Sommaire

Présidence de M. David Assouline

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot, M. Dominique de Legge.

1. Procès-verbal

2. Communication relative à une commission mixte paritaire

3. Praticiens diplômés hors Union européenne. – Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Mme Martine Berthet, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Jocelyne Guidez

M. Daniel Chasseing

M. Martin Lévrier

Mme Laurence Cohen

M. Yves Daudigny

Mme Véronique Guillotin

M. Bernard Bonne

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Mme Claudine Lepage

Mme Martine Berthet, rapporteur

Vote sur l’ensemble

Adoption définitive de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État

4. Sortie de l’indivision successorale et politique du logement en outre-mer. – Discussion en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale

M. Jean-François Longeot

M. Alain Marc

M. Mathieu Darnaud

Mme Éliane Assassi

Mme Catherine Conconne

M. Stéphane Artano

M. Abdallah Hassani

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

5. Questions d’actualité au Gouvernement

assurances mutuelles

M. Martin Lévrier ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

rattachement de la loire-atlantique à la bretagne

M. Ronan Dantec ; Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

sociétés gestionnaires d’autoroutes

M. Éric Bocquet ; Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; M. Éric Bocquet.

rétablissement de l’isf

M. Patrick Kanner ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Patrick Kanner.

COP24

M. Jérôme Bignon ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

fraude fiscale

M. Dominique de Legge ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Dominique de Legge.

malaise dans la police et la gendarmerie

M. Alain Cazabonne ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur ; M. Alain Cazabonne.

usine ford de blanquefort

Mme Françoise Cartron ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

crise dans la police

Mme Brigitte Lherbier ; M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.

loto du patrimoine

M. François Bonhomme ; M. Franck Riester, ministre de la culture ; M. François Bonhomme.

préparation du débat national

M. David Assouline ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; M. David Assouline.

vente de bois par l’office national des forêts

Mme Anne-Catherine Loisier ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

6. Sortie de l’indivision successorale et politique du logement en outre-mer. – Suite de la discussion et adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)

M. Michel Magras

M. Maurice Antiste

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer

Clôture de la discussion générale.

Articles 2 et 2 bis – Adoption.

Article 5 A (suppression maintenue)

Article 5

M. Stéphane Artano

Adoption de l’article.

Article 6 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Maurice Antiste

Mme Catherine Conconne

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois

Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot,

M. Dominique de Legge.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne
Discussion générale (suite)

Praticiens diplômés hors Union européenne

Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne (proposition n° 201, texte de la commission n° 206, rapport n° 205).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne
Article unique (Texte non modifié par la commission)

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit ce jour est nécessaire et je remercie le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, et la conférence des présidents du Sénat d’avoir permis son inscription à l’ordre du jour dans des délais si contraints.

Cette proposition de loi est nécessaire, car elle répond à la fois à une urgence et à un impératif de santé publique.

Le contexte est simple, et il sera certainement évoqué par la rapporteur : à compter du 1er janvier 2019, des centaines de praticiens médicaux titulaires de diplômes obtenus dans un pays n’appartenant pas à l’Union européenne présents dans les hôpitaux ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions ; ils devraient de ce fait cesser leur activité.

Une telle cessation brutale aurait d’importantes conséquences en termes de santé publique, car ces praticiens sont souvent indispensables dans les établissements de santé au sein desquels ils exercent. Je pense en particulier aux zones de notre territoire qui souffrent d’un grave déficit de médecins, ou à des spécialités particulièrement en tension.

La question qui se pose – elle est justifiée – est celle-ci : comment en est-on arrivé là ?

Vous le savez, il existe plusieurs procédures d’autorisation d’exercice des praticiens à diplômes hors Union européenne, les PADHUE.

Selon la procédure de droit commun, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne doivent obtenir une autorisation de plein exercice.

La liste A prévoit qu’ils doivent d’abord réussir un concours comportant des épreuves de vérification des connaissances et justifier d’un niveau de maîtrise suffisante de la langue française. Ils doivent ensuite assurer des fonctions rémunérées durant une année probatoire, au cours de laquelle ils continuent d’exercer sous des statuts d’exercice restreint.

En ce qui concerne les praticiens ayant la qualité de réfugié ou d’apatride ou bénéficiant de l’asile territorial, il est prévu qu’ils puissent bénéficier d’une procédure dérogatoire d’autorisation sur examen, dite « liste B ».

Enfin, une troisième procédure accorde à certains praticiens une autorisation temporaire d’exercer et la possibilité de passer un examen spécifique, afin d’obtenir une autorisation de plein exercice.

Le premier dispositif permet à des médecins recrutés dans des établissements de santé français avant la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle d’exercer de manière pérenne, mais sans autorisation de plein exercice.

Le dispositif, dit « liste C » – il fait l’objet de la présente proposition de loi –, est un mécanisme d’autorisation temporaire, accessible sous condition de date de recrutement et de durée d’exercice.

L’article 83 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a strictement défini les critères d’éligibilité à ce dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire.

Les praticiens éligibles à ce mécanisme doivent être titulaires d’un diplôme permettant l’exercice de la médecine dans le pays d’obtention. Ils doivent avoir été recrutés avant le 3 août 2010 dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d’intérêt collectif. Ils doivent, en outre, justifier de l’exercice de fonctions rémunérées pendant au moins deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011, ainsi que de l’exercice, pendant trois années en équivalent temps plein, dans des services agréés pour la formation des internes.

Afin d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice et de sortir de ce dispositif temporaire d’autorisation, ces praticiens sont invités à se présenter à un examen aménagé et, une fois qu’ils ont satisfait à cet examen de vérification des connaissances, ils doivent ensuite exercer des fonctions rémunérées durant une année probatoire.

Depuis sa mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, la procédure d’autorisation sur examen de la liste C a permis à plusieurs milliers de praticiens d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice, mais quelques centaines d’entre eux – entre 300 et 350, selon la direction générale de l’offre de soins, la DGOS – continuent d’exercer grâce à la seule autorisation temporaire d’exercice, faute d’avoir passé l’examen de la liste C ou parce qu’ils y ont échoué.

L’article unique de la proposition de loi prévoit donc de prolonger de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020, la procédure dérogatoire mise en place par le IV de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006. Les praticiens concernés pourront ainsi continuer d’exercer, sans autorisation de plein exercice, au-delà du 1er janvier prochain.

Le Gouvernement soutient cette proposition de loi, dont l’unique objet est bien de répondre à une situation d’urgence.

Néanmoins, chacun le reconnaît, et cela a été exprimé lors des travaux de la commission des affaires sociales, le texte qui sera adopté aujourd’hui ne se substitue nullement à l’engagement d’une réflexion plus globale sur la mise en place d’un dispositif pérenne.

Le Gouvernement souhaite intégrer durablement dans notre système de santé les praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne exerçant à ce jour dans les établissements de santé français et répondant aux exigences professionnelles requises.

J’aimerais profiter de l’examen de cette proposition de loi pour présenter les orientations étudiées en ce moment par le Gouvernement.

Notre priorité sera de sécuriser les processus de vérification des compétences acquises et d’améliorer les conditions d’intégration des praticiens ayant obtenu un diplôme hors de l’Union européenne au système de santé français.

Nous souhaitons poser les bases d’un nouveau dispositif qui permette à la fois de s’assurer des compétences dont disposent les praticiens qui exercent actuellement au sein des établissements en déstabilisant le moins possible le fonctionnement des établissements qui dépendent fortement de ces praticiens et de créer les conditions pour résoudre la situation actuelle.

Notre démarche se veut collective et le Parlement sera pleinement associé à ces travaux, qui se veulent à la fois soucieux de la prise en compte de ces professionnels qui participent depuis plusieurs années au fonctionnement du système de santé dans des conditions souvent difficiles et précaires, exigeants et sécurisants en termes de vérification des compétences, responsables en termes de maîtrise future des conditions d’accès à l’exercice en France.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Martine Berthet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens titulaires d’un diplôme d’un pays situé en dehors de l’Union européenne – ils sont appelés PADHUE –, qui exercent dans nos établissements de santé depuis parfois de longues années, sont souvent décrits comme les « invisibles » de l’hôpital.

Bien moins rémunérés que les autres praticiens hospitaliers, cantonnés à une précarité qu’ils n’ont pas choisie, ils sont pourtant devenus essentiels au fonctionnement quotidien de certains de nos hôpitaux. Leur situation apparaît comme un angle mort des politiques hospitalières, sur lequel les pouvoirs publics ont fait preuve, au cours des dernières années, d’une négligence qui me semble coupable.

Un angle mort, tout d’abord, parce que ces praticiens ne correspondent pas à une catégorie clairement identifiée de personnels hospitaliers. Ils sont recrutés de gré à gré par les établissements où ils peuvent exercer pendant de nombreuses années sans plein exercice, sans contrôle de compétences et sans inscription à l’ordre des médecins, sur le fondement d’un contrat précaire assorti d’une faible rémunération, en tant, par exemple, que stagiaires associés ou faisant fonction d’interne, pour une durée de six mois renouvelables une fois, et pour une rémunération annuelle de quelque 15 000 euros brut.

Un angle mort, ensuite, parce que leur situation n’a jamais été véritablement réglée par le législateur. Depuis 1972, pas moins de six lois se sont succédé sur ce thème, aboutissant à la mise en place d’une réglementation complexe, transitoire et dérogatoire, qui a fréquemment évolué depuis 1995.

La dernière réforme d’ampleur date de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qui a créé plusieurs voies d’accès au plein exercice pour les titulaires d’un diplôme étranger.

La voie de droit commun est celle de la liste A, qui consiste en un concours très sélectif suivi d’une période probatoire de trois ans.

Il existe également une liste B, réservée aux candidats réfugiés et apatrides.

Enfin, le dispositif spécifique de la liste C a été prévu pour les PADHUE déjà en activité dans les hôpitaux.

Ce mécanisme à double détente consiste tout d’abord en une autorisation temporaire d’exercice couvrant jusqu’au 31 décembre 2018 les diplômés étrangers exerçant dans un établissement de santé public ou privé d’intérêt collectif, à condition qu’ils aient été recrutés avant le 3 août 2010 et qu’ils aient été en poste au 31 décembre 2016. Ce dispositif arrive à expiration, et la pratique de certains PADHUE exerçant dans nos hôpitaux depuis 2010 au moins deviendra illégale le 1er janvier prochain.

Il comprend également un examen d’autorisation de plein exercice sans quota, ouvert sous deux conditions : l’exercice de fonctions rémunérées pendant deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011 ; une durée de trois ans d’exercice à temps plein à la date de clôture des inscriptions. Cet examen n’existe plus depuis 2016.

Tous les PADHUE actuellement présents sur notre territoire n’ont cependant pas pu bénéficier de ces procédures, notamment parce qu’ils n’en remplissaient pas les conditions d’éligibilité. J’ai ainsi rencontré un cancérologue qui a effectué un parcours de surspécialisation aux États-Unis en 2010 et 2011, et qui, en dépit de sa compétence manifeste, n’a pu s’inscrire à l’examen de la liste C.

En raison du faible nombre de places ouvertes, le concours de la liste A n’est pas davantage accessible : certains praticiens ont été recalés avec d’excellentes moyennes ; d’autres n’ont pu s’y inscrire parce que leur spécialité n’y était pas représentée.

Si le règlement du sort des PADHUE n’est pas simple, c’est parce qu’il recouvre une myriade de situations et de parcours individuels.

Cela me conduit à ma troisième remarque concernant l’angle mort que j’évoquais : du fait de l’autonomie de gestion des hôpitaux et de l’absence d’inscription ordinale de ces praticiens, aucune statistique officielle ne permet d’évaluer précisément le nombre de PADHUE actuellement en activité sans plein exercice.

Selon leurs syndicats, entre 4 000 et 5 000 professionnels seraient aujourd’hui en difficulté ; 3 000 à 4 000 d’entre eux auraient été recrutés après 2012 et ne sont donc pas éligibles à la liste C.

Ces recrutements sont intervenus en toute illégalité, puisque chacune des lois ayant successivement réglé le sort des PADHUE a réaffirmé l’interdiction pour les hôpitaux de recruter de nouveaux professionnels.

Le fait que ces recrutements aient cependant eu lieu n’atteste pas seulement de la complexité de la législation, dont il résulte que certains hôpitaux la contournent sans le savoir ; il témoigne plus généralement du dysfonctionnement de notre système de santé face à la pénurie de professionnels médicaux, et les PADHUE apparaissent comme une variable d’ajustement.

La situation est pour le moins paradoxale : pour faire face à la pénurie résultant du maintien du numerus clausus à un niveau très bas, nos établissements de santé ont dû recruter des médecins étrangers exerçant en dehors de tout régime légal.

Nous le savons tous, dans de nombreux hôpitaux situés en zone sous-dotée, nécessité fait loi : un poste pourvu par un PADHUE sans plein exercice est un poste qui, sinon, resterait vacant.

Ces praticiens sont ainsi devenus au fil des années indispensables au fonctionnement des hôpitaux français, principalement dans les zones sous-dotées.

Madame la secrétaire d’État, cette situation est très largement insatisfaisante.

Pour ces praticiens, en premier lieu. Il ne me paraît pas acceptable que des praticiens médicaux puissent exercer pendant plusieurs années dans des conditions matérielles dégradées, sans inscription ordinale et sans visibilité aucune sur leur avenir.

Pour la qualité des soins, en deuxième lieu. Je ne remets pas en cause la compétence des PADHUE, et ceux que j’ai rencontrés m’ont semblé présenter toutes les garanties de compétence et d’implication. Mais cela ne préjuge pas les qualifications professionnelles de l’ensemble d’entre eux ni d’ailleurs de leur niveau de maîtrise de la langue française. Il n’est pas acceptable que le même niveau de prise en charge ne soit pas garanti à l’ensemble de nos concitoyens en tout point du territoire.

Pour les patients, en troisième lieu. Il me semble difficilement justifiable, pour des raisons de bonne information et de transparence, que ceux-ci puissent avoir affaire à des praticiens ne disposant pas du plein exercice sans en être parfaitement informés.

Face à cette situation, il est demandé à la représentation nationale de reconduire dans la précipitation un dispositif dérogatoire qui place les professionnels dans une grande précarité et les établissements de santé dans une forte insécurité juridique, et qui pose la question de la qualité des soins garantie aux patients sur l’ensemble du territoire.

Car l’ambition de la proposition de loi est très modeste : il s’agit simplement de prolonger de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020, l’autorisation d’exercice dérogatoire mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Cette prolongation serait la troisième, après celle qui est intervenue en 2012, puis dans la loi Montagne de 2016. Il s’agit donc d’une simple mesure d’urgence, qui vise à éviter que les quelque 300 praticiens concernés par la mesure reconduite ne se retrouvent hors-la-loi le 1er janvier prochain.

Cette mesure est bien évidemment très insuffisante, ne serait-ce que parce que la plupart des PADHUE exerçant actuellement à titre dérogatoire ne relèvent pas de ce dispositif. Je vous rappelle que, tandis que la DGOS estime à 300 ou 350 le nombre de praticiens répondant aux critères fixés en 2012, 4 000 à 5 000 PADHUE au total seraient en difficulté. C’est d’autant plus regrettable que les reports intervenus en 2012 et en 2016 auraient dû être mis à profit pour définir une solution plus large et plus pérenne.

Constatant l’urgence de la situation, ne souhaitant ni mettre en danger l’activité des praticiens concernés ni déstabiliser l’organisation des hôpitaux qui les emploient, et prenant acte de la réforme annoncée par le ministère des solidarités et de la santé, la commission des affaires sociales a malgré tout adopté cette proposition de loi sans modification.

Nous souhaitons cependant, madame la secrétaire d’État, poser quelques jalons en amont de la réforme annoncée. Si j’en crois les éléments qui m’ont été transmis, l’esprit en sera le suivant : une procédure d’autorisation de plein exercice dérogatoire et temporaire permettra l’intégration des PADHUE actuellement en activité ; une fois résorbée la situation actuelle, il ne demeurerait plus qu’une seule voie d’accès à l’exercice des médecins en France, celle de la liste A.

Nous souhaitons insister sur trois points.

Tout d’abord, le périmètre du dispositif d’intégration devra être suffisamment large pour couvrir l’ensemble des PADHUE aujourd’hui en activité ou en recherche d’activité, car certains, du fait de la précarité de leur contrat, pourraient ne pas être couverts par la condition d’activité qui sera proposée. Ce dispositif devra cependant et bien évidemment garantir que les praticiens qui seront finalement retenus présentent toutes les garanties de compétence et de maîtrise de la langue.

Il semble par ailleurs que rien ne soit prévu pour régler l’épineuse situation des binationaux titulaires d’un diplôme étranger qui sont très peu nombreux, mais se trouvent dans une impasse, car ils ne satisfont aux critères d’aucun régime d’exercice.

Nous nous interrogeons enfin sur les mesures qui seront mises en œuvre pour éviter que les établissements de santé ne continuent à recruter de nouveaux PADHUE avant l’entrée en vigueur de la réforme annoncée.

Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir nous fournir vos éclairages sur ces différents points. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne, déposée il y a un peu plus d’un mois et débattue dernièrement sur les bancs de l’Assemblée nationale.

Ce texte, constitué d’un article unique, appelle plusieurs commentaires du groupe Union Centriste, au nom duquel j’interviens cet après-midi.

Ils portent à la fois sur la forme et sur le fond.

Tout d’abord, sur la forme, il ne nous aura pas échappé que l’échéance des autorisations temporaires d’exercer pour la catégorie de personnels susmentionnée arrive très rapidement à son terme.

En effet, celles-ci ne sont valables légalement que jusqu’au 31 décembre 2018. Ainsi, à compter du 1er janvier 2019, plusieurs centaines de ces praticiens seront dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions. C’est donc l’urgence qui justifie avant tout l’inscription de ce texte à notre ordre du jour.

Toutefois, il est regrettable que cette proposition de loi soit discutée dans de telles conditions de rapidité, pour ne pas dire de précipitation, à quinze jours seulement d’une date qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour nos hôpitaux et nos territoires si rien ne changeait. Je reviendrai dans quelques instants sur cette question des effets.

En outre, il est vrai que le calendrier s’est trouvé bousculé par la décision du Conseil constitutionnel du 6 septembre dernier, qualifiant de « cavalier législatif » la même disposition inscrite auparavant à l’article 42 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

Par conséquent, il eût été préférable que ce sujet soit étudié plus tôt, afin d’avoir véritablement le temps d’en débattre et de l’approfondir.

Pourquoi avoir attendu le mois de décembre, alors que cette situation était pourtant connue des services du ministère des solidarités et de la santé ?

Je souhaite m’arrêter quelques secondes sur les suites, plutôt favorables, qui devraient être réservées à ce texte.

La Constitution de la Ve République, plus particulièrement son article 39, reconnaît au Premier ministre, mais également aux deux chambres, le droit d’initiative législative. Aussi, et il est important de le souligner, le vote de la loi conditionne en pratique une certaine forme de collaboration dans les rapports entre le pouvoir parlementaire et l’exécutif, afin que des propositions de loi puissent véritablement aboutir.

Je l’ai dit, les conditions d’urgence exigent que nous votions favorablement ce texte déposé – je le précise – par un député de la majorité.

A contrario, lorsque l’initiative est sénatoriale, urgente et favorable à 11 millions de personnes – les proches aidants –, la collaboration avec la majorité à l’Assemblée nationale et le Gouvernement est bien moins fructueuse…

C’est donc avec un esprit de responsabilité que nous débattons de la présente proposition de loi.

Sur le fond, il convient de rappeler que plusieurs structures de santé ont recours à des praticiens diplômés au sein de l’Union européenne, mais aussi à des professionnels diplômés hors Union européenne.

La désertification médicale est l’une des raisons expliquant cette situation. Comme l’a précisé l’auteur de ce texte, une partie « de la population se situe dans des territoires prioritaires pour l’accès aux soins que l’on appelle des zones sous-denses. Les cabinets médicaux comme les services d’urgence ou les établissements médico-sociaux, sont saturés. »

En effet, qui parmi nous n’a pas été confronté à des heures d’attente interminable au service des urgences ? Combien de femmes sur notre territoire doivent parcourir des dizaines et des dizaines de kilomètres pour accoucher ? Enfin, combien de mois certains patients doivent-ils attendre pour avoir un rendez-vous chez un spécialiste ? Et je ne parlerai même pas des difficultés rencontrées par des médecins exerçant dans des zones rurales pour pouvoir être remplacés afin de prendre une retraite bien méritée !

