Un sénateur du groupe Les Républicains. Et les retraites agricoles ?
M. Martin Lévrier. Cette année même, nous avons recalculé la CSG pour les petits retraités.
M. Philippe Dallier. Mais avant ils n’en payaient pas !
M. Martin Lévrier. Nous avons décidé de supprimer la taxe d’habitation, qui a son importance. (Exclamations sur diverses travées.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.
M. Martin Lévrier. Nous avons demandé un effort (Protestations sur diverses travées.)…
En empêchant les autres de parler, l’on ne fait que manifester sa propre faiblesse. (Nouvelles protestations.) Laissez-moi finir mon propos ! (M. René-Paul Savary s’exclame.) Nous avons effectivement demandé un effort aux retraités.
M. Fabien Gay. Aux plus faibles !
M. Martin Lévrier. Non, pas aux plus faibles, loin de là.
M. Fabien Gay. Et vous faites des cadeaux fiscaux aux plus riches !
M. Éric Bocquet. Il se passe quelque chose dans le pays !
M. Martin Lévrier. Sinon, il fallait se résoudre à la mesure que la majorité sénatoriale choisit sans le dire vraiment : continuer à demander aux actifs des efforts de plus en plus grands.
M. Patrick Kanner. Les retraités ont été des actifs !
M. Martin Lévrier. De notre côté, nous avons décidé de revaloriser la valeur travail. (Vives protestations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Gay. Personne n’est dupe !
M. Martin Lévrier. C’est une différence politique notable, et elle explique nos désaccords.
Nous étions face à des murailles infranchissables (Nouvelles protestations.)…
M. le président. Chers collègues, en interrompant l’orateur, vous alimentez sa réponse impromptue. (Sourires.)
M. Martin Lévrier. Merci, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.) Le dialogue doit donc se concentrer sur les autres dispositions.
Puisque nous étions conscients de ces désaccords, pourquoi déposer une motion tendant à opposer la question préalable ? En procédant ainsi, vous affaiblissez le rôle du Sénat pour deux raisons : vous donnez le sentiment que l’Assemblée nationale à seule voix au chapitre, et vous ne permettez pas à notre assemblée de conduire à son terme un débat riche et constructif. Ainsi, vous donnez aux citoyens une image affaiblie, et de non de dialogue. Ces impressions sont de celles qui les poussent à réclamer la suppression du Sénat.
Notre chambre est pourtant le lieu d’une controverse approfondie, dans le respect de chaque intervenant – du moins en règle générale… Elle est souvent le lieu d’une recherche de compromis. Elle est toujours d’une technicité et d’un professionnalisme reconnus de tous, et en particulier de tous les experts. Mais il ne suffit pas de l’affirmer : nous devons le démontrer et, en votant pour cette motion, vous feriez exactement le contraire.
Aussi, mes chers collègues, je vous invite à voter contre cette question préalable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Beaucoup d’orateurs ont relevé l’ampleur des désaccords entre les propositions venant, d’une part, du Sénat et, d’autre part, du Gouvernement et de la majorité qui le soutient à l’Assemblée nationale.
Toutefois, le Gouvernement ne peut que regretter le dépôt de cette question préalable. Nous sommes attachés au dialogue avec les parlementaires, et nous ne pouvons que nous opposer à l’adoption de cette motion.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Par tradition, les membres de notre groupe votent contre les questions préalables. En effet, nous sommes pour la discussion et le dialogue.
Nous comprenons les arguments avancés ; mais, fidèles à notre tradition, nous voterons contre cette motion.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous l’avons dit lors de la première lecture, et je l’ai répété il y a quelques instants : à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, nous assistons à un phénomène extrêmement grave.
Le budget de la sécurité sociale devient une véritable variable d’ajustement du budget de l’État. C’est grave ; on entre dans une autre logique, en vertu de laquelle le Gouvernement va pouvoir puiser dans les caisses de la sécurité sociale pour éponger les déficits de l’État. Dans le même temps, le climat reste marqué par la réduction des comptes publics. Ces choix se font donc au détriment des salariés, de ceux qui sont privés d’emploi et des retraités. Nous l’avons dit et nous l’avons réaffirmé.
Monsieur le secrétaire d’État, il ne s’agit pas d’une simple question de méthode, car votre méthode révèle le fond de votre politique. La situation est d’autant plus grave que, aujourd’hui, vos choix politiques sont remis en cause non seulement dans cet hémicycle, mais partout dans le pays. Des personnes extrêmement diverses, de toutes origines sociales, de toutes conditions, disent que cela ne peut plus durer.
