M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vais pas entrer dans le détail de la mécanique de Parcoursup, mes collègues – en particulier Stéphane Piednoir – l’ayant fait excellemment, mais je vais revenir à l’objectif majeur de la loi ORE, qui est de mettre fin à l’échec massif à bac+1.
Nous en convenons tous, l’accès du plus grand nombre à des études supérieures réussies, c’est une promesse de notre République. Elle mérite que l’on y regarde de plus près. Le décrochage, l’échec massif sont des cancers qui rongent notre université et, au-delà, notre société. Il fallait donc agir. Voilà pourquoi nous avons soutenu votre choix de remettre en cause APB, mécanisme à bout de souffle, contrairement à ce que j’ai pu entendre précédemment. Parcoursup est globalement parvenu à apaiser au moins l’entrée dans le cycle des études supérieures, avec un système d’orientation organisé, où le dossier de l’élève, et donc ses capacités, est considéré.
Cependant, madame la ministre, Parcoursup reste un outil. À un moment où beaucoup de Français crient leur inquiétude de voir leurs enfants dans l’incapacité de prendre un ascenseur qui ne les a pas conduits eux-mêmes là où notre société leur avait un moment laissé espérer une place, l’objectif politique est-il atteint ? Ce dispositif suffit-il ?
En effet, les parents se rendent compte que, au-delà des mécaniques fort complexes de l’orientation, la connaissance des codes et des règles – le recours aux relations, comme dirait le Président de la République – redevient, si tant est qu’elle ait un jour perdu ce rôle, un marqueur de différenciation sociale.
Pour ceux qui ne sont pas affectés là où ils espéraient l’être, sommes-nous assurés que l’outil Parcoursup apporte un accompagnement adapté ? N’assure-t-il pas plutôt, dans un système de gestion de masse, une affectation quantitative ?
S’il permet à chaque étudiant, ou presque, d’être placé là où l’outil l’a décidé, plutôt qu’à l’endroit souhaité, Parcoursup ne réduit guère le risque de décrochage et d’échec.
Décrochage au collège ; décrochage au lycée ; décrochage après le baccalauréat : nous avons là les ferments du sentiment de déclassement de ceux qui sentent qu’ils sont les premiers touchés par l’arrêt de l’ascenseur.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
M. Max Brisson. Pour y remédier, il faudra davantage qu’une mécanique mieux huilée, même si des améliorations sont nécessaires. Mes collègues en ont d’ailleurs proposé, de même que le rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup que nous avons reçu, enfin, ce matin.
Madame la ministre, je voudrais aborder un second point. Vous avez fait le choix d’enclencher rapidement la réforme de la plateforme – on sait pourquoi –, et donc de la lancer avant celle du baccalauréat. Cette dernière réforme a créé de nouvelles inquiétudes, de nouveaux stress en amont de Parcoursup. Elle bouscule un système de filières que chacun avait plus ou moins bien intégré. Il se nourrissait, certes, de la suprématie de la filière scientifique, perçue comme la plus sélective, même si une part significative d’étudiants décidait, après le baccalauréat S, de faire des études sans rapport avec ce cursus. Qu’il ait été nécessaire d’y remédier, j’en conviens, mais, aujourd’hui, les parents et les lycéens sont dans l’inquiétude. Ils se posent des questions simples : quelle spécialité choisir ? A-t-on vraiment le choix ? Mes choix ne limitent-ils pas mes possibilités futures ? Quels seront les prérequis attendus au moment de l’inscription sur Parcoursup ?
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
M. Max Brisson. Ils sont dans l’expectative, sans réponse claire, donc, par sécurité – peut-on les en blâmer ? –, les élèves et leurs parents recomposent les filières. Ils font par exemple le choix d’un bouquet maths-SVT-physique-chimie qui ressemble étrangement à la filière S. Si une meilleure information était diffusée, si la réforme de l’orientation n’avait pas été segmentée, ils pourraient mieux s’emparer de la plus grande liberté qui leur est donnée de faire des choix par appétence.
Nous en revenons donc, et nous en convenons tous, à ce qui est une des clés pour lutter contre le taux d’échec massif en première année d’université : l’articulation bac–3/bac+3.