Sur ce point, le plan d’accès aux soins, présenté en octobre 2017 par le Gouvernement, entend apporter différentes réponses pour pallier ces difficultés et pour mieux organiser la permanence des soins grâce à l’exercice regroupé.

La fin du numerus clausus, voulue par le Président de la République, est une piste supplémentaire. En attendant, des praticiens diplômés hors Union européenne occupent ces postes restés vacants. Selon la Fédération des praticiens de santé, la FPS, ils représenteraient environ 10 % de l’effectif national de praticiens. De ce fait, ils participent à cette mission de service public, ce que je veux souligner.

Certains bénéficient d’une autorisation de plein exercice obtenue après concours – c’est la liste A ; d’autres jouissent, au titre d’un dispositif dérogatoire, d’une autorisation temporaire d’exercer et de la possibilité de passer un examen spécifique pour l’obtention d’une autorisation de plein exercice – c’est la liste C.

Avant la mise en œuvre des mesures que j’ai citées, il apparaît nécessaire de sécuriser la situation de ces derniers, qui, dans moins de quinze jours, ne pourront plus continuer d’exercer. Plusieurs centaines de praticiens médicaux seraient concernées.

Mes chers collègues, cette situation ne sera pas sans conséquence pour certains de nos territoires, notamment ruraux, et pour le fonctionnement des établissements de soins, qui, à ce jour, font face à des difficultés de recrutement.

Si cette proposition de loi n’aboutissait pas, ce seraient des prises en charge médicales en moins. Ce seraient par ailleurs d’énormes difficultés pour ces structures à assurer la permanence des soins.

Par conséquent, pour des raisons et des enjeux de santé publique, l’octroi d’un délai supplémentaire de deux ans pour ce régime dérogatoire demeure indispensable.

Enfin, s’agissant de cette catégorie de praticiens diplômés hors Union européenne, il est urgent de clarifier leur statut. Celui-ci demeure particulièrement précaire, à la fois professionnellement et socialement.

Comme le déclarait le président de la FPS à la presse spécialisée, « officiant selon divers statuts, certains sont internes, attachés, assistants, d’autres sont même contractuels ».

Le constat du manque de perspectives d’évolution, du manque de stabilité et des rémunérations est à déplorer. Les syndicats dénoncent d’ailleurs le nombre insuffisant de postes ouverts aux concours.

Par conséquent, le groupe Union Centriste votera bien évidemment en faveur de ce texte. Mais dans le cadre du plan « Ma santé 2022 », il invite le Gouvernement à prendre en considération la précarité dans laquelle se trouvent certains de ces praticiens et leurs difficultés à intégrer pleinement notre système de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à sécuriser l’exercice en France de certains professionnels de santé diplômés hors de l’Union européenne.

Ces praticiens, notamment les médecins, officient surtout dans des établissements de santé situés dans des territoires sous-dotés, notamment dans les hôpitaux périphériques. S’ils exercent souvent dans la précarité, ils sont pourtant essentiels au fonctionnement quotidien de ces établissements.

Leur situation apparaît comme un symptôme des dysfonctionnements de notre système de santé. Quelquefois, ils n’ont pas le droit d’établir eux-mêmes les prescriptions, bien qu’ils assurent souvent le plus grand nombre de gardes.

Depuis 1972, plusieurs lois se sont succédé, mettant en place une réglementation transitoire et dérogatoire, sans que la situation ait été clairement réglée. La dernière, qui remonte à 2006, a créé plusieurs solutions d’accès : la liste A, après un concours très sélectif, octroie le plein exercice à moins de 500 reçus ; la liste B concerne notamment les praticiens réfugiés et apatrides, qui ont la possibilité de bénéficier d’une procédure dérogatoire d’autorisation ; enfin, autre procédure dérogatoire, celle de la liste C, qui permet d’accorder à certains praticiens déjà en activité une autorisation temporaire d’exercice et leur offre la possibilité d’obtenir une autorisation de plein exercice après examen.

La présente proposition de loi porte sur le dispositif de la liste C d’autorisation temporaire mis en œuvre par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et prorogé à deux reprises.

La validité de ce dispositif temporaire arrivant à terme à la fin de ce mois, elle doit donc être prorogée, après la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 42 de la loi Asile et immigration du 10 septembre 2018. Faute de quoi, les 300 à 350 praticiens concernés seraient placés dans une situation de grande précarité et le fonctionnement des services hospitaliers, dans lesquels ils ne pourraient plus exercer, serait menacé.

Plus de 5 000 médecins ont obtenu la plénitude d’exercice depuis 2010, mais tous les PADHUE n’ont pas pu en bénéficier. Le Gouvernement est dans l’incapacité d’évaluer le nombre exact de PADHUE en activité – ils seraient 4 000 à 5 000 à avoir été recrutés en toute illégalité pour faire face à un manque cruel de médecins. Il n’est pas normal que ces praticiens continuent d’exercer dans l’incertitude de leur avenir et sans être inscrits à l’ordre des médecins.

Face à cette situation, l’ambition de cette proposition de loi est modeste : il s’agit de prolonger jusqu’au 31 décembre 2020 l’autorisation d’exercice temporaire afin d’éviter que 300 à 400 praticiens ne se retrouvent dans l’impossibilité d’exercer au 1er janvier 2019. Nous sommes d’accord sur ce point, mais, dans un deuxième temps, il faut veiller à régulariser la situation des autres praticiens.

Comme l’indique Mme la rapporteur, cette proposition de loi est bien sûr très insuffisante. Une réforme d’ampleur permettant la reconnaissance des diplômes étrangers et l’arrêt des recrutements abusifs doit être mise en place. La direction générale de l’offre de soins a avancé des propositions de réforme qui seront présentées lors de l’examen du projet de loi Santé, en collaboration avec les syndicats des PADHUE. Cela comprendra une procédure d’automatisation dérogatoire pour l’intégration des PADHUE, dont le périmètre – je viens de l’indiquer – devra être suffisamment large, et, ensuite, une seule voie d’accès à l’exercice des médecins en France, celle de la liste A. Il serait également nécessaire de s’occuper de la situation des binationaux.

Dans l’attente de l’adoption d’une solution pérenne dans le cadre de la loi Santé, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi. Ainsi, les 300 à 400 praticiens concernés ne seront pas dans l’impossibilité d’exercer au 1er janvier 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, la stratégie nationale de santé et du plan « Ma santé 2022 » prévoit une transformation en profondeur autour de trois axes prioritaires : placer le patient au cœur du système et faire de la qualité de sa prise en charge la boussole de la réforme, organiser l’articulation entre médecine de ville, secteur médico-social et hôpital pour mieux répondre aux besoins de soins de proximité, repenser les métiers et la formation des professionnels de santé.

Mener à bien ces actions sans un nombre suffisant de praticiens se révélerait très compliqué, pour ne pas dire impossible. Depuis les années 1980, l’évolution de la démographie médicale française engendre une inégale distribution de ces derniers sur le territoire national. Ces déséquilibres sont en partie liés à des déficits de professionnels dans les hôpitaux périphériques délaissés par les nouvelles générations de médecins.

Pour pallier ces déficits dramatiques au sein de structures hospitalières, les praticiens à diplôme hors Union européenne viennent travailler en France. Le phénomène n’est pas récent et la problématique générale reste complexe.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors de l’Union européenne. Inquiets de leur situation et de celle des hôpitaux qui les embauchent, vous avez été nombreux à attirer l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation de ces praticiens recrutés avant le 3 août 2010, notamment par le biais de questions écrites. En effet, une évolution de la législation et, notamment, de la loi n° 2012-157 du 1er février 2012, devait intervenir avant le 31 décembre 2018 afin de stabiliser la situation de ces praticiens. Si nous adoptons cette proposition de loi, ce sera chose faite.

L’article unique de cette proposition de loi prolonge jusqu’au 31 décembre 2020 l’autorisation temporaire d’exercice accordée aux PADHUE, qui concerne des médecins, mais aussi des pharmaciens ou des dentistes. Sans ce texte, à compter du 1er janvier 2019, des centaines de praticiens médicaux titulaires de diplômes obtenus dans un pays hors de l’Union européenne ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions dans les hôpitaux français et devront, de fait, cesser leur activité. Une cessation aussi brutale aurait d’importantes conséquences en termes de santé publique, car ces praticiens sont devenus la plupart du temps indispensables dans les établissements de santé au sein desquels ils exercent.

Si cette proposition de loi répond à une situation d’urgence, elle ne doit surtout pas empêcher une réflexion plus globale sur la mise en place d’un dispositif pérenne. C’est la troisième fois que cette autorisation temporaire est prolongée ; une quatrième fois serait impensable. Une réflexion globale est donc nécessaire pour trois raisons.

Elle l’est, premièrement, pour les praticiens eux-mêmes, qui ne correspondent pas à une catégorie ou à un statut spécifique de personnels hospitaliers. Ils sont recrutés de gré à gré par les établissements, où ils peuvent exercer pendant de nombreuses années sans plein exercice, sur le fondement d’un contrat précaire assorti d’une faible rémunération en tant, par exemple, que stagiaire associé ou faisant fonction d’interne, pour une durée de six mois renouvelable une fois, et pour une rémunération brute de quelque 15 000 euros annuels. Les moins malheureux bénéficient toutefois d’un contrat de praticien attaché associé, qui peut, sous certaines conditions, devenir un contrat à durée indéterminée, avec une rémunération brute allant de 36 000 à 39 000 euros par an environ. En tout état de cause, ils ne sont jamais inscrits à l’ordre des médecins.

Deuxièmement, cette réflexion est nécessaire pour le fonctionnement même de l’hôpital. Ces praticiens sont régulièrement embauchés de manière illégale, mettant en péril la logique administrative dudit hôpital et la responsabilité pénale du directeur. La gestion des plannings est complexifiée, notamment parce que les missions confiées aux PADHUE ne sont pas les mêmes que celles des praticiens reconnus en tant que tels. À titre d’exemple, il leur est interdit de prescrire des recommandations thérapeutiques via une ordonnance, contrairement à leurs confrères. Ce type de problématique bloque les hôpitaux et les empêche souvent de s’installer dans une démarche de projet.

Troisièmement, enfin, cette réflexion est nécessaire pour les patients et la qualité des soins. Je ne doute pas que ces médecins, comme n’importe quel médecin, sont profondément attachés au principe d’une médecine de qualité, conforme à leur engagement et égale pour tous.

Malgré cela, et bien qu’ils semblent, dans leur grande majorité, présenter toutes les garanties de compétence et d’implication dans leur activité, nombreux sont ceux qui présentent de vraies lacunes dans la maîtrise de la langue française. Il n’est pas concevable qu’un praticien ne soit pas en mesure de se faire comprendre par ses malades. Cette incompréhension, doublée de l’interdiction de délivrer des ordonnances, ne peut que susciter des inquiétudes supplémentaires auprès d’une patientèle déjà fragilisée par la maladie.

En conclusion, mes chers collègues, le groupe La République En Marche votera cette proposition de loi, mais demande de façon pressante au Gouvernement que cette problématique soit véritablement intégrée et résolue dans le plan « Ma santé 2022 ». (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous avons à débattre et qui vient d’être abondamment décrite vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2020 un dispositif transitoire. Actuellement, sur les 4 000 praticiens à diplôme hors Union européenne exerçant en France, 300 à 350 praticiens se trouvent encore sous le régime transitoire, censé prendre fin le 31 décembre 2018. En conséquence, à cette date, ces derniers ne rempliront plus les conditions légales leur permettant d’exercer dans un établissement français, et ils seront contraints de cesser leurs fonctions. Or ces PADHUE travaillent la plupart du temps dans des spécialités sous forte tension ou au sein d’établissements confrontés à d’importantes difficultés de recrutement de personnel médical.

L’arrêt d’activité de ces centaines de praticiens aurait des conséquences graves, surtout dans le contexte actuel de progression de la désertification médicale. Sans cette autorisation d’exercice temporaire, de nombreuses structures ne seront plus en mesure d’exercer leurs missions par manque de moyens humains.

La présente proposition de loi s’impose donc, car elle permet de répondre à cette situation d’urgence, avec, pour objectif, de garantir la continuité du fonctionnement des établissements de santé français. Mais cette réponse législative, même si elle est nécessaire, n’est pas une solution pérenne. Je m’étonne qu’une réflexion sur l’intégration des praticiens diplômés hors Union européenne dans notre système de santé n’ait pas été menée plus tôt, d’autant plus que ces praticiens à diplôme étranger exercent pour la plupart dans des conditions précaires. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont dénoncé il y a un an déjà, avec l’appui du syndicat qui les représente.

Ces PADHUE exercent majoritairement à l’hôpital, sous statut salarié et dans des conditions difficiles. Ils sont embauchés dans des structures peu attractives – en clair, là où les autres ne veulent pas aller –, le plus souvent dans les services délaissés par leurs confrères français comme la gériatrie, la réanimation ou la psychiatrie, pour des rémunérations moindres, avec des contrats courts, ce qui ne leur permet pas de prétendre à des évolutions de carrière.

Ces praticiens bénéficient de conditions d’exercice bien moins favorables que celles de leurs confrères français ou diplômés dans l’Union européenne, alors même qu’ils exercent le même métier et qu’ils sont devenus nécessaires au bon fonctionnement du service public de la santé. En effet, entre 2007 et 2017, le nombre de praticiens ayant obtenu leur diplôme à l’étranger, dans l’Union européenne et hors de celle-ci, a quasiment doublé. Le bon fonctionnement de certains hôpitaux dépend d’ailleurs de leur présence. Par exemple, en 2017, l’hôpital de Château-Thierry, couplé avec celui de Soissons, employait 30 médecins titulaires de diplômes français, 10 titulaires de diplômes obtenus dans l’Union européenne et 19 titulaires de diplômes obtenus dans un pays n’appartenant pas à l’Union européenne.

Puisque les PADHUE occupent une place aussi importante dans notre système de santé, on ne peut se contenter d’une simple prorogation de l’autorisation temporaire d’exercice. Il est nécessaire de réfléchir à un vrai statut pour ces praticiens qui pallient les insuffisances de notre système de santé français, car c’est bien de cela qu’il s’agit ici. Comme l’affirmait d’ailleurs un médecin interrogé par le journal Libération à l’occasion des mobilisations qui ont eu lieu il y a un an : « Les médecins à diplômes étrangers sont le visage des impasses de nos hôpitaux. »

L’embauche de ces praticiens est en effet l’un des symptômes de la crise de l’hôpital. Elle est liée aux pénuries de personnel, à la désertification médicale, aux dégradations des conditions de travail dues aux restrictions budgétaires imposées depuis des décennies, au manque d’attractivité de certaines filières, à la concurrence déloyale du secteur privé qui entraîne une sorte d’exode médical au détriment du secteur public.

Et cette situation n’est pas près de s’améliorer ! Le numerus clausus a largement contribué à tarir le nombre de praticiens, aboutissant à une pénurie de professionnels de santé, notamment dans les établissements publics de santé. Les difficultés de recrutement, accrues pour les petites structures, les ont poussées à utiliser des méthodes alternatives : le recours à des praticiens intérimaires a explosé, alors même que son coût pour la sécurité sociale est énorme, tandis que les établissements de santé continuent d’embaucher des praticiens à diplôme étranger, alors même qu’il est théoriquement interdit d’embaucher des PADHUE n’ayant pas exercé en France avant le 3 août 2010.

Cette situation risque d’empirer à l’avenir, puisque, selon le syndicat des praticiens à diplôme hors Union européenne, 30 % de départs à la retraite interviendront à partir de 2020, laissant vacants environ 12 500 postes de praticiens hospitaliers.

La fin du numerus clausus annoncée par le Gouvernement est de nature à répondre en partie à cette situation. C’est une sage décision que nous appelions de nos vœux depuis longtemps, mais qui, jusqu’à présent, ne semblait pas pertinente à Mme la ministre de la santé. Je ne peux que saluer l’évolution positive de sa réflexion.

Toutefois, il me paraît nécessaire de rappeler que, en l’absence de moyens supplémentaires attribués aux universités, il n’y aura pas plus de praticiens formés à l’avenir. Cette décision positive doit donc s’accompagner d’une autre politique en matière de formation des professionnels de santé. Par ailleurs, les effets de la fin du numerus clausus ne devraient se faire ressentir que d’ici une dizaine d’années, le temps que la nouvelle génération de praticiens ait fini ses études.

Il est urgent de mener une réflexion plus générale sur notre service public de la santé, notamment sur le nombre de praticiens et leur répartition sur le territoire. Mais avant tout, il faut arrêter les coupes budgétaires, revaloriser les services devenus peu attractifs comme la gériatrie ou la psychiatrie, mettre un terme aux fermetures de services et aux suppressions de lits, maintenir les hôpitaux de proximité en développant systématiquement des centres de santé adossés à ces hôpitaux.

Parallèlement, il convient de construire un réel statut pour ces praticiens à diplôme étranger, sans qui de nombreux établissements de santé ne pourraient pas maintenir leur fonctionnement. C’est d’ailleurs ce que dénoncent certains directeurs d’établissements de santé comme celui de l’hôpital de Nevers, pour qui, sans les médecins à diplôme étranger, on devrait « fermer les hôpitaux de la Nièvre ».

Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. Mais, plus globalement, il faut revoir le statut de ces praticiens à diplôme étranger afin d’en finir avec la précarité de leur situation.

Enfin, madame la secrétaire d’État, j’attire votre attention sur la nécessité d’anticiper un certain nombre de réflexions et de ne pas vous limiter à une simple réorganisation de notre système de santé sans moyens à la hauteur des défis. Je déplore que la loi Santé que nous attendons avec impatience fasse l’objet d’ordonnances, muselant encore davantage les parlementaires que nous sommes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne contribuent au fonctionnement quotidien de nombre de services hospitaliers, en particulier dans les zones sous-dotées – cela a été rappelé. Il s’agit principalement de médecins, mais aussi de chirurgiens-dentistes, de sages-femmes et de pharmaciens. Les PADHUE, comme il est d’usage de les nommer, constituent ainsi une aide précieuse pour nos hôpitaux.

Selon une enquête récente du journal Libération – nous avons les mêmes lectures, ma chère collègue ! – dans l’Aisne, l’hôpital de Château-Thierry, couplé avec celui de Soissons, emploie 30 médecins titulaires du diplôme français, 10 venant de l’Union européenne et 19 de pays situés hors de l’Union européenne. Autre cas, l’hôpital François-Mitterrand de Nevers fonctionne avec 62 médecins à diplôme français, 15 issus de l’Union européenne, et 21 de pays hors de l’Union européenne.

À l’exception des hôpitaux universitaires et des établissements situés dans des régions attractives comme la côte Atlantique ou le sud de la France, les hôpitaux ne pourraient aujourd’hui fonctionner sans les médecins à diplômes étrangers. Autres exemples : l’hôpital de Gonesse, dans la banlieue nord de Paris, compte 131 médecins diplômés en France, 21 diplômés dans un État membre de l’Union européenne, et 61 diplômés dans un pays situé hors de l’Union. À Dreux, le taux est le même : 102 médecins à diplôme français, 68 à diplôme étranger.

Le Conseil national de l’ordre des médecins a publié une analyse fouillée de la situation. Au 1er janvier 2017, la France comptait 26 805 médecins titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger, parmi lesquels 22 619 exerçaient de façon régulière, soit 11,8 % du total des médecins en activité régulière, taux en hausse de 7,8 points par rapport à 2007. Deux sur trois choisissent l’exercice hospitalier. Si l’on excepte les zones attractives et les CHU, c’est bien souvent entre un tiers et près de la moitié de médecins à diplôme étranger qui exercent dans ces établissements, soit une hausse de près d’un tiers en sept ans.

Sécuriser l’exercice de ces professionnels de santé qui interviennent chaque jour auprès de nos concitoyens est une impérieuse nécessité. Néanmoins, la situation n’est pas nouvelle. En 1975, l’ouverture de la pratique de la médecine en France à des médecins européens n’a pas permis de combler le manque de praticiens médicaux. C’est la raison pour laquelle, dans les années 1980, il a été décidé d’ouvrir la pratique aux praticiens extracommunautaires.

En vue de sécuriser leur situation, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a instauré un dispositif d’autorisation temporaire accompagné d’une procédure dérogatoire d’autorisation de plein exercice sur examen dit « de la liste C », modifié et prorogé à deux reprises en 2012 et 2016. Sous réserve d’avoir exercé au moins trois années dans des établissements de santé français et d’avoir été recrutés avant le 3 août 2010, ces praticiens peuvent exercer temporairement, sous la responsabilité d’un praticien de plein exercice, à condition de passer cet examen de la liste C.