Sur toutes les travées de cet hémicycle, excepté le groupe de la majorité présidentielle, les critiques sont très vives. Notre collègue Jean Sol a dressé un juste bilan de ce que vivent les hôpitaux, avec une réelle indignation, avec une réelle inquiétude. Mais que fait le Sénat, quand il s’agit de proposer d’autres financements face à l’envolée des exonérations patronales ?
Le choix majoritaire reste la continuation des exonérations ; au fond, on va donc dans le sens du Gouvernement. Certes, le Sénat est unanime pour reconnaître que le pouvoir d’achat des retraités est très amoindri ; il a, en conséquence, demandé une mesure de correction. Mais, dans le même temps, la droite propose que l’âge de départ à la retraite soit encore plus tardif.
On le constate clairement : en la matière, il n’y a pas de désaccord profond entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale. Alors que la société exige un budget de solidarité, nous sommes face à deux projets réactionnaires ! C’est pourquoi nous ne voterons pas cette motion. Nous ne sommes pas d’accord avec les arguments avancés pour la défendre, et nous nous abstiendrons.
M. Charles Revet. Elle n’est pas applaudie !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Les propos de notre collègue sont assez caricaturaux. C’est dans un souci de responsabilité que nous avons souhaité, dans le cadre de ce PLFSS, proposer diverses modifications tout en les compensant au titre des recettes. Tel est le sens de nos propositions.
En ce qui concerne les retraites, il s’agit d’un sujet éminent. Les gens qui sont actuellement dans la rue, pour une bonne part d’entre eux, sont des retraités. C’est bien, monsieur le représentant de la majorité nationale, qu’il y a un problème !
Vous nous répondez que vous avez pris de nombreuses mesures : mais elles ne sont pas comprises ! Soit vous expliquez mal les choses, soit vous croyez que les gens ne sont pas en mesure de les comprendre. Or tous comprennent très bien qu’on donne d’un côté, mais qu’on reprend de l’autre ! En conséquence, il faut leur dire la vérité. C’est pourquoi, dans la démarche, nous sommes très clairs et très transparents : nous disons la vérité.
Quant à la réforme des retraites, si on veut qu’elle soit comprise par les gens, il faut peut-être leur dire exactement ce qui va se passer. Dans le rapport entre des cotisants et des pensionnés, il faudra bien trouver un juste milieu. Alors soit on se cache derrière son petit doigt, on considère que sujet est tabou et on n’en parle pas, soit on dit la vérité aux gens et on leur explique qu’une telle réforme est inéluctable compte tenu d’un certain nombre de critères et notamment de l’allongement de la durée de vie. Puisqu’on sera obligé de mettre le sujet sur la table, autant en parler en toute vérité !
Cependant, l’affaire est délicate en ce moment. Quelles que soient les positions qui vont être prises, nos concitoyens ne peuvent plus les comprendre, ils en ont assez, ils n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois. La situation est très grave.
Voilà pourquoi, après mûre réflexion, nous avons proposé de prendre en compte au moins une revalorisation et des prestations sociales pour les familles qui n’en peuvent plus, et pour les retraités, dont on connaît la situation.
Bien entendu, mon groupe votera cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 6, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je rappelle également que l’avis du Gouvernement est défavorable.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 29 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 243 |
Pour l’adoption | 198 |
Contre | 45 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 est rejeté.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Loi de finances pour 2019
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147).
Dans la discussion des articles de la première partie, nous poursuivons l’examen des dispositions relatives aux ressources.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Article 18 ter (nouveau)
I. – Au dernier alinéa de l’article L. 341-6 du code forestier, après le mot : « montagne », sont insérés les mots : « ou en cas de création, de reprise ou d’extension d’une exploitation agricole située dans une zone définie aux articles R. 151-22 ou R. 151-24 du code de l’urbanisme ».
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L’amendement n° I–1068, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Il s’agit d’un amendement de correction puisque l’article 18 ter du projet de loi de finances tel qu’approuvé par l’Assemblée ne fonctionne pas. Il remet en cause les grands principes de protection des forêts et de ceux du défrichement. Il envoie un mauvais signal en défaveur de la préservation de la forêt et en reportant sur la forêt la pression existant sur le foncier agricole, au risque de conférer à la forêt le rôle d’une réserve foncière.
Par ailleurs, l’exposé des motifs n’est pas recevable en ce qu’il s’appuie sur une taxe qui n’existe plus depuis 2014. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet article 18 ter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christine Lavarde, au nom de la commission des finances. La commission a eu connaissance de cet amendement tardivement, ce qui a compliqué son examen. Aussi, elle a émis un avis de sagesse.
