compte rendu intégral
Présidence de M. David Assouline
vice-président
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Praticiens diplômés hors Union européenne
Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne (proposition n° 201, texte de la commission n° 206, rapport n° 205).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit ce jour est nécessaire et je remercie le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, et la conférence des présidents du Sénat d’avoir permis son inscription à l’ordre du jour dans des délais si contraints.
Cette proposition de loi est nécessaire, car elle répond à la fois à une urgence et à un impératif de santé publique.
Le contexte est simple, et il sera certainement évoqué par la rapporteur : à compter du 1er janvier 2019, des centaines de praticiens médicaux titulaires de diplômes obtenus dans un pays n’appartenant pas à l’Union européenne présents dans les hôpitaux ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions ; ils devraient de ce fait cesser leur activité.
Une telle cessation brutale aurait d’importantes conséquences en termes de santé publique, car ces praticiens sont souvent indispensables dans les établissements de santé au sein desquels ils exercent. Je pense en particulier aux zones de notre territoire qui souffrent d’un grave déficit de médecins, ou à des spécialités particulièrement en tension.
La question qui se pose – elle est justifiée – est celle-ci : comment en est-on arrivé là ?
Vous le savez, il existe plusieurs procédures d’autorisation d’exercice des praticiens à diplômes hors Union européenne, les PADHUE.
Selon la procédure de droit commun, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne doivent obtenir une autorisation de plein exercice.
La liste A prévoit qu’ils doivent d’abord réussir un concours comportant des épreuves de vérification des connaissances et justifier d’un niveau de maîtrise suffisante de la langue française. Ils doivent ensuite assurer des fonctions rémunérées durant une année probatoire, au cours de laquelle ils continuent d’exercer sous des statuts d’exercice restreint.
En ce qui concerne les praticiens ayant la qualité de réfugié ou d’apatride ou bénéficiant de l’asile territorial, il est prévu qu’ils puissent bénéficier d’une procédure dérogatoire d’autorisation sur examen, dite « liste B ».
Enfin, une troisième procédure accorde à certains praticiens une autorisation temporaire d’exercer et la possibilité de passer un examen spécifique, afin d’obtenir une autorisation de plein exercice.
Le premier dispositif permet à des médecins recrutés dans des établissements de santé français avant la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle d’exercer de manière pérenne, mais sans autorisation de plein exercice.
Le dispositif, dit « liste C » – il fait l’objet de la présente proposition de loi –, est un mécanisme d’autorisation temporaire, accessible sous condition de date de recrutement et de durée d’exercice.
L’article 83 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a strictement défini les critères d’éligibilité à ce dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire.
Les praticiens éligibles à ce mécanisme doivent être titulaires d’un diplôme permettant l’exercice de la médecine dans le pays d’obtention. Ils doivent avoir été recrutés avant le 3 août 2010 dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d’intérêt collectif. Ils doivent, en outre, justifier de l’exercice de fonctions rémunérées pendant au moins deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011, ainsi que de l’exercice, pendant trois années en équivalent temps plein, dans des services agréés pour la formation des internes.
Afin d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice et de sortir de ce dispositif temporaire d’autorisation, ces praticiens sont invités à se présenter à un examen aménagé et, une fois qu’ils ont satisfait à cet examen de vérification des connaissances, ils doivent ensuite exercer des fonctions rémunérées durant une année probatoire.
Depuis sa mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, la procédure d’autorisation sur examen de la liste C a permis à plusieurs milliers de praticiens d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice, mais quelques centaines d’entre eux – entre 300 et 350, selon la direction générale de l’offre de soins, la DGOS – continuent d’exercer grâce à la seule autorisation temporaire d’exercice, faute d’avoir passé l’examen de la liste C ou parce qu’ils y ont échoué.
L’article unique de la proposition de loi prévoit donc de prolonger de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020, la procédure dérogatoire mise en place par le IV de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006. Les praticiens concernés pourront ainsi continuer d’exercer, sans autorisation de plein exercice, au-delà du 1er janvier prochain.
Le Gouvernement soutient cette proposition de loi, dont l’unique objet est bien de répondre à une situation d’urgence.
