauté ou d’une métropole n’ont plus le droit de percevoir leurs indemnités de fonction. Il a également supprimé la possibilité de verser des indemnités de fonction aux présidents et vice-présidents des syndicats mixtes qui associent exclusivement des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale.
Les difficultés de mise en œuvre de ce dispositif ont temporairement été réglées par la loi du 23 mars 2016 relative à l’exercice des mandats, laquelle a repoussé la suppression de ces indemnités au 1er janvier 2020 et a rétabli de manière rétroactive le dispositif antérieur, jusqu’à cette échéance. À l’approche de cette nouvelle date butoir, force est cependant de constater que ces difficultés demeurent, et ce avec davantage d’acuité encore depuis le redécoupage de 2017, en ce que la taille des EPCI a largement augmenté et que beaucoup d’entre eux sont devenus plus grands que le périmètre des syndicats intercommunaux.
Nombreuses sont donc les interrogations des élus locaux concernés, qui s’investissent au quotidien afin de maintenir un service de proximité, notamment en matière scolaire et de gestion forestière. Les élus locaux, et particulièrement en milieu rural, exercent déjà leurs fonctions de manière désintéressée – c’est le moins que l’on puisse dire ! – vu les montants très faibles de l’indemnité qu’un maire ou un adjoint d’une commune de petite taille peut percevoir. Cette distinction de traitement en fonction de la taille du syndicat risque d’ailleurs de désengager davantage de la vie politique locale les citoyens aspirant à exercer des mandats et contribuera de ce fait à l’affaiblissement du monde rural.
Aussi, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir m’indiquer quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, cher André Reichardt, la loi NOTRe a effectivement supprimé les indemnités de fonction des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et syndicats mixtes fermés dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre, ainsi que celles des présidents et vice-présidents de l’ensemble des syndicats mixtes ouverts dits « restreints », c’est-à-dire composés exclusivement de communes, d’EPCI, de départements et de régions. L’échéance d’entrée en vigueur de cette disposition a été repoussée au 1er janvier 2020 par la loi du 23 mars 2016.
À l’approche de l’échéance de 2020, le grand débat national a permis l’expression d’un certain nombre d’élus locaux, qui ont souligné les difficultés posées par cette évolution. Elle interroge en particulier pour les situations dans lesquelles l’extension du périmètre syndical ne paraît pas envisageable : on peut penser au cas d’un syndicat constitué en matière d’éducation scolaire qui n’aurait pas vocation à s’étendre à toute l’intercommunalité, d’autant plus que cette intercommunalité s’est étendue elle-même.
En outre, au regard de l’objectif de rationalisation de la carte intercommunale, nous pouvons déjà nous féliciter de ce que, sur la période 2010-2019, le nombre de syndicats a baissé de 35 %, soit une baisse de 4 % par an en moyenne. Si tant est qu’il y ait un lien entre les deux, la situation a donc déjà positivement évolué. Nous devons aujourd’hui apprécier l’opportunité de maintenir cette suppression des indemnités des présidents de syndicats ou de la moduler.
Dans le droit fil des annonces faites par le Président de la République le 25 avril dernier en matière de renforcement du statut des élus locaux, le Gouvernement entend inscrire son action des prochains mois dans cette perspective : améliorer la situation des élus locaux afin de conforter les modalités d’exercice de leurs mandats. Cet objectif revêt une importance particulière à l’approche des élections municipales, en ce qu’il nous appartient d’encourager l’engagement de nos concitoyens à assumer la charge d’une fonction locale.
Vous l’aurez compris, je suis personnellement favorable à une évolution des textes existants, et je ferai en sorte de réunir les conditions pour que la situation puisse évoluer dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.
M. André Reichardt. Madame la ministre, je vous remercie vivement de cette position favorable, au moins à titre personnel.
J’appelle votre attention sur le fait qu’il y a une certaine urgence. Vous le savez, la suppression des indemnités court à compter du 1er janvier prochain. Je vais donc déposer une proposition de loi pour vous faciliter la tâche. (Sourires.)
réalité d’une réparation promise par le gouvernement à la ville de lure
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, auteur de la question n° 724, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Michel Raison. Madame la ministre, vous êtes venue en Haute-Saône le 18 mars dernier pour essayer d’apporter des compensations après une remise en cause assez dramatique de la parole de l’État… Vous avez notamment annoncé la création – je reprends vos termes – de vingt emplois au sein des services fiscaux à Lure.
Dès lors, il y a trois possibilités. Premièrement, ces vingt emplois seront bel et bien créés. Deuxièmement, ces annonces ne sont que du vent ; de son côté, M. Darmanin a déclaré le 20 mars dernier qu’il y aurait une délocalisation d’agents des finances publiques des métropoles vers le monde rural : cette mesure ne serait donc pas réservée à Lure. Troisièmement, les fonctionnaires de la trésorerie du centre hospitalier, qui est appelée à disparaître, pourraient être recyclés dans les services des finances de Lure.
J’ose espérer que la première possibilité est la bonne, à savoir la création de vingt postes à Lure. Je souhaite obtenir des précisions sur ce sujet : depuis votre venue, nous restons dans le flou et nous attendons une réponse précise. Ne décevez pas la confiance que nous avons en vous !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui me donne l’occasion de vous apporter des précisions quant aux propositions que j’ai faites aux élus du bassin de Lure. Il s’agit bien de faire de ce territoire un lieu d’expérimentation de l’action qui sera conduite demain par l’ANCT – j’espère que sa création sera bientôt chose faite –, notamment au travers de la conclusion d’un contrat de cohésion territoriale.
Je me suis effectivement rendue à Lure le 18 mars dernier, et je vous y ai rencontré, ainsi que le député Christophe Lejeune. J’ai eu l’occasion d’échanger longuement avec les élus locaux. Lors de ces discussions, vous avez été très actif, comme à votre habitude. (Sourires.)
Sans revenir sur la décision, prise par le Gouvernement dans le cadre de sa politique pénitentiaire, de ne pas reconstruire la maison d’arrêt, je l’ai indiqué aux élus : je suis parfaitement consciente du fait que cette décision a été très mal vécue localement.
À présent, il m’apparaît essentiel de regarder l’avenir et d’agir pour une nouvelle étape du développement du territoire luron. Les élus peuvent compter sur l’État pour les appuyer dans leurs projets. Dans cet esprit, je leur ai proposé d’élaborer et de signer un contrat de cohésion territoriale, afin que ce territoire expérimente, en avance de phase, ce que nous ferons demain avec l’ANCT. Ce contrat traduira le projet de territoire que défendent les élus, et auquel l’État apportera son soutien.
Dans les prochains jours, je signerai une lettre de mission au préfet de la Haute-Saône, afin qu’il engage un dialogue avec les élus et les acteurs du territoire pour élaborer un tel contrat. Ce document pourra porter à la fois sur la revitalisation de la ville de Lure, sur le développement industriel et économique du bassin et sur tout autre sujet que les élus locaux souhaiteraient traiter.
Au-delà, vous avez évoqué le renforcement des services des finances publiques à Lure : ces derniers bénéficieront d’un redéploiement d’une vingtaine d’effectifs. Sur ce point, je tiens à être très précise : ce projet relève d’une réorganisation locale des services des finances publiques dont Lure bénéficiera, sans préjudice d’autres mesures de réorganisation du réseau des finances publiques depuis Paris ou la région parisienne.
Monsieur le sénateur, j’espère vous avoir convaincu que le Gouvernement est déterminé à appuyer le territoire luron dans cette nouvelle étape, dès lors que c’est également le souhait des élus locaux.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour la réplique.
M. Michel Raison. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J’ai bien noté la piste du contrat de cohésion territoriale, et je vous rassure : le maire de Lure, que je rencontre régulièrement, travaille déjà avec le préfet sur ce sujet.
Cela étant, vous me confirmez ce dont on se doutait déjà : il n’y aura pas véritablement vingt emplois nouveaux dans les services fiscaux de Lure. La Haute-Saône est un petit département ! Nous devrons donc nous contenter de redéploiements. Je vous remercie de cette précision, même si ce n’est pas tout à fait ce que l’on nous avait expliqué lors de votre visite…
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteure de la question n° 642, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
Mme Brigitte Micouleau. De nombreuses communes, notamment en zone rurale ou dans les territoires faiblement urbanisés, doivent faire face à une absence d’entretien de leur parc immobilier tant privé que social. Ainsi, le maire de Montréjeau, en Haute-Garonne, a souhaité alerter tant les parlementaires que les autorités préfectorales sur l’état de dégradation, de vétusté et d’insalubrité du parc immobilier du centre ancien de sa ville.
Je me fais ici le relais du désespoir de ce maire. Dans sa commune, des immeubles menacent de s’effondrer. Ces dernières années, il a pris de nombreux arrêtés de péril, qui n’ont pas empêché certains immeubles de tomber. D’autres sont encore très menaçants. Or les propriétaires restent introuvables, et la ville se trouve contrainte de procéder à l’exécution de travaux d’office. Une procédure de déclaration d’utilité publique a également été lancée, afin de pouvoir faire démolir les bâtiments les plus dangereux. À cette situation s’ajoute le renoncement total des bailleurs sociaux, notamment pour la résidence des Pyrénées, qui est à l’abandon et qui expose la population à des risques multiples.
Face à une telle situation, quelles actions efficaces peut-on entreprendre pour contraindre tant les propriétaires privés que les bailleurs sociaux à entretenir leurs biens immobiliers ? Quel appui le ministre chargé de la ville et du logement peut-il apporter à une commune dont les capacités financières ne permettent pas la prise en charge de toutes ces opérations ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Brigitte Micouleau, vous avez raison de souligner les difficultés que rencontre la commune de Montréjeau face à la dégradation de l’habitat public et privé, question dont le maire a saisi les services de l’État au mois de février de cette année. En effet, on dénombre actuellement trente signalements de logements indignes dans cette commune, et les données disponibles, qui doivent être maniées avec prudence, car elles ne prennent pas en compte la situation des logements vacants, font apparaître un taux de résidences principales potentiellement indignes s’élevant à 14 %. En majorité, il s’agit de logements construits avant 1948, occupés à titre de résidence principale, pour l’essentiel par des locataires disposant de faibles revenus.
Pour remédier à ces difficultés, l’intercommunalité a mis en place, avec le soutien de l’État et de l’Agence nationale de l’habitat, une opération programmée d’amélioration de l’habitat, ou OPAH, couvrant l’ensemble de son territoire pour la période 2018-2020. Pour la commune de Montréjeau, l’objectif est de traiter, en trois ans, dix-huit logements indignes ou très dégradés, ce qui représente un doublement des résultats obtenus entre 2015 et 2017, au cours de la précédente opération. Cette OPAH apporte de l’expertise et des financements aux propriétaires pour les aider à réaliser les travaux nécessaires.
Pour amplifier ce mouvement, les collectivités pourraient également concrétiser une opération de revitalisation de territoire, ou ORT – il s’agit, vous le savez, d’un dispositif créé par la loi Élan. Dans le territoire dont il s’agit, une telle opération est à l’étude : elle permettrait d’inscrire la rénovation de l’habitat dans un projet d’ensemble de revitalisation des centres-villes de Saint-Gaudens et de Montréjeau, qui pourraient notamment bénéficier de dispositifs fiscaux supplémentaires d’aide à la rénovation.
Enfin, lorsque la collectivité se substitue aux propriétaires défaillants pour rénover des immeubles dégradés, elle peut bénéficier de subventions très importantes de la part de l’ANAH.
De manière plus générale, je veux réaffirmer l’engagement sans faille du Gouvernement à accélérer les efforts de réhabilitation du parc de logements les plus dégradés et de lutte contre l’habitat indigne. Julien Denormandie en est le garant. En outre, sur ces sujets, un travail a été confié au député Guillaume Vuilletet, qui, dans le droit fil des dispositions prévues à l’article 198 de la loi Élan, pourrait compléter la réflexion et l’action relatives à l’habitat indigne.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour la réplique.
Mme Brigitte Micouleau. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J’entends bien vos arguments.
À l’instar de Toulouse Métropole, qui a mis en place le dispositif « Ma copro bouge » pour accompagner des copropriétés fragilisées, plusieurs villes de taille importante, qui doivent faire face à un habitat ancien dégradé, comme Bastia, Creil, Rennes ou Lille, ont pu définir des stratégies et élaborer des opérations programmées de réhabilitation. Mais, pour sa part, Montréjeau ne dispose pas de tous les moyens et de tous les outils nécessaires.
Mme Brigitte Micouleau. Nous devons être particulièrement attentifs à toutes ces petites communes qui n’ont pas les capacités financières pour intervenir.
hébergement des travailleurs saisonniers
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 695, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
Mme Nathalie Delattre. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés rencontrées en Gironde, et dans tant d’autres départements, pour le logement des travailleurs saisonniers.
Dans les vignobles français notamment, de nombreux travailleurs saisonniers se retrouvent confrontés soit à une insuffisance de logements, soit au manque de moyens financiers pour se loger. Il y a encore quelques années, ces travailleurs saisonniers étaient hébergés au sein des exploitations, mais cette possibilité a progressivement disparu, sous l’effet d’une réglementation foisonnante en matière de sécurité et d’accessibilité des lieux : ces normes imposent des travaux importants auxquels peu d’exploitations peuvent faire face.
Lors de l’examen de la loi Élan, souvenez-vous, j’avais lancé le débat, au titre l’article 52 ter : j’avais proposé d’étendre le dispositif existant de diagnostic et de concertation réalisé par le préfet avec l’aide des communes touristiques en matière de logement des travailleurs saisonniers aux communes non touristiques au sens du code du tourisme, à la demande expresse de ces dernières. Cet amendement n’a pas abouti, mais la nécessité d’obtenir des résultats concrets et rapides sur cette question primordiale avait fait consensus.
Les élus locaux sont confrontés à la détresse de personnes qui se logent pendant plusieurs semaines sous des toiles de tente, au beau milieu de la campagne, sans eau ni électricité, ou encore de familles entières qui dorment dans leur voiture. Ces élus locaux et ces travailleurs ont besoin que l’État réunisse toutes les parties prenantes sur ce sujet.
Si l’État doit agir par l’intermédiaire des préfectures, au plus près du terrain, c’est bien au Gouvernement de donner une impulsion majeure. En effet, cette question ne relève pas uniquement du cadre de relations de travail privées, en l’espèce de quelques entreprises sous-traitantes de main-d’œuvre peu soucieuses de leur personnel. Il s’agit bien d’une politique de l’État, le logement, qui devient l’un des problèmes majeurs des Français, comme l’a d’ailleurs confirmé l’analyse des contributions au grand débat national.
Cet accompagnement nécessite des mesures en aval, comme la prise en charge de la rénovation de tant de logements vétustes et désertés en zones rurales ou la réquisition de campings dédiés aux travailleurs.
Ces dispositions devront être complétées par des mesures en amont. Je pense notamment à l’identification des normes, européennes et françaises, qui empêchent les exploitations d’accueillir ces travailleurs comme elles le faisaient auparavant. Ces dernières doivent retrouver une capacité d’agir en la matière.
Les territoires sont déjà en quête de solutions et se sont mis au travail, chacun avec ses moyens, quels qu’ils soient.
Madame la ministre, je vous pose de nouveau la question aujourd’hui : quelles actions envisagez-vous pour que l’État aide les territoires à structurer ces mesures urgentes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Le Gouvernement est pleinement conscient des difficultés de logement rencontrées par les nombreux travailleurs saisonniers.
Je tiens à apporter une touche personnelle à la réponse rédigée par mes services. Bien sûr, l’État doit assumer son rôle, mais je ne peux pas croire que les employeurs soient, en la matière, exempts de toute responsabilité. À mon sens, il est très important de le rappeler.
Mme Nathalie Delattre. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien sûr, la Gironde n’est pas concernée par la loi Montagne de 2016… (Sourires.) Toutefois, vous l’avez rappelé vous-même, madame la sénatrice, ce texte a créé l’obligation, pour les communes dites « touristiques » de l’ensemble du territoire, d’établir sous deux années un diagnostic sur la situation du logement des travailleurs saisonniers, à partir duquel sera établi un programme d’actions.
Les communes et EPCI concernés sont, avec l’aide de l’État, d’Action logement, des partenaires sociaux et des différents acteurs locaux, en phase d’élaboration ou de conclusion de conventions relatives au logement des travailleurs saisonniers prises sur ce fondement.
La commission permanente du Conseil national de la montagne a mis en place début 2019 un groupe de travail « développement économique, emplois et saisonniers » qui s’est saisi du dossier. Piloté par mes services du CGET, ce groupe de travail, composé de partenaires sociaux, d’élus ou encore de représentants du monde économique, proposera des mesures et actions concrètes visant notamment à améliorer les conditions de logement des travailleurs saisonniers.
Les administrations compétentes apporteront leur concours à la réflexion entamée et, surtout, à la mise en œuvre des actions décidées par le groupe de travail, dans les communes concernées. En effet, comme vous l’avez dit, au-delà des territoires touristiques, nombre de communes peuvent être concernées.
Les services de l’État sont évidemment disponibles pour travailler avec l’ensemble des communes et intercommunalités qui souhaitent bénéficier de l’expérience acquise ou développer des programmes adaptés.
Des outils spécifiques peuvent être déployés dans le parc privé, par exemple avec des logements plus facilement disponibles pour des durées de quelques mois grâce au « bail mobilité » ou avec la mobilisation de la garantie Visale. Les solutions adaptées existent également dans le parc social. Je pense aux foyers-soleil, composés de petites unités comprenant des logements sociaux et reliées à un foyer central, ou encore aux logements dédiés aux jeunes de moins de 30 ans, qui peuvent désormais être réalisés en application de l’article 109 de la loi Élan.
Vous le voyez, des dispositifs existent. Mais, j’en suis tout à fait consciente, il faut donner une impulsion au niveau national.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est le rôle de l’État. Bien sûr, il faut travailler en étroite relation avec les collectivités territoriales.
statut des élus locaux
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 741, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
Mme Chantal Deseyne. Depuis plusieurs semaines maintenant, mes collègues sénateurs d’Eure-et-Loir et moi-même sillonnons le département pour aller à la rencontre des élus locaux, afin de maintenir ce lien entre nos territoires et le Sénat. Or, si une revendication revient régulièrement de la part des maires, c’est bien la réforme du statut de l’élu local. Il n’est pas besoin de rappeler l’intérêt que notre institution a toujours porté à cette question : il a d’ailleurs trouvé à s’exprimer au travers d’un rapport complet de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je tiens, au passage, à saluer ce travail.
À la suite de ces nombreux déplacements, j’ai souhaité déposer très prochainement une proposition de loi visant à répondre aux craintes exprimées par nos maires quant au nombre suffisant de candidatures en vue des prochaines élections municipales. Mais le rapport que je viens de citer le rappelle d’ores et déjà : la crise des vocations ne pourra être appréhendée qu’au travers d’un véritable projet intervenant dans les domaines législatif et réglementaire.
J’ai écouté très attentivement le discours du Président de la République clôturant le grand débat. Dans son intervention, j’ai retenu en particulier les mots « statut de l’élu local » et « agenda de la ruralité ». À la suite des réunions qui se sont tenues à Matignon, j’ai également relevé cette annonce : la réforme du statut de l’élu local devra être traitée avant les élections de 2020.
Le statut de l’élu local suscite des attentes sur toutes les travées de cet hémicycle, et chacun est prêt à travailler sur ce sujet. J’espère d’ailleurs, à cette occasion, un échange bienveillant et transparent entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat. La Haute Assemblée devra jouer un rôle central en la matière, car c’est à elle que notre Constitution confie la représentation des territoires.
Aussi, madame la ministre, je souhaiterais savoir, dans la mesure du possible, l’agenda de ce projet, connaître les pistes du travail du Gouvernement et ses intentions quant à la place du Sénat dans ce chantier.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Chantal Deseyne, tout d’abord, je tiens à vous rassurer : naturellement, je travaille en étroite collaboration avec la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, présidée par Jean-Marie Bockel. Nous avons précisément fait le point la semaine dernière, dans les locaux du Sénat, sur l’évolution du statut de l’élu. Aussi, n’ayez pas d’inquiétude : le travail se poursuit, et il avance.
En outre, au sujet du statut de l’élu, on ne part pas de rien. Les textes contiennent déjà beaucoup de dispositions pour protéger les élus dans l’accomplissement de leurs missions ; mais elles ne sont pas toujours connues, et, lorsque tel est le cas, elles ne sont pas toujours appliquées. Notre travail sera donc aussi de les rappeler : il est important de le faire.
Pour avoir siégé, comme vous le savez, sur les travées de cet hémicycle, j’ai moi-même beaucoup travaillé, avec d’autres collègues, sur le statut de l’élu.
À ce sujet, de nombreuses mesures ont déjà été mises en œuvre par le Gouvernement, comme la suppression des cotisations employeur au titre des retraites supplémentaires des élus, la revalorisation des barèmes de remboursement des frais engagés au titre du mandat ou la clarification des dispositions relatives à la protection sociale des élus. Ainsi, on a assuré la simplification des modalités d’affiliation à la sécurité sociale et la clarification de statut des élus placés en congé de maladie.
Il faut garder à l’esprit qu’une bonne part des mesures dont il s’agit sont de nature réglementaire. Ce travail ne passe donc pas forcément par un texte de loi débattu en séance. Mais tous les chantiers que je viens de citer ont été engagés en étroite relation avec la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, qui a pleinement joué son rôle de proposition.
De son côté, votre collègue Charles Guené a appelé l’attention sur la fraction représentative des frais d’emploi. Il a déposé un amendement visant à déduire du revenu imposable une part des indemnités, et cette mesure a contribué à la revalorisation du statut de l’élu.
Vous l’avez rappelé avec raison : à l’occasion de son discours aux maires de France, l’année dernière, puis, récemment, dans son intervention du 25 avril dernier, le Président de la République a réaffirmé que les élus locaux méritaient « un statut digne de ce nom ».
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement conduira tous ces travaux à leur terme dans les prochains mois, avant les élections municipales, que ce soit par voie réglementaire ou par voie législative. La question de M. Reichardt m’a déjà permis d’en donner un exemple concret.
M. le président. Madame la ministre, vous avez mené la vie dure au chronomètre… (Sourires.)
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.
Mme Chantal Deseyne. Je tiens à remercier Mme la ministre ; je ne doute pas qu’elle travaille au statut de l’élu local, et je me souviens qu’elle a été maire de La Chaussée-Saint-Victor, dans un département voisin du mien. (Nouveaux sourires.)
taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pour la filière équine
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 673, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Jean Bizet. Ma question a trait aux effets sociaux et économiques, à mon sens désastreux, du passage au taux normal de TVA pour la filière équine.
Au moment où la Commission européenne envisage de modifier la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les taux réduits, alors même que ce projet préconise la coexistence de deux taux réduits d’au moins 5 % et d’un autre taux réduit entre 0 % et 5 % et propose de rendre la main aux États membres quant au choix des secteurs pouvant bénéficier de taux réduits, il semble naturel que nous nous interrogions sur l’application de cette proposition de directive à la filière équine. En effet, cette filière est lourdement pénalisée depuis la condamnation subie par la France en 2012 : cette mesure a provoqué un retour au taux normal pour l’ensemble de la filière, et ce sans discernement.
Le passage au taux normal de TVA pour les centres équestres met en péril une logique de fonctionnement vertueux, qui distingue la France de ses voisins européens. Dans ces pays, les cavaliers possèdent leur propre monture et utilisent les installations des centres équestres à taux réduit de TVA. À l’inverse, le modèle français, fondé, pourrait-on dire, sur le cheval partagé, rend accessible la pratique de l’équitation sans la contrainte de posséder un cheval. Cependant, depuis 2014, la mise à disposition du cheval est taxée à 20 % : il est indispensable de revenir au taux réduit de TVA pour les centres équestres, sans quoi ils ne survivront pas.
De même, l’élevage des équidés est désormais menacé en France. Il devrait pouvoir à nouveau bénéficier d’un taux réduit de TVA, du moins lorsque les chevaux ne sont pas utilisés pour des courses ou des compétitions.
Madame la secrétaire d’État, dans l’esprit du projet de directive et sans attendre son adoption, je vous demande donc, si vous le jugez possible, de réinterpréter, comme notre voisin irlandais, la directive TVA. Il convient d’établir clairement que l’élevage, l’entraînement et l’utilisation en loisir des chevaux sont des activités agricoles et sociales devant bénéficier à ce titre d’un taux réduit de TVA. À défaut, le Gouvernement envisage-t-il une autre politique fiscale ou budgétaire pour éviter l’effondrement complet de la filière équine en France ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Jean Bizet, ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ne pouvant être présente, m’a chargée de vous répondre.
Vous l’avez rappelé, c’est à l’issue de la condamnation de la France par un arrêt du 5 mars 2012 de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a d’ailleurs condamné d’autres États membres, à savoir l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et l’Irlande, que l’application du taux intermédiaire de 10 % de la TVA a été restreinte aux seules opérations relatives aux équidés destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ou la production agricole.
S’il n’a pas été possible de maintenir au-delà du 1er janvier 2014 l’application globale de ce taux réduit aux centres équestres, en particulier à l’activité d’enseignement, malgré les démarches entreprises par la France et les représentants de la filière, le taux de TVA a été abaissé à 5,5 % pour certaines prestations effectuées par les centres équestres.
Sur ce sujet, conformément aux dispositions de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, le Gouvernement a remis au Parlement, en juillet dernier, un rapport relatif à l’impact de la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée sur les activités équines, intervenue en 2013.
Il n’en demeure pas moins que le Gouvernement partage tout à fait vos préoccupations. Il ne peut absolument pas se satisfaire de ce champ limité, seul permis actuellement par le droit communautaire. Ainsi, dans le cadre de nos discussions sur la proposition que la Commission européenne a présentée en janvier 2018 en matière de taux de TVA, la France défendra bien sûr la possibilité d’appliquer plus largement un taux réduit dans la filière équine. Cette question fera partie des négociations à Bruxelles.
En revanche, dans l’attente de l’adoption de cette directive, et en l’état actuel du droit, on ne peut pas envisager un retour au taux réduit pour les prestations d’enseignement et d’entraînement. Une telle décision déclencherait un nouveau contentieux, que la France serait assurée de perdre et qui l’exposerait à un fort risque d’amende.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.
M. Jean Bizet. Madame la secrétaire d’État, je prends acte de votre réponse. J’aurais préféré que l’on anticipe ce taux réduit dès maintenant, mais je comprends que vous ne vouliez pas prendre un tel risque.
Cela étant, si j’ai bien enregistré votre message, nous avons bon espoir quant au positionnement de la France dans ce domaine.
M. Jean Bizet. Si une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance, je vous avoue que je suis assez satisfait d’imaginer que la France tiendra bon sur ce sujet. Nous sommes face à un enjeu d’harmonisation avec certains de nos voisins, notamment l’Irlande,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean Bizet. … grand pays producteur de chevaux. Enfin, il s’agit là d’une activité qui, socialement, est extrêmement importante.
travaux et investissements dans les transports en île-de-france
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 653, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, je vous parlerai ce matin de mon beau département de Seine-Saint-Denis et, plus précisément, d’un problème de discrimination territoriale : celui de l’accès aux transports pour les habitants et habitantes de Seine-Saint-Denis.
En la matière, il y a beaucoup à dire. Sur la ligne 12 du métro, la création de deux nouvelles stations est repoussée sans cesse. On nous annonce un calendrier retardé pour les lignes 15, 16 et 17, sauf pour Le Bourget. Évidemment, il faut desservir les jeux Olympiques ! Mais, après, pour désenclaver nos territoires, on verra…
Et puis, il y a surtout la question du RER B. Désormais, cette ligne atteint presque 1 million d’usagers quotidiens : le dernier comptage, effectué il y a quelques semaines, a relevé 983 000 passagers par jour. Vous le savez, et je le dis souvent, c’est une galère quotidienne qui cause des problèmes de stress, dans la vie familiale, dès lors qu’il faut aller chercher les enfants à l’école, mais aussi dans la vie professionnelle, car certains employeurs rechignent à engager des personnes habitant sur cette ligne, de crainte de faire face à des retards plusieurs fois par semaine.
Pourtant, on le sait, des solutions existent. On pourrait, par exemple, rehausser les ponts pour faire rouler des rames à deux étages, doubler le tunnel du Châtelet ou finir le bouclage entre Mitry-Mory et l’aéroport Charles-de-Gaulle afin de fluidifier le trafic.
Quand on vous propose cela, vous nous rétorquez qu’il n’y a pas d’argent. On apprend même, dans l’interview de deux responsables de la SNCF, que ce sont encore huit années de galère qui attendent les usagers du RER B. Huit ans, c’est une tranche de vie ! Vous êtes au gouvernement depuis deux ans et un certain nombre de Français en ont déjà assez, imaginez donc ce que représente une période de huit ans !
Le pompon, c’est le Charles-de-Gaulle Express, dont il fallait s’empresser d’entamer les travaux, parce que vous imaginez que vous allez privatiser Aéroports de Paris. Ce train pour les riches s’adresse à 20 000 usagers, contre 1 million d’usagers par jour pour le RER B. Vous avez commencé les travaux avant même que la concertation avec le préfet, les élus et les citoyens que vous aviez lancée soit terminée ; quand des citoyens se sont mobilisés, avec la maire de Mitry-Mory, Charlotte Blandiot-Faride, votre seule réponse a été d’envoyer les CRS pour les déloger.
Je vous le dis, madame la secrétaire d’État, ce n’est pas sérieux. Il faut immédiatement annoncer un moratoire sur les travaux du Charles-de-Gaulle Express et reprendre la concertation. À défaut, cette concertation que vous appelez, comme toujours, de vos vœux ne sera que de la poudre aux yeux.
Pendant ce temps, les habitants de la Seine-Saint-Denis galèrent et cela suffit ! (M. Olivier Jacquin applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Fabien Gay, je partage votre appréciation sur ce beau département de la Seine-Saint-Denis, que je connais pour y avoir travaillé durant quatre ans.
Votre question s’adresse à Mme Borne, qui, ne pouvant être présente, m’a chargée de vous répondre.
Le projet du Charles-de-Gaulle Express est indispensable pour améliorer le lien entre le centre de Paris et son principal aéroport. Cette liaison est vitale pour l’économie et pour l’attractivité de notre pays et de sa capitale, qui reste la première destination touristique d’Europe. Vous le savez, les accès par les autoroutes A1 et A3 et le RER B sont saturés et ne pourront suffire à la croissance de cet aéroport.
Aussi, si les préoccupations concernant le transport du quotidien sont légitimes et sont même en tête du projet du ministère des transports, elles ne remettent pas en cause l’opportunité de ce projet du Charles-de-Gaulle Express. C’est la raison pour laquelle Mme Borne a signé le contrat de concession le 11 février dernier avec SNCF Réseau, Aéroports de Paris et la Caisse des dépôts et consignations, lançant les travaux du Charles-de-Gaulle Express.
Je souligne, par ailleurs, que ce chantier se fait bien en coordination avec les autres projets en cours pour les transports du quotidien en Île-de-France, et en aucun cas à leur détriment. Dans le cadre de cette réalisation, 530 millions d’euros d’investissement vont ainsi bénéficier aux transports du quotidien, dont 190 millions d’euros pour le RER B.
Le RER B, vous l’avez dit, est une ligne essentielle au transport du quotidien des Franciliens. Il transporte 860 000 voyageurs par jour et a besoin d’investissements, auxquels l’État prend pleinement sa part. Le RER B bénéficie de l’enveloppe de 1,3 milliard d’euros prévue dans le contrat de plan État-région pour l’ensemble des schémas directeurs des RER : plus de 300 millions d’euros lui ont déjà été attribués entre 2015 et 2018. D’importants travaux vont, par ailleurs, se poursuivre en 2019, portant notamment sur la régénération des caténaires et l’optimisation du découplage électrique de la partie nord de la ligne B.
De plus, d’ici à 2025, deux évolutions majeures vont intervenir sur le RER B. La première, c’est l’arrivée d’un nouveau matériel roulant plus fiable, plus capacitaire et plus confortable. La seconde, c’est la mise en place d’un nouveau système d’exploitation innovant offrant une meilleure régularité pour les trains et une robustesse renforcée face aux aléas d’exploitation. L’État, ses établissements publics et la région Île-de-France donnent ainsi une priorité importante aux transports du quotidien.
M. Fabien Gay. Je vous suggère de prendre ce RER !
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, en remplacement de M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 726, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Olivier Jacquin. Madame la secrétaire d’État, cette question devait en effet vous être posée par mon collègue et ami Jean-Marc Todeschini, qui est actuellement retenu aux Invalides pour l’hommage rendu à nos deux soldats, auquel nous nous associons évidemment. Cette question concerne également mon département, qui subit les mêmes difficultés sur la même ligne de TER que la Moselle.
Au 1er janvier 2020 – c’est presque demain –, toutes les machines qui ne seront pas équipées du système européen de contrôle des trains, dispositif permettant de gérer l’espacement entre les trains et d’améliorer la sécurité, ne pourront plus passer les frontières, notamment celles du Luxembourg. En Lorraine, à ce jour, seule une rame a été équipée sur les vingt-cinq qui constituent la flotte du TER Lorraine sur la ligne reliant Nancy et Metz à Luxembourg. Pour rappel, ces TER sont empruntés quotidiennement par plus de 12 000 personnes.
Dernièrement, les élus du conseil régional de Grand Est ont reçu une annonce rassurante leur précisant que le service serait assuré par une flotte de vingt-cinq rames automotrices Alstom TER 2N NG à deux niveaux, comportant chacune trois caisses offrant près de cinq cents places, appartenant au parc TER Grand Est et rendues aptes à circuler au Luxembourg.
Or cela n’est pas exact, ainsi que l’ont confirmé à Jean-Marc Todeschini des syndicalistes de l’entreprise et des membres du CESE Grand Est. Au 25 mars 2019, une seule rame était équipée, mais n’était pas encore homologuée, c’est-à-dire apte à circuler ; deux autres sont en cours d’équipement et vingt-deux sont en attente de travaux. Ceux-ci durent deux mois pour chaque rame ; il reste donc au minimum une année entière de travail pour les machines TER non encore équipées.
En outre, cette nouvelle technologie nécessite aussi une formation de dix jours des deux cents agents de conduite. À ce jour, une vingtaine d’agents seulement auraient été partiellement formés. Tout cela à moins de huit mois de l’échéance, alors que le service doit être assuré !
La ministre Borne s’est récemment déplacée dans le secteur et a pu constater les difficultés de ce transit quotidien transfrontalier entre le Luxembourg et la Lorraine.
Aujourd’hui, la conjugaison du manque d’anticipation de la SNCF et de la région Grand Est nous conduit irrémédiablement vers un désastre.
Madame la secrétaire d’État, envisagez-vous de solliciter le gouvernement luxembourgeois pour obtenir de sa part un délai supplémentaire, au-delà du 1er janvier 2020, pour former nos agents de conduite et équiper nos machines ? Comme la SNCF ne semble pas être en mesure de modifier nos trains dans le temps imparti, envisagez-vous de demander à nos voisins luxembourgeois de nous aider à réaliser la mise aux normes de ces machines, comme eux ont su le faire avec leurs propres motrices ? Sans cela, la conséquence immédiate serait des ruptures de charge en gare de Thionville, qui ne pourraient que détourner les usagers frontaliers du seul mode de transport propre qui leur est actuellement proposé.
Cela n’est pas admissible,…
M. le président. Merci, cher collègue !
M. Olivier Jacquin. … et nous ne pouvons pas rester les bras croisés !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Olivier Jacquin – je salue à travers vous M. le sénateur Jean-Marc Todeschini –, vous avez bien voulu appeler l’attention de Mme Borne sur le risque de rupture de la continuité du service public ferroviaire entre la Lorraine et le Grand-Duché de Luxembourg à l’horizon de 2020. En effet, vous l’avez rappelé, les autorités luxembourgeoises envisagent de désactiver leur système de sécurité et de n’autoriser la circulation des rames françaises jusqu’à Luxembourg que sous couvert du système européen de gestion du trafic ferroviaire, dit ERTMS.
SNCF Mobilités a engagé en 2016 le projet d’équipement des rames TER concernées, dont l’achèvement était initialement prévu le 30 juin 2021. Cela correspondait alors à la date limite de l’autorisation accordée par l’administration des chemins de fer luxembourgeoise pour continuer à circuler sous couvert du système existant.
À la suite de la collision ferroviaire survenue à Dudelange le 14 février 2017, l’administration luxembourgeoise a avancé au 31 décembre 2019 la fin de ce système dérogatoire. SNCF Mobilités a alors réalisé un important travail d’optimisation de son programme industriel, qui lui a permis d’en raccourcir la durée initiale d’un an, au 30 juin 2020. La SNCF a, par ailleurs, confirmé aux services du ministère que les formations des agents de conduite se déroulent comme prévu.
Comme vous le soulignez, malgré cette accélération très significative du programme, seule la moitié des rames sera équipée au 1er janvier 2020. Néanmoins, si, à cette date, le système de sécurité ferroviaire luxembourgeois existant est définitivement désactivé, le plan de transport entre Nancy, Metz et Luxembourg devra être modifié, en pénalisant de nombreux voyageurs transfrontaliers, en raison de l’obligation de changer de train en gare de Thionville.
Dans l’objectif de maintenir le niveau de service sur cette liaison ferroviaire, Mme Borne a écrit à son homologue du Luxembourg pour appuyer la demande de la SNCF et du président de la région Grand Est de maintenir opérationnel à titre dérogatoire le système actuel jusqu’en juin 2020, c’est-à-dire six mois au-delà de la date de désactivation prévue aujourd’hui, mais un an avant la date initialement annoncée. Cette demande est en cours d’examen par les autorités luxembourgeoises.
maintien des arrêts au niveau des gares de tenay-hauteville et de virieu-le-grand – belley
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 433, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Patrick Chaize. Ma question porte sur l’inquiétude que suscitent les changements opérés depuis quelques mois au niveau des gares de Tenay-Hauteville et de Virieu-le-Grand – Belley, dans le département de l’Ain.
Ces deux gares connaissent une baisse significative de leur desserte, en raison d’un problème de ponctualité sur le tronçon, lié aux travaux en cours à la gare de Lyon-Part-Dieu. Cette situation n’est pas sans conséquence pour les usagers du service public ferroviaire que sont les étudiants, les résidents actifs, les acteurs économiques et associatifs de ces territoires, qui empruntent de façon régulière le train pour rejoindre, notamment, les métropoles voisines de Lyon et de Genève.
Il convient de rappeler l’amputation dont ont déjà fait l’objet ces deux gares en 2013 et en 2014, avec la fermeture de leurs guichets de manière unilatérale.
En raison des travaux en cours, les mesures de suppression de certains trains, de diminution significative de desserte des gares de Tenay-Hauteville et de Virieu-le-Grand – Belley ou encore de remplacement de trains par des bus sont acceptées, pourvu qu’elles soient temporaires. Pour les prochaines années, il est impératif de tenir compte des besoins absolus de désenclavement des territoires ruraux. Une modification définitive des dessertes porterait atteinte au droit à la mobilité.
Le train est sans aucun doute un élément structurant qui dessert de nombreuses localités de l’Ain et améliore considérablement leur accès, y compris aux plus petites d’entre elles. L’offre de transport public est indispensable et déterminante pour nos territoires et leur avenir.
En décembre 2017, Mme la ministre chargée des transports a dit : « Pas plus que nous n’acceptons de zones blanches en matière de numérique ou de santé, nous ne pouvons les accepter pour les transports. »
Aussi, face aux craintes des élus quant aux menaces qui pèsent sur l’avenir des gares de Tenay-Hauteville et de Virieu-le-Grand – Belley, je vous demande, madame la secrétaire d’État, de me confirmer que leur desserte sera bien rétablie telle qu’elle était avant l’engagement des travaux à la gare de Lyon-Part-Dieu, afin de garantir à la population aindinoise des arrêts compatibles avec les temps de la vie active et sociale et d’acheminer les passagers de leur lieu de vie à leur lieu d’activités régulières ou ponctuelles.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Patrick Chaize, vous appelez l’attention de Mme Borne sur le projet de suppression de dessertes ferroviaires concernant les gares de Tenay-Hauteville et de Virieu-le-Grand - Belley depuis décembre 2018, avec l’entrée en vigueur de l’horaire de service 2019.
Tout d’abord, je tiens à rappeler que ces deux gares de l’Ain sont desservies uniquement par des TER exploités par SNCF Mobilités dans le cadre d’une convention avec la région Auvergne-Rhône-Alpes. En tant qu’autorité organisatrice, cette région est donc la seule compétente pour définir l’offre ferroviaire en fonction de l’analyse qu’elle fait des besoins de mobilité des usagers et en tenant compte, aussi, des contraintes particulières d’exploitation qu’elle étudie avec l’entreprise ferroviaire. C’est donc bien la région qui est compétente pour décider des horaires. L’État, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, n’intervient pas dans ces choix, même si le ministère des transports a eu l’occasion de faire part à la région des difficultés que l’offre mise en place soulevait.
La SNCF a ainsi confirmé aux services du ministère des transports que la construction de l’horaire de service 2019 a bien fait l’objet d’une concertation étroite entre la région Auvergne Rhône-Alpes, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Les adaptations des dessertes des gares de Tenay-Hauteville et de Virieu-le-Grand - Belley ont été instruites collégialement et validées par la région, qui me semble être la collectivité à laquelle cette question s’adresse.
Plus précisément, les modifications prévues dans ces deux gares ne concernent que les TER Lyon-Genève, en raison de nouvelles contraintes d’exploitation : d’une part, les travaux qui débutent en gare de Lyon-Part-Dieu vont limiter les capacités d’accès ; d’autre part, le cadencement des horaires en Suisse oblige à respecter des horaires d’arrivée très précis en gare de Genève.
En revanche, l’ouverture de ces deux gares n’est pas remise en cause. Elles continueront à être desservies par les trains TER assurant la liaison entre Chambéry et Ambérieu.
En réponse aux besoins des voyageurs du quotidien, en particulier, les services TER en train ou autocar à partir de ces deux gares permettront des correspondances à Ambérieu vers Lyon. Vers Genève, les itinéraires proposés passeront, selon les heures de la journée, par Culoz ou par Ambérieu.
impossibilité d’effectuer des trajets die-gap ou die-valence sur la ligne paris-briançon
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 647, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Bernard Buis. Madame la secrétaire d’État, élu du Diois et de la vallée de la Drôme, territoires dont les habitants, les travailleurs et les étudiants ont besoin de solutions de mobilité, je souhaite appeler votre attention sur l’impossibilité d’effectuer des trajets Die-Gap ou Die-Valence sur la ligne Paris-Briançon.
Alors que cette ligne est en cours de rénovation sur sa partie Livron-Veynes, avec un financement de l’État et de la région AURA, et que le département de la Drôme s’est également engagé à participer, il est difficile de comprendre que le train Paris-Briançon ne desserve, depuis le 1er janvier 2018, que les gares en provenance de Paris et seulement le terminus au départ de Briançon. Le train ne peut donc pas être utilisé pour du cabotage, même s’il s’arrête dans les gares.
À Die, on peut descendre en arrivant de Paris, mais pas monter pour aller à Briançon, alors que le train s’arrête et que des voyageurs descendent. Il en est de même pour les gares de Veynes et de Gap.
Vers Paris, on peut monter pour aller à Paris, mais pas descendre pour s’arrêter à Valence.
De plus, certains week-ends de forte affluence, notamment pendant les vacances d’hiver, ce train ne s’arrête pas à Die, comme cela a été le cas les 23 et 24 février dernier, par exemple.
Il semble aberrant d’engager des investissements sur une ligne où les trains passent et s’arrêtent sans que l’on puisse y monter pour faire du cabotage ; ni la population ni les élus ne peuvent le comprendre. Je suis intervenu auprès du président de la SNCF Guillaume Pepy à propos de cette incohérence, sans succès.
Madame la secrétaire d’État, alors que nous avons réfléchi ici même ensemble sur le projet de loi Mobilités, serait-il possible d’intervenir auprès de la SNCF pour revenir à la situation antérieure au 1er janvier 2018, qui permettait de desservir réellement le territoire en permettant de monter dans les trains qui s’arrêtent en gare et pas uniquement d’en descendre ? Cela contribuerait à rendre le train enfin attractif.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Bernard Buis, vous avez appelé l’attention de Mme Borne sur l’impossibilité d’effectuer des trajets Die-Gap ou Die-Valence sur la ligne Paris-Briançon, alors même que des travaux de sécurité ont été financés.
Mme Borne et moi partageons votre incompréhension sur l’impossibilité d’effectuer des trajets locaux dans le train de nuit Paris-Briançon. Nous avons donc demandé aux services du ministère de se rapprocher des régions AURA et Sud/PACA afin d’estimer le nombre de voyageurs intéressés, de définir les modalités d’accès à ce train et de mettre en place le conventionnement adéquat.
Toutefois, la capacité d’accueil des voyageurs réalisant des liaisons locales est limitée, car le train n’est composé que d’une seule voiture équipée de sièges inclinables, les autres étant équipées de couchettes, dont les usagers ne sauraient être dérangés en cours de parcours.
Par ailleurs, les horaires de desserte de ce train longue distance sont conçus pour répondre au mieux à la demande des voyageurs longue distance d’arriver tôt dans les villes desservies, tout en prenant en compte les nombreuses contraintes liées aux travaux d’infrastructures et aux circulations ferroviaires connexes. Seules des adaptations marginales d’horaires pourraient donc être envisagées.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. Bernard Buis. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État.
J’espère que nous pourrons trouver des solutions. Ce problème concerne peu de personnes, mais je pense notamment aux lycéens qui vont de Die à Gap et qui ne peuvent plus prendre ce train qui leur permettait d’arriver à huit heures du matin pour le début des cours.
éolien flottant
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteure de la question n° 585, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Maryvonne Blondin. Hasard du calendrier, le sujet de cette question, que j’ai déposée en décembre dernier, a fait l’objet d’un article du Canard enchaîné la semaine dernière et d’un article dans Ouest-France aujourd’hui. Cela aurait presque pu être une question d’actualité.
La France a été le premier pays à se lancer dans l’aventure de l’éolien flottant, mais aucun projet n’est encore sorti de l’eau en quinze ans, alors que notre concurrent le plus direct, l’Allemagne, va produire 5,3 gigawatts en 2020, soit l’équivalent de cinq à six centrales nucléaires.
Malgré les affichages des différents plans d’énergie renouvelable – Grenelle, transition énergétique, plan Climat –, rien ne bouge ! Les difficultés rencontrées sont de tous ordres : administratifs, juridiques, financiers. S’y ajoute un manque d’ambition évident de la politique gouvernementale.
Or, sur le terrain, les professionnels et les chercheurs se sont lancés, soutenus par les élus. En novembre dernier, les présidents des régions littorales ont réagi au projet de la PPE, jugeant le volet énergies marines particulièrement insuffisant. Ces régions ont fait le choix d’accompagner le développement de cette filière, en engageant des investissements portuaires massifs et en mobilisant leurs écosystèmes d’entreprises.
Six projets de parcs sont annoncés, mais, encore une fois, retardés, au risque d’enrayer la compétitivité de la France et de reporter une énième fois la transition énergétique, pourtant absolument nécessaire.
Face à l’insuffisance de ce volet, concernant les énergies marines, les six régions littorales métropolitaines ont élaboré, lors du conseil des présidents de régions de France, une contre-proposition ambitieuse pour répondre aux attentes des territoires en matière de transition énergétique.
Où en sommes-nous ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour soutenir l’éolien flottant, mais aussi l’hydrolien, et l’engagement des régions concernées ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Maryvonne Blondin, comme vous le soulignez à raison, les énergies renouvelables en mer sont une composante majeure de la transition énergétique. La loi de 2015 pour la transition énergétique et la croissance verte fixe un objectif de 40 % d’électricité renouvelable dans le mix électrique d’ici à 2030, et les énergies marines renouvelables seront nécessaires pour y parvenir.
Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite en priorité développer l’éolien en mer posé et l’éolien flottant, qui sont les filières les plus matures des énergies marines renouvelables. Le gisement est important, la production d’énergie est plus régulière et importante qu’à terre, et ces technologies sont créatrices d’emplois en France.
Pour ce faire, le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, propose un calendrier des prochains projets éoliens en mer. Il prévoit, en particulier, l’attribution par l’État d’un nouveau projet chaque année. Le Gouvernement propose ainsi de lancer, après un nouveau projet d’éolien en mer posé en Normandie, deux premiers appels d’offres commerciaux d’éolien flottant en Bretagne et en Méditerranée. L’annonce d’appels d’offres commerciaux sur l’éolien flottant constitue une première en Europe. Le projet de programmation ouvrira ensuite la voie au lancement d’autres projets pour atteindre une capacité installée comprise entre 4,7 et 5,2 gigawatts en 2028.
Pour l’éolien flottant, plus particulièrement, l’enjeu est de permettre à cette filière de passer au stade industriel, après notre soutien aux quatre fermes pilotes en Bretagne et en Méditerranée. La France dispose en effet d’un avantage compétitif que nous conserverons en étant les premiers en Europe à annoncer un appel d’offres d’éolien flottant commercial. Cependant, cette technologie est encore coûteuse en termes de soutien public et, si les acteurs s’accordent à considérer que les prix se rapprocheront à moyen terme de ceux de l’éolien posé, les premiers parcs seront forcément plus chers. Dans un souci de maîtrise de l’impact sur les consommateurs et sur le budget de l’État, le Gouvernement a donc proposé de lancer la filière avec deux projets commerciaux, afin d’enclencher la baisse des prix et d’augmenter les volumes au fur et à mesure de la plus grande compétitivité de cette technologie.
Pour engager ces futurs projets et comme le prévoit la réforme issue de la loi Essoc, le ministre d’État François de Rugy saisira la Commission nationale du débat public préalablement au lancement de l’appel d’offres pour qu’elle détermine les conditions de la consultation du public sur le prochain projet éolien en mer. Pour l’éolien flottant en Bretagne, la CNDP sera saisie d’ici à la fin de 2019 afin de lancer cette première étape.
La mobilisation des acteurs pour l’éolien flottant, en particulier des régions comme la Bretagne, l’Occitanie ou Provence-Alpes-Côte d’Azur, est un signal fort et essentiel pour le lancement des filières industrielles. Pour garantir le succès de l’éolien flottant, il est indispensable que l’ensemble des parties prenantes se mobilisent. Je vous confirme que l’État jouera pleinement son rôle.
réglementation de la chasse aux colombidés et du sanglier en dordogne
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 652, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Bernard Cazeau. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur l’évolution de la réglementation de la chasse aux colombidés et au sanglier en Dordogne. La fédération périgourdine des chasseurs a alerté les pouvoirs publics sur l’obsolescence des arrêtés ministériels pris pour ces deux espèces.
Concernant la chasse aux colombidés, un arrêté daté du 11 août 2006 bloque à deux niveaux la chasse des oiseaux voyageurs : la distance entre les installations est fixée à 300 mètres et la date de fin de la période de migration fixée au 20 novembre. Or les temps ont bien changé depuis douze ans. Le Périgord connaît désormais une expansion du pigeon ramier, espèce qui devient nuisible, particulièrement en campagne, s’attaquant le plus souvent aux cultures, tardives comme précoces, car un important contingent reste sédentaire. Il serait souhaitable de permettre une installation à 500 mètres de distance d’une installation existante et de fixer le 30 novembre comme fin de la période de migration.
Concernant la chasse au sanglier, le report in extremis de son interdiction réglementaire du 28 février au 31 mars 2019 a fait l’objet d’âpres négociations en Dordogne entre le préfet et la fédération départementale de chasse. Ces négociations sont de plus en plus laborieuses d’année en année, dans le cadre de la mise en œuvre du plan national de maîtrise du sanglier.
En matière de productions agricoles, particulièrement impactées pendant les périodes de semences, comme de sécurité routière ou de dégradation des territoires, les sangliers causent de plus en plus de dommages. En Périgord, ces animaux disposent d’un biotope favorable, avec une alternance de forêts, de cultures et de broussailles. Des habitations en zone périurbaine sont désormais la proie de dégradations de la part des suidés.
À cet égard, le 11 avril dernier, lors de l’examen du projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement, le Sénat a entendu améliorer la lutte contre les dégâts de grand gibier. Ainsi, le préfet pourra fixer au préalable chaque année, après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, le nombre minimal et maximal d’animaux à prélever pour les espèces concernées. L’article 3, modifié, du texte établit des quotas plus précis au niveau local et permet une rectification des plans de chasse par le préfet en cas d’augmentation significative des dégâts.
Pour autant, la réglementation de la chasse reste de la seule prérogative ministérielle. Aussi, je vous demande d’indiquer les clarifications, modifications et précisions réglementaires et législatives que le Gouvernement serait susceptible d’adopter ou de proposer en ce sens sur la réglementation de la chasse de ces deux espèces.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Cazeau, comme vous le savez, le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre les dégâts de gibier et dans la maîtrise des populations de grand gibier.
À la suite du comité de lutte mis en place à l’automne et à une mission confiée au député Alain Péréa et au sénateur Jean-Noël Cardoux, des évolutions favorables à la réduction des dégâts et des populations de grand gibier seront mises en œuvre dans le cadre de la modernisation de la chasse. Le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, adopté par votre assemblée en avril, prévoit, par exemple, d’interdire le nourrissage du grand gibier et d’inciter financièrement des chasseurs à prévenir les dégâts de gibier.
Concernant le sanglier, vous souhaitez que la période de chasse en battue soit étendue jusqu’à la fin mars en Dordogne afin de protéger les exploitations agricoles.
La question de la prolongation de la chasse du sanglier en mars est une problématique commune à tous les départements de métropole, qui fait actuellement l’objet d’une concertation nationale avec les représentants des chasseurs et des agriculteurs. Une décision sera prise avant la prochaine campagne cynégétique. Toutefois, en Dordogne, les propriétaires peuvent d’ores et déjà faire usage de leur droit de destruction à tir du sanglier en mars, pour prévenir des dégâts agricoles. Le sanglier y a en effet été classé comme « espèce susceptible d’occasionner des dégâts » par le préfet de département.
