M. Roger Karoutchi. Si !
Mme Laurence Cohen. Finalement, vos projets ne sont pas si éloignés de ceux du Gouvernement, ce qui est loin de nous surprendre. (M. Jackie Pierre s’exclame.)
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas le système de sécurité sociale que nous défendons ! Ce n’est pas la société que nous voulons bâtir pour nos enfants et petits-enfants.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Catherine Fournier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au moment de son dépôt, ce texte de loi comportait 58 articles. La version votée par l’Assemblée nationale en comptait 87, et celle que le Sénat a adoptée 95, dont 49, soit plus de la moitié du texte, ont été votés conformes. Nous avons modifié 30 articles, en avons supprimé 8 et ajouté 25. C’est donc avec mesure et bienveillance que le Sénat a travaillé, en gardant pour objectif de présenter un PLFSS à l’équilibre, ce qui fut le cas.
Monsieur le secrétaire d’État, je tenais à rassurer votre collègue M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics : le Sénat est reconnu pour sa sagesse, et non pour son hypocrisie !
Parce que nous sommes sages, nous reconnaissons l’intérêt de certaines dispositions présentées, que nous avons d’ailleurs soutenues. Nous avons été au rendez-vous. Je veux, à cet égard, procéder à trois rappels importants – je serai synthétique, mes collègues s’étant déjà exprimés à ce sujet.
Premièrement, nous soutenons la perspective de l’application du plan « Ma santé 2022 ». Les premières déclinaisons qui se retrouvent dans le présent PLFSS vont globalement dans le bon sens. Certaines craintes subsistent toutefois concernant le reste à charge zéro. Nous serons vigilants sur ce point.
Deuxièmement, le Sénat a adopté conforme l’article 7, qui met en place l’exonération des cotisations sociales sur les heures complémentaires et supplémentaires.
Troisièmement, je veux évoquer l’article 8, qui transforme le CICE et le CITS en baisse pérenne de cotisations sociales, en précise le calendrier et définit des mesures d’adaptation pour diverses catégories d’employeurs qui bénéficiaient, jusqu’à présent, de dispositifs particuliers.
Après examen attentif des effets de cet article, une solution a été trouvée pour le dispositif TO-DE, avec le maintien d’une exonération totale, même si elle n’est pas pérenne, jusqu’à 1,20 SMIC, à compter de 2019. Nous nous réjouissons de l’adoption de cette mesure, en nouvelle lecture, par nos collègues députés.
Pour ce qui concerne les outre-mer, des adaptations ont été trouvées, notamment grâce à l’application du « dispositif LODEOM » à la Guyane, qui avait été oubliée.
Reste cependant un bémol : à nos yeux, un risque demeure du fait des attitudes pressenties chez les particuliers employeurs. L’application du chèque emploi service universel, le CESU, entraînera une augmentation de 15 % du coût de l’emploi, lequel sera également majoré de 13 % du fait du « dispositif LODEOM ». Le risque est l’augmentation du travail non déclaré, ou travail au noir. Or l’on connaît les graves conséquences sociales qu’entraîne ce recours non affiché.
Aussi, j’invite le Gouvernement à agir à l’avenir avec plus de mesure lorsqu’il touchera à des dispositifs ayant des conséquences naturellement, et malheureusement, exacerbées dans les outre-mer.
J’ajoute que les dérives très inquiétantes du mouvement des « gilets jaunes », en particulier à La Réunion, témoignent d’une situation sociale infiniment préoccupante.
Comme l’a souligné M. le rapporteur général, nous regrettons que le PLFSS ne soit désormais plus à l’équilibre, en raison, non pas de notre action, mais de l’adoption de deux amendements du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, cette situation est troublante, lorsqu’on se rappelle que vous nous avez reproché l’adoption de mesures coûteuses… Nous regrettons que l’Assemblée nationale n’ait pas suivi la position du Sénat, notamment quant à l’atténuation de l’effet de seuil de la CSG pour les retraités qui passeraient du taux nul au taux réduit de 3,8 %.
Selon nous, le rétablissement du forfait de réorientation des urgences ne va pas non plus dans le bon sens.
Cependant, certaines mesures proposées par le Sénat ont été conservées. Je pense en particulier à l’alignement sur six ans de la fiscalité sur les alcools forts dans les outre-mer sur celle qui est en vigueur dans l’Hexagone, ou encore à la possibilité de prescription du médecin coordonnateur des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.
Sages, nous le sommes également lorsque nous légiférons en vertu de notre mandat et dans le respect de notre Constitution.
