M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la situation de la société Arjowiggins Security de Jouy-sur-Morin, qui a été placée, comme l’ensemble des sociétés du groupe Arjowiggins, en liquidation judiciaire le 30 janvier dernier. Vous l’avez rappelé, Arjowiggins Security, ancienne filiale du groupe papetier Sequana, emploie 265 salariés, dont environ 220 sur le site de production que vous évoquez.
En avril 2018, l’entreprise avait été cédée par Sequana au groupe Blue Motion Technologies, détenu par le fonds germano-suisse Parter Capital Group. Dans ce cadre, le repreneur s’était engagé devant le tribunal à limiter les suppressions d’emplois et à soutenir cette société dans ses efforts de modernisation et de recherche de nouveaux marchés. Il s’était également engagé à subvenir au financement des opérations par le biais de divers instruments bancaires, notamment l’obtention de garanties d’un montant de 7 millions d’euros.
Quelques mois à peine après la reprise, le groupe BMT n’avait proposé aucun plan industriel crédible et a toujours refusé d’octroyer le moindre euro pour remédier à une situation financière très dégradée. Malgré les nombreux efforts de l’État – vous les avez rappelés –, y compris sur le plan financier, et l’attitude constructive des salariés, qu’il faut saluer, car ils se sont montrés systématiquement ouverts pour améliorer la compétitivité du site, la déclaration de liquidation judiciaire confirme l’échec du groupe BMT et l’irresponsabilité des dirigeants du fonds Parter.
Vous avez souligné, madame la sénatrice, combien la production de cette usine était importante, notamment pour la production de papier sécurisé.
M. le Premier ministre a eu l’occasion de répondre, hier, au président Christian Jacob, qui posait une question sur le même sujet – vous l’avez aussi rappelé. M. le Premier ministre a mentionné un engagement total de l’État pour trouver des solutions, mais il a aussi souligné devant l’Assemblée nationale, comme je me permets de le faire devant le Sénat, le caractère extrêmement dégradé de la situation.
Vous connaissez ce site, madame la sénatrice, et sa situation financière. Nous pouvons ensemble dénoncer l’irresponsabilité de tel ou tel acteur économique privé ne tenant pas les engagements qu’il a pris et les risques qu’un tel comportement fait peser sur ce secteur. Il faut regarder cette réalité en face et travailler de concert.
La question posée, hier, par le président Jacob augurait d’une vraie capacité des élus à se rassembler, avec le Gouvernement, pour chercher ensemble toutes les solutions possibles. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-Marc Gabouty et Jacques Mézard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.
Mme Anne Chain-Larché. Assez de faire du vent ! Aujourd’hui, pour votre majorité, la question n’est pas de savoir si l’on doit cocher les cases « parent 1 » et « parent 2 » à la place de « père » et « mère » ; c’est de sauver des emplois, qui assureront une indépendance à la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, je vous remercie.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.)
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Délai d’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à Mayotte
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission.
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au délai d’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à Mayotte.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à rétablir à cinq jours le délai de saisine du juge des libertés et de la détention dans le département de Mayotte. Cette dérogation au droit commun avait effectivement été supprimée par erreur dans la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Les auteurs de la proposition de loi nous proposent de corriger cette erreur matérielle.
Il est utile de préciser l’urgence à adopter ce texte. Sans cela, le délai de droit commun de deux jours s’appliquerait à Mayotte dès le 1er mars prochain. Toutefois, nous ne pouvons adopter cette proposition de loi au seul motif qu’elle vient corriger une erreur sans examiner au préalable la pertinence du dispositif qu’elle entend rétablir.
Pour mémoire, le délai de cinq jours avait été introduit à l’article 31 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, à la suite de l’adoption de deux amendements identiques des députés de Mayotte MM. Boinali Said et Ibrahim Aboubacar.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Très juste !
M. Guillaume Arnell. Nos deux collègues parlementaires avaient indiqué, dans l’exposé sommaire, que leur amendement avait pour objet de garantir, dans le contexte migratoire particulier qui y prévaut, la mise en œuvre effective à Mayotte des principes des réformes contentieuses de la loi du 7 mars 2016.
Ayant lu avec attention le rapport de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, il en ressort effectivement et très nettement que la pression migratoire sur son territoire est extrêmement forte – affolante, même. Ainsi, 48 % de la population de Mayotte est de nationalité étrangère, soit 120 000 personnes pour une population d’environ 256 000 habitants en 2017. Les estimations du nombre d’étrangers en situation irrégulière oscillent entre 60 000 et 75 000 personnes, chiffres très probablement sous-estimés.