Vous avez déclaré lors de votre audition devant la commission, le 23 octobre : « Pour la première fois, un véritable pont s’est construit entre l’enseignement supérieur et l’enseignement secondaire. » Madame la ministre, sachez que, pour les élèves et les parents, ce pont est pour l’instant virtuel ; au mieux, il est enveloppé dans un brouillard épais.
Certes, il faudra des moyens et de l’énergie pour améliorer le dispositif, mais le pont entre les deux cycles reste à construire. La réalité de cette période d’ouverture de Parcoursup et de choix des spécialités, ce sont des lycéens et des parents qui s’interrogent, et non des lycéens et des parents en construction progressive d’un parcours modulable. Les mieux avertis, une fois de plus, s’en sortiront ; pas les autres. C’est bien là l’éternel mal français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger et les élèves qui y sont scolarisés sont, bien entendu, pleinement concernés par l’instauration de la plateforme Parcoursup, entrée en vigueur voilà maintenant un an.
Tout d’abord, je vous livre quelques chiffres pour montrer toute l’importance de ce réseau unique dans le monde, et que beaucoup de pays nous envient.
Avec 17 134 reçus sur les 17 609 candidats au baccalauréat pour l’année 2017-2018, les lycées français du monde ont décroché un record, avec un taux de réussite de 97,3 %.
Parmi ces élèves, 52,5 % avaient choisi la filière scientifique ; 32,9 % la filière économique et sociale ; 8,2 % la filière littéraire ; 4,9 % la filière sciences et technologies du management et de la gestion, ou STMG.
Les modalités de gestion du baccalauréat et de Parcoursup dans les établissements français à l’étranger sont naturellement un peu différentes de celles d’un établissement de métropole. Ainsi, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, centralise la gestion du portail pour l’ensemble des élèves passant le baccalauréat hors de France.
Bien que cette mission soit fonctionnelle, il n’en demeure pas moins que les élèves et les équipes administratives doivent passer par des procédures de fonctionnement différentes et plus lourdes que celles utilisées pour un candidat en France.
L’absence d’attribution d’un identifiant national élève, ou INE, est ainsi préjudiciable, puisqu’elle impose d’utiliser des procédures dégradées dans le cadre des inscriptions au portail Parcoursup. À titre d’illustration, il faut savoir que les familles doivent saisir manuellement tous les bulletins scolaires de leur dossier de candidature.
Par ailleurs, lors d’une inscription à l’université, les candidats du réseau d’enseignement français à l’étranger ne peuvent pas effectuer les démarches de téléinscription dès le mois de juillet. Ils doivent attendre la fin du mois d’août et leur arrivée en France, ce qui pose problème, les universités n’ayant pas forcément gardé leur place.
À l’occasion du débat sur la réforme du baccalauréat, le ministre de l’éducation nationale a annoncé, en réponse à ma question, que les élèves des lycées français de l’étranger bénéficieraient d’un numéro INE dès la rentrée de 2019.
Si je me réjouis de cette avancée, qu’en est-il pour les élèves qui devront s’inscrire sur le portail cette année ? Une procédure d’accompagnement est-elle envisagée afin de sécuriser l’orientation de ces futurs étudiants ? Les universités peuvent-elles leur garantir qu’à leur arrivée en France leur place sera bel et bien gardée ?
Seulement 46 % des élèves scolarisés dans le réseau d’enseignement français à l’étranger choisissent de poursuivre leurs études dans nos universités. Sur les 17 134 bacheliers du réseau, 10 823 se sont ainsi inscrits sur Parcoursup. Si ce chiffre n’est pas négligeable, j’estime qu’il pourrait être à l’avenir amélioré si davantage de passerelles étaient créées entre l’AEFE, d’une part, et nos universités, de l’autre.