L’instauration de cette procédure dérogatoire vise à reconnaître le travail de ces professionnels de santé sans les contraindre à passer par la procédure de droit commun dite « de la liste A », qui prend la forme d’un concours n’offrant qu’un nombre de places très limité. L’examen dérogatoire de la liste C a permis à près de 10 000 PADHUE d’être intégrés dans notre système de santé. Mais ceux qui ne s’y sont pas soumis, ou qui ont échoué, se retrouvent dans une situation délicate, puisqu’ils ne disposent pas d’une autorisation d’exercice pleine et entière.

L’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est de proroger le dispositif d’autorisation temporaire en faveur des praticiens visés – 300 à 350 selon la direction générale de l’offre de soins – de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020. À défaut, ils ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions et devront cesser leur activité. Les établissements de santé ne supporteraient pas une rupture aussi brutale.

Parce qu’il est urgent de sécuriser le fonctionnement quotidien des hôpitaux, la commission des affaires sociales a adopté à l’unanimité et sans modification, le texte qui lui a été soumis. Cet objectif est éminemment prioritaire.

La proposition de loi ne règle pas pour autant la situation des 3 000 à 4 000 praticiens recrutés depuis 2010 comme contractuels, qui échappent tant au contrôle des ministères que des agences régionales de santé. Elle ne met pas fin à un statut précaire et injuste.

Depuis vingt ans, la situation s’est certes améliorée, mais rien n’est encore achevé, car le flux reste continu. Le mois dernier, plus d’une centaine de médecins diplômés hors de l’Union européenne travaillant dans des hôpitaux français se sont rassemblés devant le ministère de la santé pour réclamer la régularisation de leur situation et la plénitude d’exercice.

Le Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne pointe du doigt la « situation alarmante » des praticiens travaillant dans les hôpitaux publics et faisant fonction d’interne ou de praticien attaché associé avec de faibles rémunérations, des contrats courts et sans perspectives d’évolution.

L’exercice de leurs compétences est limité, et ces praticiens sont placés sous la responsabilité d’un titulaire. Leur rémunération est près de deux fois inférieure à celle de leurs collègues diplômés en France au regard de leurs responsabilités effectives, sachant qu’ils assurent de nombreuses heures de garde et ont la confiance de leur chef de service.

Entre 2 000 et 3 000 postes de praticiens hospitaliers demeurent vacants en France, sachant que 30 % de départs à la retraite sont par ailleurs prévus à partir de 2020, soit environ 12 500 postes de praticiens hospitaliers susceptibles d’être vacants.

La future loi, madame la secrétaire d’État, devra améliorer les conditions d’intégration dans le système de santé français des PADHUE, mais également sécuriser les processus de vérification des compétences acquises. Il appartiendra donc au Gouvernement de proposer un dispositif efficace qui garantira à la fois un accueil digne à ces praticiens, mais aussi la qualité des soins offerts.

La direction générale de l’offre de soins, en concertation avec le syndicat des PADHUE, semble avoir avancé – vous nous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État –, sur une proposition de refonte du dispositif existant qui sera présentée dans le cadre de la future loi Santé. Nous nous en réjouissons.

Dans l’attente, nous voterons pour la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi sur laquelle nous nous penchons aujourd’hui revêt un caractère d’urgence qui en démontre à la fois la nécessité et les limites.

Instauré en 2007 et prorogé à deux reprises, un régime dérogatoire permet aux praticiens à diplôme hors Union européenne d’exercer de manière temporaire, et sous certaines conditions, dans l’attente d’une réussite à l’examen… lui-même dérogatoire.

Si la procédure est plutôt claire pour le dispositif de droit commun qui prévoit un concours portant sur les connaissances et la maîtrise de la langue, nous entrevoyons ici la complexité des deux régimes dérogatoires, mais aussi la difficulté de maintenir un niveau correct d’accès aux soins dans un contexte de désertification médicale.

Identifiée depuis plus de dix ans, cette problématique a poussé le législateur à adopter une solution de court terme pour les établissements de santé ayant du mal à recruter leurs praticiens. Dès 2007, la nécessité de proposer une solution de long terme avait été soulignée. Et nous nous trouvons donc, à la fin de 2018, à devoir examiner dans l’urgence une nouvelle prorogation qui ne règle en rien le problème.

Cette proposition de loi présente tout de même le mérite d’exister. Elle répond d’abord aux fortes inquiétudes des praticiens concernés et des établissements qui les accueillent, à la suite de la censure, par le Conseil constitutionnel, de certaines dispositions du projet de loi Asile et immigration. Il était bien sûr nécessaire de légiférer avant la date butoir du 31 décembre 2018 : nous prendrons donc toute notre responsabilité sur ce point.

Cette proposition de loi répond ensuite aux exigences spécifiques des établissements confrontés à des difficultés de recrutement. Il s’agit non pas de « bricoler », mais de prendre en compte la diversité des situations pour garantir une certaine forme d’égalité et de continuité territoriales. Nous avons bien conscience que cette proposition de loi n’aurait pas lieu d’être si le nombre de postes non pourvus dans les hôpitaux n’était pas aussi important. C’est précisément parce que nous manquons de médecins qu’un régime dérogatoire a été instauré.

Sur cette question de l’accès aux soins, nous pensons pouvoir compter sur l’engagement du Gouvernement. Il a démontré depuis un an et demi sa capacité à imaginer des solutions, que nous avons soutenues pour la plupart et dont nous connaîtrons, je l’espère, les premiers effets d’ici quelque temps.

Dans cette attente, nous avons besoin d’intégrer ces praticiens dans notre système de santé. Nous leur devons la sécurité, si ce n’est la pérennité. Dans certains territoires, dont celui que je connais plus particulièrement, la Meurthe-et-Moselle, ils sont partie intégrante de notre organisation des soins. Nous ne pouvons fragiliser tout un système ; une cessation brutale de leur activité aurait en effet de lourdes conséquences.

Cela ne doit toutefois pas nous faire oublier l’impérieuse nécessité d’engager au plus vite une réflexion concertée. La mise en place d’un dispositif pérenne est la seule garantie d’une intégration durable de ces praticiens, confrontés depuis de trop nombreuses années à la précarité et à des conditions de travail et de rémunération bien moins avantageuses que celles de leurs confrères français. Le ministère semble s’être engagé à faire figurer ce nouveau dispositif dans le futur projet de loi Santé en 2019. Après des années de report, nous en attendons beaucoup.

Le périmètre de cette proposition de loi est limité, car il concerne entre 300 et 350 praticiens, selon les estimations de la DGOS. Si la plupart d’entre eux ont su se rendre indispensables, il faudra néanmoins étudier ce dossier en prenant un peu de hauteur. Trois dispositifs sont aujourd’hui prévus pour permettre la pratique des médecins diplômés hors Union européenne. Ces dispositifs sont une garantie pour la qualité des soins et, surtout, la sécurité des patients.

Notre système de santé est reconnu à travers le monde pour son exigence et son excellence. Il est indispensable de les préserver, y compris dans les territoires sous-dotés, qui n’ont pas à pâtir de l’absence totale d’aménagement du territoire et de vision à long terme que nous subissons depuis des décennies. La désertification médicale n’empêche pas l’ambition ; il est nécessaire de trouver des solutions alternatives, acceptables par le plus grand nombre.

J’en terminerai par un point que j’ai déjà évoqué au cours de mes précédentes prises de parole : l’exercice probatoire réalisé après concours ou examen par les praticiens diplômés hors Union européenne a lieu aujourd’hui en milieu hospitalier. Nous avons déjà eu ce débat au sujet de la réforme des études médicales : nous savons que le lieu de stage détermine en grande partie les choix d’installation des médecins par la suite. Puisque nous manquons cruellement de praticiens en médecine de ville, ne serait-il pas intéressant d’ouvrir l’exercice probatoire à des structures moins hospitalo-centrées ? Pour cela, nous le savons, le rôle de maître de stage doit être rendu plus attractif, car nous manquons aussi cruellement de volontaires.

Pour conclure, vous l’aurez compris, le groupe du RDSE votera en faveur de ce texte, conscient qu’une inaction entraînerait la fragilisation de la situation de nombreux établissements et praticiens. Nous ne manquerons pas, cependant, de regarder avec attention les propositions pérennes qui seront formulées ces prochains mois. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Michel Canevet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Bonne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, c’est un de mes collègues parlementaires de la Loire, député, et médecin lui aussi, qui a déposé à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne dont nous débattons aujourd’hui.

« Débattre » n’est sans doute pas le terme approprié, puisque, comme cela fut le cas à l’Assemblée nationale, ce texte, qui a été adopté sans modification par notre commission des affaires sociales, sera sans aucun doute voté conforme dans cet hémicycle, même s’il appelle plusieurs remarques.

Je ne reviendrai pas sur l’empilement successif des dispositifs législatifs qui ont régi et régissent encore le cadre d’exercice de ces médecins, infirmiers et autres praticiens étrangers. Notre collègue rapporteur a parfaitement rappelé le cadre juridique particulièrement complexe qui s’applique à ces personnels de santé, notamment les différentes voies d’accès leur permettant d’exercer en France.

Ainsi, ceux qui n’ont pas pu accéder, notamment par voie de diplôme, à une activité pérenne ou de plein exercice, relèvent d’un dispositif transitoire d’autorisation temporaire d’exercice, à condition qu’ils aient été recrutés avant le 3 août 2010 et qu’ils aient été en poste au 31 décembre 2016.

Or ce mécanisme, dit de la « liste C », arrive à expiration à la fin du mois. Mais si 300 médecins, selon les chiffres de la DGOS, relèvent de ce régime de l’autorisation temporaire d’exercice, près de 4 000 à 5 000 professionnels travaillent dans nos hôpitaux hors de tout cadre juridique sécurisé.

Cette situation n’est pas acceptable, et elle n’a que trop duré.

Elle n’a que trop duré, tout d’abord, pour ces médecins eux-mêmes. Plusieurs d’entre nous ont relevé les conditions de travail qu’ils subissent : ils exercent sur la base de contrats précaires, sans statut spécifique, assortis de rémunérations très faibles, sans avoir le droit de prescrire et, bien souvent, avec de grosses contraintes horaires. En d’autres termes, ces médecins sont devenus la variable d’ajustement pour faire face au manque de personnel dans les zones sous-dotées.

Comment se fait-il que, depuis 2016, date du dernier report de deux ans, les pouvoirs publics n’aient pas réglé la question du cadre juridique d’emploi de ces médecins ? Ce nouveau délai, décidé en urgence, doit être mis à profit pour régulariser leur situation et celle de tous les PADHUE actuellement en activité sur notre territoire.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Bernard Bonne. Si, comme cela a été annoncé, cette question doit être examinée dans le cadre du futur projet de loi Santé, il va sans dire qu’une solution pérenne et sécurisée doit être apportée pour tous.

Cette situation n’a que trop duré, ensuite, pour les établissements hospitaliers. En vertu du principe d’autonomie de gestion des hôpitaux, ces établissements recrutent librement, souvent sur la base de contrats de gré à gré. Or les hôpitaux se sont tournés vers le recrutement de praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne, que la loi interdit depuis 2012. En procédant ainsi, ils ont donc agi en toute illégalité, même si souvent c’était par ignorance, notamment pour faire face au manque de personnel médical dans les zones tendues.

Ainsi, dans la plupart des départements, le taux de recrutement et d’installation de médecins étrangers dépasse souvent 50 % du total. J’ajoute que ces recrutements en nombre posent problème pour l’activité et le fonctionnement des établissements, et qu’ils ne sont pas sans conséquence sur la qualité des soins.

Sans préjuger de la compétence de ces médecins étrangers, il faut souligner qu’il n’est pas du tout normal qu’ils ne puissent être inscrits à l’ordre des médecins et que ce dernier ne puisse ni réguler leur recrutement ni vérifier leurs qualifications professionnelles.

En définitive, cette situation traduit les dysfonctionnements de notre système de santé : nous bloquons l’accès aux études de médecine à des étudiants en France, et nous nous voyons ensuite obligés de recourir au recrutement de médecins diplômés dans l’Union européenne et en dehors de l’Union européenne pour occuper les postes vacants.

Madame la secrétaire d’État, le champ d’intervention du futur projet de loi Santé s’élargit encore ! Le Sénat veillera à ce que l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne soit enfin sécurisé et pérennisé. Il veillera à remettre un peu de bon sens au cœur de notre système de santé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Jomier applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors union européenne

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

(Non modifié)

Au deuxième alinéa du IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, l’année : « 2016 » est remplacée par l’année : « 2018 » et l’année : « 2018 » est remplacée par l’année : « 2020 ».

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l’article unique.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce constat a été dressé : les praticiens diplômés hors Union européenne exerçant en France comblent généralement le déficit de médecins dont souffrent de trop nombreuses zones de notre territoire.

Les PADHUE exercent souvent au sein de spécialités souffrant d’une situation de tension particulièrement prononcée. Ces praticiens sont donc indispensables pour assurer le fonctionnement de notre système de santé, et nous devrions tout faire pour les intégrer le mieux possible.

Outre ce problème général, qui, comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, méritera une réflexion d’ensemble, j’appelle l’attention sur les spécificités des PADHUE français, qui sont souvent binationaux. Il s’agit d’une situation que je connais bien et que je dénonce depuis de nombreuses années.

Près de trois millions de nos concitoyens résident à l’étranger ; beaucoup y sont installés de manière permanente, avec leur famille. Les jeunes de ces familles y poursuivent, logiquement, leur scolarité, puis leurs études supérieures. Parmi eux, les titulaires d’un diplôme permettant l’exercice de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme dans le pays où ils ont grandi et étudié ont souvent le désir légitime de poursuivre leur spécialisation en France ou d’y occuper un poste de faisant fonction d’interne.

Eh bien, ces PADHUE de nationalité française ne se voient pas reconnaître les mêmes droits que leurs condisciples de nationalité étrangère, titulaires eux aussi d’un diplôme étranger.

Une fois de plus, je dénonce la discrimination que subissent nos concitoyens praticiens diplômés à l’étranger du fait de leur nationalité française. En effet, il est anormal que deux personnes ayant obtenu le même diplôme ne puissent parfaire leurs connaissances scientifiques et techniques, ou encore occuper des postes de faisant fonction d’interne, en France, dans les mêmes conditions.

Madame la secrétaire d’État, j’espère que le texte de loi que vous prévoyez pour 2019 permettra de mettre un terme à cette situation de discrimination.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Martine Berthet, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, je le rappelle à mon tour, cette proposition de loi ne permettra de régulariser que 300 à 350 situations, pour 4 000 à 5 000 personnes concernées. (Mme la secrétaire dÉtat le concède.) En attendant qu’une solution pérenne soit mise en place par le futur projet de loi Santé, dont nous espérons pouvoir débattre bientôt dans cet hémicycle, je m’interroge quant aux moyens qui seront mis en œuvre pour que les hôpitaux ne recrutent pas de nouveaux praticiens à diplôme hors Union européenne.

Vote sur l’ensemble

Article unique (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme Laurence Cohen. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien entendu vos questions et les attentes que vous avez exprimées. Je confirme que le plan « Ma santé 2022 » trouvera sa traduction dans un projet de loi qui sera étudié en 2019. Ce texte permettra, notamment, de répondre aux objectifs suivants : mettre fin à la précarité que subissent de nombreux professionnels dans les hôpitaux ; garantir la qualité et la sécurité des soins, en assurant des compétences ; assurer, de manière pérenne, le maintien de l’offre de soins pour nos concitoyens. À travers ces sujets, nous traitons donc bien des PADHUE.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. On le souhaite !

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Enfin, comme je l’ai dit en préambule, l’ensemble des parlementaires seront pleinement associés aux travaux relatifs à ce texte.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne
 

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Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer
Discussion générale (suite)

Sortie de l’indivision successorale et politique du logement en outre-mer

Discussion en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer (proposition n° 200, texte de la commission n° 211, rapport n° 210).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, alors qu’arrive à son terme le processus législatif de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, permettez-moi de revenir, en quelques instants, sur la genèse de ce texte.

Il y a quelques jours, j’étais sur le terrain,…

Mme Annick Girardin, ministre. … à La Réunion, qui a été – vous le savez tous ici – largement secouée par une crise profonde. Comme toujours outre-mer, certains ressorts de la crise étaient purement locaux, liés à un contexte particulier, mais d’autres faisaient écho, sans doute, aux questions soulevées à l’échelle nationale.

Bien sûr, lors de mes échanges avec les Réunionnaises et les Réunionnais, la question foncière et la difficulté à accéder à un logement dans les territoires d’outre-mer ont été abordées à plusieurs reprises. Vous n’en êtes sans doute pas surpris, car vous connaissez ces problématiques : il s’agit là d’un trait commun à la majorité des collectivités ultramarines, quel que soit leur statut.

Toutefois, ce que tenaient aussi à dire les Réunionnaises et les Réunionnais, c’est une exigence à l’égard de leurs élus, de tous leurs élus, qu’ils soient locaux ou nationaux. Cette exigence est exprimée avec force. Elle l’est parfois avec excès, lorsque c’est le principe même de la représentation qui est mis en cause. Il faut bien sûr condamner cette dérive, qui ne peut conduire qu’à une impasse. C’est pourquoi j’ai tenu à le rappeler : ce n’est qu’avec les élus des territoires que la sortie de crise, à La Réunion comme partout ailleurs, doit se construire.

Cela étant, notre responsabilité est aussi d’entendre cette exigence et d’y apporter des réponses. Nos concitoyens demandent des solutions pratiques, rapides et concrètes, face à leurs difficultés du quotidien, et ils comptent sur leurs représentants pour travailler, inlassablement, dans le sens de l’intérêt général.

La proposition de loi du député Serge Letchimy est un bel exemple de ces solutions : fruit d’un travail collectif, elle répond à une préoccupation concrète de nos concitoyens et démontre notre capacité collective à adapter le droit aux multiples réalités du terrain.

Déposée par un parlementaire n’appartenant pas à la majorité, cette proposition de loi a été, dès l’origine, accompagnée par le Gouvernement. L’Assemblée nationale et le Sénat ont apporté chacun des modifications permettant d’améliorer sensiblement le texte, qui a été systématiquement soutenu par l’ensemble des groupes parlementaires. Quant à la commission des lois du Sénat, elle a apporté un soutien et une expertise qui ont permis de faire évoluer les dispositions de cette proposition de loi. Je tiens à en remercier M. le président de la commission.

En définitive, c’est un travail collectif remarquable qui a été mené ; et, à mon sens, il est à la hauteur de l’enjeu. Le présent texte nous semble finalisé, grâce au regard croisé des deux assemblées.

L’enjeu n’est pas anodin : dans la majorité des outre-mer, la question foncière est une problématique ancienne dont chacun mesure, au quotidien, les effets négatifs sur le développement économique et social.

Monsieur le rapporteur, le sujet est bien documenté, notamment grâce au rapport du 23 juin 2016 de la délégation sénatoriale aux outre-mer, travail dont vous étiez le coordinateur. Les causes de ces difficultés sont multiples : articulation avec la coutume dans certains territoires, enjeu des cinquante pas géométriques dans d’autres. Mais le fardeau de l’indivision s’observe presque partout.

Les situations d’indivision sont devenues inextricables, car elles résultent de dévolutions successorales non réglées, parfois même non ouvertes, sur plusieurs générations. Ainsi, en Martinique, 26 % du foncier privé est géré en indivision et 14 % supplémentaires correspondent à des successions ouvertes. À Mayotte, le territoire de certaines communes se trouve presque intégralement en situation d’indivision. En Polynésie française, les nombreuses indivisions réunissent parfois des centaines d’indivisaires à la faveur de successions non liquidées depuis quatre à cinq générations ; elles alimentent l’abondant contentieux des « affaires de terre ».

Je pourrais continuer la liste des méfaits de l’indivision, en citant tous les territoires concernés. Il en résulte chaque fois un foncier gelé, des immeubles à l’abandon, des appropriations abusives, bref, un désordre réel découlant du désordre juridique initial.

En réponse, les pouvoirs publics ont longtemps renvoyé à l’application des règles de gestion de l’indivision de droit commun, fondées sur la règle de l’unanimité ou des deux tiers des droits indivis. En d’autres termes, l’on s’est contenté d’invoquer les principes et, pendant trop longtemps, aucune solution n’a été proposée.

