Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Martine Filleul. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, ce projet de loi part de constats inattaquables et répond à des objectifs auxquels on ne peut que souscrire : le domaine des transports connaît une mutation profonde, les échanges se multiplient à grande vitesse, engendrant des dommages irrémédiables pour notre planète, tandis qu’une grande partie de nos concitoyens voient s’allonger leurs trajets quotidiens, éprouvent un sentiment d’isolement, d’assignation à résidence, et ont besoin de moyens de déplacement plus efficaces et moins coûteux.
En ce sens, nous saluons les mesures qui, dans ce texte, accompagnent la mue numérique, ainsi que les nouveaux usages, notamment le déploiement de modes de transport alternatifs, l’ouverture des données de mobilité dans le respect de la vie privée et le développement des services d’information sur les déplacements.
Néanmoins, cette révolution ne doit pas être synonyme de régression sociale. Le Gouvernement a prévu la possibilité, pour les plateformes, d’établir une charte offrant de pseudo-droits aux travailleurs passant par leur intermédiaire sans être salariés. Cette mesure est insuffisante, puisque facultative, et surtout elle instaure un dispositif au rabais, à l’entier bénéfice des plateformes, sans réelle protection des travailleurs. Il faut mettre fin à ce système ! C’est pourquoi nous voulons supprimer cette disposition et demandons la mise en place d’une branche professionnelle, ainsi que la garantie d’un salaire minimum. Le respect du droit du travail n’est pas une simple option, et, à cet égard, l’amendement qui vise à imposer un service normal garanti aux heures de pointe pendant les périodes de grève est à nos yeux inacceptable. Nous nous y opposerons fermement !
De la même manière, s’agissant de l’ouverture à la concurrence des lignes de bus actuellement exploitées par la RATP, nous veillerons à la sauvegarde des conditions d’emploi des salariés et défendrons la mise en place d’un « sac à dos social », ainsi que la continuité des droits acquis, tout en prévoyant un haut niveau social pour les nouveaux salariés.
La mobilité représente un enjeu fondamental en matière de cohésion et d’intégration sociales. Nous compléterons donc les mesures prévues pour accompagner davantage les personnes fragilisées et favoriser leur mobilité, ainsi que pour tenir compte du caractère insulaire des territoires ultramarins. Les entreprises doivent également prendre toute leur part dans la réponse aux besoins de mobilité de leurs salariés.
Surtout, il est urgent, crucial de réduire l’impact écologique de nos déplacements. S’il comporte des mesures encourageantes, le texte présenté ne s’engage pas suffisamment dans la voie de la sortie du « tout-voiture ». Ainsi, le transport fluvial, écologiquement l’un des plus vertueux, est le parent pauvre de ce projet de loi. C’est là un énorme paradoxe : le trafic routier sature, engendrant nuisances et pollutions, alors que nos voies navigables, les plus longues d’Europe, sont largement sous-exploitées.
En cela, ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques. Trop timide, il donne le sentiment de prolonger une logique ancienne plutôt que de préparer le monde de demain, un monde décarboné dans lequel nos mobilités devront obligatoirement respecter notre environnement. Osons changer de paradigme ! Osons avoir de l’ambition !
Attelons-nous réellement à repenser l’organisation du travail pour limiter nos déplacements, avec des horaires décalés ou le télétravail, mettons fin à la vente de nouveaux véhicules thermiques, comme nous le proposons, et régulons le transport de marchandises : autant de sujets essentiels sur lesquels ce texte fait l’impasse, tout comme sur ceux du transport aérien ou de l’avenir des petites lignes, pourtant cruciales pour la mobilité de nombreux citoyens.
Il est de notre responsabilité politique de parvenir à concilier la protection de notre planète et la réponse aux besoins légitimes de mobilité. Pour relever ce défi, nous proposerons à l’État de lever un grand emprunt : c’est plus que nécessaire pour accélérer la transition écologique.