Néanmoins, chacun le reconnaît, et cela a été exprimé lors des travaux de la commission des affaires sociales, le texte qui sera adopté aujourd’hui ne se substitue nullement à l’engagement d’une réflexion plus globale sur la mise en place d’un dispositif pérenne.
Le Gouvernement souhaite intégrer durablement dans notre système de santé les praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne exerçant à ce jour dans les établissements de santé français et répondant aux exigences professionnelles requises.
J’aimerais profiter de l’examen de cette proposition de loi pour présenter les orientations étudiées en ce moment par le Gouvernement.
Notre priorité sera de sécuriser les processus de vérification des compétences acquises et d’améliorer les conditions d’intégration des praticiens ayant obtenu un diplôme hors de l’Union européenne au système de santé français.
Nous souhaitons poser les bases d’un nouveau dispositif qui permette à la fois de s’assurer des compétences dont disposent les praticiens qui exercent actuellement au sein des établissements en déstabilisant le moins possible le fonctionnement des établissements qui dépendent fortement de ces praticiens et de créer les conditions pour résoudre la situation actuelle.
Notre démarche se veut collective et le Parlement sera pleinement associé à ces travaux, qui se veulent à la fois soucieux de la prise en compte de ces professionnels qui participent depuis plusieurs années au fonctionnement du système de santé dans des conditions souvent difficiles et précaires, exigeants et sécurisants en termes de vérification des compétences, responsables en termes de maîtrise future des conditions d’accès à l’exercice en France.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme Martine Berthet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens titulaires d’un diplôme d’un pays situé en dehors de l’Union européenne – ils sont appelés PADHUE –, qui exercent dans nos établissements de santé depuis parfois de longues années, sont souvent décrits comme les « invisibles » de l’hôpital.
Bien moins rémunérés que les autres praticiens hospitaliers, cantonnés à une précarité qu’ils n’ont pas choisie, ils sont pourtant devenus essentiels au fonctionnement quotidien de certains de nos hôpitaux. Leur situation apparaît comme un angle mort des politiques hospitalières, sur lequel les pouvoirs publics ont fait preuve, au cours des dernières années, d’une négligence qui me semble coupable.
Un angle mort, tout d’abord, parce que ces praticiens ne correspondent pas à une catégorie clairement identifiée de personnels hospitaliers. Ils sont recrutés de gré à gré par les établissements où ils peuvent exercer pendant de nombreuses années sans plein exercice, sans contrôle de compétences et sans inscription à l’ordre des médecins, sur le fondement d’un contrat précaire assorti d’une faible rémunération, en tant, par exemple, que stagiaires associés ou faisant fonction d’interne, pour une durée de six mois renouvelables une fois, et pour une rémunération annuelle de quelque 15 000 euros brut.
Un angle mort, ensuite, parce que leur situation n’a jamais été véritablement réglée par le législateur. Depuis 1972, pas moins de six lois se sont succédé sur ce thème, aboutissant à la mise en place d’une réglementation complexe, transitoire et dérogatoire, qui a fréquemment évolué depuis 1995.
La dernière réforme d’ampleur date de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qui a créé plusieurs voies d’accès au plein exercice pour les titulaires d’un diplôme étranger.
La voie de droit commun est celle de la liste A, qui consiste en un concours très sélectif suivi d’une période probatoire de trois ans.
Il existe également une liste B, réservée aux candidats réfugiés et apatrides.
Enfin, le dispositif spécifique de la liste C a été prévu pour les PADHUE déjà en activité dans les hôpitaux.
Ce mécanisme à double détente consiste tout d’abord en une autorisation temporaire d’exercice couvrant jusqu’au 31 décembre 2018 les diplômés étrangers exerçant dans un établissement de santé public ou privé d’intérêt collectif, à condition qu’ils aient été recrutés avant le 3 août 2010 et qu’ils aient été en poste au 31 décembre 2016. Ce dispositif arrive à expiration, et la pratique de certains PADHUE exerçant dans nos hôpitaux depuis 2010 au moins deviendra illégale le 1er janvier prochain.
Il comprend également un examen d’autorisation de plein exercice sans quota, ouvert sous deux conditions : l’exercice de fonctions rémunérées pendant deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011 ; une durée de trois ans d’exercice à temps plein à la date de clôture des inscriptions. Cet examen n’existe plus depuis 2016.
