compte rendu intégral

Présidence de M. Philippe Dallier

vice-président

Secrétaires :

Mme Jacky Deromedi,

Mme Françoise Gatel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidature à une mission d’information

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la mission d’information sur le thème : « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? » (M. Roger Karoutchi sesclaffe.) a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants
Articles 2 et 2 bis

Reconnaissance des proches aidants

Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants (proposition n° 184, texte de la commission n° 362, rapport n° 361).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

La commission des affaires sociales, saisie au fond, s’est réunie le 6 mars 2019 pour l’examen des articles et l’établissement du texte. Le rapport a été publié le même jour.

proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants

TITRE Ier

Favoriser le recours au congé de proche aidant

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Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants
Articles 3 et 4

Articles 2 et 2 bis

(Suppression maintenue)

TITRE II

Sécuriser les droits sociaux de l’aidant

Articles 2 et 2 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants
Article 5 bis

Articles 3 et 4

(Suppression maintenue)

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Articles 3 et 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants
Article 6

Article 5 bis

Le V de larticle L. 14-10-5 du code de laction sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après la référence : « 4° », est insérée la référence : « , 5° » ;

2° Au a, les mots : « mêmes 1°, 2°, 4° et 6° » sont remplacés par les références : « 1°, 2°, 4°, 5° et 6° de larticle L. 233-1 ».

Article 5 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants
Article 7

Article 6

I. – Larticle L. 1111-15 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la fin du troisième alinéa, les mots : « et à la personne de confiance mentionnée à larticle L. 1111-6 » sont remplacés par les mots : « , à la personne de confiance mentionnée à larticle L. 1111-6 du présent code et à la personne de confiance mentionnée à larticle L. 311-5-1 du code de laction sociale et des familles » ;

2° Après le même troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le dossier médical partagé comporte aussi un volet relatif aux personnes qui remplissent auprès du titulaire du dossier la qualité de proches aidants ou de proches aidés, en ce quelles aident le titulaire du dossier ou reçoivent une aide du titulaire du dossier, au sens de larticle L. 113-1-3 du même code soit en raison de lâge, dune situation de handicap ou dune maladie.

« Les informations mentionnées au quatrième alinéa du présent article sont renseignées dans le dossier médical partagé par son titulaire ou par le médecin traitant mentionné à larticle L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale du titulaire à la demande du titulaire ou dun proche aidant. Lorsque les personnes désignées possèdent un dossier médical partagé, ces informations sont ajoutées dans leur dossier médical partagé. Elles peuvent être modifiées à tout moment à la demande de lune dentre elles. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur six mois après la publication de la présente loi.

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 7

(Suppression maintenue)

Vote sur l’ensemble

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pour sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui est soumise à votre vote la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants que Mme Jocelyne Guidez a déposée en juin 2018.

Avant d’évoquer le fond de cette proposition de loi, permettez-moi de rappeler le destin quelque peu particulier qui a été le sien depuis que votre Haute Assemblée l’a votée le 25 octobre dernier. À cette date, vous le savez, il apparaissait prématuré au Gouvernement de soutenir le texte sans réserve, alors même que nous lancions en parallèle la concertation « Grand âge et autonomie », chargée de réfléchir aussi à la question des proches aidants.

Un atelier coprésidé par une parlementaire, Mme Annie Vidal, et réunissant les associations d’aidants et d’aidés, les départements, les communes et les agences régionales de santé s’était lancé dans un travail ambitieux sur le sujet.

Il avait notamment prévu d’auditionner des personnes d’horizons très divers : de la présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées aux professionnels des services à domicile, en passant par un professeur d’éthique et par des représentants des caisses de sécurité sociale, des centres communaux d’action sociale, des mutuelles, de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises ou encore d’initiatives innovantes variées.

Par cohérence avec nos engagements et par respect envers tous les participants de cet atelier, nous avons donc souhaité qu’un temps préalable d’écoute et de réflexion commune soit observé. Aujourd’hui, après plus de cinq mois, la concertation nationale prend fin et l’atelier « aidants » a livré ses propositions. Elles seront présentées officiellement au Gouvernement par Dominique Libault le 28 mars prochain.

