M. Roger Karoutchi. On avait compris ! (Sourires.)
Mme Esther Benbassa. Avec les 250 millions de réfugiés climatiques supplémentaires prévus par l’ONU d’ici à 2050, nous ne sommes qu’à l’aube de flux migratoires susceptibles de bousculer le principe même de frontière.
Nous devons donc adopter dès à présent une politique budgétaire ambitieuse en faveur d’une prise en charge sociale et sanitaire des exilés, par un traitement plus attentif et plus fluide des dossiers par l’OFPRA et la CNDA, la Cour nationale du droit d’asile, et par un soutien accru aux associations, qui effectuent un travail remarquable.
M. François Bonhomme. Pauvre Gérard Collomb ! (Sourires.)
Mme Esther Benbassa. Soyons à la hauteur des enjeux et de l’histoire. Lors de l’arrivée des boat people en France,…
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Ils fuyaient le communisme !
Mme Esther Benbassa. … Raymond Aron, Jean-Paul Sartre et d’autres avaient réussi à dépasser leurs clivages idéologiques pour agir en leur faveur.
Environ 120 000 d’entre eux furent effectivement admis, puis s’intégrèrent parfaitement. Pourquoi serions-nous incapables du même geste ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le secrétaire d’État, ce soir, j’imagine que vous avez davantage en tête les problèmes de samedi prochain que les questions migratoires. J’en suis désolé et j’espère que vous aurez la ténacité et le courage nécessaires pour assurer la sécurité de tous les Français ce jour-là.
Toutefois, revenons au sujet du jour. J’ai parfois l’impression de parler tout le temps d’immigration et d’avoir fait vingt ou trente rapports sur le sujet…
Pour faire bref, puisque je n’ai que très peu de temps, je commencerai par rappeler que tout État a le droit de décider de qui rentre sur son territoire. Dans ces conditions, nous devons respecter les obligations européennes. Celles-ci existent depuis des années : elles sont parfois compliquées, mais elles seront certainement renégociées après les élections européennes parce que, compte tenu du climat politique général dans l’ensemble de l’Europe, je doute que l’on en reste aux règles actuelles.
Ensuite, je n’insisterai pas sur ce point, mais je trouve un peu difficile, incohérent et franchement sans grand intérêt, l’adoption d’un pacte mondial sur les migrations sous les auspices de l’ONU. En théorie, il s’agit d’un accord non normatif, mais, en pratique, il y aura toujours quelqu’un pour nous dire que, d’après notre droit, la France devrait s’inscrire dans ce cadre. Je ne suis pas convaincu que ce pacte ait beaucoup d’effets, mais je suis convaincu que cela n’apportera rien à la politique migratoire de la France.
Enfin, j’évoquerai le droit d’asile : pour moi, il est imprescriptible et sacré. Mais le problème, c’est qu’il est détourné.
Nous ne sommes plus au XIXe siècle ou au début du XXe siècle, lorsque se pressaient aux frontières de la France des personnes qui étaient toutes torturées. Aujourd’hui, certaines personnes fuient la guerre, les massacres, les persécutions et doivent être, de ce fait, correctement accueillies. Mais, en parallèle, et c’est pourquoi on en arrive à 120 000 ou 130 000 demandes, beaucoup de personnes ressortissant à l’immigration économique cherchent en réalité à détourner les règles de l’asile pour venir en France.
La preuve, c’est que les décisions rendues par nos juridictions, quelles qu’elles soient, y compris après appel, aboutissent en gros à écarter 80 % des demandes d’asile. Seuls 20 % des demandeurs d’asile sont admis sur le territoire national avec le statut de réfugié, ce qui veut quand même dire que plus de 80 % de ces étrangers ne respectent pas les règles, ou, en tout cas, ne remplissent pas les critères.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut bien entendu réduire l’immigration régulière. Il serait normal que le Parlement puisse voter chaque année des quotas sur le fondement des critères économiques et sociaux de la République, de même qu’il serait normal que nous puissions décider qui rentre ou ne rentre pas sur le territoire national de manière régulière.
