M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, auteur de la question n° 738, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Sophie Joissains. Ma question concerne les effectifs de police affectés à la circonscription d’Aix-en-Provence, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)
Les effectifs de police dans la ville d’Aix-en-Provence travaillent en flux tendus depuis plusieurs années. De surcroît, ils sont confrontés à une forte augmentation de leur charge en 2019.
La capacité de la prison d’Aix-Luynes vient d’être doublée. Prête à accueillir 2 000 détenus, elle est devenue au cours de cette année le troisième centre pénitentiaire de notre pays. La cour d’appel d’Aix-en-Provence, la deuxième de France, a dû ouvrir une quatrième session d’assises en urgence.
Ces charges sont exceptionnelles et se traduisent par une mobilisation croissante des effectifs de police existants, ce qui diminue d’autant le nombre d’agents exerçant effectivement des missions sur la voie publique.
Le nombre des cambriolages augmente significativement et connaît un pic jamais atteint ces dernières semaines.
Chaque jour ouvré, la CSP d’Aix-en-Provence mobilise trente-cinq fonctionnaires pour assurer les différentes charges judiciaires. Une vingtaine de postes sont nécessaires pour l’extraction et la réintégration des détenus en maison d’arrêt, une dizaine en police d’audience. S’y ajoutent six officiers de police judiciaire spécialisés dans le contentieux lié à la maison d’arrêt, lesquels sont en nombre à peine suffisant pour le contentieux existant au sein du seul premier bâtiment.
L’augmentation des charges liées à la prison de Luynes se traduit aussi par une explosion du nombre des transferts sanitaires et gardes de détenus à l’hôpital. Chaque garde est effectuée, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec relève par deux ou trois fonctionnaires du commissariat selon les cas. Il est à présent courant que deux détenus soient gardés simultanément, avec quatre à six agents mobilisés en permanence.
Des renforts substantiels sont cruciaux pour continuer à assumer la sécurité judiciaire, gérer correctement le quotidien du centre pénitentiaire et, enfin, assurer normalement les missions sur la voie publique – en bref, la sécurité quotidienne des habitants. Pour exemple, il n’y a aujourd’hui pas plus de policiers sur la voie publique aixoise que sur celle de la ville de Salon-de-Provence, qui n’atteint pas tout à fait le tiers des habitants d’Aix.
J’alerte le ministère depuis juin 2018. On peut craindre la survenue de dysfonctionnements lourds, et cette demande d’effectifs a pris un caractère d’urgence. Qu’avez-vous prévu de faire, monsieur le secrétaire d’État ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. À Aix-en-Provence, comme ailleurs, les moyens doivent tenir compte des charges pesant sur les services, par exemple celles qu’engendre la proximité d’un établissement pénitentiaire.
Ainsi, l’effectif cible fixé pour les services territoriaux de la sécurité publique avait pleinement pris en compte, dans le cadre des mouvements de mutation de 2018, l’extension du centre pénitentiaire d’Aix-Luynes. Cela constitue effectivement un enjeu majeur pour la circonscription d’Aix-en-Provence, qui assure quotidiennement nombre de missions au bénéfice de l’autorité judiciaire, liées au fonctionnement du tribunal de grande instance et de la cour d’appel. Ces « contraintes » s’accroissent depuis l’ouverture, en janvier 2019, d’une quatrième section de la cour d’assises et le doublement des capacités d’accueil du centre pénitentiaire l’année dernière.
Cette charge de travail « judiciaire » impose régulièrement de mobiliser diverses unités du commissariat, au détriment des capacités opérationnelles de voie publique.
Face à cette problématique, et c’est le sens de votre question, madame la sénatrice Joissains, nous agissons depuis le début du quinquennat pour permettre aux forces de l’ordre de se recentrer sur leurs missions prioritaires. Nous intensifions notamment les efforts pour supprimer les tâches indues ou encore alléger la procédure pénale. Le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice travaillent également ensemble pour une répartition plus rationnelle des tâches.
S’agissant d’Aix-en-Provence, la situation va évoluer positivement dans les mois à venir. Les missions de transfèrement, de garde dans les locaux des juridictions et de présentation de détenus aux magistrats seront reprises par les services du ministère de la justice, ce qui permettra de redéployer des policiers sur la voie publique. Toutefois, les services de police d’Aix-en-Provence continueront d’assurer certaines tâches liées à la cour d’assises et au centre pénitentiaire d’Aix-Luynes.
