Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue mon cher collègue du Morbihan Jimmy Pahun, le député auteur de cette proposition de loi, ainsi que Philippe Le Gal, qui préside à la fois le comité régional conchylicole de Bretagne sud et le Comité national de la conchyliculture, le CNC.
Je commencerai par la conclusion : quel impact nous aurions si nous étions capables de voter conforme ce texte après les débats que nous allons nécessairement mener ici.
Les activités littorales agricoles et de cultures marines sont une richesse – tout le monde en convient – qu’il nous faut absolument préserver. Elles contribuent à animer les territoires. Elles valorisent nos terroirs et sont un facteur clé du tourisme et du rayonnement de nos régions. Il s’agit d’un à la fois d’un patrimoine et d’un enjeu crucial pour l’économie et l’alimentation locales.
Or ces activités sont menacées. La pression foncière sur le littoral est un facteur important de ce déclin. À titre d’exemple, depuis 2001, le comité régional conchylicole de Bretagne sud a perdu 20 % de ses concessions. De même, sur toute la France, dans le domaine agricole, seuls 200 agriculteurs parviennent chaque année à s’installer sur une commune littorale. Il y a donc urgence face à ces phénomènes. Les bâtiments conchylicoles construits sur le littoral, notamment dans la bande des 100 mètres, sont très convoités et se transforment trop souvent en habitat résidentiel secondaire. Un prix de vente qui est parfois jusqu’à dix fois supérieur pousse malheureusement nombre de propriétaires à vendre à un non-professionnel. Et je voudrais, moi aussi, faire le lien avec le niveau des retraites.
Ce sont donc des exploitations qui sont perdues, des porteurs de projet qui ne peuvent pas s’installer, alors que la moyenne d’âge des conchyliculteurs est de quarante-huit ans. On voit tout l’enjeu de la préservation par la transmission des outils existants.
Le foncier agricole, comme celui qui est dédié aux cultures marines, n’est pas un bien comme les autres. Il a un rôle crucial et stratégique pour l’intérêt général qui justifie une intervention publique et une régulation légitime du droit de propriété. À ce titre, le droit de préemption des Safer est essentiel et nécessaire. Il a à la fois un effet dissuasif sur certaines ventes et permet de casser des transactions pour maintenir la destination agricole ou conchylicole du foncier.
Cependant, on a pu l’observer sur les territoires, il peut être contourné par les propriétaires. En effet, il faut qu’une activité agricole ait été exercée dans les cinq ans précédant la vente pour que la Safer puisse agir. Cela ouvre la porte à une spéculation qui consiste à attendre cinq ans après la cessation d’activité pour réaliser la vente. À Saint-Philibert, très jolie commune du Morbihan, cela a permis à un ostréiculteur de vendre son chantier 1,5 million d’euros à un particulier, plutôt que 100 000 euros à un autre professionnel. Et les exemples de ce type sont nombreux, sur tous les territoires littoraux.
Je remercie donc vivement et officiellement mon collègue morbihannais Jimmy Pahun de son initiative, qui vient renforcer le rôle de la Safer pour éviter de tels contournements. Son travail de fond a permis de produire un texte consensuel, qui – M. le ministre l’a souligné – a été voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale. L’extension à vingt ans du délai pris en compte pour la préemption qui est proposée sera très certainement dissuasive pour éviter la spéculation. Cet outil pourra également préserver les activités agricoles sur les communes littorales.
Aussi, encore une fois, je regrette vivement que nous ne puissions pas voter un texte conforme à celui de l’Assemblée nationale. Mais, en bon utopiste que je suis, et cela définitivement, je ne désespère pas encore ! (Sourires.)
Il y a en effet urgence à agir pour nos territoires. La Fédération nationale des Safer nous a alertés sur une forte augmentation des déclarations d’intention d’aliéné reçues. Le comité régional conchylicole de Bretagne sud parle d’une dizaine de dossiers en attente pour le seul Morbihan. Les propriétaires accélèrent donc les transactions, afin de pouvoir échapper à cette extension du droit de préemption.
La question de la saliculture est, certes, importante, mais elle pourrait attendre le prochain texte, d’autant plus qu’une loi financière devrait arriver prochainement au Parlement. C’est en tout cas ce qu’a annoncé le Président de la République le 23 février dernier. J’espère sincèrement que cette annonce sera suivie d’effets.