Tous les PADHUE actuellement présents sur notre territoire n’ont cependant pas pu bénéficier de ces procédures, notamment parce qu’ils n’en remplissaient pas les conditions d’éligibilité. J’ai ainsi rencontré un cancérologue qui a effectué un parcours de surspécialisation aux États-Unis en 2010 et 2011, et qui, en dépit de sa compétence manifeste, n’a pu s’inscrire à l’examen de la liste C.
En raison du faible nombre de places ouvertes, le concours de la liste A n’est pas davantage accessible : certains praticiens ont été recalés avec d’excellentes moyennes ; d’autres n’ont pu s’y inscrire parce que leur spécialité n’y était pas représentée.
Si le règlement du sort des PADHUE n’est pas simple, c’est parce qu’il recouvre une myriade de situations et de parcours individuels.
Cela me conduit à ma troisième remarque concernant l’angle mort que j’évoquais : du fait de l’autonomie de gestion des hôpitaux et de l’absence d’inscription ordinale de ces praticiens, aucune statistique officielle ne permet d’évaluer précisément le nombre de PADHUE actuellement en activité sans plein exercice.
Selon leurs syndicats, entre 4 000 et 5 000 professionnels seraient aujourd’hui en difficulté ; 3 000 à 4 000 d’entre eux auraient été recrutés après 2012 et ne sont donc pas éligibles à la liste C.
Ces recrutements sont intervenus en toute illégalité, puisque chacune des lois ayant successivement réglé le sort des PADHUE a réaffirmé l’interdiction pour les hôpitaux de recruter de nouveaux professionnels.
Le fait que ces recrutements aient cependant eu lieu n’atteste pas seulement de la complexité de la législation, dont il résulte que certains hôpitaux la contournent sans le savoir ; il témoigne plus généralement du dysfonctionnement de notre système de santé face à la pénurie de professionnels médicaux, et les PADHUE apparaissent comme une variable d’ajustement.
La situation est pour le moins paradoxale : pour faire face à la pénurie résultant du maintien du numerus clausus à un niveau très bas, nos établissements de santé ont dû recruter des médecins étrangers exerçant en dehors de tout régime légal.
Nous le savons tous, dans de nombreux hôpitaux situés en zone sous-dotée, nécessité fait loi : un poste pourvu par un PADHUE sans plein exercice est un poste qui, sinon, resterait vacant.
Ces praticiens sont ainsi devenus au fil des années indispensables au fonctionnement des hôpitaux français, principalement dans les zones sous-dotées.
Madame la secrétaire d’État, cette situation est très largement insatisfaisante.
Pour ces praticiens, en premier lieu. Il ne me paraît pas acceptable que des praticiens médicaux puissent exercer pendant plusieurs années dans des conditions matérielles dégradées, sans inscription ordinale et sans visibilité aucune sur leur avenir.
Pour la qualité des soins, en deuxième lieu. Je ne remets pas en cause la compétence des PADHUE, et ceux que j’ai rencontrés m’ont semblé présenter toutes les garanties de compétence et d’implication. Mais cela ne préjuge pas les qualifications professionnelles de l’ensemble d’entre eux ni d’ailleurs de leur niveau de maîtrise de la langue française. Il n’est pas acceptable que le même niveau de prise en charge ne soit pas garanti à l’ensemble de nos concitoyens en tout point du territoire.
Pour les patients, en troisième lieu. Il me semble difficilement justifiable, pour des raisons de bonne information et de transparence, que ceux-ci puissent avoir affaire à des praticiens ne disposant pas du plein exercice sans en être parfaitement informés.
Face à cette situation, il est demandé à la représentation nationale de reconduire dans la précipitation un dispositif dérogatoire qui place les professionnels dans une grande précarité et les établissements de santé dans une forte insécurité juridique, et qui pose la question de la qualité des soins garantie aux patients sur l’ensemble du territoire.
Car l’ambition de la proposition de loi est très modeste : il s’agit simplement de prolonger de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020, l’autorisation d’exercice dérogatoire mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Cette prolongation serait la troisième, après celle qui est intervenue en 2012, puis dans la loi Montagne de 2016. Il s’agit donc d’une simple mesure d’urgence, qui vise à éviter que les quelque 300 praticiens concernés par la mesure reconduite ne se retrouvent hors-la-loi le 1er janvier prochain.
