Sommaire
Présidence de Mme Catherine Troendlé
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi, Mme Françoise Gatel.
Question n° 479 de Mme Sylvie Robert. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; Mme Sylvie Robert.
recyclage des déchets plastiques lourds en dordogne
Question n° 516 de M. Claude Bérit-Débat. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
aménagement de la liaison routière entre saint-nazaire et laval
Question n° 389 de M. Christophe Priou. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; M. Christophe Priou.
axe rhône-saône-moselle et place des transports en lorraine
Question n° 471 de M. François Grosdidier. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
développement des trains intercités de nuit
Question n° 488 de Mme Viviane Artigalas. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; Mme Viviane Artigalas.
aménagement de la nationale 19
Question n° 495 de M. Laurent Lafon. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
circulation sur l’autoroute A10
Question n° 502 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; M. Jean-Raymond Hugonet.
Question n° 489 de Mme Nelly Tocqueville. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Question n° 452 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; Mme Catherine Procaccia.
personnes en situation de handicap en seine-saint-denis
Question n° 461 de Mme Éliane Assassi. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Éliane Assassi.
financement du plan pauvreté par les départements
Question n° 487 de Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Édouard Courtial. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Catherine Procaccia.
fin du numerus clausus et années intermédiaires
Question n° 459 de Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Bernard Bonne. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Catherine Procaccia.
avenir de la profession infirmière et santé des français
Question n° 493 de M. Philippe Madrelle. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
situation des kinésithérapeutes
Question n° 494 de Mme Annie Guillemot. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Annie Guillemot.
revalorisation du métier d’infirmier et plan « santé 2022 »
Question n° 521 de Mme Nathalie Delattre. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Nathalie Delattre.
Suspension et reprise de la séance
appellation camembert de normandie
Question n° 504 de Mme Catherine Morin-Desailly. – Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
mise en place du service national universel pour les jeunes français établis hors de france
Question n° 505 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
fusion des rectorats de nice et d’aix-marseille
Question n° 509 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
financement des accompagnants d’enfants handicapés sur les temps périscolaires
Question n° 514 de Mme Françoise Gatel. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Françoise Gatel.
Question n° 476 de M. Michel Savin. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Michel Savin.
avenir de la diffusion des compétitions sportives féminines
Question n° 512 de Mme Dominique Vérien. – M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
3. Candidature à une commission
assujettissement des hippodromes à la taxe foncière sur les propriétés non bâties
Question n° 296 de Mme Anne-Catherine Loisier. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Anne-Catherine Loisier.
projet d’intérêt général metaleurop nord et taxe foncière
Question n° 456 de Mme Sabine Van Heghe. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Sabine Van Heghe.
Question n° 454 de M. Daniel Gremillet. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Daniel Gremillet.
suppressions d’emplois dans le groupe carrefour
Question n° 467 de Mme Michelle Gréaume. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Michelle Gréaume.
sécurisation des bouteilles de gaz
Question n° 501 de M. Yves Bouloux. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; M. Yves Bouloux.
fermeture de la base aérienne de châteaudun
Question n° 439 de Mme Chantal Deseyne. – M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Chantal Deseyne.
prises de vues aériennes des prisons françaises accessibles sur internet
Question n° 481 de M. François Bonhomme. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. François Bonhomme.
Question n° 497 de Mme Brigitte Lherbier. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.
Question n° 445 de M. Alain Fouché. – Mme Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Alain Fouché.
lutte contre les squats en guyane
Question n° 453 de M. Antoine Karam. – Mme Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
processus de construction de nouvelles casernes de gendarmerie
Question n° 390 de M. Patrick Chaize. – Mme Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Patrick Chaize.
dépollution des ballastières de braqueville à toulouse
Question n° 423 de Mme Chantal Deseyne, en remplacement de Mme Brigitte Micouleau. – Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; Mme Chantal Deseyne.
démission légitime des assistants maternels
Question n° 460 de Mme Laurence Rossignol. – Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; Mme Laurence Rossignol.
centre de nevers de l’agence nationale pour la formation professionnelle des adultes
Question n° 513 de M. Patrice Joly. – Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Yves Daudigny, Mme Jacky Deromedi, Mme Françoise Gatel.
5. Financement de la sécurité sociale pour 2019. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Explications de vote sur l’ensemble
6. Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur
7. Financement de la sécurité sociale pour 2019. – Adoption d’un projet de loi modifié
Ouverture du scrutin public solennel
Suspension et reprise de la séance
Proclamation du résultat du scrutin public solennel
Adoption, par scrutin public n° 20, du projet de loi modifié.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi, Mme Françoise Gatel.
8. Diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24. – organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains
M. Guillaume Gontard ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Angèle Préville ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Ronan Dantec ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Ronan Dantec.
Mme Évelyne Perrot ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jérôme Bignon ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Pascale Bories ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Richard Yung ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Joël Bigot ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jacques Le Nay ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Cédric Perrin ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Nelly Tocqueville ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Christophe Priou ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Stéphane Piednoir ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Cyril Pellevat ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Gérard Longuet ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Conclusion du débat
M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains
Suspension et reprise de la séance
9. Lutte contre l’exposition précoce des enfants aux écrans. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Texte élaboré par la commission
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Adoption, par scrutin public n° 21, de la proposition de loi dans le texte de la commission.
10. Mise au point au sujet d’un vote
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
conclusions de la conférence des présidents
12. Communication relative à deux commissions mixtes paritaires
13. Candidatures à des commissions
14. Conditions de mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global (CETA). – Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste
M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste
M. Stéphane Artano ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Anne-Catherine Loisier ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Joël Guerriau ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Sophie Primas ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. André Gattolin ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Guillaume Gontard ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Guillaume Gontard.
M. Didier Marie ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Didier Marie.
M. Olivier Henno ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Laurent Duplomb ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Leconte ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. François Bonhomme ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Christophe Priou ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Christophe Priou.
M. Damien Regnard ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Cyril Pellevat ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste
15. Adoption des conclusions de la Conférence des présidents
16. Ordre du jour
Nomination d’un membre d’une commission
Nomination de membres de commissions
compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
Mme Françoise Gatel.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
envasement de la rance
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteur de la question n° 479, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voici un dossier qui s’enlise depuis plusieurs décennies.
La Rance, qui serpente dans les Côtes-d’Armor et en Ille-et-Vilaine, doit faire face à une situation écologique de plus en plus critique. En quatre ans, pas moins de deux cent mille mètres cubes de sédiments ont été charriés, et ce malgré plusieurs opérations visant à désenvaser l’estuaire. En certains endroits, les masses de boues grises ont rendu la navigation impossible, portant ainsi préjudice aux riverains et aux communes situées le long du cours d’eau.
Quant à l’impact sur la biodiversité, il est terrible : plusieurs espèces de poissons, à l’instar des poissons plats, ont disparu, tandis que les oiseaux nicheurs se font de plus en plus rares. En d’autres termes, les milieux naturels se trouvent extrêmement fragilisés.
Pourtant, un rapport issu d’une mission interministérielle et publié en 2016 concluait que « l’extension du phénomène d’envasement de l’estuaire de la Rance a atteint aujourd’hui un niveau tel qu’il convient de réduire au maximum les dépôts, voire de mettre un terme à la progression des volumes de sédiments qui continuent à se déposer ». Il était ainsi proposé d’adopter un programme expérimental sur cinq ans en vue d’extraire deux cent cinquante mille mètres cubes de sédiments, tout en recherchant une solution pérenne, à plus long terme.
Néanmoins, ce plan quinquennal achoppe toujours sur la question budgétaire. Jusqu’à présent, Électricité de France, EDF, en tant que concessionnaire de l’usine marémotrice, avait payé la quasi-intégralité des opérations de désenvasement. Toutefois, aujourd’hui, plus d’un tiers du plan d’un montant initial de 9,5 millions d’euros reste non financé, EDF refusant d’augmenter sa participation, et certains acteurs ne souhaitant pas compenser ce qui leur semble relever de la responsabilité de l’opérateur.
Par conséquent, la situation est dans une impasse, alors que la solution a été trouvée et qu’il n’y a qu’à mettre le plan quinquennal en œuvre.
Ainsi, madame la ministre, je souhaite connaître l’état du dialogue du Gouvernement avec les collectivités territoriales concernées, qui veulent avancer au plus vite afin que le fleuve redevienne entièrement praticable. En outre, comment entendez-vous finaliser le budget du programme quinquennal, tout en faisant respecter par EDF l’obligation qui lui est faite de garantir le maintien de la navigation sur la Rance ?
Les associations, les riverains, les plaisanciers, les élus locaux, qui se battent pour enrayer cette dérive écologique, attendent un soutien affirmé de l’État, comme ils attendent que le Gouvernement agisse en responsabilité, afin de débloquer la situation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Sylvie Robert, vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m’a chargé de vous répondre.
Vous faites part de votre inquiétude quant au financement de l’opération et quant aux délais pour désenvaser la Rance. Un point d’étape sur le plan de gestion des sédiments de la Rance, réalisé par le préfet de la région Bretagne en juillet dernier, a permis de confirmer les avancées de la mise en œuvre des recommandations de la mission sur le sujet.
Tout d’abord, l’opération de désenvasement du chenal a été réalisée par EDF, au début de l’année 2018.
Pour ce qui concerne la mise en œuvre des actions du plan Lyvet 3, confiée à l’association Cœur Émeraude, les travaux d’aménagement du centre de transit ont débuté à la fin du mois d’août et le curage du piège à sédiments, à la mi-septembre. La maîtrise d’ouvrage du programme sera assurée par l’établissement public territorial de bassin Rance-Frémur, qui reprend à sa charge la gestion sédimentaire de la Rance, à l’exception des actions de curage du Lyvet 3. Cet établissement est également chargé de la suite des opérations d’expérimentation à cinq ans.
Par ailleurs, l’organisation de la gouvernance a été validée par l’ensemble des acteurs et comprend quatre instances : le comité de pilotage, le comité des financeurs, le conseil scientifique et la commission locale de l’eau Rance-Frémur-Baie de Beaussais.
Le comité de pilotage a été mis en place. Il est coprésidé par le président du conseil régional et le préfet de région, et il intègre les acteurs locaux, notamment les élus de l’association Cœur Émeraude, qui pourront avoir un rôle d’impulsion compte tenu de leur implication historique sur le dossier.
La composition du conseil scientifique vient d’être validée. Ce conseil, installé en septembre, devra notamment traiter la question de l’utilisation des bassins de stockage après l’opération Lyvet 3, afin de déterminer les différents types de mesures de gestion sédimentaire qui peuvent être conjugués et la durée de dépôt sur le site de stockage.
Sur le plan financier, EDF a confirmé son accord pour un financement à 50 % du montant global de l’opération Lyvet 3, soit 550 000 euros. Il a augmenté sa participation, la faisant passer de 40 % à 50 % pour la gestion sédimentaire de 2017-2023. L’objectif est d’atteindre la parité entre EDF et les autres acteurs publics.
La mise en œuvre du plan de gestion des sédiments de la Rance est donc en bonne voie. Une réunion du comité de pilotage et du comité des financeurs a eu lieu en septembre 2018.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. François de Rugy accorde toute sa confiance au préfet de région pour la poursuite des actions définies dans le plan de gestion du Conseil général de l’environnement et du développement durable et du Conseil général de l’économie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour une très courte réplique.
Mme Sylvie Robert. Je remercie Mme la ministre de ses réponses. Avec les acteurs publics - vous les avez cités -, j’espère qu’il y aura une décision sur le financement de ce qui reste à charge s’agissant d’un projet extrêmement important pour ce territoire.
recyclage des déchets plastiques lourds en dordogne
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 516, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, en Dordogne comme dans beaucoup de départements, le traitement des déchets est assuré par un syndicat départemental, le syndicat mixte départemental des déchets de Dordogne, le SMD3.
Jusqu’à présent, les déchets plastiques lourds étaient confiés à une usine qui en faisait des paillettes. Le cours du pétrole, qui favorise l’achat par les plasturgistes de plastique vierge plutôt que le plastique recyclé, a conduit cette entreprise, Recymap, à fermer.
Les centres potentiels de recyclage étant situés trop loin pour poursuivre dans cette filière, le SMD3 est aujourd’hui obligé d’enfouir ses déchets comme du plastique non recyclable ordinaire, en parfaite contradiction avec les objectifs de la feuille de route pour l’économie circulaire.
Je rappelle que l’économie circulaire vise à recycler 100 % du plastique d’ici à 2025, au moyen d’une augmentation de la fiscalité pour rendre la valorisation moins chère que l’élimination. Cela passera par la hausse de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, qui passerait de 48 à 165 euros par tonne pour le stockage et de 15 à 25 euros par tonne pour le traitement thermique, et aussi, bien entendu, par des mesures compensatoires – baisse du taux de TVA sur le tri et sur le compostage, de 10 % à 5,5 % ; réduction des frais de gestion de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, de 8 % à 3 % ; allongement de la durée du taux réduit des frais de dégrèvement, de trois à cinq ans.
Ces mesures de compensation sont toutefois insuffisantes, car les collectivités n’ont pas de marge de manœuvre pour réduire les volumes. Toutes les simulations montrent que, si les collectivités arrivent à respecter les objectifs de la loi sur la transition énergétique, cela se traduira par un coût supplémentaire d’au moins un euro par habitant.
Aussi, plutôt que d’instaurer la double peine pour les collectivités et pour les contribuables, ne pourrait-on pas mettre en place, pour les déchets plastiques lourds, une taxe sur les produits non recyclables, sorte de TGAP en amont, pour taxer les émetteurs, et non les collectivités, ou même une REP balai – responsabilité élargie du producteur –, qui prendrait en charge tous les projets recyclables ?
Que pensez-vous de ces propositions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Claude Bérit-Débat, vous soulevez la question du recyclage du plastique lourd en citant la fermeture de l’usine Recymap de Saint-Pierre-de-Côle, qui recyclait certains plastiques, et l’impact pour les collectivités de la future hausse de la TGAP.