Nous nous interrogeons : le Gouvernement souffrirait-il en découvrant que le Parlement, et singulièrement le Sénat, est réellement en mesure de proposer des solutions alternatives ?
La commission mixte paritaire ayant échoué, l’Assemblée nationale a rétabli l’essentiel de son texte. Elle a conservé certaines de nos améliorations – je le souligne également –, mais elle a, sans surprise, supprimé l’indexation des prestations sociales sur l’inflation, que nous avions réintroduite.
Cette mesure, souhaitée par le Gouvernement et par l’Assemblée nationale, cible une nouvelle fois les mêmes personnes : les retraités. (Mme Marie-Thérèse Bruguière opine.) Les dommages collatéraux de la politique budgétaire du Gouvernement se révèlent très lourds socialement.
Autant nous saluons l’effort accompli pour présenter un budget en équilibre, autant nous déplorons le levier budgétaire utilisé pour y arriver. Nous ne pouvons pas laisser le Gouvernement prendre pour cibles les retraités et les familles. C’est pourquoi nous avions rétabli l’indexation des pensions, que nous compensions, d’une part, en effectuant un prélèvement sur les OCAM et, d’autre part, en reportant l’âge de départ à la retraite. Ces deux mesures se justifient pleinement, et nous avons déjà dit pourquoi dans cet hémicycle.
Monsieur le secrétaire d’État, votre collègue Mme Agnès Buzyn nous a expliqué il y a quelques jours que gouverner, c’est faire des choix. Je puis vous l’assurer : c’est ce que nous faisons aujourd’hui, tout comme dans l’exercice courant de nos mandats actuels et passés. Nous faisons notre travail et nous savons faire des choix.
En réalité, le Gouvernement nous reproche de critiquer une mesure sans prendre en compte la globalité de sa politique. Dès lors, je me permettrai quelques observations qui sortent peut-être du champ du PLFSS.
À vous entendre, vous donnez la priorité à votre action en faveur des plus fragiles, aux mesures visant à libérer le travail et l’emploi. S’il est vrai que nous vous rejoignons sur ces deux idées, plusieurs mesures de contraction budgétaire prennent vos annonces à contre-pied.
Sur le terrain de l’emploi, les crédits baissent, alors que le nombre de chômeurs de longue durée a progressé de 133 % depuis 2007 et que le chômage des plus de cinquante ans augmente aussi. On n’en parle que trop peu !
Sur le terrain des solidarités, des réformes paramétriques amoindrissent les revalorisations annoncées. Ainsi, pour une personne au SMIC, la prime d’activité n’augmentera que de 8 euros, et non de 20 euros comme annoncé. Il faut donc retenir que les effets des revalorisations de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, seront minorés ou neutralisés pour certains de leurs bénéficiaires.
J’ajoute que votre majorité à l’Assemblée nationale durcit cette ligne. En effet, c’est seule contre tous les autres groupes politiques qu’elle a rejeté, hier en commission, la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants, que le Sénat avait adoptée à l’unanimité en octobre dernier. Le monde associatif ne comprend pas le Gouvernement, et il s’insurge.
Là est bien votre choix politique. Inutile de vous rappeler que ce n’est pas tout à fait le nôtre.
Pour en revenir au PLFSS, la recherche d’équilibre budgétaire, l’article 7 ou encore l’issue trouvée pour le dispositif TO-DE vont dans le bon sens. Toutefois, nous ne pouvons accepter que la seule mesure d’équilibre substantielle soit prise au détriment des familles et des retraités. Il s’agit tout de même de 3 milliards d’euros, et ce choix a des airs d’austérité segmentée…
Les principaux intéressés seront, cette année encore, mis à contribution. Ils se sont exprimés et marquent leur désapprobation. Ils seront dorénavant excédés.
Pour résumer, la commission mixte paritaire n’a pas abouti. Aucun compromis n’a été trouvé, aucune mesure limitant les conséquences de la désindexation n’a été adoptée. Une nouvelle fois – j’aimerais que ce soit la dernière ! –, les membres du groupe Union Centriste sont contraints de constater cet échec.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Catherine Fournier. Ils voteront donc la motion tendant à opposer la question préalable, que nous allons examiner dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. J’invite tous les orateurs à respecter le temps qui leur est imparti.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, étant le dernier orateur des groupes politiques inscrit au titre de cette discussion générale, je m’attacherai à comprendre comment nous en sommes arrivés là.
J’ai bien écouté l’orateur du parti présidentiel à l’Assemblée nationale. Il a déclaré en séance publique : « Nos oppositions au Sénat font reculer la France ».