En ce qui concerne le pigeon ramier, un arrêté ministériel spécifique a été pris en 2006 pour encadrer la chasse aux colombidés en Dordogne ; il a amélioré les conditions de sécurité de ce type de chasse dans le département, tout en tenant compte des périodes de migration de ces espèces.
Vous souhaitez que les conditions de la chasse aux colombidés sur votre territoire puissent évoluer : une distance minimale entre installations portée à 500 mètres et une période de chasse étendue jusqu’à la fin novembre. Le Gouvernement va étudier avec la plus grande attention votre proposition, qui paraît aller dans le bon sens. En effet, elle permettrait de renforcer encore les règles de sécurité de l’exercice de cette chasse, en augmentant les distances entre les palombières, et de favoriser la prévention des dégâts occasionnés par les pigeons en allongeant la période de chasse en Dordogne, afin de tenir compte de l’évolution des périodes de migration de ces espèces dans le respect de la date de fermeture maximale, fixée au 10 février en métropole pour les colombidés.
abandon du projet de l’autoroute a831
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 151, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Didier Mandelli. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur un sujet que votre collègue chargée des transports connaît parfaitement, du fait de ses fonctions précédentes : l’abandon du projet d’autoroute A831, consistant à prolonger l’autoroute A83 de Fontenay-le-Comte, en Sud-Vendée, à Rochefort, sur soixante-quatre kilomètres.
Ce projet avait fait l’objet d’un consensus très large, voire unanime, parmi les élus de Vendée comme de Charente-Maritime, mais aussi des deux régions concernées : les Pays de la Loire et Poitou-Charentes, aujourd’hui Nouvelle-Aquitaine. Autorisé en 2011 par le Premier ministre d’alors, François Fillon, ce projet a ensuite été laissé en suspens, puis abandonné au travers de la non-prolongation de la déclaration d’utilité publique, à l’été 2015. De fait, ce projet ne figure plus dans aucun programme.
Manuel Valls, Premier ministre, s’était engagé à proposer une solution alternative, avec un soutien affirmé et fort de l’État. Dans ce cadre, il a confié une mission au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, qui a remis des propositions aux présidents des départements et régions concernés. Ces propositions n’ont pas fait l’objet d’un accord.
Aujourd’hui, le projet est au point mort, et les élus locaux, présidents de département en tête, souhaiteraient que le Gouvernement s’en saisisse de nouveau et propose des solutions en matière d’études et de financement de celles-ci, mais aussi d’accompagnement financier de la réalisation. Madame la secrétaire d’État, il s’agit d’un projet particulier, pour lequel des engagements forts ont été pris par l’État, successivement, avant 2012 et entre 2012 et 2017 : pouvons-nous connaître aujourd’hui la position du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Mandelli, vous avez appelé l’attention de Mme Borne sur les suites données à l’abandon du projet d’autoroute A831, qui devait relier Fontenay-le-Comte à Rochefort.
Comme vous le savez, la déclaration d’utilité publique du projet d’autoroute A831 est arrivée à échéance le 13 juillet 2015. Un important travail a alors été engagé, sous l’égide du préfet de région, afin de dessiner des scenarii alternatifs, respectueux des enjeux environnementaux forts du secteur. Ces scenarii s’appuient sur un réaménagement du réseau routier départemental existant, et un projet de protocole a pu être finalisé en juillet 2016.
Comme vous le savez également, dans un courrier du 23 novembre de la même année, les élus ont signifié leur refus de signer ce protocole, en raison notamment d’une participation jugée insuffisante de l’État – celle-ci s’élevait néanmoins à un quart du financement des études. Par ailleurs, les élus ont souligné leur volonté de revenir à une mise à deux fois deux voies sous statut autoroutier. Malheureusement, cette position de principe des élus a conduit à l’époque à un blocage du dossier.
À la suite du rapport de M. Francis Rol-Tanguy sur les mobilités dans le Grand Ouest, les réflexions ont été poursuivies pour la programmation des grandes infrastructures de transport de ce territoire. Elles ont notamment abouti à l’élaboration du contrat d’avenir pour la région Pays de la Loire, qui constitue un schéma global et cohérent de développement du territoire. Ce schéma intègre en particulier la problématique des liaisons entre la Vendée et la Charente-Maritime.
En signant ce contrat d’avenir, le 8 février dernier, le Gouvernement a réaffirmé l’engagement de l’État dans l’élaboration d’un projet alternatif à l’autoroute A831. L’État est prêt à apporter son appui aux études de ce projet. Il s’agira de développer une solution d’aménagement adaptée, permettant de faciliter des déplacements entre Nantes et La Rochelle, en complément du travail engagé sur la ligne ferroviaire Nantes-Bordeaux.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. J’appelle de mes vœux une reprise de la discussion avec les collectivités territoriales. Nous sommes conscients de ce qui a été intégré dans le rapport de M. Rol-Tanguy dans le cadre du contrat d’avenir, mais le financement envisagé porte uniquement sur les études. Dans l’intérêt de la traversée de Marans et des autres communes concernées, de Vendée et de Charente-Maritime, nous souhaitons que des éléments de financement soient prévus aussi pour la réalisation du projet.
mesures envisagées pour les outre-mer à la suite du grand débat national
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, auteure de la question n° 762, transmise à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Victoire Jasmin. Le 1er février dernier, avec d’autres élus des outre-mer, j’ai participé à la rencontre avec M. le Président de la République organisée dans le cadre du grand débat national : une consultation dont la méthode et l’utilité furent discutables, s’agissant notamment des approximations sur le chlordécone. Le plus regrettable, c’est que, un an après les Assises des outre-mer, l’urgence n’était plus à répéter ce que nous savons déjà : les enjeux sont bien connus, et nos populations attendent désespérément des mesures concrètes pour y remédier !
Après les différents mouvements de grève générale de ces dernières années, elles s’impatientent légitimement : elles veulent des réponses en matière d’emploi, de pouvoir d’achat et de préservation de la biodiversité ou encore de développement durable.
Plus préoccupant que tous les autres, un sujet suscite sur l’ensemble du territoire national, mais plus particulièrement dans les outre-mer, l’inquiétude et l’indignation de tous : la santé et la qualité de vie sur nos territoires.
Dans les territoires éloignés et surexposés aux risques climatiques et environnementaux comme le sont les nôtres, il est urgent de repenser le maillage de l’offre de soins, avec ses conséquences financières lourdes pour la plupart des grands centres hospitaliers. Il s’agit d’éviter les pertes de chances pour nos populations, d’améliorer la qualité de vie au travail des professionnels de santé, en particulier des médecins, et de renforcer l’attractivité médicale des zones les moins dotées.
Vous n’êtes pas sans savoir que, en Guadeloupe, depuis l’incendie du centre hospitalier universitaire et en dépit de la bonne volonté de tous, les difficultés s’accumulent. En particulier, des problèmes de trésorerie et d’approvisionnement en matériel médical affectent l’offre de soins et les conditions de travail des personnels soignants. Ces difficultés, ainsi que le problème de l’imagerie, s’ajoutent à toutes celles, récurrentes, que nous connaissons toujours.
Dans l’attente du nouveau centre hospitalier et face à l’ampleur des besoins, à des usagers logiquement inquiets et à la prévalence des maladies chroniques, quelles sont, madame la secrétaire d’État, les mesures spécifiques aux outre-mer que le Gouvernement envisage à la suite du grand débat national ? Lesquelles projetez-vous d’intégrer au futur projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Victoire Jasmin, vous avez interpellé le Premier ministre et le ministre d’État sur les mesures spécifiques envisagées par le Gouvernement pour les outre-mer dans le cadre des suites à donner au grand débat national.
Ce grand débat s’est inscrit dans le prolongement des Assises des outre-mer, au cours desquelles plus de 25 000 citoyens ultramarins s’étaient exprimés. Ces demandes et remarques nous obligent ; elles nous forcent à être attentifs aux demandes de nos concitoyens. Notre méthode n’a pas changé et tient toujours en trois mots : écoute, décision, transparence.
Vous m’interrogez plus précisément sur les points de sortie du grand débat en ce qui concerne les outre-mer. Je veux vous rassurer : nous agissons.
De fait, le Gouvernement pilote une réforme audacieuse des aides économiques dans les territoires ultramarins, pour créer de nouveaux emplois et rendre ces territoires plus attractifs. Dans ce cadre, 700 millions d’euros seront engagés en matière de formation professionnelle.
La problématique de la santé et de la solidarité, que vous avez soulevée, fera l’objet d’une attention toute particulière. Plusieurs centaines de postes de médecins supplémentaires seront créés et 6 500 places de crèche ouvertes. En outre, un fonds de santé spécifique à la lutte contre les addictions va être mis en place.
Quant à l’environnement, ce sont près de 70 millions d’euros qui seront déployés dans le cadre du plan Eau dans les départements ultramarins. Plus globalement, Annick Girardin a lancé une démarche ambitieuse, la Trajectoire outre-mer 5.0.
Madame la sénatrice, vous connaissez l’importance de ces mesures sur votre territoire. Le grand débat comme les Assises des outre-mer ne sont pas que des chiffres et des paroles : ils sont le socle d’ambitions nouvelles et fortes pour l’emploi, la santé, la biodiversité, la réduction des gaz à effet de serre et la lutte contre le réchauffement climatique. Cette feuille de route sera déployée dans les prochains mois, et nous veillerons à ce qu’elle réponde aux attentes de nos compatriotes.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Je remercie tous nos collègues, ainsi que les membres du Gouvernement, qui ont pris part à cette séance. Nous n’avons pas pu assister ce matin à l’hommage rendu aux Invalides aux deux soldats morts pour la France, mais nos pensées vont évidemment vers eux.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Hommage aux soldats tués au Burkina Faso
M. le président. Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir vous lever. (M. le ministre, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Deux militaires, le premier-maître Cédric de Pierrepont et le premier-maître Alain Bertoncello, officiers mariniers au sein du commandement des opérations spéciales, ont tragiquement trouvé la mort au Sahel, au cours d’une mission ayant abouti à la libération de quatre otages, dont deux de nos compatriotes, détenus par un groupe de terroristes qui avaient sauvagement assassiné leur guide béninois.
Au nom du Sénat tout entier, je tiens à saluer le courage de ces deux militaires, qui ont donné leur vie pour sauver celles des otages et à qui la Nation tout entière a rendu un hommage solennel ce matin, autour du Président de la République.
Nous adressons nos pensées émues à leurs familles, à leurs proches et à leurs frères d’armes.
Ce tragique dénouement nous rappelle l’engagement résolu de nos forces armées, que je tiens à saluer en votre nom à tous, pour lutter contre le terrorisme et assurer, partout dans le monde, la protection de nos concitoyens et des valeurs que nous avons en partage.
Je vous invite à observer un moment de recueillement en hommage à nos deux soldats. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre observent une minute de silence.)
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Scrutin pour l’élection de juges à la Cour de justice de la République
M. le président. L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.
Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 86 bis du règlement, au scrutin secret pour l’élection à la Cour de justice de la République. Ce scrutin se déroulera dans la salle des conférences, et la séance ne sera pas suspendue durant les opérations de vote.
Une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je remercie nos collègues Daniel Dubois et Annie Guillemot, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Les juges à la Cour de justice de la République nouvellement élus seront immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.
Je déclare ouvert le scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République. Il sera clos dans une demi-heure.
5
Pour une école de la confiance
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (projet n° 323, texte de la commission n° 474, rapport n° 473).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’associe à l’hommage qui vient d’être rendu à deux héros de la Nation. J’ai suggéré que des écoles, collèges et lycées puissent porter leurs noms ; nous en faisons la proposition aux collectivités territoriales, comme nous l’avons fait pour le lieutenant-colonel Beltrame, car il est très important que soit donné à nos élèves et à notre pays l’exemple de ces hommes, qui incarnent au mieux la défense des valeurs de la République.
Je suis heureux de présenter aujourd’hui le projet de loi pour une école de la confiance à l’examen de la Haute Assemblée.
Depuis un certain nombre d’années, notre école souffre de la difficulté à réduire les inégalités sociales, à permettre à tous les élèves de maîtriser les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter, respecter autrui – et, au-delà, à s’insérer dans la vie professionnelle. Deux chiffres, que nous ne devons jamais oublier dans nos débats, s’imposent à nous : plus de 20 % des élèves ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux à la fin de l’école primaire et près de 23 % de nos jeunes sont aujourd’hui au chômage. Aux deux extrémités de notre système se pose évidemment une grande interrogation sur les causes et les raisons de ces phénomènes.
Bien entendu, nous avons l’impérieuse nécessité d’apporter des réponses concrètes et efficaces. Nous devons combattre collectivement les chiffres que je viens de citer, car s’y cachent derrière des réalités sociales, que nous devons changer avec une constance d’airain.
Au-delà de leur froideur, ces chiffres témoignent de la frustration, du doute sur l’avenir et, tout simplement, du sentiment de relégation qui peut être éprouvé par certains de nos compatriotes. C’est pourquoi ma priorité absolue et constante est, depuis deux ans, l’école primaire. En effet, l’école primaire est la clé de l’amélioration collective de notre système scolaire et, donc, de notre Nation. Elle joue, dans l’histoire de notre République, un rôle tout particulier, un rôle emblématique : c’est par elle que tout commence pour la vie d’un enfant comme pour la République.
C’est par une politique d’élévation résolue du niveau, de justice sociale et d’équité territoriale que nous pouvons hisser l’école française parmi les meilleurs systèmes au monde, ce qu’elle a su être. Nous ferons ainsi de la France, selon les vœux mêmes du Président de la République, des vœux qu’il a réitérés, une grande puissance éducative, car nous devons aussi raisonner à l’échelle mondiale.
Le projet de loi qui vous est présenté ne prétend pas résoudre tous les problèmes – je l’ai d’ailleurs indiqué dès l’origine –, mais il approfondit le sillon que nous avons tracé depuis deux ans.
D’abord, la politique de l’école primaire a abouti à diviser par deux les classes de CP et de CE1 dans les territoires les plus défavorisés, permettant ainsi, au moment où je vous parle, à 190 000 élèves de bénéficier de conditions particulières pour démarrer leur vie d’élève. Cette mesure, qui commence à faire ses preuves, concernera 300 000 élèves à la rentrée prochaine. Elle va évidemment de pair avec une politique pédagogique renouvelée, au travers de recommandations pédagogiques qui s’inspirent non seulement des travaux scientifiques portant sur les meilleures pratiques en matière d’acquisition des savoirs fondamentaux et de l’expérience, mais également des évaluations des classes de CP et de CE1 notamment, qui nous permettent de bien mesurer les progrès individuels et collectifs de nos élèves.
Il convient donc d’engager un investissement massif dans l’école primaire. Ce sera d’ailleurs encore le cas lors de la rentrée de 2019, avec la création de 2 300 postes, et ce dans un contexte de baisse démographique. Cette mesure doit nous permettre non seulement de mener cette politique dans les territoires classés REP et REP+, mais également de consolider l’école rurale, une consolidation que le Président de la République a confirmée au cours de sa récente allocution. Il s’agit donc aujourd’hui d’une mobilisation à la fois pédagogique et budgétaire au service de l’école primaire.
Le projet de loi dont nous nous apprêtons à débattre s’inscrit donc pleinement dans la priorité éducative rappelée et approfondie par le Président de la République au cours de sa conférence de presse du 25 avril dernier au cours de laquelle il a annoncé, outre les éléments que je viens d’indiquer, la fin des fermetures d’écoles primaires sans l’accord du maire, le dédoublement des grandes sections de maternelle classées en zone d’éducation prioritaire et la limitation à 24 élèves par classe en grande section, en CP et en CE1 partout en France.
Le projet de loi pour une école de la confiance s’inscrit dans une politique générale qui fait de l’éducation le cœur du projet de société que nous avons pour l’élévation du niveau général de notre peuple, mais aussi pour la justice sociale.
Tant de choses ont été dites à propos de ce projet de loi… Aussi, j’espère vivement que les débats au sein de la Haute Assemblée permettront de rectifier certaines erreurs, certains mensonges même. Je suis d’ailleurs frappé de constater que ces erreurs et mensonges n’existaient pas lorsque le texte a été examiné par la chambre basse. Ce n’est que dans l’intervalle entre l’examen du texte par l’Assemblée nationale et le Sénat que ceux-ci ont prospéré. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Je veux voir dans la démocratie parlementaire la vertu de pouvoir discuter, sur des bases réelles, le contenu d’une loi. C’est ce que l’on attend de la démocratie représentative, et c’est, me semble-t-il, ce que nous avons à démontrer. Nous pouvons avoir des points de vue différents sur chacun des articles, mais nous ne saurions décrire l’article autrement qu’il n’est.
L’article 1er de ce projet de loi ne vise en aucun cas à museler les professeurs, comme je l’ai entendu. Il rappelle tout simplement à tous ceux qui ont décidé d’être fonctionnaires les droits et les devoirs afférents, qui ont été définis par des lois précédentes. Il rappelle surtout un principe essentiel sur lequel on ne peut transiger, à savoir le respect de la communauté éducative par les familles.
Autrement dit, non seulement cet article ne crée pas de contrainte nouvelle pour les professeurs, mais il est, au contraire, le fondement juridique d’un respect accru pour cette fonction par le reste de la société. Dans ces conditions, il est étonnant qu’il ait été présenté comme le contraire de ce qu’il est.
Pour prendre un autre exemple, l’article 2 ter du projet de loi ne consiste certainement pas à supprimer la visite médicale à 6 ans ; c’est même tout l’inverse. En cohérence avec l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, il avance l’âge de la première visite médicale à 3 ans, offrant ainsi à tous les élèves un parcours de santé entre 0 et 6 ans.
Cet article, comme bien d’autres, fait de ce texte une loi profondément sociale. D’ailleurs, si je ne devais insister que sur un point, ce serait celui-là. Cette loi, qui est une loi pour l’éducation, est d’abord et avant tout une loi profondément sociale. Non seulement elle vise les élèves les plus défavorisés, mais elle crée également les conditions d’une véritable ascension sociale par l’éducation ; j’en donnerai une nouvelle illustration avec l’article 14.
Là encore, avec cet article, il n’a jamais été question d’imaginer que des étudiants, au début de leur parcours, remplacent des professeurs, comme je l’ai souvent lu et entendu ces dernières semaines ; c’est même tout l’inverse. Il s’agit de renouer avec une tradition qui a bien réussi à notre école républicaine.
Pendant de nombreuses décennies, nous avons cherché à encourager et susciter les vocations enseignantes afin que les professeurs soient issus de toutes les classes sociales. Le dispositif de préprofessionnalisation, jadis appelé IPES, est une mesure profondément sociale, qui permettra à des jeunes de vivre leur passion de transmettre.
Ainsi, dès la rentrée prochaine, des étudiants en deuxième année de licence recevront 700 euros par mois, en plus de leur bourse, pour faire de l’aide aux devoirs, pour seconder les professeurs, et certainement pas pour les remplacer. Il s’agit donc, je le répète, d’une mesure profondément sociale, de nature aussi à attirer vers l’éducation nationale plus de vocations, notamment dans les disciplines où nous en avons le plus besoin. Pourquoi ne pouvons-nous pas obtenir l’union de toutes les femmes et de tous les hommes de progrès sur un tel sujet ? Pourquoi entendons-nous des propos faux en la matière, alors que nous renouons avec ce qui fait normalement consensus autour de l’école de la République ?
M. Pierre Laurent. On ne sait pas lire ! On n’est pas allé à l’école !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il est donc souhaitable que nos débats rétablissent des vérités simples sur ces articles.
Je veux vous le dire très solennellement, lorsque l’on contribue à colporter de fausses interprétations des articles, non seulement on ne concourt pas à corriger quelque chose qui, justement, n’est pas à corriger puisque cela ne correspond pas à la réalité, mais, en plus, on participe à cette désespérance qui, elle-même, va à l’encontre du progrès social. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Ça va être notre faute !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Les commentaires des commentaires n’ont toutefois pas réussi à obscurcir la visée fondamentale de ce texte.
Il faut maintenant identifier les leviers essentiels susceptibles d’améliorer notre politique éducative et les actionner afin d’atteindre la seule chose qui compte : le progrès effectif de tous les élèves.
Le premier des leviers est l’école primaire, tout particulièrement l’école maternelle. C’est là qu’il est possible d’attaquer les inégalités à la racine. Là aussi, j’ai entendu dire que le Gouvernement voulait supprimer les écoles maternelles.
Mme Éliane Assassi. On n’a jamais dit ça !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Certains me diront peut-être que je me trompe, prétendant que le texte n’a jamais indiqué que l’on supprimerait les écoles maternelles.
Mme Éliane Assassi. Nous non plus nous ne voulons pas les supprimer !
Mme Céline Brulin. On a déjà suffisamment de choses à dire sans en rajouter !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. C’est à ce niveau qu’il est possible d’attaquer les inégalités à la racine.
En fonction de son milieu social et culturel, un jeune enfant peut accumuler des retards linguistiques considérables. C’est pourquoi il importe tellement de faire de l’école maternelle une véritable école en abaissant l’obligation d’instruction à 3 ans.
Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est une grande fierté pour moi d’appartenir à un gouvernement à qui le Président de la République a demandé de s’inscrire dans la lignée des grandes lois républicaines sur l’obligation scolaire. Incontestablement, il s’agit aussi évidemment pour cette raison d’une loi sociale.
Depuis la fin du XIXe siècle, l’âge de la scolarité obligatoire n’a jamais été avancé, l’école maternelle n’ayant pas toujours été perçue comme une véritable école. Parfois, elle n’était pas fréquentée de façon régulière ou elle l’était sans assiduité. Le travail admirable des professeurs et des Atsem montre tout le contraire : l’école maternelle est un moment essentiel dans le parcours de l’élève.
Aujourd’hui, les travaux issus de la recherche soulignent que les années passées à l’école maternelle sont décisives pour la maîtrise future des savoirs fondamentaux. Cette loi vise donc à renforcer l’école maternelle, à la reconnaître et à lui donner les moyens d’être le fer de lance de l’élévation du niveau général et de la justice sociale.
L’apprentissage du vocabulaire, l’émergence progressive d’une conscience grammaticale par la lecture de livres, l’éveil de la sensibilité par les arts, le développement psychomoteur et affectif, la socialisation par le respect des règles et le jeu, le souci du travail bien fait sont des fondations indispensables pour susciter le plaisir d’aller à l’école, cette école de la confiance, une école du bonheur – j’ose ce mot –, que nous pouvons souhaiter pour tous nos enfants.
Aux deux extrémités de notre système, l’obligation d’instruction abaissée à 3 ans et la formation obligatoire de 16 à 18 ans sont les acquis fondamentaux de ce projet de loi.
La formation obligatoire de 16 à 18 ans a été peu commentée ces dernières semaines. Or elle a aussi une dimension sociale essentielle dans cette loi.
M. Pierre Ouzoulias. C’est notre programme !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous aurons ainsi les bases juridiques essentielles pour permettre à tous les élèves de s’émanciper et de construire un projet professionnel afin que ces derniers aient une place dans la société.
Je me réjouis en effet que certaines de ces dispositions aient pu figurer dans les programmes de telle ou telle formation politique…
M. Pierre Ouzoulias. Vous voyez ! Vous le dites !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … dans cette assemblée. Nous devrions donc obtenir approbation auprès des membres siégeant sur ces travées.
Beaucoup ont souhaité l’instruction de 3 à 18 ans. Aujourd’hui, cela devient une réalité, et, grâce à vos suffrages, cela peut devenir une réalité juridique.
La formation des professeurs est l’autre levier essentiel de progrès pour le système éducatif. Quelle est la situation actuelle ?
Telle Espé réserve, par exemple, deux à trois heures pour l’apprentissage de la pédagogie des savoirs fondamentaux, alors que telle autre y consacrera des dizaines d’heures. Cette hétérogénéité dans la formation n’est plus possible si l’on souhaite vraiment que tous les élèves maîtrisent les savoirs fondamentaux. Le principe d’égalité doit trouver à s’appliquer pleinement en matière de formation des professeurs. C’est pourquoi la création des Inspé est si importante.
Le changement du nom indique quelque chose d’important : le « i » pour institut signifie que nous voulons fonder tout cela sur une culture professionnelle ; le « n » comme national veut dire que nous voulons un cadre commun de référence et le « s » comme supérieur que nous confirmons évidemment la proximité avec le monde de la recherche.
Le travail accompli chaque jour par nos professeurs doit être soutenu ; nous devons leur permettre d’être plus encore des acteurs au travers d’un droit élargi à l’expérimentation. Ce droit est la marque de confiance dans les femmes et les hommes qui travaillent au plus près des réalités et de la diversité des territoires. Libérer, protéger, unir : ces mots forment la clé de voûte de ce texte.
Il n’existe pas d’expérimentation sans évaluation digne de ce nom. Ce projet de loi permet les expérimentations et les évaluations.
Nous allons approfondir la culture de l’expérimentation grâce à cette loi. Nous pourrons ainsi davantage positionner notre système éducatif comme un système pionnier, un système du XXIe siècle, tout en nous donnant les moyens de procéder à une véritable évaluation. La création du conseil d’évaluation de l’école nous permettra d’avoir une vision nationale complète de nos écoles, de nos collèges et de nos lycées. Nous le savons, les systèmes scolaires qui se portent aujourd’hui le mieux dans le monde sont ceux qui ont fait de l’évaluation de ce type des leviers de progrès, en s’appuyant notamment sur l’auto-évaluation, qui est une façon de responsabiliser l’ensemble des acteurs sur leur capacité à faire progresser les élèves.
En définitive, si l’école française est si consubstantielle à la République, c’est qu’elle fut, qu’elle demeure et qu’elle demeurera son visage, le visage du progrès et celui de l’avenir. Aujourd’hui, les horizons de notre école s’étendent au monde, et chacun sent bien la nécessité pour nos élèves de maîtriser parfaitement le français ainsi que des langues étrangères afin tout simplement que ceux-ci soient de leur temps et de leur espace. Aussi, nous devons développer les échanges en Europe et dans le monde. Il y va du rayonnement de la France, de sa place dans le concert des nations, de sa capacité à attirer les meilleurs talents.
Actuellement, l’enseignement international est souvent réservé aux familles favorisées, celles qui peuvent scolariser leurs enfants dans des écoles privées parfois coûteuses. En soumettant à votre vote la création d’établissements publics locaux d’enseignement international, je vous propose de conférer au service public d’éducation une plus forte dimension internationale afin que les élèves venus de tous les milieux et de tous les horizons puissent bénéficier de cette dynamique et s’ouvrent encore davantage sur l’Europe et le monde.
Cette mesure sera complémentaire à celle du renouveau de la politique des langues que nous allons engager. Elle sera aussi complémentaire aux politiques qui seront menées à l’avenir, je l’espère, à l’échelle européenne, notamment avec la multiplication des échanges Erasmus pour nos élèves des lycées professionnels, par exemple, ou nos futurs professeurs. En effet, nous voulons que ces derniers aient dans les futurs Inspé une expérience dans le reste du monde.
Ainsi, par ce projet de loi, l’école de la République reste fidèle à sa mission : donner à chacun de ses enfants le meilleur et ce qu’il y a de plus actuel, et j’y serai évidemment personnellement très attentif.
L’école de la République, c’est la maison commune de toute la jeunesse de France. À ce titre, elle doit apporter à tous ses enfants, où qu’ils se trouvent sur le territoire, la même chance de réussir et la même envie de saisir cette chance. C’est pourquoi il revient à l’État d’assurer la protection de tous ses enfants. Si la liberté d’instruction est un droit fondamental, nous devons avoir un contrôle particulièrement vigilant sur la qualité des enseignements qu’ils reçoivent. Nous savons tous que tel n’est pas le cas partout. Ce projet de loi permet donc de renforcer cette garantie.
Le texte que nous examinons est résolument un texte de confiance dans les territoires ; je le dis devant cette chambre qui a particulièrement vocation à défendre ses territoires dans la capacité à innover, à expérimenter et, comme je l’ai dit, à s’organiser selon les contraintes de chacun d’entre eux, tout en respectant le cadre national.
Ainsi, sur la base du volontariat, et avec le consentement de la communauté éducative ainsi que des élus, nous ne devons écarter aucune organisation susceptible d’aider les territoires à offrir un service d’éducation de qualité. Il revient à l’État de garantir l’équité entre les territoires, en donnant plus à ceux qui en ont besoin et en disposant d’organisations appropriées au plus près des réalités. C’est ce que nous faisons pour l’éducation prioritaire et l’école rurale, et c’est ce que nous devons faire pour les territoires ultramarins. À cet égard, dans le cadre de ce projet de loi, je vous propose de créer un rectorat de plein exercice à Mayotte, qui a tant besoin du soutien de la communauté nationale, une mesure qui se traduit aussi par des moyens budgétaires supplémentaires pour accompagner cette évolution.
Cette politique d’équité s’adresse particulièrement aux élèves les plus fragiles, notamment les élèves en situation de handicap. Je tiens à finir mon discours par ce point, afin de marquer qu’il s’agit, à mes yeux, d’un sujet essentiel.
Beaucoup a été fait depuis le début des années 2000, avec de premières politiques importantes en la matière. Toutefois, le défi à relever est immense. Il nous faut changer le regard sur la différence et réussir la transformation de nos organisations.
Notre ambition est claire : faire en sorte que tous les enfants dont le handicap est diagnostiqué soient pris en charge le plus rapidement possible. Pour ce faire, le levier qui vous est proposé au travers de ce projet de loi est inédit : il s’agit de faire émerger un grand service public de l’école inclusive avec 80 000 personnels mieux formés, mieux reconnus, mieux intégrés à l’équipe éducative, répartis sur tout le territoire en pôles, et qui, en toutes circonstances, sur le temps scolaire et périscolaire, accompagneront les enfants en situation de handicap.
Nous voulons que, dès la rentrée prochaine, cette amélioration soit visible pour les élèves et leurs familles, ainsi que pour les personnels accompagnants. Ainsi, nous voulons que l’on procède au recrutement avant la rentrée, que le rendez-vous entre les parents, les professeurs et les personnels accompagnants soit fixé avant la rentrée, que la formation de ces accompagnants ait lieu avant la rentrée, que l’organisation des établissements soit de nature à assurer un accompagnement au plus près des besoins des élèves. Nous voulons avoir une approche qualitative complémentaire de l’approche quantitative, pour que les accompagnants se sentent membres à part entière de la communauté éducative. Telle est la consigne qui a d’ores et déjà été donnée aux rectorats, de telle sorte que ces derniers s’organisent à cet effet.
Cette mesure concerne non seulement les éléments de recrutement que je viens d’énoncer, mais aussi les éléments de formation et de gestion des ressources humaines, en vue d’apporter à ces dernières de la considération et de leur offrir des contrats plus longs, des contrats de trois ans, renouvelables une fois, pouvant déboucher sur des CDI. Ce sont des progrès inédits, qui ne sauraient être sous-estimés. Là aussi, ils sont vecteurs d’espérance, une espérance que nous avons à communiquer aux élèves et à leurs familles. Il nous faut donc dire la vérité sur ce texte. Travestir la réalité contribuerait tout simplement à ne pas donner un socle à cette espérance dont nous avons besoin et dont nous nous donnons maintenant les moyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi porte une ambition : permettre à l’école de demeurer l’institution par laquelle tout est possible. Cela a été dit à plusieurs reprises par le Président de la République, le Premier ministre et moi-même. Nous pouvons considérer l’école comme le premier des outils dont nous disposons pour la justice sociale. Pour ce faire, il est nécessaire de repenser le lien de l’école avec les familles, en accueillant mieux les enfants en situation de handicap et en posant comme fondement de cette relation l’esprit de confiance.
Cette école de la confiance que nous appelons de nos vœux est non pas un mot, mais une aspiration sociale profonde conduisant à plus de liberté, plus d’unité et aussi plus de protection. Nous évoluons beaucoup trop dans une société de défiance ; tel est le diagnostic que nous pouvons faire sur notre pays. Or ce diagnostic date non pas d’hier, mais de plusieurs années, voire de plusieurs décennies. Il n’a pas toujours caractérisé la société française.
Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir de nouveaux leviers pour créer un cercle vertueux de la confiance. À cet effet, une loi ou un décret ne suffit pas. Il nous faut enclencher le cercle vertueux de la confiance en établissant des bases exactes, en nous fondant sur des textes, que nous interprétons de manière honnête, de bonne foi et dans un esprit de progrès et de discussion…
M. Rachid Temal. Ah !
M. Pierre Ouzoulias. Avec un budget !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … et en tenant compte des amendements – c’est ce que j’ai fait à l’Assemblée nationale et c’est ce que je ferai au Sénat.
M. Rachid Temal. Nous sommes sauvés !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. C’est pourquoi se trouve au cœur de ce projet de loi une philosophie de la confiance, qui converge avec une philosophie de la démocratie parlementaire. Nous proposons non seulement aux acteurs sociaux, mais également aux représentants de la Nation des outils leur permettant de s’adapter aux réalités de notre société et de nos territoires. Il s’agit non pas d’imposer, mais de proposer et de faire confiance. Aussi, sur plusieurs volets, notamment pour ce qui concerne les modes d’organisation, ce projet de loi prévoit des outils au lieu d’imposer des mesures.
Une haute idée de la justice sociale, qui doit être effective dès les premiers jours de la vie jusqu’à la majorité, est l’épicentre de ce projet de loi. L’abaissement de l’instruction obligatoire et l’obligation de formation de 16 à 18 ans sont des acquis fondamentaux, et ce ne sont pas les seuls de ce texte.
Notre démarche consiste à placer au centre de l’école les professeurs, sans lesquels rien n’est possible. Mieux les aider pour entrer dans le métier, leur offrir une formation de qualité, faire respecter leur autorité, tel est mon devoir et tel est mon objectif avec ce projet de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis fier de vous présenter un texte de nature à permettre à la France de porter une politique éducative ambitieuse. Par ce projet, nous souhaitons donner à nos enfants des racines et des ailes (Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.),…
M. Roger Karoutchi. Oh là là !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … la fierté d’être des citoyens de France, la fierté d’être eux-mêmes. Nous pourrons croire en notre destin si nous préparons nos enfants sur la seule base qui vaille, celle de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que n’a-t-on entendu sur le sort que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication aurait réservé à ce projet de loi. Nous vous aurions « saqué », monsieur le ministre, et nous aurions passé votre projet de loi au lance-flammes.
M. Roger Karoutchi. Allons bon !
M. Max Brisson, rapporteur. Oui, le regard que nous avons porté sur votre projet de loi fut critique, mais nous avons surtout cherché à l’améliorer, à le compléter, à le densifier. Et si notre regard a été critique, peut-on d’ailleurs nous le reprocher ?
Oui, notre regard a été critique, parce que nous avons dit que ce texte péchait par sa méthode d’élaboration, une méthode faisant trop souvent fi de la concertation et du dialogue social, ainsi que l’illustrent l’introduction à l’Assemblée nationale des établissements publics locaux des savoirs fondamentaux, un chapitre entier sur l’école inclusive ou encore les multiples habilitations à légiférer par voie d’ordonnance.
Oui, notre regard a été critique, parce que nous avons aussi indiqué que, à l’aune de l’ambition d’une élévation générale du niveau des connaissances, d’une école plus juste, qui aurait retrouvé la confiance de la société et confiance en la société, ce projet de loi était incomplet par son contenu.
Certes, en abaissant l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, votre projet de loi prévoit une avancée démocratique que l’école n’avait pas connue depuis les lois fondatrices de Jules Ferry. Mais, reconnaissons-le ensemble, ce progrès demeure symbolique, puisqu’il ne concernera, dans les faits, que 2 % à peine des enfants d’une classe d’âge, les autres ayant déjà rejoint, par la volonté des parents, les bancs de l’école maternelle.
La mesure emblématique, qui est la raison d’être de ce projet de loi, est donc, pour l’essentiel, une mesure d’adaptation. Hormis en Guyane et à Mayotte où l’application de celle-ci se heurtera à de grandes difficultés, cette disposition se révélera sans réel impact sur les autres territoires français. En l’espèce, la loi ne fait que suivre le mouvement que la société a déjà imprimé.
Quant aux autres dispositions, elles sont d’importance très variée, alors qu’un volet demeure absent, celui des mesures relatives à la gestion des ressources humaines et aux conditions d’exercice du métier d’enseignant. Il s’agit pourtant là du levier majeur d’amélioration de notre école.
Comme les événements récents en témoignent, il est de plus en plus évident que les professeurs n’ont plus confiance en leur hiérarchie et ne se sentent plus ni écoutés ni considérés. Or la valeur de l’école se mesure aussi à l’aune du moral de ses professeurs.
Puisqu’il devait finalement y avoir une loi, alors, oui, l’école de la République, notre école, méritait plus. Car il y a urgence.
Les évaluations se succèdent et les acquis des élèves qu’elles mesurent se dégradent. L’échec scolaire se caractérise par sa précocité croissante et l’incapacité de notre système éducatif à le réduire.
M. Pierre Ouzoulias. Il a raison !
M. Max Brisson, rapporteur. Plus grave, la promesse républicaine fondatrice de notre école régresse. Notre système éducatif devient à l’opposé de cette promesse : il est l’un des plus inégalitaires des pays développés. Ses faiblesses, monsieur le ministre, vous les connaissez, et vos actions sont tendues vers leur résolution.
Si la perspective dans laquelle s’est inscrite la commission était donc résolument et raisonnablement critique, elle est tout aussi résolument et raisonnablement constructive.
En effet, mes chers collègues, votre commission a souhaité demeurer fidèle à ce qui fait l’intérêt du Sénat : un attachement à la qualité de la loi, en rejetant les dispositions bavardes, superflues ou manifestement réglementaires ; un esprit d’ouverture et de compromis ; une attitude pragmatique et la prise en compte de la diversité des réalités locales. Votre commission a aussi cherché à dépasser les clivages pour avoir un débat de qualité, un débat digne de l’école, parce que notre école le mérite et qu’elle est dans notre pays, chacun le sait, un sujet politique, source bien sûr de divergences, mais aussi de convergences fondatrices de notre République.
Le texte adopté par la commission est le fruit de ce travail collectif, dont je suis particulièrement fier : 141 amendements de presque tous les groupes ont permis de construire un texte plus équilibré et plus abouti, portant la voix des territoires jusqu’alors trop négligée.
La commission a ainsi apporté de nombreuses améliorations au texte qui lui était soumis.
Elle a réécrit l’article 1er pour rappeler que l’exigence d’exemplarité est au service de l’autorité des professeurs et pour réaffirmer une relation d’autorité dans laquelle le respect est d’abord et avant tout dû par les élèves et leurs familles aux personnels et à l’institution scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
S’agissant de l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, votre commission n’a pas remis en cause cette mesure, mais elle a été attentive aux conditions de son application.
Elle a veillé à donner de la liberté aux parents, en pérennisant la dérogation permettant aux jardins d’enfants d’accueillir des enfants de 3 à 6 ans. Elle a souhaité donner de la souplesse, en formulant des dérogations à l’obligation d’assiduité. Enfin, elle a modifié l’article 4 pour assurer la juste compensation des communes qui soutenaient déjà les écoles maternelles privées sous contrat.
À l’article 5, elle a souhaité donner aux familles les garanties d’un contrôle équitable, sans pour autant nuire à l’effectivité de ce dernier.
Elle a renforcé substantiellement le volet consacré à l’école inclusive, visant notamment à créer les modalités d’un accompagnement de qualité et à améliorer les conditions de travail et de formation des accompagnants d’élèves en situation de handicap.
Se faisant l’écho de l’incompréhension suscitée par l’article 6 quater, votre commission l’a supprimé, afin d’envoyer un signal fort au Gouvernement et au pays. Nous examinerons lors de nos débats un amendement de notre collègue Jacques Grosperrin tendant à rétablir cet article en donnant de solides garanties aux élus locaux, aux enseignants, aux directeurs et aux parents.
Notre commission a approuvé le principe de l’évaluation des établissements et de l’instauration du conseil d’évaluation de l’école à l’article 9. Elle a toutefois revu la composition de l’instance, afin d’en renforcer l’indépendance vis-à-vis du ministre et du Gouvernement. Elle a ainsi prévu la nomination de son président par le chef de l’État et renvoyé la nomination des six personnalités qualifiées aux présidents des assemblées parlementaires et au Premier ministre. Elle a fixé à six ans la durée de leur mandat, afin que celui-ci dépasse les alternances politiques.
Notre commission a travaillé enfin à combler les lacunes de ce texte, en introduisant plusieurs dispositifs de gestion des ressources humaines qui font aujourd’hui défaut : la poursuite des actions de formation initiale au cours des trois premières années de carrière ; l’obligation de formation continue pour tous les enseignants, organisée prioritairement en dehors des heures de classe ; les premiers jalons d’un statut du directeur d’école ; l’association du chef d’établissement aux décisions d’affectation qui concernent son établissement, mais également la création d’un contrat de mission permettant d’affecter dans les établissements les plus difficiles des enseignants chevronnés et motivés.
Enfin, la commission a supprimé l’article 17, considérant qu’un blanc-seing ne pouvait être donné à une mesure aussi importante pour nos territoires que l’organisation des rectorats.
Je constate avec satisfaction que le Gouvernement a joué le jeu et proposé d’inscrire dans la loi les dispositions de l’ordonnance prévue.
Vous le voyez, mes chers collègues, c’est avec la ferme résolution d’améliorer ce texte que votre commission a consulté, réfléchi, travaillé et proposé. Les débats qui nous attendent seront l’occasion de continuer d’enrichir ce projet de loi dans l’intérêt de l’école et de la réussite des élèves de ce pays !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’espère que nous aurons un débat digne de notre école. Les professeurs nous regardent, et ils attendent que nous leur témoignions la confiance que la représentation nationale porte à l’école de la République et à toutes celles et tous ceux qui la servent. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, le scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République est clos. Les résultats seront proclamés ultérieurement au cours de la séance, et les élus prêteront alors serment.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Assassi et Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, pour une école de la confiance (n° 474, 2018-2019).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la motion.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, peu de temps après votre nomination au ministère de l’éducation nationale, vous aviez déclaré à la presse : « L’école n’a pas besoin, à chaque alternance politique, d’une nouvelle loi. Elle peut se gouverner autrement. » Vous avez tenu parole. En effet, en peu de temps, sans recourir à la procédure législative, vous avez profondément modifié l’organisation, les finalités et le fonctionnement de l’éducation nationale, en transformant considérablement l’enseignement professionnel, le baccalauréat, le lycée et les programmes.
De toutes ces réformes, la Haute Assemblée n’a pas eu à connaître, hormis dans le cadre des débats qu’elle a elle-même convoqués. Très récemment, M. Pierre Mathiot déclarait à propos de la réforme du baccalauréat : « C’est une réforme qui est lourde, structurelle, et qui concerne un secteur qui n’a pas été réformé depuis un demi-siècle. » Il eût été légitime que le Sénat vous entendît sur les finalités d’un changement aussi radical.
À ces bouleversements majeurs s’ajoutent les restrictions considérables imposées à l’accès à l’enseignement supérieur par la loi relative à l’orientation et la réussite des étudiants, que votre collègue continue de nous présenter comme une remédiation strictement technique au recours illégal au tirage au sort.
Progressivement, parents et enseignants comprennent que toutes ces réformes font système et que, loin d’être dictées par des nécessités pratiques, elles sont inspirées par une pensée politique globale, que vous n’assumez pas. Parents et enseignants mesurent, de plus en plus, le décalage profond qui existe entre les déclarations officielles et la réalité telle qu’ils l’éprouvent dans les établissements. Cette distorsion entretient du doute, de l’inquiétude et, finalement, de la suspicion.
Élus de terrain, nous avons mesuré, ces dernières semaines, combien la défiance était grande envers des mesures dont nos concitoyens perçoivent qu’elles sont dictées par des objectifs dont on leur cache le dessein essentiel. Vous avez parlé de « bobards », monsieur le ministre ; nous percevons surtout de l’incompréhension, du soupçon et de la méfiance.
La loi que vous nous proposez aujourd’hui aurait pu être l’occasion d’une déclaration clarificatrice sur vos intentions politiques véritables. La commission de la culture du Sénat a considéré qu’elle était, tout au contraire, bavarde, peu lisible et confuse. Je partage sur ces points les critiques exprimées à l’instant par notre rapporteur, le sénateur Max Brisson. L’objet de cette loi était de rétablir la confiance entre le corps enseignant, son ministère de tutelle et les parents. Je crains qu’elle n’entretienne davantage la défiance.
Enfin, et surtout, alors que nous dressons le constat commun d’une école incapable de corriger les inégalités sociales d’accès au savoir, votre projet est dépourvu de l’ambition de mobiliser les ressources de la Nation pour rebâtir une éducation nationale au service de l’émancipation, du développement humain et de l’égalité des droits politiques.
Nous aurions pu, ensemble, réaliser pour le XXIe siècle la généreuse utopie que Condorcet esquissait ainsi en 1792, « an IV de la liberté » : « Assurer [à tous les individus de l’espèce humaine] la facilité de perfectionner son industrie, de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d’être appelé, de développer toute l’étendue des talents qu’il a reçus de la nature ; et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi. »
Nonobstant certaines dispositions qui auraient pu être mises en œuvre par la voie réglementaire, l’objet législatif principal de ce texte est de satisfaire l’annonce présidentielle de l’abaissement de l’âge de la scolarisation obligatoire à 3 ans. Et encore, les maires ont vite compris qu’elle se réaliserait grâce à la contribution des finances municipales. Historiquement, cette loi apparaît alors comme l’extension, jusqu’à cet âge, des mesures pécuniaires de la loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré.
Toutefois, son manque d’ambition l’en distingue absolument. La loi Debré portait à 16 ans la scolarité obligatoire. Cette extension s’accompagna d’un programme massif de recrutement d’enseignants. Dans le même temps, de 1960 à 1969, la taille moyenne des classes des écoles primaires publiques fut réduite de 30 à 26 élèves, ce qui imposa l’embauche de 4 000 instituteurs pendant ces dix années.
Alors que la dépense publique est aujourd’hui considérée comme un abject vice par la doxa libérale, Louis Cros, haut fonctionnaire du ministère de l’éducation nationale, expliquait ainsi, en 1961, les nécessités d’un investissement massif de l’État gaullien dans l’enseignement :
« Pour la première fois dans l’histoire, les aspirations idéalistes et les nécessités pratiques en matière d’enseignement ont cessé de se contredire. En France, […] les exigences de la prospérité et de l’équilibre économique s’ajoutent maintenant aux raisons de justice et d’égalité sociale pour rendre nécessaire, en même temps que désirable, l’instruction la plus développée possible pour le plus grand nombre possible d’enfants. […] La France a besoin de développer toutes ses ressources intellectuelles. Sinon elle deviendrait un pays intellectuellement sous-développé, qui maintiendrait artificiellement une économie anachronique à coup de subventions économiques, ou d’indemnités de chômage quand des générations plus nombreuses parviendront à l’âge d’homme. » Brillante prophétie…
Près de soixante ans plus tard, nous pourrions dresser le même constat et nourrir la même ambition. L’accélération du progrès technique, la révolution du numérique et la quantité exponentielle d’informations que nous devons traiter tous les jours exigeraient sans nul doute que notre enseignement franchisse une nouvelle étape. Ne serait-il pas temps, par exemple, de prolonger l’enseignement obligatoire jusqu’à la majorité ?
C’était l’une des préconisations du plan conçu, à la Libération, conformément au programme de gouvernement du Conseil national de la Résistance, par Paul Langevin et Henri Wallon. Combien de temps nous faudra-t-il encore pour réaliser cette élévation supplémentaire de la durée d’instruction ou de formation pour celles et ceux qui, trop nombreux, la quittent toujours, sans diplôme, à 16 ans ?
Certes, votre projet instaure une obligation de formation pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans, mais, comme l’a montré notre commission, cette mesure est symbolique. L’abaissement de l’âge de la scolarisation à 3 ans l’est tout autant en France métropolitaine. Il demandera toutefois un véritable effort pour être appliqué dans les outre-mer et, sur ce point, nous attendons de votre gouvernement des engagements fermes et précis.
En substance, ce qui caractérise ce texte, c’est son manque d’ambition pour l’école. L’accumulation de mesures techniques, souvent discutables, ne peut cacher cette vacuité. Elle est d’autant plus décevante que, dans le même temps, selon la formule consacrée, le Président de la République annonçait, le 25 avril dernier, un plan d’investissement massif en faveur de l’école. Les promesses donnent le vertige : dédoublement de 6 000 classes supplémentaires, limitation à 24 du nombre d’élèves dans toutes les classes de la grande section de maternelle au CE1, revalorisation du métier de professeur, moratoire pour la fermeture des classes, etc.
Pour assurer seulement le dédoublement des classes, dans son programme, le candidat Emmanuel Macron avait estimé à 12 000 postes le besoin de recrutement.
Nous ne doutons pas de la volonté du Président de la République d’honorer rapidement ses engagements. Votre collègue en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche a lancé une grande concertation dont les conclusions fourniront la matière d’une grande loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui sera présentée au Parlement avant la fin de l’année. Pour satisfaire les ambitions du Président de la République en faveur de l’école, nous vous proposons la même méthode.
C’est l’objet de cette motion tendant à opposer la question préalable : nous donner collectivement le temps de préparer ensemble, avec tous les acteurs de l’éducation, la grande loi dont l’école de la République a besoin, pour, selon les mots de Condorcet, « contribuer [au] perfectionnement général et graduel de l’espèce humaine, dernier but vers lequel toute institution sociale doit être dirigée ». (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, contre la motion.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe s’opposera à cette motion tendant à opposer la question préalable, déposée par le groupe CRCE.
Certes, nous avons noté les faiblesses du projet de loi, pour ne pas dire son absence de contenu. Vous aviez d’ailleurs déclaré, au début de votre mandat, monsieur le ministre, qu’il n’y aurait pas de « loi Blanquer », car vous-même n’en ressentiez pas la nécessité. Le Gouvernement a surtout fait un acte de communication en affichant plusieurs messages symboliques.
Tout d’abord, la mesure phare du projet de loi, l’abaissement à 3 ans de l’instruction obligatoire. Celle-ci ne concernera pourtant qu’une infime proportion d’enfants, beaucoup étant déjà scolarisés dès 3 ans.
De même, la confiance prônée par le projet de loi est censée s’appuyer sur un respect mutuel, qu’il est aisé de décréter.
Quant au principe d’une formation obligatoire entre 16 et 18 ans, c’est une sorte de vœu pieux, qui ne règle en rien le problème crucial de la déscolarisation.
Le reste du projet de loi permet d’adopter diverses mesures d’intérêt varié et sans grande cohérence. Nous partageons donc le sentiment d’un manque d’ambition du texte. Cependant, le projet de loi a été remanié en commission. Notre rapporteur Max Brisson, dont je salue la qualité du travail, s’est attaché à corriger les défauts et les oublis du texte.
Ainsi, plutôt que de les placer sur un même plan, la commission a rappelé la place majeure de l’autorité de l’enseignant sur les élèves. Elle a introduit de la souplesse dans l’application du principe de scolarisation à 3 ans et garanti la compensation pour toutes les communes concernées. Elle a complété le chapitre dédié à l’école inclusive pour un meilleur accompagnement des élèves en situation de handicap. Elle a rassuré parents, enseignants, directeurs et élus locaux, en supprimant l’article 6 quater, qui a fait grand bruit en étant introduit sans concertation préalable à l’Assemblée nationale.
La commission a également traité de sujets qui ne figuraient pas dans le projet de loi, mais sur lesquels nous appelons à légiférer de longue date, comme le statut des directeurs d’établissements ou la formation continue.
Je n’irai pas plus loin, car la liste est longue : quelque 141 amendements ont été adoptés en commission pour redessiner le texte.
Notre groupe estime dès lors qu’il serait regrettable d’effacer et d’interrompre ce travail sénatorial, en renvoyant ainsi un texte inachevé et bancal aux députés. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. L’école de la République appelle l’union de tous les efforts, et non la clôture des débats. En rejetant ce texte en bloc, vous remettriez en cause les apports de la commission et les 141 amendements qui ont été adoptés, fruit d’un travail collectif.
La commission a fait le choix d’une position constructive, critique, mais elle a cherché à améliorer ce texte. Son avis est donc évidemment défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Tout d’abord, je souscris entièrement aux arguments qui viennent d’être présentés par le rapporteur. Il serait paradoxal de balayer tout le travail réalisé par le Sénat, alors même que vous souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, que les assemblées puissent se saisir des grands problèmes de l’éducation.
Je souligne en outre un certain nombre d’éléments très intéressants dans vos propos, monsieur Ouzoulias.
Je vous remercie, tout d’abord, de la subtilité avec laquelle vous avez analysé la question de la loi, au début de votre intervention. Il est exact que le sujet de l’éducation relève d’une hiérarchie des normes particulière, qui ne dépend pas de moi et qui mérite d’être discutée. J’en suis pleinement conscient et vous donne raison sur ce point.
En revanche, il me semble en avoir tenu compte au cours des deux dernières années en venant parler devant votre assemblée des grandes réformes qui ne relèvent pas de la loi. J’ai volontiers répondu à chacune de vos invitations, bien évidemment, mais j’ai moi-même souhaité que les grandes évolutions de l’éducation soient discutées devant les députés et les sénateurs.
Par ailleurs, vous avez raison, monsieur Ouzoulias, des choses importantes ont été accomplies depuis deux ans – je vous remercie de cet hommage. (Sourires.)
J’avais dit en effet qu’il n’y aurait pas de « loi Blanquer », c’est exact. Mais l’on oublie toujours de contextualiser le sens de cette phrase. Tout d’abord, j’ai affirmé qu’il n’y en aurait pas une immédiatement, et c’est effectivement ce qui s’est passé, puisque deux ans se sont écoulés depuis lors. Ensuite, je ne souhaite pas particulièrement que mon nom soit donné à cette loi.
Le sens profond de cette phrase, c’est qu’il n’est pas nécessaire, au début d’un quinquennat, de vouloir à tout prix faire une loi, en prétendant que celle-ci va tout changer. Sur ce point, je n’ai pas changé d’avis, d’où la relative humilité avec laquelle je me présente devant vous. Avec ce projet de loi, nous prétendons résoudre certains problèmes, mais pas tous.