Cette mesure est bien évidemment très insuffisante, ne serait-ce que parce que la plupart des PADHUE exerçant actuellement à titre dérogatoire ne relèvent pas de ce dispositif. Je vous rappelle que, tandis que la DGOS estime à 300 ou 350 le nombre de praticiens répondant aux critères fixés en 2012, 4 000 à 5 000 PADHUE au total seraient en difficulté. C’est d’autant plus regrettable que les reports intervenus en 2012 et en 2016 auraient dû être mis à profit pour définir une solution plus large et plus pérenne.
Constatant l’urgence de la situation, ne souhaitant ni mettre en danger l’activité des praticiens concernés ni déstabiliser l’organisation des hôpitaux qui les emploient, et prenant acte de la réforme annoncée par le ministère des solidarités et de la santé, la commission des affaires sociales a malgré tout adopté cette proposition de loi sans modification.
Nous souhaitons cependant, madame la secrétaire d’État, poser quelques jalons en amont de la réforme annoncée. Si j’en crois les éléments qui m’ont été transmis, l’esprit en sera le suivant : une procédure d’autorisation de plein exercice dérogatoire et temporaire permettra l’intégration des PADHUE actuellement en activité ; une fois résorbée la situation actuelle, il ne demeurerait plus qu’une seule voie d’accès à l’exercice des médecins en France, celle de la liste A.
Nous souhaitons insister sur trois points.
Tout d’abord, le périmètre du dispositif d’intégration devra être suffisamment large pour couvrir l’ensemble des PADHUE aujourd’hui en activité ou en recherche d’activité, car certains, du fait de la précarité de leur contrat, pourraient ne pas être couverts par la condition d’activité qui sera proposée. Ce dispositif devra cependant et bien évidemment garantir que les praticiens qui seront finalement retenus présentent toutes les garanties de compétence et de maîtrise de la langue.
Il semble par ailleurs que rien ne soit prévu pour régler l’épineuse situation des binationaux titulaires d’un diplôme étranger qui sont très peu nombreux, mais se trouvent dans une impasse, car ils ne satisfont aux critères d’aucun régime d’exercice.
Nous nous interrogeons enfin sur les mesures qui seront mises en œuvre pour éviter que les établissements de santé ne continuent à recruter de nouveaux PADHUE avant l’entrée en vigueur de la réforme annoncée.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir nous fournir vos éclairages sur ces différents points. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne, déposée il y a un peu plus d’un mois et débattue dernièrement sur les bancs de l’Assemblée nationale.
Ce texte, constitué d’un article unique, appelle plusieurs commentaires du groupe Union Centriste, au nom duquel j’interviens cet après-midi.
Ils portent à la fois sur la forme et sur le fond.
Tout d’abord, sur la forme, il ne nous aura pas échappé que l’échéance des autorisations temporaires d’exercer pour la catégorie de personnels susmentionnée arrive très rapidement à son terme.
En effet, celles-ci ne sont valables légalement que jusqu’au 31 décembre 2018. Ainsi, à compter du 1er janvier 2019, plusieurs centaines de ces praticiens seront dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions. C’est donc l’urgence qui justifie avant tout l’inscription de ce texte à notre ordre du jour.
Toutefois, il est regrettable que cette proposition de loi soit discutée dans de telles conditions de rapidité, pour ne pas dire de précipitation, à quinze jours seulement d’une date qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour nos hôpitaux et nos territoires si rien ne changeait. Je reviendrai dans quelques instants sur cette question des effets.
En outre, il est vrai que le calendrier s’est trouvé bousculé par la décision du Conseil constitutionnel du 6 septembre dernier, qualifiant de « cavalier législatif » la même disposition inscrite auparavant à l’article 42 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Par conséquent, il eût été préférable que ce sujet soit étudié plus tôt, afin d’avoir véritablement le temps d’en débattre et de l’approfondir.
Pourquoi avoir attendu le mois de décembre, alors que cette situation était pourtant connue des services du ministère des solidarités et de la santé ?