Toutefois, je considère que le vrai problème aujourd’hui – je l’ai toujours dit –, c’est que les réfugiés qui obtiennent l’asile n’obtiennent en réalité pas grand-chose, voire très peu de chose ! Les crédits alloués à l’intégration sont en effet notoirement insuffisants.
Le réfugié va faire un peu de français, un peu de formation civique ici ou là. Le ministère a imaginé un petit film pour lui résumer l’histoire de France en une demi-heure, de la préhistoire au général de Gaulle. Les cours de français sont certes obligatoires, mais ils ne sont pas sanctionnés d’un examen final pour vérifier si le réfugié a la moindre connaissance dans ce domaine, ce qui veut dire en fait qu’il suffit pour lui de se présenter. À part cela, rien ! Ce n’est ni sérieux ni digne.
Pour les réfugiés, pour les immigrés en situation régulière, les centres d’accueil, quels que soient les efforts que l’on fait en la matière, les campements dans les rues, le manque de place, c’est indigne ! En fait, nous sommes sursaturés, et comme nous sommes sursaturés, nous traitons mal tout le monde : les immigrés en situation régulière, ceux qui sont en situation irrégulière et qui ne quittent pas le territoire national, et les réfugiés qui ne sont pas bien intégrés.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Roger Karoutchi. J’en termine, monsieur le président, en disant que, tant que l’on ne remettra pas à plat la politique migratoire, on n’y arrivera pas.
En attendant, comme l’ensemble du groupe Les Républicains, je voterai naturellement contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays, comme de nombreux pays européens, doit faire face à un phénomène migratoire majeur, qui devrait conduire à la mise en œuvre de politiques et de mécanismes appropriés.
C’est la raison pour laquelle la mission « Immigration, asile et intégration » est éminemment prioritaire.
Je veux évoquer ici une question qui occupe tout particulièrement le sud-ouest de notre pays, celle de l’augmentation sensible des flux transitant par la route dite « de la Méditerranée occidentale ». L’Espagne est en effet aujourd’hui le premier point d’entrée des migrants dans l’Union européenne, avec plus de 41 000 migrants arrivés en Espagne au cours des neuf premiers mois de 2018, soit une hausse de plus de 143 % par rapport à 2017.
Nos voisins espagnols sont par là même exposés à une très forte augmentation de la demande d’asile, avec une proportion importante de mineurs non accompagnés. Ces migrations donnent bien souvent lieu à des flux dits « de rebond » vers la France, puisque nombre de ces migrants ne font que transiter par l’Espagne et cherchent à franchir les Pyrénées. En témoigne la forte hausse du nombre de refus d’entrée à la frontière franco-espagnole.
Comme je le disais dans mon propos liminaire, la France est confrontée, non pas à un, mais à des phénomènes migratoires sans précédent, protéiformes et aux résonnances multiples.
Pour ce projet de loi de finances pour 2019, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » représentent 1,86 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,69 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 38 % en autorisations d’engagement et de 22 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. À périmètre constant, ces crédits augmenteront donc de 12 %.
Néanmoins, si le budget de la mission et de ses deux programmes affiche des crédits en hausse, ces derniers sont loin d’être suffisants.
Je voudrais parler plus particulièrement de la problématique du règlement de Dublin. En 2017, près de 36 % des demandes d’asile déposées au guichet unique des préfectures s’inscrivaient dans le cadre de ce règlement, soit 36 000 demandes. Il s’agit là d’un niveau sans précédent : pour rappel, les demandes sous procédure Dublin étaient au nombre de 22 300 en 2016.
L’année 2018 confirme par ailleurs cette tendance, puisque, au cours du seul premier semestre 2018, on comptabilisait 19 400 demandes. Notre pays reste ainsi confronté, cette année encore, à une forte augmentation du nombre des demandeurs d’asile placés sous cette procédure.
Je regrette donc le refus du Gouvernement d’une éventuelle abrogation de la circulaire Valls ou, a minima, d’un durcissement des règles fixées par cette circulaire, alors même que cette dernière a contribué à l’augmentation significative des régularisations : plus de 30 % en cinq ans !