Il a fallu de l’audace, au sein de chaque chambre, mais aussi au sein du ministère de la justice – à ce titre, je tiens à remercier ma collègue garde des sceaux de son implication dans ce projet –, pour franchir les obstacles presque insurmontables que le droit semblait ériger. Et pourtant, nous y sommes arrivés, tous ensemble.

L’ambition nécessaire pour débloquer les situations d’indivision qui entravent le développement des territoires a su préserver – c’est essentiel – le respect du droit de propriété et du principe d’égalité devant la loi. Le texte est donc, à présent, équilibré.

Le Gouvernement a d’ailleurs fait le choix de répondre favorablement à une suggestion formulée par le Sénat, en maintenant l’élargissement de l’exonération fiscale existant à Mayotte à l’ensemble des outre-mer, comme prévu à l’article 2 bis. Ainsi, une fiscalité incitative permettra de dynamiser le dispositif législatif et de le rendre attractif.

Je note d’ailleurs que, emportés par la volonté de bien faire, ni les commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale ni les services du Gouvernement n’ont relevé que l’article 2 bis comportait une erreur : cet article modifie le code général des impôts, qui n’est pas applicable dans ce que l’on appelle « les trois Saints », à savoir Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Nous en prenons note !

Mme Annick Girardin, ministre. Aujourd’hui, il faut donc apporter une réponse à cette question, et je remercie M. Artano d’avoir appelé l’attention collective sur ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette erreur sans portée juridique sera corrigée lors du prochain texte financier qui vous sera soumis, afin de lever toute ambiguïté. En procédant ainsi, nous pourrons avancer, comme nous le souhaitons, sur la base d’une volonté politique commune.

Avant de conclure, je tiens à souligner que cette proposition de loi est un bel exemple de la différenciation voulue par le Président de la République pour les territoires ultramarins.

Vous le savez, ces territoires sont confrontés à des enjeux propres, auxquels il convient de répondre par des politiques publiques adaptées. C’est d’ailleurs sur ce fondement qu’il a été décidé, en plein accord avec les parlementaires polynésiens, de retirer du texte le dispositif relatif à la Polynésie, pour le renvoyer à un autre texte de loi,…

M. Bruno Sido. Ce ne sont pas de bons procédés !

Mme Annick Girardin, ministre. … dont la discussion débutera très vite, au Sénat, en 2019.

Un groupe de travail associant l’État, les parlementaires et le pays est à l’œuvre pour définir les solutions les plus adaptées à ce territoire. J’en suis convaincue : faire droit aux attentes locales parfois spécifiques, ce n’est pas renoncer à l’unité de la République et de notre ordre juridique. C’est, au contraire, la renforcer, en démontrant que notre droit sait être agile pour répondre ou correspondre aux besoins des territoires, aux impératifs locaux.

C’est précisément lorsque nous ne nous donnons pas la peine d’adapter la législation aux réalités locales que nous créons des décalages entre les territoires d’outre-mer et la République, entre les citoyens et leurs élus. Or ces décalages sont le terreau de remises en cause plus larges et plus périlleuses.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous incite à soutenir sans réserve la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner en deuxième lecture la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.

Ce texte avait été déposé le 6 décembre 2017, à l’Assemblée nationale, par M. Serge Letchimy et les membres du groupe Nouvelle Gauche et apparentés, puis adopté le 18 janvier 2018.

Comme l’a souligné à plusieurs reprises notre collègue député Serge Letchimy, également rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi est inspirée du rapport d’information de 2016 sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer, que nos collègues Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu, que je salue, et moi-même avions rendu au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Elle vise à lutter contre les situations d’indivision inextricables qui existent dans les territoires ultramarins.

Cette indivision durable et généralisée s’explique par diverses raisons propres à chaque territoire, développées dans le rapport que nous avons commis.

En raison du nombre des indivisaires et de leur éparpillement géographique notamment, l’unanimité est particulièrement difficile à obtenir, ce qui bloque tout projet de vente ou même de réhabilitation des biens. Cette situation stérilise une grande partie du foncier disponible dans des territoires où celui-ci est rare. L’activité économique, tout comme la politique d’équipement des collectivités territoriales en sont entravées.

Le texte que nous examinons propose donc la mise en place d’un dispositif dérogatoire et temporaire de sortie d’indivision, applicable jusqu’au 31 décembre 2028.

À l’issue de son examen en première lecture à l’Assemblée nationale, l’article 1er de cette proposition de loi prévoyait que les biens indivis situés dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, et relevant de successions ouvertes depuis plus de cinq ans, pouvaient faire l’objet d’un partage ou d’une vente sur l’initiative des indivisaires titulaires en pleine propriété de plus de la moitié des droits indivis. Ce dispositif ne s’appliquait pas si l’un des indivisaires se trouvait dans une situation de faiblesse protégée par la loi.

L’article 2 de la proposition de loi autorisait le notaire à accomplir la vente ou le partage, à défaut d’opposition des indivisaires minoritaires, dans les trois mois suivant la notification du projet par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires, sa publication dans un journal d’annonces légales, ainsi que sa publicité par voie d’affichage et sur un site internet. En cas d’opposition d’un ou de plusieurs indivisaires minoritaires, les indivisaires majoritaires qui souhaitaient vendre le bien ou procéder à son partage devaient saisir le tribunal.

Les articles 3 et 4 avaient été supprimés et inclus dans l’article 2, pour une meilleure lisibilité de la procédure.

L’article 5, ajouté par l’Assemblée nationale, visait à adapter le dispositif d’attribution préférentielle, prévu au 1° de l’article 831-2 du code civil, aux spécificités polynésiennes. Il permettait à un héritier copropriétaire ou au conjoint survivant de demander l’attribution préférentielle du bien, s’il démontrait qu’il y avait sa résidence « par une possession continue, paisible et publique depuis un délai de dix ans antérieurement à l’introduction de la demande ». Cette attribution préférentielle s’exerçait sous le contrôle du juge.

L’article 6, également ajouté par l’Assemblée nationale, visait à empêcher la remise en cause, par un héritier omis, d’un partage judiciaire transcrit ou exécuté. L’héritier omis ne pouvait alors que « demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage ». Pour éviter d’éventuels abus, cette dérogation était limitée aux hypothèses dans lesquelles le partage a été fait en justice.

Tout en s’inscrivant dans la continuité des travaux engagés par l’Assemblée nationale, en première lecture, le Sénat avait apporté au texte d’importantes modifications de nature à renforcer encore l’efficacité du dispositif tout en lui apportant de nouvelles garanties en termes de sécurité juridique.

À l’article 1er, nous avions étendu l’application du dispositif dérogatoire aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Nous avions ensuite prévu que ce dispositif ne s’appliquerait qu’aux successions ouvertes depuis plus de dix ans, et non pas aux successions ouvertes depuis plus de cinq ans, pour permettre aux héritiers d’exercer pleinement les actions qui leur sont ouvertes par le code civil, comme l’action en possession d’état pour établir une filiation post mortem avec le de cujus, qui se prescrit par dix ans, ou l’option successorale, qui peut être exercée par l’héritier dans ce même délai.

Enfin, par souci de cohérence, nous avions modifié, pour les territoires concernés par le dispositif, la majorité requise pour effectuer des actes d’administration ou de gestion, jusqu’à présent fixée aux deux tiers des droits indivis. Nous l’avions ramenée à la moitié des droits indivis, pour éviter qu’il ne soit plus difficile d’effectuer ces actes que de procéder à des actes de disposition.

À l’article 2, en cas de projet de vente du bien à une personne étrangère à l’indivision, nous avions prévu la possibilité, pour tout indivisaire qui le souhaiterait, d’exercer un droit de préemption pour se porter acquéreur du bien aux prix et conditions de la cession projetée.

Enfin, en séance publique, nous avions adopté un amendement de notre collègue Guillaume Arnell, qui avait pour objet de porter de trois à quatre mois le délai dont disposeraient les indivisaires pour s’opposer à la vente ou au partage d’un bien immobilier, lorsque ces indivisaires sont nombreux ou domiciliés, pour certains d’entre eux, à l’étranger.

Pour encourager les héritiers à partager les biens indivis, nous avions introduit dans le texte un nouvel article 2 bis, qui instituait une exonération de droit de partage de 2,5 % pour les immeubles situés dans les territoires ultramarins concernés par le dispositif dérogatoire de sortie d’indivision.

Nous avions également introduit dans le texte, sur l’initiative de notre collègue Lana Tetuanui, un article 5 A qui consacrait la possibilité de procéder, en Polynésie française, à un partage du bien par souche, quand le partage par tête est rendu impossible, en raison notamment du nombre d’héritiers ou de l’ancienneté de la succession.

À l’article 5, nous avions étendu aux autres collectivités ultramarines concernées par le texte l’application du mécanisme créé au bénéfice de la Polynésie française, consistant à permettre au conjoint survivant ou à un héritier copropriétaire de bénéficier de l’attribution préférentielle du bien.

Nous avions procédé à la même extension, à l’article 6, au titre du dispositif visant à empêcher la remise en cause d’un partage judiciaire transcrit ou exécuté par un héritier omis à la suite d’une erreur ou d’une ignorance.

Le Sénat avait adopté la proposition de loi ainsi modifiée le 4 avril 2018. Ce texte a été adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 12 décembre 2018, sans modification substantielle de fond.

L’Assemblée nationale a adopté trois amendements de précision rédactionnelle déposés par le rapporteur de la commission des lois, Serge Letchimy.

Elle a également adopté cinq amendements du Gouvernement.

Le premier tendait à lever le gage prévu par le Sénat pour compenser la perte de recettes résultant pour l’État de l’exonération de droit de partage prévue à l’article 2 bis.

Les trois amendements suivants visaient, en accord avec les parlementaires polynésiens, à retirer du texte les dispositions relatives à la Polynésie française, afin de les renvoyer au projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française et au projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française, présentés en conseil des ministres et déposés sur le bureau du Sénat le mercredi 12 décembre dernier. Ces textes devraient être examinés au cours du premier semestre de 2019.

Enfin, le dernier amendement adopté tendait à apporter une clarification rédactionnelle.

Mises à part les dispositions relatives à la Polynésie française, qui devraient être traitées par les textes spécialement consacrés à ce territoire, la proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale sans modification substantielle. Aussi, la commission l’a-t-elle adoptée à son tour sans modification, ce matin, afin qu’elle puisse être définitivement votée par le Parlement avant la fin de l’année 2018, soit environ un an après son dépôt.

Pour ma part, je me réjouis de constater que les craintes de certains de nos collègues quant à l’aboutissement rapide de la navette parlementaire étaient infondées et que les exigences de qualité de la loi, que nous avons défendues en première lecture, ont prévalu. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, étant donné les temps de parole fixés pour cette discussion générale, nous suspendrons la séance, comme prévu, à seize heures trente, et nous reprendrons nos débats après les questions d’actualité au Gouvernement.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe Union Centriste et moi-même sommes heureux que cette proposition de loi revienne devant notre assemblée, après un premier examen en avril au cours duquel nous l’avions sensiblement enrichie.

Vue de métropole, la problématique de l’indivision successorale dans les outre-mer peut sembler anecdotique, mais il s’agit en réalité d’un sujet majeur pour l’aménagement et le développement de ces territoires, dont les spécificités géographiques, sociales et historiques rendent nécessaire l’adaptation des modalités de sortie de ce régime, lequel bloque la libération du foncier, pourtant rare, et engendre de nombreuses nuisances.

Particulièrement criante en métropole, la question du logement est encore plus critique dans nos outre-mer. Les biens sont peu nombreux, alors que la population continue à augmenter, faisant mathématiquement grimper les prix en flèche. Nombre de nos compatriotes rencontrent donc les pires difficultés à loger décemment leur famille. Parallèlement, beaucoup de biens immobiliers, bâtis ou libres de construction, sont détenus en indivision par de multiples héritiers, parfois fort éloignés géographiquement. Ces successions sans issue bloquent toute possibilité de sortie dans un délai acceptable, limitant encore la disponibilité du foncier et la rotation des biens sur le marché immobilier.

Faciliter la sortie de l’indivision ne réglera pas la situation du logement dans les outre-mer, mais cette mesure est tout de même un vecteur important d’amélioration et représente un pas en avant significatif.

Les indivisions problématiques sont, en outre, à l’origine d’autres effets néfastes pour la population comme pour les pouvoirs publics. Elles peuvent engendrer du délabrement et de l’insalubrité, en raison du squat de certains logements indivis, et de grandes complications pour la collecte de la taxe foncière. Ces difficultés ont très bien été identifiées par l’auteur de la proposition de loi, notre collègue député Serge Letchimy, dont je salue la qualité du travail. Il convient donc, pour toutes ces raisons, d’y remédier au plus vite.

Ces situations pouvant être constatées dans l’ensemble des outre-mer français, l’élargissement du champ d’application de la proposition de loi initiale à des collectivités ultramarines non mentionnées à l’article 73 de la Constitution a été introduit fort à propos. Je tiens à saluer ici la souplesse de l’auteur en ce sens.

Je souhaite cependant dire un mot du cas de la Polynésie française. Sous l’action de mes estimées collègues la députée Maina Sage et la sénatrice Lana Tetuanui, la proposition de loi avait en effet été enrichie de dispositions utiles pour ce territoire.

Si l’Assemblée nationale a, sur proposition du Gouvernement, supprimé de ce texte les références à la Polynésie française, c’est pour mieux les reprendre dans un prochain projet de loi consacré à ce territoire et à ses spécificités.

Nous rejoignons le Gouvernement dans cette approche, mais nous resterons vigilants, madame la ministre, afin que les intérêts des Polynésiens soient garantis, sur ce sujet comme sur d’autres. Les problématiques successorales et foncières en Polynésie méritent en effet d’être traitées dans un texte spécifique et je sais que nous pouvons compter sur nos collègues polynésiens pour s’investir pleinement dans les travaux à venir.

Cette proposition de loi nous donne par ailleurs l’occasion de réfléchir une nouvelle fois au bien-fondé d’une législation différenciée entre les territoires. Nous voyons ici, de manière particulièrement criante, l’intérêt de telles adaptations – même temporaires – de notre droit aux réalités vécues dans chacun d’entre eux. Il serait bon que cette différenciation, si utile à l’outre-mer, puisse également trouver une traduction sur le territoire métropolitain.

Le groupe Union Centriste soutiendra donc cette proposition de loi, en saluant un bel exemple de la qualité de l’initiative parlementaire et de l’intérêt du travail en bonne intelligence entre les différentes sensibilités politiques et entre les deux assemblées. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et au banc des commissions. – MM. Bruno Sido et Stéphane Artano applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans les territoires ultramarins, il est malheureusement fréquent que des successions ne soient pas réglées sur plusieurs générations, que des partages ne soient pas faits ou ne soient pas correctement enregistrés entre plusieurs dizaines, parfois plusieurs centaines, d’ayants droit indivisaires. Les situations d’indivision, durables et généralisées, sont devenues inextricables !

Elles trouvent leur origine dans des facteurs propres à chaque territoire, notamment le coût des mutations et des taxes sur les successions pour des familles souvent modestes, le recours peu fréquent, ou tardif, aux notaires, la méfiance des familles et la crainte de la spoliation. Cette situation particulière du foncier ultramarin a été très bien décrite dans le rapport d’information de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Face à cela, le législateur a souhaité intervenir pour adapter les règles de droit commun aux caractéristiques et aux contraintes spécifiques de ces territoires d’outre-mer, en mettant en place un dispositif dérogatoire et temporaire de sortie de l’indivision, applicable jusqu’au 31 décembre 2028.

Cette proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale est un texte consensuel. Son principe emporte l’adhésion de tous les groupes politiques et de tous les parlementaires, ainsi que nous avons pu le constater lors des débats en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les décisions prises sont simples et compréhensibles, les dispositions législatives et réglementaires claires et de bon sens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne peut que s’en réjouir. C’est pourquoi nous soutenons la proposition de loi et souhaitons son adoption unanime. Son entrée en vigueur doit se faire rapidement, car elle est attendue.

Je voudrais m’arrêter un instant sur le cas de la Polynésie française.

Le Sénat a voulu voter un texte traitant de l’ensemble des outre-mer, dont la Polynésie française, mais, comme nous le savons à présent, une loi organique et une loi ordinaire spécifiques à la Polynésie française devraient être examinées l’année prochaine par le Parlement. Nous nous en tiendrons donc à une version plus légère, en attendant d’autres véhicules pour traiter ce sujet. Très concernés par les débats à venir, les membres de notre groupe seront attentifs aux dispositions qui en feront l’objet.

Avant de conclure, je souhaite saluer, à cette tribune, le travail effectué par notre rapporteur, Thani Mohamed Soilihi, sur un sujet aussi important et primordial pour les territoires ultramarins que la sécurisation du foncier.

Madame la ministre, mes chers collègues, comme je l’ai déjà précisé, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra cette proposition de loi qui constitue un bel exemple de travail transpartisan, témoignant ainsi de l’union de toute la Nation avec les outre-mer. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’indivision successorale devient un obstacle insurmontable dans nombre de nos territoires ultramarins, paralysant la prise de décision au sein des familles et gelant tous les projets d’aménagement et de mise en valeur du foncier.

Notre rapporteur, dont je salue le travail, a parfaitement détaillé l’importance des dispositions de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et on ne peut que se ranger pleinement à ses arguments.

C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera le texte en l’état, permettant son entrée en vigueur dans un délai rapide.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci !

M. Mathieu Darnaud. Je formulerai à mon tour quelques observations concernant ce texte, et notamment ses conditions d’examen.

Cette proposition de loi, issue de l’Assemblée nationale, a été amendée et adoptée en première lecture au Sénat. Nos collègues députés ont eu la sagesse de conserver nos principaux apports, le travail sur ce texte a donc permis, en l’améliorant à chaque lecture d’une chambre à l’autre, d’aboutir à une version consensuelle, illustrant ainsi la richesse du bicamérisme. Madame la ministre, il faudra s’en souvenir durant les débats que nous aurons à propos de la réforme de nos institutions !

Vous comprendrez que le dispositif juridique que nous votons aujourd’hui a d’autant plus séduit la commission des lois du Sénat qu’il s’attaque à la problématique que nous avions décrite, M. le rapporteur Thani Mohamed Soilihi, Robert Laufoaulu et moi-même, dans le rapport sénatorial que nous avions remis, le 23 juin 2016, au nom de la délégation aux outre-mer, et qui portait déjà sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer.

La question de l’indivision y occupait déjà une place centrale, et nous préconisions de « prévoir des règles de majorité allégée ».

J’ai bien entendu que les dispositions propres à la Polynésie seront examinées prochainement dans notre hémicycle. Je souhaite qu’elles contribuent à apporter des solutions aux problèmes d’indivision que nous avions constatés dans ce territoire.

Je salue donc la démarche des députés, qui ont su faire le meilleur usage des travaux du Sénat, et je les encourage à persévérer dans cette voie de sagesse constructive.

Enfin, mes chers collègues, en légiférant de façon pragmatique sur une problématique touchant spécifiquement les outre-mer, nous utilisons les possibilités offertes par l’article 73 de notre Constitution, rappelant ainsi sa pertinence et sa nécessité.

Le traitement prévu pour les indivisions successorales ne déroge pas au droit commun applicable en métropole pour instaurer quelque privilège, pas plus qu’il ne constitue un renoncement à réformer des situations installées que personne n’a eu le courage d’affronter.

Il s’agit, au contraire, d’une démarche volontariste qui entend trouver des solutions à partir des constats que fait effectivement le législateur, et non à partir de ceux qu’il aimerait faire. Cette philosophie a vocation à prospérer, en outre-mer comme en métropole ; dès lors que cela ne porte atteinte ni à la République ni à la solidarité nationale, nous devons pouvoir ajuster nos règles aux réalités de nos territoires. Nous appelons de nos vœux la mise en œuvre de ce principe de différenciation, auquel nous sommes ici attachés et que le Président de la République a lui-même défendu à maintes reprises. C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons fait consensus, car il répond à la problématique essentielle des propriétés indivises en outre-mer, qui est restée trop longtemps sans solution.

Comme nous le disions dès la première lecture, cette question ne se résume pas à la simple réduction, voire à la suppression, d’un obstacle à la mobilisation du foncier en outre-mer.

Il s’agit, en effet, non seulement de respecter les identités des habitants et les rapports que ceux-ci entretiennent avec leur terre, mais aussi de concilier cette mobilisation du foncier – sans laquelle tout développement se trouve entravé – avec une organisation sociale au centre de laquelle la famille et la mise en valeur des biens communs revêtent des contours particuliers, propres aux territoires ultramarins.