Je souhaite m’arrêter quelques secondes sur les suites, plutôt favorables, qui devraient être réservées à ce texte.
La Constitution de la Ve République, plus particulièrement son article 39, reconnaît au Premier ministre, mais également aux deux chambres, le droit d’initiative législative. Aussi, et il est important de le souligner, le vote de la loi conditionne en pratique une certaine forme de collaboration dans les rapports entre le pouvoir parlementaire et l’exécutif, afin que des propositions de loi puissent véritablement aboutir.
Je l’ai dit, les conditions d’urgence exigent que nous votions favorablement ce texte déposé – je le précise – par un député de la majorité.
A contrario, lorsque l’initiative est sénatoriale, urgente et favorable à 11 millions de personnes – les proches aidants –, la collaboration avec la majorité à l’Assemblée nationale et le Gouvernement est bien moins fructueuse…
C’est donc avec un esprit de responsabilité que nous débattons de la présente proposition de loi.
Sur le fond, il convient de rappeler que plusieurs structures de santé ont recours à des praticiens diplômés au sein de l’Union européenne, mais aussi à des professionnels diplômés hors Union européenne.
La désertification médicale est l’une des raisons expliquant cette situation. Comme l’a précisé l’auteur de ce texte, une partie « de la population se situe dans des territoires prioritaires pour l’accès aux soins que l’on appelle des zones sous-denses. Les cabinets médicaux comme les services d’urgence ou les établissements médico-sociaux, sont saturés. »
En effet, qui parmi nous n’a pas été confronté à des heures d’attente interminable au service des urgences ? Combien de femmes sur notre territoire doivent parcourir des dizaines et des dizaines de kilomètres pour accoucher ? Enfin, combien de mois certains patients doivent-ils attendre pour avoir un rendez-vous chez un spécialiste ? Et je ne parlerai même pas des difficultés rencontrées par des médecins exerçant dans des zones rurales pour pouvoir être remplacés afin de prendre une retraite bien méritée !
Sur ce point, le plan d’accès aux soins, présenté en octobre 2017 par le Gouvernement, entend apporter différentes réponses pour pallier ces difficultés et pour mieux organiser la permanence des soins grâce à l’exercice regroupé.
La fin du numerus clausus, voulue par le Président de la République, est une piste supplémentaire. En attendant, des praticiens diplômés hors Union européenne occupent ces postes restés vacants. Selon la Fédération des praticiens de santé, la FPS, ils représenteraient environ 10 % de l’effectif national de praticiens. De ce fait, ils participent à cette mission de service public, ce que je veux souligner.
Certains bénéficient d’une autorisation de plein exercice obtenue après concours – c’est la liste A ; d’autres jouissent, au titre d’un dispositif dérogatoire, d’une autorisation temporaire d’exercer et de la possibilité de passer un examen spécifique pour l’obtention d’une autorisation de plein exercice – c’est la liste C.
Avant la mise en œuvre des mesures que j’ai citées, il apparaît nécessaire de sécuriser la situation de ces derniers, qui, dans moins de quinze jours, ne pourront plus continuer d’exercer. Plusieurs centaines de praticiens médicaux seraient concernées.
Mes chers collègues, cette situation ne sera pas sans conséquence pour certains de nos territoires, notamment ruraux, et pour le fonctionnement des établissements de soins, qui, à ce jour, font face à des difficultés de recrutement.
Si cette proposition de loi n’aboutissait pas, ce seraient des prises en charge médicales en moins. Ce seraient par ailleurs d’énormes difficultés pour ces structures à assurer la permanence des soins.
Par conséquent, pour des raisons et des enjeux de santé publique, l’octroi d’un délai supplémentaire de deux ans pour ce régime dérogatoire demeure indispensable.
Enfin, s’agissant de cette catégorie de praticiens diplômés hors Union européenne, il est urgent de clarifier leur statut. Celui-ci demeure particulièrement précaire, à la fois professionnellement et socialement.
Comme le déclarait le président de la FPS à la presse spécialisée, « officiant selon divers statuts, certains sont internes, attachés, assistants, d’autres sont même contractuels ».
