Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je tiens tout d’abord à préciser à M. le sénateur Cadic que le dispositif Montebourg est régulièrement utilisé chaque année, pour plus de dossiers qu’on ne le croit, et donne lieu à des décisions du Gouvernement. Je ne voudrais pas laisser planer une ambiguïté sur ce dispositif des investissements étrangers en France, les IEF.

Le Gouvernement demande le retrait des amendements nos 363 rectifié, 578 et 438 rectifié, qui sont satisfaits par le dispositif actuel, puisque l’enjeu de sécurité publique permet de couvrir la sécurité alimentaire telle qu’elle est définie dans ces amendements.

L’amendement n° 136 rectifié, en revanche, vise directement la possession du foncier agricole. L’avis du Gouvernement est défavorable, le dispositif ne fonctionnant pas, car il faudrait prouver l’existence d’un enjeu d’ordre et de sécurité publics. Nous en revenons au problème précédent : nous ne pouvons pas contrôler l’intervention d’acheteurs étrangers sur le foncier agricole, qui ne pose pas de problème de sécurité alimentaire ou d’ordre public, mais peut-être de déséquilibre des prix des terres agricoles, d’arrière-pensées, etc. Nous aurons du mal à prouver que cela nous prive d’une sécurité alimentaire ou donne lieu à des transferts de technologie ou de défense, qui sont les éléments visés par le dispositif IEF.

Aujourd’hui, seuls 9 % des achats sont réalisés par des acheteurs non européens. Le phénomène reste tout de même limité, même si vous avez mentionné des exemples précis. Cela n’empêche pas de se poser la question, mais pas dans le cadre de ce dispositif, qui ne permet pas d’y répondre correctement.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La commission spéciale demande également le retrait des amendements nos 363 rectifié, 578 et 438 rectifié, puisqu’ils sont déjà satisfaits.

L’amendement n° 136 rectifié concernant précisément le foncier agricole porte un vrai sujet. Je ne sais pas s’il est techniquement applicable, mais j’ai envie de m’en remettre à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je vous rappelle que si le premier amendement était adopté, les suivants deviendraient sans objet.

La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Autant la question de la privatisation ou de la nationalisation me paraissait anachronique, autant celle des secteurs stratégiques et de la nature des capitaux me paraît de la plus haute importance. Privatiser quand les capitaux sont français ou européens, ce n’est pas la même chose que lorsqu’ils sont chinois !

Sur ce sujet, appliquons le principe de réciprocité, au cœur des débats sur le Brexit. Vous ne pourrez jamais acquérir plus de 49 % de quelque affaire que ce soit en Chine, qu’il s’agisse d’un petit commerce, de terres agricoles ou d’une entreprise plus importante. Il en est de même dans tous les pays d’Asie. La question de la réciprocité entre les grands empires continents que sont la Chine, les États-Unis, l’Inde et l’Europe me semble pour le coup relever de la plus haute importance stratégique. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Je voudrais vraiment insister sur l’importance du foncier agricole.

Vous dites, madame la secrétaire d’État, que seuls 9 % des investisseurs ne sont pas Européens, mais la tendance est à la hausse et nous ne devons pas négliger le danger pour notre souveraineté. Les Chinois ont commencé par les terrains viticoles, ils continuent avec les terres d’élevage, de culture… Nous voyons bien l’idée qui sous-tend ces acquisitions. La production alimentaire risque à l’avenir de manquer au niveau mondial, et ils anticipent en investissant chez nous, mais aussi en Pologne et ailleurs.

Il est donc vraiment essentiel de voter cet amendement aujourd’hui, ce qui n’exclut pas, bien évidemment, de réfléchir au moyen de sécuriser plus encore notre foncier agricole pour garder notre souveraineté de production alimentaire.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Le problème posé fait l’objet d’un consensus, mais nous n’avons pas tout à fait les réponses.

Cela a été dit concernant la Chine avec des exemples précis, il ne faut pas, madame la secrétaire d’État, travailler le dos au mur. Le problème est suffisamment important pour l’étudier sans attendre. Dans l’Allier et dans l’Indre, lorsque les SAFER ont voulu faire valoir leur droit de préemption, elles se sont retrouvées face à une flopée d’avocats qui ont réussi à faire annuler la procédure.