Afin d’élaborer le présent projet de loi de finances, le Gouvernement a retenu une hypothèse particulièrement basse, pour ne pas dire chimérique, de progression de la demande d’asile, puisqu’il table sur une hausse de 10 % seulement en 2018, et de 0 % en 2019 puis en 2020 !
Le Gouvernement considère que le flux des personnes placées sous la procédure Dublin n’augmentera que de 10 % en 2018 et diminuera de 10 % en 2019 puis en 2020.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de m’interroger sur les éléments factuels, sources et autres mesures ayant amené le Gouvernement à de telles hypothèses. Je rejoins les propos émis par le rapporteur pour avis de la commission des lois, François-Noël Buffet, et m’interroge, à juste titre, sur la « crédibilité des hypothèses sur lesquelles le Gouvernement a calibré les crédits relatifs à l’asile au sein de ce budget, minorant exagérément une demande d’asile toujours très dynamique, au risque de fausser la sincérité de la programmation budgétaire ».
C’est donc sans états d’âme que notre groupe ne s’associera pas à ces orientations et ne votera pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » représentent 1,694 milliard d’euros, soit une hausse de 13 % à périmètre constant, après une progression de 26 % en 2018.
Cette hausse significative traduit le fait que la pression migratoire reste forte dans notre pays, avec notamment une demande d’asile très soutenue. Notre attachement à la sincérité budgétaire nous a donc conduits à accompagner cette hausse de la demande d’asile sur le plan budgétaire.
Cette hausse correspond également à la traduction budgétaire de priorités politiques très claires en application, d’une part, des décisions prises lors du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018, et, d’autre part, du plan d’action du Gouvernement pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires.
Ce budget pour 2019 est donc robuste et complet. En effet, il garantit les moyens qui permettront à l’État de renforcer les capacités d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés – j’y reviendrai.
Ensuite, il assure des ressources nouvelles pour renforcer les instruments de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, qui est bien une priorité.
Enfin, il permet le changement d’échelle des politiques d’intégration, qui sont déployées en faveur des étrangers qui ont vocation à rester durablement en France. Il s’agit d’une politique très équilibrée, madame Benbassa, qui priorise certes la politique de reconduite, mais également l’intégration. Je vous donnerai quelques éléments chiffrés dans un instant.
Vous le savez, notre pays reste soumis à une pression migratoire intense, évolutive, qui appelle de notre part une action toujours plus déterminée.
Cette pression migratoire n’est pas sans paradoxes. Entre 2016 et 2017, le nombre de demandeurs d’asile dans l’Union européenne a diminué de moitié, mais il a augmenté de 17 % en France, dépassant le cap des 100 000 demandes d’asile enregistrées à l’OFPRA. Pour une part importante, cette hausse de la demande d’asile émane de personnes qui n’ont pas de véritable besoin de protection. J’en citerai deux exemples.
En 2017, le pays qui se classait au premier rang des demandeurs d’asile dans notre pays était l’Albanie, pays sûr, candidat à l’entrée dans l’Union européenne, dont les ressortissants n’ont guère plus de 6 % de chances d’obtenir le statut de réfugié.
La même année, on constatait en Guyane une hausse constante et préoccupante de la demande d’asile provenant d’Haïti, avec des personnes qui ne font généralement pas état de motifs de protection au sens du droit international.
D’où ce paradoxe : la demande d’asile est en hausse, alors que les arrivées sur notre continent de personnes fuyant véritablement la guerre baissent. Cette réalité, le Gouvernement s’en est saisi à bras-le-corps, et je reprendrai, pour en apporter la démonstration, les deux mêmes exemples.
La demande d’asile en provenance de l’Albanie enregistre, sur les neuf premiers mois de 2018, une baisse de 41 % par rapport à la même période en 2017. Pour obtenir ce résultat, l’élaboration avec le Gouvernement albanais d’un plan d’action très concret, destiné à dissuader les flux migratoires irréguliers, a été décisive.