D’autres difficultés ont commencé à être traitées par les réformes auxquelles vous avez fait référence ; d’autres restent encore à résoudre. C’est le cas, par exemple, des enjeux de ressources humaines du ministère, qui sont évidemment très importants. Ils ne nécessitent pas de loi, pour la plupart d’entre eux, mais ils méritent d’être débattus au Parlement.
C’est donc une vision complète et systémique que je vous présente. Cette loi n’en constitue qu’un élément, et cette vision se veut par ailleurs très respectueuse des assemblées, pour deux raisons.
Premièrement, nous discutons ici au Sénat de tout, y compris de ce qui relève non pas de la loi, mais du règlement.
Deuxièmement, je suis évidemment ouvert à la transformation du texte par voie d’amendements, car je suis respectueux du dialogue social comme du dialogue avec les chambres. C’est exactement l’attitude que j’ai adoptée devant l’Assemblée nationale.
Quel paradoxe de se voir reprocher par un parlementaire d’avoir pris en compte des amendements parlementaires ! J’arrive au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, les mains ouvertes. Et vous ne manqueriez pas de vous offusquer si, demain, des députés me reprochaient d’avoir pris en compte des amendements sénatoriaux.
Je prendrai évidemment en compte tous les amendements au cours de cette discussion, quelle que soit leur origine, tout comme je me suis inspiré, pour ce projet de loi, d’éléments qui ont pu figurer dans des programmes de gauche comme de droite. C’est le cas de l’instruction obligatoire à 3 ans et de la formation obligatoire de 16 à 18 ans.
Vous avez tous les deux, messieurs les sénateurs, abordé ce point dans vos interventions, et je ne comprends pas pourquoi vous cherchez à minimiser la portée de ce dispositif. Vous avez appelé de vos vœux la prolongation de la formation jusqu’à 18 ans, monsieur Ouzoulias, en faisant référence au plan Langevin-Wallon. L’on ne peut que saluer cette référence, mais le dispositif prévu dans la loi constitue un pas très important dans cette direction.
Oui, nous nous donnerons les moyens de faire en sorte qu’aucun jeune de moins de 18 ans ne soit sans emploi ni formation. C’est l’ambition considérable portée par ce projet de loi.
J’ai par ailleurs été étonné de constater que cette disposition avait été peu commentée jusqu’à présent. Je souhaite vivement qu’elle soit discutée devant la Haute Assemblée, mais je préférerais que l’on se demande comment lui donner toute sa portée, plutôt que d’affirmer a priori qu’elle n’en a aucune…
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cette motion, parce que je pense que les journées de débat qui sont prévues permettront de faire évoluer substantiellement ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. J’ai passé quarante ans de ma vie professionnelle à enseigner, et j’ai vu de nombreuses tentatives de réforme échouer, quel que soit le gouvernement en place. « Il est urgent d’attendre », « nous ne sommes pas prêts »… Voilà ce que nous entendions trop souvent.
Avec mon groupe, je vois enfin dans cette réforme une volonté de changer les choses, de façon très cohérente et dans un esprit de dialogue social, notamment s’agissant du devoir d’exemplarité. Un enseignant qui arrive en retard, qui part avant les élèves et qui n’a pas une bonne tenue n’est pas exemplaire. Des parents d’élèves qui viennent régler leurs comptes dans les écoles ne le sont pas plus. Chacun doit balayer devant sa porte.
S’agissant de l’instruction obligatoire à 3 ans, elle est peut-être symbolique dans la France hexagonale, mais certainement pas outre-mer. À Mayotte, quelque 25 % des enfants ne sont pas scolarisés à l’âge de 3 ans, et ils sont 30 % en Guyane.
Des compensations sont prévues pour permettre aux communes de mettre en œuvre cette instruction obligatoire. En Guyane, les communes de l’intérieur comme celles du littoral seront accompagnées pour leur permettre de construire, selon des normes dérogatoires, de nouveaux bâtiments scolaires.
Enfin, les assistants d’éducation pourront appréhender le métier d’enseignant, à raison de huit heures par semaine, en contrepartie d’une rémunération cumulable avec les bourses.
Nous avons bien compris la démarche de nos collègues du CRCE, mais le groupe La République En Marche votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-Marc Gabouty et Robert Laufoaulu applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte aurait dû être fondamental, mais il est au final bien décevant : aucun cap, aucune vision, aucun changement, même pas de « nouveau monde »…
On y retrouve toutes les dérives de ce monde de déracinés porté par les idéologues du ministère de l’éducation nationale depuis des années. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
On remplace les termes « intégration dans la société » par « société inclusive » : c’est tout le symbole de la disparition d’une vision globale de la communauté, du bien commun et de la Nation.
C’est la consécration des intérêts particuliers face à l’impérieuse nécessité de l’instruction des savoirs fondamentaux, de la transmission de notre héritage, de notre culture et de l’assimilation à notre pays.
M. David Assouline. On ne doit pas inclure les personnes handicapées ?
M. Stéphane Ravier. Monsieur le ministre, votre projet de loi s’intitule « pour une école de la confiance », mais la confiance, cela ne se décrète pas !
Cette confiance, elle se mérite et se gagne en créant les conditions favorables à son éclosion, et ces conditions ne sont en rien réunies dans ce texte. Il faut en réalité changer totalement de cap, en redonnant du sens à l’autorité du professeur sur les élèves. L’élève ne saurait être l’égal du maître. Le maître est là pour enseigner, pour transmettre ; l’élève pour écouter, apprendre, comprendre dans le respect absolu de son professeur.
On se souvient tous de cette vidéo d’un professeur braqué par un élève avec une arme qui s’est révélée être factice, et de toute la polémique du hashtag #PasDeVague d’un corps professoral qui n’en peut plus de cette violence devenue quotidienne. Rien donc sur l’insécurité à l’école ! Vous préférez au contraire rappeler le devoir de réserve des professeurs dès l’article 1er.
« Ouvrez une école, et vous fermerez une prison », disait en son temps Victor Hugo. Aujourd’hui, ce sont les professeurs qui sont incarcérés dans leur classe, isolés derrière les barreaux de la violence issue des quartiers ethniques et de l’indifférence de leur ministre de tutelle !
M. Philippe Dallier. Tout en dentelle !
M. Stéphane Ravier. Rien sur les programmes désastreux qui nous font plonger chaque année plus bas dans le classement PISA ; rien sur le poids de l’immigration (Exclamations.),…
M. Rachid Temal. Il y avait longtemps !
M. Stéphane Ravier. … qui, de toute évidence, constitue, là aussi, un véritable fardeau, contribuant à l’effondrement du niveau scolaire !
M. Rachid Temal. Avec vous, nous ne sommes jamais surpris !
M. Stéphane Ravier. À croire que, demain, quand cette loi sera votée, les classes en ruralité pourront continuer de disparaître, et les établissements de REP et REP+ continuer de péricliter. Quant aux élus locaux, ils seront plus abandonnés encore dans la gestion des établissements.
De plus, ce regroupement des écoles et des collèges en établissements publics de savoirs fondamentaux s’apparente à la création d’une superstructure qui compliquera davantage la tâche des élus locaux. Il supprime la présence de l’interlocuteur primordial pour les parents d’élèves qu’est le directeur d’école et constitue la menace de voir à terme la suppression de postes et d’écoles.
On ajoute à cela l’apparition des termes « parent 1 » et «parent 2 » dans les formulaires scolaires, une véritable provocation qui ne semble pas heurter la majorité de droite du Sénat, et qui est tellement révélatrice de la place qu’occupe l’idéologie dans nos institutions, y compris, et même surtout, au sein de l’institution scolaire.
Finalement, l’instruction obligatoire à 3 ans représente une nouvelle contrainte pour les familles et les collectivités locales. C’est en réalité un pur gadget pour faire croire que tout change, alors que rien ne change.
Les bases essentielles nécessaires au savoir, qui permet à chaque enfant devenu adulte d’être libre, se dérobent sous nos pieds, créant les conditions d’une société en marche vers toujours plus d’échecs, d’inégalités et de communautarisme exacerbé.
Mme Éliane Assassi. Ben voyons !
Mme Françoise Laborde. Le mot de la fin revient à Mme Assassi !
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Laurent Lafon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, que nous entamons aujourd’hui, marque l’aboutissement d’un intense travail préparatoire.
Je tiens à remercier dès à présent notre collègue rapporteur, Max Brisson, de la qualité de ses travaux et de l’écoute qu’il a accordée aux propositions des différents commissaires, ainsi que la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly. Je veux d’autant plus les remercier, ainsi d’ailleurs que l’ensemble des membres de la commission, que l’état d’esprit qui a dominé, en dehors de celle-ci, lors de l’étude de ce texte, n’a pas toujours été des plus sereins au cours des dernières semaines ; nous avons tous été saisis ou alertés à propos de telle ou telle disposition du texte qui pouvait inquiéter.
Le déchaînement des passions qu’entraîne bien souvent un projet de loi sur l’éducation nationale a encore une fois eu lieu avec ce texte. Cela montre tant l’attachement des acteurs à l’organisation actuelle que leur extrême sensibilité à toute modification de celle-ci, qui, si elle n’est pas forcément vécue comme satisfaisante, semble tout de même protectrice. Je pense en particulier à l’article 6 quater, introduit dans le texte à l’Assemblée nationale ; j’y reviendrai dans un instant.
Quoi qu’il en soit, le projet de loi pour une école de la confiance propose de réformer plusieurs éléments de notre système scolaire ; cela dit, la portée limitée des modifications envisagées ne justifiait sans doute pas l’ampleur des réactions suscitées. En effet, le texte que nous examinons aujourd’hui semble être davantage une juxtaposition de mesures dont la cohérence n’apparaît pas avec une grande évidence.
Il trouve son origine dans la volonté du Gouvernement de généraliser l’instruction des enfants dès l’âge de 3 ans. Si cette mesure ne concerne, en métropole, que quelques milliers d’enfants, elle est cependant motivée par un objectif, que nous partageons, d’égalité scolaire et sociale, et de détection précoce des maladies ou situations de handicap.
La question, impliquée par cette disposition, du financement des communes semblant avoir été mal évaluée, ou en tout cas mal prise en compte, par le Gouvernement, notre commission, sur la proposition de son rapporteur, a apporté une réponse à cet enjeu crucial pour les collectivités. Cette réponse sera, je le crois, de nature à nous satisfaire tous.
Le texte institue par ailleurs un conseil d’évaluation de l’école, qui remplace l’actuel Conseil national d’évaluation du système scolaire, le Cnesco. Des craintes ont pu être exprimées quant à une mainmise plus importante du ministère sur ce nouvel organisme, ce à quoi notre commission a, là encore, apporté une réponse qui saura, je l’espère, satisfaire chacun de nous.
Toutefois, mon groupe et moi-même signalons ceci : le Cnesco ayant été mis en place seulement en 2013, nous ne pensons pas disposer du recul nécessaire sur son fonctionnement pour justifier une transformation si radicale.
Au-delà de ces problématiques purement scolaires, le texte contient une série de dispositions appelant, notamment, à une meilleure prise en compte du handicap dans l’école et autour d’elle, à une revalorisation du statut des accompagnants, ainsi qu’à des mesures de sensibilisation destinées aux élèves. Nous nous réjouissons bien entendu que soit ainsi valorisée l’école inclusive, enjeu essentiel sur lequel notre groupe s’est beaucoup investi, à différentes reprises.
À ce sujet, le texte prévoit notamment la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL. Ce dispositif vise à coordonner, au sein des établissements scolaires, les moyens humains dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Une certaine inquiétude demeure néanmoins à ce sujet au sein de la communauté médico-éducative, inquiétude qui pourra, je l’espère, être levée par nos travaux.
J’en viens à la disposition la plus débattue de ce projet de loi : la mise en place des établissements publics des savoirs fondamentaux, prévue à l’article 6 quater, dans le cadre des travaux engagés, depuis plusieurs années, autour du concept d’école du socle.
Les auteurs du texte concevaient cette disposition comme une réponse, parmi d’autres, à la problématique du déclin démographique qui frappe de plein fouet certaines zones du territoire. Cela dit, la maladresse avec laquelle ce dispositif a été introduit, les craintes légitimes qu’il a pu susciter et l’absence d’étude d’impact ont justifié sa suppression par notre commission, à l’unanimité de ses membres.
Il semble en effet regrettable que ce dispositif ait été introduit dans un contexte très sensible, celui des fermetures, souvent agressives et mal comprises, de classes et d’écoles, subies au cours des dernières années par les collectivités locales, dont le dialogue avec l’État et ses représentants n’a pas forcément été facile. Le rapport Politiques éducatives et territoires de Pierre Mathiot et Ariane Azéma, devait être présenté en juin ; il aurait pu calmer les tensions et nourrir la réflexion sur ce sujet, mais la manière dont a été inséré cet article n’a fait qu’aviver les craintes et les crispations.
Cette disposition ne peut que nourrir les regrets concernant le calendrier selon lequel ce projet de loi est arrivé devant la Haute Assemblée, à savoir avant que le rapport de M. Mathiot et Mme Azéma et celui que mon collègue Jean-Yves Roux et moi-même rédigeons, au nom de notre commission, aient pu poser le problème dans sa globalité. C’est bien par manque de méthode et de pédagogie que cet article a failli ; la confiance ne s’impose pas, elle se construit, notamment par le dialogue et la pédagogie.
Les suites qui seront réservées à ce projet de loi constituent également une source d’interrogations ; j’espère que les débats que nous aurons dans les heures et les jours qui viennent permettront d’y répondre. En effet, certaines mesures se télescopent avec des annonces du Président de la République faites après le dépôt du projet de loi et qui, bien entendu, en modifient certains aspects.
Je tiens à le souligner, le groupe des sénateurs centristes entend néanmoins proposer une réponse aux craintes concernant des fermetures de classe.
Enfin, le texte prévoit le recours à l’expérimentation pour les établissements, dans un cadre défini et contrôlé. Ce droit à l’expérimentation nous semble nécessaire pour permettre à l’éducation d’évoluer et de s’adapter aux nouveaux besoins pédagogiques et territoriaux ; il pourrait toutefois être plus ambitieux et concerner des champs plus larges, notamment sur le plan administratif.
C’est en effet une conviction que nous portons : dans le domaine de l’éducation nationale, où la moindre évolution peut provoquer des réactions parfois irrationnelles, la solution passe sans doute par un surcroît d’initiatives des acteurs locaux – élus, personnel de l’éducation, parents –, pour répondre aux besoins des territoires en matière éducative. Le projet de loi pourrait aller plus loin en la matière ; tel est le sens d’amendements que nous défendrons.
Si le texte pouvait redonner confiance aux acteurs locaux pour prendre des initiatives, alors, dans ce cas, le nom donné au projet de loi prendrait certainement davantage de sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
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Élection de juges à la cour de justice de la République
M. le président. Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République :
Nombre de votants : 271
Suffrages exprimés : 242
Majorité absolue des suffrages exprimés : 122
Bulletins blancs : 27
Bulletins nuls : 2
Ont obtenu :
Mme Catherine Troendlé, titulaire, 242 voix ;
Mme Muriel Jourda, suppléante, 242 voix.
Ces candidates ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, elles sont proclamées juges à la Cour de justice de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
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Prestation de serment de juges à la cour de justice de la République
M. le président. Mme le juge titulaire et Mme le juge suppléant à la Cour de justice de la République vont être appelées à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je prie Mme le juge titulaire et Mme le juge suppléant de bien vouloir se lever. (Mme Catherine Troendlé, juge titulaire, et Mme Muriel Jourda, juge suppléant, se lèvent.) Je vais donner lecture de la formule du serment, et je prierai ensuite Mme le juge titulaire, puis Mme le juge suppléant, de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure. »
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
(Successivement, Mme Catherine Troendlé, juge titulaire, et Mme Muriel Jourda, juge suppléant, disent, en levant la main droite : « Je le jure. »)
M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui. (Applaudissements.)
(M. Jean-Marc Gabouty remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
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Pour une école de la confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école n’est plus ce qu’elle était. Ne voyez pas là de la nostalgie, mais simplement un constat : l’école n’est plus ce qu’elle était, et les parents, les enfants et les enseignants non plus.
Cette évolution, qui s’impose à nous, nous invite à inventer le monde de demain ; vaste entreprise ! Aussi, monsieur le ministre, lorsque vous avez présenté votre vision de l’école de demain – l’école de la confiance, avec des valeurs aussi fortes que la République, l’excellence, la bienveillance et des priorités comme l’enseignement primaire et la lutte contre les inégalités –, nous ne pouvions qu’adhérer.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a donc vocation à s’inscrire parmi les grandes lois républicaines sur l’école qui ont marqué notre temps. En 1882, la loi Ferry instaurait l’âge obligatoire d’instruction à 6 ans ; en 1936, près de cent ans après l’adoption des premières lois sur l’interdiction du travail des enfants, l’école était rendue obligatoire jusqu’à 14 ans ; puis, en 1959, elle le fut jusqu’à 16 ans. En 2019, le Gouvernement souhaite, en même temps, abaisser l’âge obligatoire de la scolarité à 3 ans et proposer une obligation de formation ou d’activité pour les jeunes de 16 à 18 ans.
Vous le savez aussi bien que nous, monsieur le ministre, l’impact de la scolarité obligatoire dès 3 ans restera limité. En effet, 97 % des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés, de façon toutefois inégale selon les milieux. Il s’agit donc simplement de transformer une liberté d’instruction précoce, déjà largement diffusée en France, en obligation légale. Ce qui est présenté comme le fer de lance de l’État contre la reproduction des inégalités sociales et la lutte contre l’échec scolaire ne concernera que 26 000 enfants par classe d’âge, tandis que l’échec scolaire concerne plus de 100 000 élèves par an…
Au grand dam des élus locaux, le projet de loi initial ne prévoyait pas de pleine compensation des charges occasionnées pour les communes, même si cela ne concerne que très peu d’enfants. L’exigence de cette compensation a été introduite dans le texte par la commission de la culture du Sénat, sur l’initiative de notre rapporteur, Max Brisson, dont je salue la qualité du travail.
Nous nous félicitons des aménagements d’assiduité prévus dans le cadre de la première année d’école maternelle, adoptés lors de l’examen du texte en commission.
La France présente une particularité : celle d’une école qui s’administre de façon collégiale, quand le système éducatif est, partout ailleurs, étroitement hiérarchisé. Cette question suscite des débats depuis bien longtemps, depuis l’apparition des établissements publics de l’enseignement primaire, institués par François Fillon. Depuis lors, les rapports se sont multipliés et la question reste posée…
Notre commission de la culture a introduit une mesure instaurant un lien hiérarchique entre le directeur d’école et les professeurs. En réalité, les directeurs d’école ont besoin d’une évolution pour mieux gérer leur école ; surtout, il serait temps de créer, dans le cadre d’une concertation entre le ministère, l’administration de l’éducation nationale, les syndicats et les élus, un véritable statut de directeur d’école. Cela mériterait un texte à part entière, et non un simple article au milieu d’un texte de loi.
La première finalité de l’école est de permettre à chaque élève de trouver un métier, une place dans la société, correspondant dans la mesure du possible à ses aspirations individuelles. Plus d’efforts, plus d’argent investi aujourd’hui dans notre système éducatif, c’est moins de chômage, moins de misère dans le monde de demain. Aussi, nous devons tout mettre en œuvre pour améliorer la qualité de l’enseignement, les conditions de travail des enseignants et favoriser la réussite des élèves.
Après l’acquisition des savoirs fondamentaux, la maîtrise des langues étrangères est un autre cheval de bataille pour la France ; vous l’avez souligné, monsieur le ministre. La diffusion des établissements publics locaux internationaux est un levier intéressant pour renforcer l’ouverture de notre système éducatif à l’international.
La deuxième finalité de l’école est de forger chez chacun un certain sens de la citoyenneté, en proposant un terreau de valeurs, celles qu’incarne la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais aussi de développer le sens critique, pour que chacun puisse exercer ses devoirs au sein de la société en toute indépendance d’esprit, sans tomber dans le piège de la désinformation, qui sclérose notre démocratie.
Enfin, il nous appartient, au travers du réseau d’écoles, de collèges et de lycées qui maille notre territoire, de sensibiliser les élèves dès le plus jeune âge aux grands défis du XXIe siècle : la préservation de l’environnement et la protection du modèle démocratique. Tel est le sens de certains des amendements que notre groupe défendra.
Monsieur le ministre, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne croit pas à un grand soir de l’éducation qui bouleverserait en totalité le système, et qui risquerait de casser ce qui marche sans remédier à tous ses défauts. Ce que nous souhaitons, c’est faire évoluer les résultats de notre système éducatif ; John Fitzgerald Kennedy l’a bien dit, « Nos progrès en tant que nation dépendront de nos progrès en matière d’éducation. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de commencer mon propos, permettez-moi d’adresser un message de soutien et de solidarité aux familles et à la communauté éducative du collège Gran Man Difou de Maripasoula en Guyane, endeuillées par le suicide d’une jeune aide-documentaliste.
Ce drame nous rappelle douloureusement le phénomène insupportable des suicides, qui touche depuis trop longtemps nos concitoyens amérindiens et contre lequel l’école a sans nul doute un rôle fondamental à jouer.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour aborder l’examen d’un texte important pour la République. Le projet de loi pour une école de la confiance est en effet un marqueur de la politique engagée par le Gouvernement en faveur d’une « élévation du niveau général des élèves » et d’une école plus juste. Dégradation des performances et des acquis, décrochage scolaire et inégalités : notre école doit relever de nombreux défis. Ce texte ne saurait, à lui seul, y répondre, parce que tout ne relève pas de la loi, mais aussi parce qu’il s’inscrit avec cohérence dans une politique bien plus ambitieuse.
Il est vrai que, depuis son adoption à l’Assemblée nationale, de vives inquiétudes ont été exprimées, parfois en raison d’imprécisions réelles, le plus souvent à cause de rumeurs et de contre-vérités, qui touchent les fondements mêmes de la démocratie.
Monsieur le ministre, vous avez engagé un dialogue essentiel avec les principaux acteurs et rassuré quant à votre volonté d’améliorer ce projet de loi, afin, vous l’avez souvent répété, qu’il soit mieux compris par chacun. Le dialogue va se poursuivre dans cet hémicycle ; en tout cas, je l’espère. Cela nous permettra d’apporter les clarifications nécessaires et de faire la lumière sur les véritables mesures proposées.
« Incohérent », « symbolique », voire « inutile » ; beaucoup de choses ont été reprochées à ce texte, en oubliant parfois sa portée éminemment sociale.
Social, ce texte l’est tout d’abord en ce qu’il abaisse à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire. Lorsque l’on connaît l’importance des premières années de l’enfant dans sa capacité d’apprentissage, mais aussi dans la construction des inégalités et du décrochage scolaires, on réalise qu’il s’agit, quoi qu’on en dise, d’une avancée sociale importante.
Il est vrai que, avec 98 % d’enfants de 3 ans déjà scolarisés, cette mesure accompagne un mouvement déjà imprimé par la société ; mais il est aussi vrai que, derrière les 2 % restants, se cachent d’immenses inégalités sociales et territoriales. Ce simple état de fait devrait convaincre chacun d’entre nous de la nécessité de légiférer, pour faire en sorte que la promesse républicaine soit tenue pour tous les Français.
Dans le détail, ce sont plus de 25 000 enfants supplémentaires qui rejoindront les bancs de la maternelle à la rentrée prochaine, soit respectivement 3 400 et 3 800 en Guyane et à Mayotte. Là encore, nous le voyons, cette mesure, loin d’être symbolique, constituera un défi colossal pour ces deux territoires. Je préfère le dire, malgré l’engagement réel de l’État, les communes guyanaises et mahoraises ne seront pas en mesure d’accueillir, faute de places, tous les enfants en septembre prochain. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Les expériences de double vacation sont une première réponse, mais ce n’est pas suffisant. À titre d’exemple, il faudrait construire une nouvelle école tous les neuf mois dans une ville comme Saint-Laurent-du-Maroni pour répondre à la pression démographique. Il nous faut donc donner plus de souplesse aux élus dans la construction d’infrastructures. Notre rapporteur l’a bien compris, et je tiens à l’en remercier.
Social, ce texte l’est encore lorsqu’il propose d’instaurer une obligation de formation pour tous les jeunes de 16 à 18 ans, l’objectif étant que, à l’horizon de 2020, aucun jeune ne soit dépourvu d’un emploi ou d’une formation.
Social, il l’est aussi dans la mesure où il renforce, avec le prérecrutement, l’attractivité du métier de professeur, pour en faire ce qu’il a toujours été : une voie de promotion sociale.
Social, ce projet de loi l’est enfin, en ce qu’il renforce l’école inclusive. Nous le savons, c’est une révolution que nous devons engager. Je pense aux accompagnants d’élèves en situation de handicap, qui doivent être considérés comme de véritables membres du personnel de l’éducation nationale. Je pense également aux pôles inclusifs d’accompagnement localisés, qui permettront d’avoir une approche au plus près des élèves, y compris par le biais du personnel médico-social.
Enfin, dans le prolongement de ces mesures, le projet de loi instaure de nouveaux outils pour les territoires. C’est le cas avec la création d’un rectorat de plein exercice à Mayotte et la réforme des instances locales de dialogue. C’est aussi le cas avec la création d’établissements publics locaux d’enseignement international, les EPLEI, et d’établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, les EPLESF, sur lesquels je reviendrai.
Avant l’examen en séance, je veux saluer le travail de notre commission, qui a su, dans un esprit d’ouverture et de compromis, aborder ce projet de loi avec pragmatisme, pour favoriser un débat serein et équilibré. C’est donc dans un esprit résolument constructif que le groupe La République En Marche y prendra part. Ce groupe n’en restera pas moins déterminé à marquer son attachement à certains principes.
Premier principe : l’exemplarité. Notre commission a réécrit l’article 1er en conservant cette notion, qui nous semble essentielle. Toutes les disciplines scolaires ont en elles-mêmes des vertus éducatives, et, dans les yeux d’un enfant, tout adulte est un éducateur potentiel. À cet égard, loin d’être un instrument pour museler les enseignants, cet article rappelle ce qui fonde la relation entre le maître et l’élève.
Deuxième principe : la libre administration des collectivités territoriales. C’est à ce titre que certaines communes avaient fait le choix de participer à la prise en charge partielle des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées, et c’est au nom de ce même principe que nous proposerons de supprimer la pleine compensation versée par l’État à ces communes, ainsi qu’en a décidé notre commission.
Troisième principe : le dialogue social. Notre commission a souhaité avancer sur le statut des directeurs d’école, en plaçant les enseignants sous son autorité. Si nous sommes naturellement favorables à un statut, nous rappelons que ce lien hiérarchique est loin de faire l’unanimité parmi les directeurs eux-mêmes. C’est pourquoi il semble essentiel que ce statut soit le fruit d’un dialogue avec les syndicats.
M. François Patriat. Très bien !
M. Antoine Karam. Quatrième principe, enfin : l’innovation territoriale. Notre commission a envoyé un signal fort en supprimant l’article 6 quater, qui crée les EPLESF.
Nous espérons néanmoins pouvoir en débattre à nouveau dans les prochains jours, afin de trouver une rédaction qui rassure tous les acteurs. Ces établissements doivent rester un outil, une innovation pour les territoires qui en expriment le besoin, et non une menace pour l’ensemble du système éducatif.
Mes chers collègues – les nombreuses sollicitations dont nous avons fait l’objet dans nos territoires et un peu partout en témoignent –, les Français attendent du Sénat qu’il clarifie la situation. Gageons que nous serons à la hauteur, dans l’intérêt de tous nos enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même après vous avoir écouté très attentivement, monsieur le ministre, je trouve toujours aussi curieux d’avoir intitulé ce texte « projet de loi pour une école de la confiance ».
Une école de la confiance conforterait le lien étroit, le lien de confiance, précisément, entre la commune et l’école, ces deux piliers de la République, auxquels nos concitoyens sont d’autant plus attachés qu’ils se sentent abandonnés, la plupart des services publics disparaissant dans bien des territoires.
Or vous tentez de briser ce lien, d’accélérer les regroupements, de créer des établissements « XXL », éloignés, avec des chefs d’établissement missionnés plutôt pour gérer des moyens financiers et des ressources humaines que pour enseigner.
Nous nous réjouissons que, lors de son passage en commission, au Sénat, votre projet se soit délesté des établissements publics des savoirs fondamentaux, qui suscitent tant de méfiance de la part des parents d’élèves, des enseignants et des élus locaux.
Cette méfiance est née de l’expérience, car ces élus voient en effet se multiplier, sur le terrain, les appels à considérer l’échelon intercommunal comme la nouvelle maille de l’organisation scolaire. Ils sont parfois contraints à signer des conventions visant peu ou prou le même objectif que ces EPLESF, à savoir la rationalisation. Il serait regrettable que le Sénat, la chambre des territoires, soit sourd à ce qu’ils expriment et fasse entrer par la fenêtre ce qui vient d’être sorti par la porte, avec des conséquences évidentes pour le maillage scolaire, en particulier dans les territoires ruraux.
Une école de la confiance viserait la réduction des inégalités sociales, territoriales et scolaires, qui, bien souvent, se confondent, en ambitionnant la réussite de tous, tout particulièrement dans un moment où grondent, en France, une colère très grande et une exigence tout aussi grande de justice sociale.
Or la création des établissements publics locaux d’enseignement international, où seraient dispensés, durant toute la scolarité, des enseignements en français et en langue vivante et dont le budget pourrait comprendre des dons privés, nous semble clairement tourner le dos à cet objectif.
Il en a malheureusement été assez peu question dans nos débats jusqu’à présent, mais cela contribue à entériner une école à deux vitesses, les enfants des cadres internationaux – les Britanniques vivant en France, par exemple, en attendant le Brexit – étant, de fait, mieux lotis que les élèves de la plupart de nos communes et de nos quartiers.
Une école de la confiance accompagnerait les communes dans la mise en œuvre de l’instruction obligatoire dès 3 ans, pour en faire un élément de progrès partagé.
Or les communes, après avoir parfois connu des difficultés pour dédoubler les classes de CP et de CE1 en réseau d’éducation prioritaire, REP, et en réseau d’éducation prioritaire renforcé, REP+, faute d’avoir été accompagnées financièrement dans un contexte budgétaire que chacun sait extrêmement tendu, découvrent aujourd’hui que les conséquences de cette mesure ne seront pas totalement compensées. Elles se demandent même, d’ailleurs, si l’objectif n’est pas d’affaiblir le service public, l’école privée étant finalement la grande gagnante de cette mesure…
Une école de la confiance pourrait, en parallèle, étendre l’obligation de la scolarisation à 18 ans, comme nous le proposions au travers d’un amendement, qui a malheureusement été déclaré irrecevable. Ce serait une bien meilleure manière de lutter contre le décrochage que l’obligation de formation jusqu’à 18 ans, qui reste, dans le texte, très vague, en deçà des enjeux, et qui – c’est un comble – pourrait recouvrir la recherche d’emploi. Ce serait, à nos yeux, une mesure bien plus efficace.
Une école de la confiance se donnerait aussi les moyens d’être enfin à la hauteur de la loi de 2005 pour l’inclusion des enfants handicapés, en assurant la formation de leurs accompagnants, en dotant ceux-ci d’un véritable statut et en leur garantissant un salaire décent, afin de sécuriser et d’anticiper l’accueil des enfants. On sait combien les rentrées sont de plus en plus chaotiques pour eux. La mutualisation des accompagnants, synonyme de réduction des moyens, constitue l’exact opposé de ces mesures nécessaires et nous éloigne d’une école véritablement inclusive.
Une école de la confiance se fierait à ceux qui l’incarnent et la font vivre au quotidien, je veux bien entendu parler des enseignants, qui, certes, ont des obligations, conformément à leur mission de fonctionnaires, mais qui n’en restent pas moins des citoyens et des formateurs de futurs citoyens. Leur interdire la moindre critique publique à l’encontre des choix politiques de leur ministère de tutelle n’est pas une bonne chose pour la démocratie.
Le remplacement du Cnesco, organisme indépendant dont la qualité des travaux est reconnue de tous, par un organe qui n’aurait plus pour mission d’évaluer les politiques éducatives et dont la majorité des membres seraient nommés par vous-même et par vos successeurs, monsieur le ministre, participe de la même logique.
Un ministre qui voudrait regagner la confiance commencerait par entendre la contestation qui s’exprime depuis plusieurs semaines, il prendrait en compte les mobilisations, il écouterait les critiques, il traduirait les orientations données par le Président de la République à l’issue du grand débat – je pense par exemple à l’objectif de 24 élèves par classe, de la grande section au CE1, qu’a mentionné mon collègue et ami Pierre Ouzoulias.
Invoquer la confiance, décrire ce texte comme un projet social ne suffira pas, monsieur le ministre, à masquer la réalité : c’est un projet d’essence ultralibérale, qui sape les fondements de notre système scolaire.
La confiance, c’est donner de la réalité à la promesse d’une école qui fait réussir le plus grand nombre et qui – enfin – réduit les inégalités. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des assises de la maternelle, en mars 2018, le Président de la République affirmait : « Il y a toujours quelque chose d’éminemment politique au sens le plus noble et le plus profond du terme, lorsqu’on parle […] de l’éducation, parce que c’est là que l’on construit la société qu’on a à faire et qu’on veut voir ». Nous ne pouvons que souscrire à ce propos, tant l’école constitue le fondement même de notre société, le creuset de la République et de ses valeurs.
Parce que l’éducation constitue justement un sujet politique, chacune des réformes entreprises en la matière provoque réactions et débats. Mais ce texte a suscité de réelles inquiétudes.
Les polémiques actuelles s’inscrivent tout d’abord dans un contexte plus global : depuis le début du quinquennat, vous avez engagé de multiples réformes éducatives, détricotant les acquis de la loi de refondation de l’école de 2013, épuisant l’ensemble des acteurs concernés, las de devoir appliquer de nouvelles dispositions alors même que les effets des précédentes n’ont encore été ni mesurés ni évalués.
Alors qu’enseigner et apprendre nécessite du temps, les enseignants et les élèves sont les premiers affectés par ces changements à marche forcée.
Dans le contexte de crise sociale et politique actuel, les enseignants ont tenté de faire entendre leur voix par de nouveaux modes de contestation, attirant désespérément votre attention sur la dégradation de leurs conditions de travail et de leur pouvoir d’achat, sur le manque de reconnaissance, sur les violences quotidiennes, sur leur désarroi face à leur incapacité à répondre aux besoins de leurs élèves, faute de moyens, et sur les difficultés prégnantes qu’ils rencontrent trop souvent avec leur hiérarchie.
Hélas ! le présent texte n’apporte pas de réponse à ces cris d’alarme, notamment en ce qui concerne la gestion des ressources humaines et le bien-être des personnels : aucune mesure visant à assurer le suivi psychologique et médical, aujourd’hui inexistant, n’est envisagée.
Pourtant, la confiance et la bienveillance passent aussi par la responsabilité de l’employeur vis-à-vis de ses personnels, qui, je le rappelle, sont au nombre de 800 000.
Au-delà du contexte général, le projet de loi en lui-même inquiète l’ensemble des acteurs : la méthode, dénuée de toute concertation, n’a pas permis de les associer à la rédaction du texte. Le recours aux ordonnances témoigne aussi d’une volonté de limiter le débat parlementaire.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, que la confiance ne peut nullement se décréter dans un article de loi, a fortiori quand ce dernier suscite la défiance des principaux intéressés.
En dépit des stéréotypes parfois véhiculés moquant leur corporatisme et leur résistance au changement, les enseignants ont en réalité toujours su adapter leur pédagogie aux évolutions de la société. Faites-leur confiance !
Si ce projet de loi visait initialement à traduire dans le droit la volonté du Président de la République d’abaisser l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, force est de constater qu’il engage, en réalité, de nombreux et profonds changements de notre système éducatif, tout en en taisant la plupart des aspects concrets et opérationnels, dont il eût pourtant été intéressant et nécessaire de débattre.
Jugé trop disparate, décrit comme un « fourre-tout législatif », il interroge sur sa cohérence propre et son articulation avec l’ensemble de votre politique éducative. En réalité, il apparaît clairement que vous engagez, depuis deux ans, une vaste transformation du système éducatif : une éducation marquée par l’autonomie des établissements, par la concurrence, par l’évaluation, et par l’instauration d’une école à deux vitesses.
Le projet de société que vous y dessinez, profondément ancré dans une conception libérale, ne répond ni aux enjeux du système éducatif ni aux difficultés auxquelles notre société est aujourd’hui exposée avec une acuité sans précédent.
Une question demeure : quelle plus-value apporte ce projet de loi au système éducatif, à la réussite de nos élèves et à la lutte contre les inégalités ?
Monsieur le ministre, la confiance, celle qui lie nos concitoyens et l’institution scolaire, ne pourra être restaurée que lorsque l’école de la République disposera des moyens nécessaires et suffisants pour remplir sa mission essentielle : garantir à chacun, et en particulier aux plus vulnérables, la possibilité de se hisser au meilleur de ses capacités, en enrayant tous les déterminismes, pour qu’ils aient l’envie et le plaisir d’aller à l’école. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous commençons ce jour l’examen du projet de loi pour une école de la confiance.
La multiplicité et la diversité des sollicitations dont nous avons pu faire l’objet témoignent des préoccupations profondes de la communauté éducative, des élus locaux et des parents d’élèves.
Certaines objections ont pu être formulées à l’aune d’inquiétudes qui ne sont pas nécessairement fondées – nous le reconnaissons volontiers, monsieur le ministre. Toutefois, ce phénomène, particulièrement prégnant pour ce texte, n’est peut-être pas étranger à l’insuffisance du dialogue et de la concertation engagés en amont de son élaboration.
Ce projet de réforme est venu se heurter aux attentes des Français, qui demeurent intactes, six années après la promulgation de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Les études PISA successives montrent, depuis près de deux décennies, une évolution assez alarmante du système éducatif français. Une des tendances les plus préoccupantes réside sans doute dans le profond délitement de l’attractivité du métier d’enseignant. Bien qu’il s’agisse d’un levier de réforme essentiel, ce projet de loi demeure relativement muet sur cette question.
Notre collègue Françoise Laborde et notre rapporteur, Max Brisson, ont commis, l’an passé, un rapport sur l’attractivité du métier d’enseignant que vous avez vous-même qualifié, monsieur le ministre, « d’inspirant ».
La reprise, par notre commission, de plusieurs de leurs préconisations, comme l’inscription de l’obligation de formation continue de tous les professeurs, vient donc très opportunément enrichir ce texte.
Notre groupe, au travers du dispositif de préprofessionnalisation ouvert aux assistants d’éducation, salue une disposition qui a vocation à familiariser les futurs enseignants avec le terrain scolaire. Toutefois, nous demeurons soucieux d’encadrer finement ce dispositif, afin que son objet ne soit pas détourné.
Le RDSE se félicite également des nouvelles dispositions tendant à ce que l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire à 3 ans ne pèse pas, outre mesure, sur les budgets communaux.
Notre groupe s’est particulièrement mobilisé sur ce point. Par deux fois, lors des questions au gouvernement, je vous ai interrogé, monsieur le ministre, sur l’accompagnement financier que le Gouvernement entendait mettre en œuvre du fait de l’obligation nouvelle qui sera faite aux communes de participer au fonctionnement des écoles maternelles privées sous contrat.
Le raisonnement de l’exécutif consistant à dire « qui faisait quoi avant ? » ou « qui engagera des dépenses nouvelles ? » ne pouvait nous satisfaire. La Haute Assemblée a donc voulu poser un principe équitable, les deux tiers des communes concernées accompagnant déjà, de manière facultative, l’enseignement maternel privé sous contrat.
Nous nous sommes donc attachés à ce que toutes les communes soient soutenues financièrement et pas uniquement celles qui engagent une dépense nouvelle.
Je profite de l’évocation de ce point pour attirer votre attention sur une autre réforme scolaire en vue qui ne sera, là encore, pas sans conséquence financière pour nos communes. Il s’agit de l’extension aux grandes sections de maternelle du dispositif de dédoublement des classes en réseau d’éducation prioritaire, ainsi que du plafonnement à 24 élèves, à l’horizon 2022, des effectifs, hors « REP », des classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1. L’ouverture de 10 000 classes supplémentaires n’aura en effet rien d’anodin pour nos collectivités, qu’il s’agisse de locaux ou de personnels dédiés.
Le 30 avril dernier, j’ai voulu vous interroger sur ce sujet. Vous étiez retenu, et c’est M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse qui m’a répondu… ou plutôt qui ne m’a pas répondu.
M. Michel Savin. Eh oui !
Mme Mireille Jouve. Il m’a été dit, en substance, que je devrais plutôt « me réjouir » de cette annonce. L’un n’empêche pas l’autre, monsieur le ministre ! Le renforcement de l’apprentissage des fondamentaux est primordial, et nous l’appelons, avec constance, de nos vœux. Mais nos élus locaux ne veulent plus d’un État dont les réformes qu’il lance engagent surtout les autres, et ce sans consultation préalable.
En dépit d’une dynamique démographique tendant à réduire les effectifs du premier degré, personne ici ne se risquerait à dire que nos écoles publiques souffrent très majoritairement de surdimensionnement chronique. Là encore, le Sénat est dans son rôle lorsqu’il appelle le Gouvernement à la plus grande vigilance sur ce point.
Monsieur le ministre, nous souscrivons pleinement à l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire, même si sa portée, en termes d’accueil, demeurera toute relative dans la grande majorité des territoires français.
Les sénateurs du RDSE ont souhaité apporter des aménagements à cette mesure, afin de mieux prendre en compte le rythme biologique des élèves en petite section ou de pérenniser des structures existantes, comme les jardins d’enfants, qui ont toujours donné pleine satisfaction.
Sur proposition de notre collègue Jean-Yves Roux, les membres de notre groupe ont, en outre, obtenu l’inscription du principe d’un accueil de l’enfant au plus près de son domicile.
Le présent projet de loi introduit également une obligation de formation pour les jeunes de 16 ans à 18 ans. Nous comprenons la démarche qui tend à poser le principe d’une obligation d’éducation et de formation de 3 ans à 18 ans, mais les conditions dans lesquelles a été introduite cette disposition, par voie d’amendement et sans étude d’impact, révèlent une impréparation certaine et réduiront vraisemblablement cette mesure à l’état de symbole.
Les conditions d’exercice et d’encadrement de l’instruction en famille ont aussi fait l’objet d’une attention particulière de notre commission. Notre groupe, notamment par le biais des propositions portées par notre collègue Nathalie Delattre, continuera de veiller à ce que ce recours, souvent précieux, ne soit pas dévoyé.
Le RDSE partage aussi pleinement la position de la commission qui a conduit à la suppression de l’article portant création d’établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux.
Sur la forme, le législateur ne saurait valider un dispositif aussi considérable sans étude ou évaluation préalables. Sur le fond, les craintes suscitées sont nombreuses, notamment en termes de concentration scolaire « forcée » en zone rurale. Alors que la notion de proximité est revenue au cœur du débat public, cette disposition paraît bien inopportune.
En ce qui concerne la création du Conseil d’évaluation de l’école, le groupe du RDSE aurait plutôt souhaité voir évoluer les prérogatives du Cnesco. Nous adhérons toutefois aux aménagements apportés par notre rapporteur pour renforcer l’indépendance et la pluralité de la future structure.
Le RDSE aurait également été partisan d’une poursuite de l’expérimentation du dispositif des PIAL, et de son évaluation, avant de procéder à un déploiement plus important. L’école inclusive représente un défi majeur. Les attentes sont de plus en plus fortes chez les parents d’élèves en situation de handicap. Les accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, sont au cœur du mécanisme, et la précarité professionnelle dans laquelle ils exercent leurs missions doit faire l’objet d’une attention accrue.
Les sénateurs de notre groupe ont enfin porté et soutenu la suppression de la demande de réforme par ordonnances de la carte académique. En effet, au regard des annonces récentes du Gouvernement, une telle disposition ne paraît plus adaptée.
Soucieux d’associer pleinement tous les acteurs à une réforme des conseils académiques de l’éducation nationale, ou CAEN, et des conseils départementaux de l’éducation nationale, ou CDEN, nous continuerons également de défendre une position similaire de suppression de l’article 18, même si nous ne contestons aucunement l’opportunité d’une réforme profonde de ces structures. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les ministres se succèdent – près de cent sous la Ve République ! –, mais ne se ressemblent pas
Il y a eu des ministres avec des périmètres différents, des secrétaires d’État et parfois même des secrétaires d’État en charge de l’enseignement préscolaire. Georges Pompidou, chargé de mission pour l’éducation nationale au cabinet du général de Gaulle à la Libération, est devenu Premier ministre, puis Président de la République en 1969. D’anciens anciens ministres de l’éducation nationale ont été Premiers ministres – Lionel Jospin, François Fillon – et auraient voulu devenir présidents, à l’instar également de François Bayrou. D’autres sont aujourd’hui académiciens ou ont déjà été oubliés.
Aujourd’hui, vous occupez ce poste, monsieur Blanquer. Je pensais que vous préféreriez les petits matins à un grand soir. Or cette réforme au nom évocateur – « école de la confiance » – portera en fait votre nom.
L’annonce du Président de la République sur la scolarisation dès 3 ans vous a obligé à écrire rapidement, peut-être trop rapidement, votre projet de loi, alors même que vous faisiez un parcours sans faute.
Aujourd’hui, un trop grand nombre d’incertitudes demeure, que le Sénat, dans sa grande sagesse et sa responsabilité, essaie de rectifier avec son excellent rapporteur Max Brisson.
Y avait-il nécessité, de la part du Président de la République, d’annoncer l’instruction obligatoire à 3 ans, alors que quelque 97,5 % des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés et qu’ils sont 99,5 % à l’être dès 4 ans, sans se soucier des incidences financières sur les collectivités locales et sur les maires ?
Les lois se succèdent, et ne se ressemblent pas : Berthoin, Haby, Savary, Jospin, Fillon… Parlerons-nous de la loi Blanquer dans quelques années ? L’histoire nous le dira.
En revanche, les évaluations, elles, se succèdent et se ressemblent. Vous les connaissez bien. Je pense à Timss, par exemple, l’évaluation consacrée aux mathématiques et aux sciences, qui a commencé le 6 mai en CM1 et le 13 mai en quatrième. Les derniers résultats montrent qu’il existe peut-être un problème en matière de formation des enseignants, notamment au regard de la faiblesse du score de nos élèves par rapport aux vingt-six pays de l’OCDE.
Je pense aussi aux études PISA : nous étions à la vingt-cinquième place, sur soixante-dix, en 2012, puis vingt-sixièmes en 2016. Nous connaîtrons à la fin de 2019 nos résultats pour 2020, et ils seront obtenus sous votre responsabilité, monsieur le ministre. Nous verrons alors quels sont les effets de votre politique. Quant à l’étude PIRLS, nous sommes dans la moyenne des pays de l’OCDE.
Je sais que vous êtes conscient de cette situation et que vous essayez de travailler en ce sens, notamment au travers du dédoublement des classes.
Néanmoins, comme le souligne le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, l’article 1er de ce texte est symbolique et non normatif. Il risque de conduire à la mise en cause de l’enseignant au lieu de le soutenir, alors même que 58 % de directeurs d’école déclaraient, en 2018, avoir subi des bousculades, des insultes, voire des agressions.
L’article 3 crée une obligation de formation jusqu’à 18 ans. N’est-ce pas encore un engagement de communication du Président de la République, alors que le retour en formation ou à une formation professionnelle existait déjà ?
L’article 10 transforme les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les Espé, en instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, ou Inspé. Ce changement de dénomination doit entraîner un changement de recrutement, de fonctionnement et de méthode ; nous l’attendons.
Permettez-moi de m’attarder sur l’article 6 quater et sur la création des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, qui ont suscité tant de méfiance, notamment, je le concède, en raison de rumeurs et de fausses informations. Toutefois, dans la mesure où vous connaissez mieux que moi le travail de certains partenaires de l’éducation, peut-être aurait-il fallu réfléchir à une meilleure anticipation.
J’ai donc décidé, ainsi que mon groupe, de supprimer cet article et de le réécrire avec toute la sécurité demandée et souhaitée.
Déjà, en 2019, à l’Assemblée nationale, un rapport montrait l’intérêt de cette école. Déjà, Frédéric Reiss parlait de regroupement. Déjà, Yves Durand parlait de la mise en amélioration de cette liaison, tout comme Alain Marc, qui soulignait l’importance d’une amélioration de la liaison entre l’école et le collège. Le rapport Thélot évoquait également un regroupement CE2, CM1, CM2, sixième.
Il faut un cadre juridique à cette école. Il faut, et c’est l’objet de mon amendement, décrire la création, sur la base du volontariat des collectivités territoriales et de la communauté éducative, d’un établissement correspondant à l’école du socle et nommé « établissement public local d’enseignement du socle commun ».
Les établissements qui sont en expérimentation à ce jour le demandent. Nous avons reçu, par exemple, des responsables de l’école du socle de Jussey, qui réclament ce texte juridique.
Toutefois, nous devons nous appuyer sur une délibération unanime et des collectivités locales et du conseil d’administration des collèges, ainsi que sur chacun des conseils d’école. Il nous faut rappeler que le collège et les écoles qui composent cet établissement peuvent être implantés sur plusieurs sites, et non sur un site unique dans le collège, comme on a pu l’entendre.
Il nous faut l’accord des collectivités territoriales pour toute modification des classes. Il nous faut, bien sûr, maintenir le directeur dans chaque école.
Telles sont les conditions indispensables pour retisser la confiance avec les élus, avec les enseignants et avec les parents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Oscar Wilde disait que « le seul moyen de se débarrasser d’une tentation, c’est d’y céder ». Avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous venez conforter cette maxime. N’aviez-vous pas annoncé, en début de quinquennat, qu’il n’y aurait pas de loi Blanquer ? La vie politique est ainsi faite…
Quelle est, à l’origine, la motivation principale de ce texte ? Sans aucun doute, celle de concrétiser la promesse du candidat Macron de porter à 3 ans l’âge de l’instruction obligatoire.
Au nom de quoi, de quel principe ? Permettez-moi de m’inscrire totalement en faux par rapport à l’argumentaire, souvent développé, selon lequel, avec cette mesure, notre pays disposera de la plus forte précocité en Europe en termes d’instruction. Je considère que l’on ne prend pas des mesures politiques pour battre des records, tout particulièrement dans le domaine si sensible de l’éducation nationale…
Tout acteur de la communauté éducative pourra convenir, avec un minimum d’objectivité, que le rythme d’un enfant de 3 ans n’est pas systématiquement adapté à une journée d’école qui démarre souvent dès sept heures trente, pour finir parfois après dix-huit heures.
J’ai ainsi proposé un amendement, adopté en commission, qui vise à déroger à cette règle pour les plus jeunes, à l’issue d’une concertation entre parents, directeurs et équipes éducatives. Par ailleurs, il me semble important de redire que la cellule familiale doit rester le premier éducateur de l’enfant.
J’ajoute que, au lieu de porter spécifiquement les efforts sur les départements qui se signalent par une singularité – ils ont été évoqués voilà quelques instants –, on généralise à l’ensemble du territoire national, sans anticiper sur les conséquences, notamment financières, pour toutes les communes de France. Les élus locaux sont inquiets de cette nouvelle charge.
Les élus ne sont pas les seuls à avoir fait connaître leurs vives inquiétudes vis-à-vis de ce projet de loi. Bien sûr, comme tout texte touchant à l’école, celui-ci n’a pas manqué d’hystériser le débat public, à l’image de la mobilisation contre l’article 6 quater, qui créait les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux.
Parents d’élèves, personnels de l’éducation, enseignants et directeurs d’école ont beaucoup critiqué cette mesure avec, il faut bien le dire, des interprétations parfois malheureuses, et pas toujours objectives, tant s’en faut.
Toutefois, comme trop souvent malheureusement, la méthode d’introduction de cette mesure n’était pas la bonne. Aussi, les membres de la commission de la culture et notre rapporteur Max Brisson, dont je salue le travail de grande qualité, ont-ils su entendre les craintes. Dans un souci d’apaisement, nous avons fait le choix de supprimer l’article 6 quater, au motif qu’il risquait, pour paraphraser mon collègue Jacques Grosperrin, de « constituer un cheval de Troie pour des regroupements non désirés ».
Il faut néanmoins laisser une large place à l’expérimentation, car nous savons que ce dispositif correspond, localement, à des besoins réels.
Poursuivant en quelque sorte la même logique que pour l’instruction obligatoire à 3 ans, le Gouvernement a introduit, à l’Assemblée nationale, l’obligation d’instruction jusqu’à 18 ans. Là encore, je m’interroge sur les effets visés.
L’article 3 bis dispose que tout individu devra être inscrit dans un établissement scolaire, ou en formation, ou en emploi. Mais où serait-il donc si tel n’était pas le cas ? J’ai la nette impression que nous connaissons tous la réponse et que le mal profond auquel elle fait référence nécessite bien davantage qu’une mesure cosmétique de contrainte, qu’il sera bien difficile de faire respecter dans certains quartiers, surtout en confiant la mission de contrôle aux petits bras musclés de nos missions locales.
M. Michel Savin. Absolument !
M. Stéphane Piednoir. Quitte à dépenser 100 millions d’euros en année pleine, j’aurais tellement aimé qu’on les destine à des dispositifs qui ont fait leurs preuves, comme les écoles de la deuxième chance.
Par ailleurs, le rôle des futurs assistants d’éducation doit absolument être précisé dans ce texte, pour éviter, là encore, des suspicions de mesures simplement budgétaires. La pratique, aux côtés d’un professionnel expérimenté, doit être encouragée, mais elle ne peut se transformer en système de remplacement.