La question des effectifs conservera donc toute son importance, je ne le nie pas. À ce jour, cette circonscription bénéficie d’un nombre de gradés et de gardiens de la paix conforme à son effectif de référence, soit 232 agents du corps d’encadrement et d’application. C’est dix de plus qu’à la fin de l’année 2016. Prise dans son ensemble, cette circonscription de police dispose d’un effectif de 313 agents, contre 306 à la fin de 2016.
Des efforts s’imposent certainement encore. Nous veillerons donc, dans le cadre des mouvements de mutation de 2019, à assurer les renforts nécessaires à la police nationale pour faire face aux sujétions que fait peser sur elle le fonctionnement des juridictions et du centre pénitentiaire.
Je puis vous assurer, madame la sénatrice, de mon attention toute particulière pour la situation de cette circonscription, que je connais bien, comme vous l’avez rappelé.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour la réplique.
Mme Sophie Joissains. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, mais cette demande étant déjà ancienne, j’en appelle à votre vigilance. Aujourd’hui, nous rencontrons des problèmes croissants s’agissant des missions concernant la voie publique, avec des répercussions que ce soit en matière de cambriolages ou sur nos quatre quartiers prioritaires.
risque de tsunami et alerte descendante
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 739, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Roland Courteau. À la suite des recommandations que j’avais formulées dans le cadre de l’Opecst sur le risque tsunami sur les côtes françaises, le Cenalt, le Centre d’alerte aux tsunamis, est opérationnel depuis 2012. Il couvre la Méditerranée occidentale et l’Atlantique Nord-Est.
L’alerte « montante » vers les autorités chargées de la sécurité civile fonctionne bien, j’ai pu le vérifier. Cependant, des insuffisances demeurent s’agissant d’une alerte « descendante » performante vers les populations, les communes et les préfectures, compte tenu de la nécessité de respecter des temps de réaction très courts.
Plusieurs faiblesses sont apparues à ce niveau. Outre des délais de transmission de l’alerte trop longs, avec une multiplication des intermédiaires aggravant la situation, la sensibilisation et la préparation des populations en cas d’alerte se révèlent insuffisantes. Par quels moyens alerte-t-on ? Haut-parleurs, panneaux lumineux ? La ville de Cannes s’est équipée en ce sens. C’est d’ailleurs, à ma connaissance, un cas unique sur notre littoral. Comment améliorer l’articulation entre alerte « montante » et alerte « descendante » ? Le Cogic ne manquerait-il pas d’effectifs ?
L’État, m’a-t-on dit, peut disposer de 5 000 sirènes pour couvrir les plages de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et de la côte Languedoc-Roussillon de l’Occitanie. Pourquoi attendre ?
Par ailleurs, les Antilles, La Réunion et Mayotte apparaissent démunies en matière de dispositifs d’alerte. Je suggère donc que le Cenalt puisse couvrir ces zones, ce qui représenterait une dépense, non pas de millions, mais de quelques milliers d’euros seulement.
Tenant sur le sujet un rapport à votre disposition, monsieur le secrétaire d’État, je rappelle que l’opinion publique accepte de moins en moins de voir les populations non protégées, alors même que des dispositifs d’alerte peuvent être instaurés pour sauver des vies humaines.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Exposée au risque tsunami, la France a mis en place des mécanismes d’alerte et d’anticipation qu’il convient d’améliorer constamment.
La cinétique très rapide du phénomène tsunami nécessite une réaction tout aussi rapide de la chaîne d’alerte, impliquant le Centre d’alerte aux tsunamis, le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, les services déconcentrés de l’État, les services d’incendie et de secours, ainsi que les collectivités territoriales.
Pour tester et améliorer l’efficacité de nos procédures, des exercices sont régulièrement organisés : il y en a eu quinze depuis le mois de mars 2017.
La totalité des messages d’alerte émis par le Cenalt a été relayée par le Cogic en moins de dix minutes, à la seule exception de l’exercice du 5 novembre 2018, au cours duquel l’envoi du message d’alerte est intervenu trente minutes après.
M. Roland Courteau. Eh oui ! C’est ça qui est grave !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. La récurrence de ces exercices doit précisément permettre d’identifier les points de procédure à améliorer.
Il semble néanmoins nécessaire de raccourcir encore le délai entre l’alerte « montante » du Cenalt vers le Cogic et l’alerte « descendante » vers tous les acteurs. À cet effet, une réflexion collective est engagée afin d’optimiser cette alerte « descendante ». Ainsi, l’extension des missions du Cenalt, afin d’englober cette dernière, est inscrite à l’ordre du jour du prochain comité de pilotage du Centre, prévu ce mois-ci.