En Guyane, le constat avait été dressé que la durée excessive de nos procédures d’asile constituait un facteur important d’attractivité. Nous avons donc pris un décret réduisant à titre expérimental le délai de traitement de l’asile dans ce territoire à deux mois, ce qui a permis une baisse de 49 % de la demande d’asile.
L’année écoulée nous le prouve, mesdames, messieurs les sénateurs, pour dissuader les flux migratoires irréguliers, l’action déterminée de l’État porte ses fruits.
Il n’en reste pas moins, et je le reconnais volontiers devant vous, que la France reste confrontée à une situation migratoire délicate, qui justifie de poursuivre et d’amplifier notre action et, par conséquent, d’y allouer les moyens nécessaires. Là aussi, je ne prendrai que deux exemples particulièrement illustratifs.
Après l’Albanie, la France est aujourd’hui la destination d’un nombre important et toujours croissant de demandeurs d’asile originaires de Géorgie. Ce pays a obtenu récemment une exemption de visas pour ses ressortissants qui se rendent dans l’Union européenne.
Or, sur les neuf premiers mois de l’année, la demande en provenance de ce pays a enregistré une hausse de 289 %. Notre détermination sera totale pour endiguer ce phénomène, qui relève effectivement d’une migration économique et concerne très largement des personnes qui n’ont pas de besoins de protection au sens du droit. Nous mobiliserons tous les outils bilatéraux, mais aussi européens, pour y parvenir.
Du fait des dysfonctionnements actuels du règlement de Dublin, notre pays est fortement exposé aux flux secondaires internes à l’Union européenne, flux dans lesquels les déboutés du droit d’asile sont, hélas, de plus en plus nombreux, comme M. Bonhomme l’a rappelé. Un tiers des demandes d’asile enregistrées en France provient de personnes ayant déjà enregistré une demande dans un autre pays de l’Union européenne. Ce n’est pas acceptable. Voilà pourquoi Christophe Castaner et moi-même nous sommes fortement engagés dans les négociations européennes, pour réformer enfin le système qui permet ce phénomène.
Même si vous pouvez compter sur mon courage et ma ténacité pour affronter ce qui nous attend samedi prochain, monsieur Karoutchi, et même si je suis devant vous ce soir, j’étais ce matin encore à Bruxelles…
M. François Bonhomme. Attention à la fatigue. Il faut penser à dormir !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. … pour évoquer la question de la réforme et de l’évolution du règlement de Dublin avec mes homologues, en marge du conseil JAI. Dans cette attente, nous continuerons d’utiliser avec détermination les outils à notre disposition, en transférant les personnes concernées vers le pays européen chargé de l’examen de leur demande d’asile.
Comme vous pouvez le constater, en matière migratoire, l’enjeu pour l’année 2019, c’est de poursuivre et d’amplifier nos efforts pour maîtriser l’immigration, garantir le droit d’asile et tirer les conséquences de l’octroi ou du refus du statut de réfugié.
Nous le ferons en conduisant un dialogue ferme avec les pays d’origine des migrants pour qu’ils travaillent à dissuader les départs et qu’ils reprennent leurs ressortissants, en œuvrant à l’échelle européenne pour une réponse coordonnée aux défis migratoires que nous partageons, qu’il s’agisse des arrivées en Méditerranée ou des flux de rebond dans l’Union européenne, et en garantissant la dignité de l’accueil dans notre pays, par la création en 2019, conformément aux engagements du Président de la République à Orléans en juillet 2017, de 3 500 nouvelles places d’hébergement pour les demandeurs d’asile.
Il faudra aussi assumer d’éloigner ceux qui sont déboutés de leur demande d’asile, y compris, je le dis sans détour, en les plaçant en rétention lorsqu’il existe un risque de fuite. Enfin, pour les quelque 30 % de demandeurs qui obtiennent le statut de réfugié, il faudra leur donner réellement les moyens de s’intégrer dans notre pays.
Ces orientations, mesdames, messieurs les sénateurs, sont celles qui guident la construction de notre budget en 2019. J’aborderai maintenant la question des moyens de la politique d’asile.