C’est ce que soulignait déjà le rapport d’information de la délégation sénatoriale à l’outre-mer paru en juin 2016 : « Par-delà les différences, l’attachement à la terre, la terre des ancêtres, constitue un trait commun à l’ensemble des outre-mer. Il s’agit d’un lien viscéral à forte charge symbolique et affective. La terre, pivot de l’organisation économique et sociale des sociétés ultramarines, voit son mode de gouvernance dominé par les principes de la solidarité et du consensus. »

Dans ce cadre, s’agissant des dispositions précises de cette proposition de loi, nous réitérons donc nos positions.

Nous sommes favorables à l’abaissement à 51 % des ayants droit du plancher à partir duquel une vente ou un partage par voie non judiciaire est possible, si aucun recours n’est exercé, pour les successions ouvertes depuis plus de dix ans. À cet égard, il apparaît effectivement plus prudent de fixer ce délai à dix ans, plutôt qu’à cinq ans, comme le prévoyait le texte initial.

Notre groupe approuve également la possibilité ouverte, sans limites dans le temps, à 51 % des indivisaires au moins, au lieu de deux tiers actuellement, d’effectuer diverses opérations, comme des actes administratifs relatifs au bien indivis, le renouvellement des baux, la vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision, etc.

Enfin, nous approuvons la mesure visant à faciliter les formalités de publication de diverses opérations relatives à l’indivision ainsi que l’exonération temporaire du droit de partage des opérations prévues par le dispositif dérogatoire.

Finalement, toutes ces dispositions devraient permettre d’enclencher un cercle vertueux pour les familles touchées par cette problématique comme pour le développement du territoire.

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE voteront en faveur de cette proposition de loi.

M. Bruno Sido. C’est rare !

M. Gérard Longuet. Il était temps !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse aujourd’hui, à plusieurs titres. Nous vivons en effet l’aboutissement d’une démarche législative entamée il y a plusieurs mois et qui devrait connaître – je le souhaite ardemment ! – une issue heureuse au Sénat ce soir.

Je suis heureuse, aussi, de contribuer, comme nous le commande une si particulière situation, à sortir de l’éternel constat des problèmes ; heureuse d’apporter ma pierre, notre pierre, celle du Sénat, à l’initiative législative du président du mouvement auquel j’appartiens, non sans fierté : le parti progressiste martiniquais.

En effet, le député Serge Letchimy, après près de trente ans de pratique politique très en phase avec son pays et son peuple, apporte une fois de plus la preuve, avec ce texte, de sa volonté de faire.

Il faut de la volonté concrète, au quotidien, pour défier la fatalité de la difficulté ; oui, il faut de la volonté pour sortir des verbiages chroniques, des « y a qu’à » et des « faut qu’on » ! Le poète nous le rappelle : « Seul le dur est arable. »

La réalité est là : notre histoire jeune et tourmentée n’a pas rimé, jusqu’à présent, avec une approche apaisée de la propriété. Liberté, égalité, fraternité, certes, mais cette belle devise républicaine n’a pas toujours trouvé facilement un écho sous nos cieux. Point n’est besoin de vous rappeler ce qui a fait, et ce qui fait encore, notre histoire…

Cette loi devient donc un bel outil au service de ce vœu vertueux pour nos peuples. Grâce à elle, pourra se dénouer la pelote emmêlée des fils, pas toujours très soyeux, d’une jeune humanité.

Je suis heureuse de voir que la demande d’un particularisme positif trouve un écho auprès du Gouvernement et je vous remercie, madame la ministre, d’avoir pris toute votre part dans ce processus et d’avoir ainsi contribué à faciliter l’éclosion de ce texte.

Oui, il fallait accepter l’exception, l’expérimentation spécifique, le cousu main, à propos d’une problématique présente là-bas et nulle part ailleurs. C’est, à mes yeux, le signe d’une ère révolutionnaire qui s’ouvre. Le besoin de particularité n’a pas toujours été sans embûches pour nous, voire sans sacrifice de vies humaines.

C’est ainsi, grâce à vos votes que je souhaite unanimes, que, pendant une période de dix ans, une boîte à outils sera mise à la disposition d’indivisaires qui l’ont été trop longtemps, de praticiens du droit – notaires ou avocats – impuissants, mais aussi d’édiles. Certains maires ont en effet déploré durant des années que des dizaines et des dizaines de maisons et de terrains soient livrés à la vindicte de la nature, de l’insalubrité et d’autres désordres. Nos villes souffrent de cette insoutenable médiocrité urbaine face à laquelle elles se sentent démunies.

Cette proposition de loi est tellement légitime, tellement juste et tellement symbolique, dans la République ; celle-ci se veut une et indivisible, mais elle peut reconnaître que l’adaptation à une situation spécifique n’est pas automatiquement synonyme de rupture ! L’État de droit, avec lequel nous souhaitons cheminer, accepte donc cette évolution. Je forme le vœu que beaucoup d’autres exceptions soient rendues possibles, maintenant, sans que leurs bénéficiaires quittent pour autant la République.

Enfin, je veux partager avec vous un dernier bonheur : nous faisons la démonstration que le Sénat n’est pas ce truc inutile et sans intérêt dont on a tellement entendu parler en ces temps agités, non sans caricature ou mépris. La suppression du Sénat ou sa réduction à sa plus simple expression ont fait l’objet d’insoutenables clameurs.

Cette loi, pourtant, a été enrichie par le Sénat, son auteur, Serge Letchimy le répète sans complexe et en toute sincérité, au point qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale à l’unanimité dans la forme issue de nos travaux. Nous avons fait la démonstration, au contraire de la légende, que notre chambre est légitime et contribue au débat démocratique, à l’équilibre et à la diversité des pouvoirs et de la représentation populaire.

Cette loi est attendue, tant les cas douloureux, parfois dramatiques, sont nombreux ; tout le monde piaffe d’impatience.

J’en appelle donc, mes chers collègues, à votre confiance, dans laquelle nous puiserons la détermination nécessaire pour donner naissance à une vraie dynamique de renouvellement urbain.

Je conclus en vous remerciant, madame la ministre, et en remerciant mon vieil ami, mon frère de Mayotte, M. le vice-président du Sénat et rapporteur de ce texte, Thani Mohamed Soilihi, de ses nombreux apports judicieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler après notre collègue Catherine Conconne, qui défend ses positions avec une vigueur que je salue !

Alors que notre pays traverse une période de graves tensions économiques et sociales, il est heureux que nous puissions trouver le temps, dans notre calendrier parlementaire passablement chargé, de traiter des problématiques de l’outre-mer, qui ne sont ni moins importantes ni moins explosives que celles de la métropole.

La question de l’héritage et de l’indivision successorale est l’une des plus anciennes et des plus complexes pour nos territoires ultramarins. Véritable fruit de l’histoire, elle se pose de la même façon dans tous nos territoires d’outre-mer, par l’accumulation en cascade de nombreuses successions non réglées depuis la seconde moitié du XIXe siècle.

Cela nous amène aujourd’hui à des situations inextricables, avec plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines, d’ayants droit indivisaires. Dans la moitié nord de la Martinique, vous l’avez dit, madame la ministre, plus de 80 % des terrains de moins de dix hectares enregistrés au cadastre dans les années 1970 ont été acquis au milieu du XIXe siècle.

Ces problématiques historiques se rencontrent également à Mayotte ou en Polynésie française, où les principes généraux de notre code civil peinent à s’appliquer, face aux héritages culturels particuliers de ces territoires. De surcroît, dans bien des situations, de nombreux indivisaires n’ont pas les moyens de s’acquitter des frais notariés.

Dans ce cadre, la présente proposition de loi, améliorée par la navette parlementaire, répond à plusieurs enjeux fondamentaux, en introduisant une simplification et une rationalisation permettant aux territoires ultramarins de sortir de la rigidité propre à l’indivision. Elle rend le partage plus simple, en autorisant son déclenchement à la majorité et non plus à l’unanimité.

Nous saluons à ce titre l’inclusion de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le champ d’application de ce texte, dont la version initiale excluait ces territoires, alors qu’ils connaissent aussi ce type de problèmes.

Un amendement bienvenu de notre collègue Guillaume Arnell a également permis de porter de trois à quatre mois le délai dans lequel un indivisaire peut s’opposer à la vente ou au partage, dans le cas d’une résidence à l’étranger ou pour une succession ouverte à de nombreux ayants droit, ce qui est un cas récurrent dans les territoires ultramarins.

L’adaptabilité de la loi a enfin été renforcée, puisque le conjoint survivant ou l’héritier copropriétaire peut désormais demander l’attribution préférentielle du droit au bail ou de la propriété, dans les limites du montant de ses droits.

Il s’agit donc d’une loi équilibrée, qui permettra de juguler les conflits de succession et de faciliter les opérations de partage afin de remédier à des situations restées trop longtemps figées. Elle est, de plus, limitée dans le temps, afin de ne pas prolonger indéfiniment un régime très dérogatoire par rapport au droit commun. Pour toutes ces raisons, la quasi-unanimité du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen la soutient.

J’attire toutefois votre attention sur un angle mort qui me paraît particulièrement problématique, même si nous lui trouverons probablement une solution. Vous avez évoqué cette difficulté, madame la ministre, qui ne m’est apparue que trop tardivement : l’article 2 bis, issu d’un amendement de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, introduit une exonération fiscale sur le paiement des droits de partage dans l’ensemble des territoires ultramarins. Or cette exonération impose une modification du code général des impôts, lequel, comme vous le savez, n’est applicable, en vertu des lois organiques, ni à Saint-Pierre-et-Miquelon, ni à Saint-Barthélemy, ni à Saint-Martin.

J’aurai l’occasion de revenir sur ce problème en présentant tout à l’heure deux amendements visant à corriger cette erreur, qui tiennent compte des demandes que vous avez formulées, madame la ministre.

Enfin, il faut également souligner le fait que, en l’état actuel des choses, la proposition de loi étend aux résidents métropolitains l’accès à cette exemption fiscale totale, prolongée jusqu’en 2028, dans le cas où ils hériteraient d’un bien en outre-mer. Cette possibilité, qui ouvre la voie à de nombreuses dérives, ne me paraît ni pertinente ni juste au regard de l’objectif initial, qui était de remédier à des problématiques foncières spécifiques aux territoires ultramarins. Une mesure corrective visant à circonscrire cet avantage aux seuls résidents outre-mer serait donc la bienvenue, du point de vue de la majorité de notre groupe, et contribuerait à l’équilibre d’un texte dont nous saluons, malgré tout, les nombreux apports. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani, dernier orateur avant la suspension de la séance précédant les questions d’actualité au Gouvernement.

M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner en seconde lecture une proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dans le cadre d’un débat dont la complexité technique ne saurait occulter l’urgente nécessité.

Le Parlement présente ainsi une réponse législative digne d’intérêt au fléau endémique de l’indivision successorale en outre-mer. L’accumulation des dévolutions successorales non réglées est en effet extrêmement préoccupante pour le développement des territoires ultramarins, notamment de Mayotte.

Pour démêler l’écheveau de cet imbroglio foncier a donc été institué un régime dérogatoire et temporaire selon lequel, durant dix ans, la sortie de l’indivision n’exigerait plus l’unanimité des indivisaires.

Je ne répéterai pas ce qui vient d’être excellemment exposé par Mme la ministre et par notre rapporteur Thani Mohamed Soilihi. Le Sénat s’est inscrit dans la continuité des travaux engagés par l’Assemblée nationale. Sur ce terrain comme sur d’autres, la fabrication législative a été tempérée par l’art de la mesure. Ce texte nécessitait de véritables compétences d’équilibriste : il fallait trouver la bonne formule pour articuler l’opérationnalité du dispositif et les garanties juridiques du droit de propriété. Dans cet exercice, notre rapporteur a fait preuve de virtuosité.

Le Sénat a beaucoup enrichi cette proposition de loi : il a institué un droit de préemption au sein de la famille au cas où un tiers se porterait acquéreur du bien mis en cession ; il a voté une exonération des taxes attachées aux opérations de partage ; il a renforcé le mécanisme de protection des droits, notamment en matière d’information, afin de ne pas léser ceux qui ne font pas partie de la majorité des 51 % ; il a inclus la Polynésie française dans le dispositif, mais aussi Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui ne figuraient pas non plus dans le texte initial ; il a, enfin, prévu d’étendre les dispositions concernant l’attribution préférentielle et l’omission d’héritiers aux autres collectivités d’outre-mer.

L’Assemblée nationale s’est engagée, quant à elle, dans une collaboration constructive, au terme de laquelle elle s’est alignée sur les suggestions sénatoriales. Si, sur l’initiative du Gouvernement, les dispositions concernant la Polynésie française ont été retirées du texte, c’est pour les intégrer dans le projet de loi ordinaire devant compléter le projet de loi organique relatif à la révision du statut de la Polynésie qui nous sera bientôt soumis, avec un titre consacré spécifiquement au droit foncier.

Ces deux lectures aboutiront donc à un vote conforme et je note avec plaisir le consensus fort qui s’est fait autour de la proposition de loi.

Quelques mots sur la logique d’approche dont s’inspire ce texte : monsieur le rapporteur, à l’évidence, votre entreprise fut un franc succès. Ici, aucune conception hexagonale surplombante n’aplatit les réalités ultramarines. Vous l’avez bien compris, l’organisation territoriale ne doit plus être un simple prêt-à-porter ; elle exige du sur-mesure. Le droit à la différenciation ne doit plus se borner à saupoudrer d’éléments ultramarins des tronçons normatifs d’inspiration hexagonale. Renouons avec l’esprit de l’article 73 de notre Constitution, car il n’est pas iconoclaste de proclamer que la démocratie du terrain, c’est la démocratie du concret !

Ce texte nous rappelle donc combien il est nécessaire d’articuler l’organisation territoriale de la République avec ses modalités d’expression locale et nous montre la voie.

Voilà, pour l’essentiel, l’ordre des faits qui nous conduit à apporter sans réserve notre soutien au rapporteur et au texte adopté par notre commission des lois. (M. le rapporteur applaudit.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer
Discussion générale (suite)

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Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Je rappelle également que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Chacun aura à cœur de terminer cette année dans le respect et l’écoute mutuels.

assurances mutuelles

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe La République En Marche.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn.

Madame la secrétaire d’État, lundi 3 décembre 2018, le Parlement a adopté la loi de financement de la sécurité sociale par laquelle sera mis en place le « reste à charge zéro ». Cette mesure, qui doit garantir à tous, d’ici à 2021, le remboursement intégral de certaines lunettes, prothèses dentaires et appareils auditifs, est une promesse de gain de pouvoir d’achat, en particulier pour les retraités.

Aujourd’hui, en France, deux retraités malentendants sur trois ne sont pas appareillés et, lorsqu’ils peuvent l’être, leur reste à charge s’élève à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’euros.

Il me faut faire un rappel ici.

Les mutuelles dégagent des bénéfices très importants : elles recueillent 36 milliards d’euros et leurs frais de gestion s’élèvent à 25 %. Pour mémoire, la majorité du Sénat avait envisagé, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de les taxer à hauteur de 1 milliard.

J’en reviens aux négociations liées au reste à charge zéro, ou RAC 0.

Un équilibre global a été recherché avec l’ensemble des acteurs concernés. La CNAM, la Caisse nationale de l’assurance maladie, s’est engagée à couvrir les trois quarts du coût de la réforme, le quart restant ayant été négocié par le Gouvernement avec les mutuelles.

À l’issue de ces échanges, les mutuelles se sont engagées à prendre à leur charge le quart restant du coût, en le fléchant sur leurs bénéfices, pour geler le prix de leurs cotisations. Cet effort permet la mise en place progressive du RAC 0, dans un cadre financier réalisable.

Aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, alors que nous multiplions les mesures pour rendre du pouvoir d’achat aux Français, les mutuelles semblent revenir sur leurs engagements. Certaines auraient même annoncé par courrier à leurs adhérents des augmentations plus que substantielles.

Ma question est simple. Madame la secrétaire d’État, quelles mesures entendez-vous prendre pour les en dissuader et pour préserver le pouvoir d’achat d’un grand nombre de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Martin Lévrier, je vous remercie de votre question, qui est doublement d’actualité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)…

M. Roland Courteau. C’est trop aimable !

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. … puisque, ce midi, Agnès Buzyn a installé le comité de suivi de la réforme sur le « 100 % santé », réunissant les assureurs, les associations de patients et la Caisse nationale d’assurance maladie, comme cela avait été initialement prévu. Quant au Président de la République, il réunit en ce moment même à l’Élysée les mutuelles, les assureurs et les instituts de prévoyance.

Vous avez raison, le « 100 % santé » est un projet qui participe à notre réponse collective sur l’urgence économique et sociale. Il contribue à la maîtrise des dépenses contraintes, celles auxquelles les ménages ne peuvent échapper. Le Gouvernement est très attaché à ce que les dépenses concernant les cotisations aux complémentaires santé ne croissent pas indûment en 2019.

Permettez-moi de le rappeler, le 100 % santé, c’est d’abord un investissement de l’assurance maladie, qui va couvrir les trois quarts du coût de cette réforme. Aussi, nous ne pouvons tolérer que certaines complémentaires santé aient pris prétexte de la réforme prochaine du reste à charge zéro pour justifier leur hausse de prix en 2019. Et l’on peut se féliciter que ce sujet fasse consensus avec l’ensemble des fédérations d’assureurs, de mutuelles et d’organismes de prévoyance.

Le 100 % santé se mettra en place progressivement sur trois ans pour que, justement, les assurances complémentaires puissent adapter leurs garanties, que les professionnels de santé fassent évoluer leur exercice et, enfin, que l’incidence économique de la réforme puisse être lissée dans le temps.

Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que nous serons attentifs à ce que les assurances complémentaires proposent aussi une meilleure lisibilité de leur contrat afin que les assurés puissent les comparer. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.- Brouhaha continu sur les travées du groupe Les Républicains.) )

rattachement de la loire-atlantique à la bretagne

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Madame la ministre, à la quasi-unanimité, le conseil départemental de la Loire-Atlantique a voté hier un vœu, qui a été adressé au Gouvernement, pour que le débat sur la réunification administrative de la Bretagne soit soumis à un référendum décisionnel. (M. Gérard Longuet sexclame.) Cette demande est aussi soutenue par le conseil régional de Bretagne qui, avec une totale unanimité, s’est aussi prononcé pour un soutien à cette proposition du conseil départemental.

Cette prise de position fait évidemment suite au recueil, par l’association Bretagne Réunie, de 104 000 signatures de citoyens de Loire-Atlantique demandant que le conseil départemental se prononce sur le droit d’option, qui permet à un département de changer de région.

Lucidement, le conseil départemental a souligné l’impossibilité du mécanisme prévu par la loi NOTRe, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui offre, je vous le rappelle, une minorité de blocage des deux cinquièmes à la région quittée et fixe au mois de mars 2019 la date butoir pour l’exercice de ce droit option.

M. le Premier ministre, que je salue, a manifesté publiquement son intérêt pour cette démarche référendaire, dans la suite des demandes exprimées par nombre de « gilets jaunes ». (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais nous savons aussi d’expérience qu’une telle démarche reste complexe : sans accord initial sur les périmètres et la question posée, le référendum peut radicaliser les positions.

Le débat sur la réunification de la Bretagne, vieux débat que nous sommes incapables de trancher depuis 1972, nous offre donc une opportunité intéressante pour avancer dans l’expérimentation du référendum.

M. Ladislas Poniatowski. Voyez Notre-Dame-des-Landes !

M. Ronan Dantec. Aussi, je poserai deux questions, madame la ministre. Quelle suite pensez-vous donner à cette demande forte portée par 10 % du corps électoral et les deux collectivités de Loire-Atlantique et de Bretagne ? Imaginez-vous, au regard de la réelle complexité de la question, saisir la Commission nationale du débat public, pour qu’elle puisse explorer les conditions d’organisation de ce référendum, la CNDP pouvant être demain le garant nécessaire à ce renforcement de la démocratie participative ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Ronan Dantec, comme vous l’avez rappelé, la question du rattachement du département de la Loire- Atlantique à la région Bretagne est très ancienne, et il faut l’aborder avec beaucoup de sagesse et de responsabilité.

M. Bruno Retailleau. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je me souviens des débats ici, monsieur Dantec.

Que ce soit en Bretagne ou ailleurs, la modification de la carte des départements et des régions est un exercice difficile, subtil, qui peut porter atteinte à des équilibres territoriaux forgés au fil des années, voire, parfois, des siècles.

