M. Marc Daunis. La loi par l’encouragement, c’est nouveau également !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je voudrais apporter quelques précisions pour qu’il n’y ait pas d’inquiétudes sur la démarche du Gouvernement. J’aime bien votre formulation d’amendement d’appel, il s’agit bien de cela.
Lorsque le projet de loi PACTE a été déposé, nous ne disposions pas des informations qui nous amènent aujourd’hui à vous proposer cet amendement. Sinon, nous l’aurions intégré dans le texte. Nous avons consolidé notre position au fur et à mesure de l’évolution de la situation, les choses s’accélèrent et nous essayons de faire preuve d’agilité, en demandant votre concours pour avancer sur ce sujet.
Il est évident que c’est un sujet sérieux, qui requiert des auditions pour entendre l’avis d’un certain nombre de personnes.
M. Fabien Gay. Lesquelles ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je pense qu’il est encore possible de procéder à ces auditions, mais j’attire votre attention sur le fait qu’il serait regrettable de refermer dès maintenant la « fenêtre de tir » que nous offre aujourd’hui le calendrier.
Certains ont évoqué la possibilité de trouver d’autres véhicules législatifs, mais le texte sur le code de la communication n’est pas prévu pour tout de suite et, si je n’ai pas de vision globale sur ce sujet, je sais qu’il n’est jamais aisé de trouver un tel support, en particulier lorsque le Parlement est très attentif à la question des cavaliers législatifs – je sais que le Sénat y est très sensible.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Madame la secrétaire d’État, je voudrais vous dire que c’est vous qui avez les clés du camion ! (Sourires sur différentes travées.) Si vous voulez déposer un projet de loi, faites-le ! Contrairement à l’idée populaire, il n’est pas exact de dire que c’est le Parlement qui ralentit l’examen de ce type de texte. Quelques semaines seraient suffisantes pour boucler le dossier, mais il faut quand même nous laisser le temps de travailler avec les différents acteurs du secteur – l’ARCEP, les opérateurs…
Vous savez, nous sommes quelques-uns à connaître d’expérience la manière dont les choses se passent, et ce quels que soient les gouvernements. Les ministres nous disent en séance qu’ils vont travailler avec nous pour faire avancer les choses et nous ne pouvons que constater qu’il ne se passe rien ensuite. Les ordonnances de la loi Égalim en sont un exemple flagrant : nous attendons toujours le travail en commun promis, alors qu’elles sont en train d’être publiées. (M. Michel Raison applaudit.)
Nous ne sommes pas naïfs ! Nous savons pertinemment que le sujet que vous soulevez est important pour notre souveraineté et c’est pour cela qu’on ne peut pas le traiter au détour d’un amendement déposé dans ces conditions. Il faut faire les choses sérieusement ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je crois que nous n’avons pas de précédent d’un amendement d’appel déposé par un gouvernement… Donc, relativisons !
Je mets aux voix l’amendement n° 874.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 56
L’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« I. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux sociétés dont une activité relève de celles mentionnées au I de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier et qui satisfont une des conditions suivantes :
« a) La société est mentionnée à l’annexe du décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des participations de l’État dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2018 ;
« b) Ses titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et une participation d’au moins 5 % de son capital est détenue, directement ou indirectement, au 1er janvier 2018, par la société anonyme Bpifrance ou ses filiales directes ou indirectes ou par un fonds d’investissement géré et souscrit majoritairement par elles.
« Si la protection des intérêts essentiels du pays en matière d’ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale exige qu’une action ordinaire de l’État soit transformée en une action spécifique assortie de tout ou partie des droits définis aux 1° à 4° du présent I, un décret en Conseil d’État prononce cette transformation et en précise les effets. La société est préalablement informée.
« Dans le cas mentionné au b, l’État acquiert une action ordinaire préalablement à sa transformation en action spécifique.
« S’agissant des sociétés mentionnées aux a ou b et qui n’auraient pas leur siège social en France, les dispositions du présent article s’appliquent à leurs filiales ayant leur siège social en France, après que l’État a acquis une de leurs actions. » ;
b) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Le pouvoir de s’opposer, dans des conditions fixées par voie réglementaire, aux décisions qui seraient de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels du pays, ayant pour effet, directement ou indirectement, de :
« a) Céder, apporter ou transmettre, sous quelque forme que ce soit, y compris par dissolution ou fusion, des actifs ou types d’actifs de la société ou de ses filiales ;
« b) Modifier les conditions d’exploitation des actifs ou types d’actifs ou d’en changer la destination ;
« c) Affecter ces actifs ou types d’actifs à titre de sûreté ou garantie ; »
c) Après le même 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° La communication au ministre chargé de l’économie des informations nécessaires à l’exercice des droits prévus aux 1° et 3°, notamment les informations relatives à l’intégrité, à la pérennité et au maintien sur le territoire national des actifs ou types d’actifs mentionnés au même 3°. » ;
d) La seconde phrase du dernier alinéa est supprimée ;
2° Les III et IV sont ainsi rédigés :
« III. – Aussi souvent que nécessaire et au moins tous les cinq ans, l’État apprécie si les droits attachés à l’action spécifique sont nécessaires, adéquats et proportionnés à l’objectif de protection des intérêts essentiels du pays mentionnés au quatrième alinéa du I.
« Au terme de cette appréciation, les droits attachés à l’action spécifique peuvent, après que la société a été informée, être modifiés par décret en Conseil d’État et, le cas échéant, excéder les droits qui préexistaient. Hormis les cas où l’indépendance nationale est en cause, l’action spécifique peut également être transformée en action ordinaire par décret en Conseil d’État.
« IV. – Lorsqu’une société dans laquelle a été instituée une action spécifique fait l’objet d’une scission ou d’une fusion ou cède, apporte ou transmet sous quelque forme que ce soit tout ou partie d’un actif de la société ou de ses filiales mentionné au 3° du I, une action spécifique peut, après que la société a été informée, être instituée, nonobstant les dispositions des trois premiers alinéas du même I, dans toute société qui, à l’issue de l’opération, exerce l’activité ou détient les actifs au titre desquels la protection a été prévue. » – (Adopté.)
Chapitre III
Des entreprises plus justes
Section 1
Mieux partager la valeur
Article 57
I. – L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « droit », la fin du deuxième alinéa est supprimée ;
2° Après le mot : « pour », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « : » ;
3° (nouveau) Les trois derniers alinéas sont remplacés par des 1° à 3° ainsi rédigés :
« 1° Les sommes affectées à la réserve spéciale de participation conformément aux modalités définies à l’article L. 3323-3 du code du travail au sein des sociétés coopératives de production soumises à la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production sans préjudice de l’application des sixième à dernier alinéas du présent article ;
« 2° Les versements des entreprises prévus à l’article L. 3332-11 du code du travail lorsque l’entreprise abonde la contribution versée par le salarié ou la personne mentionnée à l’article L. 3332-2 du même code pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes au sens de l’article L. 3344-1 dudit code ;
« 3° Les versements par l’employeur des sommes mentionnées aux 2° et 3° de l’article L. 224-2 du code monétaire et financier, lorsque le plan d’épargne retraite d’entreprise prévoit que l’allocation de l’épargne mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 224-3 du même code est affectée, selon des modalités fixées par décret, à l’acquisition de parts de fonds comportant au moins 10 % de titres susceptibles d’être employés dans un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, dans les conditions prévues à l’article L. 221-32-2 dudit code. » ;
II. – Le livre III de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 3311-1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du présent titre, l’effectif salarié et le franchissement du seuil sont déterminés selon les modalités prévues au I de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. »
b) (nouveau) À la fin du même dernier alinéa, après la référence : « L. 3312-5 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
2° (Supprimé)
2° bis A (nouveau) L’article L. 3312-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’avant dernier alinéa de l’article L. 3311-1, le II de l’article L. 130-1 du code la sécurité sociale ne s’applique pas au franchissement du seuil d’un salarié. » ;
2° bis Après le troisième alinéa de l’article L. 3312-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises disposant d’un accord d’intéressement, cet accord peut comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise. » ;
3° L’article L. 3312-9 est abrogé ;
3° bis (nouveau) L’article L. 3313-2 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les conditions d’affectation des versements au titre de l’intéressement à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne d’entreprise prévu à l’article L. 3332-3. » ;
3° ter (nouveau) L’article L. 3313-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En l’absence d’observation de l’autorité administrative à l’expiration du délai prévu à l’article L. 3345-2, les exonérations prévues aux articles L. 3315-1 à L. 3315-3 sont réputées acquises pour la durée de l’accord prévue à l’article L. 3312-2. » ;
3° quater (nouveau) L’article L. 3314-4 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une modification survenue dans la situation juridique de l’entreprise, notamment par fusion, cession ou scission, nécessite la mise en place de nouvelles institutions représentatives du personnel, l’accord d’intéressement se poursuit ou peut être renouvelé selon l’une des modalités prévues à l’article L. 3312-5. » ;
b) Au début du premier alinéa, les mots : « En cas de modification survenue dans la situation juridique de l’entreprise, par fusion, cession ou scission et », sont supprimés ;
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, dans le cas d’un premier accord d’intéressement, sa conclusion peut être réalisée à tout moment de l’année dans le respect du caractère aléatoire dès lors que les résultats de la formule de calcul ne sont pas connus pour les exercices ouverts après sa date de conclusion. En cas de conclusion de l’accord après le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet, la durée de cet accord prévue à l’article L. 3312-5 est portée à quatre ans. » ;
4° L’article L. 3314-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois si l’accord le prévoit, pour les personnes mentionnées au 3° du même article L. 3312-3, la répartition proportionnelle aux salaires peut retenir un montant qui ne peut excéder le quart du plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. » ;
4° bis Au second alinéa de l’article L. 3314-8, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux trois quarts » ;
4° ter A (nouveau) La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre III de la troisième partie est complétée par un article L. 3314-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 3314-11. – Lorsque le salarié et le cas échéant ,le bénéficiaire visé à l’article L. 3312-3, ne demande pas le versement en tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de l’intéressement dans les conditions prévues à la présente section, sa quote-part d’intéressement est affectée dans les conditions définies à l’article L. 3313-2. » ;
4° ter Au premier alinéa de l’article L. 3315-2 et à l’article L. 3315-3, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux trois quarts » ;
5° L’article L. 3321-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque dans le présent titre, il est fait référence à l’effectif salarié, cet effectif et le franchissement du seuil sont déterminés au niveau de l’entreprise ou de l’unité économique et sociale selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. » ;
6° Le troisième alinéa de l’article L. 3322-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’obligation s’applique à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la période des cinq années civiles consécutives mentionnées au premier alinéa du II de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. » ;
7° Le premier alinéa de l’article L. 3322-2 est ainsi rédigé :
« Les entreprises employant au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l’entreprise. Il en va de même pour les entreprises constituant une unité économique et sociale mentionnée à l’article L. 2313-8 et composée d’au moins cinquante salariés. » ;
8° Les articles L. 3322-4 et L. 3322-9 sont abrogés ;
8° bis (nouveau) Le 2° de l’article L. 3323-2 est abrogé ;
9° Au 3° de l’article L. 3312-3, au deuxième alinéa de l’article L. 3323-6, au troisième alinéa de l’article L. 3324-2 et au 3° de l’article L. 3332-2, après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité » ;
9° bis (nouveau) L’article L. 3324-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 3321-1, le II de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ne s’applique pas au franchissement du seuil d’un salarié. » ;
9° ter (nouveau) L’article L. 3331-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque dans le présent titre, il est fait référence à l’effectif salarié, cet effectif et le franchissement du seuil sont déterminés selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. » ;
9° quater (nouveau) L’article L. 3332-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 3331-1, le II de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ne s’applique pas au franchissement du seuil d’un salarié. » ;
10° Le premier alinéa de l’article L. 3334-7 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces frais font l’objet de plafonds fixés par décret sans qu’ils puissent excéder le produit financier du placement. » ;
11° Au premier alinéa de l’article L. 3335-1, le mot : « rendant » est remplacé par les mots : « et lorsqu’elle rend ».
III. – Une négociation en vue de la mise en place d’un régime d’intéressement, de participation ou d’épargne salariale établi selon les modalités prévues aux articles L. 3312-1, L. 3322-1, L. 3333-2 et L. 3334-2 du code du travail est menée au sein de chaque branche, et conclue au plus tard le 31 décembre 2020. Ce régime, auquel les entreprises de la branche peuvent se référer, est adapté aux spécificités des entreprises employant moins de cinquante salariés au sein de la branche.
Des critères de performance relevant de la responsabilité sociale des entreprises et dont la liste est fixée par décret peuvent être intégrés à la négociation prévue au premier alinéa du présent III.
Les entreprises de la branche peuvent opter pour l’application de l’accord ainsi négocié. À défaut d’initiative de la partie patronale au plus tard le 31 décembre 2019, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation de salariés représentative dans la branche.
III bis (nouveau). – Le 2° de l’article L. 3323-2 du code du travail continue à s’appliquer aux entreprises qui bénéficient de ces dispositions le jour de l’entrée en vigueur de la présente loi.
IV. – Le I et les 1°, 5°, 6° et 7° du II du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2019.
V (nouveau). – La perte de recettes pour l’État résultant des 3° bis, 3° ter, 3° quater et 8° bis du II du présent article est compensée, à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, sur l’article.
M. Jean-Louis Tourenne. L’irrecevabilité a beaucoup frappé dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. C’était un peu du tir aux pigeons ! Beaucoup d’idées et d’amendements ont ainsi été abattus. Quelques-uns en ont réchappé, on ne sait d’ailleurs pas trop pourquoi, mais en tout cas, pour nous, il en manque beaucoup.
Je vais m’en tenir à l’article 57, sur lequel j’ai souhaité intervenir. Cette partie du texte porte des titres magnifiques, qui séduisent et font rêver ; on a même l’impression d’entrevoir le bonheur, lorsque l’on regarde les propositions que vous nous faites : « Des entreprises plus justes » et « Mieux partager la valeur ». Qui pourrait ne pas apprécier l’horizon que vous nous offrez ainsi, si bleu !
Vous avez certainement raison de vouloir présenter les choses ainsi, mais la réalité est beaucoup plus difficile, notamment parce que nous sommes dans un pays où règne l’inégalité. Les entreprises en sont l’une des illustrations les plus flagrantes.
Inégalités entre les actionnaires et les salariés : 93 milliards d’euros de bénéfices ont été dégagés en 2017 par les entreprises du CAC40, dont 57 milliards sont retournés aux actionnaires. Seuls 5 % ont bénéficié aux salariés !
Inégalités entre les bas salaires et ceux des très hauts dirigeants.
Inégalités entre les salariés eux-mêmes, puisque certaines entreprises pratiquent l’intéressement et la participation et d’autres non et que les montants sont extrêmement différents selon les entreprises, lorsque ces mécanismes existent.
Les titres que vous nous proposez laissaient entendre que ces sujets seraient abordés et des remèdes apportés. Ils me paraissent, à l’examen, parfaitement usurpés. Aucun partage de la valeur entre les actionnaires et les salariés. Il n’y a rien de changé sous ce ciel, juste une incitation, un encouragement à développer l’intéressement et la participation. Qui plus est, cette invitation repose sur des exonérations qui vont peser lourd sur le budget de la sécurité sociale.
Rien sur la limitation des rémunérations des hauts dirigeants. Rien sur les avantages exorbitants qui leur sont consentis en dehors de leur rémunération principale.
Et même, contrairement à vos déclarations qui laissent entendre que vous vous intéressez aux salariés, vous nous proposez des régressions. Ainsi, la mise en place de la participation dans les entreprises qui passent le seuil de 50 salariés ne sera effective qu’au bout d’un délai de cinq ans, ce qui aura des conséquences importantes pour les salariés.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Louis Tourenne. Je vous prie de m’excuser, monsieur le président. Je m’arrête là. J’étais passionné par ce que je disais, même si je ne suis pas certain que mon auditoire l’ait été tout autant… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. L’article 57 est le premier d’un chapitre intitulé « Des entreprises plus justes ». La première section de ce chapitre s’intitule « Mieux partager la valeur » ; nous aurions préféré l’appeler « Mieux répartir la richesse produite par le travail ». Si nous partageons ces objectifs, nous ne voyons pas leur concrétisation dans ce texte.
C’est pourquoi le groupe CRCE avait déposé toute une série d’amendements qui s’inscrivaient parfaitement dans cette optique de justice et de partage.
Nous avions déposé des amendements visant à partager les richesses créées. J’en citerai quelques-uns : l’un soumettait à cotisation les revenus financiers des entreprises, un autre revenait sur la transformation du CICE en allégement de cotisations sociales, un suivant réévaluait le SMIC et un dernier permettait l’ouverture de négociations dans chaque branche professionnelle pour augmenter les salaires.
Nous avions également déposé des amendements permettant de favoriser le dialogue social et l’intervention des salariés dans la gestion des entreprises. Je pense à notre amendement accordant un droit de veto suspensif pour les représentants du personnel, à celui qui donne au comité d’entreprise un pouvoir de décision et de contre-proposition effectif ou à celui qui accorde des heures de délégation aux syndicats consacrées à l’information des salariés.
Enfin, nous avions déposé des amendements visant à mieux associer les entreprises aux problématiques sociétales : par exemple, le partage du travail par une réduction de la durée du travail à 32 heures par semaine, la responsabilité des entreprises à l’égard des salariés avec la suppression du barème des indemnités prud’homales ou encore l’interdiction des licenciements boursiers.
Tous ces amendements ont été déclarés irrecevables.
Alors que nos concitoyens réclament depuis des semaines plus de démocratie, alors que le Gouvernement prétend vouloir donner la parole au peuple dans le cadre de son grand débat national, le débat parlementaire, lui, est bridé. Le droit d’amendement se limite à une réaction au projet gouvernemental, tandis que toutes nos propositions qui répondent aux aspirations de démocratie et de justice sociale et fiscale sont rejetées.
Je le dis de nouveau, nous déplorons la manière dont la commission spéciale a jugé irrecevables de nombreux amendements qui ont été déposés sur ce texte, en particulier sur son chapitre III, par des sénateurs appartenant à divers groupes politiques. J’estime que le débat sur ce chapitre du texte est de ce fait tronqué.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, sur l’article.
M. Jean-Marc Gabouty. J’ai moi aussi été séduit par les titres de ce chapitre : « Des entreprises plus justes », « Mieux partager la valeur ». Mais, même si des améliorations ont été apportées par la commission spéciale par rapport au texte d’origine du Gouvernement, de tels titres auraient mérité un peu plus de consistance…
Cet article 57 me permet d’attirer votre attention sur le développement de l’épargne salariale, en particulier l’intéressement, dans le tissu des PME.
Une amélioration et une extension du champ d’application de l’intéressement peuvent constituer pour de nombreux salariés une réponse à leurs attentes en termes de meilleure répartition des richesses et de progression du pouvoir d’achat.
Selon la DARES, le service statistique du ministère du travail, en 2016, seulement 17 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés étaient couverts par un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale et 11,1 % bénéficiaient d’un versement effectif. La même année, moins de 10 % des entreprises de 10 à 49 salariés avaient conclu un contrat d’intéressement ; ce sont surtout les entreprises qui se rapprochent de 50 salariés qui mettent en place ces contrats.
Si, depuis dix ans, le montant distribué progresse légèrement – il n’est pas négligeable, puisqu’il représente 17 milliards d’euros en 2016 –, le nombre d’entreprises concernées et de salariés bénéficiaires a tendance à stagner.
Le Gouvernement entend bien encourager les dispositifs d’épargne salariale, de participation et d’intéressement, en supprimant le forfait social sur l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation dans celles de moins de 50 salariés.
Ces mesures vont avoir un effet positif immédiat pour les entreprises qui ont déjà mis en place des dispositifs sur la base du volontariat. Dans un deuxième temps, les salariés de ces entreprises devraient bénéficier de la suppression de ce forfait, car la plupart des entreprises raisonnent en fonction d’une enveloppe globale comprenant l’intéressement lui-même et les charges qui y étaient affectées.
Mais cette mesure est-elle de nature à convaincre les entreprises d’opter, toujours sur la base du volontariat, pour ces dispositifs ?
Je crains que l’effet d’entraînement ne demeure marginal et que l’objectif que vous visez pour le développement de l’intéressement ne soit pas atteint.
Il semble donc souhaitable que, dans les PME, le partage des résultats avec les salariés soit posé comme un principe, et qu’il ait donc un caractère obligatoire, avec des modalités qui pourront être encadrées par décret et négociées au niveau de la branche et de l’entreprise. C’est le sens de l’amendement que je proposerai à la suite de cet article.