L’article 1er donne généralement le ton d’un texte. Comme vous le savez, monsieur le ministre, cet article est ici à l’origine de bien des manifestations hostiles de la part du corps enseignant. Il faut reconnaître que la notion d’exemplarité est tellement sujette à interprétation et tellement imprécise, qu’elle ne peut que susciter la défiance, ce qui est l’exact contraire de l’objectif annoncé par le titre de ce projet de loi. Il me semble que le terme de « neutralité » serait plus adéquat.
Je vous proposerai également, mes chers collègues, de modifier l’intitulé de ce texte en « projet de loi pour une école de la confiance et du respect ». Je suis en effet persuadé que tous les enseignants appellent cet équilibre de leurs vœux, alors même que les agressions se multiplient dans les établissements scolaires.
Ce respect dû aux enseignants devrait aussi être un principe que les organisations syndicales s’appliquent à elles-mêmes, en commençant par respecter les directives de leur ministre de tutelle, qui a indiqué clairement que l’écriture inclusive, par exemple, n’était pas acceptable.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. Stéphane Piednoir. Sur ce point, je suis en parfait accord avec vous, monsieur le ministre. L’essentiel est le retour aux fondamentaux sur le vocabulaire et la grammaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le démontrer ma collègue Maryvonne Blondin, il est manifeste que nous ne partageons pas, monsieur le ministre, la même vision de l’école de la République. Pour nous en rendre compte, nous devons regarder l’ensemble des changements réalisés sous ce gouvernement.
La réforme du lycée, dont l’application renforcera les inégalités territoriales, a succédé à la mise en place problématique de Parcoursup et à une nouvelle organisation des rythmes scolaires à la carte.
À cela s’ajoutent les suppressions de postes, plus nombreuses chaque année, alors que les 60 000 postes créés lors du quinquennat précédent avaient tout juste permis de compenser les suppressions effectuées sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Aujourd’hui, vous nous proposez un projet de loi dénommé « pour une école de la confiance », mais qui suscite tout le contraire : suspicion, inquiétude et même angoisse. En fait, c’est de défiance qu’il s’agit.
Vous mettez à mal l’école, notre École – avec un grand E –, sans concertation avec celles et ceux – élus, notamment ruraux, parents, communauté éducative – qui vivent l’école au quotidien. Et tout cela, sans aucune évaluation de ce qui a été fait précédemment. Vous empilez une nouvelle loi Blanquer, alors que ce dont notre école a besoin aujourd’hui, c’est d’un frein au train incessant des réformes, pour prendre enfin le temps de mettre en place ce qui existe.
Ce projet de loi est un catalogue, un patchwork de mesures qui vont affecter structurellement notre système éducatif. Si son fonctionnement est encore à améliorer, vous proposez, avec ce texte, non pas une vision politique de l’éducation, mais une vision comptable qui consiste à trouver des professeurs qui coûteront le moins cher possible, au détriment de la qualité des conditions d’apprentissage des enfants, ou à réduire le nombre de directeurs et de directrices d’école, alors qu’ils, et elles, sont le lien indispensable entre les différents membres de la communauté éducative.
Quelques dispositions peuvent, certes, aller dans le bon sens. Je pense au meilleur contrôle de l’instruction en famille ou à l’instruction obligatoire dès 3 ans, une mesure que nous défendons depuis plusieurs années. Mais même sur ces points, nos craintes persistent, car ces réformes ne doivent pas être mises en œuvre au détriment des communes.
Nous nous inquiétons également de la suppression du Cnesco au profit d’un conseil constitué de membres désignés en grande partie par le ministère. L’indépendance des instances d’évaluation est cruciale, autant pour l’impartialité de ses évaluations que pour l’engagement pédagogique du corps enseignant.
Ce texte met aussi en place une mise en concurrence des établissements. Ainsi, sous couvert d’expérimentation, la répartition des heures d’enseignement par matière pourra différer d’un établissement à l’autre.
C’est aussi, comme je le soulignais, des choix purement comptables. Je pense, par exemple, au fait de confier des missions d’enseignement, de façon tout à fait prématurée, aux assistants d’éducation, dès la L2, lorsqu’ils, ou elles, se destinent à l’enseignement, afin de compenser les suppressions de postes et de réaliser des économies.
Quant à l’article 6 quater, point dur du texte, dont nous saluons le retrait à l’unanimité par la commission, nous ne saurions accepter de le réintégrer sous une rédaction peut-être plus habile, mais aux conséquences tout aussi néfastes pour les territoires et le service public de l’éducation.
Oui, la création d’établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, ou EPLESF, ou tout autre nom qui pourrait être donné à un tel organisme, renforcera les inégalités, particulièrement dans les territoires ruraux. Les fermetures de classes qui en découleront – en effet, vous ne nous ferez pas croire que la création de ces établissements n’entraînera pas la fermeture de classes – mettront gravement à mal le lien social que l’école maintient dans les communes rurales. Ce n’est pas notre modèle d’une politique éducative de proximité.
La portée de certains articles a été aggravée lors de l’examen du texte en commission, au Sénat. Je pense notamment à la détérioration des conditions de travail et de formation des enseignants.
À gauche, l’école de la République doit être un lieu d’émancipation individuelle et collective, un lieu d’acquisition des savoirs et des connaissances culturelles et, pour toutes et tous les élèves, un lieu de formation de citoyens éclairés, responsables, libres.
Cela ne peut se faire sans le personnel enseignant ni la communauté éducative sur lesquels vous faites planer une suspicion injuste au travers de l’article 1er. Ce sont eux qui font face, en première ligne, aux difficultés scolaires du quotidien. Ils ont besoin de reconnaissance, de respect, d’une revalorisation de leur métier, de moyens humains et financiers. Ils ont tout simplement besoin de confiance.
Monsieur le ministre, vos choix politiques sont cohérents et clairs. Ce texte n’est pas sans rappeler les attaques incessantes dont notre système scolaire a été victime entre 2007 et 2012 – un affaiblissement grave auquel vous aviez d’ailleurs pris part.
Vous faites l’éloge de l’employabilité comme objectif premier de l’école, de la performance à tout prix et de l’individualisme. Il est clair que ce texte ne répond pas aux exigences d’égalité, qu’il est si nécessaire de satisfaire pour construire une société émancipatrice. Le groupe socialiste fera, par amendements, des propositions pour l’améliorer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes plusieurs à avoir croisé, avant d’entrer dans cet hémicycle, le regard d’albâtre de Jules Ferry, dont le nom est indissociable de l’histoire et de notre école et de notre République.
Comme certains, je crois aux forces de l’esprit. Là où il est, Jules Ferry ne peut qu’être interpellé par le nom de votre projet de loi, monsieur le ministre : « Pour une école de la confiance ».
La plupart d’entre nous, ici, sont les filles et les fils de l’école de la République, cette République qui, dans les années 1880, a sonné le carillon de la plus heureuse et de la plus silencieuse des révolutions.
En offrant à tous les enfants l’accès au savoir, qui était jusqu’alors avant tout réservé aux catégories les plus aisées, elle leur permettait aussi d’espérer une progression sociale par la réussite scolaire, les mérites de chacun étant ainsi reconnus. Alors que le suffrage universel a établi l’égalité des droits, c’est l’instruction publique qui fut la servante consacrée de l’égalité des chances. École, méritocratie et République sont donc intimement liées dans notre histoire et notre mémoire collective.
Or, depuis plusieurs décennies, la confiance entre les Français et leur école est fissurée. Preuve éclatante du malaise scolaire : l’exode massif d’élèves de l’école publique vers le privé. Personne ne peut croire que cette « fuite des cerveaux » soit due à une quelconque fièvre religieuse. Dans l’esprit de bien des parents, l’école privée d’aujourd’hui est tout simplement l’école publique d’hier,…
M. David Assouline. N’importe quoi !
M. Olivier Paccaud. … celle où l’autorité du maître, le respect que les élèves lui témoignent et la valorisation des efforts étaient des fondements incontestables et incontestés.
Bien des enseignants doutent, eux aussi. Mal payé, peu considéré, le professorat n’attire plus, tandis que des mouvements comme « les stylos rouges » ou « PasDeVague » illustrent cette grogne qui monte au sein de l’éducation nationale.
Oui, monsieur le ministre, il faut rebâtir ce socle de confiance indispensable pour que notre école retrouve sérénité et efficacité.
Malheureusement, à la lecture du projet de loi déposé à l’Assemblée nationale, quelle déception, tant, loin d’une grande loi sur l’école, le texte présenté se révélait un bouquet fourre-tout, sans harmonie, sans ambition, sans vision.
Quant à la mesure emblématique, l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, déjà en vigueur quasiment partout dans l’Hexagone – je n’oublie pas, cela dit, nos amis de Mayotte et de la Guyane –, il est difficile de ne pas y voir un « coup de communication » à la portée pédagogique toute relative.
De même, vouloir transformer les Espé, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, en Inspé, ou instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, ne traduit pas une inspiration débordante.
La version corrigée par nos collègues de l’Assemblée a avant tout créé des craintes et des polémiques inutiles, qu’il s’agisse de la décapitation du « père » et de la « mère » dans les documents administratifs ou de la création des obscurs établissements publics des savoirs fondamentaux.
Si certains se sont saisis du flou de cet article 6 quater pour agiter les peurs et cristalliser les ressentiments, force est de constater que l’on a rarement vu texte plus mal écrit. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » – ces vers de l’Art poétique de Nicolas Boileau sont à méditer.
Si le rapporteur Max Brisson, notre ami et collègue, n’est pas un titan tout droit sorti de la mythologie, il a néanmoins, avec passion et détermination, mené au cœur de la commission de la culture un travail titanesque, qui a permis d’améliorer le texte. Je pense notamment aux amendements relatifs à l’école inclusive, même s’il reste, en la matière, beaucoup à faire, au retour au bon sens et à la sagesse concernant les jardins d’enfants, à l’affirmation du rôle et de l’autorité des directeurs d’école.
Espérons que l’examen qui s’ouvre sera fertile et que l’attitude positive et constructive de la Haute Assemblée, jamais démentie, recevra l’écoute souhaitée de la part du ministère.
L’école de la République a besoin d’un nouveau souffle et, sans doute, d’une véritable loi de refondation. Ce ne sera pas pour cette fois, mais peut-être pour une autre – il faudra bien, notamment, évoquer en profondeur la formation initiale et continue des enseignants, leurs modalités d’affectation, leur statut, le fonctionnement des établissements scolaires et la place de l’école dans les territoires.
Nous ne sommes plus au temps des hussards noirs de la République, mais l’école est toujours aussi importante. Tentons donc de ressusciter cette confiance disparue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vais évidemment pas répondre à chacun des points évoqués par chacun d’entre vous – ce serait trop long, et j’aurais peur de vous lasser. Je voudrais néanmoins revenir sur ce qui a été exprimé au travers des différentes interventions.
La première question que je souhaite éclaircir est celle de l’intention qui motive la présentation de ce projet de loi. Il me paraît particulièrement important, en effet – plusieurs d’entre vous l’ont dit –, que nous puissions discuter de bonne foi de ce que contient réellement ce texte. Si, au point où nous en sommes de la discussion, je n’avais qu’une seule idée à formuler, je dirais que nous n’avons strictement aucune intention cachée. Je tiens énormément à le dire : l’intention de ce projet de loi est parfaitement claire ; elle est affichée.
Nous vivons – c’est incontestable – dans une société de la défiance et du soupçon ; à ce titre, chacun doit faire son introspection pour savoir s’il contribue à la logique de la confiance ou à celle du soupçon.
J’ai fait il y a un an quelque chose de relativement rare pour un ministre de l’éducation en exercice : j’ai écrit un livre sur ce que nous avions commencé à faire et sur ce que nous nous apprêtions à faire. J’avais d’ailleurs écrit, dans ce livre que chacun peut lire, que le temps de la loi viendrait au moment voulu. J’ai donc expliqué par écrit le pourquoi et le comment des différentes mesures que nous sommes en train de prendre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quel que soit le groupe politique auquel vous appartenez, je vous prie de croire – c’est la seule requête que je vous soumettrai – que les intentions qui sont derrière ce projet de loi sont tout simplement les intentions affichées. Autrement dit, il n’y a aucune autre intention que celle qui est affichée.
Vous avez le droit d’être contre ces intentions ; mais si vous ne voulez pas contribuer à alimenter cette société du soupçon dans laquelle nous vivons, alors n’allez pas chercher je ne sais quelle intention cachée. Il y a quelque chose d’absurde à vous voir critiquer, en brandissant une intention soi-disant dissimulée, certaines mesures que vous avez vous-mêmes préconisées, à gauche comme à droite.
Je pourrais prendre bien des exemples. L’instruction obligatoire à 3 ans est un vieux projet, souvent venu des travées de la gauche. Certains d’entre vous l’ont saluée, tout en éprouvant immédiatement le besoin de préciser que le projet proposé n’est pas celui que vous auriez, vous, mis en œuvre. Je ne saurais dire à quoi eût bien pu ressembler votre instruction obligatoire à 3 ans pour être si belle, quand la nôtre est si laide ! Je ne vois pas de différence entre l’intention qui était la vôtre et celle que nous sommes en train, pour notre part, de mettre en œuvre.
Très souvent, en vous écoutant – pardonnez-moi de vous le dire –, l’adage selon lequel la critique est aisée, mais l’art est difficile me venait à l’esprit. Il y a bien des choses, en effet, que vous avez préconisées et que nous sommes en train d’accomplir.
Ce constat vaut aussi pour les travées de droite – le sénateur Grosperrin a eu l’honnêteté d’évoquer les travaux réalisés sur l’école du socle.
Le sénateur Ouzoulias a fait référence au plan Langevin-Wallon, dont les concepteurs appelaient de leurs vœux une « école fondamentale », c’est-à-dire une vision englobant l’école et le collège, leur volonté étant de tracer un continuum pour tous les enfants de France. Il y a là – vous avez eu l’honnêteté de le rappeler, monsieur le sénateur – l’une des sources d’inspiration de ce projet de loi.
Aujourd’hui, certains éprouvent le besoin de caricaturer ce texte, faisant comme si ses objectifs étaient éloignés de ceux que vous-mêmes, dans le passé, avez poursuivis, sans que les gouvernements que vous souteniez aient pu les atteindre – telle est la vérité ! Nous sommes, nous, en train d’ouvrir quelques portes, qui n’ont pas été ouvertes par les gouvernements précédents. C’est peut-être cela, d’ailleurs, qui motive certaines critiques – j’y vois l’intention cachée, pour le coup, de certaines interventions.
Je voudrais donc vous demander, à l’aube des différents débats que nous allons avoir, non pas que nous soyons d’accord sur tout, évidemment – ce ne serait ni possible, ni même souhaitable –, mais de ne pas chercher derrière le texte des intentions qui n’y sont pas.
Pourquoi, par exemple, Jean-Pierre Chevènement aurait-il salué plusieurs des mesures que j’ai prises depuis mon entrée en fonction si mon intention était de créer cette école ultralibérale dont vous me prêtez le dessein ? Pourquoi des défenseurs habituels de l’enseignement des savoirs fondamentaux à l’école, par exemple venus de l’Académie française, soutiendraient-ils la politique que nous menons en la matière, et pourquoi voudrais-je, moi, autre chose que ce que souhaitent ces différentes personnalités ?
Je le répète, on a le droit de ne pas être d’accord avec ce que nous faisons. Mais si nous ne voulons pas contribuer à cette société du soupçon que, par ailleurs, nous déplorons tous chaque fois que nous la constatons, nous ne devons pas faire semblant de lire des intentions cachées là où il n’y en a pas.
Mes intentions sont parfaitement claires ; elles sont affichées dans l’exposé des motifs et transparentes dans les politiques menées jusqu’à présent. Elles peuvent être contestées – je n’en dénie le droit à personne. Mais il me paraît vain de disserter sur un projet qui n’est pas celui que nous présentons ; ce sont de telles interventions qui nourrissent la défiance.
Quant à la confiance, plusieurs d’entre vous ont dit qu’elle ne se décrétait pas, mais qu’elle se créait. Je suis complètement d’accord avec ces propos – j’ai bien conscience qu’un intitulé de projet de loi ne suffira pas à créer une société ou une école de la confiance, et qu’il s’agit d’un enjeu collectif. Mais j’essaie d’y apporter ma pierre ; et nous verrons bien si ce cercle vertueux sera effectivement enclenché.
Toutefois, là encore, j’invite à l’introspection : les sociétés qui vont bien, dans le monde d’aujourd’hui, sont celles qui ont confiance en leur école et qui n’ont pas plaqué sur elle le clivage gauche-droite.
Certains déclarent solennellement que ma conception de l’école n’est pas la leur. Je veux bien l’entendre : des divergences peuvent exister entre nous ; mais je ne suis pas certain qu’elles soient si profondes. Nous avons beaucoup à gagner à nous rapprocher les uns des autres, pour construire une école qui corresponde à tous les citoyens, sans discrimination et – je le répète – sans clivage gauche-droite plaqué sur ces enjeux.
Vouloir que l’école maternelle crée les conditions de l’égalité entre tous les enfants, ce n’est ni de gauche ni de droite.
M. Michel Savin. Non, c’est « en marche » ! (Sourires.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Vouloir que l’école soit inclusive et accueille tous les élèves handicapés, ce n’est ni de gauche ni de droite. Vouloir organiser l’école avec une certaine souplesse, pour tenir compte des différences entre les territoires, ce n’est ni de gauche ni de droite. Vouloir une école permettant de traiter les enjeux non seulement d’instruction, mais aussi d’éducation, en collaboration avec les parents d’élèves, ce n’est ni de gauche ni de droite.
Tous ces enjeux – la liste que je viens de donner n’est pas exhaustive – figurent dans ce projet de loi.
J’ai parlé de l’intention qui préside à la présentation de ce texte ; je voudrais conclure en précisant quelle est sa nature. Je ne discuterai pas de savoir s’il s’agit d’une petite ou d’une grande loi ; je vous ai dit qu’il ne s’agissait pas de refonder l’ensemble du système scolaire. Je pense d’ailleurs que l’absence d’une telle prétention pourrait être le gage de la qualité de ce texte.
Puisqu’il a été fait référence à Jules Ferry, faisons un peu d’histoire. Si une grande loi se mesure au nombre d’insultes et de critiques que l’on recueille en la présentant, alors Jules Ferry a fait une très grande loi : lorsqu’il a rendu obligatoire l’instruction à partir de 6 ans, il n’a pas recueilli, lui non plus, l’assentiment général sur les différentes travées des deux chambres – il suffit pour s’en convaincre de lire le compte rendu des débats de cette époque.
M. David Assouline. Aucun rapport !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. À l’époque, fort heureusement, une très grande proportion d’enfants, en France, était déjà scolarisée, grâce au travail de Guizot ou de Duruy.
Jules Ferry, lui, a fait quelque chose d’absolument indispensable, qui a été fondateur pour la République : rendre cette scolarisation obligatoire pour tous. La conséquence n’a pas seulement été d’amener à l’école les enfants qui n’y allaient pas ; elle a été de donner un socle, un cadre juridique, mais aussi psychologique, à ce qui devait être l’école de la République.
Telle est évidemment notre intention au travers de l’instruction obligatoire à 3 ans : la valorisation de l’école maternelle. Il n’y va pas seulement des 25 000 enfants qui ne vont pas à l’école et qui iront désormais.
Je précise, d’ailleurs, que ces enfants ne vivent pas tous en Guyane et à Mayotte : j’ai en tête cet enfant d’une partie rurale profonde de l’Orne dont on me parlait lors de l’un de mes déplacements et qui, arrivant en CP à 6 ans, avait un vocabulaire extrêmement faible. C’est ce type de cas, aussi, que nous allons résoudre ; chaque enfant compte, évidemment – et quelques milliers ne sont absolument pas quantité négligeable.
Ce faisant, donc, nous n’allons pas seulement amener ces enfants à l’école ; nous construisons un cadre pour l’école maternelle. Ce dernier a déjà des conséquences juridiques concrètes – je pense à la visite médicale à 3 ans pour tous, qu’il n’a pas été possible, jusqu’à présent, de mettre en œuvre, précisément parce que l’école n’était pas obligatoire.
Il faut donc avoir en vue les conséquences de ce que nous faisons, qui toutes sont la déclinaison de deux objectifs – telle est notre intention en présentant cette loi ; il n’y en a pas d’autre. On peut bien discuter des chemins que nous empruntons pour réaliser cette intention, mais pas de l’intention elle-même, qui est claire et manifeste.
Cette intention se traduit, comme je le disais, en deux objectifs : l’élévation du niveau général et la justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi pour une école de la confiance
TITRE Ier
GARANTIR LES SAVOIRS FONDAMENTAUX POUR TOUS
Chapitre Ier
L’engagement de la communauté éducative
Article 1er
Après l’article L. 111-3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-3-1. – L’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unit les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l’égard des professeurs, de l’ensemble des personnels et de l’institution scolaire. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, sur l’article. (M. Vincent Segouin applaudit.)
M. Jean-Marc Boyer. Ce projet de loi est censé instaurer une école de la confiance. Or la confiance exige qu’il soit fait droit à certains principes fondamentaux, au nombre desquels figure le respect que les acteurs de l’école se doivent mutuellement, en particulier, le respect que les écoliers doivent à leurs maîtres. Comment le transfert des savoirs peut-il s’accomplir si ceux à qui ils sont transmis ne respectent pas ceux qui les leur transmettent ?
Je félicite mon collègue rapporteur Max Brisson de son travail de qualité ; il rappelle que le respect est d’abord dû par les élèves et leurs familles aux professeurs, à l’ensemble des personnels et à l’institution scolaire.
Le second principe qui me paraît fondamental pour instaurer la confiance est la proximité. C’est pourquoi j’ai tenu, avec bon nombre de mes collègues, à ce que nous ne généralisions pas l’expérimentation relative aux établissements publics des savoirs fondamentaux, qui pourraient porter atteinte à ce principe.
Le regroupement envisagé éloignerait en effet les familles et les enseignants de la première école du quotidien : le directeur d’école serait mis entre parenthèses, le lien entre le maire et le directeur, pourtant essentiel à la bonne marche de nos écoles, serait mis en cause, et la pérennité des écoles rurales serait menacée – ces écoles comptant peu de classes, un regroupement de classes peut signifier une fermeture d’école.
J’ai eu la chance d’aller à l’école de mon village, qui était une école à classe unique. L’école était à côté de chez moi. Cette proximité n’a pas de prix, monsieur le ministre, car c’est le quotidien de nos enfants qui se déroule à l’école, et c’est leur avenir qui s’y prépare.
Je souhaite ici rappeler l’engagement du Président de la République à ne pas fermer d’école, et le vôtre à poursuivre, lorsque certaines conditions sont remplies, la fermeture de classes.
Vous êtes venu dans le Puy-de-Dôme en 2018 ; vous avez pu y constater la réalité d’une école primaire riche de ses maîtres et la vitalité d’un collège rural.
Monsieur le ministre, si vous voulez une école de la confiance, regardez nos villages : l’église est au centre du village, l’école au centre de la commune et l’élève au centre de l’école communale. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, sur l’article.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Quelques mots, monsieur le président – je ne souhaite pas faire durer les débats.
Monsieur le ministre, nous allons aborder le chapitre Ier de votre projet de loi, qui s’intitule « L’engagement de la communauté éducative ». Or la réalité est que, depuis trente ans, un nombre important de circulaires a affaibli la place de l’enseignant au sein de sa classe. Les enseignants, aujourd’hui, n’osent plus bouger, tant ils ont peur de certaines réactions.
Il est certes important et nécessaire de rappeler aux enseignants leur engagement, mais il est tout aussi nécessaire, monsieur le ministre, de rappeler quelle doit être la place des parents au sein de l’école, et de rappeler aux enfants que la parole de l’adulte n’est pas identique à celle de l’enfant, afin que les enseignants puissent se sentir soutenus.
L’école de la République est un lieu merveilleux et une chance pour la mixité sociale. Mais il est grand temps, monsieur le ministre, de redonner du cadre à cette belle institution, de faire confiance aux enseignants et de les soutenir lorsqu’ils en ont besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui est compliqué.
Compliqué, il l’est en premier lieu dans sa construction, puisqu’il a été élaboré sans aucune concertation et qu’il est devenu, au fur et à mesure de ses évolutions, un recueil de mesures disparates et hétérogènes. Pourtant, il s’agit d’un texte dont l’adoption bouleverserait en profondeur le fonctionnement du système éducatif, mais sans aucune certitude de progrès.
Compliqué, il l’est aussi dans son esprit. Ce texte, qui se veut ambitieux, doit être, selon vos propres mots, « le socle d’une école qui inspire confiance et qui crée de la confiance en permettant la réussite et l’épanouissement de l’élève dès le début de sa vie ».
Pourtant, monsieur le ministre, ce texte fait l’unanimité contre lui, chez les enseignants en particulier, au sein de la communauté éducative en général, et même chez un très grand nombre de parents d’élèves !
Si l’ambition du texte est de ramener de la confiance dans le monde enseignant, par ailleurs particulièrement en souffrance, la tâche est ardue, monsieur le ministre. Je souhaite évoquer, de ce point de vue, le désespoir quotidien d’un très grand nombre de nos enseignants nés en outre-mer et systématiquement parachutés dans l’Hexagone alors que des besoins dans leurs matières existent au sein de leur académie – entre 2009 et 2016, 839 équivalents temps plein, dont 278 dans le premier degré et 561 dans le second degré, ont été affectés dans l’Hexagone.
J’ai bien conscience que cette question devrait être traitée dans le prochain projet de loi de réforme de la fonction publique. Mais j’insiste sur le fait que la refondation du système éducatif passe également par une refonte du système des mutations, s’agissant en particulier de nos enseignants, notamment de ceux qui sont néo-titulaires.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. Dans un opuscule de 2007, Yann Algan et Pierre Cahuc montrent à quel point la société française est une société de défiance. La méfiance à tous les échelons finit par affecter négativement notre modèle social et la perception que chacun peut avoir de l’État providence.
En 2012, ces mêmes auteurs, ainsi que d’autres économistes, prolongent l’analyse et expliquent les causes de cette défiance, pointant notamment l’obsession française pour les classements, l’inertie liée à son fonctionnement pyramidal et la fragmentation horizontale qui en résulte.
L’école n’échappe pas à ce constat. Selon un sondage réalisé par l’IFOP, en 2018, 65 % des Français considèrent que le système scolaire ne garantit plus l’égalité des chances. Autrement dit, la promesse républicaine attachée à l’école apparaît comme une illusion.
À ce titre, monsieur le ministre, nous ne pouvons que souscrire à la volonté, que vous avez maintes fois exprimée, de réintroduire de la confiance au sein du système scolaire.
En revanche, nous ne pouvons que nous interroger sur la méthode employée : peut-on créer une spirale positive, créant progressivement la confiance dans l’ensemble de la communauté éducative, en instillant implicitement une forme de défiance à l’encontre des personnels de l’éducation nationale, en particulier des professeurs, et ce dès l’article 1er du projet de loi ?
Tel n’était peut-être pas votre objectif initial, mais tel a été le résultat, comme vous avez pu le constater. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la portée normative de ces dispositions, comme l’a fait le Conseil d’État dans son avis – cela a été dit. En d’autres termes, l’intention est louable, mais il n’est nul besoin de la loi pour répéter la loi !
Monsieur le ministre, vous avez choisi de réaffirmer le devoir de réserve des personnels de la communauté éducative, et, au premier chef, celui des enseignants. Ce faisant, vous suscitez le doute, l’incompréhension et, in fine, la méfiance entre votre ministère et les enseignants. Pensez-vous que cette manière de procéder est de nature à instaurer le climat de confiance que tout le monde désire ?
Le lien de confiance qui unit les élèves et leurs familles au service public de l’éducation suppose de l’écoute et de l’apaisement. Pour cette raison, il nous semble plus que nécessaire de retirer cet article du projet de loi.
L’envoi d’un tel signal calmerait les craintes de la communauté éducative et nous permettrait de concentrer vraiment nos efforts, dans les heures et les nuits à venir, sur le projet dont nous souhaitons la réalisation pour l’école, ainsi que sur les moyens de parvenir à renforcer la confiance en son sein. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, le problème est que ce débat, au moment où nous l’amorçons, est semé de faux-semblants, contrairement à ce que vous avez essayé de démontrer dans votre réponse.
Comme nombre de vos collègues ministres, vous avez voulu faire croire, en arrivant aux responsabilités, que vous aviez inventé l’eau chaude.
M. Jean-François Husson. Lorsque l’occasion vous a été donnée d’agir, nous avons vu les résultats !
M. David Assouline. Vous vous êtes approprié des concepts que vos prédécesseurs – je pense en particulier à Vincent Peillon – avaient fait leurs, prenant des mesures très importantes.
M. Jacques Grosperrin. Quel succès ! L’enquête PISA en témoigne.
M. David Assouline. Ainsi a-t-il fallu se bagarrer pour que chacun se persuade, enfin, que tout commence par l’école primaire, et qu’il fallait donc inverser les choses et faire porter les efforts prioritairement sur cette dernière. Des mesures concrètes ont suivi : « Plus de maîtres que de classes ». Ce n’est donc pas vous qui avez inventé cette façon de procéder, mais c’est ce que vous avez affirmé.
Vous avez prétendu combattre les inégalités en dédoublant les classes. Soit ! Mais vous avez oublié de dire que ce dédoublement s’était fait en vidant de son sens le principe « plus de maîtres que de classes », et non en créant des postes de maîtres pour renforcer le dispositif qui avait été mis en place.
De la même façon, vous dites œuvrer « pour une école de la confiance », mais commencez votre texte, à l’article 1er, par un geste de défiance envers les enseignants. C’est bien qu’il y a un problème !
Vous pouvez bien dire que vous avez été mal compris, mais les faits sont là. Vous n’aimez pas les lois bavardes ; vous aviez même dit qu’il n’y aurait pas de loi portant votre nom : vous disiez préférer l’action concrète… Pourtant, dès l’article 1er, vous introduisez dans la loi une disposition qui n’a aucune valeur normative, qui existe déjà dans le code de l’éducation : bien entendu, les professeurs doivent être exemplaires, comme, d’ailleurs, tous les fonctionnaires.
Néanmoins, vous oubliez que, pour que les professeurs et tous les fonctionnaires soient respectés, il faut cesser de dénigrer et d’affaiblir la fonction publique. Ce qui pèse sur l’autorité des enseignants, c’est que la parole politique, loin de les valoriser, ne cesse de répéter que l’on fait moins bien dans l’école publique que dans l’école privée – je l’ai encore entendu dans une intervention prononcée tout à l’heure à droite de l’hémicycle.
Aujourd’hui, si l’on veut que la société les respecte, il faut dire aux professeurs que ce qu’ils font est exemplaire et leur donner les moyens de formation et les salaires suffisants pour qu’ils soient respectés. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le ministre, vous avez raison : il faut un préjugé positif de confiance pour qu’une société, a fortiori républicaine, fonctionne correctement.
Le seul problème est que la confiance doit s’étayer sur des faits ; or, quand les faits créent la défiance, les mots ne suffisent pas à rattraper la situation. Vous mentionnez, à l’article 1er, l’obligation pour le corps enseignant de respecter le droit de réserve, lequel a toujours existé, et peut-être, d’ailleurs, chez les enseignants plus qu’ailleurs, au regard de l’éthique éducative.
Si l’on met cette mention en regard des pratiques administratives actuelles, on peut avoir des doutes en matière de confiance. Quand des syndicalistes prennent position, en dehors du temps scolaire, contre M. Macron, en faisant grève ou en protestant, ils sont réprimandés par leur hiérarchie et se trouvent mis au ban, mal vus, voire sanctionnés. Jusqu’à preuve du contraire pourtant, et aucun républicain ne me contredira, M. Macron n’est pas Dieu le Père !
M. François Bonhomme. Cela va arriver ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas sa vocation…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Or, en dehors de l’école, l’enseignant est un citoyen comme les autres : il a les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Dans la période où nous vivons, nous avons besoin de citoyens qui assument leur indépendance : respectueux de l’obligation de neutralité dans l’école, ils ne sauraient néanmoins être des sous-citoyens s’agissant de l’exercice de leurs droits et de leurs libertés. Votre article 1er, monsieur le ministre, ne peut donc être interprété, aujourd’hui, qu’au regard de cette défiance.
Par ailleurs, si nous voulons avoir confiance en nos enseignants – là est le nœud de la réussite éducative –, il faut revaloriser leur fonction, leur statut et leur rémunération.
Le niveau de rémunération des enseignants français se situe dans la moyenne basse des pays de l’Union européenne : ils sont payés 40 % de moins que les enseignants allemands. Or toutes les études européennes montrent une corrélation entre le niveau de rémunération et le niveau de réussite scolaire. Dans le monde d’aujourd’hui, en effet,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … où l’argent a trop tendance à signifier la valeur, sous-payer nos enseignants, c’est ne pas les valoriser ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.
M. Patrice Joly. Une école de la confiance est une école dans laquelle le dialogue est continu entre tous les acteurs : les enfants, les enseignants, les personnels encadrants, les parents et les élus. Il s’agit d’une école tournée vers le monde, qui offre aux enfants la possibilité de s’épanouir et de prétendre à un avenir prometteur.
Une école de la confiance ne doit pas inspirer de craintes, de doutes, de suspicions sur les intentions qu’elle affiche – je pense notamment aux craintes exprimées à l’égard des pôles inclusifs d’accompagnement localisés pour les enfants en situation de handicap. Cette école doit au contraire apaiser et sécuriser chacun.
Une école de la confiance implique aussi une reconnaissance de la spécificité et des besoins de chaque territoire. Il en est ainsi, notamment, de nos écoles rurales, qui pâtissent souvent de regroupements imposés. Il ne faut pas non plus oublier le travail accompli par les élus locaux de ces territoires, qui ne ménagent pas leurs efforts pour préserver leurs écoles, attirer des familles et faire vivre ainsi leurs villages.
Notre ruralité souffre déjà trop de la disparition de multiples services publics. Il ne faut pas y ajouter la disparition de nos écoles, souvent liée aux fermetures de classes. La réduction du nombre de contrats aidés, dont ceux d’auxiliaires de vie scolaire, pourtant nécessaires, a été un coup dur porté aux services offerts aux enfants dans nos territoires ruraux. Cette mesure porte atteinte aux efforts de redynamisation de ces territoires oubliés de la République.
Que dire aussi, lorsque l’on voit que le temps quotidien de transport en bus pour certains enfants en grande section de maternelle excède parfois une heure ? Il faut bien en parler : nous savons tous ici que les territoires ruraux, qui ne sont pas classés en REP, souffrent de la fermeture de classes et d’un taux d’encadrement dégradé, parce que l’on prend en compte des ratios peu adaptés aux écoles et établissements scolaires avec de faibles effectifs. Cette tendance accentue les inégalités en défaveur des enfants scolarisés en zone rurale.
Enfin, pour revenir à l’article 1er, en dépit des intentions que vous avez affichées, monsieur le ministre, on ne voit pas très bien quelle politique vous comptez mener pour faciliter les relations, hors de tout conflit, entre familles et équipes enseignantes.
Les parents font en effet partie de la communauté éducative. Il faut réfléchir aux moyens de les rendre véritablement parties prenantes de ce qui se fait à l’école. Or rien n’est dit sur ce point, à l’exception du rappel sur le devoir d’exemplarité des enseignants. (Mme Marie-Pierre Monier applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, alors que nous sommes certainement confrontés aujourd’hui à une crise des vocations, vous commencez, dans le cadre de l’article 1er, par évoquer l’« engagement » et l’« exemplarité » des personnels de l’éducation, comme si vous les mettiez en doute.
L’engagement des professeurs va de soi ! Il est consécutif à leur choix de devenir enseignant. D’ailleurs, cet engagement se concrétise tout au long de leur carrière, dans la durée, face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Ce terme est donc vraiment inutile. Que voulez-vous obtenir des professeurs qu’ils ne fassent déjà, surtout quand on sait que leurs salaires n’atteignent même pas 1 500 euros nets par mois ?
Le second terme, celui d’« exemplarité », pose aussi problème : il est à la fois plus flou et plus stigmatisant. En effet, de quoi l’exemplarité est-elle le nom ? Être exemplaire, qu’est-ce que cela signifie ? Et ne pas l’être ? Y a-t-il de tels problèmes autour de cette prétendue « exemplarité » que vous l’inscriviez dans la loi ? Je me pose la question.
Monsieur le ministre, cette notion est trop vague : s’applique-t-elle aux tenues, au vocabulaire, aux comportements, aux activités en dehors de l’école ? D’ailleurs, faut-il formater les professeurs ? Doivent-ils être lisses, ne pas avoir de caractère ?
Pour ma part, je pense que non. La richesse de l’éducation nationale découle notamment de ces professeurs à la personnalité une peu forte et de leur propension à insuffler aux élèves l’envie d’apprendre et de travailler, à les intéresser à une discipline. Enseigner est une alchimie humaine : cela ne consiste pas à obéir à des consignes et ne se décrète pas.
Si cela était possible, je conseillerais bien à tous ceux qui n’en sont pas persuadés de suivre un professeur pendant sa journée de travail. Les enseignants sont engagés et motivés. En effet, si c’est le plus beau métier du monde, c’est aussi un métier complexe, qui expose.
M. Jean-François Husson. Il ne faut tout de même rien exagérer…
Mme Angèle Préville. Oui, un professeur s’expose, et le public – si je puis m’exprimer ainsi – est sans concession, ne pardonne rien et oblige à se remettre continuellement en question. Il faut avoir la foi chevillée au corps pour être enseignant. Et c’est un professeur qui vous le dit ! (Mme Marie-Pierre Monier et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.)
M. Jean-François Husson. On comprend mieux !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par M. Grand.
L’amendement n° 121 est présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 198 rectifié bis est présenté par MM. Dallier et Bonhomme, Mmes Bories et Canayer, MM. Daubresse, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Estrosi Sassone, Garriaud-Maylam et Giudicelli, M. Houpert, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, M. D. Laurent, Mme Lavarde, M. Lefèvre, Mmes Malet et Micouleau, MM. Savary, Segouin et Charon, Mmes de Cidrac et Di Folco, MM. B. Fournier et Gremillet, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Pellevat, Pointereau, Sido, Bouloux et Bonne.
L’amendement n° 269 rectifié est présenté par Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, MM. Temal et Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, M. Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Grand. L’article 1er vise à créer un lien de confiance au sein de l’école, en définissant un devoir d’exemplarité des personnels et en exigeant, en retour, le respect des élèves et des familles.
Sur la forme, le Conseil d’État s’est interrogé sur la portée normative de cet article. Il considère que, si ces dispositions expriment certaines des valeurs incontestables autour desquelles l’école républicaine est fondée, elles ne produisent par elles-mêmes aucun effet en droit et réitèrent des obligations générales qui découlent du statut des fonctionnaires comme de lois particulières assorties, le cas échéant, de sanctions pénales.
De son côté, le Conseil constitutionnel rappelle que la loi a vocation à énoncer des règles et censure les dispositions manifestement dépourvues de toute portée normative.
Sur le fond, après la suppression de la notion de « respect mutuel » en commission, cet article stigmatise plus encore les parents en insinuant que, par principe, ils ne respecteraient pas l’école à laquelle ils contribuent par leur parole et leur engagement. Nous, maires et anciens maires, savons bien que c’est faux, naturellement.
S’imaginer que le respect peut s’obtenir via une disposition législative est le meilleur moyen de ne pas y parvenir. Je vous propose donc de supprimer cet article polémique, qui jette inutilement l’opprobre sur tous.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 121.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, il est tout de même quelque peu étonnant de constater que le premier article d’une loi s’intitulant « pour une école de la confiance » vise à encadrer – parce que c’est de cela qu’il s’agit ! – la liberté d’expression des personnels de l’éducation nationale.
D’ailleurs, avant même que ce projet de loi ne soit voté et que les décrets d’application soient publiés, on nous fait part de pressions hiérarchiques, phénomènes que nous n’avions pas connus par le passé. Ces faits ne vont pas dans le sens que vous avez indiqué, et sur lequel je pourrais pourtant vous rejoindre, c’est-à-dire celui d’un débat serein, approfondi, certes probablement clivant et prenant la forme d’une opposition entre des points de vue exprimés avec force, mais un vrai débat ! Malheureusement, je crois que le climat actuel ne le permet pas.
Par ailleurs, sur l’initiative de la présidente de la commission de la culture, nous avons auditionné il y a quelque temps – j’en garde un souvenir très vif, comme nombre de nos collègues, je pense – des enseignants qui avaient communiqué via le hashtag #PasDeVague. J’avais été frappée par le fait que ces enseignants victimes de violences, qui sont peut-être les mieux à même de réfléchir sur ce qui nous rassemble aujourd’hui, faisaient preuve d’une hauteur de vue exceptionnelle et avaient une confiance absolue dans l’éducation pour faire face à ces phénomènes.
Je crois que c’est en soutenant et en accompagnant ces fonctionnaires – nombre d’entre eux regrettent d’ailleurs de ne pas toujours trouver cette aide auprès de leur hiérarchie –, que nous recréerons de la confiance, car, effectivement, c’est tout à fait nécessaire.
Enfin, comme l’ont dit certains de mes collègues, la position et les recommandations du Conseil d’État, qui s’est interrogé sur la portée normative de l’article, devraient suffire à en justifier la suppression, comme nous le proposons.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° 198 rectifié bis.
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, vous l’avez reconnu vous-même : votre texte suscite beaucoup de controverses, parfois de l’incompréhension, que ce soit de bonne foi ou en raison de petits jeux politiques.
Comme beaucoup d’entre nous certainement, j’ai rencontré dans ma commune des directeurs d’école, des enseignants, des parents d’élèves. Je me suis parfois trouvé en situation difficile : j’ai notamment été obligé d’expliquer à mes interlocuteurs que je n’étais pas ministre de l’éducation nationale,…
M. Jean-Pierre Sueur. Pas encore ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. … ni même membre de la majorité, tant la discussion était vive sur un certain nombre de sujets, notamment s’agissant de l’article 1er.
À quoi bon, monsieur le ministre ? Comme le Conseil d’État l’a souligné, l’article n’a pas de portée normative. Il n’en a pas !
On nous reproche de faire des lois bavardes et on nous demande de nous concentrer sur l’essentiel. Mes chers collègues, j’ai envie de vous dire : « Faisons-le ! » Nous ferons œuvre utile si le texte voté par le Sénat comporte les dispositions les plus claires possible, qui mettent en œuvre vos objectifs, monsieur le ministre.
Je crois que le Sénat pourrait parvenir à un large consensus pour aller dans le sens que vous souhaitez. Mais lorsque certaines dispositions suscitent le trouble, comme c’est le cas avec l’article 1er, et que, au bout du compte, des inquiétudes subsistent – on le voit bien –, même si je salue les efforts de la commission pour en réécrire le dispositif, sincèrement, à quoi bon, mes chers collègues ?
Nous partageons certains des objectifs que vous visez, monsieur le ministre, même si nous avons quelques points de vue divergents. Aussi, concentrons-nous sur l’essentiel et supprimons l’article 1er !
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est plein de bon sens et très pertinent ! Il suffit de vous écouter pour le comprendre, monsieur Dallier.
M. Philippe Dallier. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 269 rectifié.
Mme Marie-Pierre Monier. Si l’article 1er a été quelque peu récrit en commission, c’est vrai, sa portée normative reste quasiment nulle. Il s’agit d’une déclaration de principe, sans aucun dispositif dissuasif associé : rien n’est prévu en cas de non-respect des principes énoncés dans l’article par l’une des parties de la communauté éducative.
Le problème des incivilités au sein de la communauté éducative est pourtant réel et recrudescent. J’ai été moi aussi vraiment très choquée par les témoignages que nous avions entendus en commission – je rejoins en cela ma collègue Céline Brulin. Écouter ces enseignants parler de leur détresse était dramatique.
Chaque semaine, on nous signale des cas d’enseignants ayant eu maille à partir avec des élèves, voire avec des parents d’élèves s’érigeant en justiciers. Cela va même parfois jusqu’à des actes violents. De la même manière, les incidents qui impliquent des personnels parlant mal à des élèves sont désormais fréquemment dénoncés. Il serait pertinent de s’attaquer au problème.
Je note au passage que le législateur a déjà prévu des dispositions dans le code de l’éducation : il s’agit de l’article L. 111-4, qui traite des relations entre les parents, les professeurs et les autres personnels.
Néanmoins, comme je viens de le dire, une simple déclaration de principe ne permettra malheureusement pas de résoudre les nombreuses situations conflictuelles.
Les termes employés dans le dispositif de l’article, comme celui d’« exemplarité », risquent même d’envenimer les relations et de faire peser a priori la suspicion sur le comportement de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, sans qu’aucun outil concret ne permette de remédier aux comportements inappropriés des personnels ou des élèves et de leurs familles.
Ces considérations nous conduisent à demander la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je demande à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements identiques, qui tendent à supprimer l’article tel qu’il a été revu par la commission – j’insiste sur ce point.
À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est dommage !
M. Max Brisson, rapporteur. M. le ministre a appelé à l’exemplarité, non seulement les professeurs, mais aussi les parlementaires : il a raison ! L’école regarde nos débats.
C’est d’ailleurs pourquoi nous avons appréhendé l’article 1er pour ce qu’il est, monsieur le ministre, et non pour ce qu’il serait susceptible d’être. Cela ne veut pas dire pour autant que l’article tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale était bien rédigé. D’ailleurs, la commission en a proposé une réécriture.
Cela étant, je veux dire à mes collègues, notamment à MM. Dallier et Grand, que j’ai du mal à imaginer que des professeurs puissent ne pas être exemplaires.
M. David Assouline. Justement !
M. Max Brisson, rapporteur. Ce sont en effet les premiers adultes que les enfants rencontrent après leurs parents.
Personnellement, je suis devenu professeur parce que, lorsque j’étais élève, j’ai eu la chance d’avoir des professeurs exemplaires, des modèles. L’exemplarité du professeur est naturelle et au cœur même du métier.
La commission est favorable à ce que cela soit écrit dans la loi, à condition, bien entendu, comme elle le propose, que l’exemplarité soit conçue comme la contrepartie de l’autorité du professeur et du respect qu’on lui doit. L’exemplarité des enseignants conforte en effet cette autorité et ce respect.
M. David Assouline. Et inversement ! (Sourires.)
Mme Annie Guillemot. Tout le monde se doit d’être exemplaire, y compris les parlementaires !
M. Max Brisson, rapporteur. Puisque certains ici font référence à la campagne « PasDeVague », ils devraient naturellement rejoindre les concepteurs d’un texte qui affirme clairement, alors que les insultes, les incivilités, et parfois des actes encore plus graves, se développent, que tout un chacun, la société, les parents et les enfants doivent d’abord respecter le professeur, parce qu’il incarne l’institution et l’école de la République.
Tout ne se vaut pas : le respect de l’enfant à l’égard de l’adulte – les professeurs comme le reste du personnel – est une évidence et constitue une valeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Je demande donc le retrait de ces quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le rapporteur vient d’exprimer avec beaucoup d’éloquence ce que je tenais à vous dire. Aussi, mon intervention sera assez brève.
Tout d’abord, je reconnais bien volontiers – j’entame la démarche que j’annonçais précédemment – que les modifications faites par le Sénat apportent une amélioration au texte. En effet, l’ajout de la notion d’« autorité » est très important, et j’y souscris pleinement.
Le terme d’« exemplarité » a pu faire naître des malentendus. Aussi, profitons de ce débat parlementaire, de ce moment républicain, pour les dissiper.
Puisque nos débats sont suivis, j’aimerais lire le dispositif de l’article 1er devant tout le monde. La première phrase du second alinéa dispose que « l’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unit les élèves et leur famille au service public de l’éducation. »
Puis, vient la seconde phrase, que personne ne commente jamais et qui est pourtant la phrase la plus importante du dispositif : « Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l’égard des professeurs, de l’ensemble des personnels et de l’institution scolaire. »
Le fait que tout le monde commente la première phrase en lui attribuant un autre sens que celui que nous lui donnons et que tout le monde oublie la seconde phrase, qui est le cœur de l’article, est très significatif. Le rapporteur l’a dit avec éloquence : l’axe principal de cet article est justement d’apporter une réponse positive au mouvement « PasDeVague ».
Je suis un ministre qui, dès sa nomination et avant même cette campagne sur internet, a dit qu’il ne serait jamais favorable à la philosophie du « PasDeVague » et qui a demandé à l’institution scolaire d’être transparente sur les violences existantes, de les faire remonter et de ne pas empêcher la tenue de conseils de discipline afin d’éviter de mauvaises statistiques.
Je n’ai pas dit cela pendant ou après la campagne « PasDeVague » ; je l’ai dit avant, précisément parce que je respecte les professeurs.
Comme le rapporteur, celui qui vous parle est lui-même professeur. Il est également fils de professeur. Il est donc insoupçonnable de manquer de respect aux enseignants. Cela m’attriste d’être soupçonné du contraire, alors que l’article 1er témoigne d’un profond respect envers les professeurs.
La société doit bien entendu respecter ses enseignants. La question de la dignité des professeurs et de leur juste place dans la société est évidemment au cœur du sujet. Pour atteindre nos objectifs, il faudra évidemment d’autres dispositions que ce seul article. J’en suis le premier d’accord.
Ainsi, quand Mme Lienemann déclare que nous devrions prêter davantage d’attention aux rémunérations des enseignants, je suis là aussi le premier d’accord et le premier à dire que nous allons engager des actions en ce sens. D’ailleurs, je ne suis pas le seul, puisque le Président de la République l’a lui-même annoncé lors de sa conférence de presse. Nous sommes donc engagés dans ce combat pour le respect de la dignité des professeurs.
L’article 1er traite de cet enjeu. Que cet article soit source de malentendus et que l’on fasse semblant d’y voir autre chose que ce qu’il y est écrit montre évidemment les difficultés que j’évoque depuis le début.
Je demande à tous que l’on n’entretienne pas ces malentendus. L’intention du législateur compte lorsqu’il est question d’interpréter la loi. Ce que nous sommes en train de nous dire compte, tout comme ce que je suis en train de vous affirmer. Ce qui compte, c’est ce que je vous dis à propos de l’article 1er, à savoir qu’il ne vise absolument pas à renforcer le devoir de réserve des professeurs.
D’ailleurs, les rappels à l’ordre que certains enseignants se sont vu infliger, et dont on me fait le reproche, ont été faits dans le cadre de la législation actuelle, et certainement pas dans le cadre de la législation à venir. De telles sanctions s’inscrivent dans la continuité de ce que tous mes prédécesseurs ont fait lorsque des règles de base ont été violées, comme, par exemple, utiliser sa messagerie professionnelle pour enfreindre le principe de neutralité auquel chacun est soumis.
Je le dis très clairement : cet article entend renforcer le respect dû aux professeurs. Et si, à l’avenir, il devait entraîner des difficultés d’interprétation juridique, on pourra s’appuyer sur mes propos : c’est bien la seconde phrase du second alinéa de l’article qui importe.
La première phrase expose en quelque sorte cette réalité naturelle que le rapporteur et certains d’entre vous ont rappelée, à savoir qu’il existe une exemplarité consubstantielle à la mission exercée par les professeurs. Le jour où je suis devenu professeur, j’ai effectivement senti que l’exemplarité de l’enseignant était un élément de sa dignité et qu’il ne s’agissait certainement pas d’un problème.
Au contraire, l’exemplarité nous dignifie, comme c’est le cas pour tout agent qui entre dans la fonction publique. Il y a quelque chose qui nous dépasse lorsque l’on devient fonctionnaire : le fait de servir la République. Et ce service est, par définition, synonyme d’exemplarité.
La seconde phrase, quant à elle, réaffirme le respect dû aux professeurs dans une société où l’on constate effectivement chaque jour des phénomènes comme ceux qui ont été pointés par les enseignants mobilisés dans le cadre du mouvement « PasDeVague », c’est-à-dire des insultes, des agressions verbales et parfois physiques de la part d’élèves ou de parents d’élèves.
Oui, cet article accentue la protection que nous devons aux professeurs. C’est le sens de ce que nous proposons et l’intention visée par cette loi. Je suis très heureux de pouvoir clarifier devant vous ce point, dont j’espère qu’il pourra faire l’objet d’une conviction partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. L’article 1er nous pousse à nous livrer à un exercice de style, en nous éloignant de la version adoptée par l’Assemblée nationale pour nous plonger dans celle de la commission de la culture du Sénat.
Très franchement, j’avais lu et relu l’article 1er, tel que nos collègues députés l’avaient rédigé, pour essayer de comprendre le sens des dispositions que l’on cherchait à inscrire dans la loi. Le dispositif était confus et situait différentes valeurs et différents acteurs au même niveau. Il méritait vraiment d’être réécrit.
À mon sens, et j’invite mes collègues à en prendre connaissance, le travail de la commission va dans le bon sens, dans la mesure où l’article affirme clairement le nécessaire respect de l’élève et de la famille à l’égard des enseignants, mais aussi de l’institution scolaire.
Ce principe n’avait pas été posé avec autant de précision et de clarté depuis de nombreuses années. Il correspond à une idée à laquelle nous avons tous aspiré à de nombreuses reprises, dans le cadre de nos fonctions au Sénat ou des fonctions que nous exerçons dans les collectivités, notamment lorsque nous avons été confrontés à des faits d’actualité qui ont, j’en suis sûr, profondément choqué les convictions de la plupart d’entre nous.
C’est pourquoi, malgré les réticences que je pouvais avoir il y a quelques semaines à propos de cet article, je suis convaincu par la nouvelle rédaction proposée.
Je voterai cet article, tel que la commission l’a modifié.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je suis moi aussi favorable au texte tel que la commission l’a revu.
Si je puis comprendre que l’on critique un texte sans aucune portée normative, si l’on se place sur le strict plan juridique, les arguments exprimés du côté gauche de l’hémicycle ressemblent à de vieilles antiennes. Je ne veux pas que l’on puisse penser que le respect n’est pas nécessaire aujourd’hui à l’acte éducatif.
À l’époque où j’étais député, nous avions analysé les raisons pour lesquelles certains départements avaient de meilleurs résultats que d’autres dans le cadre des évaluations réalisées dans le primaire. Mon département était classé troisième sur cent un.