En tout état de cause, je voudrais dire que ce temps et votre travail n’ont pas été vains. Il a permis de débattre, de mûrir des solutions qui peuvent désormais être soutenues collectivement : certaines pistes que vous avez proposées ont été confirmées par l’atelier « aidants ». C’est le cas notamment des mesures portées par les quatre articles soumis à votre vote aujourd’hui. Certains ont pu indiquer que ces quatre articles, donc le texte ainsi rédigé, manquaient d’ambition. Ni Agnès Buzyn ni moi ne pouvons laisser dire cela. Il ne s’agit pas de mesures symboliques ou négligeables.

Tout d’abord, ces mesures ont une portée universelle : elles s’adressent à tous les aidants, soit quelques millions de personnes, sans distinction entre les champs du handicap, de l’âge ou de la maladie. Le texte introduit dès aujourd’hui des avancées majeures, en amont de mesures qui interviendront demain, dans le cadre plus global du projet de loi Autonomie, que nous vous présenterons d’ici à la fin de l’année.

Ainsi, l’article 1er s’adresse à tous les aidants salariés sans condition, soit près de quatre millions de personnes. La négociation collective obligatoire sur la situation des salariés aidants apportera, enfin, la visibilité et la reconnaissance au sein des entreprises que ces salariés attendent. Cet article favorisera l’émergence de mesures efficaces au plus près des besoins des aidants sur leur lieu de travail, quel que soit le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise. C’est une grande avancée, qui ne doit pas être minimisée et que nous soutenions déjà dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

L’article 5 permettra d’élargir l’offre de répit aux aidants. À titre expérimental d’abord, il permettra aux structures publiques de garantir la présence de professionnels au domicile de la personne dépendante, pour que l’aidant puisse souffler plusieurs jours consécutifs.

L’expérimentation engagée depuis 2019 ne pouvait concerner que le secteur privé. Elle pourra désormais s’appliquer au secteur public qui, comme vous le savez, est un acteur important de l’offre d’accompagnement des personnes aidées. C’est une mesure très attendue sur le terrain, dont l’impact ne doit pas non plus être minimisé.

L’article 5 bis permettra de soutenir le financement par les conférences des financeurs d’actions concrètes et pratiques proposées par des acteurs locaux au plus près des besoins des aidants.

Certains ont atténué en commission la portée de cette disposition, au motif que les conférences des financeurs de certains départements finançaient déjà ces actions, mais c’est méconnaître la réalité concrète de certains territoires. Dans certains départements, le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, aux conférences des financeurs n’est pas utilisé dans sa totalité et les mesures au profit des aidants représentent une part minime des dépenses des conférences des financeurs. En ouvrant la possibilité de financer de nouvelles actions par la CNSA, nous ouvrons la possibilité d’augmenter réellement la dépense et d’avoir un vrai impact sur les aidants.

Enfin, l’article 6 est une avancée conceptuelle significative. Il entérine le fait que l’existence d’un aidant doit se traduire en matière de suivi de la santé, d’une part, par une attention particulière à cet aidant et, d’autre part, par une appréhension spécifique de la situation de l’aidé.

Cet article prévoit l’inscription du couple aidant-aidé sur le dossier médical partagé de l’un et de l’autre. Il permettra la reconnaissance et l’identification de tous les proches aidants par les professionnels de santé, afin de mieux repérer et prévenir leurs fragilités.

Grâce à cette simple inscription, une attention et des réponses particulières pourront être apportées aux aidants, mais aussi aux personnes aidées en cas de problème de l’aidant. L’article initial soulevait de nombreuses réserves. Le temps de la concertation sur la dépendance et des débats parlementaires ont permis d’en améliorer la rédaction, avec le rapporteur et l’auteur du texte, que je remercie.

Ces mesures en témoignent, le Gouvernement et le Parlement partagent le même objectif : répondre aux besoins des 8 à 11 millions d’aidants de personnes âgées, de personnes handicapées, de malades chroniques mais aussi d’enfants. Sans compter leur temps, sans jamais ménager leur peine, ils œuvrent quotidiennement à aider, à soulager, à accompagner des proches fragiles et dans le besoin.

Pour répondre à leurs besoins et à leurs préoccupations, nous ne saurions nous arrêter là. Je l’ai dit, les résultats de la concertation sur le grand âge et l’autonomie seront présentés le 28 mars prochain. Quelques semaines plus tard, le Gouvernement passera à l’action pour apporter des solutions immédiates et à long terme.

