M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Alors que nos mesures d’éloignement sont déjà les plus faibles qui soient, c’est une mauvaise idée que de baisser encore ces crédits !
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. La France est dotée d’un dispositif spécifique d’hébergement pour l’accueil des réfugiés les plus vulnérables. Tous les réfugiés n’ont pas vocation à être hébergés dans ce cadre. Au contraire, la plus grande partie d’entre eux accède au logement par le biais de dispositifs de droit commun.
J’ai rappelé l’effort de 3 500 places, déployées dans le cadre du projet de loi de finances. Entre le début de l’année 2017 et la fin de l’année 2019, sur trois ans, le parc aura été multiplié par quatre, sa capacité atteignant 8 707 places au plan national. C’est donc un effort très considérable que le Gouvernement a consenti et qu’il maintiendra cette année encore, comme je le rappelais, conformément aux engagements pris.
Compte tenu de cet effort, priver le programme 303, « Immigration et asile », de 20 millions d’euros, alors que ses besoins sont également élevés, n’apparaît pas justifié.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-697, présenté par Mmes Benbassa, Apourceau-Poly et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
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20 000 000 |
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20 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
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Fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile |
20 000 000 |
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20 000 000 |
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TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Dans un contexte marqué par une demande d’asile soutenue et une immigration en progression, les moyens budgétaires prévus par l’exécutif sont insuffisants.
Partant de prévisions erronées des demandes de l’OFPRA, l’exécutif a déterminé le montant des crédits en retenant l’hypothèse d’une stabilisation de la demande d’asile en 2019. Ce calcul, quelque peu erroné, entraîne un risque de sous-budgétisation de la mission et, oserai-je dire, une forme d’insincérité budgétaire. Cette hypothèse est effectivement jugée irréaliste par l’ensemble des associations et organismes compétents, lesquels estiment que l’OFPRA risque l’engorgement du fait d’un nombre croissant de requérants dans les années à venir.
Le présent amendement vise à créer un fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile, afin de renforcer le financement de l’action n° 02 du programme 303, « Immigration et asile ». Nous espérons ainsi réunir les conditions d’un fonctionnement plus efficient de l’OFPRA, par davantage d’emplois de personnels qualifiés.
Alors que l’action relative à la lutte contre l’immigration irrégulière a augmenté drastiquement de 86 % entre 2018 et 2019, nous jugeons qu’un transfert de 20 millions d’euros vers un soutien à l’exercice effectif du droit d’asile est nécessaire, afin d’offrir aux primoarrivants des conditions d’accueil dignes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. La commission partage votre avis sur l’insincérité du budget, madame la sénatrice, malgré les efforts et les augmentations budgétaires. En revanche, comme pour le premier amendement, il me semble que diminuer le budget finançant les mesures d’éloignement au profit d’une autre action n’est pas une bonne idée.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Le fonds, dont la création est envisagée par prélèvement des moyens du programme 303, aurait exactement le même objet que certaines des actions financées par ce même programme 303… Dès lors, cette création ne nous paraît pas utile.
Nous considérons que l’effort fourni est tout de même significatif. Je ne donnerai qu’un seul exemple, celui de l’OFPRA, dont, madame la sénatrice, vous jugez les moyens insuffisants. Depuis 2015, les crédits alloués à l’OFPRA ont augmenté de 65 %, pour atteindre 70 millions d’euros dans ce projet de loi de finances, et, dans le même temps, quelque 280 emplois ont été créés dans cet établissement public.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° II-698, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques |
10 000 000 |
|
10 000 000 |
|
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le 23 novembre dernier, au tribunal de grande instance de Paris, un jeune Burkinabé de quinze ans s’est défenestré après avoir été entendu par le juge. Ce fait n’est, hélas, pas un cas isolé et nous a été signalé par plusieurs associations.
La cécité du Gouvernement sur ce grave enjeu de santé publique nous interroge. La souffrance psychique des migrants est directement provoquée par les violences que subissent ces personnes, tant dans leur pays d’origine que lors de leur traversée.
Ces multiples troubles, parmi lesquels figure le syndrome de stress post-traumatique, compliquent également le travail des agents de l’OFPRA, censés examiner la véracité des récits et témoignages. Les demandeurs d’asile qui en sont atteints souffrent d’amnésies traumatiques et ne peuvent relater aisément et avec précision les persécutions subies.
Ces pathologies mentales peuvent être plus graves encore. Sans suivi médical, les individus peuvent pâtir à long terme de maladies psychiatriques de plus grande ampleur, telle la schizophrénie.