Nous nous étions rendu compte que le respect de l’élève pour le maître, celui du maître pour l’élève et celui des parents d’élèves pour le maître étaient plus répandus dans les départements les mieux classés. Pourquoi ? Tout simplement, parce que le maître était lui aussi souvent exemplaire.
Le rappeler n’a certes pas de portée normative, mais est essentiel pour la réussite des élèves. Il est extrêmement important de faire figurer ce principe dans la loi : je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre. (M. Pierre Louault applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. La beauté du Parlement, ce sont ses débats : on part avec une idée, on écoute ce qui se dit – c’est la beauté de la démocratie que de s’écouter, même si, malheureusement, on se s’écoute pas assez –, puis on prend sa décision.
Sur ces travées, nous avons tous délivré un très beau message en parlant de « respect ». Dieu sait que l’on entend ce mot partout aujourd’hui : respect pour la police, pour les élus, pour les citoyens et pour nos enseignants.
Monsieur le rapporteur, vous m’avez pleinement convaincu. Monsieur le ministre, vous avez parfaitement complété les propos du rapporteur.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, il est important que vous vous soyez prononcé sur cet article, parce que cela permet de clarifier certains points.
Votre intervention ne m’a pas du tout convaincu de l’utilité de cet article. Cependant, peut-être sous l’effet de la pression que nous avons exercée, ce qui est d’ailleurs notre rôle, vous avez déclaré que vous respectiez les professeurs et que votre volonté n’était pas de les sanctionner. Vous avez envoyé un message qui diffère de ce que l’on ressentait ici ou là, dans le climat actuel qui est celui de l’éducation nationale, et de ce que l’on entendait dans les rectorats.
Nous vous avons poussé à vous exprimer, et les professeurs ne peuvent que s’en satisfaire. Toutefois, cela n’explique pas pourquoi une disposition sans portée normative figure à l’article 1er d’un texte de loi.
Vous parlez souvent de pragmatisme. Or on confond ici deux choses : le respect dû à l’institution et son exemplarité.
Je suis très heureux d’entendre autant de paroles fortes sur l’école de la République depuis la droite de cet hémicycle. Jusqu’à présent, en effet, que l’on le veuille ou non, et même s’il n’y a bien entendu pas une école de gauche et une école de droite, il suffit de considérer l’histoire des combats pour l’école gratuite et laïque pour se rendre compte que mon camp politique a beaucoup manifesté, alors que d’autres ont au contraire usé leurs semelles pour l’école privée ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Est-ce que c’est vrai ou pas ?
M. Philippe Dallier. Et alors ?
M. David Assouline. Je suis très heureux de voir que le respect que l’on doit à l’institution qu’est l’école publique fait désormais l’unanimité dans cet hémicycle.
Ce n’est pas rendre service à cette loi que de la rendre bavarde dès l’article 1er, d’autant que les enseignants se sont sentis mis en cause par cet article. Même s’il y a un malentendu, il faut le prendre en considération. L’exemplarité fait partie des règles s’appliquant à la fonction publique.
On débattra ultérieurement de la question de l’autorité des enseignants, mais, franchement, ce n’est pas en introduisant une disposition comme celle-là que cette autorité sera rétablie. On ne rencontre pas les mêmes problèmes sociaux, les mêmes problèmes en matière d’autorité dans tous les départements. Un professeur qui a devant lui une certaine population, dont les parents n’ont pas les moyens…
M. le président. Il faut conclure !
M. David Assouline. Nous poursuivrons plus tard ce débat sur l’autorité des enseignants. En tout cas, je ne pense pas que la restauration de cette dernière passe par une proclamation de principe à l’article 1er de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Monsieur le ministre, vous avez dit vous-même que vous n’aviez pas été compris et qu’il pouvait y avoir une confusion entre les deux phrases que comporte l’article. Dans un premier temps, peut-être faudrait-il les inverser ?
J’ai vu des parents d’élèves soutenir des enseignants pour la première fois, peut-être parce qu’ils avaient mieux compris que les autres que la mise en cause de l’autorité des professeurs avait pour effet de leur ôter une part du respect qui leur est dû.
On donne le sentiment que les enseignants devraient être exemplaires, alors qu’ils le sont déjà au quotidien pour une grande majorité d’entre eux. Ils exercent en effet leur métier avec beaucoup de militantisme, au sens noble de ce terme, s’impliquant au-delà même de ce que l’on demande. Sans cela, je puis vous assurer que, dans certains quartiers, il n’y aurait même plus d’école !
Il ne faut pas donner aux enseignants le sentiment qu’on les pointe du doigt au moment où certains, qui exercent d’autres professions ou qui travaillent dans d’autres fonctions publiques auraient besoin d’un tel article. En tout cas, les enseignants n’en ont pas besoin, eux.
Cet article est une façon de les montrer du doigt, de les mettre en difficulté. Souvent, et je suis bien placée en tant qu’élue de Marseille pour le savoir, ce sont les professeurs qui rapportent les problèmes liés à des collectivités qui ne jouent pas leur rôle sur le plan scolaire. Ce sont souvent les enseignants qui accompagnent les parents, qui les aident dans leur combat contre ces collectivités ou contre les politiques à l’encontre de leurs propres enfants. Je crois que, d’une certaine manière, les enseignants protègent ces enfants.
Lorsque l’on évoque l’exemplarité du personnel de l’éducation nationale, il faut veiller à ne pas restreindre son action et faire en sorte qu’il puisse continuer à aller au-delà de son rôle, qui est d’accompagner et surtout de protéger les enfants. Dans cette discussion, on a peut-être un peu vite oublié la question de la protection de l’enfance.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Nous avons engagé un débat sur la rationalité de notre discours et sur la légistique ; je crois qu’il faut y revenir.
Je rejoins notre collègue Laurent Lafon : ce qui est sorti des travaux de l’Assemblée nationale était parfaitement illisible et totalement incompréhensible. Pour autant, je trouve que la modification apportée est tautologique. Si l’on examine le contenu de cet article – la première phrase, monsieur le ministre, pas la seconde –, de quel engagement et de quelle exemplarité est-il question ? De ceux du personnel de l’éducation nationale en faveur du service public de l’éducation nationale !
Sommes-nous obligés de passer deux heures à discuter d’une phrase complètement tautologique ? J’en doute.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, au cours des travaux de commission, vous avez rejeté – peut-être à raison – certains de nos amendements, considérant qu’ils relevaient du domaine réglementaire. Mais vous avez emporté la décision, par votre autorité, pour faire examiner l’amendement proposant cette rédaction, sur lequel on pouvait avoir le même raisonnement.
Soyons fidèles à la tradition du Sénat, mes chers collègues, celle qui consiste à rédiger une bonne loi, qui ne soit pas bavarde. Suivons la proposition de notre collègue Philippe Dallier ; évitons d’encombrer ce texte d’un certain nombre de dispositions réglementaires, fussent-elles, comme c’est le cas ici, du domaine du déclaratif et du symbolique.
Il faut donc en rester à ce que nous avons défini en commission et rejeter, pour des raisons légistiques, l’article qui nous est proposé ici.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Pour ma part, je me pose une question : que signifie « exemplarité » ? J’ai l’impression qu’il faudrait fixer un cadre. Lequel ? Un enseignant, en public, ne doit-il pas fumer ? Ne doit-il pas boire ? Doit-on considérer que ce n’est pas bien s’il montre aux élèves qu’il vit avec une personne du même sexe ? Lui interdit-on aussi de faire part de ses opinions politiques ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Évidemment !
M. François Bonhomme. Certains ne s’en privent pas !
Mme Marie-Pierre Monier. Bien sûr pas en classe, mes chers collègues, mais qu’en est-il à l’extérieur ? D’ailleurs, la question est aussi là : où doit s’exprimer cette exemplarité ?
Nous sommes tous d’accord pour considérer que les enseignants font preuve d’exemplarité en classe. Comme le rapporteur l’a souligné, c’est inhérent à la fonction d’enseignant. Cela n’a donc pas à figurer dans la loi.
De plus, je le répète, cette phrase apparaît en début de texte. Ce sont les enseignants et les personnels de l’éducation nationale que l’on montre du doigt. Certains, je vous le signale, sont actuellement devant le Sénat, en train de manifester, parce qu’ils sont attachés à leur métier et qu’ils sont inquiets, notamment par cet article.
Il est dit que le cœur de l’article se trouve dans la deuxième phrase. Virons donc les termes « engagement » et « exemplarité » !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. J’ai compté, mes chers collègues : depuis le début de cette mandature, nous en sommes à trois textes – un par an – qui évoquent la confiance.
Il y a eu, en 2017, la loi pour la confiance dans la vie politique, dont nous pouvons peut-être douter des résultats : le niveau de confiance dans la vie politique, je crois, n’a pas beaucoup augmenté !
Il y a eu, en 2018, la loi pour un État au service d’une société de confiance, sur laquelle, de la même manière, on peut s’interroger.
Et voilà – c’est la cuvée 2019 ! – le projet de loi pour une école de la confiance.
Je pense, mes chers collègues, que la confiance est un peu comme l’amour : pour paraphraser Pierre Desproges, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la « font », qui en donnent les preuves ! (Sourires.)
Pour qu’il y ait confiance, il faut créer les conditions de l’exercice de cette dernière. Ce sont des pas mutuels que l’on fait les uns vers les autres. À cet égard, un premier pas pourrait être de retirer cet article, dont la portée, comme cela a été dit, est très limitée – à moins que l’on ne définisse plus tard ce que serait cette exemplarité.
En effet, monsieur le ministre, d’après ce qu’on lit dans les écrits de nombreux enseignants, il semble tout de même que les pratiques hiérarchiques au sein du ministère provoquent souvent une impression d’autoritarisme. Celles et ceux qui, parmi nous, ont été interpellés par les enseignants et les parents d’élèves – nous sommes nombreux –, ont plutôt le sentiment de voir émerger, au sein des personnels, la crainte d’exprimer leurs idées sur la façon dont leur travail peut s’exercer.
Vu la faiblesse de sa portée normative – tout le monde s’est accordé sur ce point –, soutenez les amendements de suppression de cet article, monsieur le ministre. Vous ferez certainement un pas vers le rétablissement de la confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Dans le droit fil des interventions de mes collègues, je formulerai plusieurs remarques.
Tout d’abord, je veux le rappeler, ce que l’on tente d’inscrire dans ce texte est déjà prévu par la loi. La question est donc la suivante : quelles raisons y a-t-il à modifier la loi pour introduire un élément qui existe déjà ? C’est un premier point démontrant que cet article n’est pas une nécessité, sauf à ce que l’on fixe certaines obligations impérieuses, motivées par certaines raisons précises. Vous n’avez rien dit de tel, monsieur le ministre.
Ensuite, on évoque une « incompréhension », qui justifierait de clarifier certains éléments. On peut peut-être se dire aussi que, à partir du moment où la question des obligations des fonctionnaires est déjà traitée et où il y a des risques d’incompréhension, le retrait de cet article est bienvenu.
Cela s’impose d’autant plus que, si je comprends bien la première phrase proposée à l’article 1er, l’autorité des personnels serait confortée par leur engagement et leur exemplarité. C’est assez surprenant ! Moi, j’étais persuadé que les personnels étaient respectés parce qu’ils étaient professeurs, enseignants, fonctionnaires.
En d’autres termes, on renvoie l’exemplarité à l’individu seul, que la classe existe ou pas, qu’elle se passe bien ou non. Cela pose problème, me semble-t-il. Les enseignants attendent du soutien de votre part, monsieur le ministre, et non pas une remise en cause ou la mise en avant d’éventuels dysfonctionnements.
La sagesse voudrait que l’on retire cet article, ou qu’on le réécrive en commençant par saluer le travail au quotidien des enseignants et de la communauté éducative.
M. François Patriat. C’est fait !
M. Rachid Temal. Non, monsieur Patriat, ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte.
C’est donc un article qu’il faut supprimer, ou peut-être réécrire. Dans sa forme actuelle, il introduit effectivement un doute sur le travail de fonctionnaires qui, dans leur pratique quotidienne – je le dis très honnêtement, en tant qu’élu de banlieue parisienne –, sont essentiels à la République et au lien dans les territoires. Le risque de les fragiliser par une remise en cause, car c’est ainsi qu’ils entendent cette phrase, doit vous convaincre d’accepter la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.
M. Christian Manable. Je ferai une très courte intervention, car je partage les avis exprimés, depuis de nombreuses minutes maintenant, sur la plupart des travées de cet hémicycle.
Monsieur le ministre, je vous le dis très sincèrement, avec tout le respect que je vous dois, mais fort de mes trente-cinq années d’enseignement, le terme d’« exemplarité », outre qu’il n’est pas normatif, m’a choqué. Il a tendance à stigmatiser le corps enseignant, et, pour être complet, je l’ai ressenti comme un terme à connotation morale, évoquant une période que nous ne voulons pas connaître.
Ce terme est en outre superfétatoire, parce que les enseignants, par définition, de par leur engagement auprès de l’école de la République et des enfants à qui ils enseignent, sont exemplaires. Et c’est sans compter, j’en terminerai là, que certains représentants de professions en lien avec les enfants – je parlerais même de « vocations », et tout le monde saisira quelle connotation ce terme peut avoir – ont parfois un comportement moins exemplaire que celui des enseignants !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. La réponse de notre rapporteur ayant été quelque peu vive, je voudrais préciser un point : ce n’est pas parce que j’ai déposé un des amendements de suppression de l’article 1er, pour les raisons précédemment expliquées, que je ne considère pas que les enseignants ont un devoir d’exemplarité ou que les enfants et leurs parents doivent le respect au maître. Absolument pas !
Toutefois, nos discussions ont suffisamment démontré que, même réécrit par la commission, le texte de cet article suscite des interrogations.
Je le redis donc : à quoi bon ? Pour la sérénité des débats et pour ceux qui nous écoutent à l’extérieur, il vaudrait mieux supprimer cet article, qui, encore une fois, est seulement une formule déclamatoire, n’emportant aucune sorte de conséquences, et qui, donc, ne sert absolument à rien ! (Bravo ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce débat est extrêmement riche, quelque peu répétitif, mais, après tout, je vais citer un auteur célèbre en matière de répétition.
Monsieur le ministre, je lis ce texte : « L’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unit les élèves et leur famille au service public de l’éducation. » Si l’un de nos élèves avait écrit une telle phrase, nous aurions envie de marquer dans la marge : « Pesant », « ampoulé », « qu’est-ce que cela apporte ? »
M. Philippe Dallier. Rien !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, permettez-moi de me référer à un livre, écrit par un homme qui aimait profondément l’école publique. Ce livre, paru en 1913, s’intitule L’Argent.
Je souhaiterais en lire un extrait, que l’on pourrait mettre en rapport avec la prose citée précédemment : « Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes ; sévères ; sanglés. Sérieux, et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence. […] Ces hussards noirs étaient des enfants de la République. […] Ces instituteurs étaient sortis du peuple. […] Ils restaient le même peuple. »
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que tout avait déjà été dit en 1913 et que cela rend peut-être inutiles les phrases contournées, dont nous parlons depuis déjà quelques heures ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Les débats étant censés éclairer la loi, ils sont importants. Cette discussion, notamment, aura été tout à fait intéressante, car elle aura montré que les enseignants sont la clé de voûte de la maison éducation nationale et qu’ils ont à y jouer un rôle extrêmement particulier.
J’ai moi-même enseigné pendant vingt ans. Nous sommes nombreux dans ce cas sur les travées et, chacun, nous allons probablement réagir avec notre propre sensibilité et notre vécu.
Ce que je voulais dire pour ma part, avec beaucoup de simplicité, c’est que je ne suis absolument pas gênée de voir l’exemplarité des enseignants inscrite dans la loi, dès lors que, avec la réécriture proposée par notre collègue rapporteur, c’est pour mieux asseoir le respect dû à ces adultes qui, pour les enfants, sont des modèles, des référents, des repères.
Selon la première définition donnée par le dictionnaire Larousse, « exemplaire » signifie « qui peut servir d’exemple ». Nous sommes des guides ; nous sommes des maîtres dans notre classe. Depuis les classes du plus jeune âge jusqu’à celles de l’enseignement supérieur, l’enseignant a un rôle fondamental, car c’est vers lui que le jeune, indépendamment de son âge, se tourne.
C’est donc plutôt une marque de confiance que nous inscririons, confiance dans le rôle majeur de l’enseignant au cœur de sa classe. Oui, il est un exemple et, à cet égard, on lui doit le respect !
Dans le cadre du phénomène « PasDeVague », que nous avons étudié avec beaucoup de sérieux, nous avons auditionné plusieurs enseignants, et c’est cette carence dans le respect qui leur était dû, en tant que référents de la République, qu’ils ont dénoncée.
J’aborde donc ce texte de manière positive. On peut considérer cet article 1er comme un article purement déclaratif, et aucunement normatif. Mais il faut parfois affirmer un principe fort.
Je reviendrai juste à la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, ou LCAP. Nous avons tous défendu le fait d’inscrire, dans son premier article, l’affirmation selon laquelle « la création artistique est libre ». Cette phrase n’a rien de normatif non plus ; pourtant, au terme d’un beau débat, nous sommes convenus de l’intégrer dans la loi.
Mes chers collègues, je voulais donc simplement apporter ma petite pierre à l’édifice, sans prétention aucune de détenir la Vérité, avec un grand V. Voilà simplement mon point de vue sur le sujet.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Je voulais m’associer aux propos de Samia Ghali sur l’éducation et les enseignants dans les quartiers, car, me semble-t-il, ces personnels pourraient vraiment prendre mal cet article 1er. Ce sont les derniers remparts républicains dans un certain nombre de ces quartiers, les maires étant d’ailleurs souvent en relation directe avec eux.
Je voudrais aussi revenir sur trois points.
Premièrement, il existe déjà un code de déontologie de la fonction publique et un statut. Pourquoi en rajouter, surtout en cantonnant, par cet article 1er, la référence à l’exemplarité aux seuls enseignants ?
Deuxièmement, envisage-t-on, dans la prochaine réforme de la Constitution, de préciser que les parlementaires et les membres du Gouvernement doivent être exemplaires et servir de modèles aux citoyens ? Pourquoi pas, puisqu’on le précise pour certains personnels de la fonction publique ? Sommes-nous exemplaires ? Le ministre de l’intérieur est-il, en ce moment, exemplaire ? C’est une question qu’il faut se poser.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
Mme Annie Guillemot. Troisièmement, et enfin, je souscris à la remarque relative à la connotation morale de ce terme.
Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mes chers collègues, mais de nombreux professeurs sont intervenus à la suite des propos que le Président de la République avait tenus à la jeunesse indienne. Certes, c’était à l’étranger, mais ce dernier avait tout de même dit : Never respect the rules !, ce qui signifie : « Ne respectez jamais les règles ! ». De nouveau, il y a là une connotation morale… Mais est-ce exemplaire de donner de tels conseils à la jeunesse indienne ? (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Plusieurs de nos collègues se sont exprimés en s’appuyant sur leur expérience professionnelle de plusieurs années de ce beau métier qu’est celui de professeur ou d’instituteur. Pour ma part, je n’ai jamais exercé cette fonction ; je suis simplement paysan.
Le fait, monsieur le ministre, que vous vouliez inscrire le terme « exemplarité » dans la loi peut nous laisser imaginer que les instituteurs et les professeurs ne sont pas, pour vous, exemplaires.
En qualité de maire de commune rurale, j’en ai côtoyé plusieurs, ainsi que des directeurs et des directrices d’école. Tous donnent de leur temps. Au-delà même de leurs horaires de travail, ils reviennent le samedi, pendant leurs vacances, dès que le besoin s’en fait sentir.
Nul besoin d’inscrire ce terme dans la loi, monsieur le ministre ! Ces professionnels font naturellement preuve d’exemplarité. Apporter cette précision dans le texte du projet de loi, c’est porter préjudice à leur travail et c’est une attitude regrettable de votre part.
Bien évidemment, je voterai ces amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je ne veux pas allonger les débats, qui ont déjà été nourris, mais je me pose la question : existe-t-il des mots interdits, des mots que l’on ne doit plus prononcer, que l’on ne doit pas écrire ?
Dans la version initiale de l’article 1er, celle qui nous est parvenue de l’Assemblée nationale, le terme « autorité » ne figurait pas, et je sais particulièrement gré à notre collègue Max Brisson de l’avoir réintroduit. En effet, l’autorité est indispensable pour qu’un professeur puisse transmettre le savoir. L’autorité implique aussi le respect.
Quant à l’exemplarité, notre débat sur ce sujet est peut-être quelque peu byzantin. J’ai entendu, à droite comme à gauche, que les professeurs – oui, il y en a beaucoup ici, moi le premier – sont exemplaires. Il y aura toujours une brebis galeuse, mais l’immense majorité des enseignants sont exemplaires. On le dit, mais on ne doit pas l’écrire… Je ne comprends pas !
Nous tournons en rond. Nous nous sommes interrogés sur la définition de l’exemplarité. Mais celle-ci est très simple : être exemplaire, c’est tout simplement adopter un comportement ne suscitant pas la critique. C’est valable pour les enseignants ; c’est valable pour les élus ; c’est valable pour les parents. C’est valable dans la vie, en général !
Mme Éliane Assassi. Inscrivons-le dans la Constitution, puisque c’est valable pour tout le monde !
M. Olivier Paccaud. Cet article est un bon article, il est bien écrit, et je le voterai. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Les Français doivent être exemplaires ! Le ministre doit être exemplaire !
Mme Éliane Assassi. Et la police !
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je serai très brève, car je suis déjà intervenue précédemment.
Le début de la rédaction proposée à l’article 1er – « l’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement » – s’apparente plutôt, à mes yeux, à un conseil délivré aux professeurs. Je ne vois donc pas pourquoi on insérerait une telle phrase dans la loi.
J’ai également souligné que le terme « exemplarité » posait le problème du sens que l’on veut lui donner. Il a un caractère stigmatisant. C’est pourquoi, comme mes collègues, je trouve préférable de le supprimer.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. J’ai moi aussi enseigné pendant vingt ans en zone d’éducation prioritaire. Je sais donc toute l’importance de l’enseignant et du rôle qu’il a à jouer.
Pour moi, le mot « exemplaire » signifie que l’enseignant est un exemple. C’est encore plus le cas dans certains quartiers. Bien que j’aie quitté ce métier depuis quinze ans, je revois encore des élèves qui viennent me dire tout ce que j’ai pu leur apporter et leur faire passer comme messages.
Mme Éliane Assassi. L’exemplarité n’était pas dans la loi à l’époque !
Mme Françoise Cartron. Je reçois ce terme « exemplaire » comme un encouragement et une valorisation, pour un métier qui n’est pas un métier comme les autres, qui est une vocation.
Par ailleurs, depuis plusieurs mois, je participe activement à des réunions de ce que l’on appelle des « collectifs enseignants-parents ». J’y entends deux chances : les enseignants s’inquiètent qu’on leur fasse un procès en non-exemplarité, certes, mais ils demandent à être renforcés face à des parents d’élèves qui ne les respectent pas et les agressent trop souvent.
Cet article marche donc sur deux pieds.
M. François Patriat. Tout à fait !
Mme Françoise Cartron. Je ne vois dans le terme « exemplaire » que ce qu’il apporte en dignité et en responsabilité. Lorsque l’on exerce ce métier, c’est vrai, on est un exemple pour de nombreux enfants, notamment dans certains quartiers particulièrement difficiles. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 121, 198 rectifié bis et 269 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 99 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 111 |
Contre | 228 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Rachid Temal. C’est formidable, la démocratie !
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 254 rectifié bis, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Bazin et Karoutchi, Mme Gruny, M. Charon, Mme Thomas, M. de Nicolaÿ, Mme Chain-Larché, M. Bonhomme, Mme Deromedi, M. Danesi, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lassarade, M. Pierre, Mme Garriaud-Maylam, M. Vogel et Mme Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 111-3-1. – Dans le respect de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les personnels de la communauté éducative assurent la transmission des savoirs fondamentaux aux élèves. L’accomplissement de cette mission implique la confiance des élèves et de leur famille à l’égard des enseignants et le respect de leur autorité au sein des établissements scolaires. »
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je rappelle certaines des difficultés que des enseignants ont connues depuis le début de l’année : de la modification d’une sanction prise à l’encontre d’un élève tricheur sous la pression des parents jusqu’à, malheureusement, le suicide d’un enseignant à la suite d’une plainte des parents pour violences volontaires, alors que cet enseignant avait simplement attrapé l’enfant par le bras.
Je n’oublierai pas non plus de parler de cette classe de CM2 dans une école en Île-de-France, où une vingtaine d’enseignants n’ont pas résisté aux enfants, quelque peu agités, avec, comme résultat, que toujours aucun enseignant ne souhaiter donner classe à ces enfants au bout de six mois.
Ces exemples, parmi tant d’autres, montrent la remise en cause constante de l’autorité des enseignants par les élèves et leurs familles. L’année scolaire 2018-2019 donne d’autres illustrations de ces difficultés.
Le présent amendement vise donc à affirmer l’autorité des enseignants dans les établissements scolaires, condition nécessaire à l’exercice de la profession et à l’accomplissement de leurs missions au sein de l’école de la République.
Je propose une rédaction différente de l’alinéa 2 de l’article 1er, en partant du respect de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
M. le président. L’amendement n° 270 rectifié, présenté par Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art L. 111-3-1. – Dans le respect de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique le respect entre les membres de la communauté éducative et celui des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire. »
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Comme je l’ai précédemment indiqué, l’article 1er est un mauvais départ pour un texte traitant de la confiance dans l’école. Il suscite la défiance, en intimant aux enseignants et aux personnels de l’éducation nationale de faire preuve d’exemplarité et d’engagement, comme si ce n’était pas déjà le cas !
Par conséquent, nous préférons supprimer ces termes litigieux et prévoir que le seul lien de confiance entre les personnels de la communauté éducative, les élèves et leurs familles entraînera un respect mutuel et permettra la bonne marche du service public de l’éducation.
M. le président. L’amendement n° 433 rectifié, présenté par Mmes Jouve et Laborde, MM. Roux, Castelli, Corbisez, Arnell, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Collin, Mme Costes et MM. Dantec, Gabouty, Guérini, Labbé, Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
L’engagement et l’exemplarité des
par les mots :
Dans le respect de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement tend à supprimer la référence aux notions d’« engagement » et d’« exemplarité », qui manquent de précision et ont suscité l’inquiétude des enseignants quant à leur portée juridique réelle, comme nous venons de le voir.
Il vise également à réintroduire la référence à la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, décrivant mieux leurs obligations relatives à la liberté d’expression.
Cet amendement tend donc à corriger l’article 1er, de sorte que la communauté enseignante comprenne bien, par la référence à la loi de 1983 sur la liberté d’expression des fonctionnaires, qu’aucun changement n’est prévu pour elle.
Inutile d’alerter et de susciter la défiance de la communauté éducative alors que cette disposition « ne produit par elle-même aucun effet de droit et réitère des obligations générales », comme l’a relevé le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi.
Cet amendement ne tend pas à modifier la rédaction de la deuxième phrase, qui réaffirme que la relation entre l’élève et l’enseignant est une relation d’autorité, dans laquelle le respect est d’abord dû au personnel et à l’institution scolaire.
Toutefois pour répondre complètement aux inquiétudes des enseignants, dans le cadre du mouvement « PasDeVague », une prise en charge plus large du phénomène est requise. Divers rapports ont préconisé l’installation d’un médiateur.
Un véritable plan de lutte national contre les violences à l’école, annoncé par le Gouvernement, mais plusieurs fois ajourné, est nécessaire pour apporter des réponses concrètes et sortir des postures idéologiques. Nous restons vigilants quant au contenu et à la date de publication de ce plan, dont l’application est d’ores et déjà annoncée pour la rentrée prochaine.
M. le président. L’amendement n° 221 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Grosperrin, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Paccaud, Kennel et Karoutchi, Mmes Procaccia et Garriaud-Maylam, MM. Panunzi, Saury, de Nicolaÿ, Bonhomme et Détraigne, Mme Deromedi, MM. Moga, Kern, Meurant, Bascher, Maurey et Savin, Mme Perrot, MM. Laménie, Chevrollier et H. Leroy, Mme Lamure, MM. Pointereau et Revet, Mme de Cidrac et MM. Pellevat, Rapin et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
nationale
insérer les mots :
, en particulier au regard de leur obligation de neutralité,
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Il s’agit d’un amendement de M. Piednoir. La notion d’exemplarité du personnel de la communauté éducative est vaste et abstraite et peut installer un climat de défiance vis-à-vis de cette dernière.
Cet amendement vise à préciser que l’exemplarité attendue des enseignants s’entend plus précisément et plus particulièrement au regard de l’obligation de neutralité – religieuse, politique, etc. – qu’ils se doivent de respecter. En bref, il s’agit de ne pas exprimer ses opinions.
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 227, présenté par MM. Karam, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
unit
par les mots :
doit unir
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Cet amendement a pour objet de renforcer la portée normative de l’article. On l’a dit, le lien de confiance est le socle de l’école. Il s’adresse tant aux personnels de l’éducation nationale qu’à la famille et aux élèves.
En insistant sur l’exemplarité et l’engagement des professeurs, cet article tend à démontrer à quel point ces derniers occupent une place centrale dans le système éducatif. Les professeurs sont les piliers du système scolaire : sans eux, l’école de la confiance est impossible.
Lors de l’examen à l’Assemblée nationale ou en commission au Sénat, nous avons entendu certains de nos collègues affirmer que cet article était dépourvu de portée normative. Pour renforcer sa portée normative, nous proposons donc d’inscrire dans la première phrase que le lien de confiance « doit unir » les élèves et leur famille au service public de l’éducation.
M. le président. L’amendement n° 65 rectifié ter, présenté par MM. A. Marc, Bignon, Chasseing, Wattebled, Decool et Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, qui est formalisé et signé
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Tout à l’heure, notre excellent collègue Philippe Dallier craignait que l’article 1er ne soit que déclamatoire.
Je propose donc que le lien de confiance soit formalisé et signé. Grâce à cet acte positif et fort, les parents prendraient pleinement conscience du respect qu’ils doivent également manifester aux enseignants.
M. le président. L’amendement n° 387 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Corbisez, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout apport à la communauté éducative et à la vie citoyenne, dans le respect du secret professionnel et du devoir de discrétion professionnelle, participe de cet engagement et de cette exemplarité. Dans l’engagement citoyen, la libre expression hors du cadre professionnel est un droit fondamental, dans les limites fixées par la loi. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à reconnaître et à garantir le rôle de l’enseignant dans la cité au-delà du seul exercice professionnel.
De même que les partenaires des établissements d’enseignement et de l’éducation nationale participent de la communauté éducative, les personnels de l’éducation nationale participent utilement à la vie citoyenne grâce à leurs compétences propres.
Plusieurs enseignants ont appelé l’attention des parlementaires sur des dispositions du présent projet de loi qu’ils estiment contestables. Le texte de ce projet de loi est public : lui appliquer une lecture critique participe des prérogatives des citoyens et ne contrevient pas en soi aux obligations des fonctionnaires.
Pourtant, dans l’Hérault, un enseignant également adjoint au maire qui s’est exprimé publiquement pour appeler les sénateurs à exercer leur esprit critique sur le présent projet de loi a été convoqué par le directeur académique, qui l’aurait réprimandé. Il a reçu une lettre le rappelant à l’ordre.
Si ce document n’est pas présenté par son auteur comme une sanction, son versement au dossier individuel de l’intéressé risque de nuire à ses évolutions de carrière et à ses demandes de mutation. Au-delà du grief, la démarche est de nature à intimider tous les membres de l’éducation nationale.
Le présent amendement vise donc à préciser que l’engagement et l’exemplarité, que le présent article vise à inscrire dans le code de l’éducation, et qui font la richesse et la spécificité de l’apport des enseignants aux élèves, se mesurent aussi à l’aune de l’apport à la vie citoyenne par l’appel à l’analyse critique, au respect de l’engagement citoyen et au respect de la République qui la permet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je comprends les préoccupations exprimées par Mme Eustache-Brinio au travers de l’amendement n° 254 rectifié bis. Elle a été en particulier marquée par les faits qui se sont produits dans son département, et que nous avons tous encore en mémoire.
Pour autant, l’article, tel qu’il a été rédigé par la commission, les débats que nous avons eus et les propos de M. le ministre, qui a repris le texte voté par la commission, répondent largement à son souci. Cet amendement est donc satisfait.
Par ailleurs, l’amendement vise à préciser que les personnels de la communauté éducative assurent la transmission des savoirs fondamentaux aux élèves : cela me semble assez réducteur. Bien sûr, les savoirs fondamentaux sont importants, mais il est ici question de l’école, de la maternelle jusqu’à la terminale. Il convient donc d’aller au-delà !
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
L’amendement n° 270 rectifié de Mme Monier vise à supprimer les références à l’exemplarité et à l’engagement. En outre, le respect dû par les élèves à leurs professeurs est remplacé par la mention d’un lien de respect entre les membres de la communauté éducative.
Le respect entre les membres de la communauté éducative est important, mais il y a dans une classe – je l’ai précédemment affirmé avec force – un adulte et des enfants. Nous en avons largement débattu, à mon sens le respect est d’abord dû par les enfants à l’adulte et à l’autorité du professeur. Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons, je suis défavorable à l’amendement n° 433 rectifié de Mme Jouve.
Concernant l’amendement n° 221 rectifié, je partage pleinement l’intention de M. Piednoir : l’exigence d’exemplarité s’entend bien sûr au regard de l’obligation de neutralité des enseignants. Cette précision ne paraît toutefois pas utile : cette intention ressort clairement de nos travaux, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi.
De surcroît, cette précision pourrait être réductrice : l’exemplarité est plus large que l’obligation de neutralité. C’est d’ailleurs à l’occasion de violences sexuelles commises par un enseignement sur des mineurs en dehors du service que le Conseil d’État a affirmé l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La modification proposée au travers de l’amendement n° 227, défendu par M. Karam, vise à reprendre les termes d’une décision du Conseil d’État. Je ne suis pas convaincu de la pertinence de cette modification : le lien de confiance entre l’école de la République et nos concitoyens existe. Remplacer le mot « unit » par les mots « doit unir » pourrait laisser penser que ce lien de confiance n’existe pas. Il doit être préservé et conforté.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
La précision que vise à apporter l’amendement n° 65 rectifié ter de M. Marc n’est pas nécessaire. À chaque rentrée, les élèves comme leurs parents prennent connaissance du règlement intérieur de l’établissement et le signent.
Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 387 rectifié, l’expression « apport à la communauté éducative et à la vie citoyenne » me laisse perplexe. Je comprends l’intention de M. Cabanel, qui souhaite inscrire une liberté d’expression hors du cadre professionnel. Comme tous les fonctionnaires, les enseignants sont soumis au devoir de réserve, dont les conditions sont définies par la jurisprudence administrative.
Il s’agit d’un régime subtil et protecteur des agents, qui tient compte de leur rôle hiérarchique. C’est le corollaire de l’obligation de neutralité, qui ne se résume pas à la laïcité. Cet amendement tend à remettre en cause ce fragile équilibre. Même en dehors du service, les enseignants, comme tous les fonctionnaires, doivent faire preuve de retenue.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 254 rectifié bis. Son argumentaire est comparable à celui du rapporteur : cet amendement est satisfait par la rédaction adoptée en commission.
J’émets le même avis défavorable sur les amendements nos 270 rectifié et 433 rectifié : je ne souhaite pas que l’on supprime les mots « exemplarité » et « engagement ».
En ce qui concerne l’amendement 221 rectifié et l’obligation de neutralité, je suis d’accord avec les arguments du rapporteur. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 227, car celui-ci vise à renforcer la partie normative de l’article. Remplacer le mot « unit » par les mots « doit unir » me paraît une amélioration.
Quant aux amendements nos 65 rectifié ter et 387 rectifié, je partage l’avis du rapporteur : avis défavorable. Ces ajouts n’apportent rien à la rédaction de l’article adoptée en commission.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je ne suis pas étonné que la reformulation du principe d’autorité fasse autant débat.
En une trentaine d’années, l’école est sans doute devenue l’instrument d’intégration de la République le plus malade. Les causes en sont multiples. Parmi ces facteurs, la perte de l’autorité du professeur en est probablement le symptôme le plus manifeste, suscitant une forte diminution de la reconnaissance sociale des professeurs.
M. Philippe Mouiller. C’est vrai !
M. François Bonhomme. La place privilégiée qu’ont occupée les enseignants dans la société reposait précisément sur la qualité de leurs connaissances et sur l’autorité qu’ils tiraient de leur mission de transmission.
M. Philippe Mouiller. C’est certain !
M. François Bonhomme. Les multiples reformes engagée ces dernières années ont manifestement affaissé l’autorité des professeurs. Or nous avons besoin d’autorité.
Cette autorité du professeur et le prestige de la fonction se sont aussi progressivement effrités en raison de l’irruption du numérique dans la société et, malheureusement, à l’école. Le numérique a été totémisé en vertu d’une lecture erronée de la modernité. Les enseignants sont de plus en plus considérés comme de simples « prestataires de services » et les élèves sont « de moins en moins élèves » et de plus en plus les clients de l’école !
La parole du professeur est de plus en plus « concurrencée » par l’envahissement du numérique. Or l’école devrait être préservée et être à l’abri de ce mouvement général de destitution du savoir et de déclassement du professeur.
D’aucuns me répondront que tout cela n’est pas vraiment nouveau. Je ne suis pas d’accord. Il me semble même que cette fragilisation de l’autorité s’est accélérée et aggravée.
En quelques années, de moins en moins de lieux échappent à ce mouvement général et singulièrement l’école. L’ensemble des professeurs en fait quotidiennement l’amère expérience : plus les élèves sont connectés, moins ils sont attentifs alors même que « la formation de la faculté d’attention est le but véritable et presque l’unique intérêt des études », comme l’écrivait la philosophe Simone Weil.
Chacun peut mesurer le résultat tangible de ce double mouvement sur le fonctionnement cognitif des élèves : moins d’attention et moins de concentration. Ce sont les réflexes qui sont mis en avant au détriment de la réflexion et les passions qui prennent le pas sur la raison. Ce sont aussi parfois les lumières philosophiques qui s’éteignent au profit des signaux numériques.
Mes chers collègues, je vous invite à lire, si ce n’est encore fait, La Civilisation du poisson rouge : Petit traité sur le marché de l’attention de Bruno Patino, ouvrage qui nous alerte sur la menace qui nous guette.
C’est pourquoi seule la verbalisation du principe d’autorité parviendra à rétablir le professeur dans ses prérogatives. Pour ce faire, nous avons besoin du soutien de toute l’institution scolaire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 254 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’amendement n° 270 rectifié.
M. David Assouline. La discussion, qui a commencé de manière globale, s’est concentrée ensuite sur la question de l’autorité. Les avis divergent, mais quelqu’un peut-il contester ici que la perte d’autorité des professeurs n’est pas liée à un article de loi ? Et pouvons-nous la restaurer ?
Nous vivons dans une société consumériste, qui valorise l’argent et la compétition. J’ai pu constater cette dérive, car j’ai moi-même été enseignant pendant un certain nombre d’années.
Enfant, à chaque rentrée scolaire, lorsque l’on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais : je veux être professeur d’histoire-géographie ou archéologue, contrairement à la plupart des autres enfants de ma classe, qui voulaient être aviateurs !
M. Jackie Pierre. Et vous êtes devenu sénateur ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Quand je suis devenu professeur, les choses avaient déjà changé. La majorité des enfants voulaient être footballeurs, car on leur assénait que c’était un métier où la réussite était possible et où l’on gagnait beaucoup d’argent. Or le professeur que j’étais en gagnait très peu et était considéré comme un loser ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ne plaisantez pas, chers collègues, car la majorité des professeurs souffrent de ne plus bénéficier aujourd’hui de l’estime dont pouvait se prévaloir l’instituteur qui, avec le curé, occupait une place centrale dans la vie du village ou du quartier !
M. Jean-François Husson. C’était « l’ancien monde » !
M. Jean-Marc Boyer. Avant 68 !
M. David Assouline. La parole publique, notamment celle du ministre, se ferait honneur à insister chaque fois que c’est possible sur ce lien. Pourquoi ne pas inscrire à l’article 1er que la République honore ces personnels et leur apporte sa confiance ? Cela pourrait valoriser ces professions.
Quelle serait votre réaction, moi qui respecte les policiers, si l’on commençait par demander aux policiers, dans une loi sur la police, d’être exemplaires ? Vous seriez tous en train de dire : ne jetons pas la suspicion sur les policiers !
J’aimerais que tous les fonctionnaires, qu’ils soient policiers, enseignants ou personnels de santé, bénéficient de votre part de la même attention.
M. le président. Monsieur Marc, l’amendement n° 65 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Alain Marc. Si je comprends bien M. le rapporteur, le respect dû au professeur figurera dans le règlement intérieur de toutes les écoles de France que signeront les parents d’élèves ?
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous me l’assurer ? Si tel est le cas, je veux bien retirer mon amendement…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Le règlement intérieur d’un établissement s’inspirera largement de la loi qui sera votée et sera conforme aux circulaires qui seront établies par le ministre.
Le règlement intérieur d’un établissement ne reprendra peut-être pas exactement ce texte, mais il reprendra néanmoins le contenu des lois qui organisent le fonctionnement de notre école.
M. le président. Monsieur Marc, qu’en est-il de l’amendement n° 65 rectifié ter ?
M. Alain Marc. Je ne suis pas certain que tous les parents d’élèves soient assez fins juristes pour aller chercher dans le code de l’éducation ce qui sera retranscrit ensuite dans le règlement intérieur de l’école…
Cela dit, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 65 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote sur l’amendement n° 387 rectifié.
M. Henri Cabanel. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vos arguments ne m’ont pas du tout convaincu.
L’exemple que j’ai cité pose la question de la limite entre le droit de réserve de chaque enseignant et sa liberté d’expression en tant que citoyen. Cet enseignant s’est exprimé non pas dans un établissement scolaire, mais dans un lieu public. Or il a été réprimandé.
Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre, quand vous critiquez la société du soupçon, mais la confiance dont nous parlons beaucoup cet après-midi ne se décrète pas : elle se tisse, et cela du temps. Il y a ici à mon avis deux poids, deux mesures !
Sans vouloir polémiquer, l’un de vos députés de la majorité, professeur des universités, s’est exprimé sur Twitter, avec les logos de son université derrière lui, pour faire l’apologie de votre liste aux élections européennes.
M. Jean-Marc Boyer. Exact !
M. Henri Cabanel. J’aimerais savoir si, comme cet enseignant de l’Hérault, il a été et réprimandé, et jusqu’où doit aller l’exemplarité d’un professeur de faculté ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Je suis très inquiète de l’exemple cité par mon collègue Cabanel. Je rappelle que, aux termes de l’article 6 de la loi Le Pors de 1983, « la liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires ».
Or le fonctionnaire dont il est ici question ne s’est pas exprimé devant sa classe, mais il s’est exprimé en dehors. Et il y a pourtant eu réprimande !
Nous soutiendrons donc l’amendement de M. Cabanel.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous rappeler une première évidence : les faits que vous évoquez se passent sous le régime juridique actuel et non sous un régime juridique futur !
Or celui-ci correspond à la loi de 1983, que vous venez de citer à juste titre avec révérence. Nous sommes dans un état de droit, autrement dit, s’il y a le moindre problème dans la façon dont l’inspecteur d’académie a jugé le comportement de tel ou tel enseignant, la loi sera respectée.
Il se trouve que les termes de cette loi sont extrêmement clairs. Votre révérence pour cette loi de 1983, qui, au fond, n’est pas très différente de ce que nous voulons faire au travers de l’article 1er de ce projet de loi, me paraît parfois étonnante. Il faut croire que l’émetteur compte pour beaucoup dans la réception…
Quoi qu’il en soit, la loi de 1983 est très claire sur la façon dont on peut exercer sa liberté d’opinion lorsque l’on est fonctionnaire. Un fonctionnaire ne doit notamment pas exciper de son titre quand il exerce sa liberté d’opinion. C’est ce qui fait toute la différence dans une affaire comme celle-ci.
Bien sûr, un élu a une très grande liberté d’opinion, et il est tout à fait possible, en tant qu’adjoint au maire, de s’exprimer. Idem pour un syndicaliste. En revanche, un directeur d’école ou un professeur ne peut exciper de son titre lorsqu’il s’exprime.
En l’occurrence, l’inspecteur d’académie n’a pas sanctionné l’enseignant. Il lui a simplement rappelé la loi. Lorsque l’on aime l’école de la République, ce que vous avez tous affirmé haut et fort sur toutes les travées, on aime aussi que les droits et les devoirs soient respectés. Nous devrions donc tous tomber d’accord lorsque la loi est rappelée, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une loi que vous respectez.
On oublie souvent les choses de base dans le débat public – cela ne vaut pas que pour l’éducation nationale. C’est ce qui conduit parfois aux insultes sur les réseaux sociaux ou à un exercice de la liberté qui contrevient à la liberté des autres. Il faut donc à certains moments, de manière très calme et sereine, rappeler la loi sans excès d’autoritarisme.
C’est bien ce qui a été fait ici, car il ne s’agit que de l’envoi d’une simple lettre. C’est cela, aussi, l’école de la République !
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Monsieur le ministre, votre réponse m’interpelle.
Premièrement, quand un élu prend la parole, c’est souvent le journaliste qui rappelle sa fonction. Il importe donc d’être vigilant et de ne pas accuser trop vite la personne mise en cause.
Deuxièmement, plusieurs médecins de la fonction publique hospitalière, dont le père de l’actuel ministre du logement, ont lancé une pétition pour s’offusquer du fichage des gilets jaunes. Seront-ils sanctionnés, y compris le professeur Debré ? Ils sont pourtant fonctionnaires et ils exercent à l’hôpital. Je ne suis pas la seule à penser qu’il y a là deux poids, deux mesures.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
M. le président. L’amendement n° 469 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Meurant, Courtial, Laménie et Grosdidier, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 111-3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-3-…. – Le respect des élèves à l’égard des professeurs et du personnel est une valeur fondamentale qui doit être observée à tout moment. À ce titre, le règlement intérieur des établissements scolaires fixe les conditions dans lesquelles les élèves doivent se lever lorsqu’un professeur rentre dans une salle de classe. »
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Le respect étant une valeur fondamentale, cet amendement a tout simplement pour objet d’imposer aux élèves de se lever lorsqu’un professeur accède à une salle de classe, dans des conditions définies par le règlement intérieur des établissements scolaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Mon cher collègue, la première phrase de votre amendement me semble pleinement satisfaite par l’article 1er, dans la rédaction qui vient d’être adoptée.
S’agissant des conditions dans lesquelles les élèves doivent se lever lorsqu’un professeur entre dans une salle de classe, il ne me semble pas que ce soit à la loi de se mêler de ce genre de question ; tout cela relève, comme vous l’indiquez justement, du règlement intérieur des établissements.
Pour ces raisons, je vous demande de retirer cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendlé. Même si, effectivement, sa proposition relève davantage du domaine réglementaire, je remercie M. Leroy d’avoir déposé cet amendement et d’avoir rappelé l’importance que revêt le respect, par l’élève, de l’enseignant et, au-delà, de toute personne qui pourrait se présenter en salle de classe – par exemple le maire.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que cet amendement était satisfait et que les règles doivent être fixées par le règlement intérieur des écoles. J’en conviens parfaitement, mais une petite piqûre de rappel dans le cadre de ce débat ne ferait pas de mal, et si nos échanges ont une portée réelle et effective dans toutes les écoles de France, j’en serai ravie.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. J’ai connu cette époque où tout le monde, pour le saluer, se levait lorsqu’un professeur, la directrice ou tout simplement un membre du personnel de l’école entrait dans la classe. Aujourd’hui, je pense, le problème ne serait pas de faire se lever les élèves ; ce serait plutôt de les faire se rasseoir !
Les enfants d’aujourd’hui ne sont malheureusement plus ceux du passé, et obliger les enseignants à faire la police leur ajouterait une pression supplémentaire. Je considère que c’est par la pédagogie au sein de l’établissement qu’il serait possible de faire se lever les élèves, en signe de respect. Cela a eu cours dans le passé, comme d’autres pratiques, et l’on n’en est pas mort.
Je suis sensible à cette proposition, mais si cette mesure devait rester sans effet faute de sanction réelle, je crains qu’elle ne soit contre-productive, malheureusement.
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour explication de vote.
M. Henri Leroy. Monsieur le ministre, je précise que le code de l’éducation, dans sa nouvelle rédaction, mentionne la notion de respect, mais n’en donne aucune application concrète.
L’objet de cet amendement est tout simplement d’en donner un commencement d’exécution. Les professeurs ne sont pas les égaux des élèves : ils incarnent l’autorité et l’ordre, tandis que les élèves sont dans une phase de formation et d’apprentissage – apprentissage des savoirs et du respect vis-à-vis des adultes.
Se lever lorsqu’un professeur arrive, c’est un signe de courtoisie, de reconnaissance et de respect pour celui qui diffuse et transmet le savoir. Aujourd’hui, cette pratique est laissée à la discrétion des établissements et des professeurs ; elle doit être partout obligatoire, monsieur le ministre, et je ne puis croire que vous ne soyez pas d’accord avec ce principe de respect.
Je vous demande de ne pas esquiver ce débat, car c’est une question importante. Monsieur le ministre, si vous considérez à juste titre que cette mesure réglementaire n’a pas sa place dans la loi, seriez-vous prêt à diffuser une circulaire – cela dépend de vous – pour inviter les établissements à inscrire cette disposition dans leur règlement intérieur ?
Voilà tout simplement ce que je souhaite : respecter celui qui dispense le savoir.
Mme Catherine Troendlé. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 469 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 101 rectifié quater, présenté par MM. Retailleau, Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, MM. Bizet, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, Bouloux et J.M. Boyer, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, Le Gleut et Leleux, Mmes Lopez et Malet, M. Mayet, Mme M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pointereau et Priou, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 131-6, après le mot : « éducation », sont insérés les mots : « , en application de l’article L. 131-8, » ;
2° L’article L. 131-8 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, après le mot : « sanctions », sont insérés les mots : « administratives et » ;
b) Les avant-dernier et dernier alinéas sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation saisit sans délai le président du conseil départemental du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale ou de toute autre mesure d’accompagnement que le président du conseil général pourrait proposer aux familles en application de l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles.
« Elle communique trimestriellement au maire la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement tel que défini au présent article a été notifié.
« Les informations communiquées au maire en application du présent article sont enregistrées dans le traitement prévu à l’article L. 131-6.
« Dans le cas où, au cours d’une même année scolaire, une nouvelle absence de l’enfant mineur d’au moins quatre demi-journées sur un mois est constatée en dépit de l’avertissement adressé par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, cette dernière, après avoir mis les personnes responsables de l’enfant en mesure de présenter leurs observations, et en l’absence de motif légitime ou d’excuses valables, saisit le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant en cause, calculées selon les modalités prévues à l’article L. 552-4-1 du code de la sécurité sociale. Le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation ainsi que le président du conseil départemental de la date de mise en œuvre de cette suspension. Il informe les personnes responsables de l’enfant de cette décision et des dispositifs d’accompagnement parental auxquels elles peuvent avoir recours.
« Le versement des allocations familiales n’est rétabli que lorsque l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation a signalé au directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qu’aucun défaut d’assiduité sans motif légitime ni excuses valables n’a été constaté pour l’enfant en cause pendant une période d’un mois de scolarisation, éventuellement interrompu par des vacances scolaires, depuis le mois au titre duquel le versement des allocations familiales a été suspendu.
« Le rétablissement du versement des allocations familiales est rétroactif. Si, depuis l’absence ayant donné lieu à la suspension, une ou plusieurs nouvelles absences de quatre demi-journées par mois sans motif légitime ni excuses valables ont été constatées, à la demande de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation et après que les personnes responsables de l’enfant ont été mises en mesure de présenter leurs observations, aucun versement n’est dû au titre du ou des mois au cours desquels ces nouvelles absences ont été constatées.
« La suspension des allocations familiales ne peut prendre effet qu’à une date permettant de vérifier sous deux mois la condition de reprise d’assiduité définie aux deux alinéas précédents. » ;
3° L’article L. 131-9 est complété par les mots : « , sauf dans le cas où elle a sollicité du président du conseil départemental la mise en œuvre d’un contrat de responsabilité parentale. »
II. – Après l’article L. 552-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 552-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 552-4-1 – En cas de manquement à l’obligation d’assiduité scolaire, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales suspend, sur demande de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, le versement de la part des allocations familiales due au titre de l’enfant en cause, selon les modalités prévues à l’article L. 131-8 du code de l’éducation. Le rétablissement des allocations familiales s’effectue selon les modalités prévues à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l’enfant en cause sont définies par décret en Conseil d’État. »
III. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 222-4-1 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 222-4-1 – Lorsque le président du conseil départemental est saisi par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation en cas d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation, il peut proposer aux parents ou représentants légaux du mineur concerné la signature d’un contrat de responsabilité parentale.
« Ce contrat rappelle les obligations des titulaires de l’autorité parentale. Son contenu, sa durée et les modalités selon lesquelles il est procédé à la saisine du président du conseil départemental et à la conclusion du contrat sont fixés par décret en Conseil d’État. Ce décret fixe aussi les conditions dans lesquelles les autorités de saisine sont informées par le président du conseil départemental de la conclusion d’un contrat de responsabilité parentale et de sa mise en œuvre.
« Lorsqu’il constate que les obligations incombant aux parents ou au représentant légal du mineur n’ont pas été respectées ou lorsque, sans motif légitime, le contrat n’a pu être signé de leur fait, le président du conseil départemental peut :
« 1° Saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;
« 2° Saisir l’autorité judiciaire pour qu’il soit fait application, s’il y a lieu, de l’article 375-9-1 du code civil.
« Lorsque le contrat n’a pu être signé du fait des parents ou du représentant légal du mineur, le président du conseil départemental peut également leur adresser un rappel de leurs obligations en tant que titulaires de l’autorité parentale et prendre toute mesure d’aide et d’action sociales de nature à remédier à la situation. » ;
2° L’article L. 262-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. »
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Le présent amendement vise à lutter contre l’absentéisme scolaire, en prévoyant notamment la possibilité d’effectuer une retenue sur les allocations familiales versées aux parents d’élèves de moins de 16 ans.