Enfin, je souhaite évoquer une fois encore la question de l’origine des huîtres. (Sourires.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ah !
M. Joël Labbé. La durabilité de l’ostréiculture, c’est aussi celle de la production, qui est depuis quelques années fortement affectée par des mortalités très inquiétantes. Des ostréiculteurs observent une concomitance entre les fortes mortalités d’huîtres et l’arrivée des huîtres d’écloserie et des huîtres triploïdes. Des études scientifiques semblent aller dans leur sens.
C’est dans l’espoir d’un vote conforme que je n’ai pas déposé d’amendement visant à imposer l’étiquetage des huîtres, mais j’y reviendrai dès que possible.
Je sais que la profession est divisée sur le sujet. J’invite ses responsables à en débattre en interne en vue d’un prochain texte, qui ne saurait tarder, je crois. Pour moi, la transparence quant à l’origine des produits est un minimum.
Mes chers collègues, au nom du groupe du RDSE, je voterai, vous l’avez compris, cette proposition de loi. Et je n’ai pas encore de regret, car nous allons peut-être parvenir à voter ce texte conforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Michel Canevet. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France est un grand pays maritime, notamment par la longueur, la beauté et la qualité de notre littoral, mais aussi par l’étendue des zones économiques maritimes, qui la place au deuxième rang mondial en la matière.
Le groupe Union Centriste est particulièrement attaché à l’affirmation et à la valorisation du littoral et de la vocation maritime de notre pays. D’une part, la mer représente l’essentiel des surfaces de notre globe. D’autre part, cela constitue un potentiel de développement économique absolument considérable. Il convient donc effectivement de pouvoir l’utiliser.
Parmi les activités à valoriser figurent la pêche ou l’exploitation des ressources naturelles, mais également les activités conchylicoles : huîtres, moules, coques, ormeaux, palourdes… Autant d’activités importantes sur notre littoral.
Le groupe Union Centriste salue l’initiative du député du Morbihan Jimmy Pahun, qui a dressé, en lien avec les professionnels, le constat d’une perte significative de sites dédiés à l’ostréiculture ou à la conchyliculture en général.
Selon le Comité national de la conchyliculture – je salue son président, présent dans les tribunes –, environ la moitié des sites ostréicoles avaient pu disparaître en vingt ans, c’est-à-dire entre la fin du siècle dernier et aujourd’hui. C’est donc un enjeu particulièrement important. Nous avons évidemment tous la volonté de préserver le littoral de notre pays.
Il importe aussi de développer un certain nombre d’activités économiques. Vous l’imaginez bien, ces potentiels de production sont donc absolument essentiels pour le développement d’une telle activité, qui est d’ailleurs en diminution dans notre pays. Au siècle dernier, on produisait beaucoup plus de 100 000 tonnes d’huîtres et de moules dans notre pays, contre 70 000 à 80 000 tonnes aujourd’hui. Alors même que les consommateurs sont demandeurs de produits, leur demande n’est pas satisfaite par la production sur nos territoires.
Il est important qu’une telle activité puisse perdurer. Par la présente proposition de loi, Jimmy Pahun et l’ensemble de la profession adressent un message fort : nous croyons en l’avenir de cette production ; la France peut développer cette activité, créer des emplois et améliorer notre balance commerciale, qui est positive s’agissant des huîtres, mais très largement négative s’agissant de la production mytilicole.
Nous importons beaucoup plus de moules que nous sommes capables d’en produire. Examinez les statistiques de FranceAgriMer : vous constaterez que nous disposons là de potentiels de développement considérables !
Je ne reviendrai ni sur ce qui a été dit par les orateurs précédents ni sur l’exposé des motifs de cet excellent texte. Notre groupe veut avant tout sensibiliser l’hémicycle et, à travers lui, l’ensemble de nos concitoyens sur l’importance d’une telle activité : importance économique – je l’ai indiqué –, mais également importance environnementale.
Les produits conchylicoles sont parfaitement naturels : inutile de donner à manger aux huîtres et aux moules, qui se nourrissent toutes seules dans la mer avec le plancton ! Les professionnels sont, en quelque sorte, des « sentinelles » de la qualité de l’eau en bordure du littoral. En effet, vous l’imaginez, pour faire des productions de qualité, il leur faut une eau de qualité ! Leur présence conduit donc à accentuer les efforts pour obtenir une eau la plus pure possible. Cette considération devrait également nous inciter à être sensibles à l’intérêt du maintien et du développement d’une telle activité pour notre pays.
Il y a évidemment les sites de production dans les rias en mer ou dans les étangs. Mais il y a aussi une nécessité de pouvoir disposer de sites à proximité de l’eau, tout simplement pour éviter de dépenses supplémentaires liées à des sites infralittoraux.
Il importe donc d’avoir des sites de bonne qualité au bord du littoral. Tout d’abord, ils sont souvent absolument superbes : je pourrais évoquer la ria d’Étel – Jimmy Pahun la connaît bien –, qui comporte un grand nombre de sites ostréicoles de très grande qualité, ou l’étang de Thau, que notre collègue Henri Cabanel nous a fait visiter lorsque nous nous sommes rendus sur place avec la délégation sénatoriale aux entreprises. Ensuite, ces sites ont évidemment une valeur marchande considérable.
Que peuvent les professionnels face à des offres financières souvent alléchantes pour la transformation des sites ? Au groupe Union Centriste, nous disons très clairement que ces sites ne doivent pas subir de changement de destination, car ce serait dramatique pour l’avenir de la profession. Il faut que des jeunes puissent s’installer, afin que nous ayons, demain, encore plus d’ostréiculteurs.
Notre groupe souhaite une adoption la plus rapide possible de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’agriculture, qui est fondamentale pour notre souveraineté alimentaire, pèse économiquement : elle représente 4 % du PIB français, avec l’agroalimentaire. Elle est aussi primordiale dans l’aménagement des territoires, s’étendant sur plus de la moitié du territoire français.
C’est également un secteur qui évolue vite. Ainsi, quelque 79 % des agriculteurs sont aujourd’hui connectés à internet et les notions de biodiversité, de préservation des écosystèmes, de stockage de carbone ou d’énergies renouvelables ne leur sont plus étrangères.
Nous le savons, les défis auxquels doivent faire face les agriculteurs sont nombreux. Parmi eux, la question foncière est essentielle. Le départ en retraite de nombreux agriculteurs, la concentration des terres, l’urbanisation à marche forcée, le difficile renouvellement des générations sont autant de constats auxquels nous devons prêter la plus grande attention. Si rien n’est fait, plus d’un tiers des exploitations agricoles aura disparu dans cinq ans.
Dans ma région, très urbanisée, l’agriculture couvre 67 % du territoire. Pourtant, le nombre d’exploitations ne cesse de diminuer : projets d’urbanisation, zones d’activités, routes, industries et grandes surfaces engloutissent irréversiblement des milliers d’hectares de champs et de pâturages. Le prix du foncier et le coût des transmissions des exploitations agricoles sont élevés.
Ce sujet doit nous interpeller, et une politique forte doit être mise en place sur le foncier agricole. C’est un actif stratégique pour l’exploitant agricole et pour l’agriculture française. Il faut le protéger, tout en assurant une fluidité nécessaire à toute activité économique.
Actuellement, et depuis le début des années quatre-vingt-dix, divers outils ont été mis en place, avec, au final, une protection des terres agricoles en mitage. Malheureusement, les intérêts de court terme prévalent trop souvent. L’enjeu est de taille : assurer la sécurité alimentaire des générations futures.
Chaque fois que nous diminuons nos espaces agricoles, nous aggravons notre dépendance alimentaire. L’Union européenne importe déjà l’équivalent de 20 % de sa surface agricole.
Même si le fonctionnement des Safer est parfois critiquable, leur rôle reste essentiel dans la préservation du foncier agricole. Dans les Hauts-de-France, où la pratique du fermage est courante, les terres sont rares et chères. Les ventes se réduisent comme peau de chagrin, et les candidats à l’installation ne trouvent pas toujours de terres à reprendre.
Le droit de préemption est un outil parmi d’autres. Il a le mérite de préserver les terres agricoles. Il doit être utilisé en complément d’autres formes de partenariat innovantes, par exemple lorsque la Safer a signé une convention avec le conseil régional des Hauts-de-France pour faciliter l’installation de jeunes agriculteurs.
Les cultures marines sont loin d’être épargnées par cette pression foncière, exploitations conchylicoles, mais aussi mytilicoles. Dans les Hauts-de-France, quinze entreprises productrices de moules se déploient sur cinquante-cinq hectares.
Le bord de mer est de plus en plus convoité, et la pression foncière est grandissante. Le renforcement de la place des cultures marines dans les territoires est un enjeu socio-économique majeur pour un grand nombre de nos départements littoraux. Il s’agit de secteurs artisanaux dont le poids économique est essentiel à l’échelle locale.
Très ancrées dans leurs territoires, ces activités jouent aussi un rôle important en matière d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement.
Nous le savons tous, ces activités sont fragiles, soumises à de nombreux aléas et encadrées par une réglementation exigeante, à la hauteur de leurs enjeux sanitaires et environnementaux. Il est essentiel de les protéger.
La profession n’est pas restée inerte face à ces évolutions. Elle a tenté de développer des outils non contraignants pour parvenir à contenir la pression au changement de destination, notamment pour les bâtiments dévolus aux cultures marines.
Les démarches des acteurs de la filière ont besoin d’être soutenues, notamment sur le plan législatif. Le dispositif introduit par la proposition de loi permet aux Safer d’exercer leur droit de préemption lorsque les bâtiments ont eu un usage agricole au cours des vingt années précédant leur vente, contre cinq actuellement.
Le délai apparaît suffisamment dissuasif pour réduire les contournements mis en œuvre aujourd’hui afin d’échapper au droit de préemption des Safer.
La proposition de loi a deux mérites : d’une part, elle renforce la protection du littoral ; d’autre part, elle stabilise et protège les activités agricoles et les cultures marines en zone littorale en étendant les pouvoirs de préemption des Safer.
Les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront donc cette proposition de loi qui entend renforcer les moyens d’action des Safer. Plus généralement, il sera primordial de se pencher sur l’efficience de celles-ci dans leurs missions de développer les outils de soutien à l’installation et le renouvellement des générations pour préserver notre agriculture, notamment en leur facilitant l’accès au foncier.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Vaspart. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à mon tour – et en trois minutes, au lieu des cinq qui me sont accordées ! (Sourires.) –, je viens dire tout mon soutien à cette proposition de loi de notre collègue député breton Jimmy Pahun, qui a fait l’objet d’une large concertation, d’abord avec la profession conchylicole, et aussi avec les élus locaux qui subissent ces importantes pressions foncières et touristiques. Ce texte, adopté dans une belle unanimité à l’Assemblée nationale, est utile pour l’économie conchylicole et l’agriculture des départements littoraux.
On le sait, la conchyliculture française est un secteur économique majeur, mais en déclin. La production a diminué de 40 % entre 1995 et 2015. Ces difficultés sont d’abord liées à des épizooties, mais aussi à une pression foncière, c’est-à-dire à la hausse des prix du foncier en zone littorale, qui freine l’installation des jeunes conchyliculteurs.
La régression de la surface agricole utilisée, la SAU, est très forte sur le littoral. Dans mon département, les exploitations dans la zone littorale couvraient 62 300 hectares ; en 2010, elles ne couvraient plus que 47 300 hectares, selon les chiffres fournis par la Safer Bretagne. Cela représente une perte de SAU de 24 %.
Beaucoup d’exploitations sont ainsi détournées de leur fonction agricole à des fins d’habitation ou de tourisme, notamment de restauration, souvent en toute illégalité puisque la loi Littoral comporte déjà de nombreuses limitations concernant les changements d’affectation.
À l’usage, il est apparu manifeste que la durée de cinq ans au cours de laquelle une activité conchylicole ou agricole doit avoir été exercée n’était pas dissuasive pour lutter contre les détournements illégaux en zone littorale. Et ce sont dans ces zones qu’il est proposé, avec ce texte, d’étendre le droit de préemption des Safer, acteur incontournable de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, à vingt ans, en vue d’empêcher les changements de destination des chantiers conchylicoles ou les ventes de biens immobiliers affectés à une activité agricole ou pastorale dans les communes littorales.
La solution est équilibrée et emporte l’adhésion. Le président du groupe d’études « Mer et littoral » que j’ai l’honneur d’être ne peut que se satisfaire de ce dispositif équilibré.
Le littoral est fragile et il faut le préserver. Je le redis avec force tant le sujet est sensible et facilement tourné en caricature.
Vous l’aurez compris, je suis favorable à une adoption par un vote conforme, comme le propose notre excellent rapporteur, car ce texte issu de l’Assemblée nationale va dans le sens de la protection de notre littoral.
Notre rapporteur a introduit un article additionnel étendant l’application de ce dispositif à la saliculture. Je pense que c’est une bonne idée que de l’intégrer d’ores et déjà, plutôt que de représenter sur le même sujet une autre proposition de loi. C’est une simplification législative : il suffit, pour que les choses aillent vite, que l’Assemblée nationale vote très rapidement conforme cet ajout.
J’ai donc le plaisir de vous annoncer que le groupe Les Républicains est favorable à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les discussions autour de ce texte sont importantes. Bien trop souvent, lorsque nous abordons la question de l’avenir de nos littoraux, c’est sous un angle touristique, au détriment, malheureusement, des identités agricoles et maritimes. Ici, il ne s’agit en aucun cas d’assouplir la loi Littoral de 1986, mais bel et bien de conserver, de préserver le littoral français et ses activités agricoles et maritimes, filières à part entière de notre économie.
Depuis plusieurs années, un sujet récurrent alimente nos différents débats, celui de la pression foncière en zone littorale. En effet, les communes littorales sont prisées par les touristes, plus peuplées : en toute logique, les prix du foncier grimpent donc, l’occupation des sols gagne du terrain et, en parallèle, les surfaces dédiées à l’agriculture et à la conchyliculture ne cessent de diminuer.
L’Association nationale des élus du littoral, l’ANEL, que je préside, défend une position claire : la préservation de l’agriculture littorale, le maintien et le développement des cultures marines. Les membres de l’association sont, tout comme moi, inquiets de l’urbanisation des zones littorales, de plus en plus convoitées pour de multiples activités. C’est pourquoi nous travaillons main dans la main avec le Conservatoire du littoral pour préserver cette richesse.
En ce sens, la proposition de loi de Jimmy Pahun, député du Morbihan, que nous examinons aujourd’hui doit retenir toute notre attention. Je salue d’autant plus la méthode utilisée pour sa rédaction, celle de la concertation avec les professionnels, en particulier sur l’initiative de M. le rapporteur.
Il est primordial d’éviter tout changement de destination, en zone de loisirs ou en projets immobiliers par exemple. Ces zones de cultures représentent en effet une identité patrimoniale forte, mais également un savoir-faire particulier, une valeur ajoutée, un pan de notre économie nationale, et garantissent des emplois sur place, non délocalisables.
Les exploitants qui cessent leur activité sont parfois tentés de vendre leurs biens à des particuliers, bien plus offrants. Par conséquent, il est important de valoriser leur travail et leur labeur, tout en permettant aux jeunes professionnels souhaitant s’installer et perpétuer un savoir-faire spécifique de trouver des zones exploitables à des prix raisonnables. Les dispositifs actuels ne permettent pas toujours cela et, pour cette raison, la proposition de loi que nous examinons prévoit d’aller plus loin.
Le rôle des Safer est ici capital : acquérir et rétrocéder des biens à des exploitants qui s’engagent à maintenir un usage agricole est essentiel.
La proposition de loi ainsi modifiée après la première lecture à l’Assemblée nationale renforce leurs pouvoirs afin d’éviter tout contournement, et donc tout changement de destination. La confiance donnée à ces sociétés doit bien évidemment être associée à une forme de bon sens, lequel, nous ne le répéterons jamais assez, doit régir les règles de préservation de notre littoral – n’est-ce pas, monsieur Vaspart ?
L’un des défis les plus essentiels sera de trouver des prix « justes » qui permettront aux revendeurs de valoriser leur activité et aux acheteurs d’y démarrer la leur.
Les élus locaux, tout comme les professionnels du secteur, devront également tenir une place prépondérante dans les débats sur la pérennisation de ces activités.
Je tiens enfin à saluer le travail de mon collègue et rapporteur Daniel Gremillet, et son initiative de ne pas exclure les bâtiments salicoles de ce dispositif. J’avais d’ailleurs, dans le même esprit, cosigné la proposition de loi de Bruno Retailleau tendant à reconnaître la saliculture comme activité agricole.
J’en suis conscient, cette proposition de loi ne permettra pas de mettre un terme à la spéculation foncière sur nos littoraux. Toutefois, la baisse des exploitations conchylicoles doit nous interpeller et il s’agit ici d’une première étape encourageante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, de nouveau, nous débattons de l’équilibre subtil à trouver entre la préservation de notre patrimoine littoral naturel et le maintien de l’activité économique, agricole ou marine, essentielle pour la vitalité de nos territoires.
L’attractivité du littoral et la pression foncière qui pèsent sur nos côtes obligent à trouver les outils juridiques permettant d’assurer l’équilibre recherché. À cette fin, la proposition de loi présentée par le député Jimmy Pahun, que je salue, va dans le bon sens.
La loi Littoral a posé un cadre strict, mais nécessaire à la protection des espaces littoraux. Les travaux du groupe d’études « Mer et littoral » du Sénat, sous l’égide de notre collègue Michel Vaspart, ont permis d’assouplir certaines de ses dispositions, afin de mieux combiner activités agricoles et préservation du littoral.
La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, ou loi ÉLAN, avait repris ces dispositions pour éviter de prendre sur les terres agricoles pour accueillir de nouveaux habitants. Elle a également prévu la possibilité d’autoriser la construction, en zone littorale, des installations nécessaires aux activités agricoles ou marines, y compris dans les espaces proches du rivage, et notamment aux activités conchylicoles.
La proposition de loi dont nous débattons ajoute des outils supplémentaires pour maintenir ces activités agricoles de bord de mer.
Utilisé à bon escient, le droit de préemption de la Safer permet le maintien de ces activités, et surtout l’accompagnement du projet des agriculteurs. Encadré, il doit être la base d’un dialogue efficace entre les propriétaires, les Safer, et les élus locaux impliqués dans la gestion des sols de leur commune.
Toutefois, trop limité, ce droit de préemption de la Safer ne peut jouer ce rôle de protecteur des activités agricoles et conchylicoles, notamment dans les zones littorales où la pression foncière est forte.
En Seine-Maritime, en particulier dans la commune de Veules-les-Roses, le parc ostréicole participe à la vitalité du territoire et à la préservation de notre littoral.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Agnès Canayer. Le développement et l’avenir économique de la filière conchylicole et ostréicole et le maintien de la pêche ne pourront se faire que dans le cadre d’un environnement préservé.
Le développement agroalimentaire, ainsi que la pression immobilière ou nautique sur le littoral, et leur impact sur la qualité des eaux, doivent faire l’objet d’une particulière vigilance des élus comme des professionnels si nous voulons maintenir la production de fruits de mer de qualité, appréciés par de nombreux amateurs, sur les côtes de nos départements littoraux.
Cette proposition de loi est donc une belle occasion pour les communes littorales, qui désirent maintenir les sièges d’exploitations sur leur territoire et préserver une agriculture familiale et conchylicole, qui s’intègre harmonieusement au littoral.
Elle permet d’ajouter des outils supplémentaires concernant toutes les activités économiques du littoral, y compris la saliculture, pour répondre à cet impératif. Veillons toutefois à ne pas fragiliser le corpus juridique par un émiettement de lois et l’édiction successive de normes qui peuvent être des facteurs d’instabilité juridique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que nous devons impérativement suspendre l’examen de ce texte au terme du délai de quatre heures réservé à l’espace du groupe La République En Marche, c’est-à-dire à dix-huit heures quarante.
Nous n’aurons donc ni répit ni marge de manœuvre, puisqu’il convient de respecter le principe d’équilibre du temps de parole entre les groupes. Je vous demande donc à tous d’être très concis.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale
Article 1er
(Non modifié)
Le titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 142-5-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural met en vente un terrain ou un bâtiment dont le dernier usage agricole était un usage conchylicole, elle le cède en priorité à un candidat s’engageant à poursuivre une activité conchylicole pour une durée minimale de dix ans. » ;
1° bis Au dernier alinéa du même article L. 142-5-1, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 143-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les communes ou parties de communes mentionnées à l’article L. 321-2 du code de l’environnement, le droit de préemption mentionné au premier alinéa du présent article peut également être exercé en cas d’aliénation à titre onéreux des bâtiments situés dans les zones ou espaces mentionnés au même premier alinéa qui ont été utilisés pour l’exploitation de cultures marines exigeant la proximité immédiate de l’eau, telle que définie à l’article L. 121-17 du code de l’urbanisme, au cours des vingt années qui ont précédé l’aliénation, pour affecter ces bâtiments à l’exploitation de cultures marines. L’article L. 143-10 du présent code n’est pas applicable lorsque les bâtiments concernés ont fait l’objet d’un changement de destination, sauf si ce changement de destination a été effectué au cours des vingt années qui ont précédé l’aliénation et en violation des règles d’urbanisme applicables. »