Parce que le suivi psychotraumatique est inexistant et occulté par les politiques publiques, nous proposons la création d’un fonds nécessaire à la prise en charge des pathologies dont souffrent ces personnes brisées par l’exil.
Mes chers collègues, il est de notre devoir de mettre en place, au sein de notre politique d’accueil et d’intégration, une offre de soins en santé mentale, afin de redonner confiance et dignité à ceux qui sont atteints de syndromes psychotraumatiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Nous accueillons mal, parce que nous accueillons trop ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.) Cette problématique rejoint celle de l’aide médicale de l’État, évoquée précédemment et dont nous avons réussi à baisser les crédits.
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas un argument !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Les éventuels troubles psychotraumatiques dont peuvent souffrir les primoarrivants font l’objet d’une prise en charge, à la fois au titre de l’intégration et en tant qu’impératif de santé publique.
Depuis plusieurs années, les crédits de l’action n° 02 « Garantie de l’exercice du droit d’asile » du programme 303 sont mobilisés au bénéfice d’associations qui interviennent spécifiquement dans le champ de la prise en charge de ce type de syndromes pour les demandeurs d’asile. En 2018, plus de 500 000 euros ont été versés à des acteurs associatifs spécialisés dans la prise en charge médico-psychologique de demandeurs d’asile. Il s’agit bien de crédits spécifiques, mobilisés à cette seule fin.
Cette politique a été confirmée dans le cadre du comité interministériel à l’intégration de juin 2018. Dès lors, la création d’un fonds national n’apparaît pas opportune, d’autant plus que les modalités de prise en charge de ces traumatismes ont été mieux définies au plan local et que les préfets bénéficient de moyens supplémentaires qui, de surcroît, sont déconcentrés sur les territoires, pour mieux prendre en compte ce type de traumatismes.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je voudrais brièvement indiquer, notamment à l’attention de Mme Benbassa, que l’OFII a massivement créé, depuis deux ans, des postes de médecins, et qu’il a développé l’ensemble des programmes d’accueil et de contrôle médical, ne serait-ce que pour éviter que l’on retrouve, dans les rues de nos villes, des gens ayant des problèmes de santé.
Le contrôle médical est donc beaucoup plus performant aujourd’hui qu’il y a quelques années. Je ne dis pas que tout est merveilleux ou magnifique, mais des efforts importants ont été réalisés par les pouvoirs publics au cours des trois dernières années.
Dans ces conditions, il me semble nécessaire de laisser l’OFII poursuivre son travail, plutôt que de créer un fonds nouveau.
Mme Esther Benbassa. Cela suppose un budget !
M. le président. L’amendement n° II-574 rectifié bis, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Durain et Mmes G. Jourda et de la Gontrie, n’est pas soutenu.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 77 quater, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Immigration, asile et intégration
Article 77 quater (nouveau)
I. – Le troisième alinéa de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’Office français de l’immigration et de l’intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. À cet effet, il peut avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« L’État est ordonnateur de la contribution forfaitaire. À ce titre, il liquide et émet le titre de perception. »
II. – L’article L. 8253-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « de liquider cette contribution » sont remplacés par les mots : « fixer le montant de cette contribution pour le compte de l’État selon des modalités définies par convention » ;
2° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’État est ordonnateur de la contribution spéciale. À ce titre, il liquide et émet le titre de perception.
« Le comptable public compétent assure le recouvrement de cette contribution comme en matière de créances étrangères à l’impôt et aux domaines. »
III. – Les I et II entrent en vigueur le 1er janvier 2018.
M. le président. Je mets aux voix l’article 77 quater.
(L’article 77 quater n’est pas adopté.)
Sécurités
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les récents événements, marqués par d’importants dérapages en matière de maintien de l’ordre, démontrent encore une fois l’importance de la mission « Sécurités ».
Malgré tout, cette année encore, le budget n’est pas à la hauteur des enjeux. Le projet de loi de finances prévoit une augmentation des crédits de cette mission de 1,62 %. La principale caractéristique de ce budget est la création de 2 378 ETP, qui devrait constituer la plus forte hausse sur une annuité de toutes celles qui sont prévues sur l’ensemble du quinquennat.
Cette augmentation des effectifs n’est malheureusement pas suivie d’une augmentation équivalente des dépenses de fonctionnement et d’investissement, ce qui entraîne, une fois de plus, une dégradation préoccupante du ratio des dépenses de personnel sur l’ensemble des crédits.