Tout d’abord, pour faire face à une demande d’asile toujours soutenue, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » incluent des moyens supplémentaires pour traiter les demandes d’asile et accueillir les demandeurs dans des conditions dignes. Ce renforcement du dispositif d’accueil et d’hébergement est indispensable : c’est le meilleur moyen de lutter contre les campements.
Aussi, pendant tout le temps du traitement de la demande d’asile, tous les moyens seront déployés pour accueillir dignement les demandeurs d’asile.
Conformément aux engagements déjà pris par le Gouvernement, 1 000 nouvelles places en centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, et 2 500 nouvelles places en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile, les HUDA, seront créées en 2019. S’y ajouteront 2 000 places dans les centres provisoires d’hébergement, les CPH, qui visent à faciliter l’accès au logement des réfugiés les plus vulnérables.
Ce projet de loi de finances met également fin à une anomalie qui voulait que les places d’hébergement pour demandeurs d’asile en Île-de-France, dans les centres d’hébergement d’urgence pour migrants – CHUM –, soient financées sur le programme 177, sous la responsabilité du ministre chargé du logement. Le projet de loi de finances organise donc le transfert de ces 7 800 places de ces centres vers les programmes 104 et 303, pour un montant de 113 millions d’euros.
Pour atteindre, à la fin de 2019, notre objectif d’un délai de traitement de six mois, en moyenne, de la demande d’asile, des renforts seront alloués à l’ensemble des services qui contribuent au traitement de ces demandes.
Tout d’abord, 170 renforts de personnels titulaires ont été alloués aux préfectures. Pour tous les personnels en fonction dans les services chargés des étrangers et de l’asile, un plan d’attractivité sera mis en œuvre, destiné à fidéliser l’expertise de ces agents, mais aussi à reconnaître leur implication et leur engagement dans ces missions parfois difficiles.
De plus, 25 effectifs nouveaux seront dédiés à l’Office français de l’immigration et de l’intégration pour investir des missions nouvelles, notamment armer les équipes mobiles prévues par la circulaire du 12 novembre 2017, et 10 équivalents temps plein travaillé supplémentaires seront affectés à l’OFPRA, qui aura ainsi vu ses effectifs renforcés de 280 postes depuis 2015.
Enfin, en dehors de cette mission, mais je le mentionne tout de même compte tenu de l’importance de cette juridiction, 122 équivalents temps plein seront créés à la Cour nationale du droit d’asile, chargée de statuer sur les recours contre les refus d’asile décidés par l’OFPRA.
Enfin, toujours s’agissant de l’accueil des demandeurs d’asile, ce projet de loi de finances prévoit la poursuite du rebasage de l’allocation pour demandeur d’asile, l’ADA, qui leur est versée pendant toute la durée de la procédure et dont les crédits sont en hausse de 5,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.
Par ailleurs, le PLF pour 2019 traduit l’attachement très fort du Gouvernement à la mise en œuvre d’une politique toujours plus crédible de lutte contre l’immigration irrégulière et d’éloignement.
En la matière, l’entrée en fonction de ce gouvernement a marqué un tournant, avec une reprise des éloignements, qui ont progressé de 14 % en 2017, après des années de fléchissement. Depuis le début de l’année 2018, la tendance se maintient, puisque le nombre de personnes ayant quitté le territoire est à nouveau en hausse de 20 % par rapport à la même période en 2017.
Toutefois, cette tendance à la hausse, pour être amplifiée, appelle des moyens supplémentaires. En particulier, si la dynamique de l’aide au retour volontaire est très positive, celle des éloignements contraints, en hausse de 9 %, est en deçà de la mobilisation, que je sais pourtant très forte, des services de l’État.
Les préfets nous l’indiquent dans leurs rapports : ce qui est en cause, c’est une insuffisance criante de places dans les centres de rétention, pour permettre l’éloignement effectif de ceux qui tentent de se soustraire à l’application du droit.