M. Philippe Dallier. Ça alors !
M. Bernard Jomier. Le propos s’adresse à presque tout le monde…
Je comprends que, au nom de ses grands choix structurants, la majorité rétablisse la version initiale du PLFSS. Personne ne portera cette décision à son débit : sur le fond si, mais, sur la forme, il est tout à fait légitime qu’elle agisse ainsi.
Toutefois, quand on entre plus avant dans le détail du PLFSS, de ses articles plus techniques ou des questions auxquelles notre intelligence collective permet d’apporter des réponses, quand on regarde certains amendements votés à l’unanimité par le Sénat, majorité et opposition confondues, y compris – ce constat a été rappelé – par les représentants du mouvement présidentiel, le bilan est terrible.
Avec notre amendement ayant pour objet les infirmières référentes, nous avons voulu envoyer ce message : il faut reconnaître la profession infirmière – balayé par l’Assemblée nationale.
Nous avons proposé plusieurs amendements au sujet de l’innovation. Ces dispositions étaient certes techniques, mais très utiles – sauf exception, balayées par l’Assemblée nationale.
Au sujet des assistants médicaux, nous avons simplement voulu apporter une précision : puisque ces professionnels ont pour mission de libérer du temps médical, ils doivent être d’abord déployés dans les territoires les plus défavorisés, dans les zones les plus en tension – balayé par l’Assemblée nationale !
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Bernard Jomier. Le tableau des maladies professionnelles date, pour une bonne part, du XIXe siècle. Il faut le réviser sur des fondements scientifiques. Beaucoup de travailleurs sont concernés par ce chantier. Tout le monde en convient ici. À preuve, cette mesure a été votée à l’unanimité – balayée par l’Assemblée nationale.
Le forfait de réorientation des urgences a déjà été évoqué. Le Premier ministre explique que le travail doit payer. La ministre de la santé présente un projet de tarification à l’inactivité : quelle cohérence ! Cette mesure très segmentaire est très mal reçue par les professions de santé. Il s’agit même, à nos yeux, d’un symbole désastreux. Mais, quand nous relayons cette inquiétude, nos propositions sont balayées par l’Assemblée nationale.
Pour ne pas dépasser mon temps de parole, je terminerai en évoquant les amendements ayant pour objet la consommation d’alcool. Selon nous, il n’est tout simplement pas tolérable d’encourager de jeunes adolescents à consommer des substances psychoactives, en l’occurrence les produits alcooliques. Nous l’avons dit à l’unanimité, et, cette disposition, l’Assemblée nationale l’a également balayée.
On ne peut que tirer des leçons politiques de cette attitude. À l’évidence, le mouvement présidentiel veut faire croire que le Sénat ne propose aucune réforme ; qu’il n’avance sur rien ou, pour reprendre le propos déjà cité du député Thomas Mesnier, qu’il « fait reculer la France ».
Cette absence de dialogue, cette discussion réduite aux obligations légales d’une commission mixte paritaire qui ne peut pas travailler, cette absence de capacité d’écoute nous inquiètent. Il est problématique, dans une république, de ne pas savoir écouter les parlementaires. Or la méthode, la manière de travailler suivies pour ce PLFSS font écho à ce qui se passe dans notre pays. Un gouvernement qui ne sait pas écouter les parlementaires ne sait pas non plus dialoguer avec les Français.
M. Michel Vaspart. Très bien !
M. Bernard Jomier. Nous en voyons aujourd’hui les résultats ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, d’une motion n° 6.
Cette motion est ainsi rédigée :
Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur de nombreux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects aussi décisifs que la sous-revalorisation des prestations sociales en 2019 et 2020 ou la diminution programmée du montant de la taxe sur la valeur ajoutée affectée à la sécurité sociale en compensation de diminutions de ressources décidées par l’État ;
Considérant que le quasi-gel de leurs pensions pour les deux années à venir, alors même que l’inflation est repartie à la hausse, affectera les personnes retraitées qui ont déjà subi, en 2018, à la fois une année blanche en termes de revalorisation et la hausse non compensée de 1,7 point de la contribution sociale généralisée sur leurs pensions ; qu’une telle succession de mesures défavorables aura des conséquences aussi sérieuses qu’injustes sur le pouvoir d’achat des retraités ;
Considérant que cette sous-revalorisation affectera également les bénéficiaires d’autres prestations sociales, en particulier les familles, elles aussi trop souvent mises à contribution ces dernières années, en contradiction avec le principe de solidarité de la Nation pour les soutenir dans l’éducation de leurs enfants ;
Considérant que l’ampleur des coupes financières programmées au détriment de la sécurité sociale, ne reposant sur aucun principe clair, est de nature à compromettre son retour durable à l’équilibre ainsi que l’amortissement de la dette de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le président de la commission, pour la motion. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapporteur général l’a souligné il y a quelques instants : les différences qui demeurent entre les deux assemblées, à ce stade de l’examen du PLFSS, traduisent des divergences politiques de fond.