Ainsi, c’est dans le cadre global de la réforme du grand âge et de l’autonomie que sera notamment portée, avant 2019, l’indemnisation du congé pour les aidants par la solidarité nationale. Elle le sera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans le projet de loi sur l’autonomie. Le Gouvernement s’y est engagé à plusieurs reprises par la voix d’Agnès Buzyn et par la mienne.

Si nous faisons le choix d’inscrire cette mesure dans un ensemble plus large, c’est bien entendu par souci de cohérence, mais aussi parce que la question de son financement ne peut être traitée en dehors de celle, plus globale, du financement de notre futur système de prise en charge de l’autonomie.

Madame Guidez, vous avez dit en commission la semaine dernière que ce texte appartenait aux aidants, et je vous rejoins sur ce point. Assurément, ces mesures et celles qui pourront être prises ultérieurement favoriseront la reconnaissance que des millions de personnes attendent. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je vous présente les excuses de notre rapporteur Olivier Henno, en déplacement à l’étranger, que je remplace à la tribune au nom de la commission des affaires sociales.

Le texte sur lequel nous allons nous prononcer aujourd’hui, examiné dans les formes de la législation en commission, n’a pas connu un parcours parlementaire ordinaire. Sans en rappeler les principaux jalons, pour ne pas répéter ce que nous nous sommes déjà dit en commission, je veux insister sur les résultats atteints lorsque le Gouvernement et le Parlement agissent de concert et écartent un temps leurs oppositions pour faire place au dialogue.

La rédaction initiale de ce texte, qui ouvrait un large panel de droits sociaux aux proches aidants, était ambitieuse. Elle prenait ses racines dans un rapport que notre collègue Jocelyne Guidez avait rendu sur une proposition de loi relative au don de jours de congé non pris en faveur d’un collègue aidant. De grandes lacunes dans la protection sociale des aidants avaient alors été repérées, et Jocelyne Guidez avait décidé de s’emparer du sujet et de proposer un texte exhaustif et innovant.

Nos débats ont été longs, techniques et parfois houleux. Ils ont contribué à rappeler l’importance de l’initiative parlementaire et la force qu’une impulsion politique, venue du Sénat, pouvait produire. Le résultat des travaux que nous vous présentons aujourd’hui - un texte finalement composé de quatre articles et fortement modifié par rapport à sa version originelle – n’a pas amoindri le rôle de notre institution, me semble-t-il.

Dans notre République, aucune institution ne peut efficacement agir seule. Le Gouvernement et le Parlement travaillent toujours mieux pour le service de l’intérêt commun lorsque l’opposition fait place au partenariat et à la réciprocité. Ce texte nous en fournit un exemple particulièrement parlant.

Nous avons été déçus de voir l’Assemblée nationale dépouiller cette proposition de loi de l’essentiel de sa substance, à savoir l’indemnisation du congé de proche aidant et l’harmonisation des conditions d’affiliation à un régime de retraite de l’aidant. Néanmoins ces retraits, quoique légitimement désagréables pour le Sénat, ont été accompagnés d’engagements réitérés du Gouvernement de satisfaire nos intentions, sous des formes prochaines et plus appropriées.

Nous avons pu exprimer notre mécontentement à l’idée que le Gouvernement entravait nos initiatives pour des motifs essentiellement calendaires voire de récupération politique. Nous reconnaissons aujourd’hui que nous avons été entendus, au moins en partie, notamment avec la réintégration de deux articles, dont l’article 6 sous une forme sans doute plus adaptée.

Nous exerçons notre mandat dans l’esprit prévu par notre Constitution : si l’idée nous appartient, à nous représentants des territoires et parfaitement au fait des réalités du terrain, il est au fond logique que sa mise en œuvre, son exécution, revienne au Gouvernement.

J’ajoute que nous avons obtenu au cours de cette navette parlementaire l’engagement du Gouvernement d’indemniser le congé de proche aidant, en réponse à l’article 2 de notre texte initial. Cette mesure est donc à mettre au crédit de notre institution.

En conclusion, je veux profiter de cette tribune pour adresser les remerciements de la commission à Mme la secrétaire d’État, qui a souhaité lui trouver un débouché à l’Assemblée nationale. C’est essentiel afin de ne pas renouveler le désagrément que nous avons connu.

Mes remerciements vont également à Olivier Henno, notre rapporteur, pour le travail minutieux qu’il a effectué durant les deux lectures de ce texte, afin de parvenir à un équilibre capable de satisfaire l’ensemble des parties.