M. le président. En conséquence, l’article 18 ter est supprimé, et l’amendement n° I-1039 n’a plus d’objet.
L’amendement n° I–1039, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Article additionnel après l’article 18 ter
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° I–502 rectifié est présenté par MM. Bérit-Débat et Carcenac, Mme Monier, MM. Mazuir et Duran, Mme Bonnefoy, M. Raynal, Mme Blondin, MM. Todeschini, Lalande et Temal et Mmes Préville, Conway-Mouret, Lubin et G. Jourda.
L’amendement n° I–876 est présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, M. Chaize, Mme Bruguière, MM. Chasseing, Bouchet, Duplomb, Genest et Savary et Mmes Lamure et Morhet-Richaud.
L’amendement n° I–916 est présenté par MM. Haut et Patriat.
L’amendement n° I–1006 est présenté par MM. Requier, Castelli et Corbisez, Mmes N. Delattre, Jouve et Laborde et MM. Menonville et Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 18 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le dernier alinéa de l’article L. 341-6 du code forestier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le demandeur qui a procédé au défrichement pour planter des arbres forestiers mycorhizés en vue de produire des truffes est réputé s’être acquitté de ses obligations. »
II. – La présente disposition s’applique à compter du 1er janvier 2019.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l’amendement n° I–502 rectifié.
M. Claude Bérit-Débat. Quatre amendements identiques ont été déposés sur cette question, ce qui n’est pas le fruit du hasard. Ces amendements ont été préparés au niveau de la section trufficulture ou plutôt de la section culture traditionnelle et spécialisée.
Ces amendements sont demandés et attendus par les trufficulteurs de France. Ils ont été examinés avec le président de la Fédération française des trufficulteurs, Michel Tournayre, mais également avec le président du Groupement européen truffe et trufficulture, Jean-Charles Savignac. Ils visent à permettre aux agriculteurs de planter des surfaces en essences forestières mycorhizées en vue de mettre en place une véritable filière trufficole.
Sur le plan économique, la trufficulture est intéressante puisqu’elle permet à des agriculteurs d’obtenir des revenus complémentaires. Elle présente également des avantages en termes de biodiversité puisque, par essence, les truffières sont exemptes d’intrants. La faune, comme la flore, y est importante. Cette activité présente aussi des avantages en matière de lutte contre l’incendie puisque les truffières constituent des pare-feu naturels.
Par ailleurs, l’adoption de ces amendements nous permettrait de faire face à une très forte concurrence, de la part d’autres pays européens, car les Espagnols produisent aujourd’hui plus de truffes noires que les Français, mais également de la part d’un certain nombre de pays émergents dans ce domaine, comme l’Australie, le Chili ou la Nouvelle-Zélande. L’excellence française sera mise à mal si nous ne faisons rien.
Pour conclure, cette mesure coûtera entre 150 000 et 300 000 euros d’exonération de taxes de défrichement pour des personnes qui plantent des truffes. Tout notre territoire est concerné, qu’il s’agisse de la truffe noire du Périgord, que l’on retrouve un peu partout, de la truffe blanche d’été, de la truffe grise de Bourgogne ou de la truffe de Meuse. Tous les parlementaires sur ces travées sont intéressés et ils auront à cœur de défendre notre amendement.
Mme Nathalie Goulet. Bernard Piras !
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour présenter l’amendement n° I–876.
M. Daniel Laurent. Cet amendement a été tellement bien présenté par Claude Bérit-Débat qu’il ne me reste plus grand-chose à ajouter.
La truffe, qui a traversé l’histoire et qui est depuis très longtemps l’un des meilleurs mets, est un produit du terroir. Elle participe à la construction d’une identité alimentaire locale ou régionale. Les pays d’origine – la France, l’Italie, l’Espagne – sont en train de perdre pied par rapport à tous les pays émergents en Europe et dans le monde. Ces pays émergents sont en passe de nous supplanter, car ils ont mis en place des productions plus intensives en facilitant la filière.
Aujourd’hui, si un trufficulteur souhaite défricher un bois pour planter des chênes truffiers, il est soumis à des obligations telles que le versement d’une indemnité compensatoire destinée à alimenter le Fonds stratégique de la forêt et du bois d’un montant d’environ 3 000 euros par hectare. Le paiement de cette indemnité constitue un frein majeur au développement de la trufficulture dans les territoires ruraux, avec des conséquences sur les projets de plantation.
Cet amendement, comme les autres amendements identiques, vise à exonérer les trufficulteurs de cette indemnité. C’est essentiel si nous souhaitons que cette production soit pérenne et si nous voulons en profiter largement.
Mme Catherine Fournier. Très bien !
