M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je retire évidemment le « coup de pied au derrière », qui apparemment a choqué – je m’en voudrais d’avoir été désagréable.
Je suis heureux que M. le rapporteur général ait déposé l’amendement qu’il vient de présenter. Je lui en suis reconnaissant.
Je voudrais rappeler à M. le secrétaire d’État que Mme Anne Genetet était elle aussi contre cette disposition. Il me paraît important de ne pas laisser penser qu’elle serait favorable à cette augmentation du taux minimum d’imposition.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-129, I-312 rectifié bis et I-665 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° I-839 et les amendements identiques nos I-202 rectifié et I-491 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 3 ter (nouveau)
Le 6 du III de l’article 204 J du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’acompte, assorti des calculs qui l’ont déterminé, prévu au 2° du 2 de l’article 204 A est communiqué au contribuable par l’administration fiscale. » – (Adopté.)
Article 3 quater (nouveau)
L’article 7 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est ainsi modifié :
1° Au A, deux fois, et au B du I, l’année : « 2017 » est remplacée par l’année : « 2018 » ;
2° Au II, les mots : « des années 2018 ou » sont remplacés par les mots : « de l’année », l’année : « 2017 » est remplacée par l’année : « 2018 » et les mots : « des années 2018 et » sont remplacés par les mots : « de l’année ».
M. le président. L’amendement n° I-130, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Après le I, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« I. bis – Les contribuables qui bénéficient en 2018 du 2° du I bis de l’article 1414 du code général des impôts, ou ont bénéficié en 2017 du A du I du présent article, bénéficient du dégrèvement prévu au 2 du I de l’article 1414 C du même code au taux de 100 % pour la taxe d’habitation due au titre de l’année 2018 ainsi que du dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public prévu au 2° de l’article 1605 bis dudit code. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du I bis de l’article 7 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Défavorable.
Les contribuables seraient amenés à recevoir un avis d’imposition pour être dans la foulée dégrevés. Un tel dispositif nous paraît difficilement opérationnel.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’adoption de cet amendement permettrait de réparer une injustice, que nous avons précisément chiffrée : le dégrèvement de contribution à l’audiovisuel public pour 2018 coûte 54 millions d’euros et l’extension de l’exonération de taxe d’habitation 23 millions d’euros, soit 77 millions d’euros au total. Comment sont-ils financés ? Ils le sont aux trois quarts par les collectivités territoriales !
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 quater, modifié.
(L’article 3 quater est adopté.)
Article 4
I. – Le chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au 3 du I de l’article 197, les montants : « 5 100 € » et « 6 700 € » sont remplacés, respectivement, par les montants : « 2 450 € » et « 4 050 € » ;
2° Le 1 du III de l’article 204 H, tel qu’il résulte de l’article 2 de la présente loi est ainsi modifié :
a) À la première colonne du tableau du second alinéa du b, les montants : « 4 421 », « 5 733 », « 7 286 », « 8 018 », « 8 914 », « 10 646 », « 13 485 », « 17 830 », « 27 213 » et « 57 451 » sont remplacés, respectivement, par les montants : « 4 365 », « 4 910 », « 5 730 », « 6 855 », « 7 620 », « 9 070 », « 11 945 », « 16 230 », « 24 770 » et « 52 300 » ;
b) À la première colonne du tableau du second alinéa du c, les montants : « 5 856 », « 7 249 », « 7 911 », « 8 706 », « 9 679 », « 11 366 », « 14 326 », « 18 773 », « 28 653 » et « 60 490 » sont remplacés, respectivement, par les montants : « 5 210 », « 5 860 », « 6 830 », « 7 520 », « 8 360 », « 10 050 », « 12 830 », « 17 150 », « 26 180 » et « 55 260 ».
