M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je voudrais interroger Mme le secrétaire d’État sur le fonctionnement des comités départementaux de présence postale.
L’auteur de l’amendement évoque la représentation des élus au sein du conseil d’administration de La Poste. Comment pourrait-on impliquer les parlementaires dans les comités départementaux ? Aujourd’hui, ils n’y sont plus présents, pour cause d’interdiction du cumul des mandats. Or ce serait intéressant de pouvoir y être, ne serait-ce que pour aborder les questions que notre collègue a évoquées. Ces comités départementaux doivent jouer un vrai rôle d’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émorine. Je souhaite vous rassurer, cher Jean-Louis Tourenne. Il faut aller au bout de l’analyse. Vous dites que les coûts des agences postales sont pris en compte dans les villes, mais pas dans les communes rurales.
Or, comme Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, la loi prévoit, dans le cadre de la contractualisation, une convention entre l’État, La Poste, mais aussi l’Association des maires de France, qui permet de verser une indemnité aux communes en zone de revitalisation rurale. Aujourd’hui, celle-ci est de l’ordre de 1 150 euros par mois ; en plus, une partie des travaux nécessaires à la réalisation de l’agence postale sont pris en chargé. Hors zone de revitalisation rurale, l’indemnité est d’un peu moins de 1 000 euros par mois.
Lorsque les maires prennent une telle compétence, ils peuvent ainsi créer un service public dans leur mairie, mais avec une prise en charge par l’État et par La Poste indirectement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je rebondis sur les deux dernières interventions. Les discussions que nous avons tous avec M. le président de La Poste portent aussi sur la réindexation des compensations versées pour la transformation de tel ou tel bureau de poste.
Je crois que nous devons avoir une réflexion. On voit des bureaux de poste exsangues à cause de la faible affluence, mais surtout des horaires, revivre subitement parce que la mairie décide, par exemple, que les bureaux seront ouverts le soir. Cela ne concerne pas seulement le monde rural. Certaines petites communes urbaines ou certains quartiers sont également touchés par les fermetures de bureaux.
Il ne s’agit pas d’opposer l’urbain et le rural. Simplement, dans certaines circonstances, il faut rééquilibrer les indemnités versées par La Poste, par exemple lorsque la revitalisation de l’activité de certains bureaux est bien meilleure qu’ailleurs. Cela fait partie des discussions.
La présence des parlementaires dans les comités départementaux est aussi un axe de réflexion de La Poste. Cela nous manque, mais cela leur manque aussi : ils ont besoin d’échanger avec des parlementaires qui ont une vision générale sur le département.
Je pense que, sur ces sujets, nous pouvons avancer avec La Poste.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. J’avais essayé de formuler des propositions sur la présence des parlementaires dans les groupements départementaux de présence postale, mais le sujet est complexe.
Cela dit, il y a un problème de cohérence. On demande aux parlementaires de prendre de la distance – je crois qu’il y a encore un article sur le sujet dans Le Monde d’aujourd’hui – pour être à Paris et faire la loi, ce qui peut s’entendre. Mais, à force de prendre de la distance, nous allons être plus éloignés du territoire, même si nous en avons encore une bonne connaissance. Et à qui profite le crime ? À une technostructure, qui, elle, est immuable ! (M. Olivier Henno applaudit.)
Sur la question de la présence et des participations différenciées entre les territoires ruraux et urbains, je nous invite là encore à avoir une analyse un peu plus fine et précise. Évidemment, La Poste ferme des bureaux en ville, ce qui pose aussi des problèmes. Évidemment, elle impose quand elle le peut des participations aux communes, y compris urbaines, notamment pour des maisons de services au public, y compris dans des territoires urbains.
Je concède aussi qu’on en demande souvent un peu plus aux territoires ruraux. Le problème se pose de la même manière pour d’autres organismes de service public, y compris de sécurité et de protection.
M. René-Paul Savary. Bien sûr !
M. Jean-François Husson, rapporteur. En territoire rural, pour les gendarmeries, on peut aller jusqu’à nous demander une participation de 500 000 euros ! C’est facile quand c’est l’argent des autres ! C’est juste l’argent des Français…
Il en va de même pour les services de santé, par exemple. Les maisons de santé relèvent soit du privé soit du public. Nous avons une vraie réflexion à mener, madame la secrétaire d’État – elle n’est pas de votre seule responsabilité, mais, comme nous, faites-la remonter au Gouvernement -, concernant la présence et l’organisation des services publics et privés dans les territoires.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, les parlementaires n’ont pas à siéger dans les commissions départementales. En tant que parlementaires, nous avons un rôle de contrôle de l’exécutif et donc, d’une certaine façon, de contrôle du bon fonctionnement des services publics, dont l’État est le garant. Ce qui n’empêche pas les parlementaires que nous sommes de solliciter des rencontres avec les élus, voire avec le directeur de La Poste. En revanche, bien sûr, les élus locaux doivent y être au maximum représentés.
Institutionnellement, l’une des grandes réflexions que nous devons mener, à terme, porte sur la manière de contrôler l’État, le bon fonctionnement de services publics, sans trop se mêler des prises de décisions relevant de l’exécutif. Pour ma part, je suis un peu réticente de ce point de vue.
Je partage complètement les propos de M. Husson sur la question des services publics, à la fois ruraux et urbains. Je puis vous assurer que la présence des services publics dans les quartiers relevant de la politique de la ville est un enjeu majeur pour combattre la fracture territoriale, entre la ville et la campagne ou à l’intérieur de nos villes. La Poste comme la plupart des services publics n’y sont que rarement présents, et souvent uniquement parce que la collectivité locale finance 90 % des activités – et il ne s’agit généralement pas de communes riches.
En ce qui me concerne, j’ai toujours plaidé, même si ce n’est pas tout à fait l’objet de cette loi PACTE, pour une loi de maillage des services publics qui définisse sur chaque territoire un type d’accès égal pour tous en termes de temps, de distance et de nature du service, en gardant la philosophie d’une péréquation pour garantir que les entreprises de service public et l’État travaillent de concert pour répondre à cette exigence. Sinon, nous ne parviendrons pas à rompre la logique infernale de l’accroissement des inégalités, dans laquelle on demande aux collectivités locales, pour éviter d’être complètement marginalisées, de financer des services que d’autres peuvent se payer parce que le marché, la solvabilité, la proximité le leur permettent.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le rapporteur, je soutiens pleinement votre amendement. On évoque beaucoup la présence postale, les partenariats avec les communes. Combien de fois, dans nos territoires, la présence postale est-elle maintenue, en accord avec le maire, non pas à la mairie, mais chez un commerçant ? Combien de fois des activités commerciales sont-elles soutenues dans un village : un bureau de tabac, une épicerie jouant aussi le rôle de présence postale, avec une large amplitude horaire, le matin, le soir voire le week-end, souvent très appréciée ? Il faut mettre en évidence les services de cette nature. À cet égard, il est intéressant de renforcer la représentation des maires. La présence postale en milieu urbain, dans des quartiers difficiles, est tout aussi indispensable qu’en milieu rural. Elle est gérée, il faut l’évoquer, en liaison avec la municipalité, souvent conjointement à des activités commerciales également maintenues de cette manière-là.
C’est la raison pour laquelle je soutiens sans réserve cet amendement, qui a tout son sens en termes d’aménagement et de présence sur nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Je viens m’inscrire en faux, en l’illustrant par un exemple, contre les propos de Mme Lienemann.
Comme vous le savez, les services de La Poste des Hauts-de-Seine sont en grève depuis le 26 mars 2018…
M. Roger Karoutchi. Bientôt un an !
Mme Christine Lavarde. Pendant plus de deux mois, 150 000 à 200 000 personnes, dans deux ou trois villes, soit l’équivalent de la population de certains départements, n’ont pas reçu une seule lettre dans leur boîte aux lettres !
Eh bien, les élus locaux étaient fort démunis. Le problème a commencé à être traité à l’échelle de la direction générale et de l’État, qui a la tutelle de l’entreprise, lorsque les parlementaires ont écrit, déposé des questions écrites, sollicité des rendez-vous. Nous avons donc effectivement un rôle à jouer…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bien sûr !
Mme Christine Lavarde. … et il pourrait être très utile de siéger dans les commissions de présence postale.
J’abonde donc complètement dans le sens du rapporteur : il existe des problèmes dans les zones urbaines denses.
M. le président. Je mets aux voix l’article 54, modifié.
(L’article 54 est adopté.)
Section 4
Protéger nos entreprises stratégiques
Article 55
I. – Le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 151-3 est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa du I est complété par les mots : « et des investissements soumis à autorisation » ;
a bis) Au second alinéa du II, après le mot : « nature », sont insérés les mots : « et les modalités de révision » ;
b) Le III est abrogé.
2° Après le même article L. 151-3, sont insérés des articles L. 151-3-1 et L. 151-3-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 151-3-1. – I. – Si un investissement étranger a été réalisé sans autorisation préalable, le ministre chargé de l’économie prend une ou plusieurs des mesures suivantes :
« 1° Injonction à l’investisseur de déposer une demande d’autorisation ;
« 2° Injonction à l’investisseur de rétablir à ses frais la situation antérieure ;
« 3° Injonction à l’investisseur de modifier l’investissement.
« Les injonctions mentionnées aux 1° à 3° peuvent être assorties d’une astreinte. L’injonction précise le montant et la date d’effet de cette astreinte. Un décret en Conseil d’État fixe le montant journalier maximal de l’astreinte et les modalités selon lesquelles, en cas d’inexécution totale ou partielle ou de retard d’exécution, il est procédé à sa liquidation.
« Le ministre chargé de l’économie peut également, si la protection des intérêts nationaux mentionnés au I de l’article L. 151-3 est compromise ou susceptible de l’être, prendre les mesures conservatoires qui lui apparaissent nécessaires. Il peut à ce titre :
« a) Prononcer la suspension des droits de vote attachés à la fraction des actions ou des parts sociales dont la détention par l’investisseur aurait dû faire l’objet d’une autorisation préalable ;
« b) Interdire ou limiter la distribution des dividendes ou des rémunérations attachés aux actions ou aux parts sociales dont la détention par l’investisseur aurait dû faire l’objet d’une autorisation préalable ;
« c) Suspendre, restreindre ou interdire temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs liés aux activités définies au I de l’article L. 151-3 ;
« 4° Désigner un mandataire chargé de veiller, au sein de l’entreprise dont relève l’activité mentionnée au I de l’article L. 153-1, à la protection des intérêts nationaux. Ce mandataire peut faire obstacle à toute décision des organes sociaux de nature à porter atteinte à ces intérêts. Sa rémunération est fixée par le ministre chargé de l’économie ; elle est prise en charge, ainsi que les frais engagés par le mandataire, par l’entreprise auprès de laquelle il est désigné.
« II. – Si le ministre chargé de l’économie estime que les conditions dont est assortie son autorisation en application du II de l’article L. 151-3 ont été méconnues, il prend une ou plusieurs des mesures suivantes :
« 1° Retrait de l’autorisation. Sauf s’il revient à l’état antérieur à l’investissement, l’investisseur étranger sollicite de nouveau l’autorisation d’investissement prévue à l’article L. 151-3 ;
« 2° Injonction à l’investisseur auquel incombait l’obligation non exécutée de respecter dans un délai qu’il fixe les conditions figurant dans l’autorisation ;
« 3° Injonction à l’investisseur auquel incombait l’obligation non exécutée d’exécuter dans un délai qu’il fixe des prescriptions en substitution de l’obligation non exécutée, y compris le rétablissement de la situation antérieure au non-respect de cette obligation ou la cession de tout ou partie des activités définies au I de l’article L. 151-3.
« Ces injonctions peuvent être assorties d’une astreinte selon les modalités prévues au I du présent article.
« Le ministre chargé de l’économie peut également prendre les mesures conservatoires nécessaires, dans les conditions et selon les modalités prévues au même I.
« III. – Les décisions ou injonctions prises sur le fondement du présent article ne peuvent intervenir qu’après que l’investisseur a été mis en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours, sauf en cas d’urgence, de circonstances exceptionnelles ou d’atteinte imminente à l’ordre public, la sécurité publique ou la défense nationale.
« IV. – Ces décisions sont susceptibles d’un recours de plein contentieux.
« V. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 151-3-2. – En cas de réalisation d’un investissement sans autorisation préalable, d’obtention par fraude d’une autorisation préalable, de méconnaissance des prescriptions du II de l’article L. 151-3, d’inexécution totale ou partielle des décisions ou injonctions prises sur le fondement de l’article L. 151-3-1, le ministre chargé de l’économie peut, après avoir mis l’investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai minimal de quinze jours, lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant s’élève au maximum à la plus élevée des sommes suivantes : le double du montant de l’investissement irrégulier, 10 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes de l’entreprise qui exerce les activités définies au I de l’article L. 151-3, cinq millions d’euros pour les personnes morales et un million d’euros pour les personnes physiques.
« Le montant de la sanction pécuniaire est proportionné à la gravité des manquements commis. Le montant de la sanction est recouvré comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. » ;
3° À l’article L. 151-4, le mot : « préalable » est supprimé et, à la fin, la référence : « du c du 1 de l’article L. 151-2 » est remplacée par la référence : « de l’article L. 151-3 ».
II. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l’article.
M. Olivier Cadic. En mai 2017, la Commission européenne a publié un document de réflexion économique faisant valoir que l’Union européenne ne doit pas être naïve dans son approche de la mondialisation. Les investissements étrangers représentent un enjeu fondamental. Ils façonnent le monde de demain et donc nos modes de vie. Or, ces dernières années, les investissements directs étrangers, et plus particulièrement chinois, ont connu une progression spectaculaire. Ces investissements étrangers peuvent constituer parfois un risque majeur pour notre souveraineté.
En renforçant l’arsenal juridique français comme le fait la loi PACTE, je pense que nous pourrons nous opposer avec plus de vigueur à la stratégie de pays qui agissent en véritables prédateurs pour prendre le contrôle de certaines de nos pépites. À cet égard, je veux saluer le discours du ministre de l’économie et des finances à Pékin, en janvier 2018, qualifiant certains investissements chinois de « pillage ». Je soutiens donc cette démarche du Gouvernement prolongeant l’impulsion donnée à l’origine par Dominique de Villepin en 2005 et approfondie par le décret Montebourg en 2014.
Cependant, je voudrais attirer l’attention du Gouvernement et de mes collègues. C’est bien de voter des textes de protection, c’est très bien de publier ensuite des décrets d’application, mais c’est encore mieux de les appliquer ! En cinq ans, le décret Montebourg n’a jamais été actionné… J’espère que le texte qui sera voté aujourd’hui démontrera son utilité, surtout par sa mise en œuvre.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 363 rectifié, présenté par Mme Létard, MM. Lafon et Moga, Mme Sollogoub, M. Kern, Mmes Billon et Joissains, MM. Janssens et Bonnecarrère, Mme Goy-Chavent, M. L. Hervé, Mmes Vermeillet, Vullien, Guidez, Férat et Gatel et MM. D. Dubois et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le a du I est ainsi rédigé :
« a) Activités de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, définie comme l’ordre public, la sécurité publique ou les intérêts de la défense nationale, y compris dans leurs aspects de sécurité économique, énergétique et alimentaire ; »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement vise à clarifier l’article L. 151-3 du code monétaire et financier. Cet article prévoit que soient soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l’économie les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l’exercice de l’autorité publique relevant notamment de l’un des domaines suivants : activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale.
Avec cet amendement n° 363 rectifié, nous clarifions la liste des domaines concernés et unifions la motivation du régime de dérogation à la liberté d’investir des investisseurs étrangers en France. Ainsi, seront soumises à l’autorisation préalable du ministre chargé de l’économie les activités de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, définie comme l’ordre public, la sécurité publique ou les intérêts de la défense nationale, y compris dans leurs aspects de sécurité économique, énergétique et alimentaire.
Plus explicite, la présente rédaction s’applique à mieux appréhender les différentes composantes de la sécurité intérieure – ordre et sécurité publics –, comme de la sécurité extérieure – défense nationale –, tout en respectant nos engagements européens au regard des dérogations admises au principe de libre circulation des capitaux. La rédaction du présent amendement est de nature à garantir une meilleure prise en compte des enjeux spécifiques liés en particulier à la sécurité énergétique et alimentaire des Français.
Sans nous soustraire à l’économie mondialisée, nous devons être en mesure d’avoir des garde-fous, car il y a des enjeux considérables en termes d’indépendance économique que nous devons préserver. Nous sommes plusieurs parlementaires sensibilisés à cette question, à laquelle j’associe naturellement l’ensemble des cosignataires de cet amendement, ainsi que mon collègue Olivier Henno.
M. le président. L’amendement n° 578, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au a du I, après le mot : « publique », sont insérés les mots « , à la sécurité alimentaire » ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Sans revenir sur ce qui vient d’être dit, je rappellerai simplement ce que nous savons tous : les terres agricoles sont une denrée rare et précieuse. Il ne s’agit pas seulement de lutter contre la disparition des terres agricoles, mais contre la prédation de groupes étrangers qui mettent à mal le modèle agricole.
Les instruments de contrôle de l’acquisition du foncier agricole, qui est le support de notre sécurité alimentaire, ne sont plus en adéquation avec la réalité. Nous l’avons vu dans un certain nombre de départements, je pense notamment à l’Allier, département limitrophe du mien.
Finalement, le régime de l’autorisation préalable du ministre chargé de l’économie pour les investissements étrangers est un mécanisme adapté pour protéger cet enjeu sensible. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 136 rectifié, présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande, Tourenne et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran et Fichet, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le b du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Activités de nature à porter atteinte à la souveraineté de la France en matière de possession du foncier agricole. » ;
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Cet amendement étend la protection de l’État au foncier agricole, qui est le support de l’agriculture. Ces dernières années, les acquisitions de foncier agricole par des sociétés financières étrangères se sont accentuées. Pour trouver des mesures en vue d’endiguer ce phénomène, une mission parlementaire a été créée en 2018. Cependant, les achats massifs se poursuivent et nécessitent une réponse.
Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, ont tiré la sonnette d’alarme au niveau national : 900 hectares ont été achetés par des groupes chinois dans l’Allier en 2017, 1 700 hectares dans l’Indre en 2016, et combien de grands châteaux, de propriétés agricoles ? L’accaparement des terres en France est un vrai problème. Auparavant, aucune terre agricole n’était exploitée ou détenue par des sociétés. Aujourd’hui, 20 % des terres agricoles sont détenues par des sociétés.
Il y a péril pour le mode d’agriculture familiale, mais aussi pour la sécurité alimentaire du pays. Nous devons en débattre. Quand Arnaud Montebourg a mis en place ce verrou concernant la protection de nos actifs stratégiques, d’aucuns ont ri. L’Allemagne vient d’en introduire un bien plus puissant à la suite de l’affaire Kuka. Nous avons donc besoin de soutenir et de protéger nos actifs agricoles comme les sociétés faisant face à la prédation.
M. le président. L’amendement n° 438 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Menonville, Artano, A. Bertrand, Collin et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le troisième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Activités de nature à porter atteinte à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire. » ;
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement va dans le même sens, puisqu’il vise à répondre à la préoccupation croissante dans les territoires ruraux face à la multiplication d’investissements étrangers dans le foncier agricole, d’élevage ou viticole, dont les motivations à long terme ne sont pas toujours claires. Est-ce pour une production exportable, pour une production continentale ou européenne ? Cela reste à définir.
À terme, ces investissements représentent un risque de perte de souveraineté dans le domaine alimentaire, alors que la sécurité de l’approvisionnement apparaît comme une nécessité, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.
Plusieurs initiatives ont été prises au niveau législatif et le décret du 14 mai 2014, dit Montebourg, a renforcé le dispositif réglementaire. Toutefois, cela reste encore insuffisant dans le domaine agricole. De même, les dispositions existant dans le code rural et de la pêche maritime visant à resserrer la maîtrise du foncier, en particulier via le droit de préemption des SAFER, ne répondent pas totalement à l’objectif de cet amendement.
C’est pourquoi il est proposé, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, d’inscrire les activités de nature à porter atteinte à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire dans le champ des activités soumises à autorisation préalable du ministre chargé de l’économie, après avis éventuel du ministre chargé de l’agriculture et de l’alimentation.
Nous avons visé la sécurité de l’approvisionnement plutôt que le foncier directement, qui peut éventuellement poser des problèmes, mais le but est le même : c’est bien le foncier qui est ainsi défini.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Ces quatre amendements vont dans le même sens puisqu’ils visent à préciser le champ du contrôle des investissements étrangers, notamment en y incluant la sécurité alimentaire ou le foncier agricole. La détermination des secteurs précis relève du décret, comme l’approvisionnement énergétique, l’approvisionnement en eau et la santé publique, qui sont déjà inclus dans le champ de ce contrôle.
La commission spéciale partage l’avis des auteurs de ces amendements : les enjeux de sécurité alimentaire et de protection du foncier méritent une attention particulière du Gouvernement. Elle demande donc l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?