Nous pouvons aisément imaginer le grand nombre de dossiers que le territoire doit traiter. Les représentants de la préfecture, lors de leur audition, ont ainsi fait part de leurs craintes quant aux conséquences difficilement surmontables d’une réduction du délai à deux jours. Le délai dérogatoire de cinq jours fait donc largement consensus, tant pour le Gouvernement que pour la majorité des groupes parlementaires. Aussi, le groupe du RDSE votera à l’unanimité en faveur de cette proposition de loi.
Je veux néanmoins rappeler, à toutes fins utiles, que, lors de l’examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie par la Haute Assemblée en juin 2018, je regrettais que bien des points n’aient pas été soulevés ou, du moins, approfondis. Ainsi, ce texte ne présentait pas ou peu de solutions sur différents points : la lutte contre la traite d’êtres humains ; la difficile question des mineurs, même accompagnés ; la nécessaire réflexion sur le codéveloppement partout où les États vacillent et où il y a de la détresse économique ; l’impérieuse nécessité, enfin, de confier un rôle plus important aux élus locaux dans la procédure des régularisations administratives.
À titre d’illustration sur ce dernier point, j’avais suggéré la création d’un office des migrations à Saint-Martin, pour mieux coordonner délivrance des titres de séjours et délivrance des titres de travail.
Bien que ces points n’entrent pas dans la discussion sur ce texte, je veux néanmoins inviter le Gouvernement – à travers vous, monsieur le secrétaire d’État – à se saisir ultérieurement de ces sujets importants.
Pour l’heure, au vu des délais contraints, le groupe du RDSE suivra les auteurs de la proposition de loi, afin que celle-ci soit adoptée avant le 1er mars 2019, raison pour laquelle nous n’avons pas non plus proposé d’amendements.
Mayotte, au regard de la pression migratoire exceptionnelle qui s’exerce sur son territoire, mérite que lui soit appliquée une législation différenciée. Mais, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cela ne réglera pas ce problème, beaucoup plus profond et dont il faudra bien, un jour, se saisir. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les arguments et données présentés par le secrétaire d’État et le rapporteur Thani Mohamed Soilihi ce matin nous semblent emporter la conviction quant à l’opportunité de cette proposition de loi et de sa concentration sur son seul objet. Certains de nos collègues ont effectivement été tentés d’élargir le débat, mais il vaut mieux que nous restions prudents et respections scrupuleusement les principes de la procédure parlementaire. Nous allons donc soutenir cette démarche.
Je voudrais néanmoins formuler deux observations.
Premièrement, nous sommes ici face à un cas d’application de dispositions spécifiques en matière d’accueil et de contrôle des étrangers sur un territoire – en l’occurrence un département – d’outre-mer et nous avons eu l’occasion, voilà peu, d’obtenir du Conseil constitutionnel, saisi sur un texte de loi, une confirmation dans ce domaine. Selon ce dernier, il est parfaitement conforme au principe d’égalité et à l’ensemble des règles de protection des libertés d’appliquer des dispositions spécifiques à un territoire ou à un département ultramarin dont les particularités le justifient, à condition, bien entendu, de rester en ligne avec les principes directeurs de notre droit.
Deuxièmement, M. le secrétaire d’État a été ce matin tout à fait convaincant dans sa présentation des faits. La facilité, dans un tel débat, serait de s’en tenir à du « y a qu’à » – passez-moi l’expression – et de dire : « Compte tenu de l’encombrement, compte tenu du nombre de dossiers, alors rajoutez des moyens ! ». Or, on le voit bien, du fait de la rigidité de nos systèmes d’organisation, du fait des garanties qu’il faut prendre pour renforcer les services avec des personnels qualifiés, dans un certain nombre de situations qui engagent l’application du droit sur des questions qui ne sont pas mineures, on est bien obligé de trouver des dispositifs d’adaptation, sans simplement se réfugier derrière l’augmentation indéfinie des moyens. C’est aussi cela, la gestion publique, cette capacité pragmatique d’adaptation.
Au sein de cette assemblée, je crois que nous pouvons le comprendre et l’approuver. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. À ce stade du débat, dans lequel chacun a pu s’exprimer, j’aimerais revenir sur ce qui a été dit. J’ai entendu des propos inexacts, désobligeants, voire outranciers.