Votre question met en lumière les coûts de gestion de nos déchets - les signaux économiques ne sont pas au bon niveau. Aujourd’hui, si le recyclage peine à se développer, c’est en partie dû au fait que la mise en décharge ou l’incinération de ces déchets reviennent beaucoup moins cher. Il faut donc renchérir le coût de l’élimination des déchets tout en diminuant celui de leur recyclage, afin qu’une véritable industrie française du recyclage puisse se développer, une industrie génératrice d’emplois et de valeur ajoutée.
Le Gouvernement, au travers de la feuille de route pour l’économie circulaire, fruit de plus de six mois de concertation, a décidé d’utiliser plusieurs leviers pour y parvenir.
Cela passe tout d’abord par une réforme globale de la fiscalité, afin de rendre le recyclage des déchets économiquement plus attractif que leur mise en décharge ou leur incinération. Cela repose sur une trajectoire de TGAP revue à partir de 2021, de telle sorte que le coût moyen de l’élimination des déchets devienne supérieur au coût moyen de leur recyclage.
En parallèle, il s’agit de donner de nouvelles capacités financières aux collectivités pour investir et pour s’adapter, en allégeant la pression fiscale sur les activités de tri et de recyclage. Cela se traduira notamment par une baisse du taux de la TVA pour les opérations de prévention, de collecte, de tri et de recyclage des déchets, mais également par une baisse des frais de gestion de la TEOM pour les collectivités qui font le choix d’opter pour une tarification incitative.
Les mesures de la feuille de route pour l’économie circulaire ne se limitent toutefois pas aux aspects fiscaux, puisque la réforme des filières REP sera également menée l’année prochaine. Elle permettra de développer le recyclage, en fixant de nouveaux objectifs aux éco-organismes, de développer les bonus-malus, pour favoriser l’incorporation de matière plastique recyclée, et de créer de nouvelles filières REP.
L’objectif est donc de s’appuyer sur l’écoconception des produits, pour stimuler tant l’offre que la demande en matières recyclées, afin qu’une véritable économie du recyclage se développe sur notre territoire.
La feuille de route pour l’économie circulaire a d’ores et déjà permis de réunir les industriels pour qu’ils s’engagent dans le recyclage. Soixante entreprises et fédérations professionnelles se sont déjà engagées à incorporer dans leurs produits près de trois cent mille tonnes de matières plastiques recyclées en plus.
C’est un premier pas, il faudra encore aller au-delà. D’autres idées pour développer le recyclage des plastiques pourront également être débattues dans le cadre du futur projet de loi sur l’économie circulaire.
Mme la présidente. Mes chers collègues, à moins de sept secondes de temps de parole restant, je ne peux pas vous laisser répondre au Gouvernement.
Monsieur Bérit-Débat, il ne vous restait que six secondes…
aménagement de la liaison routière entre saint-nazaire et laval
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, auteur de la question n° 389, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Christophe Priou. Madame la ministre, en avril dernier, ma collègue Élisabeth Doineau, sénatrice de la Mayenne, et le maire de Blain, Jean-Michel Buf, ont saisi le Premier ministre du dossier de la liaison routière entre Saint-Nazaire et Laval. Il a même été créé, voilà plusieurs années, une association regroupant les élus et les acteurs de la vie économique des départements de Loire-Atlantique, de Mayenne et de Maine-et-Loire pour faire aboutir ce dossier.
Certaines études ont été menées pour le contournement de Cossé-le Vivien, dans la Mayenne, de Pouancé, en Maine-et-Loire, et de Châteaubriant et Treffieux, dans la Loire-Atlantique.
Sur la partie de la RN 171 reliant Nozay à Saint-Nazaire, l’État a concentré ses investissements sur la section entre Savenay et le futur contournement de Bouvron, laissant le tronçon de Nozay à Blain sans nouvelles perspectives. Pourtant, la sortie, vers La Grigonnais, de la route à deux fois deux voies reliant Rennes à Nantes est particulièrement dangereuse.
La traversée de Blain n’est plus supportable pour les habitants, et un contournement est devenu absolument nécessaire. Cette commune est aujourd’hui traversée par treize mille véhicules par jour. Avec l’axe Redon-Nort-sur-Erdre, le nombre s’élève à vingt-trois mille véhicules par jour, et les projections font état de trente et un mille véhicules quotidiens dans les dix ans.
Plusieurs hypothèses de travaux entre la RN 137 et la RN 171 vers Bouvron ont été étudiées, ainsi qu’entre la RN 173 à la RN 171, au sud de Blain. Pour autant, l’option envisagée ne permettra pas un aménagement complet du contournement de Blain. Il faut donc impérativement un aménagement de la RN 171 intégrant pleinement le contournement de la ville.
Cinq possibilités d’aménagement et de contournement ont été récemment dévoilées concernant cette route nationale.
Madame la ministre, pouvez-vous nous informer des dernières positions du comité consultatif piloté par la préfecture de Loire-Atlantique, à la lumière de l’abandon, notamment, du projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes et donc de la desserte routière dédiée qui était prévue ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Christophe Priou, vous souhaitez connaître ma position sur l’aménagement de la RN 171, en particulier au niveau de la commune de Blain.
L’État a engagé une étude de faisabilité sur la liaison entre la RN 171, à Bouvron, et la RN 137 en comaîtrise d’ouvrage avec le conseil départemental de Loire-Atlantique, afin notamment d’assurer une bonne coordination entre les travaux en cours sur le réseau routier national et les aménagements étudiés par le conseil départemental sur le secteur.
Cette démarche a permis d’établir un état des lieux de la RN 171 et des axes assurant la liaison entre Nort-sur-Erdre et Bouvron. Toutefois, vous le savez, la décision d’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes a modifié le cadre général de cette réflexion et a nécessité de réinterroger l’ensemble des hypothèses et des résultats d’études de circulation menées jusqu’alors. Un temps d’étude supplémentaire a donc été nécessaire pour prendre en compte ces nouvelles hypothèses.
Les études complémentaires ont fait l’objet d’une restitution au cours du comité de suivi du 5 juillet dernier, auquel vous étiez convié. Ce comité a permis de présenter le résultat des diagnostics réalisés ainsi que les cinq scénarios d’aménagement étudiés.
Deux de ces scénarios consistent à aménager la RN 171, en prévoyant notamment un contournement complet de Blain, tandis que les autres prévoient d’aménager une liaison est-ouest en parallèle des RD 16 et RD 164 existantes. Une phase de concertation avec le public est prévue au cours de l’année 2019 pour déterminer le parti d’aménagement préférentiel en s’appuyant sur les études menées. Votre point de vue sera donc examiné et pris en compte à cette occasion.
Je ne manquerai pas de revenir vers vous à l’issue de cette concertation pour vous informer des suites que nous donnerons s’agissant de l’aménagement de cet axe essentiel au bon développement de la Loire-Atlantique.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, pour la réplique.
M. Christophe Priou. Je vous remercie, madame la ministre.
Il est évident que ce contournement est attendu et doit s’inscrire dans le projet stratégique pour les mobilités du Grand Ouest. En commission, nous avons souvent l’occasion de rappeler les conséquences de l’abandon par le Gouvernement du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes : il nous faudra, sur ce dossier comme sur d’autres, des mesures compensatoires extrêmement fortes et qui s’inscrivent dans le contrat d’avenir promis par l’État, à l’occasion de cet abandon.
axe rhône-saône-moselle et place des transports en lorraine
Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, auteur de la question n° 471, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. François Grosdidier. Madame la ministre, l’axe Rhône-Saône-Moselle était déjà le premier axe nord-sud de l’Europe à l’époque romaine. Aujourd’hui, tout y dysfonctionne, en raison d’une série de non-décisions ou de mauvaises décisions ; et le pire est pour demain.
La route de la soie arrive au port de Rotterdam, se prolonge par le chemin de fer jusqu’à Bettembourg, puis se diffuse vers le sud par notre réseau routier et autoroutier, nous engorgeant, nous polluant. Le gouvernement français en répercute le coût sur les usagers français, après avoir renoncé à faire payer le transit international au travers de l’écotaxe poids lourds, alors que celle-ci existe chez nos voisins européens.
La première mauvaise décision a donc été l’abandon de cette taxe, qui aurait pourtant permis de faire payer au transit international ces infrastructures qu’il use, mettant ainsi en pratique le principe du pollueur-payeur.
Ce fiasco s’est soldé par le versement d’un milliard d’euros d’indemnité à Ecomouv’, par un manque à gagner, chaque année, d’un milliard d’euros pour financer nos infrastructures de transport et par la perte de centaines d’emplois promis à Metz en compensation des restructurations militaires.
Faute d’écotaxe, ce sont les Lorrains, dont les cent mille travailleurs frontaliers, qui devraient payer un péage sur l’autoroute A31 bis, pour rejoindre le Luxembourg, comme vous l’avez décidé le 24 septembre dernier. Cela représenterait jusqu’à 6,36 euros par automobiliste. Faute d’écotaxe, ce sont tous les automobilistes français qui sont taxés et, acculés, sans autre solution, ils se révoltent en mettant leur gilet jaune.
Première question : pourquoi ne mettez-vous pas en place cette écotaxe ?
Vous avez annoncé ici même, le 5 juin dernier, l’abandon par le Gouvernement du projet de liaison fluviale Saône-Moselle, en m’expliquant que son coût était insoutenable pour la France. Mais il s’agit d’un projet européen. D’où ma deuxième question : allez-vous porter et défendre ce projet au niveau pertinent, l’Europe ?
Cerise sur le gâteau, nous avons appris le 26 septembre dernier la suppression de la liaison ferroviaire Metz-Nice. Pour rallier le sud de la France, les Lorrains doivent passer par Strasbourg ou par Paris…
Cette décision, qui pénalisera les nombreux voyageurs - hausse du prix des billets, multiplication des contraintes pratiques – est en outre une absurdité sur plan écologique. D’où ma troisième question : allez-vous rétablir la liaison ferroviaire directe entre Metz et Nice, et, troisième question bis, allez-vous enfin réduire l’embouteillage ferroviaire à Lyon, qui empêche le développement de l’autoroute ferroviaire Bettembourg-Perpignan ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Grosdidier, avant toute chose, je souhaite réaffirmer ici que le Gouvernement n’a pas l’intention de restaurer le système de l’écotaxe.
Toutefois, vous le savez, nous sommes confrontés à plusieurs défis ; l’état de nos réseaux de transport s’est fortement dégradé depuis de trop nombreuses années. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’inscrire dans le projet de loi sur les mobilités une programmation sincère des infrastructures, qui prévoie une augmentation de 40 % de l’investissement dans les systèmes de transport au cours des cinq prochaines années. En 2019, cette augmentation des investissements est assurée par redéploiement au sein du budget de l’État, mais il faudra, à partir de 2020, une ressource nouvelle et durable à hauteur de 500 millions d’euros.
Pour ce qui concerne le secteur septentrional de l’A31 bis, la réalisation d’un contournement de Thionville en tracé neuf est nécessaire. Un débat public sur les différentes options de tracé vient d’être lancé, puis une décision ministérielle fixera les conditions de réalisation, notamment au sujet de la mise en place d’un péage qui permettra de financer et de réaliser les travaux dans un délai raisonnable. Je sais la contrainte financière que représente ce péage pour les usagers de l’A31, mais il est indispensable pour répondre rapidement aux difficultés qu’ils connaissent.
J’en arrive au projet « Saône-Rhin Saône-Moselle » que vous appelez de vos vœux. Ce projet de 350 kilomètres de voies navigables a un coût de l’ordre de 15 milliards d’euros. Malgré l’impact économique de ce projet sur la région, le coût de l’infrastructure paraît hors de portée des financements envisageables, même en intégrant le soutien de l’Union européenne. Il ne peut donc malheureusement pas constituer une réponse avant un horizon de long terme.
Enfin, en ce qui concerne la liaison en train à grande vitesse, ou TGV, entre Metz et Nice, la gare de Lyon Part-Dieu connaît précisément des travaux importants jusqu’en 2023 – un débat aura lieu en 2019 sur le nœud ferroviaire lyonnais –, ce qui limitera la capacité d’accueil et entraînera des modifications de dessertes.
Pour compenser cette situation, SNCF Mobilités a proposé un départ depuis Nancy reliant Strasbourg à Marseille et à Nice, et le prolongement de la liaison TGV entre Montpellier et Strasbourg jusqu’à Metz, pour renforcer le lien avec l’arc méditerranéen. La SNCF a rencontré les élus pour leur présenter ces propositions, en lien avec la région Grand Est.
Par ailleurs, un groupe de travail se réunira autour des sujets de desserte ferroviaire pour aborder en amont les évolutions de dessertes de TGV et de trains express régionaux, les TER.
Enfin, je précise que la loi pour un nouveau pacte ferroviaire impose la création de comités de desserte au sein desquels les élus seront représentés.
développement des trains intercités de nuit
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, auteur de la question n° 488, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Viviane Artigalas. Madame la ministre, à l’heure actuelle, de nombreuses villes demeurent à cinq heures de train de Paris, et les temps de trajet sur les transversales, vers Lyon, Strasbourg, Nantes, Lille ou Nice, sont souvent de plus de sept ou huit heures. Dans ces conditions, il peut sembler opportun de mettre en avant une mobilité pratique pour de tels temps de trajets et, en la matière, les trains Intercités de nuit présentent de nombreux avantages.
Ils permettent par exemple d’arriver tôt le matin ou de partir après une journée de travail, et d’arriver en centre-ville. Ils constituent également un complément efficient aux lignes à grande vitesse et, dans l’hypothèse d’une rénovation de qualité du confort des voitures, ils pourraient représenter une offre de mobilité touristique attractive.
À l’étranger, un opérateur autrichien a démontré que les Intercités de nuit, avec un bon niveau de service, peuvent réaliser des bénéfices. Pourtant, en France, cette qualité de service est très basse, et ces trains de nuit subissent de nombreuses annulations et déprogrammations.
L’unique train Intercités de nuit actuel pour le Sud-Ouest dessert déjà quatre destinations : Rodez, Toulouse, Latour-de-Carol et Portbou. Il n’y a pas assez de voitures pour chacune d’entre elles – seulement trois pour Rodez et pour Latour-de-Carol, et ce train affiche souvent complet. Les horaires ne peuvent être optimisés pour autant de destinations disparates et, surtout, la desserte des Hautes-Pyrénées, département dont je suis élue, a été oubliée.
