5
Souhaits de bienvenue à de jeunes citoyens en tribune
M. le président. Mes chers collègues, je salue la présence dans notre tribune des membres du conseil municipal des jeunes des communes de Saint-André-de-Sangonis et de Saussines, dans l’Hérault, qui sont accompagnés de notre collègue Jean-Pierre Grand. Qu’ils soient les bienvenus ! (Applaudissements.)
6
Produits agricoles ou alimentaires
Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l’origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter pour leur travail Anne-Catherine Loisier et Henri Cabanel. Je remercie également notre collègue Michel Raison, une partie de la présente proposition de loi provenant du travail qu’il avait réalisé, avec Anne-Catherine Loisier, dans le cadre du projet de loi Égalim, dont 23 articles viennent d’être censurés par le Conseil constitutionnel.
Mes collègues Gilbert Bouchet et Patrick Chaize évoqueront des sujets particuliers. Pour ma part, je me concentrerai sur trois points.
Monsieur le ministre, vous venez de confirmer ce que nous avions déjà appris, à savoir que l’Assemblée nationale prépare elle aussi un texte reprenant une partie des articles de la loi Égalim censurés par le Conseil constitutionnel.
Il n’est pas possible, dans notre pays, de ne pas reconnaître à ce point le travail du Sénat ! Quelles que soient nos sensibilités, nous nous partageons les mêmes positions sur les enjeux stratégiques pour notre agriculture, nos consommateurs, nos territoires. J’espère donc, monsieur le ministre, que l’Assemblée nationale ne refera pas le monde, si j’ose dire, après le vote du texte tout à l’heure, et qu’elle ne reviendra pas sur les décisions clairvoyantes que nous aurons prises sur l’étiquetage des produits fermiers et sur les autres points abordés dans la proposition de loi.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Daniel Gremillet. Nos propositions ne sortent pas de nulle part. Nous avons voté ici – vous siégiez alors dans cet hémicycle, monsieur le ministre – un texte sur la compétitivité de l’agriculture, la loi Sapin II et la loi Égalim, laquelle contenait notamment des dispositions sur l’étiquetage. (M. Daniel Gremillet brandit les textes des trois lois en question.) Si je les évoque en cet instant, c’est parce qu’il nous faut retrouver une certaine forme d’honnêteté, mais surtout d’efficacité.
Monsieur le ministre, j’aime rêver. Une vie sans rêve, c’est ennuyeux.
Mme Françoise Férat. C’est vrai !
M. Daniel Gremillet. Et un rêve qui ne se réalise pas, c’est triste !
Mme Françoise Férat. C’est vrai aussi !
M. Daniel Gremillet. Nous sommes au début du mois d’avril 2019, les négociations commerciales commencent, et les craintes que nous avons évoquées dans cet hémicycle lors des débats sur la loi Égalim sont, hélas, en train de se réaliser : la montée en gamme des produits se fait au détriment des agriculteurs, car elle implique plus de charges et plus de contraintes pour eux, mais nulle augmentation de revenus.
Pis encore, certaines enseignes ont des pratiques contraires à l’esprit de la loi, esprit auquel nous adhérons totalement, monsieur le ministre – il s’agit d’établir un prix final à partir des coûts de production des agriculteurs. Pourtant, les montées en gamme, y compris des produits d’appel, bénéficient aujourd’hui surtout aux distributeurs, qui inventent des systèmes dans lesquels les agriculteurs doivent se caler.
Permettez-moi d’évoquer un exemple très concret. Aujourd’hui, la France demande aux producteurs de nourrir leurs animaux avec des aliments sans OGM. Il s’agit d’une belle montée en gamme, mais qui se traduit finalement par une hausse du coût de l’alimentation pour l’éleveur, ainsi que par des prix plus élevés des produits d’appel pour le consommateur.
Faisons donc attention à ces montées en gamme. Imaginez que l’on en vienne un jour à demander aux paysans de traire les vaches à la main, assis sur un tabouret à une patte, parce que cela serait une manière de se différencier ! Il faut revenir à l’essentiel.
J’évoquerai maintenant les fromages fermiers. Sur ce sujet, je tiens à remercier notre rapporteur. Il faut connaître le terrain, l’histoire, ce qui se passe dans nos territoires. Depuis des dizaines d’années, des paysans transforment chez eux leurs produits, l’affinage étant parfois réalisé dans des ateliers collectifs. Et vous savez très bien, monsieur le ministre – vous l’avez très bien dit – que l’on est capable, pour des raisons de sécurité sanitaire, de dire à tout instant d’où vient un fromage fermier transformé ou affiné collectivement. On sera également capable de le faire au niveau du consommateur.