En effet, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère a évalué, en mars 2018, le nombre d’élèves absentéistes à 250 000. Elle relève également que, de septembre 2017 à mai 2018, dans les établissements publics du second degré, quelque 5,6 % des élèves ont été absents, de façon non justifiée, quatre demi-journées ou plus par mois, en moyenne.
Ce taux d’absentéisme a crû en moyenne de 0,7 point pour l’ensemble des établissements par rapport à l’année 2016-2017, et le taux d’absentéisme moyen annuel est de 3,2 % dans les collèges, de 6,8 % dans les lycées d’enseignement général et technologique et de 18,3 % dans les lycées professionnels. En outre, l’absentéisme est plus élevé dans les établissements socialement défavorisés.
Il s’agit donc d’une réalité tangible, qui impose aux pouvoirs publics de réagir. Le défaut d’assiduité des élèves influant nécessairement sur leurs résultats scolaires, il convient de ne pas laisser les jeunes obérer leurs chances d’avenir.
L’amendement tend donc à faire de la responsabilisation des parents, éducateurs de leur enfant, un élément clé de la lutte contre l’absentéisme, au moyen d’un contrat de responsabilité parentale permettant de leur faire prendre conscience de la gravité de la situation. À cet égard, les parents bénéficient d’un accompagnement dans le cadre de ce contrat, et la complexité des situations individuelles est prise en compte.
La sanction administrative se veut plus dissuasive que punitive. Elle est rendue nécessaire par l’insuffisance du dispositif mis en place au moment de la suppression de la loi dite Ciotti du 28 septembre 2010 par la loi du 31 janvier 2013, qui se limitait à renforcer le dialogue parents-établissements et à prévoir un personnel référent.
L’évolution croissante de l’absentéisme impose manifestement de nouveaux outils.
M. le président. Le sous-amendement n° 500 rectifié, présenté par M. Lafon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Amendement n° 101 rectifié quater, alinéa 11
Remplacer le mot :
saisit
par les mots :
peut saisir
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Nous avons lu avec attention l’amendement que vient de défendre Jacques Grosperrin et, par ce sous-amendement, nous voudrions le préciser et, si possible, l’améliorer.
De notre point de vue, cette mesure doit être non pas systématique, mais seulement possible. Puisque, comme le prévoient les auteurs de cet amendement, c’est l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation qui peut en prendre l’initiative, il nous semble qu’elle doit également apprécier si, dans certains cas, au regard de sa connaissance de la situation, en fonction du dialogue qu’elle aura noué notamment avec les parents, le retrait des allocations familiales peut avoir un effet positif sur l’enfant.
Pour nous, ce n’est pas systématique, et ce pourrait même être préjudiciable à l’occasion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Comme l’a dit Jacques Grosperrin, cet amendement de Bruno Retailleau vise à reprendre les dispositions de la loi dite Ciotti du 28 septembre 2010, abrogée en grande partie en 2013, visant à lutter contre l’absentéisme. Il a pour objet d’introduire un mécanisme de responsabilisation, fondé sur un contrat de responsabilité parentale, et de permettre, en dernier recours, une sanction par une retenue sur les allocations familiales.
Comme l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire, et peut-être même davantage que cette dernière, cette disposition est une mesure de justice sociale. On sait en effet que l’absentéisme concerne d’abord les élèves des milieux les moins favorisés.
La commission émet donc un avis favorable, ainsi que sur le sous-amendement de M. Lafon, qui, loin de s’opposer à l’amendement de M. Retailleau, tend à préciser les modalités de sa mise en œuvre.
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il s’agit là d’un sujet extrêmement sérieux.
La formation des professeurs et la relation entre les parents et l’école – objet de cet amendement – sont les deux facteurs les plus importants pour la réussite d’un système scolaire.
Au-delà de la question de l’absentéisme, de façon générale, nous devons toujours réfléchir à ce qui permettra de construire dans le futur cette bonne relation entre les parents et l’école. Lorsque l’on parle d’école de la confiance, il est question de la confiance en eux des élèves, de la confiance qu’on leur donne dans le futur, mais aussi de la confiance entre tous les acteurs.
On a beaucoup parlé de la confiance de l’institution envers ses professeurs et des professeurs envers l’institution, mais l’un des grands enjeux, c’est la confiance entre les parents et l’institution.
À cet égard, la situation en France n’est pas très bonne, faute d’une grande tradition de convergence entre les parents et l’école. Nous devons donc réfléchir à toutes les mesures qu’il convient de prendre pour réussir à créer cette confiance et à la coresponsabilité qui existe en la matière entre les parents et l’école.
C’est pourquoi la coéducation est, à mes yeux, un bon concept : elle sous-tend qu’il existe une responsabilité partagée entre l’institution scolaire, entre l’école de la République et les parents, et que c’est ensemble que nous devons réussir. C’est pourquoi, d’ailleurs, comme l’a signalé l’un d’entre vous, on constate une plus grande réussite quand les familles adhèrent aux valeurs de l’école et quand cette convergence est au rendez-vous.
Encore une fois, c’est au travers de ce prisme que nous devons réfléchir à des enjeux tels que la violence ou l’absentéisme.
L’idée de responsabilisation au travers d’un contrat me paraît tout à fait recevable, mais elle doit être envisagée dans un contexte plus large, qui dépasse celui de cette seule loi.
En outre, comme l’ont souligné plusieurs d’entre vous, nous devons mener une réflexion sur la violence scolaire, laquelle aboutira avant la fin de cette année scolaire pour trouver une traduction concrète à la rentrée prochaine. Elle conduira nécessairement à l’adoption de mesures de responsabilisation des parents vis-à-vis de l’école, et c’est dans ce cadre-là que nous aurons à réfléchir sur les enjeux de l’absentéisme.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur le sous-amendement et sur l’amendement. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je voterai l’amendement ainsi sous-amendé. En effet, on peut se poser des questions sur l’absentéisme : pourquoi certains enfants ne vont-ils plus à l’école ? Pour les uns, la raison en est un défaut d’autorité des parents ; pour les d’autres, c’est peut-être l’échec scolaire qui les conduit à ne plus aller en cours.
Cela nous renvoie à un problème essentiel, qui pourra être résolu non pas à court terme, mais à moyen et long terme : l’investissement dans les premières années d’éducation, en maternelle et en primaire, parce que c’est là que tout se joue. Si l’on veut corriger les inégalités sociales et, partant, le problème de l’absentéisme plus tard, c’est ce combat qu’il faut mener, ce à quoi s’emploie cet amendement, ce qui est son mérite.
Le sous-amendement de Laurent Lafon, qui tend à faire de cette suspension du versement des allocations familiales une simple faculté, permettra d’apprécier au mieux chaque situation précise.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Le serpent de mer ressurgit… Combien de fois avons-nous eu ce débat dans cet hémicycle ? Depuis que je suis sénateur, il revient chaque fois qu’un gouvernement soumet une loi sur l’école.
Effectivement, quand la gauche était au gouvernement, nous sommes revenus sur la loi Ciotti. Depuis lors, je ne crois pas que de nouveaux arguments aient été versés au débat. Si l’on se montre pragmatique et si l’on met de côté toute idéologie, on sait très bien que ce n’est pas en frappant au portefeuille des familles, souvent les familles les plus défavorisées, dont les enfants sont les plus concernés par les difficultés de prise en charge et d’orientation, que l’on réglera quelque problème que ce soit.
Sur la question de l’absentéisme scolaire, j’ai une conception très exigeante de ce qui doit être fait, mais ce n’est pas la peine de faire semblant.
Mes chers collègues, je vais vous donner un exemple vous permettant d’identifier les responsabilités. Vous avez peut-être lu ces derniers jours des enquêtes accablantes sur le phénomène de l’uberisation. Un nombre croissant d’enfants, bien entendu issus des milieux les plus défavorisés, ne va plus à l’école : ils sont captés, notamment par les plateformes offrant des services de restauration à bicyclette ou à mobylette, car c’est pour eux un moyen de gagner de l’argent.
On peut se dire que l’on va taper les familles ; on peut se dire que l’on va « taper » Uber – je cite cette société, mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. La responsabilité d’une société, ce n’est pas de faire semblant de penser que l’on réglera les problèmes en privant de moyens leur permettant plus ou moins de joindre les deux bouts des familles défavorisées, souvent débordées et complètement dépassées, non pas seulement en raison de leur situation sociale, mais aussi parce que les parents sont obligés de travailler tous les deux ou encore parce que les logements sont d’une taille trop réduite.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. Nous voterons donc contre cet amendement et ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. C’est le cœur serré que j’interviens sur cet amendement. Ce que j’entends là fait peur et traduit une vraie incompréhension de ce qui se passe sur le territoire.
Oui, l’absentéisme est une réalité. Oui, l’absentéisme est trop fréquent. Pour autant, ce n’est pas en suspendant les allocations familiales que l’on réglera la question.
Le premier problème, c’est celui de l’autorité parentale. Comme en dispose l’article 371-1 du code civil, « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant », donc, notamment, l’éducation.
Souvent, dans les familles monoparentales, ce sont des mères qui élèvent seules leurs enfants, qui sont seules à essayer de joindre les deux bouts. Voilà la réalité ! Souvent, les pères sont complètement absents et ne sont jamais rappelés à leurs responsabilités ! Et maintenant, il faudrait sanctionner la maman – voire la fratrie – qui élève ses enfants grâce aux allocations familiales ?
Ce n’est peut-être pas le cas de certains ici, mais, là d’où je viens, beaucoup ont été élevés grâce aux allocations familiales ; et heureusement qu’elles étaient là, parce qu’elles ont permis à beaucoup d’enfants et de jeunes de réussir scolairement, d’obtenir de vrais diplômes, de sortir de la galère, comme on dit, et d’être ce qu’ils sont aujourd’hui.
Je le dis à mes collègues : croyez bien que suspendre les allocations familiales ne fera qu’accentuer la fracture. Ce n’est pas l’enfant qui sera placé sur le banc des accusés, parce qu’il ira chercher ailleurs ce que vous aurez retiré à sa famille : ailleurs, c’est-à-dire chez les dealers, à l’école de la rue.
Cet amendement est dangereux, en ce qu’il tend à retirer à de nombreuses familles ce grâce à quoi elles arrivent malgré tout à maintenir les enfants dans un cadre.
Croyez-moi, ce n’est pas simple quand on est seul. Ce n’est pas simple quand on vit dans certains quartiers de France, quand on doit élever son enfant, quand l’école de la rue est simplement parfois plus forte que l’amour ou l’éducation que vous pouvez donner à vos enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. Mes chers collègues, huit d’entre vous doivent encore prendre la parole pour explication de vote.
Toutefois, je devrai suspendre la séance à dix-neuf heures vingt-cinq, en raison de la réunion de la conférence des présidents. Je vous invite donc à être concis, en dépit de l’intérêt de ce débat.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Je serai très concis, monsieur le président.
Le sous-amendement de M. Lafon est extrêmement important. Je ne suis pas totalement en désaccord avec les propos de notre collègue de Marseille, tant s’en faut.
Mon département compte des populations gitanes, tziganes, sédentaires ou non, et l’on est obligé de respecter leur mode de vie, même si nous nous efforçons de leur expliquer que leurs enfants doivent aller à l’école. De nombreux progrès ont été enregistrés, et, si la loi était trop dure, cela poserait d’autres problèmes.
Les auteurs du sous-amendement ont fait preuve de discernement – c’est ce qui en fait tout l’intérêt –, et dans le monde dans lequel nous vivons, c’est un mot qu’il faudrait apprendre dès la maternelle.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.
Mme Claudine Lepage. Je partage totalement le propos de Mme Ghali. Nous sommes tous d’accord pour considérer l’absentéisme scolaire comme un grave problème dont les enfants, les élèves, sont les premières victimes. Mais les victimes, ce sont parfois aussi les parents, les mères seules, qui n’ont pas toujours sur leurs enfants l’autorité qu’elles devraient avoir.
Certes, la coresponsabilisation des familles et des enseignants est une très bonne chose, mais cela ne suffit peut-être pas. Je suis totalement opposée à la suppression des allocations familiales, mesure particulièrement antisociale.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que c’était là une mesure sociale : je ne sais pas comment l’on peut dire pareille chose ! Elle risque de précariser encore plus des familles déjà en difficulté.
Mme Ghali a parlé des mères qui élèvent seules leurs enfants, des mères souvent débordées, qui font ce qu’elles peuvent. Si on leur supprime une rentrée d’argent, leur situation empirera.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. C’est un débat très complexe. Une partie de nos collègues porte cette idée depuis de nombreuses années, et, chaque fois qu’ils le peuvent, ils y reviennent.
Examinons sérieusement les choses : l’absentéisme scolaire est un échec collectif d’abord pour l’enfant, pour les parents, pour la communauté éducative, pour les acteurs sociaux. Dire que la seule réponse, comme un coup de baguette magique, serait de fragiliser les familles déjà socialement en difficulté n’est pas une bonne chose.
Ne nous mentons pas : on sait bien que, dans l’éducation nationale, les inégalités restent les mêmes entre le moment où l’on y entre et celui où l’on en sort. Notre propos n’est pas que l’on ne peut rien faire pour réduire les inégalités ou l’absentéisme. Personne n’affirme cela.
Toutefois, avant de proposer un contrat de coresponsabilité, il faudrait préalablement réunir tous les acteurs autour d’une table – l’élève, la communauté éducative, les parents, les collectivités et les acteurs sociaux et de prévention – pour répondre à une question : comment accompagner l’ensemble de la famille pour mettre fin à l’absentéisme, et non pas comment lui mettre la tête sous l’eau et amplifier ses difficultés pour qu’elle continue à perdre pied ?
Franchement, je vous invite à sortir de ce que je considère comme du dogmatisme, pour travailler collectivement à la lutte contre les inégalités, dès la naissance, dès le plus jeune âge – c’est avant l’âge de 3 ans que tout se passe bien souvent. N’allons pas pénaliser les familles en très grande difficulté. C’est pourquoi j’invite leurs auteurs à retirer ce sous-amendement et cet amendement.
Un dernier mot à l’adresse de M. le rapporteur : franchement, quand il parle de justice sociale, les bras m’en tombent.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Vous le savez tous, je suis l’auteur de la proposition de loi destinée à abolir la loi Ciotti. Pourquoi avais-je proposé une telle disposition ? Pour prendre acte des effets de cette loi, qui étaient loin d’être significatifs : sur les 619 suppressions d’allocations familiales qui ont eu lieu entre 2011 et 2012, 142 prestations seulement ont été rétablies, et dans 77 % des cas, l’enfant n’était pas retourné à l’école. Il est donc prouvé que cette mesure n’était pas efficace et dissuasive.
Généralement, l’absentéisme scolaire est considéré de manière globale, mais il faut entrer dans le détail. Alors qu’à l’école primaire ce phénomène concerne moins de 1 % des enfants, au lycée professionnel, le taux atteint entre 15 % et 18 %. Pour quelles raisons certains jeunes sont-ils absents au lycée professionnel ?
Dans ces établissements, les jeunes ont 15, voire 16 ans. Je doute que la responsabilité du parent soit suffisante pour obliger l’enfant à aller à l’école le matin. Ensuite, ils ont été orientés par défaut, dans une section qui ne leur convient pas. À l’issue du premier mois de cours, ils réagissent avec leur mentalité d’adolescent face à cette orientation qu’ils n’acceptent pas, et ils sont absents.
Par ailleurs, autre élément très important, en classe de troisième, l’absentéisme se produit surtout à partir du deuxième trimestre. En effet, lorsque les jeunes constatent, à l’issue du premier trimestre, l’avis du conseil de classe défavorable et une situation à peu près pareille au deuxième trimestre, ils savent bien qu’ils n’obtiendront pas l’orientation dont ils rêvent. Ils se découragent alors et répondent par l’absentéisme.
La suppression des allocations familiales ne résoudra rien ; la solution viendra de la prise en compte globale par les parents, les enseignants, les enfants de ce problème d’orientation, de réussite scolaire, d’intégration dans le collège.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Je m’exprimerai sans dogmatisme, sans idéologie ; je parlerai de mon expérience.
Avant d’être élue dans cette grande maison voilà une dizaine d’années, j’ai été enseignante en lycée professionnel pendant plus de vingt ans, en zone d’éducation prioritaire. Et si en vingt ans j’ai vu vingt familles lors des conseils de classe, c’est le bout du monde !
Donc, c’est une vraie question : les parents se rendent difficilement à l’école, pour des raisons que je vous laisse analyser, chacun de votre côté, mes chers collègues – ce n’est pas le sujet.
Il faut remettre un petit peu les choses à leur place et remotiver les parents. Certains m’ont dit : « Mais si j’ai inscrit ma fille en CAP, c’est pour les allocations » ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je l’ai vraiment entendu, je ne l’invente pas !
Mme Catherine Troendlé. Il faut croire notre collègue lorsqu’elle relate ce qu’elle l’a entendu !
M. Jacques Grosperrin. Cela arrive effectivement…
Mme Sylvie Goy-Chavent. Ce n’est pas de l’idéologie, c’est de l’expérience. Il y a un vrai sujet. La suppression des allocations familiales n’est peut-être pas la meilleure solution pour remotiver les parents, mais le sous-amendement de notre collègue Lafon a le mérite de donner de la souplesse.
Mme Ghali nous parlait des mères isolées : cette question est aussi importante, car certaines familles étant en grande difficulté, il ne faut pas forcément leur enlever les allocations familiales. Cela étant, on pourrait peut-être apporter de la souplesse en autorisant juste une telle suppression en cas d’abus. À mon avis, ce serait la solution.
L’adoption de l’amendement n° 101 rectifié quater, modifié par le sous-amendement n° 500 rectifié, présenterait l’avantage de répondre à de nombreuses problématiques. Mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent dans cet hémicycle, qui sont anciens professeurs ou continuent à enseigner se posent de sérieuses questions. Même lorsque la loi Ciotti était en vigueur, la suppression des allocations familiales, mesure que nous aurions aimé voir appliquer plus souvent, était compliquée.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je ne donnerai pas un exemple personnel et m’exprimerai plutôt au nom du groupe du RDSE.
La responsabilisation est essentielle et elle doit être partagée, aussi bien par le père, la mère, l’équipe éducative, que, au premier chef, par l’enfant.
La violence scolaire est très importante. Il faudra la traiter à part, puisque cette réalité recouvre la violence entre les élèves et la violence contre les enseignants de la part des parents et des élèves, notamment.
Cela étant, la suppression des allocations familiales reviendra à augmenter la fragilisation des plus faibles. Pour une fois, nous avons eu du recul par rapport à la loi Ciotti ; nous avons constaté que cette mesure ne servait à rien. Elle renforce simplement le rejet de l’école. Autrement dit, l’enfant va porter sur ses épaules la responsabilité du fait que ses parents touchent moins d’argent, début d’un cercle vicieux négatif.
Mme Françoise Laborde. Certains d’entre vous y voient peut-être un cercle vicieux positif, mais ce n’est pas notre position.
Je remercie M. le ministre d’avoir émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Il ne faut pas être dogmatique, mais Mme Cartron a été très pragmatique en citant des chiffres précis qui montrent l’inefficacité de la mesure entre 2010 et 2013. Durant cette période, j’étais enseignante. Je peux vous dire, mes chers collègues, que le problème de l’absentéisme est vaste, et ce n’est pas le non-versement d’allocations à lui seul qui va changer grand-chose. Cela fonctionnera peut-être pour un cas, mais sur combien ? C’est un problème profond, difficile, qui demande au contraire plus d’aide, pas forcément financière, de l’État.
En agissant ainsi, vous stigmatiserez encore les plus pauvres. D’ailleurs, dans l’objet de l’amendement n° 101 rectifié quater, vous expliquez que « l’absentéisme est plus élevé dans les établissements socialement défavorisés ».
La mesure proposée est le contraire d’une mesure sociale. Donc je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. L’hebdomadaire La Vie titrait le 17 octobre 2014 : Catholiques et communistes unis contre la modulation des allocations familiales.
Le point de vue des communistes était défendu par Pierre Laurent. Bien qu’il ne nous reste plus beaucoup de dogmes (Rires.), celui de l’universalité des allocations familiales demeure. Nous le soutenons depuis 1945, y compris quand nos collègues socialistes ont accepté de soumettre les allocations familiales à condition de ressources. Nous ne changeons pas !
L’autre personnalité concernée est un éminent prélat, monseigneur Bernard Podvin, qui déclarait : « On risque à nouveau de diviser la famille, sans même d’ailleurs que la mesure ne produise une efficacité réelle ».
Comme en 2014, chers collègues, je vous demande de nous retrouver sur des valeurs fondamentales, à savoir l’universalité des allocations familiales et la défense de la famille.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. L’amendement proposé ne présente aucun intérêt, puisque les textes de loi permettent déjà d’agir, à condition que l’on s’en donne les moyens.
Lorsque l’enfant ne va pas à l’école et que ses parents sont responsables, ils ne respectent pas une de leurs obligations prévues par le code civil au titre de l’autorité parentale. Des mesures d’assistance éducative sont possibles ; mais nous n’en avons pas les moyens.
Le présent amendement prévoit que le maire soit informé. Quand j’étais maire, comme d’autres étaient enseignants, j’ai été interrogé sur ces questions. De quoi s’agit-il ? Lorsque des jeunes adolescents sont en difficulté, vous vous rendez compte très souvent qu’un problème s’est posé durant la petite enfance. C’est à ce moment-là qu’il faut agir. L’école doit permettre aux services sociaux d’intervenir,…
Mme Catherine Troendlé. Et aux psychologues scolaires !
M. Jacques Bigot. … mais l’action de ceux-ci n’est possible qu’avec l’accord des parents. De plus, la saisine d’un juge des enfants est compliquée, les psychologues scolaires sont débordés : telles sont les réalités !
Vous vous faites plaisir au travers d’un amendement qui rappelle la loi Ciotti – M. le ministre ayant émis un avis défavorable, à l’Assemblée nationale, la mesure ne devrait pas être maintenue –, mais vous n’aurez en rien réglé le problème, alors qu’il est profond, comme l’a dit notre collègue Samia Ghali.
De ce point de vue, nous devons faire preuve de responsabilité en notre qualité de représentants des élus locaux, élus qui sont confrontés à ce problème. C’est notamment le cas lorsque l’adolescent n’a pas eu une scolarisation facile et se retrouve dans la situation d’orientation par défaut décrite précédemment par Mme Goy-Chavent qui a enseigné dans un établissement professionnel. Cela renvoie à toutes les questions auxquelles est confrontée l’éducation nationale.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Moi aussi, bien que socialiste, je suis favorable à l’universalité des allocations familiales, mais c’est un autre sujet.
Cela dit, j’ai été pendant près de dix-huit ans maire de Bron, comprenant des quartiers difficiles. Face à la concentration de la pauvreté, de familles en grande difficulté, de familles monoparentales, on manque de médecins scolaires, de psychologues.
Pour obtenir un rendez-vous en centre médico-psychologique, dans ma commune, il faut attendre entre six et huit mois aujourd’hui. Quand une maman vient réclamer de l’aide pour prendre en charge son enfant, pendant de nombreux mois, rien ne lui est proposé. Et je ne parle pas des maisons de justice et du droit ! Prévues à l’origine pour travailler sur ces problèmes scolaires, elles sont totalement surchargées par leurs nouvelles tâches, qui n’ont plus rien à voir avec leurs missions initiales.
Ce débat, nous l’avons déjà eu, et nous savons que la mesure proposée n’est pas la bonne solution.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 500 rectifié
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101 rectifié quater, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Conférence des présidents
Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 14 mai 2019
À 21 h 30
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (texte de la commission n° 474, 2018-2019)
Mercredi 15 mai 2019
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (texte de la commission n° 474, 2018-2019)
Jeudi 16 mai 2019
À 10 h 30
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’entrée en fonction des représentants au Parlement européen élus en France aux élections de 2019 (n° 493, 2018-2019)
Ce texte sera envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 14 mai à 17 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 mai à 15 heures
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 16 mai à 11 heures
À 16 h 15 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (texte de la commission n° 474, 2018-2019)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 21 mai 2019
À 15 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (texte de la commission n° 474, 2018-2019)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 mai à 15 heures
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (texte de la commission n° 474, 2018-2019)
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 21 mai à 14 heures
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (texte de la commission n° 474, 2018-2019)
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 21 mai à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (n° 452, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 21 mai en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 20 mai à 15 heures
Mercredi 22 mai 2019
À 14 h 30 et le soir
- Désignation des vingt et un membres de la mission d’information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mardi 21 mai à 16 heures
- Conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française (texte de la commission n° 485, 2018-2019) et sur le projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française (texte de la commission n° 484, 2018-2019)
Ces textes feront l’objet d’une discussion générale commune.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 21 mai à 15 heures
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (n° 452, 2018-2019)
- Projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse (procédure accélérée) (n° 451, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 mai à 15 heures
Jeudi 23 mai 2019
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la coopération en matière de sécurité sanitaire entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco et de l’accord relatif à la coopération en matière de transfusion sanguine entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco (n° 340, 2018-2019)
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Arménie relatif à l’emploi des membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (n° 422, 2018-2019)
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 21 mai à 15 heures
- Suite du projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse (procédure accélérée) (n° 451, 2018-2019)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Lundi 27 mai 2019
À 16 heures et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet (n° 492, 2018-2019) (demande du Gouvernement)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 24 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 27 mai en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 24 mai à 15 heures
Mardi 28 mai 2019
À 14 h 30
- Débat sur l’avenir du cinéma français (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 mai à 15 heures
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 28 mai à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Débat sur l’avenir de l’enseignement professionnel (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 mai à 15 heures
- Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet (n° 492, 2018-2019) (demande du Gouvernement)
Mercredi 29 mai 2019
À 14 h 30
- Débat sur le thème : « La lutte contre la fraude à la TVA transfrontalière » (demande du groupe RDSE)
• Temps attribué au groupe RDSE : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 mai à 15 heures
- Débat sur le thème : « Le cannabis, un enjeu majeur de santé publique » (demande du groupe CRCE)
• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 mai à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 3 juin 2019
À 15 heures et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 404, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 17 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 22 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 28 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 29 mai matin, lundi 3 juin à la suspension du soir, mardi 4 juin matin et en début d’après-midi et mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 31 mai à 15 heures
Mardi 4 juin 2019
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 404, 2018-2019)
Mercredi 5 juin 2019
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 404, 2018-2019)
Jeudi 6 juin 2019
À 10 h 30
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 404, 2018-2019)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 6 juin à 11 heures
À 16 h 15 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 404, 2018-2019)
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 11 juin 2019
À 15 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 404, 2018-2019)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 7 juin à 15 heures
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 404, 2018-2019)
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 11 juin à 12 h 30
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 404, 2018-2019)
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 11 juin à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (n° 462) (demande de la commission des lois)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin à 12 heures
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : mardi 11 juin à 12 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 7 juin à 15 heures
- Proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, présentée par M. Bruno Gilles et plusieurs de ses collègues (n° 229, 2018-2019) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 24 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 11 juin en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 7 juin à 15 heures
Mercredi 12 juin 2019
- Débat sur le bilan de l’application des lois (en salle Clemenceau), à 8 heures
Présentation du rapport sur l’application des lois : 10 minutes
Réponse du Gouvernement : 5 minutes
Débat interactif avec les présidents des commissions permanentes et le président de la commission des affaires européennes : 2 minutes maximum par président avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Débat interactif avec les groupes à raison d’un orateur par groupe : 2 minutes maximum par orateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Délai limite pour les inscriptions des auteurs de questions : vendredi 7 juin à 15 heures
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
- Proposition de loi créant un statut de l’élu communal, présentée par M. Pierre-Yves Collombat et plusieurs de ses collègues (n° 305, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission lois
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 juin à 15 heures
- Proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l’accès à l’énergie et à lutter contre la précarité énergétique, présentée par M. Fabien Gay, Mme Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues (n° 260, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 24 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 juin à 15 heures
À 18 h 30 et le soir
- Proposition de loi portant adaptations législatives aux spécificités des territoires d’outre-mer soumis à une pression migratoire importante, présentée par M. Roger Karoutchi et plusieurs de ses collègues (n° 459, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 11 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 juin à 15 heures
- Éventuellement, suite de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, présentée par M. Bruno Gilles et plusieurs de ses collègues (n° 229, 2018-2019) (demande du groupe Les Républicains)
Jeudi 13 juin 2019
À 10 h 30
- Proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le règlement du Sénat, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat (n° 458, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
Il est examiné, à l’exception des articles 1er, 8, 13, 14, 15 et 17, selon la procédure de législation en commission, selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin à 10 h 30
• Délai limite pour une demande de retour à la procédure normale, en application de l’article 47 ter, alinéa 12, du règlement : vendredi 7 juin à 16 heures
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance portant sur les articles du texte non concernés par la procédure de législation en commission : mardi 11 juin à 12 heures
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : mardi 11 juin à 12 heures
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 juin à 15 heures
- Éventuellement, suite de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, présentée par M. Bruno Gilles et plusieurs de ses collègues (n° 229, 2018-2019)
- Éventuellement, suite de la proposition de loi portant adaptations législatives aux spécificités des territoires d’outre-mer soumis à une pression migratoire importante, présentée par M. Roger Karoutchi et plusieurs de ses collègues (n° 459, 2018-2019)
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
- Proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales, présentée par Mme Nathalie Delattre, M. François Pillet et plusieurs de leurs collègues (n° 699, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 11 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 13 juin en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale :1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 juin à 15 heures
- Proposition de loi relative à l’accès effectif et direct des petites et moyennes entreprises à la commande publique, présentée par MM. Jean-Marc Gabouty, Jean-Claude Requier et plusieurs de leurs collègues (n° 436, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 6 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 11 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 juin à 15 heures
À 18 h 30 et le soir
- Éventuellement, suite de l’ordre du jour du matin
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 18 juin 2019
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de transformation de la fonction publique (procédure accélérée ; A.N., n° 1802)
Ce texte sera envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 7 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 18 juin matin et mercredi 19 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 h 30
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 17 juin à 15 heures
Mercredi 19 juin 2019
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de transformation de la fonction publique (procédure accélérée ; A.N., n° 1802)
Jeudi 20 juin 2019
À 10 h 30
- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière (A.N., n° 390)
=> Sous réserve de son dépôt, projet de loi autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Arménie portant application de l’accord signé à Bruxelles le 19 avril 2013 entre l’Union européenne et la République d’Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 18 juin à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture de la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (A.N., n° 1394) et conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires et modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (texte de la commission n° 432, 2018-2019)
Il a été décidé que ces textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La proposition de loi sera envoyée à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission sur la proposition de loi : vendredi 7 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 19 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mercredi 19 juin à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de transformation de la fonction publique (procédure accélérée ; A.N., n° 1802)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 20 juin à 11 heures
À 16 h 15 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de transformation de la fonction publique (procédure accélérée ; A.N., n° 1802)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 25 juin 2019
À 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de transformation de la fonction publique (procédure accélérée ; A.N., n° 1802)
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 25 juin à 12 h 30
À 17 h 45
- Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 20 et 21 juin 2019
• Intervention liminaire du Gouvernement
• 5 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Conclusion par la commission des affaires européennes : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 25 juin à 15 heures
• Réunion préalable de la commission des affaires européennes, ouverte à tous les sénateurs : jeudi 13 juin, à 8 h 30
Le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de transformation de la fonction publique (procédure accélérée ; A.N., n° 1802)
Mercredi 26 juin 2019
À 14 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral (texte de la commission n° 444, 2018-2019) et de la proposition de loi organique visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, présentées par M. Alain Richard et les membres du groupe La République en Marche (texte de la commission n° 445, 2018-2019)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles (n° 454, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 13 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 19 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 24 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 26 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 25 juin à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de transformation de la fonction publique (procédure accélérée ; A.N., n° 1802)
Éventuellement, jeudi 27 juin 2019
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de transformation de la fonction publique (procédure accélérée ; A.N., n° 1802)
La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création d’une mission d’information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France (demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires).
Prochaine réunion de la conférence des présidents : mercredi 19 juin 2019 à 19 h 30
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Pour une école de la confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 1er bis AA.
Article 1er bis AA (nouveau)
À la deuxième phrase du cinquième alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, après le mot : « économique », il est inséré le mot : « , territoriale ».
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, sur l’article.
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la prise en compte des inégalités territoriales dans la répartition des moyens du service public de l’éducation constitue une avancée importante.
Le territoire de Wallis-et-Futuna souffre quotidiennement de son éloignement, de son isolement, de son enclavement, et les conséquences sont très handicapantes pour le fonctionnement de l’éducation : difficultés dans les déplacements, coût élevé des transports, aussi bien des personnes que des biens.
Le coût des importations, et elles sont nombreuses, qu’il s’agisse de matériel pédagogique, de machines-outils, de matériaux de construction, est supérieur au minimum d’un tiers, et parfois de la moitié par rapport à celui de la métropole.
De tels coûts obligent à réduire les commandes, ce qui se traduit par moins de matériels pédagogiques, d’outils ou de matériaux de construction par rapport aux autres collectivités. Il n’est pas étonnant de constater le manque de matériel, des outils dangereux ; par ailleurs, certains locaux ne répondent plus aux normes de sécurité, parce que dégradés ou vétustes.
Les conséquences sont désastreuses pour ce qui concerne les résultats scolaires et l’atteinte des objectifs qui avaient été assignés. En 2017, les élèves en section CAP mécanique n’ont pas pu suivre de toute l’année la formation pratique que comporte l’enseignement de leur spécialité : manque d’outils, retard des commandes et défaillances du point de vue de la sécurité des machines et des locaux ; c’est un enseignement au rabais.
Monsieur le ministre, à Wallis-et-Futuna, l’enseignement est de la responsabilité financière de l’État. Il a besoin de plus de moyens, et nous comptons sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Le présent article vise la répartition des moyens du service public de l’éducation nationale, qui doit tenir compte des différences de situation en matière économique, sociale, mais aussi territoriale qui existent. Cela me semble légitime, car la demande est actuellement très forte. Pour garantir ce droit dans le respect de l’égalité des chances, des aides sont attribuées aux élèves et aux étudiants selon leurs ressources et leurs mérites.
Le lien historique très étroit entre l’école et la commune conserve aujourd’hui toute sa pertinence, à un moment où l’échelon intercommunal est de plus en plus évoqué comme une nouvelle maille de l’organisation scolaire. Or, nous le savons tous, la taille des intercommunalités est parfois très grande.
À ce propos, le Président de la République, lorsqu’il a lancé le grand débat national dans ma région, la Normandie, a lui-même dit qu’il faudrait peut-être revenir sur la loi NOTRe et ces territoires XXL. Le terme de bassin, également employé, est vague et peut recouvrir, lui aussi, de très grands territoires.
Cela dit, à l’issue du grand débat, Emmanuel Macron a indiqué qu’il n’y aurait désormais plus de fermeture d’école sans l’aval des maires. La loi le prévoit déjà : le conseil municipal a le dernier mot pour ouvrir ou fermer une école, mais encore faut-il que cette école dispose d’un poste d’enseignant. Or tel n’est parfois pas le cas en raison de l’attribution des moyens.
On parle beaucoup de confiance. Je crois que nous regagnerions la confiance des élus locaux si nous leur envoyions des signes d’une volonté de replacer la commune au cœur de la définition de la carte scolaire et des moyens attribués à nos écoles.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que la commission ait introduit l’article 1er bis AA, car il va permettre qu’à l’avenir les moyens du service public de l’éducation intègrent des critères non seulement économiques et sociaux, mais aussi territoriaux.
En tant que président de la commission de l’aménagement du territoire, je regrette souvent que les politiques publiques ignorent la dimension territoriale. Cette initiative me paraît donc très opportune.
Bien sûr, la finalité de l’école n’est pas l’aménagement du territoire. Mais nous savons tous que l’existence d’une école dans les territoires est un élément important d’attractivité. Il faut l’avoir à l’esprit, aujourd’hui, en milieu rural, seule une commune sur deux dispose d’une école, et, au cours des vingt dernières années, 8 000 écoles ont été fermées en France, selon une source de l’éducation nationale.
Je me réjouis que le Président de la République ait annoncé qu’aucune fermeture d’école ne pourrait avoir lieu sans l’accord du maire. Mais encore faut-il que celui-ci ait la liberté de ne pas accepter une telle fermeture. En effet, dans certains départements, des subventions liées à des investissements sont plus ou moins fléchées selon que les écoles sont regroupées ou non.
Mon département compte de nombreux syndicats intercommunaux à vocation scolaire, les Sivos. À l’heure actuelle, ces syndicats sont privés de dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, lorsque les écoles sont réparties sur plusieurs communes. C’est un moyen de pression qui peut malheureusement conduire les maires à accepter des fermetures d’écoles. Soyons très vigilants sur ce point.
Il ne faut pas que les politiques annoncées par le Gouvernement se fassent au détriment des territoires ruraux, comme ce fut le cas jusqu’à présent pour la politique de dédoublement des classes.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. C’est totalement faux !
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, c’est ce que disent les associations d’élus !
Annoncer que l’on ne ferme plus d’école, c’est bien, mais nous n’avons, pour l’instant, aucune assurance quant aux fermetures de classe. Or, nous le savons très bien, à chaque rentrée, l’idée qu’une classe puisse fermer angoisse les maires : ils sont extrêmement attachés à leur école et consacrent une énergie et des moyens financiers souvent colossaux – nous aurons l’occasion d’en reparler quand nous aborderons les ressources et les compensations – par rapport aux capacités de leur commune.
Mme la présidente. L’amendement n° 317 rectifié, présenté par Mmes S. Robert, Blondin, Monier et Lepage, MM. Antiste et Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Au début
Ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, après le mot : « école », sont insérés les mots : « d’expliquer et ».
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. « Faire partager » les valeurs de la République ne se décrète pas. En outre, le partage de ces valeurs implique de les expliquer aux élèves, afin que ceux-ci en aient une compréhension réelle.
Cette précision, qui revient à faire œuvre de pédagogie, ce que font beaucoup d’enseignants à l’heure actuelle, permettra à la fois que ces valeurs soient mieux appropriées, mieux comprises, et de ce fait mieux acceptées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, « outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. » Je ne sais pas comment un professeur peut faire partager sans expliquer !
En outre, vous le savez, les programmes d’enseignement moral et civique prévoient déjà, dès l’école primaire, la présentation de ces valeurs, et donc leur explication. Votre amendement est donc largement satisfait. Je vous invite à le retirer, ma chère collègue ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord répondre aux interventions relatives à l’école primaire rurale et à la question des fermetures de classe.
Je partage votre préoccupation et votre volonté de défendre l’école primaire, particulièrement rurale. Comme nous l’avons déjà dit tout au long de l’après-midi, cette discussion devant le Sénat peut être l’occasion de rétablir certaines vérités.
Ce gouvernement est totalement engagé au service de l’école primaire, et le texte que nous examinons en témoigne à plusieurs titres. Il l’est aussi au regard des moyens qu’il consacre. Je le rappelle, rentrée après rentrée, qu’il s’agisse de celles de 2017, de 2018, de 2019 et des suivantes, nous créons des postes à l’école primaire en France. Et cette création de postes nous permet non seulement de dédoubler des classes en REP et en REP+, mais aussi de défendre l’école primaire rurale.
Il n’y a jamais eu aussi peu de classes rurales fermées en France depuis dix ans. Par ailleurs, le Président de la République a annoncé sa décision de ne plus fermer d’école rurale. C’est arrivé peu de fois dans notre histoire. Cela nous renvoie au problème beaucoup plus important – j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle – de la démographie en milieu rural, et plus généralement, de la démographie française, puisque, depuis environ cinq ans, 40 000 à 50 000 enfants manquent chaque année à l’appel, si je puis m’exprimer ainsi. Autrement dit, alors qu’environ 800 000 enfants devraient naître en France chaque année, le nombre de naissances est autour de 750 000. C’est un vrai problème structurel que nous devons prendre en compte, d’autant que ces enfants qui manquent font notamment défaut en milieu rural.
Il y a évidemment des conséquences en chaîne, que nous pouvons essayer de modérer, mais nous ne pouvons pas être aveugles par rapport au phénomène.
La vraie réponse, c’est une stratégie de rebond démographique en milieu rural, et je suis tout prêt à jouer le jeu pour rendre attractive l’école primaire rurale en faisant preuve de volontarisme. Je visite en permanence de telles écoles. Encore tout récemment dans le Pas-de-Calais, j’ai pu voir, tout près de Saint-Omer, un regroupement pédagogique extrêmement attractif, qui est à l’origine d’un rebond démographique.
Cela étant, nous savons bien que les réalités sont différentes d’un endroit à l’autre. La défense de l’école primaire rurale peut passer par différentes stratégies qui doivent être déterminées avec les maires, avec les élus locaux.
Tel est le sens de la politique menée. C’est une politique du dialogue. C’est pourquoi il n’y aura plus d’école primaire fermée sans l’accord du maire. Les consignes données aux inspecteurs de l’éducation nationale sont des consignes de dialogue avec les élus locaux.
Cet après-midi, nous avons beaucoup parlé de confiance et de soupçon. Je suis pour l’école primaire rurale. Nous la défendons.
Le Président de la République l’a dit très clairement lors de sa conférence de presse : des moyens seront accordés à l’école primaire jusqu’au terme du quinquennat. Aussi, je peux affirmer que le taux d’encadrement à l’école primaire va continuer à s’améliorer, rentrée après rentrée, dans chaque département de France, et a fortiori dans les départements ruraux.
Cela étant, nous devons décrire les situations avec honnêteté. À propos des fermetures de classes, je prendrai un exemple simple : pour une année donnée, une première école compte deux classes de 25 élèves chacune, soit 50 élèves en tout ; une seconde école compte quatre classes de 25 élèves, soit un total de 100 élèves. Or, l’année suivante, la première école voit ses effectifs augmenter de 25 élèves, pour atteindre 75 enfants, cependant que la seconde voit les siens diminuer de 25 élèves, pour atteindre, elle aussi, 75 enfants.
Allez-vous garder deux classes dans la première école et quatre dans la seconde, ou bien fermer une classe dans la seconde école pour en ouvrir une dans la première ?
Bien entendu, vous retenez la seconde solution !
Mme Josiane Costes. Eh oui !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Vous aurez ainsi deux écoles de 75 élèves avec trois classes chacune. Ce problème d’arithmétique est assez simple ; et celui qui ne procèderait pas comme je viens de l’indiquer agirait dans l’iniquité totale. Après plusieurs années, les écoles de France seraient placées dans des situations d’inégalité. (Mme Françoise Cartron opine.)
C’est d’ailleurs en partie ce qui se passe, soyons honnêtes : aujourd’hui, en Lozère, l’on dénombre 14 élèves par classe, non pas en CP et en CE1, mais de la petite section de maternelle jusqu’au CM2. Nous ne regrettons en aucun cas cette situation, nous continuons de défendre le département de la Lozère et ses écoles : il y a de bonnes raisons de le faire. Mais ne déformons pas la réalité !
Il n’existe aucune malveillance envers l’école rurale, au contraire : nous avons la volonté de la défendre. Je dirai, sur ce sujet, ce que j’ai pu dire sur d’autres questions cet après-midi : à force de décrire les choses autrement qu’elles sont, à force de dénoncer une prétendue malveillance, l’on crée de la désespérance, l’on contrarie le rebond démographique que j’évoquais et l’on décourage l’attractivité nécessaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour être parfaitement clair, mieux vaut faire envie de pitié ; et, pour faire envie, il ne faut pas prétendre que l’on est persécuté alors même que l’on est soutenu.
Aujourd’hui, il est essentiel de garantir une alliance entre les élus locaux et l’éducation nationale, pour le rebond démographique et pour le rebond de l’école, et je suis à ce rendez-vous. Je tiens autant à l’école primaire rurale que chacune et chacun d’entre vous, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la soutenir, encore et toujours. Il n’y aura pas d’autre politique : c’est pour cela que nous créons des postes dans ces écoles, en dépit des baisses démographiques.
Les éléments budgétaires dont vous disposez viennent à l’appui de cette affirmation. Je souhaite qu’elle soit entendue par tous et que, sur ce sujet, nous forgions une forme d’union nationale. Trop souvent, je constate, sur le terrain, des tentatives de désinformation. J’y insiste : de telles attitudes enclenchent le cercle vicieux de la défiance, alors que nous cherchons à créer le cercle vertueux de la confiance.
Enfin, madame Brulin, par définition, une école sans aucun poste n’existe pas : sinon, il s’agit d’une fermeture, ni plus ni moins ! Bien entendu, chaque école dispose d’un nombre de postes défini au préalable, et le minimum est un, jamais zéro. Si un cas particulier venait contredire cette règle, il faudrait me le signaler.
Sur l’amendement n° 317 rectifié, j’émets le même avis que M. le rapporteur : à mon sens, cette disposition est satisfaite. Notre éducation morale et civique est évidemment fondée sur l’explication.
Madame la sénatrice, au cours du grand débat, nos concitoyens ont mis en avant plusieurs thèmes : parmi les plus importants figure le renforcement de l’éducation morale et civique à l’école.
J’entends parfaitement cette attente. Elle passe en effet par l’explicitation des valeurs de la République. Elle passe aussi, selon moi, par notre capacité à créer des occasions d’engagement dans l’éducation civique, de la part de nos élèves : nous multiplierons les projets en ce sens, mais de telles initiatives ne relèvent pas de la loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié quater, présenté par M. Mouiller, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Sol, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Daubresse, Mme de la Provôté, M. Morisset, Mme Malet, M. Vogel, Mme Puissat, MM. Kern et Guerriau, Mmes Bories, Noël, Raimond-Pavero et Deseyne, M. Segouin, Mme de Cidrac, M. Forissier, Mme Lassarade, M. Frassa, Mme Richer, M. Priou, Mme Lanfranchi Dorgal, M. B. Fournier, Mme Lavarde, M. Vaspart, Mme Bruguière, M. Nougein, Mmes Billon et Chauvin, MM. Canevet et Piednoir, Mmes M. Mercier, Ramond, Micouleau et Thomas, MM. Lefèvre, Bazin, de Nicolaÿ et Charon, Mme Dumas, MM. Laménie, Perrin et Raison, Mmes Estrosi Sassone et Garriaud-Maylam, MM. Moga, Le Gleut, Revet, Decool, Chasseing et Détraigne, Mme Guidez, M. Mayet, Mme Lherbier, MM. Grosperrin, Babary et Bonhomme, Mme Doineau, M. Capus, Mme Deroche, MM. Gilles, Meurant et L. Hervé, Mme Canayer et MM. Pellevat, Rapin, Gremillet et Bouloux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La même seconde phrase du cinquième alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation est complétée par les mots : « , et d’inclusion ».
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. M. le ministre l’a souligné, l’inclusion scolaire est l’une des priorités de ce texte. Aussi, je propose de compléter l’article L. 111-1 du code de l’éducation, qui énonce les principes généraux de l’éducation, tournés vers l’élève, pour sa réussite et l’égalité des chances de chacun, en y ajoutant le terme « inclusion ». Cette dernière fait, elle aussi, partie des bases fondamentales pour l’égalité des chances.
Le mot « inclusion » va au-delà du volet relatif au handicap : il renvoie également à l’inclusion sociale. Cela étant, l’ensemble des acteurs du monde du handicap, notamment les familles, salueront ce symbole de la plus haute importance pour le monde de l’éducation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Mon cher collègue, j’approuve tout à fait la préoccupation que vous exprimez, et je connais votre engagement en la matière. Cela étant, depuis la loi du 8 juillet 2013, l’article L. 111-1 du code de l’éducation traite déjà de l’inclusion scolaire : en vertu des troisième et quatrième phrases de son premier alinéa, le service public de l’éducation « reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser » et « veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. »
En conséquence, votre amendement me paraît pleinement satisfait : je vous invite donc à le retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 6 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié quater est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er bis AA.
(L’article 1er bis AA est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er bis AA
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 229 rectifié, présenté par Mme Cartron, MM. Karam, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la sixième phrase du premier alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, après le mot : « établissements », sont insérés les mots : « publics et privés ».
La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Cet amendement vise à réaffirmer l’objectif de mixité sociale dans les établissements d’enseignement, qu’ils soient publics ou privés.
M. le ministre a insisté sur un certain nombre de difficultés auxquelles notre école se heurte. Parmi elles figurent les inégalités sociales et, dans certains établissements, la non-mixité des publics.
Aussi, un consensus me semble nécessaire aujourd’hui pour faire de la mixité sociale un objectif fondamental. Il faut à la fois améliorer l’insertion de tous les élèves et accroître leur réussite, qu’elle soit scolaire, comportementale ou citoyenne. Tous les établissements doivent prendre leur part à cet effort, qu’ils soient publics ou privés !
Mme la présidente. L’amendement n° 360 rectifié bis, présenté par Mmes M. Filleul et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sixième phrase du premier alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation est complétée par les mots : « scolaires publics et privés ».
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. À l’instar de Mme Cartron, je propose de préciser dans le code de l’éducation que tous les établissements sont concernés par l’objectif de mixité sociale.
En adoptant cet amendement de précision, l’on insisterait sur le fait que la République doit s’imposer à tous : qu’ils soient publics ou privés, les établissements d’enseignement reçoivent des financements de l’État. En conséquence, ils doivent viser les mêmes objectifs et travailler dans le même sens, pour inclure tous les élèves et, ce faisant, favoriser la mixité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Ces amendements visent à étendre aux établissements privés l’objectif de mixité sociale. Or une telle disposition serait de nature à porter atteinte à la liberté d’organisation des établissements privés, laquelle procède de la liberté d’enseignement. En outre, des mécanismes incitatifs sont d’ores et déjà mis en œuvre pour encourager ces établissements, notamment en ville, à diversifier leur recrutement. Laurent Lafon proposera d’ailleurs, après l’article 8 bis, un amendement à cet effet.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Sur le fond, l’on ne peut qu’approuver le but visé : l’objectif de mixité sociale doit valoir pour l’ensemble des établissements, qu’ils soient publics ou privés sous contrat, pour des raisons qui ont été très bien rappelées.
Cela étant, cet objectif figure déjà dans la loi : l’article L. 442-20 du code de l’éducation précise que l’article L. 111-1 du même code est applicable aux établissements d’enseignement privés qui sont associés au service public par contrat.
L’article L. 111-1 définit précisément les grands objectifs du service public de l’éducation, parmi lesquels figure la mixité sociale. D’ailleurs, cet enjeu fait l’objet d’un dialogue régulier et constructif avec les représentants de l’enseignement privé sous contrat.
Il est important de rappeler cet objectif, qui, dans un certain nombre de cas, n’est sans doute que partiellement atteint. Nous devons évidemment avancer ; mais j’estime que ces amendements sont satisfaits.
Mme la présidente. Madame Cartron, l’amendement n° 229 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Cartron. La réponse de M. le ministre me satisfait davantage que les explications données au nom de la commission…
M. Michel Savin. Ah !
Mme Françoise Cartron. Monsieur le rapporteur, à vous entendre, il serait impossible d’assigner un objectif de mixité sociale aux établissements privés. Vous prenez pour prétexte la liberté d’enseignement. Or M. le ministre vient de rappeler que, dans la mesure où elle figure dans le code de l’éducation, cette mission s’impose déjà à eux ! Selon lui, mon amendement serait même redondant…
D’ailleurs, M. le ministre a confirmé ce que j’ai pu pratiquer moi-même sous le précédent quinquennat : un dialogue existe avec l’enseignement privé,…
M. Guy-Dominique Kennel. Sous contrat !
Mme Françoise Cartron. … lequel, loin d’être fermé, est prêt à prendre sa part de l’effort. Au sein même des établissements privés, il y a plus ou moins de mixité sociale.
À mes yeux, une telle précision serait un signe fort : voilà pourquoi je maintiens mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Madame Filleul, l’amendement n° 360 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Martine Filleul. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 360 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis A
Après l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-2. – L’emblème national de la République française, le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge, le drapeau européen et les paroles de l’hymne national sont affichés dans chacune des salles de classe des établissements du premier et du second degrés, publics ou privés sous contrat. »
Mme la présidente. L’amendement n° 122, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’histoire de La Marseillaise est complexe, multiple, polyphonique. Chant de guerre, elle fut aussi un chant révolutionnaire adopté par des peuples qui se réclamaient de « l’étendard sanglant » du premier couplet.
Chacun et chacune se l’approprie selon sa culture personnelle, les circonstances particulières de sa vie ou sa tradition politique.
Personnellement, je ne peux la chanter sans penser à celles et ceux qui l’érigèrent en arme de résistance, sur les Champs-Élysées, le 11 novembre 1940. Dans les rangs de ces résistants de la toute première heure se trouvaient des gaullistes, des communistes, des socialistes, des chrétiens. Plusieurs d’entre eux connurent peu après la déportation et la mort. Ils incarnaient l’esprit de la Résistance et notre attachement collectif à la République, au-delà de nos origines et de nos sensibilités politiques ou philosophiques.
Alors que La Marseillaise est aujourd’hui le plus souvent entendue par les jeunes dans les enceintes sportives, je me demande comment il est possible de restituer, dans une classe, par une simple affiche, toute sa valeur symbolique et sa profondeur historique.
Relisez les programmes : vous constaterez que La Marseillaise et la devise républicaine sont régulièrement enseignées dans plusieurs matières et à plusieurs niveaux. Le corps enseignant n’a pas besoin d’une injonction, d’un affichage obligatoire, pour être pleinement investi dans sa mission d’éducation civique. Il faut lui faire confiance pour trouver les mots et les circonstances les plus appropriés, afin d’évoquer toutes les dimensions de notre hymne républicain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. J’ai été très sensible au premier couplet entonné par M. Ouzoulias ! (Sourires.) Je pensais même qu’il allait appuyer l’article adopté par l’Assemblée nationale. Or il en demande la suppression.