II. – Le 2° du I s’applique aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2019.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. Décidément, les foudres de Jupiter ont choisi, cette année, de s’abattre sur l’outre-mer. Cet outre-mer que vous aimez tant, qui fait de vous la première puissance géostratégique du monde, qui vous permet, en bombant le torse, de dire : « Jamais le soleil ne se couche en France ! »
Pourtant, avec cet article, vous supprimez une mesure qui permettait de traiter avec justice et équité les contribuables des territoires d’outre-mer, où les produits de première consommation, et notamment les produits alimentaires, coûtent 38 % plus cher qu’en métropole. Quelle est la théorie économique qui vous a conduits à une telle scélératesse ?
Vous avez choisi, invoquant une pseudo-décision de gauche, de vous attaquer à ce que vous avez appelé les « riches », en leur retirant un prétendu privilège, c’est-à-dire une niche fiscale. Mais savez-vous ce qu’on appelle « riche » dans votre nouveau monde ? Un couple gagnant 6 600 euros par mois, soit 3 300 euros chacun en moyenne ! Vous appelez ça des riches ? Tel est pourtant le seuil de revenus à partir duquel les contribuables auxquels vous avez décidé de vous attaquer seront impactés !
Je ne sais pas quel théoricien de l’économie vous a autorisés à croire que, dans un pays qui est en voie de développement, en tout petit, petit, petit développement, il fallait s’attaquer aux classes moyennes, en particulier à la tranche basse de la classe moyenne. Cette théorie économique ne tient pas la route.
S’agissant de vos pseudo-riches, nous avons tous refait les calculs. Je ne retiendrai que l’un de ces calculs, que j’ai déjà cité, qui a été fait par un élu de La République En Marche – il aura certainement, pour cette raison, plus de crédit à vos yeux que les nôtres – : un couple sera impacté dès lors que son revenu mensuel sera supérieur ou égal à 6 600 euros, soit, pour chacun des deux conjoints, 3 300 euros en moyenne. Savez-vous que c’est précisément dans cette tranche d’imposition qu’on trouve les contribuables qui peuvent acheter ou réparer une maison, acheter une voiture, accéder aux loisirs ? Et c’est à cette catégorie de la population que vous vous attaquez !
Permettez-moi de vous le dire : ma déception ne saurait être plus totale !
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. J’ai coutume de rappeler, paraphrasant Aimé Césaire, que nous sommes encore et toujours des citoyens entièrement à part plutôt qu’à part entière. Vous le prouvez encore aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État : le gouvernement auquel vous appartenez et vous-même êtes complètement déconnectés de la réalité ultramarine, au vu des mesures fiscales brutales et injustes que vous souhaitez faire adopter dans ce PLF, notamment à l’article 4.
Comment voulez-vous que nos compatriotes ne se sentent pas méprisés et stigmatisés quand, sourds à nos remarques et aveugles à nos réalités, vous insistez sur le bien-fondé de mesures fiscales que nous nous évertuons à décrire comme dangereuses pour nos économies et complètement iniques ?
J’ai toujours dit que je n’étais pas pour une égalité de traitement ; les territoires ultramarins sont totalement disparates – cette disparité est encore plus saillante lorsqu’on les compare avec l’Hexagone. Je prône en revanche, et parallèlement, l’équité.
Or où est l’équité quand, par un tour de passe-passe budgétaire, vous augmentez l’impôt pour 20 % des citoyens ultramarins, à hauteur de 10 % au minimum – cette mesure impactera également le monde de l’entreprise et, plus précisément, les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux –, augmentation couplée, pour certains, avec celle de la CSG ?
Où est l’équité quand on demande aux régions d’outre-mer de participer seules au financement des investissements publics et à la moitié des territoires ultramarins, des DOM pour être précis, pourtant déjà dans une situation économique délicate, voire critique, de participer seuls au financement de dispositifs situés aussi dans les COM, où l’impôt sur le revenu n’est pas applicable ? Sur quel territoire de France continentale cela s’est-il déjà vu ?
Vous donnez l’impression que nos citoyens sont des enfants gâtés. Il n’en est rien, monsieur le secrétaire d’État ! L’abattement supplémentaire de l’impôt sur le revenu compense la cherté de la vie et la rupture d’égalité qu’entraînent l’éloignement et l’insularité de nos outre-mer.