Dans le registre de l’inexactitude, chère collègue Esther Benbassa, vous avez parlé de la suppression du droit du sol à Mayotte. Le droit du sol n’est pas supprimé à Mayotte ! Que vous continuiez à ne pas être d’accord avec les dispositions qui ont été votées et qu’Alain Richard vient de rappeler, nonobstant les décisions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, c’est votre droit le plus absolu, mais je ne peux pas vous laisser dire que le droit du sol a été supprimé à Mayotte !
Mme Esther Benbassa. Il y a une dérogation !
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Cher collègue Jean-Yves Leconte, vous avez parlé de proposition de loi hypocrite. Alors, permettez-moi tout simplement de vous lire ceci : « Cet amendement ne revient en aucun cas sur les avancées récentes. Il organise les audiences, prenant en compte la situation très particulière de Mayotte, en conservant une égalité sur la durée totale de rétention, qui reste de quarante-cinq jours au maximum. L’article revient au droit existant avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 mars. C’est justifié par les contraintes pratiques que subit le juge des libertés et de la détention et par le nombre très élevé de contentieux. » Ces propos sont ceux d’Ericka Bareigts, alors ministre des outre-mer, qui défendait cet amendement déposé, je le rappelle, par des députés socialistes. De quel côté est l’hypocrisie ?
Enfin, et c’est toujours à vous que je m’adresse, cher collègue, vous me dites que l’on me maudira pour cette proposition. Vous rendez-vous parfois compte des propos que vous tenez ? En ce jour de la Saint-Valentin, on pourrait continuer à parler et à débattre librement de ces textes sans s’envoyer de tels mots. C’est ce à quoi je vous invite. (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)
Mme Esther Benbassa. On fait de la politique ! On n’est pas des amoureux !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative au délai d’intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte
Articles additionnels avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 8 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 21, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III bis de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est ainsi rédigé :
« III bis. – L’étranger mineur ne peut être placé en rétention en application des I et II du présent article. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement a pour objet d’interdire en toute hypothèse le placement en rétention d’un mineur, qu’il s’agisse d’un mineur accompagné ou d’un mineur isolé, l’intérêt supérieur de l’enfant ne devant souffrir aucune exception. Cette interdiction est d’autant plus urgente que, à Mayotte, ce sont près de 4 000 mineurs qui sont retenus chaque année en centre de rétention administrative.
En vertu de cette proposition de loi, ces enfants pourraient désormais être retenus sans pouvoir saisir le juge des libertés et de la détention avant le sixième jour et, ce faisant, faire l’objet d’un éloignement sans que le juge ait été saisi et ait pu statuer sur la légalité et la régularité de leur rétention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Cet amendement vise à interdire, en toute hypothèse, le placement en rétention des mineurs. Ce sujet est beaucoup trop sérieux pour que nous l’abordions ainsi au détour d’une proposition de loi technique sur Mayotte.
En tout état de cause, un amendement identique a déjà été rejeté par la commission des lois, puis par le Sénat, lors de l’examen de la loi Immigration, asile, intégration. La position du rapporteur à l’époque, notre collègue François-Noël Buffet, avait été de limiter, mais non pas d’interdire, la rétention des mineurs. Par cohérence, je vous propose de réserver le même sort à cet amendement et de le rejeter. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Outre le fait que cet amendement est dépourvu de tout lien avec le texte, je rappelle que le placement en rétention des mineurs ne contrevient absolument pas à nos obligations internationales et européennes : il est très encadré, très limité et n’intervient que dans des conditions très précises. Je rappelle également qu’il faut que la famille du mineur étranger – puisque les mineurs sont toujours placés en rétention avec leur famille – ait fait obstacle à son éloignement une première fois. En outre, la durée du placement en rétention est la plus brève possible : la durée moyenne de placement des mineurs – et donc des familles – est d’un peu plus d’un jour à peine.
Il me semble donc que les conditions actuelles de placement sont suffisamment encadrées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je suis contre la détention des enfants. Je soutiens donc l’amendement de mon collègue Jean-Yves Leconte.
En réponse à M. le rapporteur, je veux dire qu’il y a eu une dérogation au droit du sol à Mayotte. Ne jouons pas avec les mots !
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Il n’a donc pas été supprimé !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Nous ne nous faisons pas d’illusion sur le sort de cet amendement. Simplement, je souhaite que vous ayez raison, monsieur le secrétaire d’État, dans la description que vous faites de la manière dont se déroulent la rétention et l’éloignement des enfants à Mayotte.
Je me souviens que, lors des auditions auxquelles nous avions procédé pour préparer l’examen de la loi Collomb, les représentants de la préfecture de Mayotte nous avaient dit eux-mêmes qu’ils allaient un peu au-delà de ce qui était prévu par les textes. Pour peu qu’il lui ressemble, il arrive ainsi qu’on décide que telle personne est le parent de tel mineur, faisant de celui-ci un mineur accompagné, contrairement à la réalité.
À cet instant, dans cet hémicycle, c’est le moment de vous dire que nous ne pouvons pas jouer avec cela, qu’il est absolument indispensable que, à Mayotte, un mineur non accompagné reste un mineur non accompagné, qu’il soit traité comme tel et qu’on ne lui assigne pas un parent un peu plus âgé pour peu qu’il lui ressemble.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Je ne sais pas ce qui s’est dit lors de ces auditions, mais je peux vous confirmer que les règles sont strictement appliquées, que nous y veillons, que les fonctionnaires de la préfecture y veillent, à Mayotte comme sur le reste du territoire national.
La rétention est une chose suffisamment sérieuse pour que nous appliquions le droit, tout le droit et rien que le droit.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
(Non modifié)
Les 18° et 19° de l’article L. 832-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont ainsi rétablis :
« 18° À la deuxième phrase du premier alinéa du III de l’article L. 512-1, au I de l’article L. 551-1, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 552-1, à l’article L. 552-3, au premier alinéa de l’article L. 552-7 et à la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 555-1, les mots : “quarante-huit heures” sont remplacés par les mots : “cinq jours” ;
« 19° Au premier alinéa et à la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 552-7, le mot : “vingt-huit” est remplacé par le mot : “vingt-cinq”. »
Mme la présidente. La parole est à M. Abdallah Hassani, sur l’article.
M. Abdallah Hassani. L’objet de cette proposition de loi est de réparer un défaut de coordination dans la rédaction d’un texte à l’Assemblée nationale. Je ne reviendrai pas sur la nécessité de rétablir à Mayotte un délai de rétention administrative de cinq jours pour les étrangers en situation irrégulière, le rapporteur Thani Mohamed Soilihi et bien d’autres collègues l’ont parfaitement explicité. Je voudrais simplement ajouter que cette correction ne saurait devenir le prétexte à une surenchère démagogique, d’un bord ou d’un autre.
La situation à Mayotte, vous l’avez compris, chers collègues, est très difficile. L’île est petite – 374 kilomètres carrés seulement – et très peuplée : 900 habitants par kilomètre carré. En outre, 48 % de la population est étrangère, dont la moitié en situation irrégulière. La très grande majorité vient de l’État voisin, qui revendique ouvertement la souveraineté sur Mayotte.
Les Mahorais ont sans cesse à cœur la volonté d’être reconnus comme Français à part entière – cela remonte à loin – et la crainte de ne pouvoir vivre décemment et éduquer leurs enfants correctement, compte tenu de l’insuffisance énorme des infrastructures, de la pauvreté et de l’insécurité qui règne. Aussi, toute disposition relative aux étrangers doit être étudiée avec la plus extrême attention, dans le respect de la population mahoraise, qui vit au quotidien des difficultés dont on ne mesure pas l’ampleur dans l’Hexagone, sauf peut-être quand les troubles sociaux paralysent l’île plusieurs mois.
Pour autant, ce n’est pas que les Mahorais ne sont pas respectueux des droits de tout être humain : leurs traditions d’accueil tout au long de leur histoire peuvent en témoigner. Mais comment faire face aux milliers d’arrivées chaque année, alors que 84 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, que les enfants vont par rotation à l’école et que les bidonvilles s’étalent sur des collines inconstructibles ?
Abordons donc les amendements qui nous sont proposés – et dont plusieurs ont été déclarés irrecevables – avec la plus grande prudence. D’ailleurs, une mesure qui semble séduisante peut engendrer de redoutables effets pervers. Pas de précipitation donc, même si cette proposition de loi de simple coordination légistique n’est sans doute pas le véhicule le plus approprié pour tenter de répondre à l’ensemble des inquiétudes et des attentes des Mahorais.
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, il n’existe pas en France de droit du sol : il existe un double droit du sol ou un droit du sol accompagné de conditions de séjour sur le territoire français, la nationalité pouvant être demandée à partir de treize ans. Il est important de le préciser, parce que, à force de parler d’exception au droit du sol, on pourrait penser qu’il existe un droit du sol en France et que notre droit de la nationalité est le même que celui qui est en vigueur aux États-Unis. Or ce n’est pas le cas ! Il n’y a pas d’exception au droit du sol pour la simple raison qu’il n’existe pas de droit du sol, et ces conditions seront encore différentes à Mayotte !
Même si nous avons déposé cet amendement, nous ne nions pas, bien entendu, que le département de Mayotte fait face à une situation dramatique, avec une pression migratoire qu’aucun autre département français ne connaît. Les élus des outre-mer et de métropole ont été nombreux à lancer des appels à ce sujet. Pourtant, nous n’avons jamais trouvé les solutions permettant de traiter ces enjeux particuliers à Mayotte. Ce diagnostic, je crois que tout le monde le partage ici.
Une action diplomatique auprès des Comores, la lutte contre l’immigration irrégulière et contre les passeurs, une politique économique et sociale globale, qui incorpore aussi la situation comorienne : voilà la solution durable à cette situation ! En revanche, il est absolument impossible d’imaginer que c’est un recul des droits et des libertés fondamentales qui serait une réponse adaptée : on ne peut prétendre cela ni dans l’Hexagone ni à Mayotte.
Il faut, de manière répétée, faire le constat lucide que les politiques qui consistent à renier les droits et les libertés fondamentales sont inefficaces. Je n’exprime pas là mon seul point de vue ou le seul point de vue de certains ici : des Mahorais – des avocats, des associations – constatent sur le terrain que la pente dangereuse sur laquelle le territoire de Mayotte s’engage avec la France n’est pas une solution.
Depuis des années, on multiplie les législations dérogatoires, et vous en avez rappelé certaines, monsieur le rapporteur. Je vous rappelle aussi que, alors que nous appartenions à la même majorité, vous avez voté avec nous la loi Cazeneuve, qui a établi le principe d’une situation égale pour tous.
Ce n’est pas en allongeant les délais de saisine du juge des libertés et de la détention que nous résoudrons le problème, bien au contraire. Parce qu’en « expédiant » rapidement l’étranger en situation régulière avant cinq jours – c’est ce qui va se passer –, on va accélérer le carrousel des expulsions et retours, enrichissant encore plus les passeurs, ce qui fera peser encore plus de risques et de menaces sur la vie des gens. C’est la raison pour laquelle, considérant que cette proposition de loi n’est pas bonne, nous proposons la suppression de cette disposition majeure qui n’apporte rien à personne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Cher collègue, je vous ai rappelé, avec d’autres intervenants, les chiffres qui témoignent de la pression migratoire exceptionnelle qui pèse sur l’île et les graves conséquences économiques et sociales de celle-ci.
Le délai dérogatoire pour l’intervention du juge des libertés et de la détention à Mayotte se fonde sur l’article 73 de la Constitution. Il est justement destiné à tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières.
Je vous rappelle encore une fois, cher collègue, que cette disposition dont vous demandez la suppression a été introduite en 2017 sous un gouvernement socialiste par des collègues députés mahorais socialistes – et donc de la même sensibilité que la vôtre –, disposition soutenue par le rapporteur Victorin Lurel et adoptée avec un avis favorable de la ministre d’alors, Ericka Bareigts.
La pression migratoire exceptionnelle n’a pas évolué ces deux dernières années à Mayotte. Aussi, je comprends assez mal ceux qui veulent aujourd’hui remettre en cause une adaptation utile, alors que leurs propres collègues en sont à l’origine.
J’ai peut-être changé de bord, mais je suis constant dans mes positions : je demande le maintien de cette disposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Je ne reviens pas sur ce que vient de dire le rapporteur au sujet du rétablissement du délai de cinq jours. Je rappelle simplement que le délai pour saisir le juge d’une OQTF est de quarante-huit heures, délai suspensif qui continue à s’appliquer à l’intérieur de ce délai de cinq jours dont nous souhaitons le rétablissement. Je rappelle également que les individus qui sont placés en rétention bénéficient d’un accompagnement d’une association que nous finançons en grande partie, Solidarité Mayotte, laquelle, je crois, fait très bien son travail.
L’avis est donc défavorable.