Le constat du manque de perspectives d’évolution, du manque de stabilité et des rémunérations est à déplorer. Les syndicats dénoncent d’ailleurs le nombre insuffisant de postes ouverts aux concours.
Par conséquent, le groupe Union Centriste votera bien évidemment en faveur de ce texte. Mais dans le cadre du plan « Ma santé 2022 », il invite le Gouvernement à prendre en considération la précarité dans laquelle se trouvent certains de ces praticiens et leurs difficultés à intégrer pleinement notre système de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à sécuriser l’exercice en France de certains professionnels de santé diplômés hors de l’Union européenne.
Ces praticiens, notamment les médecins, officient surtout dans des établissements de santé situés dans des territoires sous-dotés, notamment dans les hôpitaux périphériques. S’ils exercent souvent dans la précarité, ils sont pourtant essentiels au fonctionnement quotidien de ces établissements.
Leur situation apparaît comme un symptôme des dysfonctionnements de notre système de santé. Quelquefois, ils n’ont pas le droit d’établir eux-mêmes les prescriptions, bien qu’ils assurent souvent le plus grand nombre de gardes.
Depuis 1972, plusieurs lois se sont succédé, mettant en place une réglementation transitoire et dérogatoire, sans que la situation ait été clairement réglée. La dernière, qui remonte à 2006, a créé plusieurs solutions d’accès : la liste A, après un concours très sélectif, octroie le plein exercice à moins de 500 reçus ; la liste B concerne notamment les praticiens réfugiés et apatrides, qui ont la possibilité de bénéficier d’une procédure dérogatoire d’autorisation ; enfin, autre procédure dérogatoire, celle de la liste C, qui permet d’accorder à certains praticiens déjà en activité une autorisation temporaire d’exercice et leur offre la possibilité d’obtenir une autorisation de plein exercice après examen.
La présente proposition de loi porte sur le dispositif de la liste C d’autorisation temporaire mis en œuvre par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et prorogé à deux reprises.
La validité de ce dispositif temporaire arrivant à terme à la fin de ce mois, elle doit donc être prorogée, après la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 42 de la loi Asile et immigration du 10 septembre 2018. Faute de quoi, les 300 à 350 praticiens concernés seraient placés dans une situation de grande précarité et le fonctionnement des services hospitaliers, dans lesquels ils ne pourraient plus exercer, serait menacé.
Plus de 5 000 médecins ont obtenu la plénitude d’exercice depuis 2010, mais tous les PADHUE n’ont pas pu en bénéficier. Le Gouvernement est dans l’incapacité d’évaluer le nombre exact de PADHUE en activité – ils seraient 4 000 à 5 000 à avoir été recrutés en toute illégalité pour faire face à un manque cruel de médecins. Il n’est pas normal que ces praticiens continuent d’exercer dans l’incertitude de leur avenir et sans être inscrits à l’ordre des médecins.
Face à cette situation, l’ambition de cette proposition de loi est modeste : il s’agit de prolonger jusqu’au 31 décembre 2020 l’autorisation d’exercice temporaire afin d’éviter que 300 à 400 praticiens ne se retrouvent dans l’impossibilité d’exercer au 1er janvier 2019. Nous sommes d’accord sur ce point, mais, dans un deuxième temps, il faut veiller à régulariser la situation des autres praticiens.
Comme l’indique Mme la rapporteur, cette proposition de loi est bien sûr très insuffisante. Une réforme d’ampleur permettant la reconnaissance des diplômes étrangers et l’arrêt des recrutements abusifs doit être mise en place. La direction générale de l’offre de soins a avancé des propositions de réforme qui seront présentées lors de l’examen du projet de loi Santé, en collaboration avec les syndicats des PADHUE. Cela comprendra une procédure d’automatisation dérogatoire pour l’intégration des PADHUE, dont le périmètre – je viens de l’indiquer – devra être suffisamment large, et, ensuite, une seule voie d’accès à l’exercice des médecins en France, celle de la liste A. Il serait également nécessaire de s’occuper de la situation des binationaux.
Dans l’attente de l’adoption d’une solution pérenne dans le cadre de la loi Santé, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi. Ainsi, les 300 à 400 praticiens concernés ne seront pas dans l’impossibilité d’exercer au 1er janvier 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)