L’engagement avait été pris, vous vous en souvenez, d’ouvrir 400 places supplémentaires en centres de rétention. Depuis octobre 2017, plus de 200 places ont déjà été ouvertes. Mais, pour poursuivre cette dynamique, il nous faut également investir dans ces équipements, et c’est la raison pour laquelle les crédits qui vous sont proposés prévoient un plan d’investissement en matière de rétention d’un montant de 48 millions d’euros.
Concernant les éloignements, bien évidemment, une politique est menée de manière bilatérale avec chacun des États pour obtenir des laissez-passer. Nous sommes souvent dans une politique de cousu main et, avec le ministre Christophe Castaner, je me mobilise dans les relations que nous entretenons avec les États concernés pour améliorer ces taux de laissez-passer, qui sont un élément important de la politique menée.
S’agissant du budget de l’intégration, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les efforts qui sont accomplis pour éloigner ceux qui n’ont pas vocation à rester durablement sur notre territoire doivent nous permettre d’amplifier, en parallèle, notre engagement pour donner plus de perspectives à ceux qui arrivent légalement en France. Il nous faut combattre leur assignation à des identités, des quartiers, des difficultés que nous ne connaissons que trop bien, et leur donner tous les moyens de contribuer à la dynamique et à la diversité de notre nation.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Toutefois, vous le savez aussi, cela ne se décrète pas : il faut y travailler avec constance et ambition. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé un véritable changement d’échelle de nos politiques d’intégration, d’abord par la maîtrise de la langue et la maîtrise des valeurs de la République, avec des cours d’éducation civique passant de douze heures à vingt-quatre heures, puis par une intégration, une insertion plus réussie par le travail.
M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. En matière d’intégration, j’en terminerai par ce point, ce sont 89 millions d’euros de crédits supplémentaires qui seront dédiés à la mise en œuvre des décisions du comité interministériel.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments d’information que je tenais à vous donner. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Immigration, asile et intégration |
1 850 908 630 |
1 688 406 760 |
Immigration et asile |
1 442 297 816 |
1 279 742 068 |
Intégration et accès à la nationalité française |
408 610 814 |
408 664 692 |
M. le président. L’amendement n° II-696, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Intégration et accès à la nationalité française |
20 000 000 |
|
20 000 000 |
|
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Dans son projet de loi de finances pour 2019, le Gouvernement prévoit une augmentation de 46,3 % du programme « Intégration et accès à la nationalité française ». Au sein de celui-ci, l’action relative à l’accueil des étrangers primoarrivants est revalorisée de 33,9 %. C’est heureux, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Grâce à ces nouvelles dotations, l’OFII aura les moyens de mener une politique ambitieuse d’intégration. Est notamment prévu le doublement des cours de français, de la formation civique et d’une prestation d’orientation professionnelle.
Tous ces éléments sont évidemment importants, car la citoyenneté ne s’invente pas ; elle s’acquiert, et ce par la socialisation, par l’emploi et par l’apprentissage de la langue, mais aussi des us et mœurs des pays d’accueil. Mais ces bons sentiments ne doivent pas empêcher une vision plus globale de la prise en charge des exilés.
Pour ces primoarrivants, qui ont fui la guerre et le marasme économique, la priorité doit être, avant toute chose, la sécurité d’un foyer. Nous ne pouvons laisser se développer de nouveaux bidonvilles, comme cela a pu être le cas à Calais.
Voilà quelques semaines, j’ai eu l’occasion de visiter le centre Exelmans dans le XIXe arrondissement de Paris. L’association Aurore, qui en a la charge, réalise un travail formidable pour les migrants, mêlant accueil décent et apprentissage du français. De tels dispositifs devraient se multiplier.
C’est ce que propose, d’ailleurs, le Gouvernement, en incorporant dans ce projet de loi de finances pour 2019 la création de 3 500 places dans les centres d’hébergement d’urgence. Dans un esprit constructif, les auteurs du présent amendement proposent de soutenir et d’amplifier cette disposition, en portant ce chiffre à 5 500 places.
Le droit au logement est un objectif à valeur constitutionnelle. Il doit pouvoir s’appliquer à toute personne résidant sur notre territoire, ne serait-ce que temporairement.