Pour terminer, j’évoquerai le miel. Une fois encore, je remercie notre rapporteur d’avoir repris les dispositions de la loi Égalim. Monsieur le ministre, vous vous êtes à juste titre félicité dans un communiqué, à la fin du mois de décembre dernier, que l’Europe vous ait autorisé à prolonger l’expérimentation française sur les produits carnés et les produits laitiers.
Aujourd’hui, nous souhaitons tout simplement, pour des raisons de transparence et d’honnêteté à l’égard du consommateur, mais aussi des apiculteurs, obtenir la possibilité de procéder à une telle expérimentation pour le miel. Il s’agit là non pas de faire de la sur-transposition, mais de bâtir une Europe plus forte et plus clairvoyante, qui respecte les engagements pris par les parlements nationaux.
Le Sénat a pris une décision simple : l’ensemble des produits qui seront vendus en Europe et en France doivent correspondre aux exigences que nous leur imposons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent.
Mme Noëlle Rauscent. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un texte reprenant quatre articles de la loi Égalim, lesquels avaient fait, à l’époque, l’objet d’un certain consensus, et je m’en réjouis.
Fruit d’un travail parlementaire fourni et de longs mois de débats, ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Elles contribuent pourtant largement à l’amélioration de la transparence sur les produits alimentaires et de la traçabilité. On le sait, ce sujet est cher aux Français, qui sont de plus en plus attentifs à ce qu’ils consomment ; les chiffres et études le montrent.
Mes chers collègues, je remercie le groupe socialiste et républicain de s’être emparé de ce sujet et de nous proposer ce texte, qui reprend quatre articles ayant été considérés comme des cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel. Il s’agit des dispositions concernant la dénomination « fromage fermier » ; l’appellation « Clairette de Die », la transparence sur les pays d’origine du miel, la mention sur les étiquettes du vin de leur origine.
À mon sens, il aurait fallu étendre davantage le champ de cette proposition de loi et y inclure d’autres mesures qualifiées de « cavaliers » par le Conseil constitutionnel. C’est pourquoi, et je tiens à le souligner ici, un groupe de travail parlementaire de La République En Marche, auquel j’appartiens, a également travaillé sur un texte portant la même ambition. Il a été déposé à l’Assemblée nationale le 20 mars dernier. (M. Roland Courteau s’exclame.)
Mes chers collègues, les États généraux de l’alimentation et les trois mois de concertation et d’échanges ont permis d’aboutir à un constat : il est nécessaire de répondre aux demandes de plus en plus exigeantes des consommateurs en termes de qualité des produits ou de respect de l’environnement.
Les mesures visant à améliorer la transparence sur les conditions et les lieux de production de nos produits agricoles ont ainsi une double ambition : protéger le consommateur en lui offrant une meilleure information sur ce qu’il mange, mais aussi – dois-je le rappeler ? – protéger nos agriculteurs. Tous les signes et mentions de la qualité et de l’origine jouent en faveur de notre production nationale. Les produits de nos terroirs sont une garantie d’excellence pour le consommateur. Une meilleure information valorise nos produits et fait ainsi gagner des parts de marché à nos agriculteurs.
Venons-en au fond du sujet. L’article 1er de la proposition de loi porte sur la labellisation des fromages dits « fermiers », la situation actuelle n’étant pas acceptable.
Les fromages fermiers affinés en dehors de l’exploitation ne sont plus encadrés par un étiquetage. Or, nous le savons, les affineurs ont historiquement été à l’origine de la création de nombreuses appellations d’origine contrôlée.
Dès lors que le lien direct du producteur avec le produit final et la mise en œuvre de pratiques traditionnelles d’affinage sont garantis par un cahier des charges, cette labellisation doit être ouverte aux fromages fermiers affinés à l’extérieur de l’exploitation. Cette labellisation ne doit pas être limitée aux fromages affinés portant des signes officiels de la qualité et de l’origine. En effet, cela reviendrait à exclure les petits producteurs, qui peinent à valoriser leurs produits. Le dispositif proposé permettrait de mettre fin à l’insécurité juridique.
L’article 3, qui porte sur l’étiquetage de la mention du pays d’origine des mélanges de miels issus de plus d’un pays, était attendu de longue date par nos producteurs, qui subissent la concurrence européenne et internationale.