Madame la ministre, mes chers collègues, ne nous arrêtons pas à mi-chemin et engageons-nous pleinement dans la voie des mobilités durables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol. Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, les Français sont plus que jamais en attente de solutions concrètes pour améliorer leurs conditions de vie, en particulier pour faciliter leur mobilité, notamment en zones rurales.
Eu égard à l’ensemble des recommandations émises par cette chambre et aux préconisations du Conseil d’orientation des infrastructures, la présentation d’un projet de loi d’orientation des mobilités paraît tout à fait bienvenue. Je me suis donc d’abord réjoui de la volonté du Gouvernement d’effacer les « zones blanches de la mobilité » en créant une autorité organisatrice des transports pour l’ensemble du pays. Mais quelle déception de devoir constater que cette mesure, inscrite à l’article 1er, est le seul élément de la politique d’aménagement du territoire que nous attendions du Gouvernement ! Quelle déception nous avons éprouvée à la lecture d’un texte qui se focalise uniquement sur les mobilités électriques, et donc sur la voiture électrique !
Force est de constater que ce projet de loi ne répond pas aux attentes exprimées sur le terrain et qu’il ne va pas assez loin pour répondre aux défis technologiques, sociaux et environnementaux de l’avenir. L’inquiétude des membres du groupe Les Républicains est forte devant l’incapacité du Gouvernement de mobiliser un financement à la hauteur des objectifs affichés.
Par exemple, pourquoi se rendre dépendants d’une unique technologie alors que le thermique et l’hydrogène auront leur place dans le grand mix énergétique et technologique de demain ? Pourquoi les petites lignes ferroviaires sont-elles absentes du texte, malgré leur importance capitale ? Pourquoi les collectivités territoriales ne bénéficient-elles pas de moyens pour assumer les nouvelles compétences que leur confère ce texte ?
Vous l’aurez compris, l’intervention du Sénat apparaît plus que jamais indispensable pour améliorer la loi, trouver des solutions.
Les Pyrénées-Orientales, que je représente ici avec François Calvet, sont encore aujourd’hui à plus de cinq heures de Paris en train, faute de TGV. La compagnie Hop ! va probablement diminuer le nombre des vols programmés, pourtant déjà très restreint. La réalisation du projet de sécurisation de la route nationale 116 s’éternise. Seul un investissement très attendu dans les infrastructures pourra permettre d’endiguer le légitime sentiment d’enclavement de nos populations. Mais jusqu’à quand devrons-nous attendre ? Ne voyez-vous pas que vous êtes en train, sur ce sujet encore, de créer les conditions d’un enracinement profond de la crise, malgré les signaux lancés par les Français ?
Le jeudi 14 décembre 2017 était un jour a priori comme les autres. À l’approche des fêtes de Noël, les familles se préparaient à se retrouver dans la chaleur de leur foyer. Mais ce jeudi 14 décembre 2017, à 16 h 03, les vingt-deux collégiens de Millas qui rentraient à la maison en car ont vu leurs vies basculer en une fraction de seconde. Leur bus s’est fait percuter de plein fouet par un TER en traversant le passage à niveau. Soudain, le chaos, l’obscurité… Léana, onze ans, constate le drame : six de ses amis sont morts, quatorze autres blessés à jamais ; des images qui resteront gravées dans le corps et la mémoire de cette collégienne, ainsi que de toutes les personnes qui ont été touchées par ce terrible événement.
J’étais présent, en cette nuit terrible, aux côtés des familles et des collégiens, face à ce bus coupé en deux, avec les élus, les représentants de l’État, les forces de l’ordre, les pompiers et les agents de la SNCF. Peut-on trouver les mots justes pour décrire l’effroi de toute une population devant la perte de six petits anges qui avaient toute une vie devant eux ? Lors du rassemblement en hommage à nos enfants décédés, vous étiez présente, madame la ministre, dix ans après le drame d’Allinges, en Haute-Savoie.
Quel est le rôle d’un élu de la Nation ? Faire en sorte qu’un tel drame ne puisse jamais se reproduire ; réfléchir le plus efficacement possible à la mise en place de dispositifs permettant de sécuriser les 13 000 passages à niveau français ; poser des actes. C’est pourquoi j’ai déposé, le 5 juin, une proposition de loi, dont j’ai souhaité qu’elle soit intégrée au texte élaboré par notre commission.