Il est en effet dommageable, madame la ministre, que plus de la moitié des élèves qui ont eu la chance de bénéficier d’un enseignement français de qualité dans le secondaire choisissent une université étrangère pour poursuivre leurs études. À l’heure où la stratégie d’accueil des étudiants étrangers menée par le Gouvernement pose naturellement question, je souhaiterais connaître les ambitions de votre ministère sur l’orientation des élèves scolarisés dans le réseau AEFE. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat, sur l’initiative de nos collègues du groupe communiste, a inscrit à son ordre du jour ce débat sur la plateforme Parcoursup. Il s’agit d’une bonne initiative, conforme à notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement. Nous disposons maintenant du recul nécessaire pour dresser un bilan de ce dispositif d’inscription dans les filières d’enseignement supérieur, qui a remplacé APB.
APB avait suscité, à juste titre, bien des polémiques, en raison du caractère totalement aléatoire du processus de sélection des étudiants. Le tirage au sort, procédure à la fois indigne et inefficace, en a été la plus dramatique démonstration.
La réforme a-t-elle atteint son objectif de rendre l’admission dans l’enseignement supérieur plus humaine, plus juste et plus transparente ? Sans aucun doute, et nous devons en féliciter le Gouvernement, qui a su donner à ce nouveau dispositif les moyens de concrétiser la promesse d’une meilleure orientation des étudiants vers les filières souhaitées.
Indiscutablement, Parcoursup permet, comme le soulignait Mme la ministre lors de son audition par notre commission, de lutter contre l’orientation par défaut et la sélection par l’échec. Nous devons nous en réjouir.
Pour autant, existe-t-il des marges de progression et des possibilités d’ajustement ? Très certainement.
C’est tout d’abord sur l’amélioration et la rationalisation des données en matière d’orientation qu’il nous faut agir. Celles-ci sont, de l’avis de tous, trop denses, trop détaillées, et, par conséquent, indigestes pour les candidats, qui ont besoin d’informations synthétiques et précises pour effectuer un choix éclairé.
Sans doute conviendra-t-il également d’améliorer le calendrier, notamment de façon à limiter le nombre de futurs étudiants – près de 22 000 en 2018 – astreints à attendre la phase complémentaire pour accepter une proposition de formation. Conscient de cela, le Gouvernement vient d’annoncer qu’il réduisait les délais de réponse des établissements et des candidats pour cette année.
Enfin, il faudra travailler sur les algorithmes locaux, qui restent perfectibles, comme l’ont souligné très justement plusieurs de mes collègues, comme Stéphane Piednoir et Pierre Ouzoulias en séance à l’instant.
Pour ma part, je formulerai un regret et plusieurs propositions.
Le regret, c’est que la mise en œuvre de Parcoursup ait précédé la réforme du lycée et de l’orientation. Logiquement, il eût été plus judicieux de mener à bien la réforme du cycle terminal de l’enseignement secondaire avant celle de l’accès à l’enseignement supérieur, même si j’ai conscience que les ratés d’APB et l’aberrant tirage au sort incitaient à une action immédiate et énergique.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
Mme Laure Darcos. Les propositions que je formule pour renforcer la qualité du processus d’orientation des lycéens sont les suivantes.
Dans le souci de répondre à la demande d’une plus grande transparence, j’estime nécessaire de renforcer l’adéquation entre les bulletins de notes et les appréciations des enseignants, qui peuvent laisser place à une forme de subjectivité et de conformisme préjudiciables à certains jeunes, souvent les plus créatifs ou originaux, alors que le but premier est d’encourager son élève.
Par ailleurs, il me semble particulièrement opportun de tenir compte des initiatives personnelles des lycéens dans l’appréciation de leur candidature. Ainsi, les projets conduits au sein d’une association, d’un établissement scolaire ou encore la participation active aux instances de la vie lycéenne méritent d’être également valorisés. Ces initiatives sont de bons pronostics pour l’insertion du lycéen, citoyen en devenir.
Enfin, je ne saurais conclure cette intervention sans déplorer l’appréciation négative qui peut être faite du parcours d’un élève dans deux cas précis.
Il est en effet absurde que la plateforme Parcoursup puisse considérer une année scolaire accomplie à l’étranger comme un redoublement si elle n’a pas été explicitée par le lycéen dans sa lettre de motivation. Au contraire, les études à l’étranger doivent être prises en compte comme une valorisation du parcours de l’élève, permettant notamment l’apprentissage de la langue du pays de résidence.
