M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Après un an d’application, bilan et évaluation de Parcoursup. »
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Solidarité intergénérationnelle
Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective, sur la solidarité intergénérationnelle (rapport d’information n° 38).
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents – nous revenons donc au mode interactif.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à Mme Nadia Sollogoub, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective, auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nadia Sollogoub, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la délégation à la prospective du Sénat a adopté, le 11 octobre dernier, son rapport intitulé Inventer les solidarités de demain face à la nouvelle donne générationnelle. Quand on fait de la prospective, la question générationnelle est en effet centrale.
Notre réflexion sur les solidarités intergénérationnelles nous a entraînés dans tous les champs de la vie sociale et familiale.
J’évoquerai ici plutôt la question des transferts financiers, avec la réelle frustration de ne parler ni du monde du travail ni de l’éducation. Mes collègues, bien heureusement, compléteront mon propos.
Le Gouvernement est représenté aujourd’hui à travers le ministère chargé des solidarités et de la santé. J’évoque donc, en tout premier lieu, le champ de la protection sociale. Le pacte intergénérationnel issu de la Libération doit constamment s’adapter aux évolutions démographiques et économiques en cours.
Les nombreuses auditions que nous avons menées nous ont cependant montré que les projections d’évolution de dépenses sociales liées au vieillissement devraient, à l’horizon de 2030, se stabiliser. D’ici là, l’effort doit être équitable, supportable et efficace économiquement. Le principal défi est la prise en charge de la dépendance, mais comment et par qui ?
Ce constat me permet de faire le lien avec le sujet de la transmission patrimoniale. Les transferts intergénérationnels privés sont trop souvent dans l’angle mort des analyses, bien que jouant un rôle essentiel dans les solidarités entre générations.
Le pays est dans une situation totalement inédite. Le patrimoine des Français a vu sa valeur s’envoler : il représente huit années de revenu disponible aujourd’hui, deux fois plus qu’il y a trente ans.
Or ce patrimoine est dormant pour l’essentiel, puisqu’il est principalement constitué d’actifs immobiliers, ainsi que de placements financiers. Par ailleurs, ce patrimoine est extrêmement concentré entre les mains des seniors et se transmet de plus en plus de seniors à seniors. L’âge où l’on hérite va bientôt atteindre soixante ans. Enfin, les flux successoraux sont en passe d’atteindre un tiers du revenu national, comme à la fin du XIXe siècle.
Cette situation n’est pas saine économiquement ni socialement. Il est essentiel d’accélérer la transmission du patrimoine vers les plus jeunes et d’encourager son investissement dans l’économie productive.
Il est également essentiel de trouver des modalités de transmission du patrimoine qui, tout en respectant le projet légitime des Français de transmettre à leurs descendants leur capital, ne fassent pas exploser les inégalités intragénérationnelles. Il y a un vrai risque de voir se créer dans les prochaines décennies une société « héritocratique ».
Enfin, je voudrais signaler un aspect, à mes yeux fondamental, des inégalités de patrimoine : il s’agit des inégalités entre territoires. Dans certaines zones en déprise économique et démographique, la valeur du capital immobilier de nos concitoyens est en train de s’effondrer. Paris n’est pas la France !
Notre rapport formule donc plusieurs pistes de réflexion face à cette situation patrimoniale inédite. La première est de multiplier les incitations à transmettre le patrimoine de son vivant en facilitant les donations, les dons, les legs ou les investissements dans les fondations d’intérêt public. On peut également réfléchir à l’affectation des recettes de la taxation des transmissions à des programmes de soutien aux jeunes et à la solidarité intergénérationnelle, car il est important de lier le destin de ceux qui ont la chance de recevoir un patrimoine à celui de ceux qui n’en ont pas.
Notre troisième piste de réflexion est de développer des outils pour « liquéfier » le patrimoine, comme le disent les économistes. Il faut que le patrimoine « immobile » redevienne « liquide », ce qui passe par le développement de formes modernisées de viager. Il faut se défaire de l’image vieillotte et un peu malsaine du viager traditionnel de gré à gré. De nombreux acteurs du secteur financier, notamment la Caisse des dépôts et consignations, réfléchissent à des outils de viager intermédiés qui n’en auraient pas les inconvénients.
Je voudrais souligner que la condition préalable à toute réforme du patrimoine est de rassurer les seniors sur la dépendance. On ne pourra pas accélérer les transmissions sans protéger les seniors contre la perte d’autonomie. C’est la raison pour laquelle il faut penser ensemble la politique de la dépendance et celle des transmissions.