J’espère de tout cœur que cette proposition de bon sens, composée de trois dispositifs, fera l’objet d’un vote unanime de la Haute Assemblée. Je remercie le président de la commission, M. Hervé Maurey, et le rapporteur, M. Didier Mandelli, de l’avoir accueillie favorablement. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Sol. Je souhaite saluer la présence dans nos tribunes de M. Bourgeonnier, papa du petit Loïc, décédé lors du drame de Millas. Mes chers collègues, il est nécessaire et urgent d’agir en adoptant ces dispositifs transpartisans. Madame la ministre, les élus que nous sommes, mon département et les familles endeuillées à jamais vous seront infiniment reconnaissants de faire en sorte que ces mesures puissent être intégrées à la loi et, surtout, mises en application rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Olivier Léonhardt. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement du Sénat, relatif à l’organisation de nos travaux.
Je suis quelque peu surpris de l’usage extravagant fait de l’article 40 de la Constitution pour limiter l’exercice du droit d’amendement d’un parlementaire.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Olivier Léonhardt. Je suis surpris que mon amendement visant à dissoudre la société du Grand Paris au sein d’Île-de-France Mobilités ait été ainsi discrètement écarté.
Comment la commission des finances peut-elle expliquer que la suppression d’un établissement public ayant coûté 9 millions d’euros en 2010, 33 millions d’euros en 2011, 78 millions d’euros en 2012, 153 millions d’euros en 2013, 292 millions d’euros en 2014, 566 millions d’euros en 2015, 971 millions d’euros en 2016 et 1,639 milliard d’euros en 2017, prévoyant d’emprunter plus de 35 milliards d’euros, disposant d’agents, de locaux, de véhicules et certainement, au regard des enquêtes en cours, d’un bon service juridique, constituerait une charge nouvelle ?
M. Roger Karoutchi. Si on le supprimait, l’État devrait payer !
M. Olivier Léonhardt. Plus extravagant encore, on repousse mon amendement visant à augmenter le versement transport dans les départements les mieux desservis, Paris et les Hauts-de-Seine, au motif que la mise en œuvre de cette disposition entraînerait une hausse du produit de cet impôt et qu’elle inciterait, du coup, à une dépense ! Toute nouvelle recette serait donc une incitation à la dépense ?
Ce n’est franchement pas sérieux, et je souhaiterais obtenir des informations plus précises sur les véritables motifs de ces irrecevabilités, en espérant qu’elles ne servent pas simplement à réduire le nombre des amendements à discuter. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi d’orientation des mobilités
TITRE Ier A
PROGRAMMATION DES INVESTISSEMENTS DE L’ÉTAT DANS LES TRANSPORTS : OBJECTIFS, MOYENS ET CONTRÔLE
(Division et intitulé nouveaux)
Article 1er A (nouveau)
Le rapport déterminant la stratégie et la programmation financière et opérationnelle des investissements de l’État dans les transports pour la période 2019-2037, annexé à la présente loi, est approuvé.
Cette stratégie et cette programmation visent quatre objectifs :
1° Réduire les inégalités territoriales en renforçant l’accessibilité des zones rurales enclavées, des villes moyennes, des territoires mal connectés aux métropoles, aux grandes agglomérations et aux pays limitrophes ainsi que, au sein des agglomérations, des quartiers prioritaires de la politique de la ville, en tenant compte des spécificités ultramarines tout en veillant à limiter la consommation d’espaces naturels et l’étalement urbain ;
2° Améliorer la qualité des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux et en assurer la pérennité, renforcer les offres de déplacements du quotidien, remédier à la saturation des villes et de leurs accès et améliorer les liaisons entre les territoires ruraux et les pôles urbains ;
3° Accélérer la transition énergétique et la lutte contre la pollution et la congestion routière, en favorisant le rééquilibrage modal au profit des déplacements opérés par le mode ferroviaire, le mode fluvial, les transports en commun à faibles émissions ou les modes actifs comme le vélo ou la marche à pied, en intensifiant l’utilisation partagée des modes de transport individuel et en facilitant les déplacements multimodaux ;
4° Améliorer l’efficacité des transports de marchandises pour renforcer la compétitivité des territoires et des ports, et accélérer le report modal.
À cette fin, cinq programmes d’investissement prioritaires sont mis en place :
a) L’entretien et la modernisation des réseaux nationaux routiers, ferroviaires et fluviaux existants ;
b) La résorption de la saturation des grands nœuds ferroviaires, afin de doubler la part modale du transport ferroviaire dans les grands pôles urbains ;
c) Le désenclavement routier des villes moyennes et des régions rurales par des aménagements existants ;
d) Le développement de l’usage des mobilités les moins polluantes et partagées au quotidien, afin de renforcer la dynamique de développement des transports en commun, les solutions de mobilité quotidienne alternatives à la voiture individuelle et les mobilités actives au bénéfice de l’environnement, de la santé et de la compétitivité ;
e) Le soutien à une politique de transport des marchandises ambitieuse, et notamment le renforcement de l’accessibilité des ports et des grands itinéraires internationaux ferroviaires et fluviaux.
La stratégie d’investissements dans les systèmes de transports contribue par ailleurs à l’achèvement du maillage du territoire par des grands itinéraires ferroviaires, routiers, cyclables et fluviaux, nationaux et internationaux, articulés de façon cohérente avec les systèmes de dessertes locales.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, sur l’article.
M. Jean-Marc Boyer. Nous vivons dans un monde profondément mobile. La mobilité imprègne tellement notre quotidien, madame la ministre, que vous avez retenu ce terme dans l’intitulé de ce projet de loi, en le substituant à celui de « transport » : l’idée est là, qu’elle soit porteuse et aboutisse à offrir les transports attendus par nos concitoyens.
Comme vous l’avez dit, l’État joue ici un rôle majeur, qu’il doit assumer pleinement. Vous devez ainsi donner les moyens financiers nécessaires aux échelons locaux quand vous leur transférez des missions dans le cadre des expérimentations que vous souhaitez mettre en place.
Par ailleurs, comme votre texte a pour ambition d’orienter les mobilités, il est essentiel qu’il marque la bonne direction. Cela consiste notamment à tenir compte des territoires et de leurs spécificités.
Certains ont besoin d’un train qui soit à la hauteur de leur attente, d’une longue attente, comme j’ai pu vous le rappeler à de nombreuses reprises en ce qui concerne l’Auvergne et le Centre. Je le redis : il est essentiel de mettre en place un « plan Marshall » pour les trente années à venir. En effet, il faut plus qu’une orientation, il faut une direction.
D’autres ont besoin qu’on tienne compte de leur réalité, qu’on ne leur impose pas des normes centralisées sans distinction, comme cela a été fait pour la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure. Je souhaite rappeler mon attachement à la sécurité routière. Celle-ci peut être améliorée sans jacobinisme et en impliquant les acteurs locaux. Aussi faudrait-il que le Premier ministre, dans un esprit de responsabilité et d’écoute, revienne sur son décret et que l’on donne aux préfets et aux élus locaux la compétence d’adapter la limitation de vitesse en fonction de la dangerosité des routes.
Enfin, j’ai récemment rappelé dans cet hémicycle mon attachement au nécessaire désenclavement des territoires. Je ne veux plus être un « zonard », moi qui vis dans ce que l’État appelle une « zone blanche » : zone blanche pour la mobilité, zone blanche numérique, notamment. Au travers de ce texte, agissons pour que nous, ruraux et montagnards, ne soyons plus des « zonards ». Madame la ministre, on ne vous demande pas le Grand Soir, comme d’aucuns ont pu le prétendre ; on vous demande de prendre en compte nos besoins, pour que la mobilité soit une réalité aussi pour nos territoires.
Je conclurai en paraphrasant mon ami Rémy Pointereau : un pays qui n’investit plus est un pays qui se meurt ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l’article.
Mme Fabienne Keller. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le titre Ier A porte sur la programmation des investissements de l’État dans les transports : objectifs, moyens et contrôle. Je souhaite saluer à mon tour le très important travail d’analyse que le Conseil d’orientation des infrastructures a réalisé avec plusieurs de nos collègues sous l’autorité de Philippe Duron, qui nous regarde, même si j’ai conscience que chacun d’entre nous voudra amender les priorités, les calendriers et, surtout, la liste des projets retenus…
Partant de ce travail, vous avez cherché, madame la ministre, à construire une planification robuste et réaliste. Vos priorités méritent d’être soutenues. Je pense notamment aux nœuds ferroviaires saturés, aux projets nécessitant d’être achevés, en particulier pour le désenclavement de villes moyennes, aux transports du quotidien.
Certes, nous ne discutons pas ici un projet de loi de finances, mais la question du financement de ces priorités, des infrastructures de transport est bien sûr importante.
Or les auditions, ainsi qu’une table ronde organisée par la commission des finances la semaine dernière après celle de la commission du développement durable ont montré que le financement des 13,4 milliards d’euros prévus pour la période 2018-2022 restait à consolider. Vous l’avez vous-même indiqué, madame la ministre. L’enjeu est de trouver une ressource financière pérenne pour l’Afitf au titre de la programmation 2020-2023, afin que les objectifs puissent être tenus.
Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’un rééquilibrage entre la route et le ferroviaire ou le fluvial, pour un plus grand respect des ressources et de l’environnement.
Vous l’avez souligné, madame la ministre, la question du financement est très liée au grand débat national qui s’achève. Le défi est de trouver des ressources en évitant d’augmenter la fiscalité, surtout pour ceux qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur voiture et pour les publics les plus vulnérables.
Les solutions ne sont pas simples. Elles pourront être évoquées dans la discussion de ce texte, ainsi qu’ultérieurement lors de l’examen de projets de loi de finances. Je forme le vœu que nos débats puissent permettre de progresser sur le financement prioritaire d’infrastructures dont la réalisation est depuis trop longtemps reportée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en inscrivant la question programmatique au début de ce texte, ce qui nous permet d’aborder en premier lieu la question des engagements de l’État en matière d’infrastructures de transport, le rapporteur a adopté une démarche judicieuse, car c’est bien en partant de ces objectifs que le cadre organisationnel doit être défini.
Madame la ministre, comment aborder sereinement la question du financement des infrastructures et celle des objectifs des pouvoirs publics en la matière, alors même que la presse a annoncé, la semaine dernière, la suppression de 56 lignes et la fermeture de 120 gares ferroviaires ? (Mme la ministre proteste.) Je n’ai pas inventé cette information, madame la ministre, je l’ai lue dans la presse !
Comment aborder sérieusement cette problématique, alors que la question des lignes de vie est renvoyée à un énième rapport qui sera rendu, bien entendu, après l’examen de ce projet de loi ? Le traitement de cette question devrait pourtant constituer l’un des engagements prioritaires de cette programmation : nos territoires ont besoin que soit conservé et renforcé le maillage ferroviaire de notre pays. Les déclarations d’intention qui sous-tendent cet article sont très directement démenties par la politique gouvernementale, ce qui entache la confiance dans les engagements pris.
Par ailleurs, alors que répondre au défi climatique est présenté comme une urgence absolue et que des milliers de nos concitoyens se sont mobilisés samedi dernier, pourquoi renoncer à aborder la question du transport de marchandises, réduite par ce rapport à celles de la compétitivité des ports et des autoroutes ferroviaires ? Pourquoi faire des « mobilités partagées » l’équivalent des transports en commun, alors que le coût environnemental n’est évidemment pas le même ?
Ce sont là autant de questions qui nous conduisent à nous interroger sur le modèle retenu par le Gouvernement. Après avoir promu le remplacement des trains par les « cars Macron », vous poursuivez selon la même logique libérale appliquée dans le secteur des transports depuis des décennies en remplaçant les transports en commun par des solutions individuelles. C’est là une ubérisation du service public des transports.