Enfin, je salue notre collègue Jocelyne Guidez, dont l’énergie et l’engagement ont soutenu cette initiative jusqu’à son terme et qui a su trouver les mots justes afin que nous nous mettions tous d’accord sur l’objectif. Comme elle l’a d’ailleurs fort bien exprimé, et comme vous le rappeliez, madame la secrétaire d’État, ce texte n’est au fond ni celui du Parlement ni celui du Gouvernement, mais celui des aidants. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je souhaite saluer l’excellent travail réalisé à la fois par Olivier Henno, en sa qualité de rapporteur de la commission, et par Jocelyne Guidez, auteur de cette proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants.

Les proches aidants représentent en France plus de huit millions de personnes. Ils réalisent un travail considérable, en accompagnant au quotidien une personne âgée en perte d’autonomie ou une personne en situation de handicap.

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la Drees, huit personnes âgées sur dix sont aidées par leur entourage, notamment pour des tâches de la vie quotidienne. Nous savons que, en 2060, un tiers de la population française aura plus de 60 ans. Aussi, le rôle des aidants est amené à prendre de plus en plus d’ampleur, avec toutes les difficultés que cela entraîne pour les personnes qui cumulent bien souvent ce temps de soutien avec une activité professionnelle et une vie familiale.

En effet, neuf aidants sur dix se disent fatigués, quelquefois déprimés. Certains laissent même leur propre santé de côté. Il est urgent d’apporter une réponse efficace aux réelles difficultés auxquelles sont confrontés les aidants.

Si la loi du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement, offre une première reconnaissance juridique aux proches aidants, les dispositifs de soutien existants restent largement insuffisants. Le texte initial de cette proposition de loi, tel que nous l’avons examiné en première lecture au Sénat, en octobre dernier, proposait plusieurs avancées substantielles en renforçant les droits sociaux des aidants et en favorisant leur recours.

L’indemnisation du congé de proche aidant, qui figurait à l’article 2, venait donner toute son ampleur au dispositif de droit au congé. Notre groupe avait déposé un amendement en commission, afin de réintroduire cette disposition essentielle, première étape vers une valorisation effective des aidants.

L’ouverture de ce droit au congé indemnisé à l’ensemble des travailleurs, en incluant les indépendants et les fonctionnaires, constitue la deuxième étape clé du dispositif qu’il reste à franchir. En l’état, les proches aidants continueront de délaisser leur droit au congé de proche aidant, souvent au profit du système des arrêts maladie.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Jocelyne Guidez avait mené un travail remarquable et pragmatique, mais cinq articles sur les sept présents dans la proposition de loi initiale ont été supprimés à l’Assemblée nationale.

Nous avions l’occasion de franchir une étape essentielle dans la reconnaissance des proches aidants salariés, au travers de l’indemnisation du congé des aidants. Cette étape-là, nous ne l’avons pas franchie. Elle était pourtant la pierre angulaire du dispositif.

Nous comptons donc sur le Gouvernement pour que la réforme prochaine de la dépendance soit à la hauteur des besoins des aidants et de leurs attentes légitimes en matière de reconnaissance et de valorisation, en incluant les dispositifs qui existaient dans l’article 2, mais aussi dans les articles 3 et 4 concernant la prise en compte des dispositions sur les retraites des aidants.

Néanmoins, nous reconnaissons que le texte proposé aujourd’hui reste positif. L’article 1er vise à intégrer à la négociation collective le thème de la conciliation entre l’activité d’aidant et la vie professionnelle d’un salarié. Les articles 5 bis et 6 ont été réintroduits par le rapporteur en commission.

L’article 5 bis concerne la possibilité de financer des actions de soutien aux proches aidants par la conférence départementale des financeurs de la perte d’autonomie des personnes âgées dépendantes et des personnes porteuses de handicap. Cela existe effectivement dans de nombreux départements, mais Mme la secrétaire d’État a annoncé une augmentation des financements. L’article 6, quant à lui, vise à identifier le proche aidant au sein du dossier médical partagé de la personne aidée.

Aussi, malgré les réserves exposées précédemment, notamment sur les articles 2, 3 et 4 qui ont été supprimés, mais que nous espérons revoir dans la loi sur l’autonomie, notre groupe soutient cette proposition de loi. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour explication de vote. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi déposée au mois de juin 2018 par notre collègue Jocelyne Guidez visait à mieux reconnaître et mieux prendre en compte le travail exceptionnel effectué par les proches aidants, et à prévoir tant les modes d’indemnisation de leurs congés, la sécurisation de leurs droits sociaux que leur accompagnement dans l’inévitable isolement auquel ils se trouvent souvent confrontés.