Notre réflexion s’est trouvée facilitée lorsque nous avons formalisé le fait qu’il ne faut plus réfléchir en trois âges de la vie – jeunesse, âge adulte, vieillesse –, mais bien en cinq âges – jeunesse, phase d’entrée dans la vie adulte, âge adulte, séniorité active et vieillesse –, ce qui démultiplie les possibilités d’interactions entre chaque classe d’âge et ouvre de nouveaux champs de réflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective.
M. Julien Bargeton, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier ma collègue Nadia Sollogoub pour sa présentation de notre rapport. Je voudrais pour ma part mettre quelques faits en avant afin d’engager le débat.
Une militante suédoise de quinze ans, lors de la COP24, a impressionné tout le monde en affirmant que nous étions à court d’excuses ; figure des jeunes générations, elle insiste sur l’urgence écologique. Cette urgence ne figure pas entièrement dans notre rapport, mais nous y évoquons les différences d’approche entre générations.
Mon second exemple est un clin d’œil qui n’est pas seulement ironique. Un Néerlandais de soixante-neuf ans a demandé à pouvoir avoir vingt ans de moins à l’état civil. (Sourires.) Il a perdu, cela lui a été refusé. Pourtant, au-delà de l’anecdote, peut-être faut-il y voir un signe des difficultés et du manque de considération dont peuvent souffrir les aînés dans le monde occidental. C’est donc aussi un appel à la solidarité intergénérationnelle.
Nous soulignons un autre élément dans notre rapport : l’idée du déclassement entre les générations. Un baromètre du CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, souvent cité, montre que 58 % des Français interrogés pensent que leurs enfants auront moins de chances de réussir qu’eux-mêmes. Cette proportion doit nous interpeller, car elle reste très haute, même si elle est en baisse : elle s’élevait à 72 % les années précédentes. Il existe un sentiment de glissement entre les générations, une crainte que nos enfants aillent moins bien que nous, à rebours de l’idée de progrès, socle des grandes démocraties.
Nous avons pu le constater récemment avec le mouvement des gilets jaunes qui a été assez peu abordé sous l’angle générationnel. Pour autant, j’estime – tout le monde, peut-être, ne sera pas d’accord – que cet aspect est bien présent. Les générations actuelles héritent d’un aménagement du territoire auquel elles n’ont pas participé, et qui engendre certains phénomènes, en particulier la concentration des emplois et des activités dans les métropoles, où certains jeunes actifs ont du mal à se rendre, du fait notamment du coût toujours croissant de l’essence et du gazole, à l’origine de ce mouvement.
Les jeunes générations ont hérité d’une organisation nouvelle du territoire qui ne les convainc plus, qui ne leur convient plus ; cela aussi explique ce sentiment de déclassement d’une génération par rapport à l’autre. Cette évolution des territoires est un élément extrêmement présent en filigrane dans notre rapport, mais aussi, même si cet angle n’a pas été le plus souvent retenu, dans la crise actuelle.
Il faut que le Sénat mette ce rapport au service du grand débat national qui s’ouvre ; il est l’une des pierres qui pourront bâtir cet édifice. Certaines de nos propositions – je ne vous les rappelle pas, vous avez pu les lire – pourront être utiles. Le Sénat est parfois vu, à tort ou à raison, comme trop déconnecté des nouvelles générations, de la génération smartphone. Ce rapport montre que nous avons des propositions à faire pour être parfaitement connectés avec ces préoccupations. C’est aussi une occasion de travailler de façon différente. On a vu la place des réseaux sociaux dans ce mouvement. Il faudra que, à terme, nous apprenions à faire mieux interagir nos rapports avec les citoyens, que nous les faisions participer à leur rédaction, que nous leur permettions de poser des questions, mais sans anonymat. Finalement, il s’agit de construire ensemble, entre les assemblées et les citoyens, des sujets qui, comme ce rapport, interpellent l’avenir.
Voilà l’optique dans laquelle j’aborde ce sujet : il n’y a pas de solidarité entre générations s’il n’y a pas de solidité de notre pacte politique. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la délégation sénatoriale à la prospective, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, dans l’avant-propos de votre rapport, vous notez : « S’il existe un thème de réflexion transversal, c’est bien celui des relations intergénérationnelles. Cela fait tout son intérêt, mais aussi sa grande difficulté. » Vous avez parfaitement raison.
La génération est d’emblée une notion sociale et collective, tandis que la jeunesse est celle des individus pris un à un, dans le passage du temps. La jeunesse, par définition, prépare ce qui est à venir : elle est porteuse de toutes les promesses. C’est pourquoi elle rassemble autant d’espoirs et crée une telle fascination. « Il faut être absolument moderne », disait Rimbaud, le poète jeune par excellence.