Ce ratio sera de 89,39 % pour la police nationale et de 84,39 % pour la gendarmerie nationale, soit une moyenne de 87,36 % pour les deux forces. Voilà une dizaine d’années, les dépenses de personnel représentaient 80 % des crédits, pour 20 % de crédits de fonctionnement et d’investissement. Depuis, les sommes affectées aux dépenses de personnel ont crû de 34,53 %, tandis que les autres ont diminué de 6,53 %.
Les revalorisations générales, notamment l’application des protocoles d’accord signés en mai 2016, ont entraîné 200 millions d’euros de dépenses supplémentaires en 2018 et la hausse devrait être de 92 millions d’euros en 2019, selon l’estimation de la Cour des comptes.
Les comparaisons internationales démontrent qu’avec un gendarme ou un policier pour 280 habitants, notre pays n’est pas en situation de sous-effectif. Nos forces de l’ordre disposent de 151 000 policiers et de 96 000 gendarmes, pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Il y a un policier ou gendarme pour 273 habitants en Allemagne, un pour 427 en Angleterre, un pour 220 en Italie et un pour 292 en Espagne. Parmi nos voisins, seule l’Italie possède plus de policiers et de gendarmes par million d’habitants que nous. Encore ce chiffre ne tient-il pas compte des polices municipales, ni des 7 000 militaires déployés dans le cadre de l’opération « Sentinelle ».
Avec des dépenses de personnel qui représentent plus de 87 % des crédits de la mission, les crédits de fonctionnement sont donc insuffisants et n’augmentent que de 0,88 %. Les crédits d’investissement, quant à eux, baissent de 13,37 % !
Comme l’a montré l’enquête de la Cour des comptes sur l’équipement des forces de l’ordre, réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat, des efforts ont pourtant été réalisés pour faire face au terrorisme et à la crise migratoire. Ainsi, dans des délais relativement courts, votre rapporteur a pu constater que pour les primo-intervenants sur une scène d’attentat, chaque brigade anticriminalité dispose désormais d’une arme lourde et d’une protection assortie.
Toutefois, toujours selon ce rapport, de nombreux points noirs demeurent. La Cour des comptes dénonce ainsi le manque de formation : en 2017, seuls 51 % des policiers et gendarmes ont effectué leurs trois séances de tir par an.
Par ailleurs, la Cour a mis fin à une polémique entre le Sénat et le Gouvernement sur l’état du parc automobile. Il est regrettable que la multiplication des plans n’ait pas enrayé le vieillissement de ce parc. Sur ce point, le contraste entre les chiffres avancés et la réalité est flagrant : en 2017, sur 3 000 véhicules annoncés, seuls 1 500 sont arrivés sur le terrain. Depuis 2010, le nombre de véhicules achetés ne permet pas de garantir le maintien à niveau de la flotte.
Dans la police nationale, un véhicule doit être remplacé après 170 000 kilomètres ou huit ans. En 2019, 14 000 véhicules sur 30 000 auront bientôt atteint ce seuil. Dans la gendarmerie, où le critère de réforme se situe actuellement à 7,4 années, tout le monde ne peut qu’être inquiet, car cet outil de travail est essentiel pour la couverture d’immenses zones géographiques.
L’état du parc immobilier est aussi très préoccupant. Dans la gendarmerie, l’état des logements influe sur le moral. La commission d’enquête dont mon collègue François Grosdidier était le rapporteur a évalué l’effort d’investissement nécessaire à un niveau de 300 à 400 millions d’euros. Dans la police, où 536 bâtiments nécessitent une réhabilitation lourde, le délabrement est tel qu’il faudrait des crédits d’investissement à hauteur de 650 millions d’euros. Or, le niveau de ces crédits est respectivement de 100 millions d’euros et de 165 millions d’euros.
Certaines réorganisations ont mis à mal les dispositifs opérationnels. En particulier, la directive européenne de 2003 sur le temps de travail, applicable à la gendarmerie nationale depuis le 1er septembre 2016, implique la création de 4 000 ETP. Or il n’est prévu de créer que 2 500 ETP sur le quinquennat.
Pour la police nationale, les protocoles de mai 2016, jugés sévèrement par la Cour des comptes, conduisent à l’application aux forces opérationnelles de la vacation forte. Cette disposition améliore le moral des agents, qui peuvent disposer d’un week-end sur deux, au lieu d’un sur six. Mais son application sur 11 % des effectifs, malgré l’injection de 433 ETP supplémentaires dans les services concernés, a été difficile.