Ces divergences portent principalement, d’une part, sur la vision que le Gouvernement semble avoir de la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale et, d’autre part, sur le choix délibéré et répété de la majorité de raboter le pouvoir d’achat des bénéficiaires de prestations sociales, à commencer par les retraités et les familles.
Monsieur le secrétaire d’État, à propos de ce que vous appelez « la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale », les premiers messages que vous avez envoyés à travers ce texte sont particulièrement inquiétants.
Je ne reviendrai pas sur les non-compensations massives de mesures nouvelles de diminution des ressources de la sécurité sociale qui figurent dans ce PLFSS, sinon pour rappeler qu’elles sont d’une ampleur inédite : elles s’élèveront à 2,3 milliards d’euros en 2019, puis à 3,6 milliards d’euros en régime de croisière, dès 2020.
Je reconnais que, malgré leur ampleur, ces non-compensations traduisent des principes figurant dans le rapport remis l’été dernier par le Gouvernement au Parlement et qu’elles correspondent peu ou prou au niveau des « surcompensations » des allégements généraux identifiés l’année dernière par la Cour des comptes. Vous noterez d’ailleurs que le Sénat a adopté ces mesures, ce qui témoigne de son ouverture au dialogue en la matière.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nous n’en sommes que mieux placés pour juger inacceptables d’autres mesures que contient ce PLFSS et que les députés viennent d’introduire ou de confirmer.
Tel est le cas des coupes massives de TVA à destination de la sécurité sociale, qui interviendront dès 2020 et atteindront 5 milliards d’euros dès 2022. Il est tout à fait regrettable que l’Assemblée nationale n’ait pas retenu l’amendement que le Sénat a adopté pour refuser une telle trajectoire financière.
Tel est également le cas du nouveau rabotage de 200 millions d’euros de CSG, auquel vous venez de procéder à l’Assemblée nationale afin de financer auprès de l’UNEDIC des sommes manquantes du fait de la suppression des contributions salariales d’assurance chômage.
Notre commission l’a souligné en première lecture : ces coupes programmées de TVA ne correspondent à aucun principe figurant dans le rapport du Gouvernement, et encore moins à un quelconque principe qui aurait fait l’objet d’un dialogue avec le Parlement.
Quant à l’affectation de CSG à l’UNEDIC, c’est encore pire : on aggrave la confusion entre les différents régimes au lieu d’introduire de la clarté et, au bout du compte, l’on fait financer par la sécurité sociale une mesure, à savoir la suppression des contributions chômage des salariés, qui ne la concerne en rien.
En fait, le seul principe qui semble guider le Gouvernement, c’est le siphonage systématique de tout excédent que pourrait dégager la sécurité sociale. La preuve éclatante en est la présentation, lors de cette nouvelle lecture, d’un nouveau budget en déficit.
Si, même cette année, pour laquelle le Gouvernement a annoncé triomphalement le retour à l’équilibre de la sécurité sociale, l’on ne parvient pas à le respecter, qu’en sera-t-il à l’avenir, lorsque le symbole se sera estompé ?
Au vu de ce que vous proposez, on ne peut qu’exprimer des doutes sur ce qu’il adviendra de la capacité réelle de la sécurité sociale à rembourser ses dettes, puis à se maintenir dans une situation d’équilibre à long terme qui lui évitera d’en creuser de nouvelles.
Au sujet du nouveau rabotage, pour les deux années à venir, des prestations sociales, et en particulier des pensions de retraite, nous nous sommes déjà largement exprimés à l’occasion de la première lecture.
M. Darmanin a beaucoup caricaturé nos propositions, alors qu’elles étaient parfaitement responsables. Nous avions souhaité reculer progressivement l’âge de départ à la retraite jusqu’à soixante-trois ans. C’est ce que les mesures courageuses prises par les partenaires sociaux dans le cadre du régime complémentaire AGIRC-ARRCO invitent à faire dès 2019.
Que vous le vouliez ou non, même dans un régime à points, le critère de l’âge de départ restera incontournable, au vu de l’évolution démographique et pour assurer un revenu décent aux retraités. Les exemples étrangers étudiés par notre commission le montrent bien ; autant ne pas le cacher aux Français et les familiariser d’ores et déjà avec cette idée.