En 2017, quelque 20 000 tonnes de miel ont été produites en France et 35 000 tonnes ont été importées, mais aucune indication du pays d’origine n’apparaît sur les étiquettes. En dix ans, les importations de miel, en provenance de la Chine, d’Ukraine, d’Allemagne, d’Espagne ou d’Argentine, ont augmenté de près de 60 %. Ces mélanges et les pays d’origine n’apparaissant pas, les consommateurs ne sont pas informés.
Or des tests effectués par des associations ont pourtant permis de constater du miel frelaté, artificiel, des ajouts de sucre et de sirops de sucre dans les miels importés.
Toujours dans un souci de transparence et de bonne information des consommateurs, mais aussi afin de mettre en valeur nos productions françaises, nous nous devons d’être plus ambitieux ! C’est pourquoi nous sommes favorables à l’inscription par ordre décroissant des pays d’origine.
Cette négociation doit également être portée à l’échelon européen afin de soutenir une filière en grande difficulté, confrontée au déclin du nombre d’abeilles dans l’Hexagone. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous.
Enfin, j’en viens à l’article 4, qui a suscité de nombreux débats en commission et lors de l’examen du projet de loi Égalim. Nous avons tous ici été interpellés à ce sujet, surtout ceux d’entre nous qui sont issus de régions viticoles.
Si l’on considère que le droit en vigueur est suffisant, les contrôles sont, quant à eux, largement déficients. Les étiquettes de certains vins issus de pays étrangers donnent à penser qu’ils ont été produits en France à partir de récoltes du vignoble français. C’est de la fraude, oui, et le consommateur est trop fréquemment induit en erreur !
Ces pratiques sont préjudiciables à toute une filière, laquelle est importante, puisqu’elle représente 15 % de la production agricole française. La clarification des règles d’étiquetage et l’indication visible de la provenance de ces vins sont donc primordiales pour assurer l’information claire et loyale du consommateur.
Nous vous interpellons aujourd’hui, monsieur le ministre, sur le manque de moyens alloués aux contrôles de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes.
Enfin, mes chers collègues, je regrette que les amendements sur le maintien du caractère obligatoire de la déclaration de récolte viticole, très largement soutenus, aient été déclarés irrecevables par la commission des affaires économiques. Cependant, je suis heureuse que le sujet ait été repris par nos collègues députés à l’article 8 de leur proposition de loi. (M. Roland Courteau manifeste sa satisfaction.)
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour vos propos. En effet, les agriculteurs, notamment les éleveurs, doivent décider du prix de vente de leurs produits, et non pas le subir. Nous sommes tous ici d’accord, je pense, sur ce principe. (M. Bruno Sido s’exclame.) Je vous demande de faire avancer ce dossier, indispensable pour nos producteurs, afin de valoriser notre agriculture et la France. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de bien respecter votre temps de parole : nous devons examiner deux propositions de loi cet après-midi, dans un temps contraint.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui prévoit de réintroduire des dispositions votées dans la loi Égalim, mais ayant été censurées par le Conseil constitutionnel.
Cette proposition de loi a donc plusieurs objectifs : il s’agit de permettre une certaine diversification des productions, une valorisation de certains signes de qualité et une information plus éclairée des consommateurs. Dans les faits, il s’agit de continuer à protéger certaines appellations d’origine, tout en permettant aux agriculteurs de valoriser des productions qui ne correspondent pas forcément aux cahiers des charges.
L’article 1er permet l’usage de la mention « fermier » sur les fromages bénéficiant d’un signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine et dont l’affinage a lieu en dehors de l’exploitation, dès lors que le consommateur en est informé.
L’article 2 abroge la loi de 1957, qui interdisait aux viticulteurs de produire d’autres vins mousseux que de la Clairette de Die au sein de l’AOC du même nom. Si cet article est adopté, il permettra aux producteurs de ce territoire de diversifier leur production et de proposer des vins plus en vogue aujourd’hui chez certains consommateurs, notamment des vins mousseux rosés, afin d’améliorer leurs revenus. Ils ne pourront toutefois pas, et c’est logique, nommer ce vin « Clairette de Die », dans la mesure où le cahier des charges de l’AOC ne le prévoit pas.
Ce texte prévoit également la mention sur les étiquettes de l’origine des miels issus de mélanges de productions, mais aussi l’indication obligatoire du pays d’origine des vins, afin de permettre une information éclairée du consommateur et de lutter contre les contrefaçons ou les indications abusives d’origines.