S’agissant des moyens d’alerte des populations, au 5 avril 2019, 1 865 sirènes ont été installées et raccordées au logiciel de déclenchement, soit près de 75 % du contingent cible de 2 500 sirènes fixé au titre de la première phase de déploiement qui s’achèvera en 2021.
L’alerte est multicanal et fait intervenir les médias, les collectivités territoriales, les partenaires et, à l’avenir, la téléphonie mobile.
Nous développons également des mesures de sensibilisation et d’information des populations : un guide pédagogique, relatif à l’alerte et aux mesures de protection en cas de tsunami, a ainsi été diffusé aux préfectures concernées le 22 février 2019.
Enfin, s’agissant de l’opportunité d’étendre les missions du Cenalt à l’outre-mer, notamment aux départements que vous avez cités, monsieur le sénateur Courteau, je tiens à préciser que la mission d’alerte aux tsunamis outre-mer est déjà assurée par des systèmes d’alerte internationaux.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour la réplique.
M. Roland Courteau. Nos dix millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, répartis sur tous les océans, soulignent notre vulnérabilité face au risque de tsunami. Mon intervention de ce jour, monsieur le secrétaire d’État, ne vise qu’à vous demander d’améliorer le dispositif existant en matière d’alerte « descendante ».
Vous indiquez que certaines réflexions sont en cours, que des décisions pourraient être mises en œuvre… Je prends note de votre réponse, dont je ferai part à l’Opecst pour suite à donner. Mais je précise une fois de plus qu’il est question, ici, de protéger des vies humaines, car si le phénomène est rare et imprévisible, il n’en est pas moins dévastateur. On peut parier sur sa rareté, mais gare si une catastrophe arrive ! Les responsabilités de chacun seront alors engagées !
activités du parti « égalité et justice »
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 777, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Pierre Ouzoulias. Très récemment, à propos du génocide des Arméniens, le Président de la République de Turquie, M. Erdogan, déclarait : « Le déplacement en Anatolie orientale des gangs arméniens et de leurs partisans, qui ont massacré le peuple musulman, y compris les femmes et les enfants, est la mesure la plus raisonnable qui puisse être prise dans une telle période. »
Je rappelle ici solennellement que le Parlement de la République française, le Parlement européen et de nombreux parlements à travers le monde ont reconnu officiellement le génocide des Arméniens.
En France, le parti qui se donne pour nom « égalité et justice », relais officieux du parti de la justice et du développement, l’AKP, du président Erdogan, défend au grand jour la négation du génocide arménien. J’ai déjà saisi le ministère de l’intérieur sur ces actions odieuses et condamnables.
Investi dans les dernières élections législatives et, maintenant, pour les futures élections municipales, le parti égalité et justice demande aussi officiellement un moratoire sur la laïcité, c’est-à-dire la suspension d’un des principes constitutifs de notre République. En cela, il développe en France le programme de son inspirateur turc, qui promeut, en Turquie et partout en Europe, un islam politique rétrograde, anti-laïque et anti-occidental.
Monsieur le secrétaire d’État, plusieurs membres du gouvernement auquel vous appartenez avaient, dans le passé, dénoncé les ingérences d’un grand pays européen dans le déroulement de la campagne présidentielle. À quelques mois du scrutin de mars 2020, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour que le parti égalité et justice ne concoure pas aux tentatives d’immixtion du gouvernement turc et du parti de la justice et du développement dans les futures élections municipales françaises ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Je partage naturellement votre préoccupation, monsieur le sénateur Ouzoulias, quant à toute ingérence étrangère dans notre système démocratique lors des prochaines élections municipales sur notre sol. Toutefois, en matière électorale, plusieurs principes juridiques éminents s’imposent à tous et, en premier lieu, aux pouvoirs publics.
Tout d’abord, le pluralisme des courants de pensée et d’opinion est le corollaire de la démocratie. Cette notion a été consacrée comme objectif à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel, avant même son inscription à l’article 4 de la Constitution par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Ensuite, le principe en matière électorale est la liberté de se porter candidat. Un citoyen, dès lors qu’il remplit les conditions pour se présenter à l’élection, ne peut être déclaré inéligible en l’absence de texte.