Cette proposition de loi s’inscrivait dans la droite ligne des conclusions du rapport de notre collègue lors de l’examen de la proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap. J’utilise volontairement le passé, car cette ambitieuse proposition de loi se retrouve devant notre assemblée presque vidée de sa substance, ses principales mesures ayant été supprimées lors de la lecture à l’Assemblée nationale, malgré son adoption à l’unanimité au Sénat en première lecture.

L’objectif était pourtant d’envoyer un message concret aux proches aidants, alors que la situation est dramatique pour accueillir les personnes nécessitant un accueil spécifique : absence ou nombre insuffisant de professionnels de santé, manque cruel de places dans des établissements d’accueil qualifiés, coût des éventuelles institutions impossible à assumer pour les familles, comme je le constate tous les jours en Haute-Garonne.

Les familles qui se retrouvent confrontées à ces situations sont désespérées. Ce sont les proches aidants qui répondent alors « présents ». Nous leur rendons hommage et leur faisons part de toute notre admiration pour la mission remarquable qu’ils accomplissent dans une généreuse abnégation, véritables relais de la solidarité nationale.

Je salue le travail de notre rapporteur qui, dans le contexte tendu du rejet par les députés des avancées proposées par les sénateurs, a privilégié l’engagement d’un dialogue, afin de permettre d’apporter les premières réponses concrètes aux aidants. Ses deux amendements visant à garantir le financement par la conférence des financeurs d’actions en direction des proches aidants et à prévoir leur inscription au sein du dossier médical partagé de la personne aidée ont été adoptés en commission, avec un avis favorable du Gouvernement.

Après la suppression des articles 2 et 2 bis, 3 et 4, 5 bis et 6, il est néanmoins regrettable que des questions déterminantes pour les proches aidants n’avancent pas. Nous comptons donc sur le respect des engagements pris tant par la ministre de la solidarité et de la santé – indemniser le congé de proche aidant – que par vous-même, madame la secrétaire d’État – tenir compte des propositions initiales du Sénat à l’issue des concertations en cours sur les retraites et le grand âge –, dans l’attente du vote d’une loi sur l’autonomie.

Cette proposition de loi doit être considérée comme une première étape. Le groupe Les Républicains souhaite témoigner toute sa reconnaissance aux proches aidants, maillon devenu indispensable dans l’accompagnement de nombreuses personnes dépendantes. Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera pour cette proposition de loi réécrite, afin d’envoyer un signal positif aux proches aidants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’issue de l’examen et du vote intervenus en commission des affaires sociales, je tiens à saluer le texte de compromis qui s’est dégagé de nos travaux et, bien sûr, le rapporteur qui est l’artisan de ce compromis avec le Gouvernement.

Il convenait en effet de concilier la volonté légitime d’agir vite et concrètement pour les proches aidants et la nécessité tout aussi légitime de ne pas trop fractionner ni cloisonner les mesures législatives en leur faveur, alors que de grandes concertations nationales sont en cours sur la réforme de la prise en charge de la dépendance et sur l’avenir de notre système de retraites.

Comme je l’appelais de mes vœux en première lecture, nous devons collectivement, en tant que législateurs, concevoir un plan global et surtout structuré de soutien aux aidants. Il devra concerner tous les profils d’aidants – jeunes, salariés, non-salariés – et répondre à tous leurs besoins d’information sur leurs droits, de solutions de répit et de conciliation entre vie professionnelle et aide apportée.

L’enjeu est de ne pas se perdre dans des considérations de communication, d’antériorité ou de paternité de tel ou tel dispositif ; il faut que le Parlement et le Gouvernement travaillent de façon constructive, en conjuguant et en synchronisant efficacement l’avancement des travaux dans et hors du Sénat.

Le compromis atteint est à ce titre satisfaisant, car la proposition de loi conserve, outre les articles 1er et 5 sur la négociation collective obligatoire et le relayage, les articles 5 bis et 6 relatifs aux financements publics des actions à l’appui des aidants ainsi qu’à leur identification auprès des professionnels de santé. Ces dispositions s’inscrivent utilement dans l’approche globale et la concertation en cours avec et pour les aidants, en amont du projet de loi annoncé d’ici à la fin de l’année 2019.

Notre groupe votera le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)