Cette mesure permettrait, à terme, d’équilibrer le système. Mais, puisque dans un premier temps, elle ne peut pas produire tous ses effets, nous avions également fait le choix, pour assurer l’équilibre des comptes dès 2019, de demander aux organismes complémentaires d’assurance maladie, les fameux OCAM, une contribution exceptionnelle pour ce seul exercice. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales le confirme.)
À ce propos, que n’a pas dit M. Darmanin, en omettant constamment de rappeler qu’il s’agissait d’une mesure ponctuelle ! Dois-je aussi rappeler au ministre de l’action et des comptes publics la teneur des constats formulés par la Cour des comptes en 2016 sur ces organismes, dont les frais de gestion sont à l’origine de 6,4 milliards d’euros de surcoûts, en 2014, pour les ménages ayant souscrit une assurance complémentaire ? Dans ces conditions, qui peut sérieusement croire qu’une contribution d’une seule année se serait traduite par des hausses sur les contrats ?
Au contraire, le nouveau budget en déficit que l’on nous présente aujourd’hui nous le montre bien : le Gouvernement lui-même aurait bien eu besoin d’une telle ressource de sécurisation du solde de la sécurité sociale, quitte à la recalibrer.
Au lieu de cela, vous avez fait le choix de vous attaquer, une nouvelle fois, aux retraités. En 2018, avec une inflation d’au moins 1,6 %, et même sans doute de 2 %, ces derniers auront non seulement connu une année blanche en termes de revalorisation, mais subi une amputation de 1,7 % de leur pension à cause de l’augmentation de la CSG.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. En 2019, avec une inflation prévue à 1,3 %, vous limiterez l’évolution de leur pension à 0,3 %, diminuant une nouvelle fois leur pouvoir d’achat de 1 %. Puis, vous recommencerez en 2020.
Un tel acharnement n’est pas acceptable. Ce choix est tout à fait déséquilibré. Pis, avant la réforme systémique des retraites que vous envisagez, comment envoyer plus clairement le message que le niveau de vie des générations futures ne sera aucunement garanti au moment de leur départ à la retraite, et que le Gouvernement ne se gênera pas pour actionner le levier de la valeur du point ?
Comme pour la trajectoire financière de la sécurité sociale, les choix que vous affichez aujourd’hui augurent mal de l’avenir.
J’aurais pu évoquer d’autres sujets, par exemple la question des travailleurs occasionnels du secteur agricole – pour ce qui les concerne, nous prenons acte des avancées de l’Assemblée nationale tout en regrettant que les députés ne soient pas allés au bout de leur démarche pour rejoindre la position du Sénat –, le rétablissement du forfait de réorientation, contre l’avis unanime du Sénat, ou encore certaines propositions que nous avions votées, qui ne recouvraient pas de clivage politique particulier, mais qui, pour autant, n’ont pas été prises en compte.
Il y a là des indices de dégradation de la qualité du dialogue entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement au cours de cette législature. Cette situation me semble particulièrement préoccupante.
Mes chers collègues, dans ces conditions, il est temps de constater le caractère irréductible des différences qui demeurent entre l’Assemblée nationale et le Sénat. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales vous propose d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, je regrette que, au nom de la solidarité gouvernementale, vous soyez réduit au rôle de souffre-douleur, en l’absence de M. Darmanin ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, contre la motion.
M. Philippe Dallier. Bon courage, cher collègue !
M. Charles Revet. Ce ne sera pas facile…
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, vous vous en doutez, je serai relativement bref (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.),…
M. Philippe Dallier. C’est préférable !
M. Martin Lévrier. … ayant déjà parlé sept minutes.
Aujourd’hui, le Sénat était censé réexaminer le projet de loi de financement de la sécurité sociale en séance publique.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez recours à une motion de procédure dite « question préalable » en vertu de l’article 44, alinéa 3, du règlement de la Haute Assemblée, et c’est regrettable. Bien que vous ayez usé de votre droit d’amendement, je suis certain que vous approuvez de nombreux buts fixés par le présent texte. Pour preuve, vous avez tout de même adopté de nombreux articles, et vous en avez voté plus d’un conforme.
Certes, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 20 novembre dernier a échoué, en raison notamment de deux points de crispation, que j’ai rappelés il y a quelques instants : tout d’abord, le désaccord profond sur l’article 44 amendé par la majorité sénatoriale et, ensuite, le report de l’âge de départ à la retraite.
Je m’arrête quelques instants sur ce sujet. J’ai le sentiment que les retraités sont votre cheval de bataille. Mais je me dois de vous rappeler que nous avons protégé les petites retraites.
M. Philippe Dallier. Oh !
M. Charles Revet. Allez le dire sur le terrain !