Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir replacé le vrai débat au centre de l’attention.
Vous pointez du doigt les deux piliers clés de la transition et du financement.
La France sera au rendez-vous des 100 milliards de dollars. En effet, c’est un engagement qui avait été pris dans le cadre de l’accord de Paris. C’est la raison pour laquelle la France a joué un rôle moteur dans la relance du Fonds vert, en particulier. Nous sommes aussi en train de travailler, avec d’autres partenaires européens et internationaux, notamment dans le cadre du plan d’action sur la finance verte, pour déployer une palette d’outils permettant de rediriger les financements.
Je pense singulièrement aux mesures visant à faire la lumière sur les risques climatiques. Vous le savez, le terme qu’affectionne le langage de la finance, c’est le risque. Tant que les risques pour la planète – et donc pour les hommes – ne sont pas pris en compte dans les projets au même titre que des risques d’ordre financier, il sera beaucoup plus difficile de rediriger les investissements privés vers des projets meilleurs pour la planète et comportant un moindre risque pour l’environnement.
Donc, sur la question des 100 milliards de dollars, oui, la France sera au rendez-vous, je le répète ! Elle mobilise d’autres partenaires, dont l’Allemagne.
Parmi les éléments de réponse que je peux vous apporter, je vous indique que la France finance toute une série de projets à l’échelle internationale, en Afrique et sur d’autres continents dans des pays émergents ou en voie de développement. Elle travaille aussi dans le cadre de l’IAER, de l’Alliance solaire internationale par le biais de l’Agence française de développement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Madame la secrétaire d’État, il y a un an de cela, je vous interrogeais, de la même place, sur la COP23 et le fléchage de l’aide publique au développement, notamment vers les aides agricoles pour les pays du Sud. La transition agroécologique de ces derniers est, en effet, un enjeu majeur.
Depuis, au mépris du monde, la chaise américaine demeure désespérément vide ; un nouveau rapport du GIEC alerte la communauté internationale sur la nécessité absolue de mettre en branle des changements très rapides pour stabiliser le réchauffement à une augmentation de 1,5 degré.
Vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, le changement, c’est maintenant, si j’ose dire. Le Fonds vert pour le climat, principal outil concret de la mise en œuvre de l’accord de Paris et de la solidarité entre le Nord et le Sud aurait aujourd’hui du plomb dans l’aile, malgré le lancement, à ce jour, de près d’une centaine de projets pour 4 milliards d’euros.
On est bien loin des 100 milliards par an promis en 2009 à Copenhague ! La COP 14 Biodiversité, qui se réunit actuellement en Égypte, à Charm el-Cheikh, démontre la nécessité d’une meilleure rémunération du capital nature.
Où en est la participation française ? Votre gouvernement se félicite, sur le site France Diplomatie, de vouloir mettre l’accent sur la taxe sur les transactions financières, la TTF, en vue d’une universalisation du mécanisme fléché justement vers le Fonds vert pour le climat.
Or vous venez d’entériner, dans le projet de loi de finances pour 2019, une diminution de la part de cette TTF – de 50 à 30 % – allouée à la solidarité internationale et au climat ! La TTF pourrait constituer un levier important en vue de générer des ressources nouvelles pour le climat et serait conforme à l’esprit de l’article 2 de l’accord de Paris, qui appelle à réorienter les flux financiers vers une trajectoire bas carbone.
Plus loin, dans ce même article sur le site susvisé, il est indiqué qu’à l’échelon européen, « les discussions sur la mise en œuvre d’une TTF européenne destinée à alimenter pour partie le budget communautaire ont enregistré quelques progrès. »
Aussi, madame la secrétaire d’État, j’aimerais connaître les quelques progrès et les efforts diplomatiques menés par la France pour convaincre ses partenaires européens de créer une TTF continentale dans la perspective d’honorer nos engagements écologiques. Défendrons-nous toujours avec autant d’ardeur cette belle idée fiscale qui taxerait les flux financiers spéculatifs pour financer la transition écologique des pays du Sud ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous posez plusieurs questions qui appellent donc diverses réponses.
Je le répète une fois de plus, la France sera, au rendez-vous des 100 milliards de dollars. Nous nous sommes engagés à fournir 5 milliards d’euros de financement en 2020, dont 1,5 milliard d’euros pour l’adaptation. Nous sommes au rendez-vous !
Vous le savez, l’Agence française de développement, notre bailleur de fonds pour le climat, a annoncé qu’elle ne financerait plus de projets aux incidences négatives pour la planète ou en contradiction avec l’accord de Paris.
Les engagements de la France en la matière vont considérablement augmenter pour atteindre 0,55 % du PIB d’ici à la fin du quinquennat.
La question des 100 milliards fait en effet largement débat avec les pays en voie de développement. Cet aspect particulièrement difficile freine l’avancement des négociations climatiques en vue d’un accord lors de la COP24.
L’OCDE rendra, d’ici à la réunion de cette conférence, un rapport qui fera le bilan des engagements publics. Si cette question des 100 milliards est absolument essentielle, elle n’est pas suffisante, nous le savons. Nous devons explorer une autre palette de moyens de financement, à commencer par la mobilisation des financements privés.
J’ai eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises, notamment dans le cadre du One Planet Summit. Nous voulons déployer des instruments permettant d’accélérer le redéploiement des investissements privés vers des projets bas carbone.
Certaines des mesures que vous proposez sont potentiellement intéressantes et innovantes. Il nous faut, en tout cas, avoir des réflexions créatives – je ne sais pas si elles seront immédiatement appliquées – pour trouver des moyens de financement adaptés aux besoins massifs à couvrir.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Le Nay.
M. Jacques Le Nay. Madame la secrétaire d’État, le changement climatique n’est plus une menace, ce n’est plus un avenir incertain, encore moins un concept théorique : c’est une réalité, une réalité d’ores et déjà visible, concrète, quotidienne. Ses effets se font sentir partout sur la planète, et la France, en métropole comme outre-mer, ne fait pas exception. La sécheresse exceptionnelle et persistante que connaissent les Alpes et la Franche-Comté en est le dernier exemple en date.
Mon département, le Morbihan, et l’ensemble de la région Bretagne sont, en tant que zone littorale, particulièrement concernés. Le GIEC a ainsi mis en évidence une augmentation du nombre et de l’intensité des tempêtes dans les prochaines années, couplée à la hausse du niveau des mers qui entraînera une salinisation des cultures proches du rivage. Et ce n’est là qu’un aspect de ce qui est aujourd’hui à l’œuvre !
L’accord de Paris, conclu lors de la COP21, constitue une grande avancée, saluée par tous et à juste titre. Les conférences des parties successives, à Marrakech et à Bonn, ont permis d’en préciser les modalités de mise en œuvre, et c’est encore l’objectif de la COP24, qui s’ouvrira la semaine prochaine, à Katowice.
Or les États-Unis se sont retirés de l’accord de Paris. Le Brésil menace aujourd’hui de faire de même. De nombreux autres États ont déjà annoncé qu’ils ne seront pas en mesure d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés.
Face à ces renoncements des États, une lueur d’espoir peut être trouvée dans l’activisme de nos territoires. Les grandes villes du monde s’organisent en réseaux pour mettre en place des solutions innovantes et adaptées. Des initiatives existent aussi, nombreuses, dans nos petites villes, comme dans nos campagnes.
La COP24 pourrait-elle alors rester dans l’histoire comme celle où la diplomatie des États fait enfin une place à la diplomatie décentralisée, au nom de l’objectif supérieur de préservation de notre environnement ? Il y a urgence !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison : il est de plus en plus difficile à l’échelle internationale de mobiliser les États ! Il n’en va pas partout ainsi. Certains États restent particulièrement moteurs, d’autres le sont beaucoup moins.
C’est vrai – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt –, la décision du Président Trump de quitter l’accord de Paris a des conséquences. Elle a permis, paradoxalement, de catalyser l’action, c’est-à-dire de mobiliser, plus encore qu’ils ne l’auraient fait spontanément, des États, notamment fédérés, des villes, des entreprises, des ONG. Les uns et les autres ont senti plus que jamais à quel point l’action devait passer par eux, en fait par le terrain, par les territoires.
Le meilleur moyen de rendre l’accord de Paris irréversible, c’est de le mettre en œuvre. Tout l’objet du One Planet Summit et de l’agenda de l’action consiste à mobiliser cette coalition d’acteurs. La COP24 fera une place importante aux entreprises. Certes, celles-ci n’assistent pas directement aux négociations, mais elles sont présentes, aussi bien en participant à des événements qu’en apportant à l’Union européenne des propositions et contributions qui nourrissent les débats et permettent d’avancer.
Il reste néanmoins indispensable, même si l’action se décline sur les territoires où il faut plus que jamais mobiliser chacun, que la France se mobilise et mobilise les États du monde entier. En effet, on a besoin d’un cadre clair, avec une vision à long terme, notamment l’objectif de la neutralité carbone d’ici à 2050, sur lequel la France joue un rôle très moteur, enjoignant d’autres à la rejoindre. Elle envoie ainsi un signal clair aux acteurs économiques et à d’autres pour qu’ils réalisent eux aussi rapidement la transition.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Les Républicains d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de ce débat.
Le changement climatique est un enjeu majeur, dont la dimension dépasse largement nos frontières. Quelques chiffres récents en témoignent : en 2017, selon l’Internal Displacement Monitoring Centre, l’IDMC, 30,6 millions de personnes ont dû fuir les conflits et les catastrophes dans 143 pays ; 39 % des nouveaux déplacements ont été provoqués par des conflits et 61 % par des catastrophes naturelles. Ce sont donc 18,8 millions de personnes qui ont été déplacées à la suite de catastrophes météorologiques.
En 2015, dans le rapport que Leila Aïchi et moi-même avons rédigé, nous rappelions qu’en 2050, pas moins de 250 millions de migrants seraient dénombrés. Nous assimilions les changements climatiques à un « multiplicateur de risques » qui aggrave les tensions existantes et en crée de nouvelles. Nous pointions du doigt également les carences des structures de gouvernance internationale qui, organisées en silos, ne s’intéressaient pas suffisamment à cette question. Celle-ci était traitée dans différentes enceintes, qui avaient leurs logiques propres de protection des droits de l’homme, du droit de l’environnement, ou encore de gestion des flux. Il en était de même pour les États, dont les intérêts divergent.
Ma question est donc la suivante : comment la France s’inscrit-elle dans la construction de cette gouvernance des migrations environnementales et quel modèle défend-elle dans le cadre des négociations internationales ?
Dans la proposition n° 29 du rapport précité, nous recommandions à la France d’être, au sein de l’OTAN, à l’initiative d’une réflexion sur l’analyse des conséquences géopolitiques du changement climatique, afin de prendre celles-ci en compte dans l’appréciation des risques et des menaces, ainsi que dans les perspectives de transformation de l’organisation des forces.
C’est certainement le général Pierre de Villiers qui parle le mieux de ce sujet. S’il a retrouvé ses habits de civil, il est surtout un homme d’expérience et de terrain. Dans son dernier essai, il alerte avec force sur les graves conséquences géostratégiques qu’induit le dérèglement climatique. Il témoigne des déplacements incontrôlés de populations, du manque d’eau, des facteurs éventuels de vulnérabilité pour les armées, ou encore des risques accrus de conflictualité.
Face à ces urgences, madame la secrétaire d’État, quelles sont vos réponses ?
M. Benoît Huré. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, de plus en plus, les déplacés climatiques constituent un enjeu majeur. Beaucoup d’États en ont pris conscience et continuent de le faire. Cette question fait partie des négociations et des discussions à l’échelle internationale, notamment dans le cadre des négociations sur le climat.
La meilleure façon de résoudre le problème des déplacés climatiques, c’est de mettre en place des politiques publiques de lutte contre le changement climatique et des politiques publiques de transition écologique et solidaire au sein des pays. C’est ce que nous faisons. La France prend toute sa part de responsabilité, notamment avec l’Alliance solaire internationale en Afrique, l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables, l’IAER, et des projets dans le cadre de l’Agence française de développement. Elle le fait aussi à l’échelon européen avec ses partenaires.
Par ailleurs, au mois de juillet 2019, la France prendra la présidence de la plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes qui se trouve à Genève.
Cette question reste centrale. Lorsque l’on regarde dans le détail, on constate qu’il est de plus en plus difficile de détacher les questions de migration de celles du changement climatique. Le changement climatique est une réalité qui a des conséquences concrètes en termes de catastrophes naturelles et de sécheresses accrues et qui a un impact réel sur les populations, parfois amenées à se déplacer.
Il faut aussi beaucoup aider les États et renforcer leurs capacités à l’échelon national. Là encore, lorsque l’on regarde dans le détail, on constate que nombre de ces déplacements se font à l’intérieur même d’un pays – c’est le cas en Inde ou, en Afrique, dans des grands pays comme le Nigeria – ou d’une zone géographique – c’est le cas entre le Bangladesh, l’Inde et d’autres pays.
Ce problème est très complexe. La meilleure façon de s’y attaquer sera d’obtenir un succès à la COP24 et dans le cadre d’autres négociations internationales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les dirigeants du monde entier se réunissent, en Pologne, à l’occasion de la COP24, pour prendre acte de la mise en place des mesures décidées par l’accord de Paris, le GIEC a publié, le 8 octobre dernier, un rapport que l’on peut qualifier d’alarmant. En effet, celui-ci appelle à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, comme cela a été rappelé, si l’on veut éviter l’irréversibilité de certains impacts non seulement sur les espèces animales et végétales, mais bien évidemment aussi sur l’espèce humaine, annonçant les migrations climatiques massives qui bouleverseront dangereusement les équilibres planétaires.
Les États, dont la France, doivent évidemment s’appuyer sur ce rapport pour revoir leurs ambitions climatiques à la hausse, dans le contexte de la COP24. S’il est indispensable de redoubler d’efforts pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, il nous appartient également de plaider pour un comportement écologiquement correct.
Alors que les deux précédents sommets ont axé leur réflexion sur l’adoption d’un calendrier afin de mettre en œuvre l’accord de Paris et sur les conséquences du retrait des États-Unis de celui-ci, la COP qui va avoir lieu se doit de clarifier les règles permettant de transposer les contenus de cet accord en actions climatiques efficaces.
N’appartient-il pas à l’Union européenne de mener ce combat avec plus de vigueur, si nous voulons inciter les États du monde entier non seulement à respecter leurs engagements, mais, qui plus est, à les reconsidérer ?
Par ailleurs, l’accord de Paris trace une feuille de route collective. C’est donc collectivement que les États doivent la respecter, chacun à son échelon.
Pour autant, les scientifiques ne sont pas fatalistes. Nous pouvons encore faire des choix différents, mais nous devons agir rapidement. La France doit prendre sa part des responsabilités et assumer son rôle de leader.
Il faut faire de l’accord de Paris une réalité pour l’Europe et une action de la diplomatie climatique.
Madame la secrétaire d’État, au risque de vous répéter, pouvez-vous préciser quelles ambitions financières la France exprimera lors de la COP24 ? Pensez-vous parvenir à un accord sur des solutions pérennes avec nos partenaires européens, pour répondre aux problèmes environnementaux internationaux qui sont le défi majeur du XXIe siècle ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, j’ai eu l’occasion de m’exprimer déjà sur cette question. Oui, la France sera à ce rendez-vous politique, puisqu’elle joue un rôle moteur. Elle sera aussi au rendez-vous des financements, car ce sont 5 milliards d’euros qui seront mis sur la table pour le climat d’ici à 2020. Nous respectons donc l’accord de Paris. C’est bien sûr fondamental pour la France, qui mobilise aussi à l’échelon européen.
Vous pointez du doigt l’importance de réussir les négociations internationales sur le climat. Dans le cadre de l’accord de Paris, chaque État apporte une contribution nationale volontaire, qui donne une sorte de feuille de route, qui détermine en tout cas son niveau d’ambition. Il revient ensuite à chaque État de la traduire en politiques publiques concrètes. C’est ce que fait l’Union européenne et c’est ce que ses États membres négocient à intervalles très réguliers dans le cadre des conseils des ministres de l’environnement. Ainsi, comme vous le savez peut-être, dernièrement, nous nous sommes mis d’accord sur un texte ambitieux en matière d’économie circulaire qui vise à développer une économie de la ressource – nous prenons mieux en compte les ressources et baissons nos émissions de CO2.
À l’échelon national, la France a, en 2017, lancé le plan Climat qui vise à être à la fois très ambitieux sur le plan climatique, puisqu’il s’agit d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, et particulièrement solidaire avec un paquet « solidarité climatique », dont vous avez sans doute beaucoup entendu parler ces dernières semaines.
Ainsi, la France met en cohérence ses politiques nationales avec sa politique de développement à l’échelon international, notamment par le biais de l’Agence française de développement, en veillant à ce que tous les projets que finance l’AFD soient bien respectueux des accords de Paris.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Priou. Madame la secrétaire d’État, nous avons trouvé que vous aviez répondu vertement – c’est de circonstance sans doute ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) – à notre collègue Pascale Bories.
Vous avez évoqué l’Europe et la construction européenne à propos de nombreux sujets qui ne sont pas faciles. Je prendrai pour ma part l’exemple d’un dossier que suit le ministère de la transition énergétique et solidaire, celui de la fermeture de la centrale thermique de Cordemais. L’ouest de la France n’a pas beaucoup de production d’électricité et, si l’hiver est rigoureux, nous importerons de l’électricité d’Allemagne, pays qui relance l’énergie à base de charbon pour sortir du nucléaire. Vous le voyez, ces sujets ne sont pas faciles.
Vous n’empêcherez pas non plus l’actualité de vous rattraper, madame la secrétaire d’État. Il faut expliquer aux Français que, dans la trajectoire financière prévue, sur les 37 milliards d’euros que rapportera la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, seulement 7 milliards d’euros seront affectés à la transition énergétique.
Je souhaite maintenant évoquer un volet important pour un pays comme le nôtre, le volet maritime. Il faut promouvoir à l’échelon diplomatique une politique en faveur des énergies marines renouvelables. Cela fait des années qu’en France nous avons brassé beaucoup d’idées, construit des prototypes, esquissé des rendements intéressants pour une énergie propre et inépuisable. Cependant, le constat est cruel aujourd’hui : nous dénombrons à ce jour des milliers d’éoliennes offshore en activité dans les mers européennes, notamment en Europe du Nord, mais zéro éolienne marine au large des côtes françaises, avec des changements de règles du jeu peu propices à rassurer les investisseurs.
Madame la secrétaire d’État, je vous rejoins sur les initiatives locales et régionales, comme l’a excellemment rappelé notre collègue Guillaume Chevrollier. Je pense aussi que c’est de la base que peuvent partir les solutions. La région Pays de la Loire a ainsi mis en place une stratégie Ambition maritime régionale.
Madame la secrétaire d’État, quelle sera la position de la France pour défendre les aspects maritimes utiles à la lutte contre le réchauffement climatique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous posez la question essentielle, même vitale, de la politique énergétique de la France. Vous savez que nous sommes actuellement en pleine négociation et finalisation de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui dessinera le plan énergétique de la France pour les dix années à venir. Les problématiques que vous soulevez sont au cœur des débats que nous avons en ce moment et que nous continuerons d’avoir, puisque le processus de cette programmation pluriannuelle de l’énergie s’élabore de façon transparente et en consultation avec les différentes parties prenantes.
La fermeture de la centrale thermique de Cordemais est la preuve de l’ambition française et de la résolution du Gouvernement de sortir des énergies fossiles et de réaliser cette transition, puisque ces énergies doivent rester dans le sol.
Le sujet est difficile, vous l’avez dit vous-même, monsieur le sénateur, car nous devons dans le même temps répondre à des questions essentielles de sécurité d’approvisionnement des Français, qui ne comprendraient pas de manquer d’électricité, et sortir des énergies fossiles. Il s’agit là d’un équilibre compliqué.
Nous avons un dialogue très fructueux avec l’Allemagne, en particulier avec M. Peter Altmaier – je sais que le ministre d’État s’entretient avec lui de façon régulière. Parallèlement, nous mettons en place des contrats de transition écologique, qui nous permettent de réaliser cette transition-là.
Il existe aussi toute une autre palette de politiques publiques – vous en saurez plus à l’occasion de la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie : travailler non seulement sur l’offre, mais aussi sur la demande avec l’accroissement de l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, tout un bouquet énergétique qui devrait nous permettre de garantir la sécurité d’approvisionnement tout en produisant l’énergie la moins carbonée possible.
J’en viens à l’éolien offshore. C’est une énergie à laquelle nous croyons beaucoup et que nous devons développer de façon bien plus massive et plus facilement. Nous avons mis en place des mesures de simplification pour développer l’éolien en mer. Nous y travaillons aussi avec d’autres partenaires européens, notamment ceux avec lesquels nous avons des frontières communes. Ce dossier sera donc aussi au cœur de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui sera présentée dans les jours à venir.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un consensus assez large se dégage au moins sur un point : la prochaine COP qui s’ouvrira dans quelques semaines sera sans doute la plus importante en termes d’enjeux depuis celle de 2015 qui s’est tenue à Paris. Il devient en effet urgent et primordial d’établir un plan d’action précis et opérationnel – ce sont aussi vos termes, madame la secrétaire d’État – pour atteindre des objectifs raisonnés face à l’urgence climatique.
Parmi les multiples sujets liés à ces objectifs, prenons celui de la mobilité décarbonée. L’OPECST, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, publiera au début de l’année prochaine un rapport sur la faisabilité de l’arrêt de la commercialisation des véhicules thermiques, émettant des gaz à effet de serre, d’ici à 2040. En tant que corapporteur, j’explore depuis un peu plus de deux mois les nombreux défis à relever pour passer de l’annonce, voire de l’injonction politique, à la mise en œuvre effective.
La multiplication des véhicules électriques suscite de réelles questions.
D’un point de vue technologique, l’Europe ne maîtrise pas la chaîne de production des batteries lithium et elle est fortement dépendante pour les matières premières, ce qui la rend vulnérable notamment vis-à-vis de la Chine. Par ailleurs, l’accélération de la mise en circulation de véhicules électriques pose la question de notre production d’électricité, qui devra, elle aussi, être décarbonée. Sur ce point, il me semble que nous devons être extrêmement prudents et vigilants sur les annonces de fermeture de centrales nucléaires ou autres, tant que l’EPR de Flamanville n’est pas en service.
Pour être à la hauteur du défi climatique et des transitions qu’il implique, les États européens doivent renforcer et coordonner leurs efforts, pour une action pertinente et efficace, sur les questions tant d’industrialisation que de recherche et développement, par exemple sur la filière hydrogène, qui n’a pas encore été évoquée.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quels moyens la France met en œuvre pour doter l’Union européenne d’un véritable plan cohérent en matière de transition énergétique, en particulier sur l’enjeu de la mobilité décarbonée ?