Je m’oppose farouchement à ce nouveau coup de rabot d’au moins 70 millions d’euros censé alimenter un fonds dont nous ne connaissons ni la répartition ni l’efficacité. Sur la base de motifs fallacieux, l’État se désengage de son obligation de soutien à nos territoires en opérant dans le même temps une dissociation de la culture de la solidarité ultramarine.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Cela fait déjà deux, voire trois mois, à peu près, que nous nous affrontons, le Gouvernement ayant présenté sans discussion aucune et de manière fort unilatérale une mesure qui consiste, au nom de la lutte contre les inégalités, à faire passer le plafond d’abattement de 5 100 à 2 450 euros en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion et de 6 700 à 4 050 euros en Guyane et à Mayotte. Une telle disposition serait d’ailleurs, aux dires de ses défenseurs, tirée d’un rapport que j’avais commis il y a quelques années, destiné à construire une vision du développement des outre-mer.
Sous la précédente législature, avec l’ancien gouvernement, nous avions mis au point une notion, celle de convergence ; le gouvernement actuel y ajoute celle de « transformation ». Dans la loi Égalité réelle outre-mer figurait en effet la recommandation suivante : compte tenu du déficit d’intervention publique dans les outre-mer, l’État devrait d’abord faire des efforts, pendant au moins deux plans quinquennaux de convergence, après quoi seulement les contribuables, les ménages, les entreprises et les associations d’outre-mer devraient contribuer, certes, à autofinancer le développement de leurs territoires et, s’il le faut, à l’autoentretenir.
Le Gouvernement a décidé de faire autre chose : diminuer de 52 % – 40 % en Guyane et à Mayotte – la réfaction de l’impôt sur le revenu. On prétend que cela va rapporter 70 millions d’euros. Or l’enveloppe totale est de 402 millions d’euros ; si l’on applique à cette enveloppe la diminution que j’ai évoquée, on obtient plutôt, par interpolation linéaire, méthode scientifique s’il en est, un chiffre de 200 millions d’euros d’économies. Mais on ne retrouve, dans la mission « Outre-mer », que 70 millions d’euros. Le même argument vaut pour la TVA NPR et pour la défiscalisation.
Nous nous sommes affrontés sur les chiffres. Vincent Éblé, président de la commission des finances, a bien voulu demander au Gouvernement de lui fournir des chiffres ; ceux qu’on nous a fournis sont obtenus à l’aide de méthodes pour le moins étonnantes.
Jusqu’ici, donc, le Gouvernement s’appuie sur des chiffres que nous estimons mal fondés, pour ne pas dire autre chose. L’affirmation selon laquelle 4 % seulement des contribuables outre-mer seraient impactés ne repose sur aucune justification. Nous avons compté, nous, 87 000 contribuables impactés, soit 27 % à 30 % des contribuables.
Sur la base de ces arguments, nous demandons la suppression de cet article. À défaut d’une telle suppression, nous défendrons des amendements de repli, qui recueilleront peut-être plus aisément la faveur du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eu égard au nombre d’amendements déposés sur cet article, si nous voulons que notre débat, tout en restant de qualité, permette d’aller à l’essentiel, je me permets de prendre la parole dès maintenant pour présenter les enjeux de cette discussion à nos collègues qui, n’étant pas ultramarins, ne connaissent pas forcément parfaitement ce dispositif.
Les outre-mer bénéficient d’un avantage spécifique, une réduction d’impôt sur le revenu, qui est diminué par l’article 4 du PLF. Cet abaissement de la réduction d’impôt représentera un gain pérenne de 70 millions d’euros à partir de 2021, sur les 400 millions d’euros que représente à peu près cette dépense fiscale. L’économie issue de la réduction de cette niche fiscale doit aller, sur toute la durée du quinquennat, au fonds exceptionnel d’investissement dédié à l’outre-mer.
Le débat est légitime : l’outre-mer doit-il financer l’outre-mer ? Ce qui est certain, c’est que l’économie proposée est de 70 millions d’euros par an, et il est bien prévu qu’elle aille au budget des outre-mer.
Si nous votions ces amendements, nous créerions un trou dans le budget des outre-mer, que nous examinerons prochainement. En outre, ces amendements ne tournent pas : leurs auteurs ont notamment omis de tenir compte des conséquences de la mise en œuvre du prélèvement à la source. Je le dis par avance pour l’efficacité de nos débats : j’en demande le retrait, pour les raisons de fond et de forme que j’ai exposées.
Je précise que le raisonnement que j’ai tenu sur le prélèvement à la source vaut pour l’ensemble des amendements déposés à l’article 4 : les premiers tendent à supprimer purement et simplement l’article ; les amendements suivants, notamment les amendements nos I-765 et I-788 de MM. Lurel et Magras, ont plutôt pour objet d’étaler la mesure sur deux ans – c’est certes un moindre mal, mais leur articulation avec le prélèvement à la source pose problème, ce qui les rend inopérants.
M. le président. J’ai bien noté que la commission avait donné son avis par anticipation sur les amendements présentés à l’article 4.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° I-343 est présenté par M. Lurel, Mme Conconne, MM. Antiste, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mmes Taillé-Polian, Blondin et Bonnefoy, MM. Cabanel, Courteau, Duran, Fichet, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° I-456 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° I-560 rectifié est présenté par MM. Lagourgue, Capus, Chasseing et Decool et Mme Mélot.
L’amendement n° I-923 est présenté par Mmes Dindar et Malet.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° I-343.
M. Victorin Lurel. Avant d’en venir à l’amendement proprement dit, j’avoue ne pas comprendre l’argument de notre rapporteur général : je ne comprends pas ce qui, dans le prélèvement à la source, empêcherait de supprimer le dispositif proposé par le Gouvernement.
Certes, dans les outre-mer, le prélèvement à la source fait l’objet d’un mécanisme un peu spécial : la fixation de taux par défaut. Par ailleurs, du fait de la spécificité de ce dispositif et de la définition de bases mensuelles de prélèvement, faute d’un taux moyen personnalisé ou neutre, on entrera, en outre-mer, plus tôt dans l’impôt, par exemple dans les tranches à 14 % ou à 30 % – c’est l’objet de l’un de mes amendements.
Nous étions d’accord, de façon transpartisane, pour penser que la suppression pourrait poser problème, pour des motifs d’équilibre. Nous nous sommes donc presque tous entendus, sur toutes les travées, sur un amendement de repli : puisque le Gouvernement diminue de 52 % la réduction de l’impôt sur le revenu outre-mer, nous proposons, nous, d’étaler cette baisse sur deux ans, ou de la réduire à 25 %.
Le rapporteur général reprend les chiffres du Gouvernement : 70 millions d’euros d’économies. D’après nos calculs, dont nous avons fourni la preuve, me semble-t-il, qu’ils sont assez crédibles, c’est beaucoup plus : plus de 200 millions d’euros. Mais 70 millions seulement seront retracés dans la mission « Outre-mer ».
Si nous nous accordions sur une diminution de 25 % cette année et de 25 % l’an prochain, les rentrées fiscales nouvelles seraient, d’après nos calculs, de 96 millions d’euros. Cette solution ne poserait donc aucun problème d’équilibre ou d’articulation avec le prélèvement à la source.
Je peux donc entendre un avis défavorable sur la suppression de l’article 4. S’agissant en revanche des amendements suivants, je ne comprends pas très bien pourquoi il serait impossible de les adopter.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-456.
M. Pascal Savoldelli. Le plafonnement à la baisse de l’impôt sur le revenu en vigueur outre-mer, qui s’avère tout de même représenter une dépense fiscale d’environ 1 000 euros par dossier fiscal, est-il forcément la meilleure entrée pour poser la question du développement de nos outre-mer ? C’est une question récurrente, dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises dans cette enceinte.
Je rappellerai qu’il ne s’agit sans doute pas là, pour le coup, de la principale dépense fiscale à l’œuvre dans ces territoires de la France du monde entier et que la critique d’efficacité adressée à la réduction générale de l’impôt ne saurait lui être réservée. Les modes de défiscalisation des investissements en vigueur, quels qu’ils soient, n’ont pas permis, par exemple, à l’île de Saint-Martin d’éviter d’être complètement ravagée lors du passage du cyclone Irma.
Au demeurant, si l’on en croit l’évaluation des voies et moyens et le « bleu » de la mission « Outre-mer », les dépenses fiscales associées devraient s’élever, en 2019, à plus de 4,6 milliards d’euros, dont 1,9 milliard d’euros correspondant aux effets du moindre taux de TVA applicable aux livraisons de biens et de services dans les DOM et près de 1,3 milliard d’euros liés à la non-application de la TICPE. On sait que cette dernière est remplacée par une taxe propre aux DOM, dont le rendement s’avère au demeurant assez proche des sommes non perçues au titre de la TICPE. Autant dire que les 110 millions d’euros que l’État escompte récupérer avec les mesures de cet article 4 ne vont qu’assez peu entamer les dépenses fiscales existantes.
La question qui demeure toutefois posée, s’agissant de l’article 4, est connue : oui ou non la vie est-elle chère dans les DOM, compte tenu des règles de sujétion commerciale imposées par la métropole à ces territoires ? Si elle est chère, ce que semble montrer avec éclat le niveau actuel de la mobilisation populaire dans l’île de La Réunion, par exemple, est-ce le meilleur moment pour rectifier une mesure dont l’un des fondements était précisément de lutter contre la vie chère ? Nous ne le pensons pas ! Il nous semble même que les tensions toujours vives que connaissent d’autres territoires d’outre-mer, pour des raisons diverses – je pense à Mayotte ou à la Guyane –, appellent une réflexion plus complète et plus concrète sur la situation de ces Français du monde entier que sont nos compatriotes ultramarins.
C’est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à supprimer l’article 4. (M. Maurice Antiste et Mme Catherine Conconne applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° I-560 rectifié.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement de notre collègue Lagourgue vient d’être défendu avec bien plus de talent que celui dont j’aurais pu faire preuve.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je vais prendre quelques minutes pour exposer la position du Gouvernement, et, si Mmes et MM. les sénateurs en sont d’accord, cela me permettra d’être plus lapidaire ou plus concis, peut-être, sur les autres amendements.
Les dispositions fiscales concernant les outre-mer prises par le Gouvernement à l’occasion de ce PLF ont vocation à dégager des économies qui seront intégralement utilisées pour abonder le budget des outre-mer. Notre volonté est vraiment de flécher ces recettes ; Annick Girardin, ministre des outre-mer, l’aurait dit devant vous si elle n’avait pas dû rejoindre l’île de La Réunion pour travailler sur la question qui vient d’être évoquée par M. Savoldelli.
L’ensemble des marges de manœuvre qui sont dégagées seront donc utilisées, en 2019, au profit des outre-mer, le fonds exceptionnel d’investissement passant notamment de 40 millions à 110 millions d’euros. Au total, ce sont 280 millions d’euros supplémentaires qui seront orientés vers les outre-mer jusqu’à la fin du quinquennat.
Notre volonté est évidemment de continuer à aider les outre-mer et à investir. Cela sera démontré en 2019 avec, pour l’ensemble des ministères, un investissement total de 2,1 milliards d’euros dans les futurs contrats de convergence et de transformation. Par exemple, 50 % de l’enveloppe nationale qui sera dédiée en 2019 aux investissements hospitaliers sera consacrée aux hôpitaux ultramarins. De la même manière, nous augmentons de près de 300 millions d’euros, pour 2019, les crédits consacrés à l’outre-mer sur l’ensemble des périmètres interministériels.
Nous veillons à travailler avec l’ensemble des outre-mer, et il faut souligner que les dispositions relatives à l’impôt sur le revenu que nous présentons ne concernent que 5 % des foyers ultramarins.
M. Victorin Lurel. Non ! Absolument pas !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’illustrerai ce point par quelques cas types : en Guyane et à Mayotte, par exemple, un couple ayant deux enfants ne sera concerné que s’il déclare plus de 92 000 euros de revenus annuels ; en Martinique, en Guadeloupe ou à La Réunion, une famille avec trois enfants ne sera concernée qu’au-delà de 96 000 euros de revenus annuels. Un professeur du secondaire à La Réunion ne verra son impôt augmenter que de 4 euros par mois.
Il ne s’agit pas de revenir sur la réduction d’IR existante, mais de faire en sorte, comme l’ont rappelé un certain nombre d’intervenants, de modifier le plafond applicable à cette réduction. Cette modification ne concernera que les foyers les plus favorisés des territoires d’outre-mer ; l’économie ainsi réalisée, qui s’inscrit dans une perspective de justice sociale, sera, surtout, totalement réinvestie dans les territoires d’outre-mer.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le secrétaire d’État, je ne partage pas du tout cette vision, et j’aimerais que mes collègues puissent passer outre l’ésotérisme de cette question.
Vous avancez un certain nombre de chiffres : 4 %, 50 000 foyers. Il faut savoir que les outre-mer comptent 1 155 000 contribuables, dont 253 000 paient 838 millions d’euros d’impôt. Si les autres ne paient pas d’impôt sur le revenu, c’est parce que leurs revenus sont modestes, inférieurs à 10 000 euros par an.
Ce que je reproche au Gouvernement – il ne s’agit plus ici d’affrontement –, c’est son absence de vision. Nous sommes tous d’accord – nous disposons d’un rapport de 450 pages qui élucide cette question – sur le déficit d’intervention de l’État en matière d’équipements publics : il faut faire un effort ; il faut étaler cet effort ; il faut une vision. Et l’article 1er de la loi EROM dit tout là-dessus, en introduisant une planification !
Vous avez décidé de passer en force, brutalement, sans associer ni les élus ni les socio-professionnels. En plus – je me permets de vous le dire respectueusement –, vos chiffres sont faux. Plus de 87 000 personnes seront impactées, soit plus de 30 % des contribuables payant effectivement l’impôt.
Vous ne voulez pas attendre dix ans et souhaitez réformer immédiatement. Il n’y aura bientôt plus un centime d’argent frais, nous dites-vous, pour financer notre développement ; nous devons donc commencer à nous autofinancer, selon une conception du développement endogène, la vôtre, en vertu de laquelle la solidarité ultramarine doit jouer avant la solidarité nationale. Soit ! Mais ne nous trompez pas avec des chiffres qui sont absolument faux.
Ne nous dites pas non plus que vous allez organiser le développement à partir de Paris. Vous centralisez ! Nous savons qu’en exécution budgétaire, c’est-à-dire dans la régulation budgétaire, on ne verra pas « la couleur de l’argent », pour reprendre le titre d’un film. J’ai été ministre, je connais un peu le sujet. Je sais qu’on ne verra pas cet argent et qu’on devra venir à Paris quémander des subventions.
Aujourd’hui, sur 40 millions d’euros, à peine 30 millions d’euros sont consommés chaque année. Vous passez à 110 millions d’euros, alors qu’il aurait fallu prévoir, ne serait-ce que pour le CICE, plus de 400 millions d’euros. Exactement 569 millions d’euros auraient dû être inscrits dans la mission « Outre-mer ». Les économies faites sur la réfaction de l’impôt s’élèveront à 200 millions d’euros. Voilà la réalité !
Je peux entendre les réticences sur les amendements de suppression, mais montrez-vous plus souples sur les amendements de repli, qui visent à étaler l’effort demandé aux outre-mer sur deux ans, soit 25 % cette année et 25 % l’an prochain, sous réserve des remarques formulées par le rapporteur général et qui méritent des éclaircissements. Ce serait une attitude de sagesse et un compromis conforme à la culture qui est la nôtre au Sénat. (M. Maurice Antiste applaudit.)