Je regrette bien évidemment cet oubli, comme je regrette fortement la suppression récente de la liaison de nuit Paris-Tarbes-Hendaye, la célèbre Palombe bleue. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation déséquilibrée en termes d’aménagement et face à un enjeu d’équité territoriale.
À l’aube du projet de loi sur les mobilités, et au moment où vous venez d’annoncer le maintien et la rénovation des lignes reliant Paris aux Pyrénées-Orientales, d’un côté, et aux Hautes-Alpes de l’autre, l’État serait-il prêt à améliorer, dans les mêmes conditions, la desserte du Sud-Ouest avec un deuxième train Intercités de nuit reliant les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Artigalas, vous m’interrogez sur la desserte par train de nuit des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, ainsi que sur l’éventualité d’ouvrir une seconde ligne desservant ces régions.
J’ai récemment eu l’occasion d’emprunter le train de nuit pour un déplacement dans les Hautes-Alpes et je suis, comme vous, convaincue que c’est une bonne solution pour l’accessibilité de certains territoires et un atout pour leur développement économique et touristique.
C’est la raison pour laquelle je réaffirme ici mon engagement à maintenir les deux lignes existantes de train de nuit, Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour-de-Carol- Perpignan-Cerbère. La convention d’exploitation actuelle, qui échoit en 2020, sera donc reconduite au-delà.
C’est un effort significatif, car le subventionnement de ces lignes représente plus de 20 millions d’euros par an.
En outre, l’État a également décidé de financer à hauteur de 30 millions d’euros la rénovation du matériel roulant, afin de le mettre aux standards actuels de confort, avec notamment le remplacement des couchettes, l’installation de prises électriques et l’équipement en Wi-Fi. Les travaux commenceront dès l’an prochain.
Néanmoins, ouvrir une seconde ligne de nuit desservant les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie ne paraît pas envisageable aujourd’hui dans le cadre de la convention financière des trains d’équilibre du territoire. En outre, la ligne à grande vitesse qui relie Paris à Bordeaux en deux heures et à Bayonne en quatre heures a sensiblement amélioré l’offre dans le Sud-Ouest. Pour autant, je reste ouverte à toute proposition émanant de collectivités territoriales qui permettrait d’envisager l’exploitation de telles dessertes.
Enfin, je vous le rappelle, à compter de 2020, un opérateur pourra librement mettre en place de tels services s’il le souhaite.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour une réplique, en dix-sept secondes.
Mme Viviane Artigalas. Je vous remercie, madame la ministre, de vos réponses, et je me félicite de la rénovation des trains de nuit ; je crois que c’est important. J’insiste toutefois sur le fait que les Hautes-Pyrénées sont un petit peu éloignées de toutes ces dessertes et qu’il est important pour nous d’être moins isolés que nous ne le sommes actuellement.
aménagement de la nationale 19
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la question n° 495, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Laurent Lafon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’aménagement de la route nationale 19, et plus particulièrement sur son raccordement à la Francilienne.
La déviation de la RN 19 à Boissy-Saint-Léger, actuellement en travaux, est une étape importante dont chacun se réjouit. Néanmoins, elle s’inscrit dans un projet d’ensemble : le réaménagement de la totalité du barreau de liaison entre la RN 406 et la Francilienne.
En ce sens, le contournement de Boissy est certes une étape importante, mais l’État et les collectivités ne doivent pas perdre de vue l’objectif majeur du projet : l’aménagement de la RN 19 jusqu’à la Francilienne.
L’année prochaine, nous fêterons le vingt-cinquième anniversaire de l’inscription de la déviation au schéma directeur de la région d’Île-de-France. Voilà plus de trente ans que l’Association pour l’aménagement de la RN 19 a été créée par les maires pour alerter l’État et les collectivités. À l’époque, ils dénonçaient le risque lié à l’absence d’opération routière structurante au regard de la forte croissance démographique du territoire.
La suite leur a donné raison : aujourd’hui, la déviation jusqu’à la Francilienne est plus que nécessaire. Elle est même indispensable pour décharger les voiries locales et pour éviter les goulets d’étranglement qui reportent la circulation automobile dans les communes du plateau briard, dont la voirie n’est pas adaptée à un tel afflux. Ce sont la préservation de l’environnement et la qualité de vie de l’ensemble de ces communes qui sont en jeu avec cet aménagement.
En mars 2018, la commission permanente de la région d’Île-de-France a débloqué 1,5 million d’euros de crédits. Ces derniers permettront de financer les études préalables à la saisine de la Commission nationale du débat public, conformément au contrat de plan État-région 2015-2020.
Ma question porte donc, madame la ministre, sur la position de l’État par rapport à la finalisation globale du projet d’aménagement jusqu’à la Francilienne. L’État est-il prêt à s’engager dans la poursuite de l’aménagement et, si oui, selon quel calendrier ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Laurent Lafon, vous appelez mon attention sur l’aménagement de la RN19 depuis Bonneuil-sur-Marne jusqu’à la Francilienne.
Je suis, comme vous, consciente des attentes des usagers et des riverains de cet axe.
Comme vous l’avez indiqué, pour répondre à ces enjeux, les travaux de la première phase d’aménagement, consistant en la déviation de Boissy-Saint-Léger, sont en cours. La réalisation de la tranchée couverte a été achevée à l’été 2017. Les travaux du diffuseur sud ont quant à eux démarré au printemps 2017 et l’achèvement de l’opération est prévu à la fin de l’année 2019. La mobilisation financière de l’État et de la région Île-de-France aura ainsi permis la bonne avancée du projet.
Le projet d’aménagement de la RN19 entre Villecresnes et la Francilienne constituera la seconde phase de l’aménagement de la RN19 en route express jusqu’à la RN104. Pour cette seconde phase de l’opération, 3 millions d’euros, à parité entre l’État et la région, ont été inscrits au contrat de plan État-région 2015–2020. Ces crédits permettront d’étudier les solutions d’aménagements en vue de la tenue d’une première phase de consultation du public. Une convention de financement à cet effet a été signée avec la région Île-de-France.
Je tiens donc à vous rassurer sur les intentions de l’État concernant cette opération. Ainsi que le Gouvernement s’y est engagé, mes services réalisent actuellement les études pour définir les besoins exacts de mobilité du territoire desservi et identifier par la suite les différentes options d’aménagement envisageables. Le calendrier des prochaines échéances reste donc inchangé par rapport à celui qui a été initialement fixé. Dans ce cadre, la saisine de la Commission nationale du débat public pourrait intervenir à l’horizon 2020.
circulation sur l’autoroute A10
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 502, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, les conditions d’utilisation de la voie en site propre créée sur l’autoroute A10, en Essonne, entre Villebon-sur-Yvette et la gare de Massy sont actuellement définies par un arrêté préfectoral du 16 novembre 2017. Cette voie dédiée aux bus vise à réduire et à fiabiliser le temps de parcours des usagers, en leur permettant de franchir la congestion la plus dure dans ce secteur. L’expérience quotidienne montre que cet objectif a été atteint.
En revanche, les conditions d’usage de cette voie sont actuellement autorisées uniquement pour les véhicules assurant les services de transport public régulier de personnes organisés par Île-de-France Mobilités ou par les services du réseau de transport des personnes à mobilité réduite.
Aussi, les navettes privées mises en place par certaines sociétés, notamment Thales Air Defence, fleuron de la technologie française situé à Limours, commune dont j’ai été le maire pendant dix-sept ans, n’étant pas considérées comme assurant du transport public, ne sont malheureusement pas autorisées à utiliser cette voie, pourtant disponible.
Autoriser la circulation de ces navettes sur cette voie dédiée de l’autoroute A10 entre Villebon-sur-Yvette et la gare de Massy serait une mesure d’efficacité et de bon sens qui ne coûterait pas un centime de plus à qui que ce soit et permettrait un gain de temps et d’organisation pour leurs utilisateurs.
Aussi, madame la ministre, envisagez-vous d’ouvrir la circulation aux navettes privées sur ce tronçon de l’autoroute A10 ? Plus largement, quelles mesures comptez-vous prendre pour encadrer et favoriser le développement de services de mobilités propres sur l’ensemble du territoire francilien ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Hugonet, la voie réservée mise en service en novembre 2017 sur l’A10 fait partie du programme prioritaire, pour la période 2014–2020, de réalisation de voies dédiées aux bus et, le cas échéant, aux taxis sur le réseau routier national francilien. D’un montant de 65 millions d’euros, ce programme vise à encourager l’utilisation des transports en commun, en les rendant plus fiables et performants, donc plus attractifs. Il s’inscrit pleinement dans l’objectif du Gouvernement de donner la priorité aux mobilités du quotidien.
Après la mise en service de voies réservées sur l’A1, l’A6a, l’A10 et, très récemment – en septembre dernier –, sur l’A12, ce programme se poursuivra avec la mise en service prochaine d’une voie réservée sur l’autoroute A3 et avec l’étude de la faisabilité de voies réservées sur la RN104 et la RN118.
Le projet de loi d’orientation des mobilités, que je présenterai au conseil des ministres à la fin du mois, permettra de développer plus avant ces solutions de mobilité.
Concernant la voie réservée de l’A10, vous avez rappelé les conditions actuelles d’utilisation, fixées par l’arrêté préfectoral du 16 novembre 2017.
S’agissant de la possibilité d’utiliser cette voie pour les navettes privées organisées par des entreprises, je vous informe que votre demande est en cours d’instruction. En effet, sans attendre l’adoption de la loi, des études et des consultations sont en cours pour examiner la faisabilité et l’impact sur les conditions de circulation qu’aurait une ouverture de la voie réservée de l’A10 à l’ensemble des transports en commun.
J’examinerai très prochainement, avec le ministre de l’intérieur, les résultats de ces études pour décider du lancement de cette expérimentation. Je ne manquerai pas de vous en tenir informé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour répondre à Mme la ministre, en cinquante et une secondes.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ce sujet.
Dans nos territoires périurbains, le développement économique et le transport, qui en est le vecteur indispensable, sont bien évidemment liés.
marnières du plateau de caux
Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, auteur de la question n° 489, transmise à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Nelly Tocqueville. Madame la ministre, je me permets d’attirer votre attention sur un sujet particulièrement sensible dans mon département, la Seine-Maritime.
Le plateau de Caux, plateau calcaire, est particulièrement concerné par le problème des cavités souterraines, plus communément appelées, chez nous, « marnières ».
Celles-ci sont le résultat de l’exploitation de la craie, par le passé, à des fins agricoles. Elles sont généralement constituées d’un puits, qui se sépare le plus souvent en une ou plusieurs galeries souterraines.
L’exploitation de la craie n’existe plus depuis des décennies, mais, régulièrement, à la faveur des périodes pluvieuses de l’hiver ou sèches de l’été, les marnières réapparaissent et provoquent des affaissements de terrain.
Le plus souvent, les marnières n’ont pas été déclarées et il est particulièrement difficile de les déceler a priori. L’élaboration des plans locaux d’urbanisme et, bientôt, des plans locaux d’urbanisme intercommunaux prend pleinement en compte ce sujet complexe, mais de nombreux cas, dont la presse locale se fait régulièrement l’écho, se déclarent encore chaque année.
Au-delà de la seule problématique technique, ce phénomène touche des familles dont les habitations doivent parfois être abandonnées. Les solutions de confortement, quand elles sont envisageables, sont coûteuses pour les propriétaires, qui se retrouvent dans une situation de grand désarroi.
Certes, plusieurs dispositifs d’accompagnement sont possibles. Ainsi, le dispositif du fonds Barnier, destiné à accompagner les conséquences des catastrophes naturelles, peut être mobilisé selon des taux définis. Le département abonde également sur les travaux réalisés, y compris lorsqu’ils interviennent chez des particuliers. Cependant, les subventions sont calculées sur le montant hors taxes, alors que le taux de TVA en la matière demeure à 20 % et à la charge du propriétaire.
Madame la ministre, je tenais à vous sensibiliser sur cette difficulté particulière, car les travaux à engager sont coûteux. J’ai récemment été interpellée par un particulier qui doit s’acquitter d’une facture qui s’élève à 100 000 euros, dont 20 % de TVA. Vous imaginez bien qu’une telle somme est considérable pour un ménage qui s’est déjà endetté pour réaliser son projet de vie ! Il ne sera pas forcément en mesure de supporter cette charge. Les subventions avoisinent 50 % du montant hors taxes. Mais ce sont encore près de 20 000 euros de TVA qui doivent être absorbés par le particulier, quand une collectivité peut, elle, les récupérer via le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA.
Madame la ministre, pensez-vous qu’il soit possible, notamment dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 2019, d’envisager un taux de TVA nul ou du moins réduit sur ces dossiers, qui sont peu nombreux, mais qui impactent fortement les particuliers concernés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Tocqueville, M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, que vous avez interrogé, ne pouvait être présent dans cet hémicycle ce matin. Il m’a chargée de vous répondre.
Le sous-sol crayeux de la Seine-Maritime, notamment celui du pays de Caux, présente effectivement de nombreuses cavités souterraines. Parmi ces cavités, les « marnières », creusées pour l’exploitation de matériaux, sont aujourd’hui abandonnées et peuvent, par dégradation naturelle, engendrer des effondrements en surface, voire des fontis de plusieurs dizaines de mètres de diamètre.
M. de Rugy partage totalement votre préoccupation sur le désarroi des propriétaires confrontés à ce risque. C’est pourquoi le ministère s’est engagé depuis plusieurs années dans des actions ayant pour objectifs d’améliorer la connaissance et de réduire le risque inhérent à l’existence de ces carrières souterraines.
À ce titre, des guides et documents méthodologiques sur l’étude, la prévention et la gestion du risque associé aux cavités souterraines ont été élaborés, en lien avec les collectivités locales. En complément, à la demande du ministère, le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, réalise actuellement un inventaire des cavités souterraines abandonnées de la Normandie orientale, à savoir les départements de la Seine-Maritime et de l’Eure, afin d’améliorer la connaissance du phénomène.