M. le président. L’amendement n° I–916 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° I–1006.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement est identique à ceux qui viennent d’être défendus par Claude Bérit-Débat et Daniel Laurent. Actuellement, pour planter des arbres truffiers, il faut payer une taxe de défrichement de 3 000 euros à l’État et obtenir une autorisation. Certes, que sont 3 000 euros par rapport au prix de la truffe ? Mais la trufficulture est une plantation à long terme : il faut dix ans avant de récolter. C’est par ailleurs une culture onéreuse – il faut entretenir les truffières – et aléatoire. La truffe, ça ne donne pas comme du blé qui pousse automatiquement quand on le sème. La trufficulture est un investissement sur l’avenir. À mon sens, le versement d’une indemnité de 3 000 euros à l’hectare freine beaucoup son développement.
Nous devons relancer la trufficulture. Mes collègues l’ont souligné, la filière française est aujourd’hui soumise à la très forte concurrence de l’Italie et de l’Espagne. En Aragon, les Espagnols ont planté et irrigué de grandes surfaces. Voilà pourquoi ils produisent plus que nous.
Dans le cadre de la pérennité de cette filière, qui fait partie de notre terroir et de notre gastronomie – j’espère d’ailleurs que nous allons bientôt pouvoir sentir des truffes et surtout en manger ! –, je vous appelle à soutenir cette initiative. Dans les territoires ruraux, la truffe est pour beaucoup de cultivateurs un revenu d’appoint qui leur permet de boucler les fins de mois. Quand la truffe est là, elle se vend à un bon prix, mais encore faut-il qu’il y en ait ! Aussi, il faut favoriser la plantation et, pour ce faire, adopter cet amendement. (Mme Véronique Guillotin et quelques sénateurs du groupe socialiste et républicain applaudissent.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tous les ans, monsieur le secrétaire d’État, ce débat est récurrent. Vous allez d’ailleurs sans doute dans quelques instants émettre le traditionnel avis défavorable du Gouvernement. Permettez-moi néanmoins de vous donner lecture d’une intervention : « Cher monsieur le secrétaire d’État, je ne peux pas vous suivre dans votre argumentation. Nous connaissons depuis longtemps les notes qui vous ont été préparées par Bercy, mais il faut faire une différence entre l’ensemble des productions et les chênes ou les hêtres truffiers.
« L’Espagne, […] pays qui est également membre de l’Union européenne, n’applique pas les mêmes règles que nous. Là est le vrai scandale !
« Si nous voulons préserver une culture de grande qualité de la truffe dans notre pays, il faut que le Sénat soutienne l’amendement […]. Il y va de l’avenir de ce secteur de l’agriculture. La trufficulture est une niche dans la “ferme France”, mais elle fait vivre de nombreux agriculteurs et, pour eux, c’est bien souvent un complément de revenus, qui leur permet de gagner leur vie. […] Je le répète, cet amendement est très important. »
Ces mots sont signés de Didier Guillaume alors sénateur et futur ministre de l’agriculture. Avis de sagesse. (Rires et applaudissements sur l’ensemble des travées.)
M. Philippe Dallier. C’est terrible !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes tout seul… (Sourires.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Effectivement !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Oui, seul est bien le terme consacré, monsieur le président. (Nouveaux sourires.)
Monsieur le rapporteur général, cela fait un an et une semaine que j’ai eu l’honneur de rejoindre le Gouvernement. L’excellent auteur des lignes dont vous nous avez donné lecture m’a rejoint comme ministre et j’en suis très heureux. Il se trouve aussi que, il y a environ un an et un jour, j’étais devant vous pour donner, comme le font chaque année les membres du gouvernement, un avis défavorable sur des amendements similaires. J’ai le souvenir assez précis d’une défaite cuisante face à votre assemblée. Je me rappelle donc exactement des propos de Didier Guillaume. Vous avez oublié de mentionner qu’à la fin de son intervention mon ami Didier Guillaume avait essayé de me faire changer d’avis en échange de la promesse d’un repas consacré à la truffe.
M. Philippe Dallier. Houlà ! Corruption de ministre ! (Sourires.)
M. François Bonhomme. Trafic d’influence ! (Nouveaux sourires.)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je n’ai pas changé d’avis au banc l’an dernier, je n’ai pas non plus eu droit au repas ! (Sourires.)
Je note qu’aujourd’hui aucun d’entre vous ne m’a fait la même proposition, ce qui aurait peut-être pu m’amener à changer d’avis. (Nouveaux sourires.)