La répartition des hommes en classes d’âge différenciées, sinon antagonistes, se trouve au fondement de l’organisation des sociétés humaines. Mais les générations s’engendrent les unes les autres ; elles sont donc liées par des liens très étroits de dépendance. Ce sont d’ailleurs ces liens de dépendance réciproque qui peuvent créer du conflit, lorsqu’ils entrent en contradiction avec les aspirations légitimes de liberté et d’émancipation.
Votre rapport interroge la transformation des relations entre les générations. La question qui est posée tant à la représentation nationale qu’à l’exécutif est bien celle-ci : comment faire société, comment préserver ce pacte intergénérationnel qui n’est jamais acquis, mais toujours fragile, toujours à reconstruire ?
Les préconisations présentées voilà quelques instants par Mme Nadia Sollogoub et M. Julien Bargeton constituent plusieurs pistes pour mieux lier les générations entre elles, tout en faisant en sorte que les membres de chacune d’elles continuent à se sentir liés par un destin commun et qu’aucune ne se sente oubliée ou perdue.
Je ne peux que me féliciter aujourd’hui de l’importance que vous accordez à ce sujet. Au sein de l’exécutif, le portefeuille des solidarités et de la santé regroupe en effet un ensemble de politiques publiques visant précisément à préserver les solidarités entre les individus, les groupes sociaux, mais aussi les générations.
Que l’on songe au système de retraite, à la politique familiale, ou encore à la politique de santé : ils expriment des choix historiques et politiques en faveur du lien entre les générations et de ce qu’elles se doivent mutuellement. Nous devons les préserver et donc les faire évoluer pour, ainsi que vous le dites, adapter les politiques publiques aux besoins et aux attentes de la nouvelle donne générationnelle.
C’est tout le sens des réformes engagées par le Gouvernement sur les retraites, le système de santé, la perte d’autonomie, bien sûr, et, plus généralement, le sens de ce que le Président de la République a appelé la « protection sociale du XXIe siècle ».
Plusieurs autres réformes, portées par le Gouvernement et mes collègues permettent aussi de créer du lien entre les générations. Je pense en premier lieu au service national universel, porté par le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Gabriel Attal, dont les objectifs font écho à votre souhait de mobilisation ou de remobilisation des jeunes citoyens.
Vous préconisez également de « valoriser d’autres voies de réussite et d’autres modes de transmission, en particulier l’apprentissage et les métiers manuels ». Le Gouvernement, là encore, ne peut que vous rejoindre, tant cette proposition trouve sa réalisation dans les mesures prévues par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018.
M. François Bonhomme. À la bonne heure !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Mme la ministre du travail, Muriel Pénicaud, a eu l’occasion de défendre ici même, lors de l’examen de cette loi, cette voie de réussite, d’excellence et de passion. C’est une voie d’intégration dans la société, et il ne peut y avoir de solidarité sans intégration sociale et professionnelle des jeunes de notre pays.
M. François Bonhomme. Pas possible !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. C’est la raison pour laquelle nous avons aussi permis l’augmentation de la rémunération des apprentis, le développement d’Erasmus pro, ou encore la mise en place d’une aide de 500 euros pour le passage de l’examen du permis de conduire.
En ma qualité de secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, vous comprendrez que je m’exprime à présent plus longuement sur un des aspects de votre rapport qui touche particulièrement mon périmètre ministériel, à savoir la prise en charge de la perte d’autonomie.
Vous avez raison : pour répondre au défi du vieillissement, notre modèle de prise en charge des personnes âgées doit être rénové.
Nous devons nous préparer à l’arrivée au grand âge de la génération du baby-boom ; c’est un défi de même ampleur que l’arrivée de la même génération à la retraite dans les années 2000. Nous devons le faire en mobilisant des financements collectifs, mais aussi individuels, lorsque cela est possible et juste.
La concertation que nous menons aujourd’hui sur le sujet permet d’examiner toutes les pistes : l’assurance individuelle comme les nouvelles formes possibles de viager ou de mobilisation du patrimoine. Face à l’ampleur du défi, rien ne peut être d’emblée écarté. Votre rapport sera versé à la somme des réflexions utiles à l’approfondissement du débat.
L’enjeu de la perte d’autonomie n’est pas seulement sanitaire ; il est aussi social et éthique. Penser le bien vieillir, c’est penser la qualité de la vie jusqu’au bout, dans la préservation de la dignité et du lien social.
Un de nos axes de réflexion est d’ailleurs la lutte contre l’isolement des personnes âgées, fléau majeur de nos sociétés et angoisse de tout un chacun. La question des aidants, qu’ils soient familiaux ou non, est au premier rang de nos priorités.
Je note que vous souhaitez voir se développer la cohabitation intergénérationnelle ; c’est un aspect que nous étudions également et que j’ai porté au Parlement lors de l’examen de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN.
Améliorer les prises en charge suppose de mettre fin non seulement au regard dévalorisant sur les personnes âgées dans leur ensemble, mais aussi aux prises en charge qui excluent de la société, qui mettent à part, qui isolent. C’est la raison pour laquelle nous réfléchissons dès à présent aux établissements de demain, ceux au sein desquels les jeunes d’aujourd’hui pourront se sentir bien.
Je ne peux bien sûr vous dévoiler ce qui sera présenté au début du mois de mars et qui résultera des groupes de travail en cours, mais sachez qu’Agnès Buzyn et moi-même sommes pleinement au travail pour dégager des scénarios qui seront, le moment voulu, soumis au débat et au vote devant votre assemblée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre travail est riche et touche à plusieurs périmètres ministériels ; aussi, je tâcherai de répondre au mieux à chacune de vos interrogations. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur le banc de la délégation.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Je souhaiterais aborder le sujet de la solidarité intergénérationnelle dans le domaine du travail et de l’emploi.
Des changements importants s’opèrent aux deux extrémités de la vie professionnelle : chez les seniors de plus de cinquante-cinq ans et chez les jeunes entrant dans la vie active. Nos collègues au sein de la délégation sénatoriale à la prospective l’ont excellemment souligné.
Les différentes générations ont des points de vue très divergents sur leur rapport au travail, à l’autorité et à la réussite professionnelle.
D’une part, nous avons les seniors, issus de la génération des trente glorieuses, chez qui la transition numérique et les évolutions technologiques entraînent des besoins considérables de mise à niveau des compétences et dont le capital d’expérience devient obsolète.
D’autre part, les jeunes attendent que leur travail leur procure plus d’épanouissement personnel et donc que les tâches qu’ils doivent accomplir soient plus intéressantes et plus utiles.
Là où leurs aînés mettaient en valeur le rôle social du travail, la sécurité de l’emploi, le salaire ou les éventuelles promotions de carrière, les jeunes souhaitent mieux concilier leur vie personnelle, leur vie familiale et leur éventuel engagement associatif avec leur travail. Ces attentes sont en contradiction avec la réalité actuelle du monde du travail et ses méthodes de management.
Le modèle du supérieur hiérarchique qui ordonne de façon indiscutable ne correspond plus à leurs attentes. Il faut évoluer vers des supérieurs qui accompagnent, fédèrent, écoutent, associent et conseillent. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une défiance des jeunes générations à l’égard du travail salarié.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pour répondre à l’idéal professionnel des générations montantes en quête d’épanouissement, de sens et de participation, quelles mesures comptez-vous prendre ?
Par ailleurs, quant aux seniors, quels moyens allez-vous mettre en œuvre pour que la formation soit vraiment continue tout au long de la vie professionnelle et pour établir, entre autres choses, une véritable solidarité intergénérationnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Stéphane Artano applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, concernant l’emploi des seniors, mais aussi l’accompagnement vers l’emploi des personnes plus éloignées du numérique, tout demandeur d’emploi en difficulté peut bénéficier d’un accompagnement à l’usage des bornes en libre accès installées dans les agences de Pôle emploi. En effet, afin de faciliter l’assistance en agence, les zones d’accueil ont été réaménagées avec plus de postes informatiques équipés de scanners. En complément des ressources habituelles mobilisées dans ces espaces, nous avons accompagné 2 200 jeunes en service civique qui ont été formés pour assister les personnes en difficulté. Le taux de satisfaction des demandeurs d’emploi concernant le service numérique mis à disposition est passé de 77 % en 2015 à 91 % en 2017.
De plus, le taux d’emploi des seniors en France s’est redressé à partir des années 2000 ; il est passé de 37 % en 2003 à 49,8 % en 2016. Cette hausse a été encore plus marquée – elle a été de plus de 16 points – pour les personnes âgées de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans : le taux d’emploi pour ces personnes a atteint 76,3 % en 2016.
Au 30 novembre 2018, les parcours emploi compétences bénéficient également majoritairement aux personnes les plus éloignées du marché du travail : 41,2 % de leurs bénéficiaires sont des demandeurs d’emploi de très longue durée ; 36,1 %, des seniors. Quant aux emplois francs, je tiens à préciser qu’aucun critère d’âge n’est appliqué : les seniors sont eux aussi éligibles.
Le Gouvernement conduit, depuis le début de ce quinquennat, une politique visant à favoriser la mise en œuvre d’une flexisécurité à la française. Il s’agit de sécuriser les entreprises afin de favoriser leur développement et, par voie de conséquence, celui de l’emploi. Cela profite aux salariés et, notamment, aux seniors, en renforçant leur droit à la formation professionnelle et à l’assurance chômage.
Concernant les métiers qui se rapprochent plus des solidarités et de la santé, dans le cadre du travail mené par Muriel Pénicaud, une remobilisation importante a été effectuée sur des métiers en tension qui nécessitent un approfondissement et une formation spécifique. Je pense notamment aux aides-soignants.
Enfin, je souhaite rappeler qu’il est essentiel à nos yeux de ne laisser personne au bord du chemin. Nous devons donc rendre la croissance, non seulement riche en emplois, mais aussi inclusive.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. À l’heure du grand débat national, à la veille de la réforme des retraites, le débat qui nous rassemble aujourd’hui nous amène à nous interroger sur les moyens que nous pouvons mettre en œuvre pour retisser les liens sociaux, économiques et culturels entre les âges, mais aussi pour retrouver le sens de la solidarité intergénérationnelle, qui est moins importante en France que dans les autres pays européens.
Une économie florissante est indispensable pour assurer une juste redistribution des ressources. La croissance et la vitalité de nos entreprises sont directement liées aux montants des transferts qui financent les dépenses publiques de solidarité : moins de production, moins d’entreprises, moins de salariés, c’est aussi moins de ressources de l’État pour financer la solidarité intergénérationnelle dans les domaines de la santé, des retraites, du chômage, de l’aide aux familles les plus fragiles, ou encore de la dépendance.
En complément de cette action des collectivités et de l’État, qui est le socle de notre modèle social, comment améliorer cette solidarité intergénérationnelle ?
De nombreuses solutions existent déjà dans nos territoires pour rompre l’isolement des seniors – je pense notamment à l’aide aux aidants et à l’aide à domicile – et pour soutenir les jeunes qui cherchent leur place dans la société.
Ces solutions se multiplient en jonction avec le monde associatif. Il faut encourager tous les bénévoles qui souhaitent transmettre leur savoir-faire, par le biais, notamment, de l’apprentissage, qui valorise les métiers manuels.
Madame la secrétaire d’État, dans le cadre de l’entente intergénérationnelle, quelle place donner aux seniors dans l’information sur les métiers et l’initiation professionnelle qui est offerte dans le cadre scolaire, mais aussi aux jeunes majeurs sans formation ?
Comment, pour reprendre l’expression de Victor Hugo, raviver « la flamme aux yeux des jeunes gens » et reconnaître « la lumière » dans ceux des anciens ? (Mmes Nassimah Dindar et Michèle Vullien applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, concernant votre première question, je tiens à rappeler que la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, portée par Mme Muriel Pénicaud, a transféré aux régions le soin de l’information et de l’orientation en la matière. Les régions sont, de fait, libres d’associer à des actions d’orientation les acteurs qu’elles choisissent, y compris des retraités.
Ces actions ont lieu dans les établissements scolaires, mais elles peuvent aussi être effectuées dans d’autres contextes par les collectivités territoriales, en particulier les communes. On peut faire du repas intergénérationnel un temps privilégié dans les cantines. C’est tout le travail que mènera M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, dans le domaine des associations et du bénévolat : comment inclure les seniors et les retraités dans ces actions ?
Concernant les seniors à l’école, dans le cadre des expérimentations conduites dans l’académie de Paris, un programme européen labélisé a été mis en place il y a une douzaine d’années, en partenariat avec l’association Ensemble demain, afin de permettre le développement de projets intergénérationnels sur le temps scolaire et périscolaire. Des retraités isolés, des associations de retraités et des établissements d’accueil de retraités peuvent s’investir dans un travail bénévole avec des écoliers, des collégiens, des lycéens et des étudiants en leur apportant leurs compétences lors d’activités pédagogiques prévues dans le projet d’école ou d’établissement.
On voit bien là tout l’enjeu de la relation entre les associations, les bénévoles et les différentes collectivités – communes pour les écoles primaires, départements pour les collèges, régions pour les lycées. Il y a un dialogue important à engager pour faire se rencontrer deux mondes.