La question des financements est posée. Nous aurons largement le temps d’y revenir lors de la défense de nos amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans le rapport annexé, il est question du Grand Paris Express. Il y est précisé que tout – rails, gares… – sera livré entre 2024 et 2030, ce qui suscite mon admiration. Ne doutant pas que ce document ait été rédigé par des gens compétents, j’apprécierais beaucoup de savoir ce qui sera livré en 2024 et ce qui le sera en 2030.
Cela fait des années que je dis, en commission des finances comme dans cet hémicycle, que l’on a peut-être eu les yeux plus gros que le ventre et que l’on n’arrivera pas à financer. Le coût du projet du Grand Paris Express, que j’ai soutenu à ses débuts, était estimé à l’origine à environ 20 milliards d’euros. Sept ou huit ans plus tard, nous en sommes à 35 milliards d’euros. J’affirme que l’on ne s’arrêtera pas là et que le coût final s’établira probablement entre 40 milliards et 45 milliards d’euros.
Cela fait des années que je demande que le projet soit remis à plat, que tous les techniciens, génies des Carpates persuadés que les élus ne comprennent rien (Sourires.), se mettent autour d’une table pour répondre à cette question : peut-on réellement faire tout ce qui a été prévu ? On me répond systématiquement que l’engagement a été pris… Madame la ministre, là n’est pas le problème.
Monsieur Léonhardt, ce n’est pas le budget de la Société du Grand Paris qui a explosé, passant de quelques millions d’euros à plus d’un milliard d’euros, mais les prélèvements supportés par les Franciliens ! En réalité, les entreprises et les particuliers d’Île-de-France payent 700 millions d’euros chaque année en taxes supplémentaires. Au train où vont les choses, cela durera cinquante ou soixante ans, et il n’est pas sûr que les budgets ne devront pas encore être revus à la hausse.
Certes, madame la ministre, tout le monde était favorable au projet initial. Mais l’État est-il véritablement aujourd’hui en mesure de dire que le projet, avec ses dépassements financiers et ses difficultés techniques, sera achevé en totalité en 2030 ? Je ne serai plus là pour le voir (Dénégations amusées.),…
M. Alain Fouché. Mais si !
M. Roger Karoutchi. … mais, en tout état de cause, je ne sais pas si beaucoup d’élus franciliens y croient encore… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, développer les mobilités du quotidien, c’est tout l’esprit du projet de loi que nous examinons. Je souhaite appeler votre attention, madame la ministre, sur deux projets qui visent à atteindre cet objectif.
Il s’agit, en premier lieu, du projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Dax, dont la réalisation est repoussée au-delà de 2037. Je tiens à souligner l’importance de ce projet, qui a fait l’objet d’un débat dans le cadre du Grand Projet du Sud-Ouest, le GPSO, et a été validé par le territoire. Cette desserte ferroviaire est indispensable pour gagner la bataille environnementale du ferroviaire contre l’aérien et le routier. Le GPSO est le maillon manquant de la grande vitesse européenne jusqu’à l’Espagne. C’est l’un des axes stratégiques du réseau européen pour relier la péninsule ibérique au reste de l’Europe par la façade Atlantique, tant pour le fret que pour le trafic voyageurs, d’autant que la ligne Dax-Espagne est envisagée comme une solution de transport écologique et durable, au regard des 44 millions de tonnes de marchandises qui franchissent chaque année par la route la frontière entre la France et l’Espagne.
En second lieu, madame la ministre, développer les mobilités du quotidien, c’est aussi l’esprit de l’étude sur l’amélioration de la desserte de Pau via la ligne existante Dax-Pau prévue dans le contrat de plan État-région 2015-2022, qui n’a toujours pas été lancée, alors qu’elle est très attendue. Pourtant, toutes les collectivités concernées ont travaillé ensemble, voté des délibérations pour prévoir le financement de cette étude. Seul l’engagement de l’État reste à formaliser. Madame la ministre, nous avons déjà pu évoquer ce sujet ensemble. Je vous demande plus de visibilité sur le calendrier de lancement de cette étude.