Le code général des collectivités territoriales, auquel vous avez fait référence, précise qu’il faut une délibération concordante des collectivités concernées, à savoir les deux régions, Bretagne et Pays de la Loire, ainsi que le département de Loire-Atlantique. Il s’agit d’une étape évidemment essentielle, qu’il convient de respecter.

J’ajoute que l’organisation d’une consultation locale ne peut se faire que dans des conditions précises et dans le respect de la loi. Ainsi, toute consultation portant sur un objet qui n’est pas une compétence de la collectivité concernée serait nécessairement illégale – premier point.

Second point, en l’état actuel du droit, et comme le prévoit l’article 72-1 de la Constitution, sans mesure législative nouvelle, l’État n’est pas non plus en mesure d’organiser une consultation sur le sujet évoqué et sur une seule partie du territoire national.

Monsieur le sénateur, parce que nous sommes profondément attachés à la décentralisation et que nous croyons à la responsabilité des élus locaux, qui œuvrent au quotidien pour développer leur territoire, nous estimons que ce sujet doit faire d’abord l’objet de discussions au sein de chaque assemblée délibérante pour que l’État puisse l’examiner de la manière la plus éclairée possible.

sociétés gestionnaires d’autoroutes

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre chargée des transports.

L’opérateur Vinci Autoroutes veut demander la régularisation des paiements des péages autoroutiers dont les automobilistes n’ont pas pu s’acquitter lors des opérations « péages gratuits » menées par le mouvement des « gilets jaunes » depuis le 17 novembre dernier.

Cette initiative est tout simplement inacceptable. Je veux, à ce stade, rappeler quelques chiffres éloquents.

Pour l’année 2017, dernières données disponibles, le groupe Vinci Autoroutes a réalisé un chiffre d’affaires de 4,3 milliards d’euros, en hausse de 3,4 % par rapport à 2016, pour des recettes de péage approchant les 3 milliards d’euros, dégageant un résultat net de 1,1 milliard d’euros. Quant à l’investissement sur l’année, il pointait à 537 millions d’euros, en baisse de 11,2 % par rapport à l’exercice précédent.

Mme la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur cette démarche du groupe autoroutier ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Bocquet, j’ai effectivement pris connaissance de l’intention de certaines sociétés concessionnaires d’engager des procédures de recouvrement auprès des automobilistes qui n’ont pas pu acquitter leurs péages du fait de blocages ou de dégradations d’installations.

Je le dis fermement, cette annonce est totalement inopportune et inappropriée. Dans la situation que connaît notre pays, chacun doit jouer son rôle pour contribuer à l’apaisement.

Par ailleurs, tout indique que cette décision ne serait pas fondée sur le plan juridique. En effet, les images de vidéoprotection n’ont pas vocation à être utilisées pour la régularisation des paiements.

J’ai donc demandé aux sociétés concessionnaires de se conformer strictement à la loi et de ne pas mettre en œuvre de tels recouvrements. Je les recevrai ce soir afin de faire le point sur les perturbations en cours et les nombreuses dégradations qui sont à déplorer.

Je le redis, ces violences sont inacceptables. Aucune cause ne justifie de s’en prendre aux biens et aux personnes, et je veux en particulier dire ma solidarité avec les agents des sociétés d’autoroutes, qui ont été la cible d’actions violentes et d’incendies.

Nous sommes et nous continuerons à être d’une fermeté totale envers ceux qui commettent de tels actes.

Nous sommes à quelques jours d’un week-end de grand départ, et nos concitoyens ont le droit de circuler librement sur le réseau autoroutier. Pour ce faire, il faut que le calme revienne au plus vite sur le terrain. C’est ce pour quoi nous sommes totalement mobilisés, et c’est l’objet de la réunion de ce soir.

La réponse à la colère exprimée ces dernières semaines doit être collective ; les grandes entreprises doivent y prendre toute leur part. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.

M. Éric Bocquet. Madame la ministre, j’entends bien votre réponse, mais nous restons, pour notre part, convaincus que la question de la maîtrise publique des infrastructures autoroutières se pose plus que jamais.

Les autoroutes françaises réalisent un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros par an. En privatisant, l’État a renoncé aux dividendes futurs estimés à 40 milliards d’euros d’ici à 2032. La marge nette des groupes autoroutiers oscille entre 20 % et 24 % depuis la privatisation. Enfin, 14,6 milliards de dividendes ont été distribués aux actionnaires.

Lors d’un débat au Sénat en 2014, sur l’initiative de notre groupe, nombreux ici furent les collègues sur toutes les travées à déclarer que la privatisation des autoroutes avait été une erreur. Nous pensons qu’il faut procéder à la renationalisation des concessions autoroutières. L’emprunt à contracter serait remboursé par les bénéfices dégagés, et non pas par l’impôt. Il y va, selon nous, de l’intérêt général. Pour agir ainsi, les concessionnaires autoroutiers privés seraient-ils devenus un État dans l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

rétablissement de l’isf

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je reviens vers vous ici, une dernière fois cette année, pour évoquer le sujet de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez supprimé l’an dernier cet impôt en arguant de raisons économiques, en évoquant une théorie hypothétique, et désormais invérifiée, du « ruissellement », en avançant que cet impôt serait la cause de la fuite des grandes fortunes. Tous ces arguments, vous les avez redonnés régulièrement depuis un an ici même devant la Haute Assemblée.

Seulement, le ruissellement n’a pas eu lieu, et aucun indicateur ne va dans ce sens, puisque la croissance de 2017 a été portée par l’activité et la consommation et que le ralentissement de 2018 va de pair avec une baisse du pouvoir d’achat.

De même, concernant la fuite des capitaux, vous n’avez toujours pas réussi à nous fournir la moindre étude démontrant un retour massif de grandes fortunes depuis la fin de l’ISF. Nous avons même pu observer, rappelez-vous, à la fin du quinquennat précédent, que les capitaux revenaient, alors que l’ISF existait.

L’ISF avait, en revanche, une vertu : au-delà des 5 milliards d’euros qu’il rapportait, il était un élément de justice fiscale pour les Français. Et la justice fiscale est le moteur du consentement à l’impôt.

En supprimant l’ISF, vous avez dangereusement remis en cause ce consentement à l’impôt dans notre pays. Alors, monsieur le Premier ministre, je vous le demande une dernière fois ce soir, allez-vous rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. Non !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, il y a quelques minutes, à l’Assemblée nationale, Mme Valérie Rabault, la présidente du groupe socialiste, me posait la même question. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons tous nous réjouir de constater qu’il y a une très forte coopération entre les deux groupes, et c’est très bien ainsi. (Sourires.)

En posant la question, Mme Valérie Rabault a indiqué qu’elle souhaitait faire usage des dispositions prévues à l’article 11 de la Constitution relatif au référendum d’initiative partagée, et elle a annoncé en séance publique la volonté qui était la sienne de s’engager – et d’engager notre pays – dans cette procédure.

Je peux vous apporter les mêmes éléments de réponse.

La question de l’impôt de solidarité sur la fortune a été débattue : elle l’a été au moment de la campagne présidentielle, et, peut-être plus encore, lors de la campagne des législatives. Le Président de la République, avant le premier tour, et les candidats qui portaient les couleurs de la majorité présidentielle au premier et au second tour des législatives ont indiqué qu’ils souhaitaient transformer le système fiscal, notamment l’ISF, qui deviendrait un impôt sur la fortune immobilière.

La motivation de cette transformation tenait au fait que les inconvénients de l’ISF nous paraissaient largement supérieurs à ses avantages. Vous avez évoqué le symbole, vous n’avez pas abordé la recette : il nous semblait, et il me semble encore, monsieur le président Kanner, que les inconvénients qui s’attachaient à l’ISF étaient bien supérieurs aux avantages que vous décrivez.

J’observe d’ailleurs que ce type d’instrument, y compris dans des pays qui ont au moins autant que la France la passion de l’égalité et la préoccupation du sérieux fiscal, ont été démantelés et que la France, par son ISF, restait une forme de spécificité. Certes, on pouvait s’en glorifier – après tout, on n’est pas obligé de faire comme tout le monde ! –, mais on peut aussi constater que d’autres pays que la France avaient noté les inconvénients s’attachant à ce type d’instrument.

Nous avons pris la décision de transformer l’ISF en IFI, impôt sur la fortune immobilière, et nous l’assumons. Nous avions souligné, au moment du débat parlementaire, que nous étions évidemment disposés à ce qu’un comité d’évaluation indépendant puisse examiner les effets de cette suppression ou, plus exactement, les effets de cette transformation. Cette commission sera créée – elle doit l’être rapidement – afin que nous puissions procéder à cette évaluation. Mais je dois dire, monsieur le président Kanner, que je n’ai pas peur de cette évaluation.

Je sais le départ de grandes fortunes et de masses taxables intervenu avec l’instauration et le maintien de l’ISF. Je sais aussi que notre pays a vu son attractivité, en termes d’investissements, s’accroître avec la suppression de l’ISF. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Luc Fichet. Un exemple !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Si l’ISF, monsieur le président Kanner, était paré de toutes les vertus que vous décrivez, permettez-moi de dire que cela se serait vu ! On l’aurait constaté. Or on voit bien les inconvénients qui s’attachaient à cet impôt. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

J’en ai parfaitement conscience, porter cette mesure de suppression peut-être difficile, voire impopulaire – c’est vrai.

M. Martial Bourquin. C’est insupportable !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est un fait. Néanmoins, j’observe qu’elle était portée par un certain nombre de candidats à l’élection présidentielle. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Elle a été validée au moment de l’élection présidentielle, puis lors des élections législatives. Mon objectif est de faire en sorte de tenir les engagements qui ont été pris.

Donc, pour une dernière fois cette année, monsieur le président, tout en vous souhaitant un excellent travail dans le cadre d’une session qui n’est pas achevée – l’heure de la suspension des travaux n’est pas encore venue - permettez-moi de vous répondre tout à la fois : non, bon travail et, peut-être, joyeuses fêtes ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, j’ai bien compris que je ne vous avais pas convaincu - mais vous ne m’avez pas convaincu non plus !

D’ailleurs, depuis le mois de juin 2017, il y a eu un petit changement… de couleur jaune fluo. Il faut écouter cette colère qui s’exprime aujourd’hui partout en France. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, puisque nous ne sommes pas d’accord avec votre majorité et ceux qui vous soutiennent sur ce point particulier de l’ISF, nous avons décidé, avec Mme Valérie Rabault, de déposer une proposition de loi référendaire d’initiative partagée, et nous demandons simplement, par référendum, au peuple français…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Patrick Kanner. … de trancher. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.- M. Pierre Laurent applaudit également.)

COP24

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Jérôme Bignon. Madame la secrétaire d’État, nous avons vécu en 2018 deux alertes venues du monde scientifique : au printemps, l’alerte de l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, du CNRS et du Muséum, dénonçant l’effondrement de la biodiversité en France et dans le monde ; et, en octobre dernier, le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a indiqué dans un nouveau rapport qu’il fallait augmenter l’ambition de l’Accord de Paris en limitant le réchauffement climatique à 1,5 degré au maximum.

Malgré l’urgence, c’est toujours vers 3 degrés que nous nous dirigeons.

Certes – un point positif –, la COP24 a été conclusive, puisqu’elle a adopté un guide d’application de l’Accord de Paris. Point négatif, elle n’est pas parvenue à rehausser les ambitions des États, qui sont actuellement notoirement insuffisantes. L’engagement de la France, l’engagement du Gouvernement, notre engagement à tous restent donc essentiels pour entraîner nos partenaires européens et internationaux.

Relâcher notre effort, c’est courir à la catastrophe, comme l’a dit la jeune Greta Thunberg en clôture de la COP24 : aujourd’hui, « nous sommes à court d’excuses. »

Comment reprendre la main, madame la secrétaire d’État ? Telle est ma première question. Que pensez-vous de la proposition portée par Jean Jouzel et Pierre Larrouturou de créer, sur le modèle de la BCE, la Banque centrale européenne, une « banque européenne du climat », pour mettre à la disposition de tous les États européens une enveloppe de prêts à 0 % représentant 2 % du PIB de chacun de ces États, afin d’assurer de façon juste et équitable la transition énergétique ?

Enfin – troisième question –, comment pensez-vous mieux porter les objectifs du développement durable pour avancer plus vite et d’une façon plus juste vers une société décarbonée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Ronan Dantec applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Bignon, je vous remercie tout d’abord de cette question essentielle, plus que jamais essentielle, même, à l’heure précisément de ce moment de tension extrême que nous vivons dans le pays.

Une partie de la réponse à apporter aux « gilets jaunes » réside dans le fait que nous devons faire plus pour la transition écologique.

M. Gérard Longuet. Il faut faire mieux !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Il faut surtout demander plus de cohérence globalement dans le système.

Cela demande aussi que chacun prenne sa part de responsabilité.

Je commencerai par répondre à votre troisième question. Il faut faire en sorte que le système financier, lui aussi, prenne toute sa part de responsabilité. Il importe que les investissements privés soient redirigés de façon massive vers des projets qui sont bons pour la planète. C’est cette ambition, cette réforme, que la France porte au niveau international. En témoigne ce que le Président de la République a demandé à l’ONU, à New York, devant un parterre de chefs d’État et, surtout, de dirigeants de grandes banques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

En France, mesdames, messieurs les sénateurs, le gap, c’est-à-dire le fossé, pour financer la transition écologique s’élève à 20 milliards d’euros. Est-ce que ce sont les contribuables qui vont le financer ? Non ! En revanche, est-ce qu’il s’agira potentiellement des banques et des investisseurs privés, qui doivent, eux aussi, répondre à un impératif moral ? C’est indispensable, et la réponse est : oui !

Les « gilets jaunes » nous demandent plus de justice sociale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est pour cela aussi que nous nous battons et que la France a été non seulement présente à la COP24, mais qu’elle a joué un rôle essentiel dans toute la préparation de cette conférence. Nous sommes parvenus à un accord sur le texte, mais il faut aller encore plus loin, et la France est mobilisée.

M. Jean-François Husson. Il faut respecter les gens !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Nous allons notamment consacrer 5 milliards d’euros par an à partir de 2020 en faveur de la lutte contre le changement climatique à l’échelle internationale…

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. … et continuer de mobiliser. Nous sommes chefs de file ; nous sommes écoutés…

M. le président. Vous concluez !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. … et nous sommes au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Françoise Laborde applaudit également.- Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

fraude fiscale

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat a adopté, lors de l’examen du projet de budget pour 2019, à l’article 13 bis, une disposition permettant de lutter contre la fraude aux dividendes.

M. Éric Bocquet. Très bien !

M. Dominique de Legge. Pourtant, lorsque ce texte est revenu devant l’Assemblée nationale, vous avez fait retoquer cette mesure, monsieur le secrétaire d’État,…

M. Martial Bourquin. Ce n’est pas bien !

M. Dominique de Legge. … une mesure susceptible d’apporter des recettes importantes au moment où vous en cherchez, et qui évitait de taxer les classes moyennes, et une mesure de justice.

Auriez-vous l’amabilité, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir nous dire pourquoi vous n’écoutez jamais le Sénat, surtout lorsqu’il est unanime dans sa diversité ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Où est le ministre des finances ? Et le ministre des comptes publics ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Mais où sont passés les ministres ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’étais présent lorsque le Sénat a adopté cet amendement à l’unanimité, comme vous l’avez dit.

M. Albéric de Montgolfier. Avec un avis de sagesse !

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. J’ai le souvenir d’avoir dit que nous pouvions avoir un avis de sagesse sur cette disposition, tout en prévenant votre assemblée qu’un certain nombre d’aspects techniques, juridiques, communautaires (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) liés à l’application des conventions fiscales pouvaient être des obstacles à une parfaite mise en œuvre du dispositif que vous proposiez.

Or, en matière de lutte contre la fraude fiscale, il est essentiel de mettre en place des dispositifs efficaces et utiles qu’il ne soit pas possible de remettre en cause, au risque sinon de fragiliser l’ensemble de l’édifice.

L’objectif qui est celui du Sénat au travers de l’amendement que vous avez évoqué est partagé par le Gouvernement. (Mêmes mouvements.) Donc, de la même manière, nous continuerons à travailler pour faire en sorte d’atteindre l’objectif qui est le vôtre.

Mais je veux saisir l’occasion de votre question, monsieur le sénateur, pour rappeler que, voilà maintenant quelques semaines, à une très large majorité, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, nous avons adopté ou, plutôt, vous avez adopté une loi de lutte contre la fraude fiscale qui permet de renforcer notre arsenal en augmentant et en multipliant les sanctions imposées à celles et ceux qui fraudent. Elle nous permettra de rendre publique l’identité des personnes morales convaincues de s’être rendues coupables de fraude fiscale en vertu du principe anglo-saxon du name and shame.

Mme Sophie Primas. La dénonciation ?… Quelle horreur !

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Elle nous permettra aussi de sanctionner les officines se livrant à des conseils en optimisations qui se révèlent frauduleuses, ce que nous ne pouvions pas faire précédemment.

De la même manière, parallèlement, dans le projet de loi de finances, le Gouvernement a inscrit des crédits permettant à l’administration de Bercy – j’ai saisi dans votre question, comme en écho, qu’elle avait été citée ! – d’être mieux équipée, plus performante, notamment en matière d’analyse de données publiques afin de prévenir la fraude fiscale et de mieux lutter contre ce phénomène.

La question de la lutte contre la fraude fiscale nous rassemble, me semble-t-il, toutes et tous. L’expression du Sénat à l’occasion du projet de loi de finances a été convergente avec celle du Gouvernement sur le sujet. Nous avons à surmonter des difficultés techniques et juridiques, mais je ne doute pas que les semaines qui viennent nous permettront de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

M. Dominique de Legge. Monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas surpris de votre réponse. Elle est digne de M. Gilles Le Gendre, qui considère que le problème de la majorité est qu’elle est trop intelligente ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Les intelligents volent en rase-mottes dans cette majorité !

M. Dominique de Legge. Vous savez, même avec des moyens limités, tout un chacun est capable de comprendre que votre réponse, qui n’en est pas une, est une manière de botter en touche. Elle illustre parfaitement les limites du « en même temps », c’est-à-dire un discours et des actes qui n’ont strictement rien à voir entre eux.

Monsieur le secrétaire d’État, en cette période de vœux, permettez-moi d’en adresser un à tout le Gouvernement : cessez de croire les Français et les élus incapables de comprendre vos mesures et vos discours ! Vous n’avez pas le monopole de l’intelligence.

C’est bien de vouloir mettre en place des consultations populaires, mais, si elles doivent connaître le même sort que celle sur Notre-Dame-des-Landes, c’est vraiment inutile. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous vous avons alerté sur la fiscalité écologique et…

M. le président. Il faut conclure.

M. Dominique de Legge. … la CSG. Écoutez donc le Sénat : les institutions, la République et la France s’en porteront mieux ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)

malaise dans la police et la gendarmerie

M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Alain Cazabonne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur, et concerne le malaise de nos forces de sécurité intérieure.

Je suis conscient, monsieur le ministre, que vous ne portez pas seul la responsabilité de cette situation. Je suis conscient que ce phénomène perdure depuis de nombreuses années. Ce malaise, nous l’avions dénoncé dès le mois de juillet dernier : c’était d’ailleurs la conclusion de la commission d’enquête sénatoriale dont j’étais l’un des vice-présidents.

Nous écrivions alors que les policiers et les gendarmes étaient au bord de la rupture. Une telle rupture se comprend tant les conditions de travail sont difficiles : locaux parfois insalubres, manque d’effectifs, véhicules et matériels souvent plus que vétustes, insécurité grandissante, notamment à cause des risques d’attentat.

Vous devez le savoir, monsieur le ministre, cette rupture se traduit par un taux de suicide supérieur de 36 % à celui du reste de la population française.

Cette rupture trouve son origine dans les millions d’heures supplémentaires non payées à ces mêmes femmes et hommes auxquels nous demandons d’assurer notre sécurité intérieure aujourd’hui. Ces 20 millions d’heures non versées en 2017 peuvent représenter jusqu’à sept ans de récupération pour un policier…

Aujourd’hui, le malaise est accentué par l’extraordinaire travail qui a été demandé à nos forces de l’ordre ces dernières semaines. Il devient urgent de répondre à ces justes revendications.

Au-delà de la prime, annoncée comme exceptionnelle, quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre au malaise de nos forces de l’ordre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Cazabonne, nous avons déjà eu des échanges similaires devant la commission des lois puis, ici, dans cet hémicycle. Nous étions d’accord sur le constat : il faut donner des moyens supplémentaires à nos forces de sécurité pour tenir compte, non seulement de l’évolution du risque terroriste, mais aussi de ces nouvelles formes d’occupation du domaine public qui ont justifié la mobilisation à un très haut niveau de nos policiers et de nos gendarmes ces dernières semaines.