De plus, le handicap ou une maladie grave sont souvent source de rupture dans le parcours scolaire, ce qui devrait pouvoir être mieux signalé sans que l’élève ait à se justifier.
Telles sont, à ce stade du débat, les remarques que je soumets à votre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de l’accès au premier cycle de l’enseignement supérieur, que ce soit dans le cadre des travaux de préparation de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants du 8 mars 2018 ou dans celui du fonctionnement de la plateforme Parcoursup, a fait l’objet d’un dialogue nourri avec le Sénat, en séance publique, bien sûr, mais également en commission avec deux auditions de suivi qui ont eu lieu avant et après l’été, sur l’initiative de la présidente de votre commission, Catherine Morin-Desailly.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de poursuivre ce dialogue, et je m’en réjouis. À la veille de l’ouverture de la phase de formulation des vœux sur Parcoursup, ce débat nous permettra en effet de faire ensemble le point sur les grandes évolutions que connaîtra, cette année, la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur, que j’avais eu l’occasion d’aborder avec vous, notamment lors de mon audition de l’automne.
Avant d’y revenir, je voudrais naturellement apporter quelques éléments de réponse aux questions posées à l’occasion de ce débat, à propos, notamment, du bilan de la première année de mise en œuvre de cette réforme de l’accès à l’enseignement supérieur.
Avec le plan Étudiants, le Gouvernement avait pris trois grands engagements : mettre fin au tirage au sort, remettre de l’humain dans la procédure d’accès à l’enseignement supérieur et, enfin, réduire significativement le coût de la rentrée étudiante. Ces trois objectifs ont été tenus, je n’y reviendrai pas en détail.
Le tirage au sort a bien été supprimé, les futurs étudiants ont bénéficié d’un niveau d’accompagnement inédit. Je tiens à ce propos à remercier l’ensemble des équipes pédagogiques du secondaire, du supérieur, ainsi que l’ensemble des conseillers d’orientation et les services des rectorats et des universités pour cet accompagnement. Enfin, le coût de la rentrée a été diminué de 100 millions d’euros grâce à la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante. Le Gouvernement a donc tenu ces trois engagements qu’il avait pris devant vous.
Je compléterai ce rapide constat par trois observations plus précises. Première observation : au-delà des débats que nous avons pu avoir, je constate que les lycéens se sont largement emparés de la plateforme Parcoursup. Ils ont apprécié la liberté qui leur était donnée et ils l’ont surtout et largement exercée. Je le dis d’autant plus volontiers que le calendrier global de la procédure a fait l’objet de critiques nombreuses et de ressentis négatifs, que nous avons entendus ; j’y reviendrai. Pour autant, et je veux le souligner, on ne peut pas à la fois vouloir placer la liberté de choix des étudiants au centre de la procédure et refuser que ce choix puisse, parfois, prendre du temps.
De la même manière – et vous savez que c’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’a pas souhaité rétablir la hiérarchisation des vœux a priori –, il n’y a pas de liberté de choix si l’on ne reconnaît pas aux lycéens et aux étudiants en réorientation la liberté de changer d’avis entre les mois de janvier et de juillet, d’affiner leur projet. C’est tout le sens de ce que nous avons mis en place.
Deuxième observation, cette liberté de choix n’a de sens que si elle permet à un projet professionnel de mûrir, de s’affirmer afin de lutter efficacement contre toutes les formes d’autocensure et de déterminisme. Cette liberté est directement liée aux informations et à l’accompagnement offert aux futurs étudiants.
Sur ce plan aussi, la mise en place de Parcoursup a été une vraie révolution : je pense à l’engagement des équipes pédagogiques des lycées, qui se sont impliquées sans compter dans l’accompagnement des candidats et au travail exceptionnel réalisé par les enseignants et les enseignants-chercheurs du supérieur afin de formuler, en l’espace de quelques semaines, les compétences et les connaissances attendues dans chaque formation.