Le directeur général de la Police nationale a dû décréter un moratoire, dans l’attente d’un rapport de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale des finances qui est prévu pour mars 2019. La généralisation progressive semble remise en cause dans ce cadre budgétaire. Il faudrait, à terme, envisager 4 160 ETP de plus pour un coût financier d’environ 205 millions d’euros annuels.
Je comprends, monsieur le secrétaire d’État, vos préoccupations financières pour tenir ces engagements et j’espère que vous apporterez prochainement au Sénat des réponses à ces interrogations.
Le fait que la préfecture de police de Paris ne puisse pas appliquer la vacation forte constitue un paradoxe révélateur des difficultés induites par ce régime. Il est effectivement surprenant que, dans la région capitale, où les conditions de travail sont particulièrement difficiles, ce régime ne puisse pas être mis en œuvre. Sur le territoire de la préfecture de police, une expérimentation a été menée à Boissy-Saint-Léger et a conduit à son abandon.
Monsieur le secrétaire d’État, les sénateurs sont préoccupés par le stock d’heures supplémentaires, qui a crû de 18 % en trois ans pour atteindre 21,7 millions d’heures. Ce problème ne concerne pas les gendarmes, qui sont sous statut militaire et disposent d’un logement de fonction. C’est, en revanche, une véritable épée de Damoclès sur la capacité opérationnelle de la police nationale, car ces congés sont pris avant le départ à la retraite, ce qui peut priver le service d’un fonctionnaire pendant une année entière, sans que celui-ci soit remplacé.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Les tâches indues demeurent constantes. Il en va, ainsi, de la garde de vingt-quatre préfectures ou de celle du palais de Justice de Paris qui exige 450 postes. Ces tâches mobilisent 5 % des effectifs.
Au vu de ces éléments, la commission des finances propose, contrairement à d’autres missions régaliennes de l’État, un rejet des crédits de la mission « Sécurités ».
M. le président. Mes chers collègues, j’invite chacun d’entre vous à respecter son temps de parole. Ainsi parviendrons-nous peut-être à achever l’examen des crédits de cette mission avant minuit et demi.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le programme « Sécurité et éducation routières ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif fixé pour la politique de sécurité routière est clair : réduire au maximum le nombre de morts et de blessés, donc d’accidents sur les routes françaises.
Ce faisant, cette politique diminue le coût de l’insécurité routière. Si la valeur d’une vie brisée est inestimable, le coût matériel des accidents de la route – évalué par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, l’ONISR, à 39,7 milliards d’euros – est très élevé. Comment évaluer la politique de sécurité routière à l’aune de ses résultats ?
Si l’on est loin de l’objectif, fixé par l’Union européenne, de passer sous la barre des 2 000 morts en 2020, les années 2017 et 2018 laissent enfin entrevoir une éclaircie.
En 2017, après trois années consécutives de hausse - une première depuis quarante-cinq ans –, le nombre de tués sur les routes repart enfin à la baisse. Ce sont 3 600 tués qui ont été dénombrés sur les routes de France métropolitaine et des départements d’outre-mer, soit 55 décès de moins par rapport à 2016.
Toutefois cette embellie demeure fragile et doit être relativisée. En effet, le nombre d’accidents et de blessés hospitalisés continue d’augmenter. En outre, la France se trouve toujours en quatorzième position, c’est-à-dire dans le « ventre mou » du classement des pays de l’Union européenne.
Quand on considère la distance parcourue sur les réseaux routiers, plusieurs de nos voisins – l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suisse – affichent de meilleurs résultats. La France peut donc mieux faire.
Les crédits du programme 207, « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités », qui ne représentent que 0,2 % du montant de la mission, augmentent de nouveau légèrement – de 3,9 % par rapport à 2018 –, pour s’établir à 41,4 millions d’euros.
Le point saillant de ce programme est le permis de conduire, dont les coûts d’organisation représentent plus de la moitié des crédits. La réforme de cet examen, engagée en 2014, s’essouffle : les indicateurs de performance stagnent, tandis que l’opération « permis à un euro par jour », qui m’apparaît, comme l’an dernier, trop budgétée, connaît un succès très relatif.