Il nous faut effectivement rattraper un retard : il faut donner davantage de moyens aux hommes et aux femmes qui constituent nos forces de sécurité : davantage de moyens immobiliers, davantage de véhicules, davantage de moyens en termes d’équipements, avec de vraies différences selon les unités, les groupes et les armes. Il est effectivement nécessaire que nous puissions accompagner ce mouvement.

C’est la raison pour laquelle le budget de mon ministère est en augmentation de plus de 1 milliard d’euros sur deux exercices. Cela suffit-il à répondre à toutes les questions ? La réponse est non. Il nous faut évidemment maintenir l’effort et le cibler, aussi.

Pour ce faire, il faut d’abord achever la mise en œuvre du protocole social qui a été négocié sous l’autorité de Bernard Cazeneuve il y a quelques années. Il faut encore poursuivre cet effort.

Et puis, il y a des chantiers qu’il faut oser ouvrir, notamment celui des heures supplémentaires, vous l’avez évoqué. À cause de ce cumul d’heures supplémentaires, l’État a aujourd’hui une dette de près de 275 millions d’euros vis-à-vis de ses forces de sécurité.

Certes, ces heures ne sont pas perdues. Certains personnels les utilisent pour partir en préretraite, jusqu’à sept ans plus tôt que prévu – le chiffre que vous avez mentionné est exact –, statut qui leur permet de rester salariés par le ministère.

Cela étant, la situation n’est objectivement pas acceptable. Laurent Nunez et moi-même rencontrons les organisations syndicales dans deux heures. Je souhaite que nous nous attelions très vite, dès le premier trimestre de l’année prochaine, à travailler sur un protocole d’accord pour sortir de cette logique infernale des heures supplémentaires que nous ne pouvons pas payer.

Il est nécessaire que nous trouvions les moyens de sortir de cette situation. Il est nécessaire que nous recherchions des solutions, avec les organisations syndicales, qu’il s’agisse du paiement des heures, de leur récupération ou de la contribution à un compte épargne-temps. Je souhaite que tout soit mis sur la table, parce que nos forces de sécurité ont effectivement besoin de sérénité et que nous devons être collectivement les garants de cette sérénité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.

M. Alain Cazabonne. Monsieur le ministre, je ne peux qu’approuver votre démarche et l’intention que vous manifestez.

J’ai retenu que la France commencerait à prélever une taxe sur les géants du numérique, les fameux « GAFA » – Google, Apple, Facebook et Amazon –, à partir du 1er janvier prochain, et ce sans attendre que la mesure soit adoptée au sein de l’Union européenne, comme l’avait annoncé le ministre de l’économie et des finances. J’ai surtout retenu que cette nouvelle taxe devrait permettre de faire rentrer près de 500 millions d’euros dans les caisses de l’État.

Il ne s’agit que d’une suggestion, mais ne serait-il pas judicieux qu’une part du produit de cette nouvelle taxe puisse commencer à payer une fraction de ces heures supplémentaires dues non seulement aux forces de sécurité, mais également aux personnels de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

usine ford de blanquefort

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe La République En Marche.

Mme Françoise Cartron. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.

« Une insulte faite à notre territoire », tels sont les mots employés dans une tribune commune écrite par Véronique Ferreira, maire de Blanquefort, Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole, Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, et Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde, à propos de la décision scandaleuse de fermer l’usine Ford de Blanquefort.

Lors de la reprise du site en 2011, plus de 23 millions d’euros d’aides avaient été versés en contrepartie de l’engagement de maintenir 1 000 emplois. Aujourd’hui, Ford ne respecte pas et bafoue cet engagement, malgré la proposition d’un repreneur connu et fiable, malgré les sacrifices faits par les employés pour sauver l’entreprise, malgré les propositions constructives des syndicats, malgré l’engagement de toutes les collectivités depuis des années !

Aussi les quatre signataires de la tribune demandent-ils urgemment, sur le plan économique, que les obligations légales soient durcies, afin de faciliter les conditions de reprise et, sur le plan social, que les services de l’État fassent preuve de la plus grande rigueur dans l’application des obligations faites à Ford en matière de reclassement des salariés.

Dans cet hémicycle, jeudi dernier, Bruno Le Maire résumait l’attitude de l’entreprise en trois mots : « lâcheté », « mensonge » et « trahison » ! Ces mots forts résument le sentiment de toutes et tous en Gironde.

Outre les salariés affectés par ce plan social, près de 1 200 emplois indirects sont concernés. Le cynisme et le mépris doivent trouver leur limite.

Monsieur le Premier ministre, qu’est-il possible de faire face à cette catastrophe ? Qu’est-il possible de faire et quels accompagnements mettre en œuvre pour ne pas plonger 850 employés et leurs familles dans le désespoir, en cette veille de Noël ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Madame la sénatrice Françoise Cartron, Bruno Le Maire, qui est retenu, m’a demandé de répondre à votre question.

D’abord, je confirme le sentiment dont il vous a fait part la semaine dernière.

Vous nous interrogez sur le refus du groupe Ford, désormais confirmé, de donner suite à l’offre de reprise du site de Ford Blanquefort par le groupe Punch. Nous considérons pour notre part que cette offre est utile et efficace.

Lorsque le groupe Ford prétend qu’une telle offre n’est pas forcément viable, nous répondons qu’elle l’est à nos yeux et que l’ensemble des collectivités, la métropole de Bordeaux, la région Nouvelle-Aquitaine, le département de la Gironde, comme l’État, se sont engagés à verser près de 15 millions d’euros pour accompagner et conforter ce projet.

Nous répondons aussi que la meilleure façon de garantir l’emploi des salariés du groupe est encore d’accepter ce projet de reprise, puisqu’il permettrait de maintenir 400 emplois sur le site, plutôt que de faire le pari d’un plan de sauvegarde de l’emploi, qui serait prétendument plus généreux.

Il y a quelques jours, Bruno Le Maire a exposé notre point de vue à Steven Armstrong, le président du groupe Ford Europe, lors d’un entretien téléphonique. Il lui a demandé de reconsidérer sa position, de revenir sur les annonces qui ont été faites, afin que l’offre du groupe Punch puisse prospérer.

Je rappelle que ce projet de reprise s’accompagne aussi d’un engagement du groupe Punch à ne procéder à aucun licenciement économique pendant la durée de l’accord et à ne pas demander d’efforts supplémentaires aux organisations syndicales comme aux salariés.

C’est l’occasion pour moi de saluer le sens des responsabilités de l’ensemble des organisations syndicales du site, qui ont participé à la préparation de cet accord de reprise et ont accepté de le cosigner, alors qu’il exige une meilleure compétitivité du site.

Vous demandez que l’État soit vigilant : il le sera. Quelles que soient les décisions prises par le groupe Ford in fine, nous veillerons à ce que l’ensemble des droits des salariés soient protégés et que la plus grande rigueur soit observée.

Vous nous interrogez sur les mesures qui permettraient de mieux encadrer ces projets de reprise : nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen de la loi PACTE, mais je tiens d’ores et déjà à vous assurer, madame la sénatrice, de la mobilisation du Gouvernement, qui sait pouvoir compter sur l’ensemble des élus du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

crise dans la police

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Lherbier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Ce n’est pas un scoop, nos forces de sécurité sont épuisées. Je tiens ici, au Sénat, à honorer les fonctionnaires de police qui ont été mis si durement à contribution ces dernières semaines.

L’ordre public est pour moi, ancien adjoint à la sécurité d’une ville frontalière de Belgique, « la » priorité. Au Sénat, j’ai intégré la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure présidée par notre collègue François Grosdidier. Son rapport a alerté le Gouvernement sur l’état d’épuisement de la police et de la gendarmerie.

Nous avions entendu des dizaines et des dizaines de policiers et de gendarmes à tous les niveaux de la hiérarchie. Notre cri d’alarme n’a pas été entendu par le pouvoir exécutif.

Les syndicats de policiers lancent demain une opération « commissariats morts ». Ils protestent contre l’insuffisance des crédits consacrés à la sécurité dans la loi de finances pour 2019. La majorité des sénateurs a voté contre ce budget, qui n’est pas à la hauteur du travail fourni par nos forces de l’ordre.

Les fonctionnaires chargés de la sécurité sont épuisés physiquement à cause de la pression opérationnelle inédite, liée à une menace terroriste qui se situe toujours à un niveau élevé, à cause de la pression migratoire continue et à cause aussi de la radicalisation de la contestation sociale.

Vous en avez parlé, le stock de 25 millions d’heures supplémentaires impayées augmentera encore en 2019. Les locaux souvent insalubres vont continuer à se dégrader. Les véhicules, usés, vieilliront encore.

L’attaque terroriste survenue à Strasbourg la semaine dernière et les manifestations des « gilets jaunes » depuis le 17 novembre ont épuisé nos forces de sécurité.

Nous avions demandé l’instauration d’une loi de programmation pour rétablir des conditions de travail dignes, et rattraper l’énorme retard d’investissement.

M. le président. Votre question, ma chère collègue !

Mme Brigitte Lherbier. À l’Assemblée nationale, vous avez annoncé une prime de 300 euros pour ces fonctionnaires. Pensez-vous que cette mesurette soit suffisante pour atténuer le mal-être de nos forces de sécurité intérieure, vous qui êtes leur supérieur hiérarchique, monsieur le ministre ?

M. le président. Il faut conclure !

Mme Brigitte Lherbier. Comptez-vous répondre aux besoins du terrain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, les policiers sont effectivement fatigués, mais ils restent motivés et déterminés. Ils l’ont montré dans leur gestion des importantes opérations de maintien de l’ordre public que nous avons connues récemment et dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Je ne reviendrai pas sur la réponse de Christophe Castaner à M. le sénateur Cazabonne. Des efforts importants ont été faits et sont inscrits dans le budget pour 2019. C’est indéniable,…

M. François Grosdidier. C’est insuffisant !

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat. … et ce ne sont pas des « mesurettes » : je pense aux efforts en matière d’équipement immobilier ou automobile, par exemple.

Beaucoup a été fait…

M. Laurent Nunez, secrétaire dÉtat. … et beaucoup sera fait dans la suite du quinquennat, notamment en termes de recrutement. À la fin de l’année 2019, par exemple, les effectifs de gardiens de la paix auront enfin – enfin ! – retrouvé leur niveau de 2007. Pour nous, il est important d’atteindre cet objectif.

Pour parler de l’avenir, de demain, et même de tout à l’heure, je vous confirme que Christophe Castaner et moi-même allons recevoir les organisations syndicales. Nous ne pouvions pas le faire plus tôt, parce que nous étions – cela ne vous a pas échappé – en pleine période d’élections professionnelles et que, dans ces moments-là, on ne discute pas de telles questions.

Cela étant, nous avons ces sujets parfaitement en tête : le sujet du temps de travail, effectivement, auquel nous allons nous atteler, celui des cycles horaires, et bien évidemment celui des heures supplémentaires, dont Christophe Castaner a parlé, et pour lequel nous allons engager un plan d’apurement, tout en veillant à ce qu’aucun stock d’heures supplémentaires ne se reconstitue.

Nous aborderons ce dossier dans le cadre d’une discussion courageuse que nous mènerons avec les organisations syndicales. Ces dernières attendent beaucoup sur le volet du temps de travail. Nous allons dialoguer ensemble pas plus tard que ce soir et dans les tout premiers jours du mois de janvier.

En tout cas, nous sommes déterminés à faire aboutir ces réformes, qui sont très attendues par nos fonctionnaires de police. Nous n’oublions évidemment pas non plus les mesures prévues pour la gendarmerie nationale.

Pardon, madame la sénatrice, mais il ne s’agit pas de « mesurettes » : nous avons une ambition forte pour nos forces de l’ordre, celle d’améliorer les conditions dans lesquelles elles exercent un métier extrêmement difficile ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. François Grosdidier. Le budget ne suit pas !

loto du patrimoine

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.

Vous le savez, monsieur le ministre, les Français sont attachés à la sauvegarde du patrimoine. J’en veux pour preuve le succès rencontré par le loto du même nom, lancé il y a quelques mois sur l’initiative de Stéphane Bern. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

L’idée de départ était simple et a été présentée comme telle à tous les Français : le loto du patrimoine financerait le patrimoine ; l’argent récolté irait aux 269 projets de restauration déclarés prioritaires.

C’est à ce projet que les Français avaient adhéré.

L’idée paraissait simple, au départ tout du moins. Mais voilà, c’était sans compter sur la « bercysation » de l’État et son appétit. C’était sans compter sur son addiction aux taxes de toute nature ! L’Assemblée nationale vient en effet, sous l’influence de Bercy,…

M. Marc-Philippe Daubresse. Où sont les deux ministres de Bercy ?

M. François Bonhomme. … de supprimer la disposition votée ici même, par le Sénat, qui exonérait les jeux en faveur du patrimoine de TVA et des autres taxes.

Alors que le Gouvernement indiquait que les recettes de ce loto du patrimoine iraient au financement du patrimoine, voilà qu’il en profite pour remplir ses caisses au passage. Il y a là, monsieur le ministre, un véritable tour de passe-passe et même une entourloupe ! Si les Français ont participé à ce loto, ce n’est pas pour payer plus de taxes, mais bien pour sauvegarder les moulins, les églises et autres sites en péril !

Ne pensez-vous pas que cette méthode sournoise qui consiste à affirmer une chose aux Français et, par-derrière, à en amoindrir ou à en changer les modalités, alimente et peut-être même explique en grande partie le mécontentement et la défiance auxquels vous devez faire face aujourd’hui ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Jean-François Husson. Stéphane, reviens ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Bonhomme, dans cette période particulièrement, nous avons tous collectivement à faire preuve de pédagogie (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)…

M. François Grosdidier. Nous ne sommes pas assez intelligents !

M. Franck Riester, ministre. … et à expliquer les choses telles qu’elles sont. Et je précise bien ce « tous » : le Gouvernement comme le Parlement !

Le loto du patrimoine, initié et voulu par Stéphane Bern, accompagné par l’État et la Fondation du patrimoine, est un formidable succès. Les Français y ont adhéré en masse. On arrive à la fin du processus de vente : je peux donc vous révéler que les revenus de ce loto vont avoisiner les 21 millions d’euros. L’État s’est engagé à accompagner ce mouvement en investissant également 21 millions d’euros pour la sauvegarde de ce patrimoine de proximité qui est en danger.

Et ce sera bien le cas.

M. François Grosdidier. Évidemment, il récupère l’argent par les taxes !

M. Franck Riester, ministre. Le vote de l’Assemblée nationale ne remet absolument pas en cause ce principe.

En 2019, si Stéphane Bern, la Fondation du patrimoine, la Française des jeux et l’État décident de refaire un loto du patrimoine, l’État accompagnera l’initiative, à hauteur des revenus issus de ce loto.

Mme Sophie Primas. Grâce à des taxes !

M. Franck Riester, ministre. Pour autant, est-on obligé de modifier la législation en matière de loterie nationale ? Peu importe les moyens, en l’occurrence ! Ce qui compte, c’est le résultat ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Franck Riester, ministre. Les impôts et taxes récoltés par le biais du loto du patrimoine représenteront environ 14 millions d’euros en 2018. L’État, lui, mettra 21 millions d’euros en plus des revenus générés par ce loto ! (M. François Bonhomme le conteste.) Vous pouvez faire non de la tête, monsieur le sénateur Bonhomme, mais c’est la stricte vérité !

Essayons d’être objectifs : en matière de patrimoine, en matière de culture, comme dans tous les domaines, d’ailleurs, la pédagogie et l’objectivité sont nécessaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu sur la pédagogie supposée suppléer votre manque de discernement sur le sujet. Je regrette simplement que ce ne soit pas le véritable ministre de la culture, c’est-à-dire le locataire de Bercy, qui me réponde ! C’est en effet au ministère des finances que tout s’est passé.

Cet épisode est d’ailleurs significatif du poids de la technostructure qui prévaut dans le nouveau monde que vous êtes censé incarner, et qui veut que tout système d’aide soit forcément l’objet de taxations.

À la différence du monde d’hier,…

M. le président. Il faut conclure !

M. François Bonhomme. … vous n’avez pas su vous prémunir contre la voracité de Bercy. Aujourd’hui, ce qu’il en ressort, c’est que vous avez non seulement découragé Stéphane Bern,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Bonhomme. … mais que vous avez aussi découragé tous les Français, qui sont aujourd’hui déçus par ce système ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

préparation du débat national

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain.

M. David Assouline. Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, alors que 24 millions de nos concitoyens étaient devant leur poste de télévision pour écouter la réponse solennelle du Président de la République, non seulement à la demande sociale, la demande sur le pouvoir d’achat, mais aussi à la demande de considération, celui-ci nous a parlé d’un débat sur l’immigration et l’identité nationale. Il a beaucoup étonné. Certains n’ont pas compris, d’autres ont trop compris.

J’aimerais que vous puissiez nous dire ce que le Président de la République entendait par là et ce qu’il attend d’un débat sur cette question. Qu’attendez-vous, de manière générale, de ce grand débat national ? Quelles en seront les modalités et de quelle façon en tiendrez-vous compte ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Assouline, dans son intervention la semaine dernière, le Président de la République a en effet évoqué la mise en place de ce grand débat national.

Sur la forme, d’abord, sa volonté est celle d’un débat innovant et foisonnant. Le Premier ministre a eu, je crois, la bonne formule en parlant de débats organisés selon « un jardin à l’anglaise » plutôt qu’« un jardin à la française ». (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Rachid Temal. C’est trop intelligent pour nous !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Le débat sera organisé sous l’autorité de la Commission nationale du débat public. (Brouhaha sur les mêmes travées.) Lors de ce débat, chacun pourra écouter l’autre, comme nous avons l’occasion de le faire dans cet hémicycle, avec respect. (Mêmes mouvements.)

Monsieur le sénateur, le débat sera donc organisé sous l’autorité de la Commission nationale du débat public et avec la participation des maires,…

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. … puisque ce sont les mairies, pour l’essentiel, qui accueilleront ces débats. D’autres formules pourront être proposées, par exemple, la mise à disposition d’un recueil numérique pour que les gens puissent écrire.

M. Rachid Temal. Oh là là !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Bref, il y aura différentes manières d’associer l’ensemble de nos concitoyens à ce débat.

Sur le fond, ensuite, je vous indique que quatre thèmes ont été retenus : le premier concerne la transition écologique, le deuxième, la fiscalité, le troisième, l’organisation de l’État et des services publics, et, le quatrième, la question de la démocratie, de la citoyenneté et la question migratoire.

M. Jean-François Husson. Cela fait cinq !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Le Président de la République n’a pas lié dans son propos – et je sais votre honnêteté intellectuelle sur le sujet – (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.) l’immigration et l’identité nationale. Vous le savez très bien, ce débat appartient au passé et chacun garde en mémoire son succès somme toute relatif. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le sénateur, vous avez été attentif à ce qui se dit sur les ronds-points depuis plusieurs semaines désormais : la question migratoire y était présente, et ne pas la traiter dans le cadre de ce grand débat national reviendrait, pour le dire crûment, à faire la politique de l’autruche !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Il s’agit d’un sujet important, qui mérite mieux que les caricatures auxquelles nous avons eu droit depuis des semaines (Protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.) sur les ronds-points, mais parfois aussi sur les plateaux de télévision, lorsque certains parlementaires ont évoqué le pacte de Marrakech et agité les peurs ! (Vives protestations et huées continues sur les mêmes travées. – De nombreux sénateurs martèlent leur pupitre.)

Monsieur le sénateur, vous êtes attaché tout autant que nous…

M. le président. Monsieur Griveaux, veuillez conclure, s’il vous plaît !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Je veux bien, monsieur le président, mais j’aimerais avoir l’attention de l’assemblée…

M. le président. Concluez ! On a l’habitude de vos conclusions lapidaires !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. Monsieur Assouline, le sujet est trop important…

M. le président. C’est terminé ! (M. le président coupe le micro de lorateur.)

La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

M. David Assouline. Monsieur le secrétaire d’État, au travers de ma question, je voulais en appeler à la responsabilité du Gouvernement et à notre responsabilité en général dans le débat actuel.