Le ministère accompagne également financièrement les actions menées par les collectivités ou les particuliers eux-mêmes, via le fonds Barnier. Les communes peuvent être accompagnées pour la réalisation d’études ou de travaux de prévention, sur la base d’un taux de 40 % ou de 50 % selon les cas.
Les particuliers peuvent bénéficier d’un soutien financier de 30 % sur les opérations de reconnaissance des cavités ainsi que sur le traitement et le comblement de ces dernières, si les dangers pour les constructions et les vies humaines sont avérés et dès lors que les travaux de comblement sont moins coûteux que l’expropriation.
En complément des actions faites par l’État, beaucoup de collectivités concernées se mobilisent sur cet enjeu important pour la région. M. François de Rugy tient à saluer leur action.
Certaines d’entre elles lui font part du fait que, malgré leur mobilisation et les outils mis en place par l’État, il demeure difficile de traiter efficacement cette difficulté.
François de Rugy souhaite donc missionner très prochainement le Conseil général de l’environnement et du développement durable, afin qu’il propose des pistes d’amélioration des dispositifs en place. Cette réflexion portera également sur les volets financiers d’accompagnement de cette politique.
modification du contrôle technique pour les véhicules associatifs assurant les services d’urgence aux personnes
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 452, transmise à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, j’attire l’attention du Gouvernement sur les nouvelles dispositions qui s’appliquent au contrôle technique des véhicules associatifs assurant les services d’urgence aux personnes.
L’arrêté du 4 septembre 2017, entré en vigueur le 20 mai 2018 et modifiant celui du 18 juin 1991 pour les véhicules dont le poids n’excède pas 3,5 tonnes, a introduit de nouveaux points de contrôle pour les véhicules de secours associatifs équipés d’avertisseurs sonores et lumineux, tels ceux qui sont utilisés par la Croix-Rouge, dans le cadre de leur mission de premiers secours aux personnes.
Les modifications introduites et leur application stricte par les opérateurs agréés pour le contrôle technique des véhicules légers amènent les organismes de secours à recevoir des avis défavorables, pour motif de « défaillance majeure ».
En d’autres termes, sans une intervention du Gouvernement, les équipements sonores et lumineux actuellement installés sur les véhicules de secours de la Croix-Rouge ou de la protection civile devront être retirés, ce qui aura pour conséquences de restreindre l’usage et l’efficacité de ces secours indispensables et de mettre en danger la vie de nos concitoyens : sans avertisseurs, ces véhicules arriveront plus tard et il leur sera impossible d’obtenir la priorité sur la voie publique lors des interventions urgentes.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour permettre à ces associations de continuer à assurer leurs missions en cas de situation exceptionnelle ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Procaccia, je veux vous rassurer : les règles du contrôle technique applicables depuis le 20 mai 2018 sont entièrement compatibles avec les caractéristiques spécifiques des véhicules associatifs assurant les services d’urgence aux personnes. Considérés en tant que véhicules d’intérêt général, ces véhicules peuvent être équipés des feux, dispositifs de signalisation complémentaire et avertisseurs spécifiques au transport sanitaire terrestre qui leur permettent d’assurer plus efficacement leurs missions.
Ces caractéristiques techniques particulières doivent être indiquées sur le certificat d’immatriculation du véhicule par la mention d’une affectation aux transports sanitaires.
Lorsque cette mention figure sur le certificat, la présence des équipements spécifiques que je viens d’évoquer n’est pas sanctionnée lors du contrôle technique.
Dans le cas contraire, la mention peut y être ajoutée en présentant le véhicule en réception à titre isolé auprès d’une direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, puis en effectuant la demande de modification du certificat d’immatriculation via le téléservice de l’Agence nationale des titres sécurisés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour répondre à Mme la ministre, en cinquante et une secondes.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions, que je vais transmettre à la Croix-Rouge et à la protection civile.
Ces dernières nous ont saisis parce qu’on leur refuse pour l’instant le contrôle technique, sans doute à cause du certificat d’immatriculation.
Je vais les inciter à faire les démarches nécessaires. J’espère qu’elles pourront ainsi continuer à intervenir, parce que nous savons tous que leur action est indispensable et qu’elles n’ont pas les moyens d’acheter de nouveaux équipements ou de nouveaux véhicules.
personnes en situation de handicap en seine-saint-denis
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question n° 461, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Éliane Assassi. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la pénurie de places en instituts médico-pédagogiques dans le département de la Seine-Saint-Denis et, plus précisément, sur la prise en charge des enfants, adolescents et adultes en situation de handicap.
La maison départementale des personnes handicapée constatait, en 2016, qu’il n’existait que 1 800 places en instituts médico-éducatifs, en instituts médico-professionnels et en instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques pour les 3 400 enfants et adolescents orientés vers ces établissements.
Cela conduit à de nombreuses déscolarisations et à de mauvaises orientations pour des enfants et adolescents fragiles. Des parents sont contraints de quitter leur emploi ou de recourir à des écoles privées hors contrat, dont le coût n’est pris en charge que partiellement.
Concernant les adultes, 450 sont placés en Belgique, quand 165 jeunes adultes de plus de vingt ans sont maintenus dans des établissements pour enfants et adolescents au titre de « l’amendement Creton ».
Selon le plan départemental « Défi Handicap », 900 places manquent dans les structures pour adultes. En Seine-Saint-Denis, année après année, les institutions sont confrontées à des situations pour lesquelles il est impossible de trouver une solution, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes.
La situation est grave. L’Agence régionale de santé, l’ARS, devrait s’en indigner, quand l’éducation nationale n’offre aucun débouché concret aux familles, à part la déscolarisation.
Le vice-président de la commission des droits et de l’autonomie des personnes en situation de handicap de la Seine-Saint-Denis, qui est présent ce matin dans les tribunes de notre hémicycle, appelle le Gouvernement, au nom des familles, à prendre des mesures d’urgence. Que lui répondez-vous, madame la secrétaire d’État ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je partage votre constat sur l’insuffisance de l’offre d’accompagnement des personnes, enfants ou adultes, en situation de handicap dans la région Île-de-France, particulièrement en Seine-Saint-Denis. Cette situation n’est pas acceptable.
Ce constat n’est malheureusement pas nouveau, puisqu’il rejoint celui, critique, qu’avait dressé la Cour des comptes dès 2012, dans un rapport sur les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, regrettant l’insuffisance du rééquilibrage de l’offre médico-sociale entre les territoires.
Les actions entreprises pour accélérer le rattrapage ont toutefois été lentes. Ainsi, la CNSA n’a revu qu’en 2017 sa méthode de répartition des crédits pour renforcer l’équité territoriale.
Aussi, Sophie Cluzel a pris, dès sa nomination, la décision de renoncer à l’emploi de la « réserve ministérielle », pratiquée par tous les gouvernements précédents, dont la Cour des comptes avait critiqué la pratique opaque et noté qu’elle était un frein au rééquilibrage.
L’intégralité des crédits nouveaux de 2018 a ainsi pu être répartie selon des critères prenant mieux en compte les dynamiques des besoins, qui sont très favorables à la région Île-de-France. D’ores et déjà bénéficiaire prioritaire de l’enveloppe de transformation de l’offre, dotée de 180 millions d’euros, la région Île-de-France a disposé, pour cette seule année, d’une enveloppe de plus de 18 millions d’euros pour développer et transformer son offre, améliorer l’accompagnement des personnes autistes et prévenir les départs non souhaités vers la Belgique.
Il y a urgence. Les tensions sur l’offre francilienne sont fortes, en particulier dans le département de la Seine-Saint-Denis.
C’est pourquoi l’Agence régionale de santé considère que ce département est prioritaire dans sa politique d’équipement. Elle a lancé un plan de développement de réponses inclusives, mobilisant, outre ses crédits, les moyens juridiques plus souples qui lui ont été accordés de manière dérogatoire par un décret du 29 décembre 2017.
Le premier appel à manifestation d’intérêt, lancé en juillet dernier, a rencontré un vif succès : 305 dossiers de candidature ont été déposés. Ces derniers incluent des projets répondant à la variété des besoins : appui à la scolarisation en milieu ordinaire, propositions d’habitat inclusif ou encore d’emploi accompagné.
Les premières autorisations seront délivrées avant la fin de l’année.
Les projets qui n’auraient pas pu être retenus dans le cadre de cette première vague pourront l’être dans celui d’un second appel à manifestation d’intérêt, mais aussi des contrats pluriannuels d’objectifs que l’ARS doit engager tout au long de l’année 2019.
Cette politique ne pourra porter pleinement ses fruits qu’en étroite coopération avec les départements, qui partagent la responsabilité de cette politique avec l’État, et grâce à un travail de concertation, lequel est déjà engagé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour répondre à Mme la secrétaire d’État, en quarante-neuf secondes.
Mme Éliane Assassi. Madame la secrétaire d’État, vous admettrez que le fait que de nombreux enfants et adultes de notre département soient privés de leurs droits fondamentaux, tels le droit à l’éducation, le droit à vivre dignement et le droit à bénéficier d’un accès aux soins, est choquant dans un pays comme le nôtre. Ces personnes et leur famille ne sauraient attendre davantage aujourd’hui. Elles ont déjà trop attendu, et peu de réponses leur ont été données.
Il conviendrait que le Gouvernement ne se contente pas d’annonces générales et prenne des mesures d’urgence pour notre pays, bien évidemment, mais aussi pour la Seine-Saint-Denis en particulier.
Je le répète, il y a urgence, car c’est tout simplement une question d’humanité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 487, transmise à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Édouard Courtial. Madame la secrétaire d’État, mon collègue Édouard Courtial étant souffrant, je vais vous donner lecture de sa question, qui porte sur le plan Pauvreté.
Faire mieux avec moins : plus qu’une ligne de conduite, ce principe est devenu, année après année, au fil des baisses inédites des dotations de l’État depuis la précédente législature, un credo et même une condition de survie pour de nombreuses collectivités, malgré leurs efforts, tout aussi inédits, pour certaines d’entre elles, de réduction des dépenses de fonctionnement, par respect de la parole donnée aux électeurs autant que des deniers publics, fruits du travail de nos compatriotes.
Mais, depuis peu, il s’agit de faire mieux avec plus, non pas plus de moyens, mais plus de compétences et plus de dépenses supplémentaires non compensées par l’État.
Le plan Pauvreté du Gouvernement en est un parfait exemple pour les conseils départementaux.
En effet, si le Président de la République a annoncé une compensation de 8,5 milliards d’euros, cette somme est toujours en deçà de ce que l’État doit chaque année aux départements pour compenser les dépenses qu’ils effectuent pour lui et qui ne leur sont pas remboursées.
J’en prendrai deux exemples concrets.
Premièrement, le plan Pauvreté renforce l’accompagnement vers l’emploi, en clair le revenu de solidarité active, ou RSA. Or, avant même l’annonce du Président de la République, l’État ne remboursait que 47 % du coût du RSA aux départements. Et vous leur demandez de dépenser toujours plus sur leurs budgets propres ? Ce n’est pas raisonnable.
Deuxièmement, le plan Pauvreté étend l’aide sociale à l’enfance jusqu’à vingt et un ans. Si cela est le cœur de métier du département, la politique migratoire qui est menée depuis 2012 ne l’est pas, et les choix gouvernementaux en la matière font littéralement exploser la demande d’accueil des mineurs étrangers isolés, ou mineurs non accompagnés en politiquement correct. Avant même l’annonce du Président de la République, les centres d’accueil étaient déjà saturés. Et vous demandez aux départements d’aller encore au-delà ? Là encore, ce n’est pas raisonnable.
Madame la secrétaire d’État, selon un principe général du droit, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. C’est pourtant bien ce que fait l’État en se défaussant sur les conseils départementaux et, plus généralement, sur les collectivités territoriales, en leur demandant toujours plus d’efforts budgétaires, exigence qu’il ne s’applique pas à lui-même.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté au niveau des collectivités territoriales.
Vous avez raison : la stratégie doit être mise en œuvre au plus près des territoires. L’État a pour mission d’organiser un pilotage par tous les acteurs, qu’il s’agisse des associations ou des collectivités, à l’échelon régional. Des animateurs seront désignés parmi eux pour faire avancer le travail collectif sur les différentes thématiques de la stratégie.
En ce qui concerne les mesures relevant de la compétence des départements, chefs de file en matière d’aide sociale, la stratégie prévoit une contractualisation ambitieuse avec les conseils départementaux. Les travaux de contractualisation ont déjà été engagés avec les territoires démonstrateurs de la stratégie, qui sera déployée ensuite dans l’ensemble des départements avant la fin du premier semestre 2019.
La contractualisation s’appuie sur 135 millions d’euros de crédits, dont 50 millions d’euros de fonds d’appui aux politiques d’insertion en 2019, et atteindra au moins 210 millions d’euros d’ici à 2022.
Elle porte sur un socle de thématiques et d’actions dans les domaines de l’aide sociale à l’enfance, de l’insertion, des droits fondamentaux des enfants et du travail social. Sur un socle laissé à l’initiative des départements, ces derniers pourront proposer des actions en lien avec les ambitions de la stratégie, par exemple en matière de prévention spécialisée ou de PMI, auxquelles l’État apportera son soutien financier.
Notre stratégie émane d’une large concertation de terrain. Sa mise en œuvre requiert une gouvernance nouvelle, pilotée et portée par l’ensemble des acteurs, à partir des territoires. En effet, c’est bien sur le terrain que le combat doit être mené.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour répondre à Mme la secrétaire d’État, en douze secondes.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, vous devez entendre, en cette semaine du Congrès des maires, le cri d’alarme des départements et des collectivités.
Nous devons prendre en charge de plus en plus de personnes. La concertation, la contractualisation ne permet pas de faire face à cet afflux de personnes. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
fin du numerus clausus et années intermédiaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Bernard Bonne, auteur de la question n° 459, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Bernard Bonne. Lors de la présentation du plan stratégique de transformation de notre système de santé, en septembre dernier, le Président de la République a annoncé la fin, à partir de 2020, du numerus clausus ainsi que du concours de fin de première année commune aux études de santé, ou PACES.
En effet, plus personne ne défend, en l’état, ce dispositif, qui visait, lors de son instauration, à limiter le nombre de médecins formés et à contenir les dépenses d’assurance maladie, d’autant que cette première année est unanimement pointée comme un gâchis, dans la mesure où les trois quarts des 60 000 inscrits en PACES échouent à l’issue de ce concours, qui repose largement sur les seules capacités de mémorisation des candidats.
Le numerus clausus et les concours seront donc remplacés par un premier cycle commun d’une durée de trois ans. Les étudiants passeront des partiels pour accéder en deuxième année.
Or, en annonçant la fin de ce système à partir de 2020, ce sont les actuels étudiants en PACES qui s’interrogent sur les conséquences de la suppression du numerus clausus, alors qu’ils seront les derniers à y être soumis.
Ces jeunes gens et ces jeunes filles qui passeront le concours en 2019, qu’ils soient inscrits en première année pour la première fois ou qu’ils redoublent cette première année, s’estiment terriblement pénalisés par rapport à ceux qui entreront en première année en 2020.
Aussi, madame la secrétaire d’État, M. Bonne souhaite savoir ce que le Gouvernement entend faire précisément pour ces étudiants, compte tenu de leur situation spécifique.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de répondre aux inquiétudes sur les modalités de suppression du numerus clausus.
Le Président de la République a présenté, le 18 septembre dernier, notre stratégie pour transformer en profondeur le système de santé. Dans ce plan, intitulé « Ma santé 2022 », l’adaptation des formations aux enjeux de santé de demain a été identifiée comme un axe prioritaire de travail, avec l’annonce de la suppression du numerus clausus et la refonte des premiers cycles des études en santé.
En effet, comme vous le rappelez justement, le constat est établi que le numerus clausus est un outil inadapté s’il est utilisé seul pour assurer la couverture suffisante du besoin en professionnels de santé sur l’ensemble du territoire.
Le numerus clausus conduit, de plus, à un véritable gâchis humain, du fait d’une sélection de profils d’étudiants réalisée sur des critères pouvant sembler en décalage par rapport aux compétences que l’on attend aujourd’hui dans la pratique quotidienne de la médecine.
Il représente aujourd’hui un obstacle à un déroulé fluide des études d’enseignement supérieur, en ne prévoyant qu’insuffisamment des débouchés vers l’offre de formation globale des universités.
Partant de ces constats, les principaux objectifs de la réforme, que nous conduisons avec Mme la ministre en charge de l’enseignement supérieur et qui sera concertée avec l’ensemble des acteurs, permettront d’apporter des réponses plus adaptées aux défis de notre système de santé.
Il s’agira notamment de diversifier les profils des étudiants et de décloisonner les études, en favorisant les passerelles et les enseignements communs entre plusieurs filières, de garantir le niveau de qualité de nos formations en santé et d’améliorer la qualité de vie des étudiants.
La mise en œuvre de la suppression du numerus clausus tiendra compte du bilan des expérimentations alternatives à la PACES lancées en application de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ce bilan permettra de prendre les décisions les plus adaptées à la gestion de la période transitoire que vous avez évoquée. Pour l’heure, il est prématuré de prendre position de manière définitive.
En tout état de cause, nous veillerons à ce que les étudiants qui passeront le concours en 2019 ne soient pas désavantagés par rapport à ceux qui entreront en première année d’études universitaires en 2020.
Le Gouvernement sera très attentif à la conservation de la qualité de nos études, laquelle ne pourra se traduire que par le maintien d’un système sélectionnant les candidats les plus aptes à exercer le métier exigeant, mais passionnant, de médecin.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour répondre à Mme la secrétaire d’État, en cinquante-deux secondes.
Mme Catherine Procaccia. Je prends bonne note de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Nous partageons les objectifs de cette réforme : chacun reconnaît en effet que ce système de sélection constitue un gâchis.
Comme vous le soulignez, cette période de transition suppose une attention particulière. Or le Gouvernement n’a encore rien annoncé.
Ne serait-il pas souhaitable d’augmenter sensiblement le numerus clausus – de l’ordre de 15 ou 20 % – pour éviter que des candidats ne décident d’attendre l’année prochaine pour passer le concours ?
Dix ans étant nécessaires pour former un médecin, il ne faudrait pas que nous nous retrouvions dans dix ans face à un gap, parce qu’un certain nombre de jeunes étudiants auraient décidé de s’abstenir de passer les concours dans cette période transitoire.
avenir de la profession infirmière et santé des français
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 493, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Philippe Madrelle. Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, le hasard du calendrier fait que cette journée du 20 novembre est une journée de grève pour toute une profession : les infirmières et les infirmiers n’en peuvent plus du manque de considération et d’écoute du Gouvernement.
Deux ans après la promulgation de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et dans le contexte des annonces réformant ce système, les trois syndicats représentatifs de 120 000 infirmiers libéraux ont quitté la table des négociations conventionnelles. C’est dire la situation d’incompréhension et de profonde détresse dans laquelle se trouve l’ensemble de toute une profession appelée à jouer un rôle irremplaçable et essentiel auprès des patients.
Les infirmières constituent un maillon de toute première importance au sein de notre système de santé. En effet, à elle seule, cette profession assure la continuité et la permanence des soins au domicile des patients, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et sept jours sur sept.
Pourriez-vous me préciser, madame la secrétaire d’État, dans quels délais sera mise à jour la nomenclature générale des actes professionnels afin que les infirmières et les infirmiers puissent répondre aux attentes et demandes légitimes des patients comme la prise de tension artérielle, la pose de bas de contention ou l’administration de médicaments particulièrement délicate avec des risques de confusion en matière de génériques ? Ces professionnels doivent pouvoir travailler en toute sécurité.
En outre, la prise en charge des suivis de pathologies lourdes reste largement sous-cotée. À titre d’exemple, pour un soin de stomie qui dure vingt à trente minutes, le professionnel va percevoir 6,30 euros, la moitié de cette somme étant versée en charges sociales.
Par ailleurs, à partir de trois actes consécutifs, le premier est rémunéré à taux plein, le deuxième à moitié prix et les suivants sont effectués gratuitement. Il serait souhaitable que l’infirmière puisse être rémunérée lorsque le patient appelle pour un incident.
Le rôle de prévention et d’organisation des soins n’est jamais pris en compte, alors que l’augmentation de la chirurgie ambulatoire accroît la responsabilité de surveillance dans le suivi des patients.
À toutes ces inégalités, s’ajoute la non-revalorisation des indemnités forfaitaires de déplacement, qui ne s’est appréciée que de cinquante centimes en quinze ans !
Et puisque nous sommes en pleine période de vaccination contre la grippe, pourriez-vous m’indiquer, madame la secrétaire d’État, si la compétence de vaccination accordée aux pharmaciens a accru la part de la population vaccinée ?
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Madrelle. Je termine. Surtaxés à outrance, ces professionnels de santé exercent leur mission avec beaucoup de compétence.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je partage avec vous le rôle central joué par la profession d’infirmier dans notre système de santé.
Le Gouvernement entend bien s’appuyer sur l’engagement et les compétences des infirmières et des infirmiers pour relever les défis qui nous attendent en ce qui concerne notamment l’accès aux soins et la prise en charge des maladies chroniques.
La reconnaissance de la pratique avancée pour la profession par le décret du 18 juillet 2018 marque une avancée importante.
Les infirmières en pratique avancée auront des compétences élargies et la responsabilité du suivi régulier des patients pour leurs pathologies et pourront prescrire des examens complémentaires, demander des actes de suivi et de prévention, ou encore renouveler ou adapter, si nécessaire, certaines prescriptions médicales.
Cette nouvelle pratique et ces nouvelles compétences fondées sur une formation universitaire bénéficieront d’une reconnaissance en termes de statut et de rémunération, aussi bien dans le cadre de la fonction publique hospitalière qu’au sein des équipes de soins primaires.
Nous souhaitons que cette nouvelle pratique se développe rapidement sur l’ensemble des territoires, au bénéfice des patients.
Nous sommes également sensibles à la juste reconnaissance de l’activité des infirmières libérales et à l’évolution de leur rémunération.
Comme vous le savez, ce sont les partenaires conventionnels, c’est-à-dire les syndicats représentatifs de la profession et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM, qui déterminent l’inscription des actes à la nomenclature et leur tarif.
À ce titre, l’avenant 5 à la convention des infirmières libérales, signé le 21 novembre 2017, a d’ores et déjà pris en compte les contraintes liées à l’activité des infirmières libérales en revalorisant notamment la majoration du dimanche et des jours fériés à compter du 1er août 2018.
Les négociations doivent reprendre en décembre prochain avec l’assurance maladie.
Nous souhaitons que cette négociation permette de valoriser le rôle des infirmières dans le système de santé et accompagne les pratiques pour une réponse aux besoins de soins de nos concitoyens – prise en charge des maladies chroniques, maintien à domicile des personnes âgées, prévention et éducation à la santé, par exemple.
Je fais pleinement confiance aux partenaires conventionnels pour arriver à un second accord en ce sens.
Enfin, monsieur le sénateur, concernant votre question sur la prise en charge vaccinale des pharmaciens, nous n’en sommes qu’au début de la campagne vaccinale ; nous mènerons une étude et nous ne manquerons pas de vous communiquer les chiffres obtenus.
situation des kinésithérapeutes
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, auteur de la question n° 494, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Annie Guillemot. Le 5 juillet dernier, plus de 2 200 masseurs-kinésithérapeutes se sont rassemblés au ministère de la santé pour exprimer leurs vives inquiétudes et réclamer une meilleure reconnaissance de leur métier.
Ces professionnels de santé, qui revendiquent aussi la reconnaissance de leur formation au grade international de master à hauteur de leurs 300 crédits européens, compte tenu de leur niveau bac+5, dénoncent aussi l’inégalité des différentes professions de santé au regard des droits liés au congé maternité.
En effet, depuis octobre 2017, les femmes médecins libérales conventionnées et éligibles au congé maternité peuvent percevoir de 2 066 à 3 100 euros mensuels, pendant trois mois, auxquels s’ajoute une aide forfaitaire d’environ 3 300 euros. Les masseurs-kinésithérapeutes, comme les autres professionnels paramédicaux, ne bénéficient pas de ce traitement. Une pétition réclamant l’« égalité de l’aide financière pour toutes les femmes qui exercent dans le secteur libéral en congé maternité » a rassemblé plus de 55 000 signataires.
Lors de l’examen du PLFSS pour 2019, j’ai déposé un amendement à l’article 47 visant à ce que cet avantage supplémentaire maternité soit étendu à l’ensemble de ces professionnelles de santé. Malheureusement, il a été, comme de très nombreux autres amendements, frappé par l’article 40, car « dépourvu d’impact sur les comptes sociaux ».
Aussi, face à ces inquiétudes et à ce légitime besoin de reconnaissance, d’équité et de justice, pourriez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, quelles réponses vous comptez donner à ces revendications et selon quel échéancier ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les demandes formulées au mois de juillet dernier par la profession des masseurs-kinésithérapeutes.
Je souhaite porter à votre connaissance, et à celle de vos collègues présents, plusieurs éléments d’analyse pour répondre à vos interrogations.
Tout d’abord, et j’aimerais insister sur ce point, la profession de chiropracteur, reconnue par la loi depuis mars 2002, ne constitue pas une profession concurrente de la masso-kinésithérapie.
Ses missions et conditions d’exercice diffèrent sur de nombreux points : il ne s’agit pas d’une profession de santé telle que prévue par le code de la santé publique et les actes délivrés ne sont, en conséquence, pas pris en charge par l’assurance maladie, ce qui constitue deux points de différenciation majeurs.
L’arrêté du 13 février 2018 relatif à la formation en chiropraxie vise à encadrer un usage professionnel déjà existant, mais qui ne disposait pas de référentiel d’activité et de compétences permettant de définir le contenu de la formation nécessaire à l’exercice professionnel.
Cet arrêté consolide sur le plan réglementaire l’exercice et la formation des chiropracteurs et renforce la sécurité des personnes prises en charge par ces professionnels.
Ensuite, s’agissant du désavantage présumé dont pâtiraient les masseurs-kinésithérapeutes au regard de la tarification d’actes réalisés par d’autres professionnels, je tiens à rappeler que les actes des masseurs-kinésithérapeutes, en tant que profession conventionnée, sont pris en charge par la sécurité sociale. Ce n’est pas le cas des actes de chiropraxie, dont je viens de parler et qui peuvent être parfois remboursés par les organismes complémentaires, mais qui ne sont pas inclus dans le panier des soins pris en charge par la sécurité sociale.
En ce qui concerne l’avantage supplémentaire maternité, cette aide, prévue pour les médecins dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, a été mise en place pour renforcer l’attractivité de l’activité libérale des jeunes médecins. L’enjeu de sa création est bien propre à la démographie médicale et aux difficultés d’accès aux soins médicaux qui ne se posent pas dans les mêmes termes pour les autres professions libérales conventionnées.
Par ailleurs, les masseurs-kinésithérapeutes conventionnés bénéficient déjà d’un régime d’indemnités comprenant une allocation forfaitaire de 3 311 euros et d’indemnités journalières forfaitaires à hauteur de 54,43 euros.
Enfin, permettez-moi de vous rappeler que l’assurance maladie a signé, en novembre 2017, l’avenant 5 à la convention médicale qui prévoit des revalorisations substantielles sur la période 2018 à 2022. Vous conviendrez que ce geste témoigne, s’il fallait, des attentes fortes des pouvoirs publics à l’égard d’une profession qui joue un rôle majeur dans notre système de santé et dans sa transformation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot pour répondre à Mme la secrétaire d’État, en une minute et neuf secondes.
Mme Annie Guillemot. Je prends note de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Toutefois, ma question ne portait pas sur la chiropraxie, mais bien sur les congés maternité !
Comment ne pas observer que l’article 47 du PLFSS pour 2019, dont le vote interviendra cet après-midi, aligne les droits au congé maternité des travailleuses indépendantes et octroie aux exploitantes agricoles l’allocation de remplacement, visant à rémunérer l’emploi d’une personne les remplaçant dans leurs travaux pendant la durée du congé maternité renforcé ou, à défaut, une indemnité journalière forfaitaire, ce dont je me félicite.
Mais alors, pourquoi ne pas accorder aux professionnelles de santé conventionnées l’avantage supplémentaire maternité qui a pour objet de garantir la viabilité des cabinets ? Une absence d’environ trois mois représente une perte de 10 000 à 12 000 euros par cabinet.
Il ne s’agit certainement pas d’une raison budgétaire, puisque l’étude dont il est fait état pour l’article 47 du PLFSS pour 2019 précise que l’impact pour les travailleuses indépendantes et agricultrices sur le budget et l’emploi des caisses de sécurité sociale sera géré « dans le cadre des moyens existants »…
Bref, tout cela n’est ni sérieux ni surtout équitable pour les femmes exerçant en libéral – infirmières, chirurgiennes-dentistes, orthophonistes, orthoptistes, sages-femmes et, bien évidemment, kinésithérapeutes – à qui vous refusez d’être gérées « dans le cadre des moyens existants »
revalorisation du métier d’infirmier et plan « santé 2022 »
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteur de la question n° 521, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Nathalie Delattre. Aujourd’hui, à quatorze heures, tous les syndicats de la profession d’infirmier se mobilisent pour faire entendre leur mécontentement à la suite des annonces du Président de la République.
Et pour cause ! Le plan « Santé 2022 » repose sur une vision médico-centrée de l’offre de soins. Les 660 000 infirmiers répartis sur l’ensemble de notre territoire n’ont obtenu ni la revalorisation espérée de leur métier, ni celle de leurs compétences et encore moins celle de leur tarification.
Comment expliquer, madame, que 4 000 nouveaux postes d’« assistants médicaux » seront créés aux frais des collectivités, alors que le plan « Santé 2022 » ne prévoit aucune réactualisation du décret d’actes et d’exercice de la profession d’infirmier datant de 2002 ?
Si l’ensemble de la profession se mobilise, c’est parce qu’aucune spécialisation n’a obtenu gain de cause : ni les infirmiers de bloc opératoire, ni les puériculteurs diplômés d’État, ni les infirmiers anesthésistes dans la réingénierie de leurs diplômes.
Que dire des infirmiers libéraux ? Les indemnités forfaitaires de déplacement n’ont été revalorisées que de cinquante centimes d’euros en quinze ans. Une hausse dérisoire face à l’augmentation du prix de l’essence.
On le voit et on le vit, il existe bel et bien un décalage entre l’exercice, sur le terrain, au quotidien, du métier d’infirmier et la nomenclature générale des actes professionnels, qui ne recense toujours pas un grand nombre d’entre eux.
A contrario, quand ils sont pris en compte, le troisième acte médical dispensé est gratuit. Aussi, le travail de vaccination antigrippale, plan dont vous vous enorgueillissez, reste le plus souvent non rémunéré pour nos infirmiers.
Pourtant, face à l’augmentation du nombre de maladies chroniques et au vieillissement croissant de la population, les infirmiers répondent présent. Ils sont les premiers acteurs de terrain, de jour comme de nuit. En se déplaçant à domicile, les infirmiers libéraux participent notamment au désengorgement des services d’urgence. Ils sont d’ailleurs souvent les derniers au cœur du désert médical.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, allez-vous répondre favorablement aux attentes de nos infirmiers et, au-delà, à celles des Français, qui sont très attachés à ces femmes et à ces hommes ? Allez-vous adapter votre plan « Santé 2022 » aux réalités du terrain ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question qui me permet de répondre à la déception exprimée par les infirmières et par les infirmiers après la présentation du plan « Ma Santé 2022 » par le Président de la République, le 18 septembre dernier.
Vous évoquez plusieurs de leurs revendications concernant la revalorisation de l’ensemble de la profession infirmière en termes de métier et de tarification conventionnelle et l’absence d’actualisation du décret d’actes et de compétences depuis 2002.
Nous regrettons ces prises de position, alors que la profession infirmière a récemment bénéficié d’avantages notables.
D’abord, grâce au développement de protocoles de coopération, notamment dans le secteur ambulatoire, avec le dispositif Asalée, ou action de santé libérale en équipe.
Et récemment, de façon globale, par la reconnaissance de l’infirmier en pratique avancée, dont le cadre juridique a été fixé par le décret du 18 juillet 2018 que j’ai mentionné dans ma réponse à M. le sénateur Madrelle.
Les premières infirmières en pratique avancée diplômées par les universités accréditées en octobre dernier mettront leurs compétences élargies au service des usagers du système de santé dès septembre 2019.
Au-delà des premiers domaines d’intervention ouverts à la pratique avancée, d’autres champs, tel celui de la psychiatrie, vont faire l’objet de prochains travaux.
Encore plus récemment, le décret et l’arrêté du 25 septembre 2018 ont permis aux infirmières d’élargir leurs compétences en matière de vaccination antigrippale.
Enfin, le processus d’universitarisation se poursuit en lien étroit avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Par ailleurs, et c’est la seconde partie de votre question, vous estimez que la réforme du système de santé engagée pérennise une vision médico-centrée de l’offre de soins. Ce n’est pas notre appréciation.
Différentes mesures annoncées par la ministre des solidarités et de la santé concernent l’exercice pluriprofessionnel et encouragent une organisation en structure regroupée ou au sein d’une communauté professionnelle territoriale de santé. Notre objectif est clair : l’exercice isolé doit devenir une exception.
Ces orientations donnent aux infirmières toute leur place, notamment quand elles exercent dans le secteur libéral. Cette profession est un des acteurs majeurs de la prise en charge préventive et éducative. Nous avons bien conscience qu’elle est un rouage essentiel du système de santé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour répondre à Mme la secrétaire d’État, en dix-huit secondes.
Mme Nathalie Delattre. Madame la secrétaire d’État, si les avancées que vous mentionnez satisfaisaient les infirmières et les infirmiers, ils ne seraient pas dans la rue, dans dix-sept régions de France. Je ne peux que vous encourager à sortir de votre ministère cet après-midi, à sortir de votre bulle, et à aller à leur rencontre : ils ont vraiment besoin de votre écoute et d’une véritable action. (Mme Brigitte Lherbier applaudit.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, en attendant l’arrivée de Mme Morin-Desailly, qui doit nous rejoindre incessamment, et du ministre qui doit répondre aux questions suivantes, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante-huit, est reprise à dix heures quarante-neuf.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 504, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, certains symboles forgent durablement la réputation d’un territoire et contribuent à son rayonnement, en France comme à l’étranger.
Le camembert est sûrement, avec le Neufchâtel, le Livarot et le Pont-l’évêque, l’élément le plus emblématique de la gastronomie normande, de nos traditions et des savoir-faire de nos artisans fromagers et de ceux de nos producteurs. Inimitable, et à ce titre soumis à une appellation d’origine protégée, ou AOP, depuis 1983, le véritable camembert de Normandie est composé de lait cru et moulé à la louche.
En tant que sénatrice de la Seine-Maritime et élue normande, j’ai été très surprise d’apprendre qu’il était question de modifier les critères de cette AOP en introduisant un nouveau procédé de fabrication : la pasteurisation.
L’introduction d’une telle méthode reviendrait à revoir à la baisse le cahier des charges de notre AOP, avec toutes les conséquences que cela implique en termes de qualité du produit fini.
Avoir recours à la pasteurisation entraînerait également un bouleversement dans la répartition de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne de production.
En effet, en substituant la pasteurisation au moulage à la louche, le risque est grand de créer une distorsion de concurrence au sein de la filière même. Et pour cause : favoriser un procédé de fabrication moins cher et standardisé revient à tirer à la baisse la rémunération des petits producteurs, les futurs camemberts AOP pasteurisés étant vendus à moindre prix dans la grande distribution.
Déjà, le niveau moyen de valorisation du lait AOP ne s’élève qu’à 50 % en Normandie. À terme, seuls les consommateurs les plus aisés pourront se permettre d’acheter un véritable camembert AOP produit par un réseau spécialisé haut de gamme.
Il faut prendre garde à ne pas reproduire les erreurs de filières voisines qui, en introduisant la pasteurisation dans leur processus de production, ont contribué à la disparition d’un grand nombre de producteurs. Il serait regrettable de corrompre une recette qui perdure de génération en génération depuis la Révolution française, au profit de seuls intérêts financiers.
Les multinationales qui appellent à l’industrialisation et à la standardisation le font pour exercer une domination plus grande encore sur nos producteurs et réduire les coûts par des suppressions d’emplois. Or la démarche de l’AOP est tout autre et doit, d’une part, favoriser une concurrence saine et, d’autre part, garantir un certain niveau d’exigence.
Les critères de l’appellation nous permettent de préserver notre produit dans sa noblesse sans pour autant nuire à la croissance de la filière.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, de tout faire pour maintenir l’AOP camembert de Normandie dans sa formule actuelle, et je vous en remercie.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je sais ce sujet important pour votre territoire. Aussi, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Didier Guillaume, retenu à Bruxelles pour le Conseil Agriculture de l’Union européenne.
Votre question porte sur la modification des critères de l’appellation d’origine protégée – AOP – camembert de Normandie.
Le 21 février dernier, l’ensemble des acteurs de la filière du camembert de Normandie AOP et du camembert « fabriqué en Normandie » a conclu un accord, après des années de discussions et de travaux.
Cet accord vise, à terme, à la disparition de la mention « fabriqué en Normandie » qui créait de la confusion chez les consommateurs. Il ne s’agit pas d’abaisser les exigences du cahier des charges actuel.
Bien au contraire, cet accord vise à accompagner la montée en gamme et l’évolution des pratiques de tous les opérateurs, actuels et futurs, de l’AOP.
Il s’agira notamment d’augmenter la part des vaches normandes dans les troupeaux, de renforcer la place du pâturage et de l’herbe dans l’alimentation des animaux ou encore d’introduire des dispositions relatives au bien-être animal.
Ces pratiques pourront être différenciées grâce à deux gammes distinctes de camembert de Normandie. Cette segmentation permettra, d’une part, aux opérateurs de faire le choix de produire l’une ou l’autre et, d’autre part, aux consommateurs d’éviter la confusion entre elles.
Le Gouvernement va s’attacher à suivre très précisément et régulièrement les travaux relatifs à l’évolution du futur cahier des charges de l’AOP. Il sera particulièrement vigilant à ce que les termes de l’accord soient respectés et à ce que les travaux aboutissent bien à une montée en gamme pour l’ensemble de la filière.
mise en place du service national universel pour les jeunes français établis hors de france
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, auteur de la question n° 505, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale, et plus particulièrement au ministre de la jeunesse.
Les jeunes Français qui vivent en dehors de nos frontières sont une ressource formidable de talent et de connaissance. Ils sont cultivés, ouverts d’esprit, entrepreneurs. Ils façonnent au jour le jour l’image de la France et sont, quand ils reviennent dans notre pays, parmi nos plus brillants éléments.
Plus de 620 000 jeunes Français de moins de 25 ans vivent à l’étranger : c’est plus que le nombre d’habitants d’une région comme la Vendée ou le Gard. Ces jeunes sont souvent des binationaux. Dans certaines zones – Moyen-Orient, Afrique du Nord… –, plus de 70 % des Français inscrits sur les registres consulaires possèdent une double nationalité. C’est une véritable richesse : deux langues, deux pays, deux cultures. Mais il est parfois difficile pour la France de garder avec eux un lien fort, ce lien qui nous permet de dire : Je suis Français.
Renforcer ce lien est normalement le rôle de l’école, celui de notre réseau de lycées français à l’étranger. Mais ce n’est pas aujourd’hui le sujet de ma question, qui porte sur un autre moyen de renforcer le lien d’appartenance avec la France.
Le service national universel, ou SNU, en préparation a pour ambition de renforcer, chez les jeunes, le sentiment d’appartenance à la France. Or les jeunes Français de l’étranger n’ont pas été, à ma connaissance, monsieur le ministre, particulièrement consultés le mois dernier, lors de la concertation en ligne.
Les intégrer au service national universel, ou dans un dispositif similaire, est d’autant plus important depuis l’annonce, voilà quelques semaines, de la suppression des journées défense et citoyenneté à l’étranger.
J’aimerais savoir, monsieur le ministre, dans quelle mesure vous avez tenu compte de la situation de ces jeunes Français ? Qu’avez-vous prévu pour renforcer leurs liens avec la France ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, extrêmement importante.
Elle entre en résonance avec les travaux que nous menons actuellement à l’échelle interministérielle autour de la mise en œuvre du service national universel, qui recouvre, comme vous l’avez souligné, plusieurs enjeux essentiels : participation et engagement de chaque jeune dans la vie de la Nation, valorisation de la citoyenneté et du sentiment d’appartenance à la communauté nationale en se rassemblant autour de valeurs, renforcement de la cohésion sociale tout en dynamisant le creuset républicain.
L’universalité de ce dispositif, que vous interrogez en soulevant la question de la participation des jeunes Français de l’étranger, sera en effet un important défi auquel nous consacrerons toute notre énergie.
Nos réflexions s’appuient actuellement sur les pratiques qui avaient cours au temps du service national.
Avant sa suspension, l’appel au service national actif était différé pour les jeunes Français résidant à l’étranger jusqu’à l’âge de 29 ans, sauf dans certains territoires européens. Si ces jeunes revenaient habiter sur le territoire national avant cet âge, ils étaient appelés au service national actif dans les quatre mois suivant la date de leur changement de résidence. Dans le cas contraire, ils étaient dispensés.
Depuis la mise en place de la journée défense et citoyenneté, dite JDC, chaque poste diplomatique ou consulaire adresse aux administrés âgés de 16 à 25 ans qui ont été recensés une convocation écrite leur indiquant la date de la session à laquelle ils doivent participer. L’attaché de défense participe aux JDC sous l’autorité du chef de poste diplomatique ou consulaire.
Les Français établis hors de France qui n’ont pu participer à une session de la JDC sont tenus, dès lors qu’ils viennent résider habituellement sur le territoire national avant l’âge de 25 ans, de participer à une JDC.
Différentes options sont possibles à partir de ces considérations. L’identification préalable de ces jeunes et les conditions d’accueil – hébergement, sécurité et accessibilité des sites – dans lesquelles ils pourraient effectuer ce service hors de France posent en effet de nombreuses questions pratiques que nous analysons phase par phase.