Cet été, le Gouvernement a confié une mission à deux de nos collègues députés, visant à relancer la réforme du permis de conduire, tandis que l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, dit « LOM », qui vient d’être déposé au Sénat, doit aussi permettre de lui donner un nouvel élan.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles pistes envisagez-vous pour aider les jeunes à obtenir leur permis, souvent indispensable pour « décrocher » un premier emploi ?
S’agissant du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », le « CAS Radars », l’estimation, en projet de loi de finances, du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement n’a jamais été aussi élevée : elle atteint 1 867 millions d’euros.
J’avoue que cette estimation, il y a encore quelques semaines, me semblait quelque peu frileuse. Le montant du produit réalisé, l’an dernier, c’est-à-dire en 2017, s’est révélé en effet nettement supérieur aux prévisions de la loi de finances initiale de 2017.
Cependant, au cours de ces trois dernières semaines de mobilisation des « gilets jaunes », de nombreux radars ont été vandalisés et sont désormais hors service – selon les éléments qui nous ont été donnés, plus de 800 radars automatiques, soit 20 % du parc. L’impact sur les recettes de l’État pourrait être important.
S’agissant des dépenses, j’observe que les décisions prises à l’issue du comité interministériel réuni le 9 janvier 2018 s’inscrivent dans la droite ligne de la politique des deux précédents gouvernements.
Si je reste très mesuré – c’est un euphémisme – quant aux effets de l’abaissement de la vitesse autorisée à 80 kilomètres par heure, j’aurais préféré, comme beaucoup de mes collègues, notamment ceux du groupe de travail sur la sécurité routière, que ces décisions soient prises en concertation avec les collectivités et les élus locaux et davantage ciblées sur les routes les plus accidentogènes. Je salue cependant certaines des mesures du comité interministériel, qui rejoignent les recommandations émises par notre collègue Vincent Delahaye dans son rapport de contrôle budgétaire de 2017.
Par ailleurs, je constate que le plan de déploiement de ces nouveaux équipements prend un sérieux retard. L’objectif des 4 700 radars et des 200 itinéraires sécurisés, qui devait être atteint au 31 décembre 2018, est pratiquement reporté d’une année.
Ce décalage, qui serait en partie lié à une phase d’homologation des nouveaux dispositifs plus longue que prévu, notamment ce que l’on appelle les radars tourelles, me fait m’interroger sur la nécessité d’augmenter encore les crédits du programme 751, même si, à ce jour, je comprends bien que cette augmentation puisse être justifiée par une évolution de la composition du parc privilégiant des radars plus intelligents, donc plus onéreux.
En outre, cette hausse de crédits pourrait d’ailleurs être absorbée par les frais de remise en état des radars détériorés. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire à combien pourraient s’élever les frais de remise en état de ces appareils, compte tenu du bilan connu à ce jour et que je viens de citer ?
S’agissant des collectivités locales, je note que les crédits du programme 754 diminuent de nouveau d’environ 7 % en 2019. Cette baisse est certes justifiée par l’entrée en vigueur de la décentralisation du stationnement payant. En effet, depuis le 1er janvier, les communes et les intercommunalités ont la faculté de fixer le montant du forfait post-stationnement et à en recueillir le produit. Ce n’est, en revanche, pas le cas des départements, auxquels incombe l’entretien de quelque 370 000 kilomètres de voirie.
Au cours de l’examen de la première partie, le Sénat a adopté un amendement, présenté par le rapporteur général, visant à créer un prélèvement sur le produit des amendes forfaitaires hors radars et amendes forfaitaires majorées au bénéfice des départements. Je présenterai donc un amendement de crédits pour permettre de financer ce prélèvement, au détriment du programme 755 « Désendettement de l’État ».
Je suis en effet convaincu que la politique de sécurité routière, pour être efficace, doit être comprise par nos concitoyens. Même si la part des recettes issues du contrôle automatisé et fléchées vers le désendettement de l’État est inférieur à 9 %, le manque de lisibilité du compte d’affectation spéciale et son architecture tarabiscotée, enchevêtrant les flux des différentes catégories d’amendes, ne contribuent pas à rendre la politique de sécurité routière plus transparente et plus acceptable dans la répartition des produits collectés.
Je préconise donc, monsieur le secrétaire d’État, d’étudier une refonte complète de l’architecture de ce compte d’affectation spéciale, avec un souci de simplification.
En conclusion, la commission des finances propose donc d’adopter les crédits de la mission dans sa partie « Sécurité et éducation routières » – 0,2 % du total –, sans modification, ainsi que ceux du compte d’affectation spéciale, ainsi modifiés.