Plus sérieusement, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais assez précisément quelle est l’issue du vote sur ces amendements. Comme chaque année, le Gouvernement y est défavorable, mais il se rangera à l’avis du Sénat. (M. Bernard Lalande applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je n’ai effectivement pas cité la fin des propos du futur ministre de l’agriculture, car je voulais éviter toute tentative d’intimidation de M. le secrétaire d’État. (Sourires.) La défaite va être cuisante, elle est annoncée à l’avance, et la victoire sera d’autant plus glorieuse pour le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J’avais défendu l’an dernier une proposition similaire, mais elle n’a pas été reprise par l’Assemblée nationale. Au passage, je félicite M. Bérit-Débat de son action au service de la trufficulture. Il l’a souligné, si cet amendement était adopté, la diminution des recettes de l’État serait très faible, de l’ordre de 150 000 euros. Pour autant, il s’agirait d’un signe fort pour inciter à replanter des chênes truffiers et introduire un peu de diversification. Notre production, cela a été rappelé, a énormément diminué par rapport au siècle dernier. Nous sommes nettement supplantés par d’autres pays, notamment par l’Espagne. Je souligne qu’il s’agit d’une véritable plantation, même si elle est assimilée à une culture. Je souhaite donc que l’Assemblée nationale suive l’avis positif du Sénat.
M. le président. Nous n’en sommes pas encore à l’Assemblée nationale. Auparavant, il faut encore que le Sénat donne cet avis positif que vous souhaitez.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je remercie M. le rapporteur général qui n’a pas donné cette année un avis de sagesse, mais a émis un avis favorable. Je note également que M. le secrétaire d’État n’ayant pas été invité à partager un repas de truffe est réticent pour émettre un avis favorable. Si ça ne tient qu’à ça, mes chers collègues et moi-même allons nous cotiser pour vous faire déguster, monsieur le secrétaire d’État, de la truffe noire du Périgord, mais qui est produite dans la Drôme, dans le Vaucluse et un peu partout en France ! (Sourires.)
Le vote du Sénat est acquis, comme il l’a été les deux années précédentes. J’insisterai, monsieur le secrétaire d’État, pour vous convaincre. Il serait utile que l’Assemblée nationale nous suive sur cet amendement. Après tout, la mesure ne représente pas grand-chose en termes de volume : au minimum 150 000 euros, au grand maximum 300 000 euros. Ces chiffres sont très en dessous de la fourchette forte.
Il s’agit de donner un signal à un certain nombre de trufficulteurs qui sont dans la difficulté. Ils doivent défricher pour replanter des bois forestiers : charme, chêne, noisetier, tilleul, pin noir d’Autriche.
Je ne reviens pas sur l’importance pour la biodiversité. J’espère que dans le Gouvernement les nombreux défenseurs du Tuber melanosporum, c’est-à-dire de la truffe noire du Périgord, produite pour 70 % dans le Vaucluse, dans la Drôme et dans le Gard, nous permettront de faire passer cet amendement.
Je ne doute pas que le nouveau ministre de l’agriculture, auquel le rapporteur général a fait un clin d’œil appuyé il y a un instant, aura à cœur de défendre cet amendement, qu’il avait soutenu avec beaucoup de véhémence l’an dernier sur ces mêmes travées.
Je m’en remets donc à la sagesse du Gouvernement pour faire avancer cet amendement lors du vote à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Notre groupe n’a pas déposé d’amendement, mais il soutiendra évidemment cette disposition. Je profite de cette occasion pour rappeler la mémoire de notre ami Bernard Piras, qui était tellement attaché à la truffe. Ne serait-ce que pour cette raison et l’amitié que nous lui portions, nous voterons cet amendement.
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Claude Bérit-Débat a évoqué la Drôme et le Vaucluse. Il y a aussi le Lot et le Tarn-et-Garonne.
Sur cette disposition, je ne comprends pas les réticences du Gouvernement, surtout après la lecture que M. le rapporteur général vient de nous faire des propos de Didier Guillaume.
La trufficulture est une niche. Nous le savons tous, dans les régions productrices, elle constitue un complément de revenu pour des petits producteurs, qui sont en général des passionnés. Je ne comprends pas que l’on aggrave leur situation par une indemnité pour alimenter un fonds stratégique alors que la production, comme l’a rappelé notre collègue, est aléatoire, difficile et se fait sur le très long terme.
Pompidou, que l’on cite souvent en ce moment, disait : Arrêtez d’emmerder les Français ! Cela ne s’est jamais aussi bien appliqué qu’à la trufficulture, une question aussi secondaire du point de vue de Bercy et aussi importante pour les petits producteurs. Le versement d’une telle indemnité compensatoire me paraît complètement superflu. (Mme Michèle Vullien et M. Yves Bouloux applaudissent.)