L’exigence démocratique impliquant une très grande liberté de candidature, l’inéligibilité s’apprécie strictement : elle n’existe pas sans texte, pas plus qu’elle ne saurait exister au-delà des textes applicables.
Ce principe trouve d’abord sa mise en œuvre lors de la candidature. Pour les élections municipales, que vous évoquez, les conditions d’éligibilité se résument ainsi : avoir 18 ans révolus, justifier d’une attache avec la commune où le candidat se présente et ne pas être privé de toute capacité électorale.
En outre, rien n’impose au candidat, lors du dépôt de sa candidature, de mentionner le soutien qu’il reçoit d’une formation politique, quelle qu’elle soit. S’il le fait, cette affirmation ne peut justifier à elle seule un refus d’enregistrer sa candidature.
Une fois l’élection acquise, et seulement après, dans le cadre d’un contentieux électoral, l’éligibilité peut être contestée devant le juge administratif.
Le Gouvernement est attaché à notre système démocratique et veillera, par sa neutralité et son impartialité, à la préservation de ces principes.
Pour autant, nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que des risques d’ingérence étrangère existent. Aussi, il revient au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale – organisme interministériel placé auprès du Premier ministre –, avec, à ses côtés, l’ensemble des services de renseignement, notamment de renseignement intérieur, de détecter, puis de répondre aux ingérences étrangères, de quelque nature qu’elle soit. Or vous savez avec quelle détermination ces services s’acquittent de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. J’entends vos engagements, monsieur le secrétaire d’État, mais sachez que je continuerai, comme je le fais ici en permanence, de vous saisir officiellement sur cette question, afin que votre ministère, mais aussi toute notre République agissent avec force contre la propagande visant le principe constitutionnel de laïcité, d’une part, et, d’autre part, pour honorer la mémoire des Arméniens et des Arméniennes victimes du génocide perpétré par l’État turc.
titres d’identité
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 789, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Olivier Paccaud. S’il y a bien une demande qui rythme nos campagnes, c’est la volonté d’un retour des services publics de proximité. Proximité : que signifie ce mot si usité dans le vocabulaire politique actuel ? Quelque chose qui se trouve à peu de distance et proche dans le temps !
S’il en est ainsi, la fonctionnalité n’est décidément pas de mise lorsqu’il s’agit, entre autres actes administratifs, de la délivrance des titres d’identité.
Il n’y a pas si longtemps, chaque citoyen pouvait effectuer des démarches dans sa mairie. Désormais, si l’on prend l’exemple de mon département de l’Oise, on se retrouve avec un service concentré dans 27 communes sur 679, qui bloque par son volume et ses délais, coûte cher aux communes d’accueil et occasionne une dépense, en temps, comme en carburant, pour les Français ayant à se déplacer.
Cette mesure n’aura donc fait que des mécontents.
Les élus locaux voient un service leur échapper alors qu’ils n’avaient rien demandé.
Les communes équipées reçoivent une compensation pouvant désormais, dans certains cas, atteindre 12 130 euros annuels. Des efforts ont été faits, et c’est une bonne chose, mais cette somme s’avère très nettement inférieure au coût réel de la prestation imposée. Tous les élus que j’ai interrogés dans mon département évoquent une dépense de fonctionnement supérieure à 30 000 euros par an. Dans pratiquement tous les cas, la mairie doit effectivement déléguer au moins un agent à temps plein pour assumer cette mission.
La non-compensation, réelle et totale, des frais supportés par une collectivité à la suite d’une décision unilatérale de l’État ne peut qu’alimenter le procès du désengagement territorial dudit État.
Cette technologie, dont la vertu serait de sécuriser les documents, est vécue, non pas comme un atout ou une simplification, mais bien comme une contrainte.
Ma question est donc simple et, peut-être, naïve, mais, à l’heure où l’exécutif dit avoir entendu le besoin de proximité, elle peut s’avérer pertinente : à défaut de réattribuer à chaque municipalité le traitement des dossiers de renouvellement des titres d’identité – on peut toujours rêver… –, l’État envisage-t-il de dédommager plus équitablement les communes réquisitionnées comme station d’enregistrement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. La mise en œuvre de la réforme de la délivrance des cartes nationales d’identité a prévu la dématérialisation des échanges entre les mairies et les centres d’expertise et de ressources des titres qui instruisent les demandes.
Le recueil d’informations biométriques pour l’établissement du titre – c’est un gage de sécurité – impose leur transmission par des lignes dédiées et sécurisées, installées dans les communes équipées en dispositifs de recueil.
La sensibilité des données à caractère personnel et la nécessité de prévenir les tentatives de falsification des titres ont imposé de restreindre le nombre des dispositifs, ainsi que le nombre des personnels habilités à les traiter, à raison de leurs attributions et dans la limite de leur besoin d’en connaître.
Dans ce cadre, ce sont 3 526 dispositifs de recueil qui ont été déployés sur l’ensemble du territoire. Chaque année depuis 2016, environ 250 stations supplémentaires sont déployées. Le taux moyen national d’utilisation de ces dispositifs de recueil est passé de 49 % en 2017 à 58 % en 2018. En concertation avec les élus locaux, j’insiste sur ce point, les préfets de département ont décidé de l’attribution entre les communes de leurs départements de ces nouveaux dispositifs, en s’assurant qu’elle s’accompagne d’une offre de service pérenne à tous les usagers du département.
Ces matériels et les réseaux sécurisés auxquels ils sont raccordés ont un coût. L’équipement et les frais d’installation d’une station représentent environ 10 000 euros, tandis que le coût de fonctionnement, intégrant le remplacement tous les trois ans du dispositif, est évalué à 16 000 euros par an, compte non tenu du coût des personnels qui les opèrent.
S’agissant du délai de délivrance des titres, je rappelle que les mairies dotées de dispositifs de recueil doivent s’engager à proposer une qualité de service, au travers d’une ouverture du service de cinq jours par semaine, d’une amplitude horaire d’accueil au public adaptée et d’un cadencement optimal des rendez-vous, toutes les quinze à vingt minutes.
Dans l’Oise, le taux d’utilisation des 46 dispositifs de recueil implantés n’est, en moyenne pour l’année 2018, que de 55 % des capacités nominales, pour un délai moyen de rendez-vous de 22 jours, identique au délai moyen national.
Le Gouvernement continuera à optimiser le réseau des dispositifs de recueil en 2019, en examinant, en collaboration avec les maires, les sites qui pourraient justifier d’être équipés.
J’ajoute que le dispositif prévoit également la possibilité pour les communes de disposer, par le biais d’ordinateurs équipés d’internet, de services de préenregistrement en ligne. Il existe également des dispositifs mobiles pouvant être déployés à la demande dans les mairies. Enfin, des points numériques sont mis en place et animés par des personnels dans chaque sous-préfecture et préfecture pour venir en aide à ceux de nos usagers qui souhaiteraient utiliser ces services pour pouvoir déposer des prédemandes, ensuite instruites par des dispositifs de recueil.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de cette réponse technique. Vous avez indiqué que, dans l’Oise, le délai moyen s’établissait à 22 jours. J’ai testé moi-même : pour Beauvais, c’est trois mois d’attente ! On peut faire beaucoup mieux ! Par ailleurs, vous n’avez pas répondu sur le coût de compensation réel aux communes.
impact du brexit sur la flotte de pêche normande
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 743, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
M. Didier Marie. Ma question porte sur l’impact du Brexit sur la flotte de pêche normande.
Pour le moment, rien ne permet de prédire en quels termes les Britanniques quitteront l’Union européenne, voire s’ils la quitteront. Cependant, l’éventualité d’une sortie sèche inquiète profondément l’ensemble de la filière de la pêche : les artisans pêcheurs, mais aussi, évidemment, les entreprises de transformation.
Dans l’hypothèse d’un Brexit sans accord, la perte totale de l’accès aux eaux britanniques aurait des impacts socio-économiques dramatiques pour le secteur. Plus de la moitié des navires de pêche professionnelle normands pratiquent leur activité, au moins en partie, dans les eaux britanniques ou près des îles anglo-normandes. Cela représente 300 navires, 750 emplois directs et 2 250 emplois indirects.
Plus de 20 millions d’euros de produits vendus par les navires normands ont été capturés dans les eaux britanniques, dont plus de 11,5 millions d’euros de pêche par les chalutiers hauturiers et 4 millions d’euros de coquilles Saint-Jacques. Les ports de Cherbourg, Granville, Le Havre, Dieppe, Le Tréport seraient particulièrement touchés par les répercussions économiques d’une telle perte.
À cela, s’ajoute l’impact que connaîtrait la filière en aval, privée d’une part significative de la production des pêcheurs britanniques, qui débarquent dans les ports normands et de la région des Hauts-de-France pour faire transformer et commercialiser leur pêche.
Enfin, les reports d’activité des navires normands, mais aussi bretons et des Hauts-de-France, ainsi que ceux des autres flottes de l’Union européenne auraient des conséquences négatives sur les eaux territoriales françaises.
Une facilitation de l’attribution d’autorisations d’accès aux eaux du Royaume-Uni, ainsi qu’une extension des modalités de gestion et d’échange de quotas, telles qu’elles existent aujourd’hui entre le Royaume-Uni et les autres États membres, jusqu’à la fin de l’année garantiraient un statu quo pour 2019, laissant le temps aux négociateurs européens et britanniques de conclure des accords bilatéraux pour la pêche.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement entend-il revoir les calendriers nationaux et européens, ainsi que les processus d’attribution d’espaces maritimes pour soutenir les pêcheurs normands et la filière ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Le Gouvernement a une conscience extrêmement aigüe de l’importance de l’accès aux eaux britanniques, actuellement garanti par l’Union européenne, pour la flotte de pêche française et, singulièrement, pour la flotte de pêche normande. Je l’ai dit dès ma prise de fonctions aux pêcheurs de Boulogne-sur-Mer ; de la même manière, monsieur le sénateur Marie, je viendrai, dans les prochaines semaines, rassurer les pêcheurs de votre département de la Seine-Maritime sur le travail que nous menons.
Nous le savons, 500 navires français sont directement concernés par le Brexit. Parmi eux, 180 navires, employant 1 200 marins, dépendent à plus de 20 %, pour leur activité, de l’accès aux eaux britanniques. Plus spécifiquement, 10 % des navires normands exploitant les eaux britanniques sont dépendants de ces eaux à plus de 30 %, en tonnage et en valeur.
Au-delà de l’activité de pêche, comme vous l’avez souligné, c’est aussi la filière dans son ensemble qui pourrait être impactée, puisque les captures dans les eaux britanniques représentent, par exemple, 54 % des volumes traités en criée de Cherbourg.
C’est pourquoi la France et l’Union européenne sont mobilisées pour assurer, dans la mesure du possible, un Brexit ordonné, qui garantirait une continuité d’accès à ces eaux britanniques au moins jusqu’au 31 décembre 2020 et potentiellement jusqu’au 31 décembre 2022. Nous aurions ainsi le temps nécessaire pour négocier – dans le cadre de l’Union européenne, et non de manière bilatérale – un nouveau cadre d’accès à ces eaux. Plus pérenne, ce cadre inclurait la question des quotas et pourrait entrer en vigueur dès la fin de la période de transition.
Mais un tel scénario impose que le Royaume-Uni ratifie l’accord de retrait négocié au nom des vingt-sept États membres par Michel Barnier, qui, on le sait, a accordé une attention très particulière aux sujets liés à la pêche.
Or, le 10 avril dernier, à la demande du Royaume-Uni, les chefs d’État ou de gouvernement, réunis au sein du Conseil européen, ont donné une nouvelle – et ultime – échéance au Royaume-Uni pour ratifier l’accord de retrait : le 31 octobre 2019. Des négociations internes sont en cours, mais nous n’avons aucune certitude quant à un résultat positif.
Par conséquent, nous continuons de préparer l’ensemble des acteurs à la possibilité d’un Brexit sans accord, et ce afin de protéger les citoyens français de toute éventualité et, en particulier, de protéger les pêcheurs de conséquences très néfastes à court terme d’une telle sortie.
Nous travaillons donc, d’abord, au maintien de l’accès aux eaux territoriales britanniques, puis à la négociation d’un nouvel accord de pêche incluant le sujet des quotas. Cette négociation sera menée en parallèle de bien d’autres, qui seront des négociations multilatérales, donc, et non bilatérales. J’insiste sur ce point, car il est extrêmement important que nous puissions, avec les Néerlandais, les Belges, les Espagnols, les Irlandais, établir de nouvelles relations avec le Royaume-Uni pour ce secteur de la pêche.
Je suis en contact étroit avec mes homologues, tout comme le ministre de l’agriculture et de la pêche, Didier Guillaume. Nous travaillons tous deux activement. Pour nous, la pêche est une priorité, et nous l’avons fait savoir à nos partenaires européens.
Vous pouvez donc compter sur notre action, monsieur le sénateur Marie. Je reste à votre entière disposition dans les semaines à venir pour apporter, à vous-même et aux pêcheurs du territoire que vous représentez, de plus amples précisions.