Vous le savez, la population mondiale devrait atteindre 10 milliards d’individus. Les pays d’Asie, et plus précisément la Chine, achètent des dizaines de milliers d’hectares en Afrique, mais aussi en France. Donc, sans avoir la parade, abordons la question : votons l’amendement et aménageons ensuite en fonction des possibilités du droit international, mais ne restons pas indifférents à la situation !

Vous évoquez le chiffre de 9 %, mais c’est sans compter les filiales françaises qui achètent aussi des propriétés. Au-delà des sociétés exploitantes, il y a les sociétés purement propriétaires, qui profitent même parfois d’aides de la PAC ! Cela vaut donc la peine qu’on s’y arrête !

M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.

M. Pierre Louault. L’amendement présenté par Martial Bourquin pose un véritable problème de société, même si je ne suis pas sûr qu’il le règle parfaitement. Néanmoins, l’intention me semble forte. Je suis élu d’un département limitrophe de l’Indre où, sur 3 000 hectares, les Chinois sont devenus soit propriétaires soit majoritaires dans les sociétés.

Je serais d’avis de voter cet amendement, même imparfait, pour le compléter ultérieurement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Les deux premiers amendements parlent de sécurité alimentaire, ce qui nous semblait insuffisant, celle-ci ayant une connotation plutôt qualitative. C’est pourquoi nous avions présenté l’amendement n° 438 rectifié portant sur la sécurité de l’approvisionnement alimentaire, sans oser évoquer directement le foncier.

Cependant, nous sommes bien sur la même ligne que l’amendement n° 136 rectifié. S’il est considéré comme recevable, nous retirons notre amendement à son profit.

M. le président. L’amendement n° 438 rectifié est retiré.

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Si je comprends l’amendement n° 136 rectifié, je ne suis pas sûr de la façon dont il peut être mis en œuvre, dans la mesure où nous passons de la politique industrielle au secteur agricole. Comment cela s’organisera-t-il administrativement, politiquement ? Néanmoins, le message est important.

Je rappellerai simplement que les principaux pays qui souffrent de ces acquisitions abusives de terrains sont situés en Afrique. Rappelez-vous, il y a quatre ans, l’Arabie saoudite signait un contrat pour l’acquisition de 1 million d’hectares à Madagascar, entraînant accessoirement la chute du gouvernement malgache, et l’on pourrait citer de nombreux autres exemples. Il s’agit d’un problème mondial et, au fond, il est bon que nous prenions position.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. C’est un sujet dont nous avons déjà débattu. Nous avions d’ailleurs trouvé un accord avec l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire ayant été conclusive, mais les dispositions relatives au foncier agricole ont été invalidées par le Conseil constitutionnel.

Je ne voterai pas cet amendement, mes chers collègues…

M. Daniel Gremillet. La question n’est pas uniquement de savoir qui porte le capital. Vous faites une confusion ! Le porteur du capital n’est pas pour autant le bénéficiaire de la politique agricole commune.

Être porteur du capital ne signifie pas avoir l’autorisation d’exploiter, celle-ci s’inscrivant dans un schéma de structures, hier départementales, aujourd’hui régionales. Nous nous rejoignons toutefois sur un point : il y a un vrai sujet foncier à traiter dans notre pays, et il dépasse largement le petit problème que nous sommes en train d’examiner.

Qu’est-ce qu’un paysan et une entreprise agricole aujourd’hui ? Comment pouvons-nous faciliter la transmission de ce patrimoine, qui constitue aussi la protection alimentaire de notre pays, pour permettre aux nouvelles générations, dans tous les secteurs de production, de continuer à être agricultrice ou agriculteur ?

Le problème est vaste, et ce n’est pas avec cet amendement que nous le réglerons. Je souhaite que nous abordions ce sujet complexe sereinement, en mettant de côté les passions, pour tenter de parvenir à une position unanime. Des travaux ont d’ailleurs d’ores et déjà été engagés sur ce thème.

La question posée est bonne, il était important de la soulever, mais, personnellement, je pense que ce serait une erreur de voter cet amendement, qui ne permet pas de traiter le dossier du foncier dans toute son ampleur. (Mme Sophie Primas, MM. Jean-Raymond Hugonet et René-Paul Savary applaudissent.)

M. le président. Monsieur Kern, l’amendement n° 363 rectifié est-il maintenu ?

M. Claude Kern. Si vous voulez effectivement appliquer le principe de réciprocité, exposé par notre collègue Olivier Henno, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement. Je le maintiens donc, et son adoption permettrait de satisfaire tous les autres.

M. le président. L’inverse est vrai également, mon cher collègue : si l’un des autres amendements en discussion commune était voté, le vôtre serait également satisfait.

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Dans la mesure où notre collègue ne retire pas l’amendement n° 363 rectifié, la commission s’en remet finalement à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Le foncier agricole est un sujet sérieux, important, et les questions que vous posez sont légitimes.

Il nous semble toutefois que le dispositif IEF ne permet pas de le traiter, même en travaillant au cours de la navette, sauf à inventer un cavalier gigantesque qui occuperait toute cette pièce… (Sourires.)

Je précise également qu’une mission d’information de l’Assemblée nationale a remis un rapport sur le foncier agricole en décembre 2018. Les deux assemblées doivent maintenant s’emparer de ce sujet, avec l’appui, au premier chef, des services du ministère de l’agriculture.

Même avec beaucoup de temps et d’intelligence, je ne saurais pas inventer la législation à partir du point d’entrée proposé dans cet amendement.

En conséquence, le Gouvernement s’en tient à sa demande de retrait. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que je vais passer à la mise aux voix de trois amendements en discussion commune, l’amendement n° 438 rectifié ayant été retiré.

L’amendement n° 363 rectifié a reçu un avis de sagesse de la commission et un avis défavorable du Gouvernement. L’amendement n° 578 a reçu deux avis défavorables. Enfin, l’amendement n° 136 rectifié a également reçu un avis de sagesse de la commission et un avis défavorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l’amendement n° 363 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 578 et 136 rectifié n’ont plus d’objet. (M. Martial Bourquin marque son étonnement.)

Je vous invite à réécouter l’enregistrement, mon cher collègue. J’ai répété plusieurs fois que, si l’un de ces amendements était adopté, les autres devenaient sans objet. En revanche, je suis obligé de les mettre aux voix dans l’ordre du dérouleur.

J’ai même précisé que Mme la rapporteur avait modifié son avis sur l’amendement n° 363 rectifié, la demande de retrait devenant un avis de sagesse, ce qui a sans doute modifié substantiellement les intentions de vote de l’assemblée.

L’amendement n° 268, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 28

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 151-4, il est inséré un article L. 151-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 151-4- – L’investisseur ou l’entreprise exerçant les activités mentionnées à l’article L. 151-3, sont tenus de communiquer à l’autorité administrative chargée de la procédure d’autorisation et de contrôle des investissements étrangers, sur sa demande, tous les documents et informations nécessaires à l’exécution de sa mission, sans que les secrets légalement protégés ne puissent lui être opposés. »

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise à permettre à l’administration chargée du contrôle des investissements étrangers en France de requérir auprès des investisseurs étrangers toutes les informations nécessaires à l’exercice de ses missions, l’objectif étant d’améliorer les outils dont dispose le Gouvernement pour protéger nos entreprises sensibles et précisément instruire ces nombreux dossiers.

À cette fin, le texte que le Sénat a adopté en commission prévoit un renforcement significatif des mesures d’urgence, des mesures de police et des sanctions que le Gouvernement pourra prendre s’il constate des manquements.

De manière prévisible, dans le contexte d’un contrôle plus exigeant, les décisions de l’État seront davantage susceptibles d’être contestées en justice. Les relations avec les investisseurs fautifs seront probablement moins collaboratives que lorsqu’il s’agissait de leur délivrer une autorisation pour investir.

Cet amendement a ainsi pour objectif d’autoriser la direction du Trésor à requérir toutes les informations nécessaires pour exercer ses missions, à la fois pour instruire les décisions d’autorisation ou de refus, mais également pour démontrer le non-respect des conditions fixées. En effet, dans les décisions que nous prenons, nous pouvons poser des conditions, les autorisations sous conditions étant ensuite étudiées au sein des comités de suivi.

Il permettra de prévenir les situations dans lesquelles des investisseurs seront tentés d’invoquer le secret professionnel, le secret des affaires, pour ne pas remettre à l’administration les informations permettant de prouver leurs manquements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement vise à ce que l’administration puisse avoir accès aux données nécessaires à l’exercice de son contrôle des investissements étrangers.

Si son objectif est de mieux protéger les entreprises françaises sensibles, évidemment, nous y sommes favorables. La commission spéciale s’interroge toutefois sur la portée de cette obligation.

C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 268.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur l’article 55.

M. Olivier Cadic. Je n’ai pas dit que le ministère ne faisait rien dans le domaine, mais que le décret Montebourg n’avait pas été formellement activé. La presse économique s’en est encore fait l’écho récemment.

Je me ferai donc un plaisir de poser une question écrite à ce sujet, qui vous permettra, madame la secrétaire d’État, de préciser la liste des dossiers dans lesquels le décret Montebourg a été actionné. Le Parlement pourra ainsi évaluer son efficacité.

M. le président. Je mets aux voix l’article 55, modifié.

(Larticle 55 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 55
Dossier législatif : projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises
Article 55 ter (supprimé)

Article 55 bis

Le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code monétaire et financier est complété par des articles L. 151-5 et L. 151-6 ainsi rédigés :

« Art. L. 151-5. – Sous réserve des dispositions relatives à la protection du secret de la défense nationale, le ministre chargé de l’économie rend publiques, annuellement, selon des modalités garantissant l’anonymat des personnes physiques et morales concernées, les principales statistiques relatives au contrôle des investissements étrangers prévu à l’article L. 151-3.

« Art. L. 151-6. – Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement un rapport portant sur l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, ainsi qu’en matière de contrôle des investissements étrangers dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 151-3 du code monétaire et financier. Ce rapport comporte :

« 1° Une description de l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, notamment des mesures prises en matière de sécurité économique et de protection des entreprises stratégiques, des objectifs poursuivis, des actions déployées et des résultats obtenus ;

« 2° Des informations relatives à la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France, comprenant notamment des éléments détaillés relatifs au nombre de demandes d’autorisation préalables adressées au ministre chargé de l’économie, de refus d’autorisation, d’opérations autorisées, d’opérations autorisées assorties de conditions prévues au II de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, ainsi que des éléments relatifs à l’exercice par le ministre du pouvoir de sanction prévu au même article L. 151-3, à l’exclusion des éléments permettant l’identification des personnes physiques ou morales concernées par la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France. » – (Adopté.)

Article 55 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises
Article additionnel après l'article 55 ter - Amendement n° 874

Article 55 ter

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 143 est présenté par Mme Espagnac, MM. M. Bourquin, Lalande, Tourenne et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 743 est présenté par MM. Yung, Rambaud, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Navarro, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 … ainsi rédigé :

« Art. 6 … – I. – Il est constitué une délégation parlementaire à la sécurité économique, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette délégation est composée de huit députés et de huit sénateurs.

« II. – Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires économiques et des finances sont membres de droit de la délégation parlementaire à la sécurité économique. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit. Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de leur assemblée respective en tâchant de reproduire les équilibres entre groupes politiques de chacune d’entre elles. Les six députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les six sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.

« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes et sous réserve des compétences de la délégation parlementaire au renseignement, la délégation parlementaire à la sécurité économique a pour mission de suivre l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, ainsi qu’en matière de contrôle des investissements étrangers dans le cadre de la procédure prévue aux articles L. 151-3 et suivants du code monétaire et financier. À cette fin, le Gouvernement lui transmet chaque année un rapport comportant :

« 1° Une description de l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, notamment des mesures prises en matière de sécurité économique et de protection des entreprises stratégiques, des objectifs poursuivis, des actions déployées et des résultats obtenus ;

« 2° Des informations relatives à la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France, comprenant notamment des éléments détaillés relatifs au nombre de demandes d’autorisation préalables adressées au ministre chargé de l’économie, de refus d’autorisation, d’opérations autorisées, d’opérations autorisées assorties de conditions prévues au II de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, ainsi que des éléments relatifs à l’exercice par le ministre du pouvoir de sanction prévu au même article L. 151-3, à l’exclusion des éléments permettant l’identification des personnes physiques ou morales concernées par la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France.

« La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres compétents, le commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économiques et les directeurs des administrations centrales concernées, accompagnés des collaborateurs de leur choix. Ces échanges peuvent porter sur des éléments permettant l’identification des personnes mentionnées au premier alinéa du présent III.

« IV. – Les travaux de la délégation parlementaire à la sécurité économique ne sont pas rendus publics.

« V. – Chaque année, par dérogation au IV, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité. Ce document ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation permettant d’identifier les personnes mentionnées au III du présent article.

« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ainsi qu’aux ministres mentionnés au même III. Elle les transmet au président de chaque assemblée.

« VI. – La délégation parlementaire à la sécurité économique établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.

« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7. »

La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 143.

M. Martial Bourquin. La constitution d’une délégation parlementaire serait la bienvenue pour renforcer le pouvoir de contrôle du Gouvernement sur un sujet aussi stratégique pour le pays que celui de la sécurité économique, liée également à la nature des investissements étrangers.

Nous n’avons pas très bien compris pourquoi le rapporteur avait supprimé cet article. Nous sommes parfois durs avec le Gouvernement, mais, en l’occurrence, nous pensons que les choses vont dans le bon sens.

Nous avons trop longtemps péché par manque de surveillance dans ce domaine. La création d’une délégation parlementaire nous offre l’occasion de remédier à ce manque, à condition que le Parlement puisse l’interroger régulièrement et qu’elle rende un rapport annuel sur ces questions.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 743.

M. Richard Yung. J’espère que tout le monde a bien noté les paroles aimables de M. Bourquin à l’encontre du Gouvernement… Je les salue ! (Sourires.)

M. Martial Bourquin. Profitez-en, ce n’est pas si fréquent !

M. Jean-François Husson, rapporteur. Ça cache quelque chose… (Nouveaux sourires.)

M. Richard Yung. Cet amendement vise à rétablir l’article supprimé par la commission spéciale.

Son objet est issu d’une idée de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les décisions de l’État en matière de politique industrielle, qui vise à répondre à la demande des députés d’être davantage associés au contrôle des investisseurs étrangers en France.

Cet article a été adopté à l’unanimité des groupes politiques à l’Assemblée nationale – je me permets d’insister sur ce point.

La réindustrialisation de la France est une question très importante. Nous souffrons beaucoup d’avoir perdu presque la moitié de notre tissu industriel en l’espace de quinze ou vingt ans. L’effort de réindustrialisation du pays doit donc être une priorité, et c’est pourquoi nous proposons de rétablir la création de cette délégation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Après l’intervention de M. Yung, je sens une certaine pression peser sur mes épaules ! (Sourires.)

M. Bourquin, pour sa part, semble avoir oublié les éléments de réponse que je lui ai déjà opposés. Mais comme le dit notre collègue Gérard Longuet, mieux vaut se répéter que se contredire, et je vais donc les rappeler.

Nous avons supprimé cet article pour deux raisons.

Tout d’abord, il n’est pas d’usage – en ce qui me concerne, j’accorde encore une certaine importance aux usages – de créer une délégation commune entre deux assemblées sans concertation préalable et au moyen d’un amendement déposé sur un texte déjà en navette.

Toutes les structures communes aux deux assemblées ont toujours, jusqu’à présent, été créées par des textes spécifiques. Et que l’on ne me fasse pas le coup de l’ancien monde, l’argument ne tient absolument pas !

Ensuite, cette délégation, en raison de son objet, pourrait entrer en concurrence avec des structures qui existent déjà au sein de nos assemblées : certaines commissions permanentes, mais également les délégations aux entreprises et au renseignement.

Je précise d’ailleurs que la commission spéciale a maintenu aux articles que nous venons d’adopter le principe de transmission par le Gouvernement aux assemblées des informations relatives à la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers. C’est un sujet important, je ne l’ignore pas, mais évitons de considérer que c’est en créant un outil supplémentaire que l’on répondra à ce sujet.

Il revient à chacune des assemblées d’organiser le traitement des informations comme elle l’entend, ce qui peut aussi passer par le biais du règlement.

N’y voyez aucune acrimonie personnelle, aucun manque d’intérêt pour ces sujets, mes chers collègues, mais l’avis reste défavorable.