Évidemment, la commission est défavorable à cet amendement. Il s’agit d’une mesure symbolique, dont je n’exagère pas la portée. Mais les symboles ont leur importance, d’autant plus lorsqu’ils concourent à cette reconquête républicaine dont notre pays a tant besoin.
Cher collègue, vous n’avez pas parlé du coût de cette disposition, mais il en est question dans l’objet de votre amendement. Je précise qu’il sera très réduit, voire nul pour les collectivités territoriales : M. le ministre a indiqué qu’il serait simplement édité une affichette, laquelle sera placardée dans les salles de classe.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai moi aussi beaucoup aimé le début de votre intervention, et j’approuve tout ce que vous avez dit en préambule : c’est précisément la raison pour laquelle j’émets, à mon tour, un avis défavorable.
J’ai souvent l’occasion de le rappeler : j’ai vécu dans des pays étrangers, j’ai passé une bonne partie de ma vie sur d’autres continents, notamment en Amérique latine. Je suis toujours frappé de voir que, dans de nombreux pays, de telles questions ne se posent pas vraiment. Le drapeau et l’hymne national font même l’objet d’un consensus parfait dans tous les pays que je connais ! Tout le monde y trouve totalement normal que les enfants apprennent très tôt à connaître et à respecter le drapeau et l’hymne national.
C’est donc, pour moi, une source de tristesse d’avoir à discuter, parfois à ferrailler sur cette question, alors même qu’elle devrait être sereine.
J’observe toutefois que, depuis quelques années, en particulier depuis 2015, ce sujet est devenu plus consensuel, peut-être pas entre les partis politiques, dans le débat public entre les élites, mais dans la société elle-même.
Il y a quelques mois, je me suis rendu dans un collège en REP+ de Montpellier. Après avoir visité cet établissement, je me suis promené dans la rue et j’ai croisé des élèves ; leurs profils sociaux étaient ceux que l’on peut rencontrer dans les collèges de ce réseau. Pendant quelques minutes, j’ai parlé avec ce groupe d’enfants ; et, quand nous nous sommes quittés, assez joyeux de l’entretien que nous avions eu, ces élèves, dont la plupart étaient certainement issus de l’immigration, m’ont spontanément chanté La Marseillaise, comme pour me faire plaisir, alors que nous avions eu une discussion totalement informelle.
Une telle scène ne se serait sans doute pas produite quelques années auparavant ; et j’ai vécu d’autres moments comparables lors de mes visites sur le terrain, au cours de mes dialogues avec les élèves.
À l’évidence, les élèves eux-mêmes expriment le besoin, au fond assez naturel dans la société, de s’identifier à l’hymne et au drapeau. On ne saurait nier ce besoin sans leur faire du mal.
Tous les élèves du monde ont sans doute ce besoin de sentir qu’ils appartiennent réellement à la Nation dans laquelle ils vivent, en l’occurrence la Nation française, dont nous sommes si fiers, dont vous-même avez parlé avec tant de fierté en évoquant l’épisode du 11 novembre 1940.
Nous ne devrions pas nous diviser sur de tels sujets : après que j’ai accepté cette disposition, j’ai constaté d’assez sérieuses polémiques, suscitées par d’autres amendements déposés à l’Assemblée nationale. Pour ma part, je persiste à le penser : c’est une très bonne chose que La Marseillaise soit connue par nos élèves, qu’elle devienne pour eux une référence naturelle. C’est pourquoi sa présence quotidienne sous leurs yeux me paraît tout à fait judicieuse.
Je confirme que la question budgétaire est, en l’occurrence, totalement marginale : nous sommes parfaitement capables d’imprimer une telle affiche à un coût modique – on avait fait de même pour la charte de la laïcité.
À mon sens, la présence du drapeau et de l’hymne dans les écoles a une vertu éminemment pédagogique : elle n’a rien de vertical, elle n’a rien de comminatoire, elle n’a rien d’offensant. Elle représente tout simplement la présence de la République dans le quotidien de nos élèves. C’est à mon avis ce que nous souhaitons tous ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous m’avez compris : je souhaite avant tout éviter que La Marseillaise et le drapeau français ne deviennent, dans les salles de classe, un simple attirail. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) L’hymne doit retrouver toute sa valeur, toute sa dimension. Vous voyez à quoi ressemble une classe : il ne faudrait pas qu’il soit réduit à une affiche, parmi une dizaine ou une vingtaine d’autres !
À mon sens, il faut laisser à l’enseignant la liberté pédagogique de consacrer à l’hymne national, au moment qu’il juge opportun, les explications nécessaires : cet hymne ne doit pas devenir quelque chose de banal. Au contraire, il faut en faire quelque chose de fort, au cœur de notre culture.
À cet égard, on pourrait également préciser ce que l’on va chanter : combien de couplets récitera-t-on ? Personnellement, je suis très attaché au septième couplet, dit « des enfants ». Permettez-moi de le lire, à l’intention de ceux qui, dans cet hémicycle, ne le connaîtraient pas. Finalement, ces vers nous concernent un peu, nous autres élus :
« Nous entrerons dans la carrière,
« Quand nos aînés n’y seront plus ;
« Nous y trouverons leur poussière
« Et la trace de leurs vertus.
« Bien moins jaloux de leur survivre
« Que de partager leur cercueil,
« Nous aurons le sublime orgueil
« De les venger ou de les suivre. »
Monsieur le ministre, si vous êtes prêt à afficher ce couplet dans les salles de classe, j’accepte de retirer mon amendement ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Mes chers collègues, je vous rassure, je ne vais pas entonner La Marseillaise (Nouveaux sourires.), même si elle mériterait d’être chantée dans cette haute chambre.
J’aime beaucoup la brillance de l’esprit de M. Ouzoulias. Toutefois, il me semble que sa première intervention s’est conclue par une mauvaise chute. Précisément parce que j’approuve profondément ce qu’il a dit avec brio, j’estime que l’éducation dispensée par les enseignants, la sensibilisation à la République, à la communauté démocratique que nous formons doivent pouvoir s’accompagner d’illustrations.
Les enfants sont également sensibles aux images qui n’ont rien d’artificiel : ainsi, ils verront que l’école est un lieu particulier. C’est l’école de la République, où l’on vit ensemble.
En affichant une telle image dans les salles de classe, l’on contribuera à éduquer les enfants d’une manière non guerrière, mais paisible. Voilà pourquoi je ne voterai pas cet amendement ! (M. Yves Bouloux applaudit.)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 271 rectifié, présenté par Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 111-1-2. – Dans des conditions fixées par décret, une séance de sensibilisation aux symboles de la Nation est effectuée dans les établissements du premier et du second degrés, publics ou privés sous contrat, afin d’expliquer les raisons de la présence de l’emblème national de la République française, le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge, du drapeau européen ainsi que des paroles de l’hymne national qui est obligatoire dans chacune des salles de classe de ces établissements. »
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Comme les précédents orateurs, nous nous interrogeons sur la dimension pédagogique de cette mesure : il ne suffit pas d’épingler une affichette, il faut expliquer aux enfants tout ce qu’il y a derrière, à savoir les valeurs de la République, et ce dès le plus jeune âge.
La première approche des symboles de la République ne peut se limiter à un affichage : ce serait trop abrupt. Les enfants doivent vraiment prendre toute la mesure de l’hymne national. Nous en sommes les premiers convaincus, les symboles de notre nation ont toujours leur raison d’être et doivent être transmis aux jeunes générations. Mais, je le répète, un simple affichage risque de manquer le but visé.
Voilà pourquoi nous proposons que soit dispensée une séance explicative dédiée aux drapeaux tricolore et européen et au sens des paroles de notre hymne national. La pédagogie est primordiale. Cette séance serait organisée tous les ans, en début d’année scolaire ; à cette occasion, l’on pourra lire les paroles de La Marseillaise, même si je ne sais pas si l’on ira jusqu’au septième couplet… (Sourires.)
Le code de l’éducation prévoit déjà un travail relatif aux symboles de la République, lequel est réaffirmé dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Il vaut explicitement pour les élèves à partir du CP, mais les affiches seront également apposées dans les écoles maternelles : pourquoi ne pas prévoir cette séance explicative de manière rigoureuse au moment où l’affichage a lieu, et dans toutes les classes ?
Mme la présidente. L’amendement n° 188, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
rouge,
insérer les mots :
la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité », le principe de la Ve République « Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple »,
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame Gatel, à votre contact, j’apprends vite. (Sourires.)
Mme Françoise Gatel. J’ai peur de ce que vous allez dire ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Je vais donc vous satisfaire : j’ai compris combien il importait d’afficher La Marseillaise dans les classes. J’ai compris que, grâce à elle, les enfants pourraient s’imprégner des valeurs de notre République. (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Sur cette affiche, je suggère donc d’ajouter la devise républicaine, « Liberté, Égalité, Fraternité », qui, à ce jour, n’est pas prévue. Surtout, je propose d’y inscrire le principe de la République, à savoir « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », conformément à l’article 2 de la Constitution de 1958 : cette mention doit absolument figurer sur notre affiche !
Vous me permettrez de remarquer qu’aujourd’hui le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple est une forme de populisme qui devrait bien vous aller. (Rires et exclamations.)
Mme la présidente. L’amendement n° 98 rectifié bis, présenté par M. Paccaud, Mme Berthet, M. J.M. Boyer, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Cuypers, Daubresse et Decool, Mme Deromedi, MM. Dufaut et Duplomb, Mmes Duranton, Eustache-Brinio, Garriaud-Maylam, Goy-Chavent et Gruny, MM. Houpert et Huré, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Lefèvre et H. Leroy, Mme M. Mercier, M. Meurant, Mme Morhet-Richaud et MM. Pellevat, Pemezec, Pierre, Rapin, Revet, Saury, Sido et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
européen
insérer les mots :
, la devise de la République
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à orner chaque classe des drapeaux français et européen – on ne parle pas de ce second drapeau, alors qu’il a toute son importance.
M. le ministre a fait savoir que l’on pourrait se contenter d’afficher le texte de l’hymne national ; effectivement, cette décision n’aurait aucun coût pour les écoles et les collectivités territoriales concernées. Il me semble pertinent d’y ajouter la devise républicaine : « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Notre République a quatre emblèmes : le drapeau, Marianne, l’hymne et la devise. Le drapeau est incontestablement le symbole le plus direct, le plus simple – les petits Français savent le dessiner très tôt. Mais la devise est, sans contredit, le symbole le plus citoyen. Elle n’a rien d’anecdotique. Elle est notre socle de valeurs, elle constitue notre credo.
Parce qu’elles sont indispensables à la création et au renforcement du lien social, la liberté, l’égalité et la fraternité sont des valeurs que tous les élèves doivent assimiler dès le plus jeune âge. La République a des couleurs, mais elle a aussi et surtout des valeurs, et l’école demeure incontestablement le meilleur endroit pour les ancrer au cœur de notre société. Il n’est pas nécessaire de prévoir telle ou telle séance de sensibilisation : les programmes contiennent déjà cet enseignement, et les professeurs d’éducation morale et civique le dispensent fort bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 236, présenté par M. Malhuret, Mme Mélot et MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, A. Marc et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Remplacer la seconde occurrence du mot :
des
par les mots :
de tous les
2° Supprimer les mots :
sous contrat
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Tous les enfants de France doivent être sensibilisés de la même manière aux valeurs de la République. Partant de ce principe, cet amendement vise à étendre l’obligation d’affichage du drapeau tricolore, du drapeau européen et des paroles du refrain de l’hymne national dans les salles de classe aux établissements des premier et second degrés privés hors contrat.
En effet, le dispositif actuel ne s’applique qu’aux établissements publics et privés sous contrat. Or les valeurs et symboles de la République concernent l’ensemble des élèves et de la communauté éducative, quel que soit l’établissement scolaire fréquenté : la République doit s’imposer à tous !
M. Jean-Pierre Decool. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 199 rectifié bis, présenté par MM. Dallier et Bonhomme, Mme Canayer, MM. Daubresse, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deseyne, Estrosi Sassone et Garriaud-Maylam, M. Houpert, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mmes Lamure et Lavarde, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Piednoir, Savary, Savin, Segouin, Vaspart et Charon, Mmes de Cidrac et Di Folco, M. B. Fournier, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Pellevat, Sido et Bonne, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
du premier et du second degrés
par les mots :
d’enseignement élémentaire et du second degré
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. J’approuve pleinement le but visé ; mais cette disposition est-elle bien pertinente dans les plus petites classes, en particulier en maternelle ? Par définition, les élèves des petites, moyennes et grandes sections ne savent pas encore lire. On peut donc s’interroger…
En outre, il faudrait préciser les modifications apportées. À l’origine, l’on parlait d’installer les drapeaux français et européen dans chacune des classes. Cette mesure a dû être jugée un peu trop onéreuse pour les collectivités les plus modestes. À présent, l’on nous parle d’une simple affichette.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire, en définitive, quelle forme prendra la disposition que nous sommes en train d’examiner ? J’imagine qu’elle sera à la charge des communes ; mais peut-être l’éducation nationale assumera-t-elle une partie de son coût.
Mme la présidente. L’amendement n° 73 rectifié ter, présenté par MM. A. Marc, Bignon, Chasseing, Wattebled, Decool et Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une séance explicative par an est dispensée à partir du cours élémentaire deuxième année.
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. La seule présence des drapeaux et des paroles du refrain de l’hymne national ne saurait « parler » aux enfants, si ces emblèmes ne sont pas expliqués.
J’ai conscience que cet amendement n’a sans doute pas lieu d’être, dans la mesure où tout cela doit être expliqué dans les programmes ; entendez-le comme un amendement d’appel.
Quand j’étais conseiller pédagogique, je passais dans les classes et je sais donc que l’on peut parfaitement afficher La Marseillaise, voire l’enseigner – éventuellement jusqu’au septième couplet, monsieur Ouzoulias – sans pour autant l’expliquer.
Je suis prêt à retirer cet amendement, mais il convient, s’agissant de l’hymne, que les explications soient bien transmises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Cet affichage n’est pas banal ; il est important. J’en veux pour preuve la hauteur de nos débats sur le sujet, qui sont dignes et qui le resteront jusqu’à leur clôture je l’espère.
Je n’imagine donc pas qu’un professeur, dans sa classe, ne consacre pas un moment au drapeau et à La Marseillaise, pas seulement au refrain, comme l’avaient souhaité nos collègues députés, mais à l’hymne lui-même, à au moins plusieurs de ses strophes pour en montrer la portée.
Est-il pour autant nécessaire, ainsi que le demande Mme Monier, par le biais de l’amendement n° 271 rectifié, d’imposer une séance explicative ? Ce n’est pas mon avis, car un programme d’enseignement moral et civique prévoit d’ores et déjà très clairement l’explication des symboles de la Nation. Évitons les injonctions permanentes, les journées de ceci ou de cela et reconnaissons que les professeurs appliquent des programmes élaborés par le Conseil supérieur des programmes. En matière d’éducation morale et civique, ceux-ci exigent d’eux qu’ils expliquent les symboles de la République.
Concernant l’amendement n° 188, présenté par Pierre Ouzoulias, la formule « le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple », de Lincoln, me semble-t-il, se réfère à l’organisation des pouvoirs. La devise « Liberté, Égalité, Fraternité », en revanche, renvoie aux valeurs de la République. Voilà pourquoi je suis plus favorable à l’amendement n° 98 rectifié bis, défendu par M. Olivier Paccaud, qui vise, au-delà de cette belle formule sur l’organisation des pouvoirs, à inclure ces valeurs sur l’affiche.
Pour cette raison, la commission, tout en comprenant sa portée et son intérêt, émet un avis défavorable sur l’amendement n° 188 ; sur l’amendement n° 98 rectifié bis, en revanche, son avis est favorable.
L’amendement n° 236, déposé par Claude Malhuret et défendu par Colette Mélot, a fait l’objet de débats importants en commission. Celle-ci y demeure défavorable, car cette proposition va à l’encontre de la liberté d’organisation dont jouissent les établissements hors contrat, lesquels n’appartiennent pas au service public de l’éducation.
Mme Colette Mélot. Ce sont pourtant bien des écoles !
M. Max Brisson, rapporteur. Si la transmission des valeurs de la République fait partie des obligations auxquelles ils sont soumis, ils demeurent libres d’en déterminer les conditions. C’est une question de pédagogie dont l’État n’a pas à se mêler.
Mme Colette Mélot. Non !
M. Max Brisson, rapporteur. Dans sa sagesse, sur un sujet analogue, le législateur avait choisi, en 2013, de limiter l’affichage obligatoire des emblèmes et de la devise de la République sur la façade des établissements aux seuls établissements publics et privés sous contrat. Je propose donc que nous fassions preuve de la même sagesse et que nous en restions là.
Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Quant à l’amendement n° 199 rectifié bis, je comprends tout à fait la préoccupation de Philippe Dallier et je partage la question qu’il a posée au ministre.
Toutefois, exclure les classes de maternelle de cet affichage ne me semble pas cohérent avec l’abaissement à l’âge de 3 ans de l’instruction obligatoire. L’affichage des symboles de la République dans les classes de maternelle permettra aux élèves de se familiariser avec eux. Je suis persuadé que les professeurs de maternelle, devant cette affiche comportant non pas seulement le refrain, mais les paroles de l’hymne national, la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » et le drapeau, feront une très belle leçon d’enseignement moral et civique et d’éducation aux valeurs de la République. (MM. Laurent Duplomb et Jackie Pierre applaudissent.)
Je propose donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 73 rectifié ter, présenté par Alain Marc, enfin, je rappelle que la séance explicative sur les emblèmes républicains et l’hymne national est prévue chaque année à partir du CE2 dans les programmes d’enseignement moral et civique. Dans une autre vie, j’ai un peu participé à leur écriture ; mes chers collègues, je vous propose de les lire !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je partage l’esprit de tout ce qui a été dit par l’ensemble des intervenants et je me réjouis d’y avoir décelé ce sens de l’unité, qui me semble indispensable sur ces sujets. Ces amendements s’attachent à des questions de modalités plutôt que de principe, et l’on ne peut que s’en féliciter.
L’amendement n° 271 rectifié vise à prévoir une séance de sensibilisation aux symboles affichés en classe. Je partage l’avis du rapporteur à ce sujet : cela va de soi et est inclus dans le travail d’éducation morale et civique qui doit évidemment être accompli. Nous pourrons l’indiquer dans les circulaires d’accompagnement des documents que nous enverrons à la suite de l’adoption de la loi.
Je souhaite donc que cet amendement soit retiré, car il me semble satisfait ; sinon, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
L’amendement n° 188 a pour objet d’afficher dans chaque classe, en plus du drapeau français, du drapeau européen et des paroles de La Marseillaise, la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité » et le principe démocratique. Il est proche de l’amendement n° 98 rectifié bis, lequel tend à n’ajouter que la devise républicaine.
Les emblèmes de la République, selon les textes, sont au nombre de quatre : Marianne, La Marseillaise, la devise et le drapeau. Ces quatre éléments doivent être appris et donc regroupés. Nous pourrions, bien entendu, aller au-delà, et je suis très sensible à l’idée d’ajouter le principe figurant à l’article 2 de la Constitution, mais nous courons un risque inflationniste : nous pourrions finir par afficher l’ensemble de la Constitution. Il me semble donc sage de nous contenter de ces quatre éléments, malgré la sympathie que j’éprouve pour cette proposition.
L’avis du Gouvernement est par conséquent favorable sur l’amendement n° 98 rectifié bis et défavorable sur l’amendement n° 188.
S’agissant de l’amendement n° 236, qui vise à étendre aux établissements hors contrat l’obligation de l’affichage dans les classes des emblèmes – les drapeaux et La Marseillaise –, je considère que ces établissements doivent faire l’objet d’une intégration plus forte que par le passé dans notre République. C’est l’esprit de la loi Gatel, que vous avez votée, mesdames, messieurs les sénateurs, comme de l’action dans laquelle je suis engagé pour la mettre en œuvre. D’une façon générale, je considère qu’une école, même si elle est hors contrat, n’est pas pour autant hors de la République. Une école ne peut être ouverte aussi facilement qu’un commerce et ne saurait être gérée selon les règles qui prévalent dans d’autres structures moins importantes.
Il faut donc savoir partager les valeurs de la République, y compris avec les élèves des écoles hors contrat. C’est pourquoi j’émets un avis favorable sur cet amendement n° 236.
Cette disposition ne me paraît pas du tout contraire à la liberté de l’enseignement, puisque les textes prévoient déjà l’enseignement du socle commun et le respect du droit à l’instruction, qui doit permettre à chaque élève, d’après l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation, « de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté. »
L’amendement n° 199 rectifié bis tend à exclure l’école maternelle du champ de l’application de l’article 1er bis A du projet de loi. Comme l’a très bien dit le rapporteur, une telle mesure ne serait pas cohérente avec l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans. J’en propose donc le retrait ; à défaut, mon avis serait défavorable.
L’amendement n° 73 rectifié ter, enfin, vise à organiser une séance annuelle d’explication des symboles de la République. Mon raisonnement est le même que sur l’amendement n° 271 rectifié : je suis d’accord sur le fond avec cette proposition, même si elle ne me semble pas relever du domaine législatif, mais elle sera satisfaite par l’ensemble des mesures que nous prendrons en application de la loi.
Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Je vous remercie, monsieur le ministre, car je retrouve dans vos propos sur l’amendement n° 236 ce que je souhaitais dire.
Grâce à Françoise Gatel, la loi veille à ce que les valeurs de la République soient respectées dans toutes les écoles, y compris celles qui sont hors contrat. Aujourd’hui, l’État tente de fermer celles d’entre elles qui ont dévié par rapport à cette exigence ; il me semble donc naturel que l’on y rappelle symboliquement la présence de la République et celle de ces établissements dans la République. Je vous remercie de cet avis favorable et je voterai pour cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. L’amendement n° 236, défendu par Mme Mélot, et l’amendement n° 251 rectifié, que je vais présenter dans quelques instants, concernent le même problème. Aussi cette intervention nous permettra-t-elle de gagner du temps.
À mon sens, notre assemblée doit arrêter une position sur le fait d’établir ou non une distinction entre les établissements privés sous contrat et privés hors contrat. On ne peut pas dire dans l’article 1er bis A que l’on distingue ces deux types d’établissements, qui seraient donc différents, et dire exactement l’inverse quelques articles plus loin, en affirmant que l’on ne peut opérer de distinction au risque de commettre une rupture d’égalité.
Je sais que le rapporteur est sensible à ce sujet et je propose que nous en ayons une lecture strictement juridique : ces écoles ont été créées légalement, elles sont contrôlées par l’État, l’instruction qu’elles dispensent correspond à l’instruction obligatoire telle qu’elle est définie dans le code de l’éducation. Par conséquent, je ne vois pas en quoi et pourquoi elles ne feraient pas référence aux valeurs et à l’emblème de la République, comme on le demande aux autres établissements.
Je partage donc entièrement le point de vue exprimé par le ministre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Je souscris aux propos qui viennent d’être tenus. Parfois, il faut marquer les choses. Nous avons vécu dans cette enceinte, au moment de la discussion de la proposition de loi de Françoise Gatel, un moment important, s’agissant des écoles hors contrat.
Nous sommes d’accord, il n’y a pas, d’un côté, des enfants dans la République et, de l’autre, des enfants hors la République : même si les écoles sont hors contrat, les élèves qui les fréquentent sont des enfants de la République.
Si ces établissements s’inscrivent dans la République, ce qui, à mon sens, n’est pas négociable, il n’y a aucune raison de les exonérer de la défense, ou au moins de l’explication, de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », des drapeaux français et européen et de La Marseillaise. Les fondamentaux de la République ne sont pas négociables, quel que soit l’établissement, fut-il hors contrat, et la liberté d’enseignement ne doit pas s’arrêter aux portes de la République. Nous tenons donc fortement à ce que cet amendement soit adopté.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Les symboles sont importants et je souscris complètement à ces mesures. Je trouve très positif que le drapeau, les paroles de La Marseillaise et les valeurs de notre République, « Liberté, Égalité, Fraternité », soient affichés dans les salles de classe.
Je me demandais toutefois s’il s’agissait du vrai drapeau, mais j’ai compris que nous parlions seulement d’affichettes, certainement des photocopies. De quelle taille devront-elles être ?
Sans être trop terre à terre, il serait dommage de passer à côté d’un véritable symbole : l’exposition d’un vrai drapeau. Il me semble en effet qu’il faut aller plus loin dans l’appropriation. S’agissant de l’hymne national, en afficher les paroles dans les classes, c’est très bien, mais il faut surtout le chanter. De même, le drapeau doit être un vrai drapeau.
Je suggère que celui-ci soit fabriqué par les élèves. J’ai ainsi le souvenir d’avoir vu l’année dernière, lors d’une commémoration, un drapeau confectionné en 1940 par des résistants et qui était toujours là. J’ai trouvé cela très beau et très émouvant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Quelques mots seulement, qui seront redondants : mon groupe votera en faveur de l’amendement n° 236 parce qu’en sortant de l’école les enfants sont non plus des élèves, mais des citoyens en devenir. La devise « Liberté, Égalité, Fraternité » doit donc les concerner. Tout à l’heure, je proposerai d’y ajouter « Laïcité » !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je retire l’amendement n° 199 rectifié bis, même si je ne suis pas convaincu, au moins pour les petites et moyennes sections. Admettons que cela fonctionne pour les grandes sections.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous précisiez un peu votre pensée. Il me semble que nous ne parlons plus d’un drapeau, pour des questions de coût. La commission l’a remplacé par un affichage.
Il serait bon, à mon sens, que ce dernier soit standardisé. Je relie d’ailleurs ce propos à l’amendement n° 236 relatif aux écoles hors contrat : si on reste dans le flou quant à la manière dont les drapeaux, La Marseillaise et la devise devront être affichés, toutes les interprétations seront possibles.
L’État pourrait donc proposer un format, qui permettrait de faire des économies d’échelle en plus de garantir que la représentation soit uniformisée à l’échelle nationale.
M. Max Brisson, rapporteur. Mes chers collègues, je suis conscient qu’il existe des divergences entre nous ; je vais rappeler les débats que nous avons eus en commission et développer mon point de vue.
Je m’étais engagé dans le combat nécessaire qu’était la loi Gatel, que j’avais soutenue.
Je vous rappelle ce que j’ai dit après nos débats en commission : si la transmission des valeurs de la République fait partie des obligations qui s’imposent aux établissements privés hors contrat, ces derniers, conformément à la loi, demeurent libres de déterminer les conditions de cette transmission.
S’agissant de la dimension juridique telle qu’elle a été évoquée par Laurent Lafon, les écoles publiques et privées sous contrat assurent le service public de l’éducation ; les écoles privées hors contrat répondent à l’obligation d’instruction. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
M. Max Brisson, rapporteur. Moi qui suis profondément attaché à l’école publique, je n’ai pas envie de mettre ces établissements sur un pied d’égalité et d’amener les citoyens à considérer qu’ils se valent tous.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien.
M. Max Brisson, rapporteur. C’est un joli débat, digne, qui concerne le sens même de notre école. L’école publique et l’école privée sous contrat, après de longs combats au sein de notre République, participent dorénavant au service public de l’éducation. Le drapeau tricolore et la devise de la République y ont toute leur place.
Et puis, il y a une école privée hors contrat, dont nous devrons de nouveau débattre, qui répond seulement à l’obligation d’instruction.
J’entends ce qu’a dit M. le ministre, mais je ne suis pas persuadé que si je n’étais pas suivi – ce ne serait pas un drame ! – ce que nous écririons serait totalement conforme à la Constitution de la République. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Monsieur le rapporteur, vous serez au moins suivi par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, parce que nous nous retrouvons entièrement dans les propos que vous venez de tenir. Ils sont conformes à l’enjeu, sur le plan tant juridique que des valeurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je ne partage pas votre avis, monsieur le rapporteur. Vous évoquez les obligations qui seraient faites aux écoles privées hors contrat, que vous ne mettez pas sur un pied d’égalité avec les autres. Que faites-vous des enfants, de plus en plus nombreux, qui sont instruits au sein de leur famille ?
M. Michel Savin. On leur impose un drapeau ! (Sourires.)
M. Alain Marc. Si l’on estime que, dans les écoles publiques et privées sous contrat, on doit afficher ces symboles, pourquoi ne serait-ce pas le cas au domicile des familles ? Dans tous les cas, on vérifiera ensuite que l’instruction a été bien faite ! Il y a là quelque chose qui m’échappe.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je vais d’abord répondre à la question de monsieur Dallier, afin de vous présenter une vision concrète de la mise en œuvre de ce que le législateur décidera sur cette question, mesdames, messieurs les sénateurs.
On a évoqué une affichette, mais je préfère parler d’une affiche, afin de ne pas donner une vision dégradée de ce qu’il en sera. Il s’agira donc d’une affiche, comme l’éducation nationale sait en faire et en a déjà fait, par exemple pour la charte de la laïcité. Réalisée à grande échelle, elle ne coûtera pas très cher et pourra parfaitement être prise en charge par l’éducation nationale. Y figureraient le drapeau français, le drapeau européen, la devise et l’hymne. Elle pourrait être la même partout en France et serait ainsi aisément reconnaissable.
On peut évidemment accorder aux professeurs la liberté de faire quelque chose de plus. Dans l’école de Saint-Omer que j’ai récemment visitée, l’équipe avait anticipé la loi, et avait déjà réalisé quelque chose de très réussi qui rassemblait la devise républicaine, l’hymne et le drapeau.
Nous pourrons en tout état de cause proposer à chaque classe de France une affiche qui constituera la référence de base pour l’ensemble des écoles du pays.
S’agissant des propos du rapporteur relatifs à la question de l’affichage dans la salle de classe pour les écoles hors contrat, nous avons une divergence de point de vue. Il y a évidemment une différence entre l’école publique, d’une part, l’école privée sous contrat, d’autre part, lesquelles, par ailleurs, participent ensemble au service public et, en troisième lieu, les écoles privées hors contrat. Je suivrais le raisonnement du rapporteur s’il s’agissait de la façade. Il est normal, en effet, de ne pas imposer, ni même de souhaiter, la présence du drapeau et de la devise sur la façade d’une école hors contrat. Ce serait une erreur du point de vue de la République comme du point de vue de l’école en question.
En revanche, dans la classe, une telle démarche est totalement assimilable aux obligations que nous avons fixées par ailleurs dans le code de l’éducation en matière de conformité aux valeurs de la République et d’apprentissage du socle commun par l’ensemble des élèves. Il me semble donc très sain que cet affichage soit imposé dans toutes les salles de classe.
À mon sens, cela ne posera pas de problème constitutionnel, mais, le cas échéant, l’institution compétente en la matière se prononcera.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 236.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 73 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis A, modifié.
(L’article 1er bis A est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er bis A
Mme la présidente. L’amendement n° 237, présenté par M. Malhuret, Mme Mélot et MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, A. Marc et Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, les mots : « sous contrat » sont supprimés.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Cet amendement vise à étendre l’obligation d’affichage du drapeau tricolore et du drapeau européen sur la façade des écoles et des établissements d’enseignement du second degré aux établissements scolaires privés hors contrat, la disposition actuelle ne s’appliquant qu’aux établissements scolaires publics et privés sous contrat.
Il s’agit, de nouveau, de partager les valeurs de la République.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je suis en accord avec M. le ministre, qui ne souhaite pas que l’on affiche, sur les façades des établissements privés hors contrat, les drapeaux français et européen.
Encore une fois, il faut faire une distinction entre les écoles publiques et les écoles privées hors contrat, lesquelles répondent à l’obligation d’instruction, mais ne participent pas au service public de l’éducation. Je me suis déjà exprimé sur la liberté d’organisation de ces établissements.
L’affichage sur leur façade des symboles de la République pourrait créer une confusion entre les établissements relevant du service public de l’éducation et les autres.
Pour ces raisons, ma chère collègue, je vous demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Ces discussions nous conduisent à faire une distinction intéressante entre la façade et la salle de classe.
Lorsque l’amendement visant à ajouter le drapeau européen au drapeau français a été adopté à l’Assemblée nationale, j’ai entendu certains s’interroger : si c’est déjà obligatoire sur la façade, pourquoi l’imposer dans la classe ?
Il y a là, en réalité, deux logiques différentes et complémentaires. Lorsque l’on affiche les drapeaux sur la façade, on affirme que se trouve ici une maison du service public – même s’il s’agit d’un établissement privé sous contrat – dans laquelle est rendu le service public de l’éducation. Lorsque le même affichage est effectué dans la salle de classe, il s’agit d’un outil pédagogique et éducatif qui fait l’objet d’explications et de commentaires et qui a une tout autre vocation : celle d’être sous les yeux des élèves pour que ceux-ci le connaissent bien.
Chacune de ces démarches est donc légitime, mais il s’agit bien de deux choses différentes.
C’est pourquoi cet affichage est tout à fait normal sur la façade et dans la salle de classe d’un établissement public ou d’un établissement privé sous contrat ; s’agissant d’un établissement privé hors contrat, je maintiens mon raisonnement précédent, même si vous vous y êtes opposés : c’est tout à fait pertinent dans la classe, parce que nous souhaitons que tous les élèves soient sous l’influence de la République dans toute la République ; sur la façade, en revanche, cela constituerait une sorte d’abus de signalement qui signifierait qu’une école hors contrat serait une école de la République. Or ce n’est pas le cas, elle ne désire sans doute pas l’être et ce ne serait pas souhaitable du point de vue de la République.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Il est un peu dommage que l’amendement n° 236 n’ait pas été examiné après l’amendement n° 237, car, la distinction de la façade et de la classe étant explicitée, peut-être nos collègues se seraient-ils levés plus nombreux pour l’adopter. À l’extérieur, bien sûr, les écoles privées hors contrat sont différentes ; mais, à l’intérieur, les élèves – de futurs citoyens, comme je l’ai précédemment souligné – doivent apprendre la devise de la République. Comme l’on ne peut pas revenir en arrière, c’est un coup raté… (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Michel Vaspart applaudit également.)
Mme la présidente. Madame Mélot, l’amendement n° 237 est-il maintenu ?
Mme Colette Mélot. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 237 est retiré.
L’amendement n° 251 rectifié, présenté par MM. Lafon et Henno, Mmes Vullien et de la Provôté, M. Laugier, Mme Billon, MM. Kern, Capo-Canellas, Janssens et Mizzon, Mme Vermeillet, MM. Prince et Moga et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase de l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, les mots : « les locaux des mêmes écoles et établissements » sont remplacés par les mots : « toutes les écoles et tous les établissements ».
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Sinon par sa rédaction, du moins par sa philosophie, cet amendement est similaire à celui de Mme Mélot. Ayant entendu les arguments du rapporteur et du ministre, je le retire. Au demeurant, dans la suite de nos débats, une distinction entre les établissements privés sous contrat et hors contrat pourra peut-être servir…
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
Mme la présidente. L’amendement n° 251 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 285 rectifié bis est présenté par Mmes Monier, Blondin et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 420 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty et Gold, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase de l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, les mots « est affichée » sont remplacés par les mots : « et la charte de la laïcité à l’école sont affichées ».
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 285 rectifié bis.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement est identique à celui qui sera présenté dans quelques instants par Mme Laborde.
L’article L. 111-1-1 du code de l’éducation prévoit l’affichage de manière visible, dans les locaux des écoles et établissements d’enseignement publics et privés sous contrat, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Nous pensons utile que soit affichée de la même façon et dans les mêmes locaux la charte de la laïcité à l’école.
Il ne faut pas oublier que la France est une République laïque, et que la mission du service public de l’enseignement scolaire, à laquelle participent les écoles et établissements publics, mais aussi le secteur privé sous contrat, doit être guidée par le principe de laïcité. Pour les élèves, ce principe impliquant la liberté de conscience, de croire ou de ne pas croire et d’exprimer ses opinions dans les limites imposées par l’ordre public est souvent un concept un peu abstrait.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez pris au début de 2018 une série de mesures pour aider les enseignants et les personnels des établissements souvent confrontés à des remises en cause de ce principe ; je pense à la mise en place du Conseil des sages de la laïcité, avec des équipes nationales et académiques. Vous ne serez donc sans doute pas opposé à ce que la charte de la laïcité à l’école, antérieure à ces nouveaux organes, puisqu’elle date de 2013, soit apposée dans les locaux des établissements.
Son langage, pensé pour être accessible à tous, devrait faciliter la compréhension par les élèves de l’application concrète d’un principe fondateur de notre République, qui a toujours guidé le service public de l’enseignement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 420 rectifié bis.
Mme Françoise Laborde. Il est identique à celui qui vient d’être défendu, mais je vais insister.
Je précise que nous visons ici les écoles privées sous contrat ; il n’est pas question du secteur hors contrat.
Il est essentiel de réaffirmer l’importance de la laïcité, indissociable des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité exprimées par la devise de la République française. Alors que ce principe souffre trop souvent de méconnaissances ou d’incompréhensions, son affichage dans les écoles permettrait aux élèves d’en comprendre l’importance comme garant à la fois des libertés individuelles et des valeurs partagées d’une société qui dépasse et intègre ces différences pour construire un avenir commun.
J’anticipe une objection : certains points de cette charte pourraient être dérangeants dans les écoles privées sous contrat. Mais ces mêmes écoles reçoivent de l’argent de l’État, ce qui ne les gêne pas…
J’estime donc que, même si les articles 13, 14 et 15 de la charte peuvent embarrasser dans les écoles privées, où l’on peut éventuellement porter des signes ostentatoires, il est important que ceux qui y étudient connaissent les règles, ne serait-ce que par l’affichage de cette charte, au moins jusqu’à son article 13. Cette charte fait partie intégrante de la formation des élèves dans les écoles privées sous contrat !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Madame Monier, madame Laborde, l’affichage de la charte de la laïcité à l’école dans les établissements publics est déjà obligatoire, en application d’une circulaire du 6 septembre 2013 de Vincent Peillon. De ce point de vue, vos amendements sont satisfaits.
Vous proposez de rendre cet affichage obligatoire aussi dans les établissements privés sous contrat. La commission est défavorable à cette obligation, qui contreviendrait au caractère propre de ces établissements.
Au demeurant, madame Laborde, cette charte est un document pédagogique ; à vous écouter, on avait l’impression qu’il s’agissait presque d’un texte voté par le Parlement… En réalité, il s’agit d’un document interne à l’éducation nationale, non d’un texte comparable par sa portée à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’ai une certaine révérence pour cette charte de la laïcité. Il arrive qu’on m’accuse ou qu’on me soupçonne de vouloir effacer ce qui était avant moi. C’est faux : je suis toujours très soucieux de distinguer ce qui me semble durable de ce qui me le paraît moins. La charte de la laïcité à l’école est incontestablement un progrès, par l’explicitation qu’elle a permise de principes et par l’utilité qu’elle a depuis qu’elle est affichée dans les établissements publics.
Comme il a été souligné, nous avons pris des mesures supplémentaires qui vont dans la même direction. Je suis toujours très attentif, chaque fois que je visite une école ou un établissement, à la présence de la charte de la laïcité. C’est une initiative à laquelle je suis résolument favorable et que je suis décidé à perpétuer et consolider.
Toutefois, je souscris aussi aux arguments du rapporteur : ce document n’a clairement pas le même statut que ce dont nous parlons.
Par ailleurs, comme Mme Laborde l’a elle-même fait observer, certains de ses éléments seraient en contradiction avec ce qui fait le caractère propre des établissements privés sous contrat. Je ne doute pas, cette fois, du problème constitutionnel que soulèverait la mesure proposée.
Son adoption poserait donc un problème de cohérence, même si, mesdames les sénatrices, j’adhère à l’esprit de votre proposition. Celui-ci pourrait d’ailleurs être discuté avec les représentants de l’enseignement privé sous contrat, qui, sans doute, accepteraient de prendre de leur plein gré un certain nombre de mesures dans cette direction. Je suis prêt à cette discussion, mais je ne pense pas que l’on doive prévoir dans la loi de leur imposer la charte de la laïcité sous sa forme actuelle. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Ce thème nous touche beaucoup. En effet, les valeurs de la République que nous cherchons à défendre, ce n’est pas seulement notre drapeau et La Marseillaise. La République est représentée aussi par la défense de la laïcité. Ce principe, auquel nous sommes à raison très attachés, garantit la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience, la liberté de critique.
Je ne serais pas du tout choquée que soit instaurée l’obligation proposée par mes collègues. Même dans mon département, les Côtes-d’Armor, je connais des établissements privés qui ont travaillé sur la laïcité avec la collectivité, par exemple à Lamballe. Je pense à un établissement dans lequel nous avons laissé se dérouler une exposition sur ce sujet, tout en lui donnant la liberté de supprimer certains panneaux. Les choses dépendent aussi beaucoup des directions et des enseignants.
En tout cas, il ne faut pas nous interdire de promouvoir la laïcité, qui est aussi une valeur de la République. Ce que nous observons depuis quelque temps, au sujet de la religion catholique, mais aussi des autres, montre qu’il ne faut pas craindre de défendre cette valeur importante !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 285 rectifié bis et 420 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 123, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Aux premier, troisième et cinquième à dernier alinéas de l’article L. 312-15, les mots : « enseignement moral et » sont remplacées par le mot : « éducation » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 131-1-1, les mots : « son sens moral » sont supprimés.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Notre débat est de grande qualité, et je ne voudrais pas qu’on se méprenne sur l’objet de notre amendement. Bien évidemment, nous ne remettons pas en cause la morale ; nous ne souhaitons pas des classes sans organisation, où règnerait une forme d’anarchie – quelque chose comme « Ni Dieu, ni maître »… (Sourires.) Notre intention est d’ouvrir un débat sur une question philosophique complexe et sujette à discussion : qui assure l’éducation ?
Nous pensons – comme vous, je crois, mes chers collègues – qu’elle doit être assurée à la fois par la famille et par l’école, et que la morale relève plutôt de la première, dans la mesure où elle touche à nos sentiments philosophiques, parfois religieux, qu’il faut préserver. L’école, quant à elle, enseigne tout à fait autre chose : la citoyenneté, le rapport à la cité, le rapport aux autres.
Il nous semble que, dans le vocabulaire, il serait utile de distinguer ces deux notions, qui ne se confondent pas. À plusieurs reprises, chers collègues de la droite, vous avez insisté sur la neutralité de l’école, sur le fait qu’elle apprend à être un citoyen ou une citoyenne. Notre amendement va dans ce sens, celui du devoir de neutralité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la notion d’enseignement moral et civique au profit de celle d’éducation civique.
Mon cher collègue, permettez-moi de vous citer la lettre adressée aux instituteurs par Jules Ferry pour leur expliquer pourquoi la loi du 28 mars 1882 instituait l’enseignement moral et civique : « On n’a pas songé à vous décharger de l’enseignement moral : c’eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l’instituteur, en même temps qu’il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage et du calcul. »
Il ne me semble pas utile de modifier l’intitulé de cet enseignement, moins de six ans après la loi du 8 juillet 2013. Soyons fidèles à cette loi, et surtout à Jules Ferry ! Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Comme le rapporteur, je me situerai dans la lignée de Jules Ferry, dont le regard d’albâtre a été précédemment évoqué ; mais c’est certainement le cas aussi de M. Ouzoulias.
En matière d’éducation morale et civique, une notion dont Jules Ferry a été l’un des grands introducteurs, après quelques autres, l’histoire de l’école de la République a été jalonnée par différentes initiatives très positives. Je pense de nouveau à la politique menée par Jean-Pierre Chevènement en 1985, qui a été salutaire. L’éducation morale et l’éducation civique ont toute leur place à l’école et ont partie liée.
J’ai dit à plusieurs reprises qu’on ne devrait pas avoir peur d’affirmer que l’école a quelque chose à voir avec le bien, le beau et le vrai. Je sais que cette affirmation est parfois discutée. Néanmoins, et même si ce sont des notions un peu absolues, auxquelles on n’accède jamais vraiment de manière totale, il est souhaitable que nous fassions tendre les enfants vers elles.
Oui, l’école est le lieu du vrai, c’est-à-dire de la raison – d’où la place qu’y occupent les sciences ; oui, l’école est le lieu du beau – c’est pourquoi les arts et la culture y ont toute leur place, et il est très important que nous les valorisions toujours davantage ; mais l’école, c’est aussi le lieu du bien, celui où l’on apprend à respecter les autres – j’ai donc souhaité que l’on dise : lire, écrire, compter et respecter autrui.
Je serais en totale contradiction avec moi-même si j’étais favorable à cet amendement, puisque cette notion de respect d’autrui se retrouverait d’un seul coup en suspension, sans le socle de la morale qui la fonde comme le premier des préceptes, dont tous les autres découlent.
L’école de la République doit évidemment dispenser un enseignement moral et civique ; la dimension morale appuie la dimension civique, comme la dimension civique soutient la dimension morale.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je suis assez étonné par cette référence à Jules Ferry, même si l’on parle de l’école. En effet, entre le XIXe et le XXIe siècles, la référence est passée de mode sur un certain nombre de sujets, s’agissant en particulier des colonies et du racisme. On ne peut pas se référer à Jules Ferry aujourd’hui de la même manière qu’il y a 200 ans, quel que soit son apport à notre école publique.
Monsieur le ministre, le bien et le vrai, ce n’est pas la raison. La raison, c’est le doute, l’esprit critique.
Le bien et le mal, ça peut être la morale, mais, particulièrement aujourd’hui, dans un monde où l’école doit faire face à la montée de l’individualisme et à une société beaucoup plus fragmentée qu’auparavant, son rôle est plus que jamais d’apprendre à des jeunes qui, ailleurs, sont parfois fractionnés et différents à faire collectif, à faire société ensemble, quelles que soient leur morale et leurs références.
Je voterai cet amendement, parce que je pense que la morale n’a pas sa place à l’école ; l’école, c’est le doute, la raison et l’esprit critique, qui permettent de faire société. Or cet enjeu est encore plus important au XXIe siècle qu’il y a cinquante, cent ou cent cinquante ans, dans une société beaucoup moins fractionnée et individualiste. (M. Maurice Antiste et Mme Angèle Préville applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je trouve que nous discutons à fronts renversés : il est amusant de voir que, dans ce canton de l’hémicycle, nous défendons finalement la neutralité de l’école, souvent revendiquée dans les cantons d’en face…
De fait, il me paraît aujourd’hui important de dépasser une certaine conception de l’école de Jules Ferry. L’école, je le répète, assure une éducation citoyenne, civile, qui n’a pas grand-chose à voir avec la morale transmise par la famille.
Je me réjouis que nous ayons débattu de cette question philosophique ; nous devons prolonger ce débat, qui ne sera pas réglé par le rejet de notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Même si l’amendement est repoussé, la question de fond demeurera : qu’est-ce que l’école doit apporter, en dehors de la dimension éducative ?
La notion du bien et du mal, je puis vous dire que nombre d’enfants ne l’ont plus : ils n’arrivent plus à faire la part des choses entre ce qui est bien et ce qui ne l’est pas.
Moi qui suis née et qui ai grandi dans un bidonville, c’est la première chose que j’ai apprise à l’école de la République : ce qui est bien, ce qui est mal. Aujourd’hui, ces notions ont disparu.
Elles sont au cœur de ce que l’école doit apporter à nos élèves. Le drapeau, la laïcité : sur tous ces sujets dont nous avons parlé, vous verrez que les choses rentreront dans l’ordre si, tout simplement, nos enfants savent ce qui est bon et ce qui est mauvais.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il faut faire très attention en utilisant des concepts qui, comme celui du bien, donnent un sentiment d’absolu. En effet, nous savons que le bien est défini de manière pluraliste dans nos sociétés, en fonction des règles de l’État et des engagements philosophiques, religieux et personnels de chacun.
L’école ne doit pas confondre ce qui procède de l’établissement par chacun de ce qui est bien avec ce qui est légal et qu’elle doit apprendre, c’est-à-dire ce qui est interdit et ce qui est permis.
Par ailleurs, l’école doit apprendre les valeurs de la République, ce qui relève plus de l’éthique que de la morale. À cet égard, monsieur le ministre, je trouve très bien que vous ayez ajouté à l’ensemble des connaissances le respect de l’autre. Seulement, le respect de l’autre, ce n’est pas le bien ou le mal : c’est la déclinaison de la fraternité qui figure dans la devise républicaine. Le point d’appui est non pas le bien, mais les valeurs de la République qui se déclinent dans l’action de chacun.
Le bien et le mal, dans le monde contemporain, sont des notions utilisées parfois de manière tout à fait négative. Quand M. Bush parlait de l’axe du bien et de l’axe du mal, cela n’avait pas du tout le même sens, j’espère, que les notions de bien et de mal qu’on voudrait transmettre dans nos écoles.
Nous avons besoin de références intangibles, qui ne puissent pas être détournées de la valeur centrale. L’école doit apprendre à chacun à discerner ce qui procède de sa morale de ce qui relève de la loi et des valeurs de la République qui font société.
Je trouve très dangereux le concept de bien, d’autant que les médias actuels et la manière dont on caricature parfois la pensée réduisent beaucoup l’esprit critique de chaque citoyen et l’inscription de son attitude dans le cadre de nos grandes valeurs. C’est une facilité de dire à quelqu’un : c’est le bien, ou c’est le mal. À l’église, à la mosquée ou ailleurs, les références du bien ne seront pas les mêmes. L’école doit transmettre des valeurs en soi, qui ne puissent pas être interprétées selon les lieux et les périodes ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Pierre Ouzoulias. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, vous êtes chargé de l’éducation nationale ; vous n’êtes pas ministre de l’instruction publique, une notion abandonnée dans les années 1920, puis rétablie momentanément sous Vichy.
L’éducation nationale, ce n’est pas mettre les parents de côté. Au contraire, les parents ont tout leur rôle dans l’éducation : quand des gamins ne sont pas suivis par leurs parents, ce ne sont pas les professeurs qui pourront leur inculquer la totalité des valeurs dont ils ont besoin pour s’insérer dans la société.
Néanmoins, je suis convaincu que l’école doit transmettre non seulement le savoir, le vrai, mais aussi le bien et le mal. La morale n’est pas un gros mot ! Ses interdits et ses obligations font partie de ce qui nous permet de vivre ensemble.
À entendre certaines et certains d’entre vous, mes chers collègues, le bien et le mal seraient tout relatifs. Je ne le crois pas. Le bien et le mal, dans notre civilisation, remontent tout simplement au Décalogue. Que nous ayons des racines judéo-chrétiennes semble atroce à certaines et certains d’entre vous, mais telles sont notre réalité et notre histoire ! Ensuite, des sédiments d’autres valeurs se sont ajoutés, mais notre école doit transmettre des valeurs, et la morale doit y avoir toute sa place !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. J’abonderai dans le sens de M. Paccaud.
Il y a des mots qui, avec le temps, et souvent mal employés, perdent de leur sens. Ce sens, il est bon de le rappeler. Ainsi, dans la dernière édition du dictionnaire que j’ai sous les yeux, la morale est définie en ces termes : « science du bien et du mal, théorie de l’action humaine soumise au devoir et ayant pour but le bien ».
On ne peut peut-être pas toujours décider ce qu’est le bien ou le mal, mais il me semble qu’inculquer à un enfant ce qui est bien et ce qui est mal est au cœur de ce que doit transmettre l’éducation nationale. Personnellement, je ne voterai donc pas en faveur de l’amendement.
M. Pierre Cuypers. Bravo !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 123.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis B
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 321 rectifié, présenté par M. Antiste, Mmes Monier, Blondin, Lepage et S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Kerrouche, Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-…. – La présence d’une carte de la France et de chacun de ses territoires d’outre-mer est obligatoire dans chacune des salles de classe des établissements du premier et du second degrés, publics ou privés sous contrat.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. L’Assemblée nationale a adopté en février dernier, contre l’avis du Gouvernement, un amendement tendant à imposer l’installation dans les classes d’une carte représentant la métropole et les territoires d’outre-mer. Cette disposition, introduite dans l’article 1er bis B, a été supprimée par notre commission.
Devant les députés, monsieur le ministre, vous avez déclaré que cette revendication, bien qu’importante, ne relevait pas de la loi, et qu’imposer cette mesure n’était pas nécessaire. Permettez-moi de marquer mon désaccord avec vous.
Les populations d’outre- mer, qui représentent entre 2,5 et 3 millions d’individus, sont purement et simplement ignorées, ce qui crée localement un sentiment de discrimination. À juste titre : apprendre à l’école de la République que la France se réduit à l’Hexagone et à la Corse, quelle aberration !
Cette demande est légitime et la satisfaire permettra de corriger au plus vite la situation actuelle. C’est pourquoi j’ai déposé deux amendements tendant à rétablir l’article 1er bis B.
L’amendement n° 321 rectifié vise à rétablir l’article dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Il s’agit de faire figurer sur les cartes de France de nos classes les territoires ultramarins.
L’amendement n° 190 rectifié, de repli, a pour objet de permettre une représentation des territoires d’outre-mer, dès lors qu’une carte de France est affichée en salle de classe, sans pour autant exiger la présence systématique d’une carte de la France dans toutes les classes.
Mes chers collègues, je vous invite à adopter cette mesure de bon sens !
Mme la présidente. L’amendement n° 361, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, il est inséré l’article L. 111-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-…. – La présence d’une carte de France et de chacun de ses territoires d’outre-mer est obligatoire dans chacune des salles de classe des établissements du premier et du second degrés, publics ou privés sous contrat accueillant des cours d’histoire ou de géographie. Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. S’agissant des salles de classe, je pense, moi, que le drapeau a une autre valeur que celle d’un simple fait pédagogique : il symbolise la légitimité publique.
En tout cas, dans une salle de classe où l’on enseigne l’histoire et la géographie, il me paraît normal qu’il y ait systématiquement une carte de la France dans son entièreté, c’est-à-dire l’Hexagone et l’ensemble des départements et territoires d’outre-mer. Étant entendu qu’une circulaire ou un décret sera de nature à fixer le cadre exact des salles de classe où l’on considère que l’histoire et la géographie sont enseignées. C’est un apprentissage élémentaire de l’histoire et de la géographie, quand on est français, que de savoir se situer dans l’ensemble de l’espace français, Hexagone et outre-mer.
Mme la présidente. L’amendement n° 190 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, Montaugé, Daudigny, J. Bigot, Temal et Kerrouche et Mmes Lepage et Conway-Mouret, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-…. – Les territoires français d’outre-mer sont obligatoirement représentés sur chaque carte de France affichée dans les salles de classe des établissements du premier et du second degrés, publics ou privés sous contrat.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 231, présenté par MM. Karam, Hassani, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-…. – Toute carte de la France affichée dans une salle de classe d’établissement du premier et du second degrés doit représenter les territoires français d’outre-mer. »
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Je me souviens de ma salle de classe d’adolescent : il y avait une carte physique au recto, administrative au verso. Mais à cette époque, il n’y avait que quatre-vingt-dix départements en France hexagonale. Lorsque je suis devenu enseignant, j’ai eu la chance de retrouver la même salle de classe : les cartes, bien que vieillissantes, étaient toujours les mêmes.
Je soutiens les interventions de Maurice Antiste et de Marie-Noëlle Lienemann parce que, dans toutes les salles de classe, l’image cartographique de la France se réduit essentiellement à l’Hexagone. Or, nous le disons régulièrement et, pour ma part, je l’indique souvent, ce sont nous, les outre-mer, que nous soyons dans l’océan Indien, dans l’océan Pacifique, dans l’océan Atlantique, en Amérique du Nord, dans la Caraïbe, qui donnons à la France sa dimension universelle.
Lorsqu’un enfant voit une carte de l’Hexagone, il ne sait même pas qu’il existe des départements d’outre-mer. Fréquemment et encore récemment, par exemple, on a comparé la Guyane à une île, alors que, avec ses 84 000 kilomètres carrés, sa superficie est identique à celle de l’Autriche !
À cet égard, on ne saurait rétrécir à l’endroit de nos enfants l’image de la France et de sa géographie en ne représentant pas les outre-mer sur la carte de France.
C’est la raison pour laquelle l’article adopté par l’Assemblée nationale prévoyait d’afficher une carte représentant les outre-mer dans toutes les salles de classe.
M. Jacques Grosperrin. Et la France ?
M. Antoine Karam. La France hexagonale naturellement et les outre-mer, qui font la France et qui, aujourd’hui, ne l’oubliez pas, composent les régions ultrapériphériques au sein de l’Union européenne.
Certains de nos collègues estiment que cette mesure est excessive – cette opinion peut être compréhensible –, mais nous proposons que la carte de France affichée dans toutes les salles où sont dispensés les cours d’histoire et de géographie représente les territoires d’outre-mer. Et je ne demande même pas une représentation à l’échelle… La Guyane serait alors juste derrière la grande région Aquitaine, n’est-ce pas ma chère collègue Françoise Cartron ?
Mme Françoise Cartron. Tout à fait !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. J’évoquerai tout d’abord les amendements nos 321 rectifié et 361, puis les amendements nos 190 rectifié e 231.
Le professeur de géographie que j’ai longtemps été affichait beaucoup de cartes, essayant même d’en dessiner – je ne suis pas sûr, cher collègue Karam, qu’elles étaient toujours à la bonne échelle ! (Sourires.)
Permettez-moi de rappeler la raison très simple pour laquelle la commission a voulu supprimer l’article 1er bis B.
Et si l’on faisait confiance aux professeurs ? Nous sommes en train de légiférer. La loi doit-elle définir tout ce qui doit être apposé sur les murs ? La manière dont on doit placer les cartes ? Doit-on dire aux professeurs d’histoire-géographie qu’ils doivent afficher les cartes de la France et les autres cartes ? Il faut tout simplement, me semble-t-il, s’en tenir aux dispositions qui relèvent du domaine de la loi et faire confiance aux professeurs.
Madame Lienemann, les professeurs d’histoire-géographie affichent bien sûr les cartes de la France, ainsi que de nombreuses autres cartes.
M. Max Brisson, rapporteur. Dans les salles de physique sont aussi affichées les tables de conversion, qui sont nécessaires. D’ailleurs, à force de multiplier les injonctions, il n’y aura plus de place libre sur les murs de nos salles de classe. On affichera déjà le drapeau, les emblèmes de la République, rappelant ainsi les valeurs de la République.
M. Jacques Grosperrin. Où va-t-on écrire ?
M. Max Brisson, rapporteur. Laissons les professeurs organiser les salles de classe ! Cette mesure ne relève peut-être pas du domaine de la loi.
Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 321 rectifié, de M. Antiste, et 361, de Mme Lienemann.
La France dans son ensemble comprend aussi bien entendu ses territoires d’outre-mer. C’est une évidence, notamment pour les professeurs d’histoire-géographie, je peux vous l’assurer.
Je veux rappeler qu’une carte est un document pédagogique. La liberté éditoriale d’un tel document constitue un fondement important de notre République, et ce depuis très longtemps. L’État fixe les programmes ; les documents pédagogiques doivent y répondre et permettre aux professeurs de les appliquer, mais la liberté pédagogique est extrêmement importante. À l’image du manuel, publier une carte constitue un acte pédagogique. J’en suis persuadé, ceux qui conçoivent les cartes savent parfaitement que, si l’on veut appréhender ce qu’est la France, il faut aussi bien sûr penser à la France ultramarine.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est également défavorable sur les amendements nos 190 rectifié et 231.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Comme le rapporteur, je suis assez sensible au fait de ne pas arriver à une logique inflationniste en matière d’affichage, mais je considère, par ailleurs, qu’il est important d’avoir une carte de France dans les salles de classe et que celle-ci soit évidemment fidèle à la réalité, c’est-à-dire qu’elle représente la France dans son entièreté, intégrant donc l’ensemble des territoires d’outre-mer.
À cet égard, je ne comprends pas, monsieur le sénateur Antiste, vos propos au sujet de ma position devant l’Assemblée nationale, car j’ai toujours défendu cette ligne. Je n’ai jamais émis un avis défavorable sur cette question, au contraire ! D’ailleurs, vous connaissez ma sensibilité ultramarine… Il n’existe par conséquent pas de divergence de vues entre nous sur ce point.
Pour toutes ces raisons, je souscris aux arguments défendus par le sénateur Karam, qui rassemblent, me semble-t-il, les principaux éléments présentés par les autres intervenants. Il s’agit, à mes yeux, de la version la plus souple, qui, en plus, ne renvoie pas à un décret d’application.
En conséquence, je demande le retrait des amendements nos 321 rectifié, 361 et 190 rectifié et j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 231.
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Je tiens à le préciser, je ne demande pas que soit systématiquement affichée une carte de France dans les salles de classe. Je rejoins bien l’argumentation de ma collègue Lienemann : chaque fois qu’il s’agira de présenter une carte de la France, il faut que ce document représente tous les territoires qui la composent.
Aussi, je suis quelque peu choqué par les propos du rapporteur. Quelle frilosité à présenter la France avec tout ce qui fait ses valeurs, avec l’ensemble de ses territoires ! C’est horrible ! Je ne comprends pas quand on sait, mon ami Karam l’a souligné, que 90 % de la biodiversité française se situent dans les territoires ultramarins. Je ne comprends pas plus quand on sait que la France se vante d’être le deuxième territoire maritime au monde après les États-Unis, avec ses 110 millions de kilomètres carrés, alors qu’elle doit cette position aux territoires ultramarins. Je suis donc choqué, je le répète, d’entendre une telle position.
La représentation de la France dans son entièreté a de l’importance ! À la limite, je pourrais dire au rapporteur que je suis d’accord avec lui, que tel n’est pas le cas. Mais alors, représentons la France uniquement avec le monde ultramarin ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Claudine Lepage applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Ici, nous faisons la loi. Or la mesure proposée me semble bien évidemment relever du domaine réglementaire.
Il est de bon sens de penser que, notamment dans les salles de classe de l’école primaire, que je connais assez bien, sont toujours affichés au mur, certes, une carte de France, mais aussi un planisphère. Ceux d’entre nous qui ont des enfants ou des petits-enfants scolarisés le savent, le drame qui a aujourd’hui donné lieu à un hommage national aux Invalides a été évoqué dans pratiquement toutes les classes de France soit par les enfants, soit par les enseignants. Or comment contextualiser ce fait sans planisphère ?
Par ailleurs, vous pouvez les uns et les autres le constater, de plus en plus, les adultes sont mal latéralisés. Pour se déplacer, ils utilisent un outil extrêmement utile, le GPS. Ils tapent alors le nom de la ville où ils veulent aller, sans même savoir s’ils iront à l’est, à l’ouest, au nord ou au sud ! Je suis étonné de constater cela en discutant avec tel ou tel. En tant qu’ancien enseignant, cela me choque. Moi, j’aime savoir où je suis.
Il est vraiment très important d’avoir des cartes dans les salles de classe – je comprends la préoccupation exprimée –, mais cette mesure relève, je le répète, d’un décret. Bien sûr, les cartes de France doivent présenter la France dans toutes ses composantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne suis pas d’accord : cette mesure n’est pas plus réglementaire que celle qui concerne La Marseillaise.
Lorsque j’étais enfant, on m’a appris La Marseillaise à l’école. Je peux vous dire, mes chers collègues, que, dans le Territoire de Belfort, on vous l’apprenait bien ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Pas un seul enseignant n’aurait eu l’idée de ne pas le faire ! En plus, elle figurait au programme du certificat d’études. Comme la plupart des élèves le passaient à l’époque, tout le monde apprenait l’hymne.
Cela étant, le drapeau français est bien connu par nos enfants, surtout par le biais du football, croyez-moi ! (Rires.) Permettez-moi de vous le dire, les seules fois où le drapeau a été volé dans la mairie dont j’avais la charge, c’était à l’occasion de la Coupe du monde pour célébrer la victoire ! En revanche, la connaissance des territoires de la France est moins certaine.
Certes, j’étais professeur de physique-chimie et de mécanique quantique et non pas de géographie, mais je sais néanmoins que la géographie fait en partie l’histoire et l’identité de notre pays, et les territoires et départements d’outre-mer ont leur importance. Il est essentiel pour l’identité de notre pays que les personnes puissent se situer très tôt dans un système géographique donné.
Aussi, je ne comprends pas la position défendue. D’ailleurs, j’observe que la majeure partie des professeurs d’histoire-géographie souhaitent que l’on rende de nouveau obligatoire l’affichage d’une carte. Qui plus est, il faut financer ces cartes. On s’entend dire que ce n’est pas prioritaire, qu’il suffit de faire des photocopies. Non, il faut que, dans les salles de classe où se déroulent des cours d’histoire et de géographie, la France soit représentée, Hexagone, départements et territoires d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Si je prends la parole, c’est pour vous dire, monsieur le rapporteur, mon profond désaccord avec vos propos. Je ressens exactement la même chose que mon collègue Maurice Antiste.
Je veux bien admettre que les trois premiers amendements présentent une certaine imprécision, mais voter contre l’amendement rédigé par Antoine Karam reviendrait à renier les outre-mer de la France. Je le vis très mal !
Je veux bien accepter l’idée d’être considéré comme un Français de l’étranger, alors que le nom de ma collectivité figure dans la Constitution française. Mais j’estime qu’il serait totalement inacceptable dans cet hémicycle de ne pas adopter l’amendement de M. Karam. À titre personnel, je le voterai. (MM. François Patriat et Joël Labbé, ainsi que Mme Nathalie Delattre applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Je n’insisterai pas trop, car je viens d’avoir un excellent avocat… Merci, cher collègue Michel Magras.
Dans cet hémicycle, nous sommes un certain nombre d’anciens enseignants – en tant que sénateurs, nous n’avons plus le droit d’enseigner –, et chaque enseignant est maître de sa pédagogie dans sa classe.
Si je souhaite que l’on inscrive cette mesure dans la loi, c’est parce que nous avons été oubliés pendant trop longtemps. Souvent, les enseignants d’histoire ne savaient même pas comment avaient été construits les outre-mer ! Il a fallu une loi – du reste, nombreux ont été celles et ceux qui l’ont commémorée dans le jardin du Luxembourg, il y a quelques jours – pour graver dans le marbre que l’esclavage est un crime contre l’humanité. C’est pour cette raison que, dans toutes les salles de classe en France et en outre-mer, on enseigne cet épisode de notre histoire.
J’insiste sur cette visualisation pour éviter de s’entendre dire à La Poste ou ailleurs quand on veut faire un envoi en Guyane : la Guyane, ce n’est pas la Guinée ? On se trompe toujours de continent ! Il faut en finir une fois pour toutes ; c’est une question de bon sens et c’est tout à l’honneur de la France, dans son immensité, dans sa dimension multimondiale. C’est, pour nous, un acte de foi très fort que d’afficher une telle carte. Je demande qu’elle soit affichée non dans chaque salle de classe, mais dans les salles où sont dispensés les cours d’histoire et de géographie. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Nous sommes d’accord avec un certain nombre des propos tenus.
L’amendement de notre collègue Karam est fort bien adapté. Que toutes les salles de classe de lycée, où il y a des salles de chimie, de biologie, etc., ne disposent pas de carte, pourquoi pas ? Mais avant d’arriver dans le secondaire, l’élève poursuit son parcours à l’école primaire. Or, dans ces salles de classe, sont affichées des cartes de France. Et il semble normal que l’outre-mer y soit représenté. Imaginez une carte de France sans la Corse et Belle-Île ! Tout le monde crierait au scandale ! Eh bien, au même titre, l’outre-mer fait partie de notre pays.
En tant que sénateurs, nous défendons les territoires. Il nous appartient aussi de défendre l’outre-mer. C’est pourquoi nous voterons en faveur de l’amendement de M. Karam.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour explication de vote.
M. Robert Laufoaulu. Je soutiens l’amendement de M. Karam, qui va dans le sens d’une meilleure connaissance des outre-mer.
Je m’en souviens, lorsque j’avais reçu, au Sénat, voilà une quinzaine d’années, le président de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, un responsable du Sénat lui avait demandé si Wallis-et-Futuna se situait bien à côté de La Réunion. (Rires.) J’avais alors eu honte et j’étais gêné.
L’amendement de M. Karam est de nature à faire progresser la connaissance des outre-mer.
Je m’en souviens également, il y a une dizaine ou une quinzaine d’années, lorsque les chauffeurs de taxi me demandaient d’où je venais, ils n’avaient aucune réaction lorsque je répondais : « de Wallis-et-Futuna ». Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui, dès que je prononce le nom Wallis, disent : « Wallis-et-Futuna ? » Je suis vraiment heureux de constater que nos territoires d’outre-mer sont un peu mieux connus.
Avec l’adoption de l’amendement de M. Karam, nos enfants auront une meilleure connaissance de nos outre-mer et aimeront davantage les territoires d’outre-mer et leurs camarades qui y vivent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour explication de vote.
M. Jacques Grosperrin. Ces amendements sont en discussion commune, alors qu’ils n’ont rien en commun.
Le rapporteur l’a bien expliqué, la commission a supprimé le fait de pouvoir afficher dans les salles de classe la carte de France et des territoires d’outre-mer parce que cet affichage ne nous semblait pas opportun dans la mesure où tellement de choses doivent déjà figurer sur les murs que nous avons laissé aux enseignants la liberté pédagogique.
En revanche, l’amendement de M. Karam est différent. Là où est affichée une carte de France ne peuvent pas ne pas être représentés les outre-mer sur ce document.
Mmes Françoise Laborde et Josiane Costes. Tout à fait !
M. Jacques Grosperrin. Aussi, la question que l’on doit se poser est la suivante : doit-on supprimer l’ensemble des cartes de France et des outre-mer ?
Dans les salles de classe où est affichée la carte de l’Hexagone, il serait inadmissible – et je comprends votre émotion ou, en tout cas, votre mécontentement – d’ignorer les territoires d’outre-mer qui font aussi notre richesse. C’est pourquoi je serai de ceux qui voteront votre amendement, monsieur Karam. (M. Michel Vaspart applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Je voterai bien sûr l’amendement de mon ami Karam, car il est d’une grande justesse. M. le rapporteur a évoqué précédemment la liberté pédagogique en parlant de la carte des outre-mer. Mais il n’a pas été question de liberté pédagogique quand il s’est agi du drapeau.
Si, dans les salles de classe de Guyane, ne figurait que la Guyane sur la carte, cela ne poserait-il pas problème ? Je ne comprends donc pas que nous nous posions une telle question. On ne peut pas, d’un côté, dire que nos enfants sont la République et qu’ils doivent la respecter et, de l’autre, leur expliquer que l’on reconnaît certains territoires et pas d’autres. Cet amendement est complètement utile. J’espère vraiment qu’il sera adopté ce soir.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. L’amendement d’Antoine Karam est effectivement empreint de sagesse. La France est plurielle par son histoire et sa géographie, et c’est ce qui fait sa richesse. Je veux rassurer mon collègue.
Le jeune sénateur et vieux professeur d’histoire-géographie que je suis peut lui assurer que l’immense majorité des cartes de France affichées dans les salles de classe d’histoire-géographie font figurer non seulement l’Hexagone, mais aussi toutes ces belles possessions d’outre-mer qui sont la France. Si des cartes de France incomplètes sont apposées dans certaines classes d’histoire-géographie, alors il faut les compléter. Aussi, je voterai bien volontiers son amendement.
M. Antoine Karam. Merci, mon cher collègue !
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Je dois avouer que, ce matin, en commission, dans le flot des amendements qui ont été examinés dans un laps de temps très court, j’avais aussi voté contre l’amendement de notre collègue Karam. J’avais la préoccupation de ne pas surajouter d’obligations.
Toutefois, en relisant calmement cet amendement et après avoir entendu les arguments des uns et des autres, mon avis a évolué. Comme l’a dit Jacques Grosperrin il y a quelques instants, cet amendement ne s’inscrit pas du tout dans le même esprit.
Au travers de son amendement, Antoine Karam défend une mesure de bon sens, et le bon sens, quand il est écrit, prend encore plus de puissance. C’est pourquoi je le voterai.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Mes chers collègues, le débat sert à faire avancer les choses.
C’est le professeur d’histoire-géographie que je demeure qui a réagi vivement tout à l’heure, estimant que la carte est un document pédagogique, qui répond à un programme. Lorsqu’il s’agit de situer la France dans le monde, il est d’une évidence absolue que les territoires d’outre-mer doivent être représentés.
S’il s’agit, à l’instar des symboles de la République que nous avons évoqués précédemment, d’afficher la France dans sa plénitude, je n’ai jamais imaginé ne pas considérer les territoires ultramarins comme pleinement français. S’il s’agit donc d’un symbole, alors oui, la carte doit représenter la France située en Europe et dans le reste du monde. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Jacques Grosperrin et Michel Vaspart applaudissent également.)
Comme l’a relevé Laurent Lafon, la commission n’a peut-être pas examiné la question sous le même angle. En conséquence, j’émets un avis de sagesse sur l’amendement de M. Karam. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 231.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er bis B est rétabli dans cette rédaction.
Article 1er bis C
Après l’article L. 511-3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 511-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-3-1. – Aucun élève ne doit subir de harcèlement scolaire. »
Mme la présidente. L’amendement n° 406, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 511-3-1. – Aucun élève ne doit subir, de la part d’autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d’apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Cet amendement présente, à mes yeux, une grande importance dans la mesure où, pour la première fois, il vise à consacrer juridiquement la lutte contre le harcèlement scolaire.
Il convient de prendre très au sérieux ce phénomène, qui n’est pas spécifiquement français. Ce phénomène mondial, qui a des racines anciennes dans l’école, ce phénomène anthropologique d’une certaine façon, conduit à ce que des élèves peuvent se sentir persécutés par d’autres élèves, notamment des groupes d’élèves.
Il faut lutter d’autant plus résolument contre ce phénomène scolaire et anthropologique que les nouvelles technologies sont telles qu’il se déploie encore plus. Je pense évidemment au cyberharcèlement, qui est devenu très grave : le harcèlement ne s’arrête pas aux portes de l’établissement ; il poursuit nos enfants dans leur vie hors de l’école, ceux-ci étant très souvent sur les réseaux sociaux. Aussi, ce problème doit évidemment être pris à bras-le-corps, même s’il est très difficile de le résoudre.
Comme vous le savez, nous avons pris un certain nombre de mesures dans la continuité, là aussi, de celles qui ont été engagées par les gouvernements précédents, en portant l’accent sur les actions de sensibilisation au harcèlement en général, mais aussi à certains types de harcèlements. Nous voulons aller beaucoup plus loin en demandant à chaque établissement d’évoquer ce sujet, en faisant en sorte que cette question soit systématiquement envisagée dans le cadre de la formation des professeurs. Nous devons avoir la culture de la lutte contre ce harcèlement à la racine. Il faut également que les élèves soient formés à lutter eux-mêmes contre le harcèlement quand ils le rencontrent.
Nous avons eu précédemment une discussion sur la morale. On ne peut évidemment ne pas y penser sur ce point. On met les mots que l’on veut sur les sujets, mais il s’agit là, selon moi, d’un sujet moral : ce n’est pas bien de harceler autrui. On doit en prendre conscience le plus tôt possible.
Peu importe la façon dont on qualifiera le harcèlement, ce qui compte, c’est la lutte contre ce phénomène. À cet effet, il faut prévoir une base juridique renforcée.
Tel est le sens de cet amendement que je vous présente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 489, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Amendement n° 406, alinéa 3
Supprimer les mots :
, de la part d’autres élèves,
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, par le biais de votre amendement, qui est logique, vous limitez volontairement le harcèlement scolaire à celui entre les élèves.
Cette disposition est quelque peu restrictive. En effet, nous pouvons imaginer que le harcèlement soit malheureusement le fait d’autres acteurs de l’école, des enseignants, des parents, des personnels « civils ». Voilà pourquoi il conviendrait de ne pas viser uniquement les enfants. L’actualité, les faits divers montrent que se trouvent parfois dans l’école des personnes qui ne devraient pas y être ! Leur place est ailleurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Permettez-moi de revenir sur les raisons pour lesquelles la commission a réécrit, sur ce sujet grave, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Nous avons estimé que la rédaction était trop complexe, car ce sujet mérite d’être explicité de manière extrêmement simple et forte.
Voilà pourquoi nous avons proposé une rédaction d’une grande simplicité,…
Mme Sonia de la Provôté. Exactement !
M. Max Brisson, rapporteur. … mentionnant : « Aucun élève ne doit subir de harcèlement scolaire. »
Mme Sonia de la Provôté. Tout à fait !
M. Max Brisson, rapporteur. M. le ministre nous propose une autre rédaction qui, certes, a aussi le mérite de dire les choses fortement, simplement et clairement.
En conséquence, concernant cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Pour ce qui concerne le sous-amendement de notre collègue Grand, qui tend à supprimer la référence aux « autres élèves », les éventuels faits de harcèlement commis par un enseignant, un personnel ou un parent d’élève relèvent d’un autre cadre et, essentiellement, du droit pénal. Aussi, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 489 ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mes arguments rejoignent ceux du rapporteur. Je ne méconnais pas les phénomènes que vous avez décrits, monsieur le sénateur, mais il est bon de distinguer les faits qui relèvent de l’action d’élèves envers d’autres élèves, autrement dit de mineurs envers d’autres mineurs, de ceux qui relèvent de l’action d’adultes vis-à-vis de mineurs. C’est un problème distinct, qui ne s’apparente pas forcément au harcèlement. Nous n’avons pas intérêt à mettre ces actions répréhensibles sur le même plan.
J’émets donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, même si j’en comprends l’inspiration.
Mme la présidente. Monsieur Grand, le sous-amendement n° 489 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 489 est retiré.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote sur l’amendement n° 406.
Mme Maryvonne Blondin. La lutte contre le harcèlement scolaire est un sujet vraiment difficile, et il me semble important que vous la développiez, monsieur le ministre. Je souhaite toutefois vous demander des précisions sur le plan de lutte contre les violences à l’école. Est-il déjà mis en œuvre ? Dans le cas contraire, quand le sera-t-il ? Intégrera-t-il le thème du harcèlement ? Enfin, comment sera-t-il diffusé ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Cet amendement est intéressant, monsieur le ministre. J’insiste de nouveau sur l’importance des notions de bien et de mal. Les élèves ont souvent l’impression de se prêter à un jeu et n’ont pas le sentiment de faire du mal. Malheureusement, ces jeux aboutissent parfois à la mort. Je connais ainsi le cas d’un adolescent qui s’est pendu parce qu’il n’en pouvait plus. Pourtant, il avait déposé plainte au commissariat, où il s’était rendu avec ses parents. L’école avait fait son travail, en accompagnant cet enfant. Mais aucune mesure n’a été prise ensuite. La police et la justice doivent également mieux prendre en compte la parole de ces adolescents en souffrance. Il ne suffit pas toujours d’attendre pour que cela s’arrange, et, sur ce point, monsieur le ministre, j’ai peur que ce texte ne s’arrête aux portes de l’école, alors qu’il faudrait aller au-delà, jusqu’au niveau de la justice.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’interviendrai brièvement, notamment pour répondre à la question de Mme Blondin sur la lutte contre la violence à l’école.
Nous devons avoir une stratégie complète et cohérente de lutte contre les phénomènes de violence dans le système scolaire, le harcèlement en faisant évidemment partie.
La question des violences a déjà fait l’objet, en novembre dernier, d’un premier train de mesures concernant l’éducation nationale stricto sensu – on ne le souligne pas assez. Je pense au signalement systématique de tous les faits, à la simplification des conseils de discipline, et plus généralement au travail sur la remontée de l’information et la réaction de l’institution.
Nous avons parlé des équipes que nous avons formées sur la laïcité, le racisme et l’antisémitisme. Elles sont parfois amenées à intervenir également sur les problèmes de violence.
Certains sujets de violence scolaire relèvent du niveau interministériel. Ce n’est pas le cas du harcèlement, que l’éducation nationale a la capacité de régler seule, même si des coopérations peuvent exister avec d’autres instances.
Les sujets interministériels sont par définition complexes, ils impliquent également la justice, la police et les affaires sociales, et il est vrai que nous avons à plusieurs reprises repoussé l’échéance pour approfondir la réflexion. Mais il a toujours été prévu que ce travail aboutisse à la rentrée 2019, et ce sera effectivement le cas.
Votre question comportait une triple dimension, madame la sénatrice : la sécurité aux abords des établissements – et donc, dans une certaine mesure, la coopération entre l’éducation nationale, la police et la justice –, la coresponsabilisation des familles – ce sujet, que nous avons commencé à aborder, suppose une approche fine et individualisée, en lien avec les administrations sociales et les collectivités locales – et, enfin, la création ou la réarticulation de structures dédiées aux élèves « polyexclus », lesquels nécessitent un suivi particulier, notamment au travers des dispositifs relais.
Sur ces trois volets, le travail interministériel débouchera sur des annonces au mois de juin. Il emportera des dispositions réglementaires, qui feront l’objet de toute la concertation et la publicité nécessaires pour être opérationnelles à la rentrée de septembre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis C, modifié.
(L’article 1er bis C est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er bis C
Mme la présidente. L’amendement n° 322 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 312-16 du code de l’éducation est complétée par les mots : « et sensibilisent les élèves aux violences sexistes et sexuelles ».
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Les séances d’information et d’éducation à la sexualité dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées doivent permettre de faire reculer les violences sexistes et sexuelles, afin de véritablement contribuer à la lutte contre ces violences et de promouvoir effectivement une vision égalitaire entre les femmes et les hommes.
L’âge moyen auquel se fait une première visite sur un site pornographique est de 14 ans et 5 mois, selon une étude de l’IFOP. Il s’agit là de visites volontaires, mais si nous parlons d’exposition à des images pornographiques, un enfant a en moyenne 11 ans lorsqu’il est exposé pour la première fois à du contenu pornographique en ligne, selon une enquête conduite par l’association Ennocence. Sont notamment en cause les fenêtres pop-up, les publicités ou le visionnage forcé par une tierce personne.
L’exposition à ces images n’est pas sans conséquence, les enfants et les adolescents ayant du mal à prendre de la distance avec celles-ci. Comme le souligne le docteur Laurent Karila, psychologue et spécialiste de l’addiction sexuelle, cela génère des traumatismes. Visionner une scène pornographique à un âge très précoce – 7 ou 8 ans – est psychiquement similaire à un abus sexuel, à cause de la violence des images.
Le visionnage de scènes pornographiques a aussi une incidence sur la construction de la sexualité. Selon le sondage de l’IFOP, près d’un adolescent sur deux a tenté de reproduire des scènes vues dans des films pornographiques. Au-delà des pratiques, les élèves visionnant ces images intériorisent les rapports de force et des stéréotypes dégradants pour les femmes.
Les femmes sont très souvent représentées comme des objets et leur « non » signifie un « oui ». L’exposition précoce à la pornographie favorise donc la culture du viol.
Les élèves concernés par ces séances sont de plus en plus exposés, et ce de plus en plus jeunes, à des images violentes qui peuvent les traumatiser et influencer leur comportement.
Face à la diffusion de ces images, les établissements scolaires sont des lieux privilégiés pour déconstruire ces contenus violents et lutter contre la reproduction des violences sexistes et sexuelles.
En informant et en sensibilisant les élèves, on peut aussi les avertir. Si jamais ils sont victimes ou témoins de tels comportements, ils sauront que ces actes sont à dénoncer et ne sont pas acceptables.
Alors que les images et les vidéos pornographiques banalisent les violences sexistes et sexuelles, les établissements scolaires doivent combattre celles-ci et contribuer à l’apprentissage d’un comportement et d’une sexualité se pratiquant dans le respect des autres et de soi.
Mme la présidente. L’amendement n° 320 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 542-3 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au moins une séance annuelle d’information et de sensibilisation les violences faites aux femmes et sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est inscrite dans l’emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées. »
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Les lieux d’enseignement sont des places privilégiées pour sensibiliser chacune et chacun aux violences faites aux femmes, aux violences sexistes et sexuelles.
Ces violences se pratiquent dans les établissements scolaires et prennent de très nombreuses formes, comme le montre le dossier de L’Express « Sexisme à l’école, silence dans les rangs », qui dénonce des attouchements sexuels et d’autres formes de violence.
Afin d’endiguer ces violences sexistes et sexuelles et les violences faites aux femmes, il est nécessaire que, dès le plus jeune âge et tout au long de leur scolarité, les élèves y soient sensibilisés. Sans cet enseignement, les violences sexistes et sexuelles se perpétueront.
Il s’agit dès lors de prendre en compte cette problématique pour mieux éduquer nos enfants. L’école est le lieu idéal pour le faire, les parents étant quelquefois complètement démunis.
Nous ne pouvons pas combattre les actes dans les cours d’école, de collège ou de lycée, et plus largement dans la société, si nous ne formons pas les élèves.
Il s’agit également d’informer les jeunes filles, qui ne savent pas forcément quelle réaction adopter, sur les recours, les numéros de téléphone et la manière de se comporter. Il s’agit aussi de leur donner tous les éléments leur permettant de savoir ce qu’est une violence si elles sont concernées.
Par ces séances d’information et de sensibilisation, nous éduquerons les élèves au respect d’autrui et nous leur apprendrons à détecter, combattre et empêcher la reproduction de ces violences.
Grâce à cette sensibilisation, les jeunes seront alors plus à même de repérer les violences faites aux femmes, les violences sexistes et sexuelles et de prévenir les équipes pédagogiques ou toutes les personnes ressources qui sont présentes dans les établissements. De la même manière, les élèves seront armés pour repérer les violences en dehors des établissements scolaires et les combattre. C’est aussi un outil pour les professeurs, qui sont souvent démunis face à la violence des rapports entre les garçons et les filles, un phénomène qui les submerge.
Par cet amendement, il s’agit de former les citoyens et les citoyennes au respect de l’autre et à la construction d’une société non violente et non sexiste.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Ces deux amendements traitent de questions extrêmement importantes. Bien sûr, l’école est un lieu où l’on doit déconstruire un certain nombre de représentations et aborder ces questions.
S’agissant de l’amendement n° 322 rectifié, présenté par Mme Monier, je veux toutefois appeler votre attention sur le fait que la sensibilisation des élèves à cette question fait déjà partie de l’éducation à la sexualité, qui traite dès l’école primaire de la prévention des violences sexistes et sexuelles, en application notamment d’une circulaire du 12 septembre 2018.
En outre, l’article L. 121-1 du code de l’éducation évoque également cette question et prévoit la sensibilisation des personnels enseignants aux violences sexistes et sexuelles et à la formation au respect du non-consentement.
L’amendement n° 322 rectifié me semble donc d’ores et déjà largement satisfait par le droit existant.
Il en est de même de l’amendement n° 320 rectifié, présenté par Mme Jasmin. Ces thématiques sont également abordées dans le cadre de l’éducation à la sexualité et de l’éducation morale et civique.
Par ailleurs, je ne suis pas favorable à ce que la loi prescrive une séance annuelle d’information. L’école peine à répondre à toutes ces injonctions. On en voit bien les limites avec l’éducation à la sexualité, l’obligation de proposer trois séances annuelles étant peu appliquée. Je préfère que ces questions importantes soient pleinement intégrées dans les programmes et qu’on applique ces derniers.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. De nouveau, nous débattons d’un sujet très sérieux et nous ne pouvons que souscrire à vos interventions, mesdames les sénatrices. Le diagnostic que vous avez posé est pertinent, et votre description du phénomène malheureusement bien réelle. Nous sommes déterminés à agir, et j’en discute fréquemment avec Marlène Schiappa pour coordonner notre action.
Comme vient de le dire le rapporteur, les bases législatives de l’action figurent déjà dans le code de l’éducation, et je suis très attentif à leur mise en œuvre.
La circulaire que j’ai signée le 12 septembre 2018 concourt à l’effectivité des trois séances évoquées. Nous y veillons, en étant évidemment respectueux des différents âges de la vie et en privilégiant des approches adaptées à l’école primaire, au collège et au lycée.
Nous voulons dispenser une véritable éducation à la sexualité et alerter sur tout ce qui a trait aux violences sexuelles. Il s’agit aussi, de façon complémentaire, d’agir sur ce qui relève non pas de la violence sexuelle stricto sensu, mais du problème de l’extension de la pornographie et de son accès par les élèves dès le plus jeune âge. L’action doit être multifactorielle. Lorsque l’on interdit les téléphones portables dans tous les collèges de France, en plus des écoles primaires, on agit aussi sur cette question – certains acteurs m’en ont d’ailleurs parlé –, même si cette seule mesure n’est pas suffisante.
De même, lorsque nous lançons des campagnes contre le cyberharcèlement à connotation sexuelle, nous luttons contre les stéréotypes et contre ce que vous avez dénoncé dans vos deux interventions.
Bien entendu, nous devons aller plus loin, mais la base législative existe déjà.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements. Mais je suis totalement mobilisé pour œuvrer dans le sens que vous souhaitez, mesdames les sénatrices. Notre action s’appuiera sur les bases législatives existantes et se renforcera à l’avenir, en concertation avec vous je l’espère.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Je veux tout d’abord souligner que ces amendements ont été proposés par ma collègue Laurence Rossignol.
Je regrette les propos du rapporteur, qui souligne que l’on peine déjà à organiser trois séances sur l’éducation sexuelle par an. Alors que le nombre de femmes décédées ou victimes de violences a augmenté cette année, on ne peut pas se contenter de l’existant, a fortiori s’il n’est pas appliqué !
C’est fondamental pour le respect de notre race humaine et pour notre dignité. Certaines actions sont déjà organisées, mais elles sont visiblement insuffisantes. Il est important de le rappeler et de faire en sorte que l’on avance significativement sur ce sujet.
Je vous propose donc de voter en faveur de ces deux amendements, mes chers collègues.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit passé. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 1er bis D
(Supprimé)
Article additionnel après l’article 1er bis D
Mme la présidente. L’amendement n° 384 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Jasmin, Bonnefoy et Féret, M. Vaugrenard, Mmes Guillemot et Meunier, MM. M. Bourquin et Daudigny, Mmes Van Heghe et Tocqueville, MM. Tissot et Lalande, Mme Conway-Mouret, MM. Temal et Duran, Mmes Conconne, Perol-Dumont et Monier et MM. Lurel, Kerrouche, Jacquin, J. Bigot, Manable, Marie et P. Joly, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, après le mot : « humains », sont insérés les mots : « en particulier de l’égalité entre les femmes et les hommes, ».
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Le présent amendement vise à préciser les dispositions générales du code de l’éducation, en y ajoutant clairement l’égalité entre les femmes et les hommes.
Son adoption permettra de renforcer l’effectivité de la formation obligatoire des personnels éducatifs à l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, de garantir le caractère transversal et intégré de l’enseignement de l’égalité des sexes et, enfin, de doter la grande cause du quinquennat de leviers supplémentaires d’action à l’intention des jeunes générations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Le code de l’éducation donne pour mission au service public de l’éducation de faire acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité, autant de sujets qui me semblent pleinement inclure l’égalité entre les hommes et les femmes.
En outre, ce même code, dans son article L. 121-1, charge les écoles, collèges et lycées de contribuer à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes.
Cet amendement me semble donc déjà largement satisfait, ma chère collègue. La commission en sollicite le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’irai dans le sens du rapporteur.
Le code de l’éducation définit déjà très explicitement, dans ses dispositions générales, l’égalité entre les femmes et les hommes comme une mission fondamentale de l’école. C’est le sens notamment des articles L. 121-1 et L. 312-17-1, qui disposent que l’école contribue, à tous les niveaux, à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’orientation, ainsi qu’à prévenir les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes. Cette exigence de transmission du respect de l’égalité entre les femmes et les hommes se fait dès la formation dans les écoles élémentaires. Elle se fonde en particulier sur l’enseignement moral et civique, qui fait acquérir aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, de l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que de la laïcité.
Cela fait partie intégrante des missions des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, qui doivent « sensibiliser l’ensemble des personnels enseignants et d’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations ». Ces principes et cette ambition pour l’école trouvent une déclinaison concrète dans les objectifs et les mesures définis par la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, que nous allons renouveler pour la période 2019-2024, et qui constitue un important levier pour mettre en œuvre auprès des jeunes générations la politique d’égalité entre les femmes et les hommes, définie comme la grande cause du quinquennat.
Ce texte-cadre s’attache à développer une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes, en articulant les enjeux de pilotage de formation, d’éducation, d’orientation et de lutte contre les violences.
Je partage totalement vos propos, madame la sénatrice. Mais la base législative existe déjà, et nous voulons résolument agir sur le fondement de celle-ci.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Je suis élue et membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes depuis 2014.
Il ressort de toutes les auditions auxquelles j’ai assisté une chose véritablement essentielle : pour déconstruire les stéréotypes de genre, il faut agir très tôt, et l’école est précisément l’endroit pour le faire. Pourquoi dès lors ne pas l’inscrire dans la loi, pour réaffirmer qu’il s’agit d’une valeur que nous voulons porter ?
Je maintiens donc cet amendement et j’espère que vous serez nombreux à le voter, mes chers collègues.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 384 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis EA (nouveau)
Au deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du code de l’éducation, après le mot : « homme », sont insérés les mots : « ou de femme ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 35 rectifié est présenté par MM. Grand et Gremillet.
L’amendement n° 232 est présenté par Mme Cartron, MM. Karam, Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par les mots :
et après le mot : « citoyen », sont insérés les mots : « ou de citoyenne »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.
M. Jean-Pierre Grand. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour présenter l’amendement n° 232.
Mme Françoise Cartron. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Dès lors qu’il est écrit dans la loi, comme le propose la commission, que « la formation scolaire favorise l’épanouissement de l’enfant, lui permet d’acquérir une culture, le prépare à la vie professionnelle et à l’exercice de ses responsabilités d’homme ou de femme et de citoyen », nous préférerions qu’il soit ajouté les termes « ou de citoyenne », dans un souci de parallélisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je vais m’efforcer de défendre le point de vue de la commission, même si je ne suis pas sûr d’être suivi.
La commission a considéré que la formation scolaire devait préparer l’élève à l’exercice de ses responsabilités d’homme ou de femme et de citoyen.
Le masculin ayant valeur de neutre dans la langue française, l’ajout que vous proposez, ma chère collègue, serait de nature à nuire à la lisibilité de la loi, qui évoquerait alors les « responsabilités d’homme ou de femme et de citoyen ou de citoyenne ».
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques. Mais je laisse le Sénat en débattre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Je n’ose entendre, dans les propos de M. le rapporteur, que le féminin pourrait nuire d’une certaine manière à la force du masculin, lequel serait apparenté à une notion plus neutre.
M. Max Brisson, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !
Mme Françoise Cartron. Je maintiens mon amendement et je pense qu’il est de nature à renforcer les démarches dont nous avons parlé précédemment, qui sont inscrites dans le code de l’éducation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, vous avez avancé des arguments justes sur les amendements déposés par Mme Rossignol. Mais vous voyez qu’il reste beaucoup à faire !
Quand j’entends le rapporteur, je suis véritablement sidérée ! Il faut éduquer, même si les programmes scolaires et la législation le prévoient déjà, notamment les adultes au travers de la formation continue… (Mme Marie-Pierre Monier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. M. le ministre en appelle à la sagesse sur ces deux amendements. Je vous suggère, mes chers collègues, une très grande sagesse ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Ma chère collègue, j’ai présenté l’avis de la commission avec beaucoup de respect. Franchement, me faire dire ce que je n’ai pas dit, cela me chagrine un peu. Mais sans doute faut-il expliquer ces propos par l’heure tardive…
J’ai simplement rappelé que, dans la langue française, le masculin avait valeur de neutre. Et je suis très attaché au respect de la grammaire. C’est tout !
Mme Françoise Cartron. Mais la langue française évolue !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Je vous conseille la lecture d’un petit livre intitulé Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Nous avons, me semble-t-il, l’autorisation légale de féminiser certaines fonctions et certains métiers. Je suis donc d’avis d’ajouter « citoyen ou citoyenne » dans la loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 rectifié et 232.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.) – (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. L’amendement n° 323 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il les sensibilise également sur la nécessaire préservation de leurs environnements. »
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. La mobilisation internationale des lycéens Youth for Climate démontre une véritable attente des élèves pour une transmission des savoirs toujours plus approfondie en matière de transition écologique.
Le présent amendement vise à intégrer la dimension environnementale dans le partage des valeurs de la République comme mission première du service public de l’éducation. Les dispositions générales du code de l’éducation sont ainsi enrichies de la notion de respect et de préservation de l’environnement, au même titre que la dignité des êtres humains. Cet alignement de valeurs est indispensable pour préparer les jeunes générations aux profonds changements qui les attendent en matière de transition écologique. Il répond également à une attente légitime de leur part sur le rôle de l’institution éducative comme relais de diffusion des valeurs écologiques. Placer la préservation de l’environnement au même niveau de valeur que la dignité humaine est un symbole fort envoyé aux élèves et à leur famille.
C’est aussi un outil supplémentaire, afin de renforcer la transmission de moyens concrets pour agir favorablement sur leurs environnements directs et de penser la transition écologique de manière globale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. La sensibilisation à la préservation de l’environnement est très importante, mais elle constitue déjà une des missions de l’école. L’article L. 312-19 du code de l’éducation prévoit à cet effet une éducation à l’environnement et au développement durable. En outre, je vous proposerai d’adopter la nouvelle rédaction de cet article L. 312-19 prévue à l’amendement n° 353 rectifié bis de notre collègue Hervé Maurey. Je considère que cet amendement est satisfait : avis défavorable de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il s’agit de nouveau d’un sujet très important. Vous avez eu raison, madame la sénatrice, de souligner la mobilisation internationale des jeunes, notamment des lycéens, le 15 mars dernier. Comme vous le savez, nous avons organisé des débats dans les lycées à cette occasion, qui se sont poursuivis par d’autres débats, jusqu’à donner lieu le 4 avril dernier à une grande réunion du Conseil national de la vie lycéenne, composé de délégués de lycéens. Cela a permis au ministère de l’éducation nationale d’entendre la voix de tous les lycéens de France.
Lors de cette restitution, j’ai invité mes collègues du Gouvernement chargés de l’environnement. Ce moment a été extrêmement fructueux et utile. Nous en tirerons toute une série de conséquences à la fois sur les contenus des programmes et des formations, mais aussi et surtout sur l’action quotidienne de nos élèves en matière d’environnement.
J’en profite pour souligner que cet élément sera amené à évoluer fortement à l’avenir, en cohérence avec les enjeux d’engagement en matière civique.
Nous proposerons à nos écoliers, à nos collégiens et à nos lycéens – il s’agit d’ailleurs d’une de leurs initiatives – de s’engager très concrètement sur des enjeux environnementaux immédiats les concernant. De telles actions sont loin d’être anecdotiques : certains collèges ou lycées engagés dans des démarches environnementales impliquant les élèves au quotidien parviennent aujourd’hui à diminuer par deux leur facture énergétique. Ils ont parfois une influence sur la municipalité, voire dans la vie des familles. De proche en proche, nos 12 millions d’élèves peuvent considérablement contribuer à mener des luttes concrètes au service de l’environnement.
Tout cela va évidemment dans le sens de votre proposition. Néanmoins, comme d’autres amendements précédents, cet amendement est satisfait, ainsi que l’a souligné le rapporteur, car il existe une base législative solide pour construire de telles actions. Quoi qu’il en soit, je ne peux que partager le volontarisme qui se trouve derrière l’esprit de votre proposition.
Mme la présidente. L’amendement n° 388 rectifié ter, présenté par Mme Préville et M. J. Bigot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle favorise également l’éducation manuelle. »
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, chers collègues, je parlerai d’un d’enseignement qui a complètement disparu, à savoir l’éducation manuelle. Tout enfant doit pouvoir être en mesure d’acquérir des savoirs et des savoir-faire. C’est pourquoi tout enfant a droit à une éducation manuelle, car c’est un levier puissant pour comprendre, apprendre, progresser et se construire.
En effet, la main et le cerveau sont liés et travaillent ensemble. Nous sommes nés de cela, nous avons évolué grâce à cette synergie, et ce depuis l’aube de l’humanité. Alors que notre société est de plus en plus informatisée, numérisée, dématérialisée, alors que nous avons tant besoin de prise directe avec la réalité, alors que nos enfants grandissent beaucoup trop devant les écrans, pourquoi les priver de ce ressort magnifique de connexion avec le réel, de ce chemin de facilité vers la connaissance ?
Faire avec ses mains permet d’aider à acquérir toutes les notions et de les consolider, y compris les notions les plus abstraites et les plus intellectuelles.
De plus, comment un élève qui n’a pas la chance d’avoir des parents artisans ou bricoleurs, qui donc n’a pas vu, senti, vécu ni essayé le travail manuel, et qui n’a plus goût à l’école peut-il savoir qu’il est fait pour travailler manuellement, qu’il va aimer cela et qu’il sera heureux d’embrasser une profession manuelle ?
Nous avons un problème avec l’apprentissage, qui fait souvent l’objet d’une orientation par défaut. Il tient à nous de faire en sorte que les talents de chacun de nos élèves soient révélés. Cela ne pourrait être que bénéfique pour l’élève lui-même, pour sa famille et, par-delà, pour l’ambiance dans la classe et pour l’ensemble de la société. Les élèves doués pour ces activités seront valorisés : nul doute que cela rejaillira sur toute leur scolarité, sur leur implication, y compris dans les disciplines les plus abstraites. Ils seront mieux dans leur peau et mieux dans l’école. Nous avons donc tout à y gagner !
Nous sommes nombreux ici à avoir grandi en suivant des cours d’éducation manuelle. De tels cours manquent cruellement aujourd’hui. Si tous les enfants pouvaient durant leur scolarité s’essayer à la menuiserie, à la couture, à la poterie, à la cuisine, au tricot, à la vannerie et à mille autres choses, ils pourraient s’orienter en connaissance de cause. Ils seraient alors certains que leur accomplissement est là.
Au-delà, ce serait pour tous nos élèves l’occasion unique d’aller vers plus d’autonomie en réalisant un projet concret de A à Z. Fabriquer un objet, un vêtement, apporte satisfaction et fierté, mais aussi une forme d’humilité. Cela structure la personnalité : c’est une manière de comprendre qu’il est nécessaire d’être organisé et de faire preuve de patience, vertu indispensable dans la gestion de l’ordre des étapes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Sur le fond, je suis pleinement d’accord avec Angèle Préville : la formation scolaire ne fait pas une part suffisante à l’intelligence de la main. Cela se vérifie également dans l’enseignement professionnel où l’on déplore justement la faible considération des filières de production. Toutefois, la nécessité d’inscrire la mention proposée dans l’article L. 111-2 du code de l’éducation ne me paraît pas évidente et n’aura aucune traduction concrète. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Madame la sénatrice, je partage totalement l’ensemble de vos remarques. C’est un enjeu essentiel pour l’enseignement en France que de retrouver le sens de l’éducation manuelle pour tous les élèves. Nous devons progresser sur ce point. Cela aura d’ailleurs une incidence sur la force de l’enseignement professionnel.
Vous le savez, une importante réforme de l’enseignement professionnel entrera en vigueur à la rentrée prochaine. Je l’évoquais encore hier en compagnie de Muriel Pénicaud avec qui j’ai rencontré à la Sorbonne, puis à l’Élysée, les meilleurs ouvriers de France. Avec le Président de la République, nous avons souligné à quel point nous voulions revaloriser le travail manuel, non seulement pour les meilleurs, pour ceux qui excellent en lycée professionnel ou en apprentissage dans les métiers manuels, mais aussi pour l’ensemble des élèves, quelles que soient les orientations qu’ils prendront ensuite. C’est pourquoi dès l’école primaire et au collège l’éducation manuelle est très importante.
Il se trouve aussi que j’ai examiné cette question ces derniers jours en travaillant sur les sections d’enseignement général et professionnel adapté, les Segpa. Très souvent, dans nos collèges, ces sections bénéficient d’équipements qui permettent le travail manuel, mais celui-ci est circonscrit aux seuls élèves des Segpa, ce qui accentue le côté « bulle » de cet enseignement ; nous ne le souhaitons pas. Nous envisageons donc la possibilité que ces équipements puissent également bénéficier aux autres élèves.
La question du travail manuel pose un autre problème : celui de son insertion dans les programmes de l’école et du collège, mais aussi du lycée et dans les disciplines qui y sont enseignées. Quoi qu’il en soit, la référence au sein du code de l’éducation à l’éducation manuelle est saine et me paraît de bon aloi pour permettre des évolutions futures, afin de progresser concrètement en la matière. Aujourd’hui, et contrairement à d’autres sujets que nous avons abordés jusqu’à présent, cette référence est insuffisante. C’est pourquoi je suis favorable à votre proposition.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Il ne faudra pas en rester aux incantations et il sera nécessaire d’engager un travail en amont. Nos enfants apprendraient non seulement des savoir-faire qui sont déjà précieux en soi, mais aussi et surtout – j’insiste sur ce point – ils auraient la possibilité de réaliser un projet. Enfin, j’ai oublié d’en parler, l’élève pourra laisser libre cours à sa créativité lors de ses réalisations. Il apprendra également sur lui-même, mais aussi beaucoup de belles choses sur les couleurs, les matières, les formes. Les activités manuelles ont des vertus à diffusion lente et prolongée, car les enfants qui y auront été initiés les pratiqueront aussi à l’âge adulte. Or ces activités apportent épanouissement et sérénité. C’est donc un bien pour la société tout entière, une richesse qui, avec le sport et la culture, constitue un viatique vers une certaine forme de bonheur. Kant disait : « car c’est dans le problème de l’éducation que gît le grand secret de la perfection de la nature humaine » !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je me félicite de l’intervention de Mme Préville et de la réponse de M. le ministre. Notre pays connaît une carence depuis fort longtemps en matière d’éducation manuelle. Indépendamment de tout ce qu’a rappelé Mme Préville sur le fait que le travail manuel révèle d’autres formes de savoirs et d’intelligences, la compréhension des mécanismes technologiques suppose, dans bien des cas, la confrontation avec une action manuelle. Notre système éducatif laisse peu de temps à ce travail et aux nouvelles formes pédagogiques d’apprentissage. Bien sûr, la couture et la cuisine, c’est passionnant, surtout dans un pays comme la France, mais il n’en demeure pas moins qu’il importe de diversifier le rapport à l’éducation manuelle. On ne souligne pas assez souvent que c’est un des éléments de carence de notre système quand on le compare avec celui des autres pays à l’étranger.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Je veux vous parler, mes chers collègues, d’Anthony, salarié sur mon exploitation agricole. Anthony est intelligent, mais il s’est fait massacrer par le système scolaire. Il est arrivé à la ferme totalement dévalorisé, exerçant une profession qu’on lui avait mise dans les mains et qui ne lui plaisait pas. Il n’a pas véritablement choisi son orientation.
Mon associé et moi-même avons détecté tout le potentiel d’Anthony, qui a l’intelligence de la main, une intelligence intuitive du travail bien fait, qu’il apprécie. Il s’est ainsi pleinement épanoui.
C’est pourquoi je soutiens vigoureusement l’amendement de Mme Préville. Il me semble possible de mieux valoriser les jeunes Français, quelles que soient leurs aptitudes innées. Monsieur le rapporteur, après l’explication intéressante de M. le ministre, quelle est désormais votre position sur cet amendement, qui tend à introduire plus d’égalité dans notre République en favorisant également l’éducation manuelle ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories, pour explication de vote.
Mme Pascale Bories. Je suis moi aussi favorable à cet amendement, car nous devons favoriser le travail manuel. Nous devons également encourager les vocations professionnelles futures dans ce domaine-là. Ma génération a connu les cours d’éducation manuelle. Il s’agit d’un apprentissage nécessaire et il importe de le développer. Il est essentiel de trouver enfin une corrélation entre les vocations et des chefs d’entreprise qui cherchent désespérément du personnel dans le secteur manuel. Cela doit passer par la passion du travail manuel qu’il convient de développer dès le primaire et dans le secondaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 388 rectifié ter.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis EA, modifié.
(L’article 1er bis EA est adopté.)
Article 1er bis E
(Supprimé)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 43 amendements au cours de la journée ; il en reste 351.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Adoption des conclusions de la conférence des présidents
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents.
Elles sont donc adoptées.
12
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 15 mai 2019, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (texte de la commission n° 474, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 15 mai 2019, à zéro heure trente.)
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER