M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà trois cent cinquante ans, en 1669, Colbert instituait les députés de la Nation dans les pays d’Orient, en particulier en Inde et en Égypte.
Élus chaque année, par et parmi les membres de nos colonies, ils avaient pour mission d’assister le consul et d’exprimer – déjà – leurs doléances auprès du roi.
En créant le Conseil supérieur des Français de l’étranger, le CSFE, en 1948, pour « fournir des avis sur les questions et projets intéressant les Français domiciliés à l’étranger ou l’expansion française », la France s’est dotée d’une structure de représentation, aujourd’hui appelée Assemblée des Français de l’étranger, qui a permis de grandes avancées.
La loi du 22 juillet 2013, sur l’initiative de notre collègue Hélène Conway-Mouret, a institué un échelon de proximité – les conseils consulaires – en sus de l’instance placée à l’échelon national, l’Assemblée des Français de l’étranger. Or qui dit nouveau scrutin, dit nouvelles difficultés.
Cette proposition de loi et cette proposition de loi organique, déposées par Christophe-André Frassa, que je remercie, sont destinées à améliorer la loi de 2013.
Je salue l’excellent travail de mon collègue, ainsi que celui de Mme la rapporteur, Jacky Deromedi, qui a enrichi ces textes de plusieurs amendements bienvenus lors de leur examen en commission.
Ces textes d’ajustement répondent à des difficultés concrètes constatées lors des scrutins de 2014. Ils pourront s’appliquer dès 2020, si le Gouvernement leur permet de prospérer.
Ils s’articulent en deux volets Il s’agit tout d’abord d’adapter le régime électoral des élections consulaires et de l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. L’administration aurait les moyens de mieux contrôler les candidatures, la propagande électorale et les procurations.
L’institution d’une commission centrale de propagande, située au Quai d’Orsay, permettrait de mieux contrôler la conformité des professions de foi et des bulletins de vote. L’expérience nous a montré que c’était une réelle nécessité. On ne peut demander à un chef de poste d’être aussi un spécialiste de droit électoral. La réduction des moyens imposée aux postes doit être prise en compte. Il faut rationaliser.
Je remercie Mme la rapporteur d’avoir bien voulu retenir mon amendement, qui visait à clarifier le déroulement des élections sénatoriales pour les Français de l’étranger en dissociant l’introduction dans l’urne des plis remis à l’administration du vote à l’urne. Ce nouveau dispositif permet d’éviter une confusion tout en s’inscrivant dans l’un des objectifs de la proposition de loi.
Ensuite, nous souhaitons conforter les moyens d’action des conseillers consulaires et des membres de l’AFE.
Leur engagement quotidien est, hélas, trop souvent méconnu. Je veux saluer leur abnégation et leur courage.
Hier, aux Communes, Theresa May a annoncé qu’elle renonçait à faire payer 65 livres sterling aux Européens qui demanderaient un statut de résident. Qui l’a fait changer d’avis ? Pas la Commission européenne, pas le gouvernement français, mais l’association The 3 Million, créée par Nicolas Hatton, un délégué consulaire.
Restons à Londres : c’est aussi une conseillère consulaire – Sophie Routier – qui a déniché les sites de Kentish Town et de Wembley où ont été aménagées les deux nouvelles écoles secondaires accueillant aujourd’hui près de 2 000 élèves.
Il en va de même de l’emploi : en Espagne, pour aider nos compatriotes, le conseiller consulaire Pierre-Olivier Bousquet a déjà organisé six salons de l’emploi à Barcelone, quatre à Madrid et un à Saragosse. Il est à Malaga en ce moment même pour y lancer un premier salon.
En Équateur, la conseillère consulaire Tanya Bricard était auprès des Français traumatisés et ruinés par le tremblement de terre survenu il y a deux ans.
Même altruisme au Japon, de la part de Thierry Consigny, qui participait aux secours depuis l’ambassade après le tsunami en étant présent jour et nuit.
Je demande pardon à tous ceux que je n’ai pas cités. Nous connaissons beaucoup d’autres de nos compatriotes qui mériteraient d’être mis à l’honneur, au premier rang desquels figure Guy Savery, qui nous a quittés samedi, élu des Français de l’étranger depuis trente-sept ans. Un grand monsieur.
Il nous revient de mettre en valeur leur engagement quotidien au service des Français de l’étranger. Pour les conforter, il est nécessaire d’affranchir les conseillers consulaires de la tutelle de l’administration en leur permettant de présider le conseil consulaire.
L’organisation de la représentation des Français de l’étranger gagnerait à être simplifiée et améliorée. J’aspire à une réforme qui associe mieux les élus de terrain et les parlementaires, comme par le passé, dans la précédente AFE. Je sais que le Gouvernement y réfléchit, comme vos propos l’ont confirmé, monsieur le secrétaire d’État.
Ne tardez pas trop. Il serait dommage de devoir attendre 2026 pour offrir une représentation plus proche et plus participative, dotée de moyens supplémentaires pour lui permettre d’être encore plus efficace.
Le groupe Union Centriste votera les textes proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, la loi de 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France a profondément revu le régime de représentation des Français de l’étranger en créant une nouvelle instance de proximité – les conseils consulaires – et en réformant l’Assemblée des Français de l’étranger.
En juin 2015, un rapport a dressé un premier bilan de cette réforme et formulé dix recommandations pour conforter la représentation des Français de l’étranger.
La proposition de loi et la proposition de loi organique, présentées par notre collègue Christophe-André Frassa, visent à mettre en œuvre ces recommandations et à ajuster le régime de représentation des Français de l’étranger en vue des prochaines élections de 2020, sans en modifier l’équilibre.
D’une part, ces deux textes tendent à conforter les conditions d’exercice des mandats de conseiller consulaire et de membre de l’Assemblée des Français de l’étranger.
D’autre part, ils visent à sécuriser les procédures électorales pour l’élection des conseillers consulaires et des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Ils instituent ainsi une commission centrale de propagande chargée de contrôler la conformité des professions de foi et des bulletins de vote des candidats. Ils améliorent également les conditions dans lesquelles les électeurs peuvent voter à distance.
Je me réjouis que la commission des lois ait adopté à l’unanimité ces deux textes, qui s’inscrivent dans la continuité du travail du Sénat et qui apportent des correctifs utiles.
Plusieurs amendements techniques ont été adoptés pour s’assurer du bon fonctionnement de la nouvelle commission centrale de propagande et du bon déroulement des élections consulaires partielles.
La commission des lois a également revu le calendrier de l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
En outre, elle a renforcé le rôle des conseillers consulaires et des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, notamment en confiant la présidence des conseils consulaires à un membre élu et en autorisant les conseillers consulaires à arborer l’écharpe tricolore pendant les cérémonies officielles.
La commission a également souhaité que le Gouvernement consulte l’Assemblée des Français de l’étranger lorsqu’il envisage de ne pas mettre en œuvre le vote par internet pour les élections consulaires.
Enfin, plusieurs amendements du groupe socialiste et républicain ont été adoptés, afin d’éviter la multiplication du nombre d’élections consulaires partielles et d’améliorer le fonctionnement des commissions de contrôle des listes électorales.
Les deux présents textes étant le résultat d’un travail à la fois multipartisan et transpartisan, le groupe Les Indépendants – République et Territoires les votera sans réserve.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Ce vote final, après un travail de législation en commission, donne lieu à un rassemblement de volontés.
Au fond, nous constatons de concert que la réforme de 2013 a introduit des progrès, des possibilités nouvelles, dans le travail des représentants des Français de l’étranger au service de leurs concitoyens pour renforcer leur représentativité et leur capacité de propositions.
La proposition de loi se limite – mais il s’agit d’un objet important – à optimiser et à faciliter l’exercice de leur mandat.
Le groupe La République En Marche approuve la proposition de loi dans le texte issu des travaux de la commission, même si je le dis avec prudence, n’ayant pu participer à la réunion de législation en commission.
Je rejoins l’intervention de M. Collombat qui conteste aux élus n’ayant pas de rôle exécutif la faculté de porter une écharpe tricolore. Il serait pourtant tout à fait concevable de prévoir d’autres types d’insignes républicains…
L’essentiel, me semble-t-il, est que le Gouvernement prenne intérêt à cette proposition de loi et en perçoive les bons côtés.
Nous proposons donc d’adopter ces textes, en espérant que la suite du débat bicaméral permette de les perfectionner
M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour explication de vote.
M. Ronan Le Gleut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons voter deux propositions de loi qui vont améliorer de manière bien réelle le régime électoral et les conditions d’exercice des mandats des élus des Français de l’étranger.
La réforme de 2013 a bientôt six ans – presque l’âge de raison. Du fait des quelques lacunes et imperfections que sa mise en œuvre a révélées, il importe de la modifier sans attendre, même si elle a eu le grand mérite d’accroître le nombre d’élus des Français de l’étranger et d’en faire des élus de plus grande proximité géographique.
Alors que les chiffres avancés de 1,8 à 2 millions de Français résidant hors de France sont en deçà de la réalité – l’INSEE en dénombre plutôt 3,3 à 3,5 millions –, il convenait de mieux représenter ceux-ci, notamment par un plus grand nombre d’élus, ce qui suppose bien évidemment que le nombre de parlementaires soit en rapport avec ces chiffres…
Je souhaite exprimer mes remerciements à l’auteur principal de ces deux textes, Christophe-André Frassa, ainsi qu’à Mme la rapporteur, Jacky Deromedi. Notre reconnaissance va également aux présidents Retailleau et Bas, qui ont permis d’inscrire ces deux propositions de loi à notre ordre du jour. Ils ont été à l’écoute des Français de l’étranger.
Ces deux textes portent de belles avancées. La mise en place d’une commission chargée, pour l’ensemble des circonscriptions, de surveiller et d’organiser la propagande électorale répond à une nécessité. Tous ceux qui ont vécu les élections de 2014 peuvent en témoigner.
D’autres dispositions permettront de ne plus se retrouver dans certaines situations ubuesques, comme l’absence de conseillers consulaires dans une circonscription pendant six ans, ou de ne plus avoir à organiser une élection partielle pour pourvoir un poste de délégué consulaire, alors qu’une élection sénatoriale doit intervenir avant le renouvellement général des élus consulaires.
Il s’agit aussi – autre point essentiel – de corriger une anomalie de la loi de 2013 : la présidence du conseil consulaire reviendra enfin à un élu, et non plus à un fonctionnaire qui, quels que soient ses mérites par ailleurs, n’a pas de légitimité démocratique.
Je souhaite maintenant revenir sur des points tout aussi essentiels aux yeux du conseiller consulaire que j’ai été. Contrairement à ce que pensent certains, il ne s’agit pas que de symboles, même si nous avons obtenu des progrès en termes de reconnaissance, comme le port de l’écharpe tricolore – grâce à l’amendement de Damien Regnard – ou la modification de la place des conseillers consulaires dans l’ordre protocolaire.
J’ai accepté de retirer mon amendement relatif aux cartes tricolores au bénéfice de votre engagement, monsieur le secrétaire d’État, qu’une circulaire ministérielle soit prise par vos soins, à l’instar de celle de 2011, pour mieux organiser les relations entre nos élus consulaires et nos diplomates.
Il existe bien trop de différences de traitement entre élus d’un pays à l’autre, d’un ambassadeur ou consul à un autre, selon les relations personnelles ou les sensibilités politiques.
Certains élus consulaires sont considérés, d’autres le sont parfois moins. Il faut absolument y remédier et je suis heureux, monsieur le secrétaire d’État, que vous preniez un engagement dans ce sens.
Le groupe Les Républicains votera bien évidemment ces deux propositions de loi, en espérant que le Gouvernement fasse le nécessaire pour que le processus législatif aille à son terme. Il vous appartient, monsieur le secrétaire d’État, de faire inscrire les textes que nous votons aujourd’hui à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vote sur l’ensemble de la proposition de loi
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Vote sur l’ensemble de la proposition de loi organique
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 42 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 327 |
Contre | 17 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Articles 91 et 121 de la loi ÉLAN
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative aux articles 91 et 121 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, présentée par Mme Sophie Primas (proposition n° 175, texte de la commission n° 242, rapport n° 241).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi.
Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 16 octobre dernier, le Sénat adoptait définitivement le projet de loi ÉLAN. C’était l’aboutissement d’un processus engagé il y a maintenant plus d’un an avec la mise en place de la conférence de consensus sur le logement, souhaitée par le Président du Sénat et acceptée par le Président de la République.
À l’issue de ce vote, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel sur la conformité à la Constitution des dispositions relatives, notamment, à l’accessibilité des logements et à la loi Littoral.
Dans sa décision du 15 novembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, mais il a censuré d’office dix-neuf articles, parmi lesquels l’article relatif à la création d’un observatoire des diagnostics immobiliers, celui relatif aux conditions de délivrance des congés en matière de bail par une société civile immobilière familiale, celui instaurant une obligation pour le bailleur de notifier au syndic les coordonnées de son locataire ou encore celui relatif à la révision tous les cinq ans du décret fixant la liste des charges récupérables.
Le Conseil constitutionnel a en effet estimé que ces articles n’avaient pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial et qu’ils étaient en conséquence contraires à l’article 45 de la Constitution.
Mes chers collègues, vous le savez, le Sénat fait preuve d’une grande vigilance sur les questions de recevabilité et n’hésite pas à supprimer des dispositions introduites par l’Assemblée nationale ou à déclarer irrecevables des amendements qu’il considère comme des cavaliers.
Au regard de nos pratiques, je dois donc avouer que la censure de ces dix-neuf articles, à deux ou trois exceptions près, nous a quelque peu surpris, d’autant que le Conseil constitutionnel n’a donné aucune indication dans sa décision sur le cheminement l’ayant conduit à censurer ces dispositions. Je regrette que ni l’Assemblée nationale ni le Sénat n’aient été consultés par le Conseil constitutionnel lors de la procédure d’examen de la saisine. Si tel avait été le cas, nous aurions sans aucun doute pu présenter des arguments justifiant pleinement le lien entre ces dispositions et le projet de loi initial.
La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui tire les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel.
Je n’ai cependant pas souhaité reprendre l’ensemble des dix-neuf articles censurés. Il s’agit uniquement des articles 91 et 121, qui ont vocation à contribuer au bien vivre ensemble et à la préservation de la tranquillité et de la sécurité des locataires.
L’article 91 a pour objet de simplifier le droit actuel en inscrivant le principe selon lequel les bailleurs sociaux accordent aux forces de l’ordre un accès permanent aux parties communes de leurs immeubles.
L’article 121 vise à compléter le délit d’occupation des halls d’immeuble et à faciliter la résiliation du bail en cas de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée. Notre rapporteur, Dominique Estrosi Sassone, vous présentera ces articles plus longuement.
Naturellement, cette proposition de loi n’a pas vocation à rouvrir les débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi ÉLAN. Il s’agit d’examiner deux dispositions spécifiques très attendues par les bailleurs sociaux, puisqu’une partie a déjà été votée par le Parlement dans le cadre de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté et a déjà été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme. Le Conseil s’obstine, mais nous aussi !
Reconnaissons également que cette proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes de sécurité et de tranquillité, chacun en conviendra. Je le sais, les prises de position politiques de nos collègues seront fortes sur ce sujet.
Néanmoins, il me semble important d’envoyer un signal non seulement aux bailleurs, mais aussi aux habitants de nos quartiers. Il s’agit souvent de familles modestes, voire très modestes, qui ont droit, comme les autres, à la sécurité et à la tranquillité.
Ce sont ces petits ruisseaux d’ajustements législatifs, parfois invisibles aux yeux de nos concitoyens, qui répondent à leurs demandes en matière de justice sociale. Pour la très grande majorité d’entre eux, ils vivent paisiblement dans ces habitats collectifs et ne supportent plus les petites incivilités quotidiennes, si peu traitées et si pénibles à vivre.
Bien sûr, d’autres mesures destinées à assurer leur tranquillité doivent être prises en matière de police, de justice, d’éducation et de santé. Qu’il me soit d’ailleurs permis de dire que les économies de fonctionnement importantes violemment réclamées aux bailleurs par l’État au travers de la réduction de loyer de solidarité, la RLS, et le regroupement des bailleurs entre eux soulèvent des questions s’agissant du personnel présent sur le terrain : gardiens, médiateurs et travailleurs sociaux. Ils sont tous précieux et peu mutualisables. Il ne faudrait pas que ces personnels soient les grands sacrifiés de ces économies, dans la mesure où l’accompagnement social, qui est l’essence même du logement social par rapport au logement privé, serait dès lors en grand danger.
Comme je l’ai annoncé en juillet dernier, la commission des affaires économiques mettra en place, avec un certain nombre de collègues et de maires engagés sur ces sujets et de toutes les sensibilités politiques, un « baromètre des banlieues », qui nous permettra d’évaluer ce qui se passe réellement sur le terrain : comment nos politiques de droit commun sont-elles mises en œuvre ? Quelles mesures correctives doivent être prises ?
Pour conclure, je souhaite, monsieur le ministre, que cette proposition de loi aille au bout du processus législatif. Espérons que le Gouvernement accepte de l’inscrire rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et que nos collègues députés aient la sagesse toute sénatoriale de bien vouloir l’adopter conforme pour éviter les navettes.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour saluer et remercier Jacques Mézard, qui nous a aidés à rédiger ces articles lors de l’examen du projet de loi ÉLAN. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi présentée par la présidente de la commission des affaires économiques, Mme Sophie Primas, qui a pour objet de reprendre in extenso le contenu des articles 91 et 121 de la loi ÉLAN, lesquels ont été censurés par le Conseil constitutionnel.
Mme Primas vient de rappeler les raisons l’ayant conduite à déposer cette proposition de loi, je n’y reviens donc pas. Je la remercie très sincèrement d’avoir pris une telle initiative, afin de faire en sorte que ces deux articles, que nous avons adoptés et qui ont été maintenus par la commission mixte paritaire, en lien avec nos collègues de l’Assemblée nationale, puissent, à l’issue de ce processus législatif, être définitivement votés et devenir de véritables outils, qui serviront aux bailleurs sociaux et permettront de préserver la tranquillité et la sécurité des locataires. Bien sûr, ces mesures ne seront pas suffisantes, nous le savons, une politique plus globale étant absolument nécessaire.
La proposition de loi comprend deux articles.
L’article 1er, qui reprend l’article 91 de la loi ÉLAN, pose le principe selon lequel les organismes d’HLM accordent à la police et à la gendarmerie nationales et, éventuellement, à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de leurs immeubles.
La commission s’est montrée favorable à cet article, qui simplifie opportunément la procédure actuelle d’autorisation d’accès des forces de l’ordre aux parties communes des immeubles du parc social.
L’article 2 de la proposition de loi prévoit plusieurs modifications.
Tout d’abord, le premier paragraphe vise à modifier le délit d’occupation abusive des halls d’immeuble. Il tend à sanctionner un nouveau cas d’occupation abusive des parties communes. Ainsi, l’occupation en réunion des espaces communs ou des toits des immeubles, qui nuit à la tranquillité des lieux, sera punie des mêmes peines que celles actuellement prévues pour le cas d’occupation abusive des espaces communs.
En outre, la peine d’emprisonnement encourue pour le délit d’occupation abusive est aggravée et passe de six mois à un an, lorsque l’occupation est émaillée de voies de fait ou de menaces.
Le juge pourra également prononcer à titre de peine complémentaire une interdiction pour trois ans au plus de paraître dans certains lieux définis par la juridiction et dans lesquels l’infraction a été commise.
Il s’agit ainsi de reprendre en partie des modifications apportées au délit d’occupation des halls d’immeubles introduites dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. Elles avaient déjà été censurées par le Conseil constitutionnel pour des motifs de forme.
Le deuxième paragraphe de l’article 2 reprend des dispositions initialement introduites par le Sénat en matière de résiliation du bail et modifiées par la commission mixte paritaire.
Le droit actuel prévoit la possibilité d’introduire une clause permettant la résiliation du bail de plein droit pour un motif résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée. Néanmoins, cette disposition ayant été introduite en 2007, les contrats de location conclus antérieurement ne la mentionnent pas, ce qui rend plus difficile l’expulsion du locataire qui ne respecte pas son obligation d’utiliser paisiblement son logement.
Il est donc proposé que la clause permettant de résilier de plein droit le bail en cas de condamnation définitive du locataire pour troubles de voisinage soit réputée écrite dès la conclusion du contrat de bail. Les locataires seront ainsi traités de la même façon, quelle que soit la date de conclusion de leur bail.
Le dispositif a été encadré. Ainsi, le trouble de voisinage invoqué devra non seulement avoir été constaté par une décision de justice, mais aussi avoir eu lieu postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi pour permettre le déclenchement de la clause de résiliation du bail pour les contrats en cours.
On observe de plus en plus souvent des locataires qui ne respectent pas leurs obligations, ce qui a immanquablement des répercussions sur l’ensemble de l’immeuble. Par cette proposition de loi, il s’agit d’envoyer un signal positif en direction des locataires qui respectent leurs droits et leurs devoirs et occupent paisiblement leur logement, en leur montrant que le non-respect de ses obligations par un locataire est sanctionné.
L’article 2 précise en outre que sont assimilées aux troubles de voisinage les infractions relatives au trafic de stupéfiants commises dans le logement, l’immeuble ou le groupe d’immeubles. Le contrat de bail pourra être résilié de plein droit à la demande du bailleur social, lorsque le locataire ou l’un de ses enfants mineurs sous sa responsabilité légale aura été définitivement condamné pour l’une de ces infractions commises postérieurement à la conclusion du contrat de bail.
Le Sénat avait introduit une disposition en ce sens dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Celle-ci avait été censurée par le Conseil constitutionnel, lequel avait estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.
La résiliation du bail en cas de trafic de stupéfiants va dans le bon sens. En effet, le trafic de stupéfiants est l’une des causes majeures des troubles de voisinage dans les quartiers et constitue, pour les locataires, une atteinte intolérable à la jouissance paisible de leur logement.
Face aux trafics de stupéfiants, le bailleur social est dépourvu d’outils adaptés lui permettant d’y répondre efficacement et rapidement, ce qui engendre une incompréhension des autres locataires, lesquels déplorent son inaction.
En invoquant la condamnation pénale pour trafic de stupéfiants passée en force de chose jugée pour résilier automatiquement le contrat de location, les bailleurs sociaux pourront engager plus facilement des actions à l’encontre des locataires qui nuisent à la tranquillité du voisinage par leurs agissements.
La commission des affaires économiques a ainsi adopté sans modification les deux articles de la proposition de loi.
Les nouveaux outils que nous proposons de mettre en place supposent nécessairement que toute la chaîne police-justice soit pleinement mobilisée. Lors de nos débats en commission, plusieurs d’entre nous ont souligné – ils ne manqueront certainement pas de le faire de nouveau en séance – que l’adoption de ces mesures ne constituait qu’une partie de la réponse à apporter à nos quartiers. Des politiques fortes en matière d’éducation et de prévention de la délinquance doivent également être menées. Et je ne parle pas du renforcement des moyens de la police, plus particulièrement de la police de sécurité du quotidien, et de la justice. J’espère sincèrement que le Gouvernement prendra des engagements en ce sens.
En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)