À tous les niveaux, mondial, européen et français, nous assistons à une montée des nationalismes et de la haine raciste. (M. le secrétaire dÉtat opine.) Il ne faudra plus jamais, dans les débats avec les citoyens, instrumentaliser la question de l’immigration et jouer avec le feu ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Avec ma question, j’en appelais à la responsabilité, monsieur le secrétaire d’État. Dans la perspective de ces débats, il est un serment que nous pouvons tous partager, et dans toutes les municipalités : nous prônerons la fraternité républicaine,…

M. Bruno Sido. Baratin !

M. David Assouline. … nous combattrons la haine raciste et prendrons en considération cette portion de notre peuple, immigrée elle aussi, qui vit au quotidien dans notre pays, et qui, oui, mérite comme le reste de la population toute notre considération ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Marc Todeschini. Très bien !

vente de bois par l’office national des forêts

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question, à laquelle j’associe Jean-François Longeot, s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation et concerne le financement de l’ONF, l’Office national des forêts.

Le budget de l’ONF vient d’être adopté dans des conditions sans précédent : abstention de son propre président, vote contre des syndicats, des communes forestières, qui ont même quitté la salle. C’est dire le malaise qui traverse les acteurs de la forêt publique et l’exaspération face aux méthodes pratiquées par l’Office, auquel ils sont pourtant attachés.

L’instauration de taxes à l’hectare, l’augmentation des frais facturés aux communes ne suffisent plus à maintenir à flot un office qui frise le plafond d’endettement et auquel vous envisagez à présent de confier l’encaissement des recettes des ventes de bois des communes.

Ce pansement de 25 millions d’euros ne sauvera pas pour autant l’ONF. Faire des communes les banquiers de l’Office ne résorbera en rien des déficits financiers structurels. Cela masquera temporairement les dysfonctionnements d’un système qui pense trouver son salut dans toujours plus de complexité et toujours moins de transparence.

Les communes dénoncent ces contraintes et ces coûts grandissants, tout comme la diminution des emplois dans les unités territoriales, diminution qui est contraire aux engagements figurant dans le contrat d’objectifs et de performance, ce COP signé par l’État, les communes forestières et l’ONF.

Chaque jour, l’Office perd un peu plus de sa crédibilité, de son sens, même, auprès des maires.

Mais le ministre le sait, puisqu’il a délégué une mission d’évaluation de ce COP, qui doit faire le point, sans tabou, sur le rôle et les missions de l’établissement public.

Les communes forestières sont également mobilisées avec leurs adhérents sur tout le territoire pour élaborer des propositions sur le régime forestier, pour une meilleure gestion des forêts communales et domaniales, qui sont de véritables trésors du patrimoine et des opportunités pour faire face aux défis à la fois énergétiques et climatiques qui sont devant nous.

Madame la secrétaire d’État, dans ce contexte de concertation des acteurs publics, et alors que le Président de la République propose de se rendre dans les territoires pour tenter de renouer un pacte de confiance avec les élus et les Français, pensez-vous opportun de déposséder, même temporairement, 11 000 communes rurales des quelques recettes qui leur permettent d’investir aujourd’hui dans leurs infrastructures et dans leur territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Loisier, le ministre de l’agriculture ne peut malheureusement pas être présent ici aujourd’hui et m’a chargée de vous répondre.

Pour en avoir discuté avec lui à plusieurs reprises, je sais combien le ministre considère – et avec lui le Gouvernement - cette filière bois comme essentielle et à quel point il entend les inquiétudes exprimées par les communes forestières quant à la mise en œuvre de l’encaissement du produit des ventes de bois par l’ONF en lieu et place des directions départementales des finances publiques, les DDFiP.

Cette évolution était prévue de longue date.

M. Jean-François Husson. Comme le budget ! (Sourires.)

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Elle est ainsi mentionnée dans le contrat d’objectifs et de performance de l’ONF signé en mars 2016. Ce contrat prévoyait que le transfert à l’ONF devait être payant, puisque l’Office devait prélever « des frais de gestion ».

Cependant, pour répondre aux préoccupations des collectivités, il a été décidé que ce transfert se ferait à titre gratuit. Ce nouveau dispositif constitue une mesure de simplification. Il devrait permettre de réduire le délai entre les ventes de bois et leur encaissement par les agents comptables. (Mme Anne-Catherine Loisier le conteste.) Les reversements à la commune devront intervenir au plus tard deux mois après l’encaissement effectif des sommes versées. Dès lors, il convient de mettre en œuvre à partir du 1er juillet 2019 ce dispositif, qui nous paraît « gagnant-gagnant » pour les deux parties. (M. Bruno Sido s’esclaffe.)

Un nouvel outil informatique va d’ailleurs être mis en place par l’ONF pour fluidifier le système. Les communes forestières doivent naturellement être très étroitement associées à l’élaboration du dispositif, en particulier lors de la phase de test de cet outil informatique, qui va se dérouler dans les premiers mois de l’année 2019.

Les services du ministère de l’agriculture organiseront prochainement une réunion technique avec l’ensemble des parties prenantes pour voir concrètement comment mettre en place le dispositif et répondre au mieux et le plus rapidement possible aux inquiétudes des communes.

Le ministre de l’agriculture…

M. le président. Il faut conclure.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. … suit ce dossier de très près et a d’ores et déjà entamé un dialogue constructif avec les communes forestières.

M. Jackie Pierre. C’est nul !

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants mais, avant de suspendre, je rappelle à tous que c’est moi qui préside la séance, et moi seul ! (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.- Les membres du Gouvernement quittent lhémicycle sous des huées.)

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. David Assouline.)

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer
Discussion générale (suite)

Sortie de l’indivision successorale et politique du logement en outre-mer

Suite de la discussion et adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Magras.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer
Article 2

M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer que nous examinons en seconde lecture est une contribution utile à la résolution du problème de l’indivision sur nos territoires ultramarins.

Le deuxième volet du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur le foncier avait d’ailleurs posé un diagnostic précis couvrant l’ensemble des bassins océaniques à l’issue de plusieurs mois de travaux.

Cette discussion générale est aussi une nouvelle occasion de saluer le travail conduit par les rapporteurs Thani Mohamed Soilihi, Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu.

Nul doute que ce texte s’inspire de ce diagnostic. Comme chaque fois que les travaux de notre instance donnent lieu à une traduction concrète, je suis heureux de partager collectivement cette satisfaction.

Cette proposition de loi conforte également le choix de conduire des études sur des sujets majeurs dont chacun peut s’emparer librement afin de contribuer à l’évolution du droit applicable dans les domaines retenus.

Ainsi, que ce soit en Polynésie, en Guadeloupe ou encore à Mayotte, les outre-mer ont en commun d’être marqués voire, à certains égards, paralysés par des situations d’indivision.

Pour y remédier, les rapporteurs ont notamment relevé la nécessité d’une adaptation pragmatique des normes nationales, y compris en matière de successions.

Des progrès ont été accomplis ; ce texte y contribue, plaçant ainsi les outre-mer sur la bonne voie dans la prise en compte de la spécificité des situations successorales. Autrement dit, nous mettons en œuvre une nécessaire différenciation à laquelle vous êtes nombreux à me savoir attaché pour les outre-mer.

Bien qu’à des degrés divers, toutes les collectivités ultramarines sont concernées, le nœud gordien de l’indivision entravant partout l’aménagement du territoire. C’est à ce titre que la collectivité de Saint-Barthélemy a souhaité que les dispositions proposées lui soient étendues.

Pour autant, si toutes les dispositions en matière de droit civil relèvent de la compétence de l’État, l’article 2 bis intervient dans la matière fiscale ressortissant à la compétence de la collectivité en supprimant jusqu’en 2028 les droits d’enregistrement au titre du partage.

Vous disiez, madame la ministre, que personne n’y avait pensé. Le compte rendu intégral vous prouvera que je l’avais signalé, sans être entendu !

Je crois néanmoins que le texte doit être vu comme un ensemble, la dimension fiscale étant solidaire des dispositions aménageant le droit successoral.

En effet, dès lors que l’on facilite juridiquement la sortie de l’indivision, il semble cohérent de conforter ce mouvement par des dispositions fiscales puisque l’on sait qu’il s’agit là de l’un des points bloquants.

En ce qui concerne Saint-Barthélemy, en dépit de cet empiétement, la collectivité ne s’opposera pas aux dispositions fiscales de l’article 2 bis, car elles permettent de tenir compte de la situation des familles aux revenus modestes.

Si, à l’avenir, devait s’exprimer une volonté de rétablir la fiscalité sur le partage, je précise que la faculté de demander au Conseil constitutionnel de constater que la loi est intervenue dans un domaine de compétence de la collectivité est prévue par la loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en début d’année, lors de la première lecture de cette proposition de loi, j’exprimais mon inquiétude, non pas au regard du fond du texte, qui revêt une importance primordiale pour nos territoires, mais parce que je savais pertinemment que, par le jeu normal de nos institutions, il serait rediscuté en seconde lecture dans un délai plus ou moins proche.

Je ne remets nullement en cause le travail parlementaire que nos institutions – Assemblée nationale et Sénat – sont en devoir d’effectuer sur les textes. Mais j’aimerais parfois, comme cela a déjà été le cas par le passé et le sera encore dans le futur, quand le texte trouve écho auprès de l’ensemble des groupes politiques, que la procédure soit beaucoup plus rapide. Je pense notamment à l’excellente proposition de loi de nos collègues et amis Martial Bourquin et Rémy Pointereau portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.

S’agissant de la proposition de loi de Serge Letchimy, la Haute Assemblée a participé à son enrichissement, notamment en commission, en élargissant le dispositif proposé aux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ce texte n’est pas parfait. Il n’a d’ailleurs pas vocation à résoudre tous les problèmes fonciers de nos territoires, qu’ils soient ultramarins ou hexagonaux. Mais il est le vecteur d’une urgence absolue à agir en ce domaine, et il constitue un outil complémentaire pertinent dérogatoire, d’une durée limitée, pour s’attaquer aux 30 % à 44 % – voire 83 % dans certaines communes – de biens immobiliers privés en indivision en outre-mer, ainsi qu’à leurs conséquences multiples : insalubrité, insécurité, maisons abandonnées, programmes immobiliers ralentis, déstructuration familiale, etc.

J’espère une entrée en vigueur rapide de cette proposition de loi, car une certaine excitation se fait jour dans nos territoires depuis l’annonce du texte, signe que nous sommes en phase avec nos populations en légiférant sur la question. Si les choses allaient vite, ce serait pour nos populations, qui attendent avec impatience ce texte, un très beau cadeau de Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite du travail accompli depuis plusieurs mois. Le processus législatif aboutit aujourd’hui à une loi à la fois utile, attendue, concrète et répondant aux enjeux majeurs des territoires d’outre-mer.

Monsieur Magras, à la lecture du compte rendu intégral, je réalise que vous avez évoqué cette question et je regrette de ne pas en avoir été informée plus tôt, puisque je ne pouvais pas être présente ce jour-là. Pour ce qui concerne l’article 2 bis, il s’agit bien, je le confirme, d’une erreur matérielle, qui sera corrigée le plus vite possible. Nous pourrons alors tous nous féliciter du travail accompli.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer

TITRE Ier

(Suppression maintenue de la division et de l’intitulé)

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Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer
Article 2 bis

Article 2

(Non modifié)

Le notaire choisi pour établir l’acte de vente ou de partage dans les conditions prévues à l’article 1er en notifie le projet par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires et procède à sa publication dans un journal d’annonces légales au lieu de situation du bien ainsi que par voie d’affichage et sur un site internet.

La notification fait état de l’identité du ou des indivisaires à l’initiative de la vente ou du partage, de leur quote-part d’indivision, de l’identité et des quotes-parts des indivisaires non représentés à l’opération, des coordonnées du notaire choisi, de la désignation du bien, du prix de vente et de l’indication de la valeur de ce bien au moyen du recueil de l’avis d’au moins deux professionnels qualifiés ainsi que de la répartition du prix de vente ou des allotissements prévus entre chacun des indivisaires. Elle fait également état du délai mentionné au quatrième alinéa du présent article.

La notification fait également état, le cas échéant, d’un projet de cession du bien, à titre onéreux, à une personne étrangère à l’indivision, du prix et des conditions de la cession projetée ainsi que des nom, domicile et profession de la personne qui se propose d’acquérir le bien.

Tout indivisaire peut, dans le délai de trois mois qui suit cette notification, faire connaître son opposition à la vente ou au partage. Lorsque le projet de cession ou de partage porte sur un bien immobilier dont les quotes-parts sont détenues par au moins dix indivisaires ou lorsqu’au moins un indivisaire a établi son domicile à l’étranger, ce délai est porté à quatre mois.

En cas de projet de cession à une personne étrangère à l’indivision, tout indivisaire peut également, dans le délai d’un mois qui suit cette notification, faire connaître aux indivisaires à l’initiative de la vente, par acte extrajudiciaire, qu’il exerce un droit de préemption aux prix et conditions de la cession projetée. Ce droit de préemption s’exerce dans les conditions prévues aux trois derniers alinéas de l’article 815-14 du code civil.

À défaut d’opposition, la vente ou le partage est opposable aux indivisaires qui ne sont pas à l’initiative du projet.

Si un ou plusieurs indivisaires s’opposent à l’aliénation ou au partage du bien indivis dans le délai imparti au quatrième alinéa du présent article, le notaire le constate par procès-verbal.

En cas de procès-verbal constatant une opposition, le ou les indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis saisissent le tribunal de grande instance afin d’être autorisés à passer l’acte de vente ou de partage. Le tribunal autorise cette aliénation ou ce partage si l’acte ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.

L’aliénation ou le partage effectué dans les conditions fixées par l’autorisation du tribunal est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l’intention d’aliéner ou de partager le bien du ou des indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis ne lui avait pas été notifiée selon les modalités prévues aux trois premiers alinéas du présent article.

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 5 A

Article 2 bis

(Non modifié)

I. – (Non modifié)

II. – (Supprimé) – (Adopté.)

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TITRE II

(Suppression maintenue de la division et de l’intitulé)

Article 2 bis
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Article 5 (Texte non modifié par la commission)

Article 5 A

(Suppression maintenue)

Article 5 A
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Article 6

Article 5

(Non modifié)

Pour l’application dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon du 1° de l’article 831-2 du code civil, l’attribution préférentielle peut également être admise si le demandeur démontre qu’il réside sur la propriété de manière continue, paisible et publique depuis plus de dix ans au moment de l’introduction de la demande de partage en justice.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, sur l’article.

M. Stéphane Artano. Permettez-moi de revenir sur ce que viennent de dire Mme la ministre et M. Magras.

Je suis bien évidemment favorable, comme la majorité des membres du groupe du RDSE, à cette proposition de loi sur l’indivision successorale. Pour autant, je m’abstiendrai lors du vote, par cohérence. Vous connaissez en effet mon attachement à la défense du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. Or, en l’occurrence, la modification du code général des impôts intégrant notre collectivité, alors qu’elle dispose d’une compétence fiscale exclusive, me pose un vrai problème. Je me suis battu pendant onze ans pour faire en sorte que ce statut soit respecté à bien des égards. Je ne pourrai donc pas voter cette proposition de loi, bien que je reste évidemment favorable aux autres dispositions qu’elle prévoit.

J’ai d’ailleurs retiré les deux amendements d’appel que j’avais déposés, et dont l’objet était de permettre au Gouvernement de préciser les conditions dans lesquelles cette erreur matérielle serait corrigée ultérieurement.

Je précise néanmoins que je me suis abstenu lors du vote sur l’article 2 bis, et que je m’abstiendrai s’agissant de l’adoption de l’ensemble de la proposition de loi, par respect pour les compétences organiques du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. le président. Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5 (Texte non modifié par la commission)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 6

(Non modifié)

Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, par dérogation au premier alinéa de l’article 887-1 du code civil, lorsque l’omission d’un héritier résulte de la simple ignorance ou de l’erreur, si le partage judiciaire a déjà été soumis à la formalité de la publicité foncière ou exécuté par l’entrée en possession des lots, l’héritier omis ne peut solliciter qu’à recevoir sa part soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage. En cas de désaccord entre les parties, le tribunal tranche. – (Adopté.)

M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Article 6
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je rappelle régulièrement, au travers de mes différentes interventions, que l’outre-mer peut et doit être force de proposition, notamment dans le domaine législatif. C’est ce qu’a fait Serge Letchimy avec cette proposition de loi, dont l’objectif est de favoriser et accélérer les règlements successoraux, afin de rendre plus facilement disponible le foncier sur les territoires insulaires, où il est rare.

Le vote de ce texte est un soulagement certain. Il est annonciateur d’un essor du développement urbain. Car la maîtrise foncière est la clé du développement de nos territoires. Les mécanismes issus de ce texte seront des outils à la disposition des autorités locales – maires, responsables des différentes collectivités, voire certaines juridictions – dans toute procédure relative à l’étude et la résolution des cas d’indivision successorale, et ce dans un climat serein.

Il convient de noter par ailleurs l’excellent travail transpartisan sur ce texte, et l’implication de tout un chacun sur ce sujet complexe et technique, au service de l’intérêt général. Désormais, les tribunaux ne constitueront plus la seule voie possible pour sortir de l’indivision, et les familles ne se déchireront plus systématiquement à ce sujet.

Enfin, il faudra maintenant se tourner vers l’application de cette proposition de loi au niveau local, qui suppose notamment la mise en œuvre d’actions et de suivis pour une évaluation régulière du dispositif.

Je terminerai en évoquant la mobilisation de nombreux parlementaires ultramarins sur cette problématique prégnante dans nombre de nos territoires. Toutefois, le vote de ce texte a été rendu possible par l’implication et le travail collectif de l’ensemble des parlementaires, que ce soit ici ou à l’Assemblée nationale.

Je conseillerai donc fortement aux détracteurs de notre institution, qui mettent en doute son intérêt, de se plonger dans les comptes rendus des débats de séance et de commission pour prendre pleinement conscience de l’excellent travail que nous faisons ici pour la défense des collectivités, et donc de la leur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Nous nous acheminons vers un vote conforme du texte adopté par l’Assemblée nationale la semaine dernière. Cela constitue, selon moi, une belle et forte reconnaissance du travail de l’auteur de ce texte, déposé en toute connaissance de cause. Comme le dirait la célèbre publicité, il le vaut bien, ce vote unanime, lui qui a fait de la lutte contre le mal-logement son cheval de bataille depuis trente ans qu’il est impliqué dans la vie publique. Les nombreux chantiers qu’il a menés en ce sens dans la difficulté la plus totale en ont fait un aménageur et un urbaniste renommé et reconnu.

Au-delà de ces considérations, je veux souligner le caractère de laboratoire expérimental obligatoire qu’offrent nos régions, tant le défi de transgresser l’ordre établi, qui semble constituer le cours naturel de l’histoire, sera peut-être, demain, pour la nation française, une sorte d’oxygène revigorant face à des pratiques sans doute vieillissantes et poussiéreuses.

L’horizon, c’est le lointain. Nous sommes le lointain. Souvent, c’est l’horizon qui montre le chemin des routes inexplorées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué à l’adoption, désormais imminente, de ce texte.

Il fallait aller vite. En première lecture, nos collègues de l’Assemblée nationale avaient souhaité que nous adoptions conforme la proposition de loi initiale. Toutefois, vous l’avez tous admis explicitement ou implicitement, il convenait de l’améliorer.

En effet, le texte soulève des questions s’agissant de la protection du droit de propriété, droit constitutionnellement garanti. Face aux dérogations prévues par l’auteur de cette proposition de loi, le député Serge Letchimy, nous devions nous assurer que celles-ci ne risquaient pas de constituer des motifs d’inconstitutionnalité.

Je m’étais engagé ici en première lecture à tout faire pour que nous allions vite. Je remercie le Gouvernement d’avoir trouvé une « niche », pour employer le jargon parlementaire, pour que l’Assemblée nationale puisse examiner cette proposition de loi, dont l’initiative revient au groupe Nouvelle Gauche.

Je remercie aussi le Gouvernement d’avoir levé le gage concernant l’exonération du droit de partage de 2,5 %. En effet, s’il est utile de prévoir des dispositions dérogatoires, il convient également d’instaurer des incitations fiscales. Sinon, le texte risquait de ne pas connaître le succès que nous lui souhaitons.

Je conclurai en espérant que ce texte soit rapidement appliqué. Pour autant, tout ne sera pas réglé. En effet, les rapports sur le foncier de la délégation sénatoriale aux outre-mer ont mis en lumière bien d’autres difficultés, qu’il faudra résoudre au fur et à mesure.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie, madame la ministre, mes chers collègues, de votre contribution au succès de ce texte.

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.) - (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 19 décembre, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2019.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD