M. Gérard Longuet. Bonne question !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gontard, je ne crois pas que ce soit le lieu de refaire le débat sur la fiscalité carbone domestique, même s’il est fondamentalement important, et que je suis loin de le fuir. Vous avez néanmoins raison de pointer du doigt un certain nombre d’incohérences. Mais, même si nous sommes aux responsabilités, ces incohérences ne sont pas du fait du gouvernement auquel j’appartiens.
C’est vrai, le transport aérien est particulièrement émetteur de CO2, bien plus qu’une voiture. Cependant, globalement, quand vous regardez les chiffres français, les véhicules particuliers restent parmi les plus émetteurs, nos concitoyens utilisant beaucoup leur voiture individuelle. Soyons clairs, je ne suis pas en train de vous dire qu’il ne faut pas travailler sur le transport aérien, mais il faut aussi avancer sur la question de la voiture.
Nous travaillons sur le trafic aérien à l’échelon européen en mobilisant d’autres États membres pour mettre fin – j’ose utiliser le même mot que vous – à cette aberration. Effectivement, il faut que le transport aérien prenne aussi sa part de responsabilité. Dans cette optique, se déroule un débat entre l’Union européenne et l’Organisation de l’aviation civile internationale, dans lequel la France est particulièrement moteur.
Vous parlez du transport aérien, monsieur le sénateur ; moi, je pourrais également vous parler du transport maritime.
M. Fabien Gay. Nous aussi !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Vous le savez, toutes les décisions en l’espèce se prennent, par définition, dans le cadre d’instances internationales, puisqu’il s’agit de transports internationaux. Sachez en tout cas que la France joue aussi un rôle particulièrement moteur au sein de l’Organisation maritime internationale. J’ai eu l’occasion d’en parler avec les services du ministère de la transition écologique et solidaire, et je puis vous dire que c’est extrêmement difficile.
Mme la présidente. Madame la secrétaire d’État, il faut conclure.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je conclus, madame la présidente, et je vous remercie de votre patience.
Je ne vais pas vous dresser la liste des États qui bloquent, mais je peux vous dire qu’il y en a beaucoup. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, continuez à nous relancer pour nous demander d’être plus que jamais mobilisés. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Je sais que vous le faites, mais, croyez-moi, nous sommes mobilisés sur la problématique des transports aérien et maritime.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d’État, ce qu’attendent de nous les pays malmenés par le réchauffement climatique, comme les îles Maldives ou les îles Fidji, ce sont des actes, des engagements précis, concrets, dès maintenant. Depuis des années, discours enflammés et belles paroles s’accumulent. Ces pays, déjà lourdement et irrémédiablement affectés, sont impatients et las d’attendre, alors qu’ils perdent tout.
À quelques semaines du lancement de la COP24, des tensions se sont déjà fait ressentir en marge des négociations préparatoires, les pays en développement ayant manifesté des mécontentements à Bangkok.
La question du financement promis aux pays les plus exposés et les moins nantis pour faire face au réchauffement climatique ne fait pas consensus.
Face à ce constat, le Fonds vert, épicentre des objectifs fixés par l’accord de Paris, doté de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, peine à se mettre en place. Il est pourtant l’outil de la finance climat pour mettre en œuvre des projets ouvrant la voie aux nouvelles technologies et aux énergies propres. La gouvernance de ce mastodonte financier pose question. Les dérives possibles aussi. Les mésententes qui lui sont liées doivent sans attendre être aplanies pour éviter de bloquer des projets.
La Banque mondiale chiffre à 143 millions les réfugiés climatiques à l’horizon 2050. Face à cette crise humanitaire annoncée, nous devons assumer la part de responsabilité qui est la nôtre. À mon sens, il nous faudrait nouer des partenariats plus forts, encourager le bilatéralisme permettant des relations plus identifiées, personnifiées, pour ne pas dire plus fraternelles. Il est temps de remettre de l’humain, de la proximité et du concret dans ces politiques.
La France est engagée auprès de plusieurs de ces pays pour améliorer les conditions de vie des populations vulnérables et développer les énergies renouvelables : initiative WACA, le programme de gestion du littoral ouest-africain, qui lutte contre la dégradation du littoral par une approche régionale et intégrée, ou encore Initiative africaine pour les énergies renouvelables, IAER, lancée en marge de la COP21.
Madame la secrétaire d’État, face à l’immense défi et à l’urgence absolue, pouvez-vous m’apporter une réponse chiffrée sur l’état d’avancement de ces programmes en précisant quelle est la politique bilatérale de la France, ainsi que la ligne diplomatique qui sera tenue lors des négociations de la COP24 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je souhaite vous apporter plusieurs éléments de réponse.
D’abord, vous savez que le Fonds vert a connu des crises de gouvernance profondes. Selon moi, ces crises sont d’ordre culturel et soulignent toute la difficulté qu’il y a à plonger les mains dans le cambouis de la transition écologique très concrètement. Il faut donc s’interroger sur cette gouvernance. Toujours est-il que le fonds est plus ou moins reparti sur de bons rails. En tout cas, nous avons évité un nouveau blocage à la veille de la pré-COP.
Concrètement, le Fonds vert, c’est quoi ? Il y a eu 1 milliard de dollars de contributions approuvés au bénéfice de 19 projets, le lancement immédiat du processus de reconstitution du Fonds vert, dont la conclusion est espérée en octobre 2019, avec le démarrage en parallèle d’une revue indépendante de la performance du fonds, l’accréditation de 16 nouvelles entités, le lancement du processus de recrutement du futur directeur exécutif du fonds et la sélection de l’agent fiduciaire. En gros, c’est le prolongement des services de la Banque mondiale.
Plus globalement, vous soulevez la question de relations plus fraternelles. Avec ce mot, vous êtes au cœur de la transition écologique, car sans fraternité – j’ose même parler d’amour –, nous n’arriverons pas à enclencher un mouvement, aussi bien mondial que national, en faveur de la transition écologique.
La fraternité, c’est aussi tout l’objet du One Planet Summit, cela dit sans langue de bois. Il s’agit de réunir très concrètement des projets qui sont à la fois solidaires et écologiques, et de les développer de façon massive. Il s’agit de demander à des institutions financières internationales, qui financent encore à coups de centaines de milliards des entreprises ou des projets profondément nocifs tant pour les populations que pour l’environnement, de cesser – j’ose le mot – ce carnage et de rediriger cet argent vers des projets qui sont bons pour la planète. C’est sur cet objectif que la France concentrera toute son énergie et toute son attention à l’occasion de plusieurs échéances internationales, à commencer par le G7.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je remercie tout d’abord mes collègues du groupe Les Républicains d’avoir demandé l’organisation de ce passionnant débat.
Madame la secrétaire d’État, effectivement, nous sommes actuellement en situation d’échec. Les émissions de CO2 ont augmenté l’année dernière comme jamais depuis dix ans. L’association Climate Chance, que je préside, vient de produire un rapport de 600 pages d’analyse des tendances, que vous retrouvez sur son site.
On voit bien que la situation est tout à fait dramatique. En effet, nous n’avons pas réussi, ces dernières années, à lier développement – cela rejoint la question précédente – et lutte contre les émissions de CO2. Nous n’avons pas réussi à créer les flux financiers nécessaires entre les pays les plus riches et les autres pour financer cette transition bas carbone.
Quelle est la particularité de la COP qui doit se tenir en Pologne ? Elle ne sera en aucun cas la COP du début ou de la fin du monde. On nous fait le coup à chaque fois. Je le sais pour suivre ces conférences depuis une quinzaine d’années. Il s’agira d’une COP parmi d’autres, et il ne faut pas en attendre plus que nécessaire.
Néanmoins, le plan d’action de Katowice pour la transition juste, qui fait écho au débat que nous avons aujourd’hui aussi en France, prévoit, à ce stade, d’encourager les entités chargées de la finance climatique à participer à des projets porteurs d’emploi dans les pays en transition vers une économie bas carbone. En clair, cela signifie-t-il que l’Europe va financer la sortie du charbon en Pologne ?
Mes questions sont assez simples.
Tout d’abord, est-ce que la France va soutenir le plan d’action proposé aujourd’hui par les Polonais pour la COP ?
Ensuite, est-ce que vous allez soutenir à l’échelon européen des mécanismes financiers pour aider notamment les Polonais à sortir du charbon, madame la secrétaire d’État ? Il faut être clair, concrètement, cela veut dire que nous allons nous aussi payer un peu.
Enfin, plus largement, est-ce le mécanisme que vous allez défendre à l’échelon international ? Malgré les engagements pris lors du One Planet Summit, on voit bien que les 100 milliards de dollars, y compris les milliards français, ne sont pas encore sur la table. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Dantec, je vous remercie de votre question, qui est effectivement essentielle.
Premièrement, la France sera au rendez-vous de la finance climatique au sens de la COP21, tout simplement parce qu’elle est le pays hôte de l’accord de Paris. Et nous tenons à respecter l’esprit de ce dernier et à faire en sorte qu’il soit mis en œuvre. Il est donc de notre responsabilité de respecter les engagements pris à cette occasion, non seulement en mettant sur la table les milliards nécessaires, mais également en convainquant les autres pays de le faire. C’est fondamental.
Deuxièmement, comme je l’ai dit et répété, de nombreux milliards sont investis au mauvais endroit. Là encore, nous avons pris le leadership sur cette question à l’échelle mondiale.
J’ai déjeuné aujourd’hui avec la secrétaire générale adjointe de l’ONU, Mme Amina Mohammed, qui a confié au Président de la République une mission sur la finance climat alliant ces deux volets, lesquels doivent forcément aller de pair, car il y a urgence à agir de manière massive.
C’est une des réponses que nous devons apporter pour assurer une transition juste. Les inégalités sociales apparaissent aussi, quand, en toute impunité et de façon peu transparente, des organisations, des banques continuent à financer des projets ne bénéficiant qu’à quelques-uns et ayant des effets négatifs pour la planète.
Nous voulons changer cela en profondeur et saisissons chacune des occasions qui se présentent à nous pour le faire. À l’échelle internationale, la France n’est toutefois qu’un pays, parmi beaucoup d’autres. Je suis persuadée, je vous le dis en toute sincérité, que nous sommes au rendez-vous et que nous sommes vraiment leaders sur cette question à l’échelon mondial. J’en conviens, on ne va jamais assez vite, mais ce n’est pas du fait de la France !
Mme la présidente. La parole est à M. Roman Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Madame la secrétaire d’État, je veux le rappeler, il est un point sur lequel la France avait pris de l’avance, le transport aérien, avec ce qu’on a appelé la fameuse « taxe Chirac », qui est une taxe de solidarité internationale. Je ne vous pose pas de question sur ce point, vous laissant quelques jours pour y réfléchir au sein du Gouvernement. (Sourires.)
À l’occasion d’un prochain débat, nous allons déposer un amendement visant, ce qui fait écho aux propos tenus tout à l’heure par mon collègue Gontard, à indexer la taxe Chirac sur le prix de la contribution climat-énergie. L’objectif est de mettre un terme au traitement injuste subi par ceux qui empruntent leur voiture par rapport à ceux qui prennent l’avion. Et la mesure rapporterait entre 100 et 150 millions d’euros supplémentaires au profit de la solidarité internationale sur le climat ! On bouclerait ainsi la boucle ! J’espère donc que vous soutiendrez la proposition !
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Perrot.
Mme Évelyne Perrot. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme ce 11 novembre 2018, à l’occasion du Forum de Paris sur la paix, en juin dernier, lors du G7, Donald Trump décidait de boycotter la séance de travail consacrée au changement climatique.
Il est vrai qu’en août dernier, il avait notifié son désengagement du traité international de lutte contre le réchauffement, scellé à la COP21.
Comportement impensable pour les Européens que nous sommes, mais qui fait, malheureusement, des émules, puisque son homologue brésilien envisage de se retirer de l’accord de Paris, alors que son pays possède pourtant la plus vaste forêt tropicale de notre planète à protéger, grande consommatrice de CO2 !
Comment ne pas penser à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur et aux 70 000 tonnes de bœuf que l’Europe accepte de recevoir pour l’instant ?
L’or rouge du Brésil est une véritable industrie : élevage intensif, bétail cloné. Depuis 2012, le Brésil est devenu le plus grand exportateur de viande bovine au monde. Il prévoit de doubler le cheptel, aujourd’hui estimé à 210 millions de bêtes, d’ici à 2025.
Pour le moment, le Brésil n’exporte pas de viande porcine vers l’Europe. À quand l’arrivée du porc brésilien sur le marché européen ?
Madame la secrétaire d’État, la France et les Français demandent des aliments issus d’une agriculture raisonnée, respectueuse de l’environnement, comme nos producteurs savent en faire.
Il me semble impensable de recevoir des bêtes qui ne répondent en rien à l’attente des consommateurs français et dont les propriétaires, afin d’augmenter leur cheptel, n’hésitent pas à s’attaquer au poumon vert de notre planète. Il faut le savoir, l’élevage intensif est l’une des plus grandes sources de gaz à effet de serre, couplé au fait que cette viande sera issue d’un pays sorti de l’accord de Paris.
Madame la secrétaire d’État, quelle vigilance pourrons-nous avoir vis-à-vis de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur si le Brésil se retire de la COP21 ? Quelles seront les conséquences pour les consommateurs et, surtout, pour les éleveurs français qui sont, de toute façon, perdants dans cet accord ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, avant de vous répondre en vous donnant la position du gouvernement auquel j’appartiens, je vais vous apporter une précision : loin de moi l’envie de me dédouaner de quoi que ce soit, mais je tiens à le dire, la transition écologique – vous le savez, c’est devenu un poncif – met en cause la responsabilité de chacun.
Premier point et à titre d’exemple, peut-être serait-il bon que chacun d’entre nous envisage de réduire un peu sa consommation de viande. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. C’est la dictature écologique !
M. Stéphane Ravier. De toute façon, les Français n’ont pas les moyens d’acheter du bœuf !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Voilà une réaction typique !
On ne veut que les bons côtés et on n’accepte pas de faire des efforts, mais les efforts font partie de la transition écologique !
Deuxième point, vous avez raison, l’une des réponses est de consommer des produits issus d’une agriculture bien plus respectueuse de l’environnement. C’est, en tout cas, l’engagement pris par le gouvernement auquel j’appartiens. Il était inscrit dans le projet du candidat Macron et était l’un des piliers clés de sa campagne pour l’élection présidentielle. Vous avez entendu le Président de la République dire lui-même que pour le moment, le compte n’y est pas dans l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Nous voulons, par exemple, des quotas sur le bœuf. Pour l’instant, les négociations sont donc interrompues.
Nous avons un plan d’action dans le cadre du CETA et d’autres accords commerciaux.
Messieurs les sénateurs, mesdames les sénatrices, puisque vous vous intéressez à la question, vous avez, j’en suis sûre, entendu le Président de la République dire à la tribune de l’ONU que l’accord de Paris devrait faire partie intégrante des accords commerciaux. Il a précisé que nous ne ferions pas de commerce avec des pays qui ne respecteraient l’accord de Paris ni dans son esprit ni dans ses modalités d’application.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Madame la secrétaire d’État, trois ans après l’adoption de l’accord de Paris, la mise en œuvre des engagements pris en 2015 a-t-elle été à la hauteur du défi climatique ? Comment les États peuvent-ils renforcer leurs ambitions et coordonner leurs efforts pour une action efficace et juste ? Voilà deux points essentiels pour les futurs débats à Katowice.
Dans la mise en œuvre de l’accord climatique de 2015, la France porte une responsabilité particulière, parce que c’est à Paris que cet accord a été signé et que la diplomatie française a joué un rôle moteur, capital pour obtenir une issue positive. Pourtant, l’accord de Paris, s’il est essentiel, n’est qu’un point de départ, il faut s’en convaincre.
Tout le monde l’a souligné, cet accord prévoit de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète à 2 degrés. Pourtant, à la demande des pays les plus vulnérables, les États ont commandé au GIEC un rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement global de 1,5 degré, rendu public le 8 octobre dernier. Aux termes de ce document, chaque demi-degré compte, le changement climatique affecte déjà les populations, les écosystèmes et les moyens de subsistance. Il n’est pas impossible que le réchauffement ne dépasse pas 1,5 degré, mais cela demande, dans tous les aspects de la société, des transitions sans précédent.
Comment procéder pour monter cette marche ? Certes, la France n’est pas seule puisque, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, c’est l’Union européenne qui mène les négociations pour ses membres. Mais chacun sait aussi que les points de vue ne sont pas unanimes au sein de l’Union européenne.
Première question, comment se passe la négociation entre les pays de l’Union ?
La France est en train de réviser sa stratégie nationale bas carbone. La Commission européenne va proposer pour discussion une feuille de route à l’horizon 2050, alors qu’une révision à la hausse des contributions climat est attendue d’ici à 2020, dans le cadre de l’accord de Paris.
Seconde question, comment faire en sorte que fonctionne la promesse de Paris, celle d’un accord dynamique, fondée sur l’émulation et la solidarité ?
Pour être acceptée par la population, la transition doit être juste. Les événements actuels le montrent, il faut remplir cette condition essentielle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, à vos questions, qui abordent de nombreux aspects, je commencerai par répondre sur le sujet de l’Union européenne. Vous avez raison, c’est elle qui représente la France dans les négociations internationales, une tâche très difficile !
Je ne vous cache pas qu’il y a des moments de doute au cours desquels on se demande si on va y arriver. Entre les ministres des pays de l’Union européenne assis autour de la table, il y a clairement des divisions fondamentales, des différences de perception et de vues. Nous nous efforçons de les dissiper peu à peu au fil du temps et du dialogue.
La France joue un rôle tout à fait moteur à cet égard. Nous échangeons beaucoup et de façon continue avec nos homologues. La transition juste constitue en effet l’un des points sur lesquels la négociation est parfois difficile. Certains États se cachent derrière cette question pour éviter de revoir leurs ambitions à la hausse.
Toujours est-il que nous sommes parvenus à obtenir que l’Union européenne négocie en qualité d’entité unique. Nous avons ainsi déjà franchi une étape importante, même si nous avions des ambitions plus vastes. La Commission européenne va en outre s’engager à présenter une stratégie à la hausse.
Pour mobiliser les partenaires européens, nous avons plusieurs modes d’approche. Ainsi, nous nous réunissons dans le cadre du Green Growth Group entre pays ambitieux, environ une dizaine, pour déterminer les positions communes les plus porteuses d’ambition possible avant les réunions des conseils des ministres de l’environnement.
Vous le voyez, le dialogue est permanent, mais il est aussi très difficile et a parfois bien du mal à se concrétiser en déclinaisons d’objectifs et d’actions ambitieuses.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories.
Mme Pascale Bories. Madame la secrétaire d’État, le Global Carbon Project, qui fait état des rejets de CO2 par pays, démontre que la France n’a pas à rougir de ses résultats en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de protection de l’environnement. L’indice de performance environnementale de l’université de Yale, de janvier dernier, hisse la France au second rang des pays les plus performants en la matière.
L’organisation de la COP21 à Paris en décembre 2015, succès incontestable pour la diplomatique française, a eu le mérite de mobiliser les sociétés civiles en faveur du climat.
La France, qui peut être fière de son bilan carbone et du travail accompli par sa diplomatie, renouvelle son adhésion à la lutte contre le changement climatique.
En ce lendemain de week-end des « gilets jaunes », force est de constater que vous accentuez l’écologie punitive, rendant ainsi contre-productive toute communication en faveur de l’écologie auprès de la population, et ce sans cohérence ni affectation transparente, à l’inverse de ce que vous disiez tout à l’heure. (M. Laurent Duplomb applaudit.)
Contrairement aux caricatures, les Français veulent travailler et ne peuvent pas tous se rendre sur leur lieu de travail en patinette électrique ! Les Français veulent s’engager dans la transition énergétique si on leur en donne la possibilité au regard de leurs moyens financiers et si l’alternative proposée les assure de faire un vrai choix écologique et durable.
La conquête des opinions publiques, si difficile à obtenir, est en train de vous échapper, madame la secrétaire d’État !
La France ne saurait être crédible vis-à-vis de ses partenaires internationaux que si nous parvenons à restaurer le calme dans le pays.
Alors que la COP24 est essentielle pour l’application de l’accord de Paris, nous montrons au monde le visage d’un pays rebelle à une politique que nous préconisons à nos partenaires. Et la programmation pluriannuelle de l’énergie se fait attendre.
Je vais vous poser deux questions, madame la secrétaire d’État : d’abord, le Gouvernement peut-il s’engager à remettre les citoyens au centre de la transition écologique pour associer celle-ci aux grands choix structurants, nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie, PPE, et taxe carbone en tête ?
Ensuite, pensez-vous que la crise de la fiscalité écologique, qui est en réalité une crise budgétaire, permette à la France de conserver son leadership en matière de diplomatie climatique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, dans le cadre d’un débat sur la diplomatie climatique, je vois que ce sont surtout les sujets domestiques qui vous importent – et à raison, je ne le nie pas !
Je suis, je vous l’avoue, assez choquée de vous entendre dire que la France peut être fière de son bilan carbone.
M. Laurent Duplomb. Qu’est-ce qu’on entend !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. J’ose ces mots-là ! Si je m’exprime ainsi, c’est parce que les émissions carbone de la France sont reparties à la hausse. La faute n’en revient pas à notre gouvernement, puisque le bilan que je mentionne est établi sur la base des années précédentes. Or voilà dix-huit mois à peine que nous sommes au Gouvernement.
Pour sortir des hydrocarbures, nous avons pris des mesures résolument ambitieuses et très concrètes, dont nous sommes fiers sur la scène internationale : fin de l’exploitation des hydrocarbures, décision que nous sommes le premier État dans le monde à avoir prise, fermeture de toutes les centrales à charbon, fiscalité carbone.
Et puisque vous touchez du doigt la question absolument essentielle de la transition juste, je vous dirai aussi, madame la sénatrice, que nous avons mis en place une palette d’outils et de solutions pour soutenir et aider les plus modestes d’entre nous, ceux qui n’ont malheureusement pas le choix et n’ont d’autre solution que de prendre, par exemple, leur voiture. Nous avons annoncé que nous allions mettre en œuvre la taxe carbone, votée, je vous le rappelle, par un gouvernement auquel appartenait Laurent Wauquiez, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et qui a ensuite été confirmée, main sur le cœur, par des membres d’un gouvernement suivant, sous la présidence de François Hollande, socialiste.
Vous le constatez, cette politique est dans l’air du temps, elle a même été adoptée depuis une dizaine d’années. Et nous payons aujourd’hui les conséquences d’années d’impréparation et d’hypocrisie, madame la sénatrice ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Encore la leçon !
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Dans un débat où l’on a fait référence à l’estime et à l’amour, les échanges qui viennent d’avoir lieu ne sont pas tellement respectueux ! Les uns et les autres se coupent la parole, crient. Écoutons-nous si nous voulons avancer, même si nous ne sommes pas d’accord ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Yves Détraigne. Notre collègue a raison !
M. Richard Yung. J’apprécie de manger une côtelette de veau de temps en temps, mais j’accepte d’entendre qu’il faut mesurer ma consommation.
J’avais décidé d’intervenir dans ce débat sur la diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24, dont l’enjeu était, en quelque sorte, de mesurer si la France a progressé depuis l’accord de Paris, d’apprécier ce qui a bien marché et ce qui a moins bien fonctionné.
Les questions que je vais poser sont plutôt d’ordre financier, d’autres que moi les ont évoquées dans le passé.
L’accord de Paris réaffirme l’engagement par tous les pays développés de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, d’ici à deux ans, donc. L’objectif est de permettre aux pays en voie de développement de prendre les mesures pour un développement durable et juste. Il faut comprendre ces pays : ils nous font remarquer que nous leur donnons des leçons et leur enjoignons de se restreindre alors que nous polluons la planète depuis 150 ans, pillant partout les ressources naturelles. Le même débat oppose d’ailleurs les mêmes protagonistes en matière de propriété industrielle. C’est à nous d’aider les pays en voie de développement à faire ce que nous leur demandons. C’est le fameux Fonds vert, dont vous avez parlé, madame la secrétaire d’État.
Mes questions sont les suivantes : comment allez-vous faire pour réorienter, comme l’a dit le Président de la République, la finance mondiale vers de nouvelles actions climatiques ? Comment allez-vous articuler la contribution française avec la contribution européenne dans le cadre du nouveau budget européen ?