Si nous partageons l’objectif central de ce texte, nous devons cependant veiller à ce qu’il ne dénature pas la protection accordée à certains produits ; je pense au label fermier pour les fromages.
Lors des auditions auxquels nous avions procédé en vue de la préparation de la loi Égalim, nous avions été alertés sur les risques d’une extension du label « fromage fermier » aux fromages ne bénéficiant pas d’un signe de qualité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre groupe n’avait pas voté l’article dans sa rédaction issue des travaux du Sénat, laquelle renvoyait à « la notion d’usages traditionnels » pour délivrer le label « fromage fermier ». Cette formulation ne permettait pas de se prémunir contre des risques d’industrialisation.
À l’heure où les signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine sont dangereusement attaqués du fait de la prolifération des traités de libre-échange, il est impératif de ne pas les fragiliser.
Il faut au contraire les valoriser. En effet, ils permettent de créer de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne alimentaire. Ils favorisent la variété et la diversification de la production. Ils protègent bien évidemment les bassins de production traditionnels, valorisent le savoir-faire des agriculteurs, et permettent aux producteurs de commercialiser des produits différenciés ayant des caractéristiques clairement identifiables.
Ces produits ont d’ailleurs un poids économique réel. Le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, rappelait ainsi en 2016 que les quelque 1 100 produits sous signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine représentaient un chiffre d’affaires total de 30 milliards d’euros, soit plus d’un tiers de la valeur de la production agricole française.
Pourtant, de nombreux traités menacent ces signes officiels, qu’il s’agisse du TAFTA, le traité de libre-échange transatlantique, de l’accord entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, ou encore du CETA, l’accord économique et commercial global, dont nous attendons toujours de connaître la date de ratification par le Parlement.
Ainsi, le Canada n’a reconnu que des indications protégées européennes. Sur près de 1 400 IGP, seuls 173 produits ont été reconnus. En outre, la protection qui leur sera accordée est loin d’être absolue, puisque le Canada a négocié le maintien provisoire ou définitif de certaines appellations similaires existantes.
C’est pourquoi nous insistons, monsieur le ministre, sur la nécessité d’exclure l’agriculture du champ des négociations des accords de libre-échange.
Sinon, nous pourrons toujours produire des rapports ou mettre en avant l’unanimité qui prévaut ici lorsqu’il s’agit de défendre notre agriculture, la qualité de nos produits, les consommateurs, l’augmentation des revenus des agriculteurs afin que ceux-ci puissent vivre dignement, nous verrons, du fait de la mondialisation accrue et des lois commerciales de plus en plus rudes pour les plus petits, indépendamment de la loi Égalim, disparaître, à force d’être fragilisés, celles et ceux qui s’efforcent aujourd’hui de produire une agriculture saine, de qualité et accessible au plus grand nombre.
Finalement, notre belle agriculture, la belle gastronomie française que vous évoquiez, monsieur le ministre, ne sera plus dans quelques années qu’un lointain souvenir. Ce serait bien dommage !
En l’état, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le sujet abordé dans cette proposition de loi est essentiel.
La bonne information du consommateur est nécessaire, à la fois pour répondre à une demande légitime de transparence sur l’origine et la fabrication des produits, mais aussi parce qu’il s’agit d’un réel levier pour changer les modes de production et évoluer vers des pratiques plus vertueuses. Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à souhaiter, par leur acte d’achat, valoriser les producteurs qui s’engagent pour la qualité et pour le respect de l’environnement et de la biodiversité, les deux étant très liés.
La nécessité d’informer le consommateur avait d’ailleurs été clairement établie lors des États généraux de l’alimentation. C’est pourquoi les parlementaires ont enrichi par voie d’amendements la loi Égalim, laquelle faisait suite à des mois de consultation, et y ont introduit plusieurs articles sur ce sujet.
Toutefois, comme cela a déjà été indiqué, le Conseil constitutionnel a estimé que ces articles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte. J’ai été, pour ma part, sidéré – il n’y a pas d’autre mot – par cette décision. Comme je l’ai dit, la bonne information du consommateur et les mentions valorisantes sont des leviers indispensables de la transition de notre agriculture.
Je remercie donc Marie-Pierre Monier et le groupe socialiste et républicain de leur initiative, qui vise à réintroduire une partie des articles censurés par le Conseil constitutionnel, ceux qui portent sur les mentions et signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine valorisant les produits agricoles.
C’est d’autant plus nécessaire que certaines mesures me paraissent urgentes, notamment l’étiquetage de l’origine des miels. En effet, nous connaissons tous les difficultés de nos apiculteurs, affectés par les fortes mortalités de leurs colonies, mais aussi par une concurrence qui paraît à bien des égards extrêmement déloyale. En effet, la France importerait près des trois quarts des miels qu’elle consomme. Et, nous le savons, certains pays pratiquant des prix extrêmement bas sont trop souvent épinglés pour des fraudes, comme l’ajout de sirop de sucre.
Dans ce contexte, le consommateur ne dispose même pas de l’information minimale, la pratique des mélanges de miels permettant jusqu’à présent d’échapper à l’obligation de mentionner l’origine du produit. Pour ma part, je trouve que le mélange de miels d’importation devrait être remis en cause en lui-même, car cette pratique est propice à la fraude.
L’étiquetage des pays d’origine est donc un minimum. Pour aller plus loin, je défendrai des amendements visant à prévoir l’affichage des pourcentages pour chaque origine.
En commission, on nous a opposé le droit européen, qui nous empêcherait d’adopter l’affichage du pourcentage. Or il est déjà pratiqué par la Grèce depuis 2011 et les Espagnols se préparent à l’adopter !
Par ailleurs, je suis convaincu que voter cette mesure aujourd’hui ne pourra que contribuer à accélérer un changement à l’échelon européen. La France doit être leader pour faire bouger l’Europe, parce que l’Europe doit bouger. Nous verrons plus tard la question des sur-transpositions, mais, au final, c’est nous qui aurons raison. Nous allons tirer l’Europe vers le haut.
Une autre question me paraît urgente – elle aussi a été victime de la censure du Conseil constitutionnel. Je pense, et cela ne vous surprendra pas de ma part, à l’étiquetage des huîtres, selon qu’elles soient nées en mer ou en écloserie.
Ce sujet n’a pas été repris dans la proposition de loi, et je le regrette. Je défendrai donc encore une fois, avec force, un amendement en faveur de cet étiquetage. Je sais qu’il ne sera pas adopté, mais sachez qu’il finira par l’être dans quelque temps – je pourrais prendre les paris –, tant la demande et les enjeux sont forts.
Je proposerai également un amendement visant à aller plus loin s’agissant de la protection de la mention « fromage fermier. » En effet, cette mention doit pour moi rester attachée, comme c’est le cas aujourd’hui, aux fromages affinés à la ferme. Il s’agit d’éviter une banalisation de cette mention valorisante.
En nous appuyant sur la position des producteurs de fromages fermiers, nous proposerons qu’elle soit autorisée pour l’affinage à l’extérieur de la ferme seulement pour les mentions liées à l’origine, qui garantissent un véritable lien au terroir, et à condition que le nom du producteur soit indiqué sur l’étiquette.
La rédaction actuelle pourrait entraîner des dérives. On sait déjà que l’industrie, dont Lactalis, a racheté des structures d’affinage, afin de récupérer cette mention valorisante.
Pour finir, cette proposition de loi, qui vise à renforcer l’information du consommateur, va dans le bon sens : promouvoir, via l’information du consommateur, la qualité et le lien au terroir est vertueux. Toutefois, un risque d’appropriation par l’industrie pèse sur ces mentions valorisantes. Comme pour l’agriculture biologique, il faut défendre une forte exigence des mentions valorisantes, sous peine de pénaliser l’ensemble des filières.
Comme les autres membres de mon groupe, je voterai cette proposition de loi, qui, je le répète, va dans le bon sens.
Il est urgent de répondre à toutes les questions liées à l’origine de notre consommation alimentaire. Or, à écouter les uns et les autres, on n’a pas l’impression que la situation est urgente ! Il y a pourtant urgence climatique, en raison du dérèglement climatique, et urgence « biodiversitaire », parce qu’il y a une perte considérable de la biodiversité.
Il est donc vital d’accélérer la transition vers un nouveau modèle agricole, respectueux de la biodiversité, et de relocaliser l’alimentation, afin d’assurer la souveraineté alimentaire à l’échelle de la planète.
La mondialisation de l’alimentation est un non-sens dans le contexte d’un nécessaire processus de résilience collective ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, l’agriculture française est riche de ses nombreux producteurs. Dans toutes les régions, ceux-ci sont passionnés par leur métier, produisant des produits de qualité reconnus dans le monde entier.
L’excellence alimentaire française est renforcée par les signes et les labels de qualité. Ces emblèmes de notre modèle connaissent un succès croissant, en réponse à une demande accrue de qualité de la part des consommateurs.
D’après un recensement agricole récent, 49 000 exploitations agricoles réalisent au moins une production sous AOP, IGP ou label rouge, hors produits viticoles. S’y ajoutent 76 500 exploitations viticoles et plus de 25 000 exploitations engagées en agriculture biologique. Au total, près de 30 % des exploitations françaises sont concernées par les signes d’identification de la qualité et de l’origine, ou SIQO. C’est considérable, et ce doit être un motif de fierté nationale. Nous devons les encourager, les soutenir, les promouvoir !
Ces labels français et européens présentent en effet de nombreux avantages : d’une part, la garantie de la qualité, de la provenance et des méthodes de fabrication pour le consommateur ; d’autre part, une meilleure visibilité, une reconnaissance d’un travail de qualité, ainsi qu’une meilleure rémunération pour le producteur.
Il faut, en contrepartie, veiller à la pertinence de ces labels et signes de qualité, adaptés pour ne pas induire en erreur le consommateur. C’est le sujet de l’article 1er, visant à préciser l’emploi du label fermier. Je soutiens cette démarche : elle s’inscrit dans le cadre d’un dialogue ouvert et transparent avec toutes les parties intéressées et ne dénature pas le sens de ce label, assurant ainsi une bonne information du consommateur.
Il faut, en effet, l’adapter à la réalité du terrain tout en préservant les intérêts de ces producteurs fermiers. Présents dans tous les territoires, ils participent à la richesse de la gastronomie française. Il doit ainsi être indiqué clairement sur l’avant de l’emballage des produits à la fois le nom du producteur et celui de l’affineur.
L’article 3 concernant le miel va également dans le bon sens. Réclamé par le secteur apicole, le groupe Les Indépendants – République et Territoires l’avait déjà défendu lors de la discussion du projet de loi Égalim, par la voix de ma collègue Colette Mélot.
Nous défendrons les producteurs français, alors que le miel est une denrée de plus en plus convoitée par les Occidentaux. Entre 2008 et 2015, sa production mondiale a augmenté de 8 %, et les exportations de 61 %. Depuis 2015, de nombreux pays européens ont accru leurs exportations de miel, mais aussi leurs importations en provenance de Chine.
En France, plus de la moitié du miel consommé sur le territoire est issu de l’importation. Cette situation peut impliquer des méthodes trompeuses. Ainsi, quelque 45 % des miels seraient d’une origine différente de celle mentionnée sur le pot, sans parler des mélanges au glucose, des miels dilués à l’eau et autres mélanges de miels divers et variés.
Pour contrer ces méthodes trompeuses et mieux protéger le miel, il est important de rendre obligatoire l’étiquetage de l’origine des miels issus de mélanges de productions, et ce en ordre décroissant. L’ensemble des pays d’origine du miel produit et mélangé sera ainsi connu des consommateurs. Nous protégeons donc les producteurs français, tout en valorisant un miel de qualité.
Le sujet de l’étiquetage des miels est similaire à celui des vins. Lorsque nous touchons au patrimoine national, nous nous devons de réagir, tout d’abord en condamnant les actes frauduleux trompant l’État français et les consommateurs.
La pratique de la naturalisation du vin espagnol, devenue courante, est ainsi inadmissible : on parle de 10 millions de bouteilles de rosé ! Les outils pour combattre ces actes délictueux existent. Les agents de la répression des fraudes contrôlent régulièrement les importateurs français de vins étrangers, mais le constat est là. Le dispositif en place est-il assez dissuasif ?
Nous devons adopter de nouveaux outils législatifs. Nous devons aussi, et avant tout, renforcer l’application du dispositif existant pour combattre ces tromperies des consommateurs. Bien entendu, la priorité doit rester la bonne information du consommateur. Ce dernier doit être en mesure de faire des choix, en ayant toutes les informations nécessaires quant à la qualité et la provenance.
Un contrôle plus strict de l’étiquetage serait souhaitable, notamment en mentionnant l’origine de chaque côté du contenant. L’offre gagnerait d’ailleurs en clarté si les revendeurs évitaient toute confusion dans leurs rayons en séparant clairement les vins français des vins étrangers.
Ces mesures permettent donc de compléter la loi Égalim et d’envoyer un message sur l’importance de la défense des productions agricoles françaises. C’est une force de notre pays qu’il nous revient de promouvoir. C’est aussi une façon de renforcer la bonne information du consommateur, lui permettant ainsi de faire des choix alimentaires éclairés.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est favorable à cette proposition de loi avec les amendements proposés. (Applaudissements au banc des commissions.)