J’y insiste, car les débats qui ont pu avoir lieu autour de la plateforme ont parfois conduit certains commentateurs à passer sous silence cet exceptionnel travail pédagogique réalisé par l’ensemble du corps professoral. Il me semble que, avec une année de décalage, le moment est peut-être venu de saluer et de reconnaître ensemble ce travail remarquable, car nos professeurs le méritent !
Troisième observation, avec la loi ORE, la démocratisation de notre enseignement supérieur est revenue au centre du débat, ce qui est une excellente nouvelle.
Bien sûr, cela a parfois conduit à rendre la plateforme responsable de déséquilibres ou de difficultés que notre système d’enseignement supérieur connaît depuis des années – voire des décennies. Je pense notamment, mais pas seulement, à la question de la mobilité en Île-de-France. Ce n’est toutefois pas parce que la plateforme a révélé ces phénomènes qu’elle les a créés.
Au-delà des débats que nous avons pu avoir, j’y vois, pour ma part, le signe d’une vraie transformation réalisée avec la loi ORE et avec Parcoursup, puisque nous nous sommes donné les moyens d’aller au bout de cette exigence républicaine de démocratisation. En votant la loi au Sénat, vous avez soutenu – et je vous en remercie – la mise en place d’un pourcentage minimal de boursiers dans toutes les formations, comme vous avez rendu possible la mobilité dans tous les cursus, même les plus demandés, et ouvert des droits effectifs pour les bacheliers technologiques et professionnels. Tout cela n’existait pas précédemment.
Ces outils, nous avons pu en mesurer l’efficacité : les boursiers ont été nettement plus nombreux à accéder à l’enseignement supérieur – près de 16 000 de plus –, et comme l’a souligné le rapport du comité éthique et scientifique, cette hausse ne s’explique pas uniquement par la démographie. Les effets en sont particulièrement marqués dans les classes préparatoires parisiennes.
La mobilité territoriale a, elle aussi, progressé. Le rapport du SIES donne, en annexe, tous les chiffres par académie. Plus de candidats ont fait des vœux hors de leur académie de résidence et plus de candidats ont accepté une proposition hors de leur académie de résidence. Ce n’est pas rien lorsque l’on a en tête ce que rappelait l’INSEE la semaine dernière, à savoir que les changements d’académie à l’entrée dans l’enseignement supérieur concernent seulement deux bacheliers sur dix et que ces mobilités concernent à titre principal des académies limitrophes et sont largement déterminées par l’origine sociale.
Pour cette première année durant laquelle les nouveaux outils dont nous disposons ont été mobilisés avec, néanmoins, une certaine prudence pour maîtriser les conséquences induites par tous ces changements dans une région où se concentrent toutes les tensions, le nombre de propositions faites par des formations parisiennes à ces futurs étudiants de petite couronne a très largement progressé.
Toutefois, pour la deuxième année, l’enjeu sera de passer d’une hausse des propositions à une hausse des propositions acceptées, à Créteil comme à Versailles, et nous devons comprendre pourquoi, malgré cette hausse de propositions, la hausse effective des inscrits n’est pas aussi claire que ce qu’elle aurait pu être. Cette année, 59 % des candidats entrant dans des formations parisiennes viennent, néanmoins, de Créteil et de Versailles. C’est donc un premier pas, mais nous pouvons et nous devons faire mieux.
C’est la raison pour laquelle, en accord avec la proposition de votre collègue Laurent Lafon, j’ai pris la décision, dès le 22 janvier prochain, de faire de la région Île-de-France un seul et même secteur de mobilité pour tous les candidats franciliens. Cela veut dire une chose très simple : tous les futurs étudiants franciliens ont donc une vocation égale à accéder à toutes les formations d’Île-de-France, sans distinction entre les trois académies concernées.
Mme Laurence Cohen. Tout va très bien !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Cette question de la mobilité, Mme la sénatrice Mélot l’a rappelé, ne se pose pas seulement en Île-de-France et elle prend des formes parfois très différentes. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a aussi souhaité prendre deux initiatives complémentaires : d’abord, renforcer les moyens pour accompagner les futurs étudiants dans leurs projets de mobilité, sous la forme de la création d’un fonds d’aide à la mobilité, ensuite, travailler avec quatre régions pilotes afin de renforcer l’offre de poursuite d’études en toute proximité des lieux d’habitation des étudiants.
Transformer l’essai, cela veut aussi dire être plus exigeant en matière d’accueil des boursiers dans l’ensemble des formations. En 2018, les taux des boursiers fixés par les recteurs en lien avec les établissements ont été hétérogènes. Pour 2019, nous allons donc travailler à définir un cadre plus cohérent, pour tenir compte de la diversité des situations, tout en définissant une exigence nationale plus forte. J’ai d’ores et déjà eu l’occasion de donner des instructions en ce sens aux recteurs.
J’évoquerai enfin la situation des bacheliers technologiques et professionnels : ils ont, très majoritairement, comme tous les ans, demandé des filières sélectives en BTS et en IUT. En 2018, ils ont pu bénéficier de pourcentages minimaux que la loi ORE a renforcés à leur intention. Là aussi, les effets sont d’ores et déjà très nets, même s’il nous faut encore aller plus loin.
Cela veut dire deux choses : d’abord, poursuivre l’effort de création de places dans ces formations courtes, professionnalisantes, sélectives, plébiscitées par les lycéens, notamment en Île-de-France ; ensuite, engager une réflexion pour mieux répondre à cette demande de formations courtes professionnalisantes. C’est la raison pour laquelle j’ai engagé, dès l’automne dernier, une concertation sur ce sujet avec l’ensemble des acteurs. Nous devrons prendre ensemble des décisions fortes dans les semaines qui viennent.
Bien entendu, le travail d’analyse des données de la campagne 2018 n’est pas encore totalement achevé. Avec le rapport qui vous a été remis,…
M. Pierre Ouzoulias. Nous l’avons découvert dans la presse !
Mme Frédérique Vidal, ministre. … vous disposez d’une première série d’analyses indépendantes. Le comité de suivi de la loi, quant à lui, poursuit ses travaux. Bien sûr, vous serez informés des conclusions de ses réflexions.
Je tiens à souligner, au passage, que nous avons aussi veillé à ce que les chercheurs puissent avoir un large accès aux données issues des procédures, évidemment dans le strict respect de la loi Informatique et libertés. Vous vous en doutez, j’y suis très attachée, car le ministère de l’enseignement supérieur est aussi le ministère de la recherche et de l’innovation. Il se doit donc d’être exemplaire dans l’analyse des résultats des réformes menées !
Au-delà de ces analyses qui se construisent dans le temps long, il me paraît essentiel de saisir cette occasion pour vous présenter les principales évolutions que connaîtra la procédure en 2019, évolutions que j’avais eu l’occasion d’évoquer avec vous lors de mon audition du 23 octobre dernier.
Première évolution majeure, la procédure Parcoursup sera plus rapide et prendra fin le 19 juillet, au lieu de se poursuivre jusqu’au début du mois de septembre.
En 2018, la durée de la procédure normale a entretenu un sentiment d’incertitude durant l’été. Nous avons entendu ce que les étudiants et leurs familles ont été nombreux à nous dire et nous y allons y remédier. Et si nous pouvons le faire, c’est parce que, à la fin du mois de juillet 2018, 97 % des candidats avaient déjà accepté la proposition qu’ils allaient conserver jusqu’à la fin de la procédure. En outre, nous avons observé que le délai moyen de réponse était inférieur à trois jours. C’est la raison pour laquelle Parcoursup ira désormais plus vite, la phase d’affectation débutant le 15 mai et se terminant, pour la procédure principale, le 19 juillet.
Les inscriptions se feront dans le même délai. Les étudiants et les formations seront ainsi fixés, à la fin du mois de juillet, pour aborder plus sereinement le mois d’août. Je tiens néanmoins à préciser que je n’avais pas, l’été dernier, une grande inquiétude quant au taux de remplissage, notamment des classes préparatoires, puisque 30 000 candidats supplémentaires avaient accepté des propositions. Si je n’avais pas, personnellement, beaucoup d’inquiétudes, je comprends qu’il était très inconfortable de ne pas avoir, dès la fin du mois de juillet, le nom des étudiants qui allaient être inscrits. Pour y remédier, les choses seront simplifiées cette année, notamment pour ces établissements.
Ce nouveau calendrier n’innove pas seulement pour le choix des formations. Il est aussi nouveau en ce sens que, cette année, il a été totalement articulé avec celui des demandes de bourse et de logement étudiant. Nous avons travaillé en ce sens avec le Centre national des œuvres universitaires et scolaires.
Autre innovation que nous allons aussi introduire, la possibilité d’avoir recours à ce que nous avons appelé « un répondeur automatique ». Destiné aux candidats qui savent très précisément leurs préférences, il leur permettra de programmer par avance les réponses positives aux propositions qui leur seraient faites afin de leur éviter de se connecter à la plateforme chaque fois qu’une proposition leur arrive. Cette possibilité – ce n’est pas une obligation, bien sûr – offerte à tous est d’abord conçue pour ceux qui ont une idée très nette de ce qu’ils veulent faire et de ce qu’ils préfèrent, ce qui est loin d’être le cas de tous les étudiants.
Nombreux sont ceux qui hésitent jusqu’au dernier moment : ceux-là continueront évidemment à pouvoir choisir au fur et à mesure que les propositions leur arriveront. C’est le moyen le plus efficace de lutter contre l’autocensure.
Deuxième évolution majeure de l’année, nous travaillons à une plateforme aussi complète que possible, comme vous l’avez souhaité.
En 2020, toutes les formations reconnues par l’État devront figurer sur la plateforme. Dès 2019, plus de 14 000 formations sont présentes sur la plateforme, dont les 350 instituts de formation en soins infirmiers, les IFSI, et les 150 instituts régionaux du travail social.
Je veux m’y arrêter un instant. La présence des IFSI sur Parcoursup a une signification très concrète : désormais, les lycéens qui souhaitent devenir infirmiers ou infirmières – et ils sont très nombreux à en avoir la vocation – ne seront plus obligés de faire le tour de France pour passer toute une série de concours en payant, au passage, des frais de candidature qui venaient s’ajouter au coût parfois important des préparations aux épreuves qu’ils étaient nombreux à suivre.
Ces nouvelles modalités d’accès aux IFSI donneront également leurs chances à des profils différents, qui pourront faire valoir leur motivation sur un registre qui n’est pas seulement scolaire ou académique.
Le contenu lui-même de la plateforme a été enrichi avec les attendus des formations qui ont été précisés. Il sera plus aisément accessible, avec une navigation facilitée, moins d’acronymes barbares et un moteur de recherche amélioré. Là aussi, c’est le fruit du travail que nous avons mené, toute l’année dernière, avec un panel d’utilisateurs qui nous ont aidés à identifier ces différents points d’amélioration.
L’un des enjeux majeurs, c’est de faire en sorte que les futurs étudiants soient en mesure de tirer pleinement parti de toutes les informations qui figurent sur la plateforme. Il faut que tous puissent les utiliser pleinement : les familles, les professeurs, l’ensemble des professionnels de l’orientation et, bien sûr, les jeunes.
C’est la raison pour laquelle nous avons tenu, cette année, à faire en sorte que le site d’information soit ouvert dès le 20 décembre afin que chacun puisse s’en emparer avant l’ouverture officielle des vœux, le 22 janvier.
Enfin, Parcoursup sera synonyme, en 2019, d’une procédure et d’un accompagnement plus personnalisés encore, en répondant mieux aux besoins singuliers des candidats.
Je pense notamment aux candidats en situation de handicap. Dès l’année dernière, ils ont pu bénéficier du droit nouveau introduit par la loi ORE, le droit au réexamen, qui a permis de leur garantir un accès à la formation qu’ils désirent rejoindre et qui répond à leurs besoins particuliers.
Cette année, nous avons encore travaillé à renforcer l’accessibilité de la plateforme en poursuivant un travail étroit avec les associations représentatives. Nous avons mis en place une fiche de liaison, totalement optionnelle pour le candidat, mais qui permet, lorsqu’il choisit de la remplir, de garantir que la commission d’accès à l’enseignement supérieur, la CAES – et elle seule dans un premier temps – aura connaissance des accompagnements dont il a bénéficié durant son parcours scolaire. Cela aidera à identifier les formations du supérieur les plus susceptibles de l’accueillir dans les meilleures conditions.
Si le candidat le souhaite, une fois qu’il aura accepté définitivement une proposition, cette fiche sera transmise au référent handicap de la formation – puisque chaque formation a maintenant un référent handicap – pour que celui-ci dispose des informations nécessaires qui permettront de préparer son accueil dans les meilleures conditions.
Nous avons aussi proposé de nouveaux outils à destination des candidats en réorientation, qui, par définition, n’étaient pas concernés par la fiche Avenir, et qui ont été nombreux à nous dire qu’ils avaient ressenti un vrai manque dans leur dossier.
Nous avons donc mis en place cette année une fiche de suivi pour tous les candidats de façon que, en réorientation ou en reprise d’études, ils puissent mieux valoriser leur parcours, leur motivation, leurs engagements. Ils pourront le faire en lien direct avec les services d’orientation scolaires ou universitaires.
Personnaliser la procédure et l’accompagnement, c’est enfin être en capacité de proposer régulièrement à tous les candidats de faire un point sur leur situation et leurs attentes. Tel est le sens des trois points d’étape qui seront introduits en 2019.
La procédure, vous le savez, est progressive et continue, permettant à chaque candidat de répondre aux propositions au fur et à mesure qu’il les reçoit. Cette fluidité donne un choix très large, mais certains étudiants ont parfois besoin d’un accompagnement pour faire le point sur leurs projets et sur leurs vœux. Ils pourront donc, au cours de ces trois points d’étape, demander un accompagnement particulier ou un rendez-vous pour échanger avec des personnels spécialisés de l’orientation ou des enseignants.
Le troisième et dernier point d’étape aura lieu à la fin de la procédure, du 17 au 19 juillet, au moment où les candidats confirmeront définitivement leur inscription.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement s’est efforcé non seulement de faire le bilan le plus complet possible de la première année d’application de la loi ORE, mais nous avons aussi tenu à faire, dès 2019, les ajustements nécessaires.
Ce travail, nous serons amenés à le poursuivre tout au long des années qui viennent pour toujours améliorer le fonctionnement de cette plateforme et poursuivre les réformes que nous avons engagées depuis lors.
Je veux, en guise de conclusion, dire un mot de deux d’entre elles. Tout d’abord, la réforme du baccalauréat engagée par Jean-Michel Blanquer permettra aux lycéens de construire progressivement leur orientation en affirmant peu à peu leur projet.
Je veux redire devant vous l’engagement total que nous partageons avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, afin d’élargir le champ des possibles pour tous les lycéens en luttant contre tous les effets d’enfermement dans des parcours préalablement tracés. Les universités sont bien sûr sensibilisées sur les sujets de l’articulation bac–3/bac+3. Certes, peut-être ne s’agit-il aujourd’hui que d’une passerelle, pas encore d’un pont, mais cette passerelle a eu le mérite d’être créée et a le mérite d’être aujourd’hui une réalité appréciée de tous, même si elle est à améliorer.
Dès 2020, nous serons amenés, avec Agnès Buzyn, à mettre en œuvre la suppression de la première année commune des études de santé, la PACES, et du numerus clausus.
Nous aurons l’occasion d’y revenir dans les prochaines semaines. Il s’agit, là aussi, d’élargir le champ des possibles en sortant d’un modèle où il n’y a qu’une seule grande voie d’accès aux études de médecine et une sélection sous forme de QCM en fin de première année pour aller vers un modèle avec plusieurs voies d’accès et des modalités d’accès tenant compte d’autres qualités que la capacité à apprendre par cœur.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, la transformation qui s’est engagée l’année dernière se poursuivra tout au long des mois qui viennent. Je sais pouvoir toujours compter sur le Sénat pour prendre toute sa part dans ces évolutions capitales. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)