Rien n’est encore arrêté définitivement. Toutefois, comme au temps du service militaire et comme cela se fait aujourd’hui pour la JDC, les jeunes expatriés pourraient ainsi être dispensés d’effectuer le SNU tant qu’ils résident à l’étranger.
Nous devons ainsi prendre en considération le contexte particulier de chacun des territoires concernés, l’absence d’infrastructures, le caractère très dispersé des communautés françaises, les problèmes de sécurité dans certains pays, l’absence de personnel d’encadrement remplissant les conditions nécessaires, le caractère non francophone de certains jeunes et, bien sûr, le cas particulier des jeunes binationaux.
Cela ne signifie pas qu’ils en seraient nécessairement exclus. Nous pouvons aussi imaginer des hypothèses intermédiaires. Les travaux ne sont pas encore totalement aboutis. Le Président de la République fera, en temps voulu, les annonces.
Nous commencerons par une première expérimentation en 2019. En tout cas, nous étudions dès maintenant, en lien étroit avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, l’ensemble des options envisageables avant d’arrêter une option définitive.
fusion des rectorats de nice et d’aix-marseille
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 509, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, ma question porte sur la fusion des rectorats de Nice et d’Aix-Marseille et, par conséquent, sur l’éventuelle suppression de l’académie de Nice.
En juillet 2018, vous avez annoncé vouloir une seule académie par région. Pourtant, lors de votre venue à Nice en début d’année, vous aviez d’abord penché en faveur d’un simple rapprochement des services.
Si la décision de fusion devait être confirmée, les professeurs, les proviseurs et les personnels des établissements actuellement placés sous la responsabilité du rectorat de Nice perdraient inévitablement en proximité pour la mise en œuvre des politiques éducatives.
En matière d’examens, un rectorat unique redéfinirait, sous l’autorité du recteur, le service du département des examens et des concours, notamment pour le passage du baccalauréat et du brevet.
De plus, si certains postes devaient être transférés à plusieurs centaines de kilomètres de distance, ce seraient autant de foyers qui seraient impactés par cet éloignement, alors que leur vie quotidienne s’organise à Nice ou dans les communes voisines.
Si le rapport de François Weil préconise un rectorat unique par nouvelle région, la région Sud est un territoire densément peuplé, les effectifs des deux rectorats d’Aix-Marseille et de Nice additionnés donnent un ensemble proche d’une académie francilienne, mais dans le cadre d’un territoire à la fois plus vaste et mixte, mélangeant des zones urbaines denses et des zones rurales et de montagne.
Cette préconisation découle de l’application du nouveau cadre régional fixé par la loi de 2015 relative au redécoupage des 17 régions. Or, vous le savez, monsieur le ministre, la région Sud n’a pas été redécoupée géographiquement.
Monsieur le ministre, comptez-vous fusionner les rectorats de Nice et d’Aix-Marseille ? Si oui, selon quel calendrier ? Quelle est votre vision de la gouvernance éducative pour la région Sud, notamment en matière de réorganisation administrative pour ces deux académies dans les prochaines années ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Il s’agit bien évidemment, madame la sénatrice, d’une question très importante, sur laquelle je suis heureux de pouvoir m’exprimer.
Je souhaite commencer mon propos par une analyse de la situation existante. Tout le monde reconnaît que la réforme régionale de 2015 nous a placés dans une situation intermédiaire et, parfois, dans une ambiguïté dont il faut savoir sortir. C’est exact, il existait, avant la mise en œuvre de la réforme, deux académies dans cette région.
Aujourd’hui, les cartes des académies et des régions métropolitaines ne correspondent pas. Une telle situation n’est pas satisfaisante, à l’heure où l’éducation nationale doit conduire avec les régions des réformes d’envergure, notamment celle de l’orientation ou celle de la voie professionnelle.
C’est pourquoi nous avons décidé de nous appuyer sur les recommandations de la mission sur la réorganisation territoriale des services déconcentrés des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, conduite par François Weil, conseiller d’État, Olivier Dugrip, recteur de l’académie de Bordeaux, et deux inspecteurs généraux de l’éducation nationale, Marie-Pierre Luigi et Alain Perritaz.
De cette mission, je retiens les grands principes suivants, qui conduisent aujourd’hui la réforme.
Au 1er janvier 2020, il y aura 13 académies dirigées par 13 recteurs d’académie, dans les 13 régions métropolitaines. En fonction des caractéristiques de chaque territoire, le recteur pourra être assisté d’un adjoint.
Il n’y a pas de schéma préétabli, pas d’organisation unique à plaquer sur un territoire. Nous souhaitons au contraire que les territoires sortent gagnants de cette réforme, qui pourra d’ailleurs rééquilibrer certains aspects de la réforme de 2015. Par exemple, certaines fonctions des rectorats pourraient être positionnées dans des villes qui ne sont pas les capitales régionales. Il est également envisageable de distinguer rectorat d’académie dans une ville et chancellerie des universités dans une autre.
Les objectifs et le cadrage de la réforme territoriale ont été fixés par lettre adressée aux recteurs par la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal et moi-même le 19 juillet dernier. Depuis lors, les recteurs conduisent une large concertation avec les élus locaux et les services académiques, afin de permettre d’avoir une feuille de route dès la fin de l’année 2018. Nous annoncerons les arbitrages au début de l’année 2019.
Parallèlement à cette réforme, je souhaite renforcer l’action départementale et infradépartementale de l’éducation nationale, afin d’encourager des formules de gestion du système scolaire au plus près du terrain. Il s’agit là, me semble-t-il, du cœur de la réponse à votre question.
Car la première conséquence de la régionalisation qui a eu lieu avec la loi de 2015 doit être une vision stratégique à l’échelle de chaque grande région et des compétences renforcées à l’échelle de chaque département, pour prendre des décisions pragmatiques au quotidien, dans la lignée des propos tenus par le Président de la République au Congrès de Versailles de juillet dernier.
C’est le cas par exemple de l’expérimentation en cours sur la gestion des ressources humaines de proximité. Sous pilotage des recteurs et des DASEN, les directeurs académiques des services de l’éducation nationale, elle doit permettre d’humaniser la gestion des ressources humaines.
Madame la sénatrice, s’agissant de vos craintes d’un éloignement des examens ou de la gestion des ressources humaines, nous souhaitons avoir, comme vous le souhaitez, une vision départementale de proximité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour réponse à M. le ministre, en quatorze secondes.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Une perte de proximité ne doit pas se traduire par une rupture du service public, j’attire votre attention sur ce point. Il faut également rassurer s’agissant des inquiétudes relatives à des suppressions de postes, que vous avez vous-même annoncées pour 2019. Il convient aussi d’éviter les mobilités contraintes.
financement des accompagnants d’enfants handicapés sur les temps périscolaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la question n° 514, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le financement des accompagnants d’enfants handicapés scolarisés.
L’accueil à l’école des enfants handicapés progresse de manière très significative, et chacun de nous s’en réjouit. Les communes se sont pleinement engagées pour favoriser l’intégration en milieu ordinaire.
Le Conseil d’État a estimé que les auxiliaires de vie scolaire et les accompagnants d’élèves en situation de handicap relèvent de l’éducation nationale lorsqu’ils interviennent en temps scolaire, mais également périscolaire.
Toutefois, une note du ministère en date du 5 janvier 2018 a annoncé que leur financement devait être supporté par les communes. Sans doute y a-t-il un lien avec la décision du tribunal administratif de Pau d’octobre 2017, qui a considéré que la prise en charge financière de l’accompagnement incombait à la commune lorsque l’activité périscolaire ne pouvait être regardée « comme tendant à l’inclusion scolaire ».
Le plus souvent, les équipes de suivi de la scolarisation, qui répartissent les heures de travail des accompagnants, les consacrent au temps scolaire. Les collectivités locales sont alors contraintes de financer les accompagnants en temps périscolaires.
L’accueil des enfants handicapés à l’école est un enjeu de société, qui ne peut dépendre de la capacité financière éventuelle des communes.
Selon moi, il appartient à l’État, responsable de l’équité territoriale et de l’égalité des chances, porteur d’un projet ambitieux d’intégration, d’assurer la prise en charge financière d’un service indispensable à l’intégration des enfants handicapés, à qui on ne saurait dire : Tu peux être accueilli à l’école, mais pas à la cantine.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser si cet aspect sera intégré dans la réflexion que vous avez lancée en octobre dernier pour « rénover » la scolarisation des élèves handicapés ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Comme vous le rappelez dans votre question, madame la sénatrice, l’accueil des enfants en situation de handicap constitue effectivement un immense enjeu de société, qui est au cœur de nos priorités. Vous connaissez mon attachement au principe de l’école inclusive, et ma volonté que ce principe ne constitue pas un simple objectif, mais une réalité.
Je rappelle à titre liminaire que le ministère de l’éducation nationale consacrera 2,7 milliards d’euros à cette question en 2019, après y avoir affecté 2,3 milliards d’euros en 2018. Ce sont donc des efforts considérables.
Ainsi, 340 000 élèves en situation de handicap ont été accueillis à la rentrée 2018 dans les écoles et établissements publics et privés sous contrat. En matière d’accompagnement humain de ces élèves, le nombre d’AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap, qui est de 43 041, a dépassé pour la première fois le nombre des contrats aidés, lequel est de 29 000.
La question du financement de l’accompagnement des élèves handicapés pendant le temps périscolaire que vous évoquez est une question juridique complexe. (Mme Françoise Gatel opine.) Elle porte sur la répartition des compétences entre les collectivités, qui sont chargées de l’organisation des activités périscolaires, et l’État, qui a la charge du service public de l’éducation et du temps scolaire.
En pratique, lorsque l’accompagnant d’un élève en situation de handicap assiste également l’enfant pendant les activités périscolaires, il est mis à la disposition de la commune par le biais d’une convention signée entre l’État et la commune, qui assure sa rémunération au titre des activités périscolaires.
Certaines communes considèrent toutefois qu’elles n’ont pas à assurer la prise en charge financière de ces accompagnants durant le temps périscolaire.
Cette situation est à l’origine de plusieurs contentieux, qui ont donné lieu à des solutions divergentes de la part des juridictions administratives du fond, à savoir les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel.
Quant à la décision du Conseil d’État à laquelle vous faites référence, elle a été rendue dans le cadre d’un référé et ne saurait donc, en droit administratif, faire jurisprudence.
Aussi, afin de trancher définitivement cette question, mes services ont formé deux pourvois en cassation, qui permettront au Conseil d’État de se prononcer sur la question que vous posez et de clarifier les responsabilités de chacun – État et collectivités territoriales – quant au financement de l’accompagnement des élèves en situation de handicap.
Au-delà de cette question strictement juridique, nous travaillons de façon très constructive dans le cadre de la concertation que nous avons lancée, avec Sophie Cluzel, le 22 octobre dernier, au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, afin de garantir une meilleure continuité des temps scolaires et périscolaires pour les élèves en situation de handicap, parce que là est l’enjeu.
Cette concertation a également pour but d’explorer les pistes permettant de rendre le métier d’accompagnant plus attractif et de permettre à chaque AESH de voir sa situation financière s’améliorer par un temps de travail augmenté dans le cadre du décloisonnement entre temps scolaire et temps périscolaire.
Tel est l’objectif que nous devons poursuivre. Je suis sûr que nous parviendrons à des solutions positives et concrètes grâce à cette concertation, laquelle aboutira au premier trimestre 2019. Elle aura donc un impact à la rentrée 2019. Il s’agit, je le répète, de mettre en place une continuité des temps scolaires et périscolaires, que ce soit l’État ou la collectivité qui assume le financement du temps périscolaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour répondre à M. le ministre, en trente-neuf secondes.
Mme Françoise Gatel. Merci, monsieur le ministre. Je vous sais attentif à ce sujet. Le temps périscolaire particulièrement important pour les communes est celui de la cantine. En effet, les enfants handicapés scolarisés restent le plus souvent à la cantine, alors qu’ils participent beaucoup moins aux activités périscolaires du soir.
Je sais la complexité juridique du lien de subordination et la nécessité d’un temps de pause pour les accompagnants. J’insiste toutefois sur la nécessité, pour un enfant handicapé, de bénéficier du même personnel accompagnant à l’école et à la cantine.
Monsieur le ministre, l’effort budgétaire nécessaire pour rembourser aux communes le temps d’intervention des accompagnants durant la pause du déjeuner me semble peu eu égard à l’intérêt et à l’enjeu de la question.
option sport au baccalauréat
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 476, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Michel Savin. Monsieur le ministre, ma question porte sur la place du sport dans le cadre du nouveau baccalauréat prévu pour 2021.
D’après les informations disponibles, l’éducation physique et sportive pourra toujours faire l’objet d’une option choisie, en plus des deux heures hebdomadaires prévues dans les programmes.
Dans un entretien paru le 30 septembre dernier dans le JDD, vous avez indiqué que « le latin et le grec seront les deux seules options qui rapporteront des points bonus dans le nouveau baccalauréat ». Cette annonce est conforme à la maquette disponible en ligne, aux termes de laquelle « l’option langues et cultures de l’Antiquité est évaluée en contrôle continu et donne lieu, le cas échéant, à un bonus ».
Cette mesure n’est donc pas prévue pour les options LV3, arts et EPS. Je ne souhaite pas ici opposer les disciplines entre elles. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, les langues vivantes et étrangères, les arts et le sport étaient des matières optionnelles permettant elles aussi d’obtenir des points bonus pour le baccalauréat, au même titre que le latin et le grec.
Alors que la France accueillera dans six ans les jeux Olympiques et Paralympiques, alors que le Gouvernement a l’ambition de renforcer la pratique sportive, alors que ce même gouvernement souhaite avoir 3 millions de pratiquants sportifs supplémentaires, alors que l’éducation nationale a mis en place un programme d’appui aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 avec une labellisation « génération 2024 », alors que, dans le même temps, l’olympiade culturelle permettra de renforcer l’accès à la culture pour l’ensemble des Français, il est surprenant que ni le sport ni les arts ne puissent rapporter des points dans le nouveau baccalauréat, quand le latin et le grec bénéficieront d’un coefficient 3.
Monsieur le ministre, quelles sont donc les raisons de la suppression de l’option sports, mais également des arts, au baccalauréat à compter de 2021 ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Michel Savin, il s’agit d’une question très importante. Il ne faudrait surtout pas opposer les langues et cultures anciennes à l’éducation physique et sportive. Vous avez d’ailleurs fait référence aux jeux Olympiques, dont l’origine remonte à l’Antiquité.
Le ministère de l’éducation accorde une attention particulière au développement de l’éducation physique et sportive, essentielle à l’acquisition par les jeunes de bons réflexes en matière d’activité physique, de bien-être et de respect d’autrui.
La réforme du lycée et du baccalauréat général et technologique garantit pour chaque élève un enseignement commun obligatoire de deux heures en éducation physique et sportive, de la seconde à la terminale, et prévoit en outre un enseignement optionnel de trois heures. C’est évidemment beaucoup plus que ce qui est proposé pour les langues anciennes.
L’EPS est ainsi la seule discipline à être ouverte, selon les mêmes modalités, à la fois en enseignement commun et optionnel, à tous les élèves des voies générale et technologique au lycée.
L’enseignement optionnel d’EPS permet à tous les lycéens, quels que soient leurs projets d’orientation, d’approfondir leur pratique sportive dans un objectif de formation ou de santé.
Par ailleurs, le dispositif des sections sportives scolaires, maintenu dans le cadre de la réforme, permet la valorisation dans la scolarité d’un haut niveau de pratique sportive.
La réforme du lycée et du baccalauréat implique également une évolution des programmes. Le Conseil supérieur des programmes, le CSP, a rendu ses préconisations pour le programme de l’enseignement commun et de l’enseignement optionnel d’EPS au mois d’octobre 2018. Après une consultation, les textes réglementaires concernant les nouveaux programmes seront présentés aux instances à la fin du mois de décembre, pour une publication au premier trimestre de l’année 2019.
Enfin, avec la ministre des sports, nous menons une action volontariste à l’école, au collège et au lycée, pour promouvoir les pratiques sportives dans le cadre non seulement de l’EPS, mais aussi des associations sportives qui interviennent le mercredi.
Vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, de nombreuses actions sont menées en faveur de l’éducation physique et sportive, que l’on ne retrouve pas pour d’autres disciplines.
S’agissant des langues et cultures anciennes, il nous a semblé indispensable de les faire bénéficier d’un poids particulier dans le nouveau baccalauréat. Nous envoyons ainsi un signal, qui est unique et que nous assumons, pour le renouveau du latin et du grec en France. Cela n’entraîne aucunement une situation en défaveur des autres enseignements optionnels, comme le sport, les arts ou les langues, qui sont encouragés de bien d’autres façons.
L’évaluation de l’EPS se fera dans le cadre du contrôle continu. Il y aura également une prise en compte des bulletins, pour 10 % de la note finale. Il existe de multiples éléments d’encouragement des pratiques physiques et sportives, que nous n’opposons pas à d’autres encouragements en faveur d’autres disciplines.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour répondre à M. le ministre, en quarante et une secondes.
M. Michel Savin. Si j’ai bien compris, un effort sera fait en faveur de l’encadrement et de l’initiation au sport dans les programmes, ce qui constitue un signe très positif.
Pour autant, vous n’avez pas répondu à la question des options, monsieur le ministre. Selon moi, il est regrettable que le sport, qui est déjà très maltraité au niveau budgétaire – chaque année, le budget qui lui est consacré diminue –, soit également maltraité au niveau éducatif.
Un certain nombre de jeunes, notamment dans les quartiers difficiles, s’engagent par passion dans le sport ou les arts.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Michel Savin. Or cet engagement ne sera pas reconnu à sa juste valeur au moment du baccalauréat, ce qui est regrettable.
avenir de la diffusion des compétitions sportives féminines
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, auteur de la question n° 512, adressée à M. le ministre de la culture.
Mme Dominique Vérien. Ma question s’adresse à M. le ministre de la culture, mais je suis sûre que M. Blanquer est intéressé par son sujet.
La réforme de l’audiovisuel public prévoit l’arrêt de la chaîne France 4 sur la TNT, pour la basculer exclusivement en format numérique, en privant ainsi 50 % du territoire national, qui n’a pas accès à un débit internet suffisant pour une telle diffusion. De ce fait, la chaîne qui diffuse le plus grand nombre de compétitions sportives féminines sur le service public va disparaître de nos postes de télévision.
Or la représentation du sport féminin dans les médias est un enjeu majeur, qui touche à des sujets plus généraux tels que la place des femmes dans notre société, la pratique d’une activité sportive par la population, ou encore l’économie du monde sportif.
C’est une satisfaction de voir que la part d’antenne des compétitions sportives féminines est passée de 7 % des diffusions sportives en 2012 à près de 20 % en 2017. Cette hausse a été rendue possible grâce non seulement à l’audiovisuel public, mais aussi à l’implication des chaînes privées comme W9, D8 ou encore TMC, qui ont perçu le potentiel financier et l’importante rentabilité de ces programmes.
De plus, des événements sportifs comme la finale de la Coupe du monde féminine de football ont été de grands succès, à tel point que 4 des 10 plus grosses audiences de la TNT sont des retransmissions de compétitions sportives féminines.
En corrélation avec ces succès, le nombre de femmes licenciées dans une fédération sportive est en nette augmentation, marquant à la fois la réussite, mais aussi la nécessité de poursuivre ce développement.
L’arrêt de la chaîne France 4, qui était le principal canal de diffusion du sport féminin de l’audiovisuel public, ne doit pas mettre en danger ou freiner ce phénomène. Bien au contraire, une telle situation devrait permettre de donner un nouvel élan au sport féminin, en permettant sa retransmission sur des chaînes principales, comme France 2 ou France 3.
Dans le cas contraire, l’arrêt de France 4 sur la TNT impacterait négativement les parts de diffusion et laisserait intégralement aux chaînes privées ce filon économique et la promotion du sport féminin. En revanche, une bonne médiatisation des compétitions féminines permettrait de sortir de la spirale infernale des faibles investissements par manque de diffusions et des faibles diffusions par manque d’investissements.
L’approche de la prochaine Coupe du monde féminine de football, qui se tiendra en juin 2019 et sera organisée en France, pourrait d’ailleurs être l’occasion de diffuser sur une chaîne principale du service public une compétition 100 % féminine.
J’aimerais donc, monsieur le ministre, connaître votre engagement en faveur d’une retransmission sur les deux chaînes principales de France Télévisions des compétitions sportives féminines.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Vous avez raison, madame la sénatrice, cette question m’intéresse. J’y réponds toutefois en remplacement de M. Franck Riester, ministre de la culture, aujourd’hui en déplacement officiel à Bruxelles.
L’exposition du sport dans toute sa diversité est au cœur de la mission de service public de France Télévisions. Attentif au respect de cette mission, le Gouvernement se félicite du fait que le CSA ait dernièrement souligné, dans son avis sur l’exécution 2017 du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, la pluralité des disciplines sportives retransmises sur ses antennes.
Nous partageons également votre satisfaction s’agissant de la représentation croissante du sport féminin sur les chaînes de service public, qui ont contribué à le populariser ces dernières années, au point que certains acteurs privés de la télévision se positionnent désormais sur les droits des compétitions majeures. Les droits de la Coupe du monde de football féminine 2019, qui se déroulera en France, ont ainsi été acquis l’année dernière par TF1 et Canal+.
Au sein de l’offre de France Télévisions, le sport féminin n’est pas exposé uniquement sur France 4 : il trouve sa place sur l’ensemble des antennes de la société, en jouant sur leur complémentarité.
À titre d’exemple, 10 des 14 premières parties de soirée consacrées au championnat d’Europe de football de 2017 par France Télévisions l’ont été sur France 2 et France 3.
Nous encourageons bien évidemment France Télévisions à poursuivre l’exposition du sport féminin sur ses antennes, notamment les plus populaires, tout en étant respectueux de la liberté éditoriale de la société en la matière.
Cela étant dit, comme vous le savez, la transformation de l’audiovisuel public que porte le Gouvernement vise à redéployer des moyens consacrés jusqu’à présent aux seules antennes linéaires, pour construire une offre numérique de service public enrichie et adaptée aux nouveaux usages et attentes des Français.
À horizon 2020, cette modification de l’offre de service public supposera nécessairement le basculement de certains programmes d’une diffusion hertzienne à une diffusion exclusivement numérique, linéaire ou non. Cela vaudra aussi pour les programmes sportifs dans leur ensemble.
Compte tenu de l’enjeu que revêt la diversité des programmes sportifs et du sport féminin en particulier, et en tenant compte aussi de leur exposition croissante sur les chaînes privées, nous serons bien sûr attentifs à ce que les évolutions nécessaires des modes de diffusion ne se traduisent pas par un appauvrissement de l’offre de programmes ou par une dégradation de leur exposition, bien au contraire.
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Candidature à une commission
Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
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Questions orales (suite)
Mme la présidente. Nous reprenons les réponses à des questions orales.
assujettissement des hippodromes à la taxe foncière sur les propriétés non bâties
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteur de la question n° 296, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite évoquer l’assujettissement actuel des hippodromes à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties.
Les surfaces des pistes des hippodromes sont aujourd’hui considérées comme des propriétés bâties, ce qui est absolument incohérent.
Par ailleurs, la taxe foncière que les sociétés de courses doivent acquitter à partir de cette année, au titre de leurs infrastructures, dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, connaît une très forte augmentation.
La situation financière des sociétés de courses, qui financent toute une filière et des milliers d’emplois, est fragilisée après plusieurs années de baisse des enjeux, liée notamment à la concurrence des paris sportifs de la FDJ, la Française des jeux. Pour plusieurs d’entre elles, la hausse de la taxe foncière annoncée à moyen terme dans leur dernier avis d’imposition n’est pas supportable et poserait très clairement la question de leur avenir.
Les services fiscaux de certains départements semblent avoir récemment révisé la façon dont sont considérées les pistes des hippodromes, sans pour autant que cette interprétation compréhensive en surfaces non bâties soit généralisée. Par ailleurs, les problèmes de catégorisation des différents espaces composant un hippodrome persistent. Tous les espaces seraient ainsi considérés comme des surfaces principales, même lorsqu’ils ne sont pas accessibles au public.
Il serait donc plus cohérent, monsieur le ministre, d’apprécier toutes les surfaces non couvertes, à savoir les pistes, les parkings, les circulations et les prairies, en foncier non bâti et tous les espaces dédiés au public – halls, salons, tribunes, restaurants – en tant que surfaces bâties principales. Enfin, il conviendrait de classer en « autres surfaces » tout ce qui concerne les vestiaires, les hangars et les ateliers.
Serait-il donc possible, monsieur le ministre, de clarifier cette réglementation en ce sens, afin de rendre plus cohérente l’application de la taxe foncière aux hippodromes, en s’appuyant, vous l’avez compris, sur les usages concrets de ces espaces ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Loisier, vous attirez mon attention sur la situation fiscale, au regard de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, des terrains affectés à l’usage des courses hippiques, notamment à la suite de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels en 2017, et sur la possibilité de les assujettir à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la TFPNB.
En application de l’article 1381 du code général des impôts, les terrains qui ne sont pas cultivés et qui sont affectés à un usage industriel ou commercial sont passibles de la TFPB.
Pour les hippodromes, les terrains affectés aux pistes d’entraînement ou de compétition sont donc imposables à la TFPB lorsqu’ils présentent un usage commercial. Dans ce cas, ils sont classés soit dans la catégorie des locaux des établissements ou terrains réservés à la pratique d’un sport ou à usage de spectacles sportifs, soit, le cas échéant, dans celle des locaux présentant des caractéristiques exceptionnelles. Dans le cas contraire, ils sont imposables à la TFPNB. Votre demande est donc déjà partiellement satisfaite.
Vous proposez néanmoins d’élargir l’exception introduite pour les terrains de golf aux terrains affectés à des courses hippiques.
En effet, en application du troisième alinéa de l’article 1393 du code général des impôts, la TFPNB est également due pour les terrains non cultivés affectés à la pratique du golf, lorsque l’aménagement de ces terrains ne nécessite pas la construction d’ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions.
Votre proposition introduirait une exception de plus à l’assiette de la TFPB, qui ne paraît pas justifiée. En outre, cette mesure ne manquerait pas de susciter des demandes similaires de la part d’autres secteurs d’activité, tout aussi dignes d’intérêt.
Enfin, le transfert systématique des terrains hippiques exploités commercialement de la TFPB à la TFPNB aurait des conséquences non négligeables pour les recettes des collectivités territoriales, les recettes de TFPNB étant évidemment moins importantes que les recettes de TFPB.
Par ailleurs, les communes et EPCI ne percevraient plus la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, puisque celle-ci est une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
S’il est vrai que la réforme de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, applicable depuis le 1er janvier 2017, a pu entraîner des variations à la hausse comme à la baisse des montants de TFPB, des mécanismes atténuateurs ont été prévus : ils limitent fortement ces variations, afin de rendre soutenable la réforme.
Cela étant, pour tenir compte des augmentations liées à l’importance des surfaces déclarées par certains grands hippodromes, mes services ont entamé cet été un travail d’analyse avec les représentants de la Fédération nationale des courses hippiques afin de s’assurer de la correcte évaluation des établissements concernés.
Cette démarche en cours de finalisation avec les professionnels du secteur…
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … me paraît de nature à répondre, à terme, aux préoccupations dont vous avez bien voulu me faire part.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour répondre brièvement à M. le secrétaire d’État. Vous disposez en effet de vingt secondes, ma chère collègue.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre attention sur ce sujet. Selon moi, la situation de la filière cheval, qui représente 55 000 entreprises sur l’ensemble du territoire, n’est pas comparable à celle du golf.
Une subtilité consisterait à faire passer ces structures, au titre d’une taxation sur le foncier bâti ou sur le foncier non bâti, de la catégorie 1 à la catégorie 2, afin de faciliter le quotidien et l’avenir de ces structures.
projet d’intérêt général metaleurop nord et taxe foncière
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteur de la question n° 456, transmise à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Sabine Van Heghe. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’abattement de 50 % de la taxe foncière pour les propriétaires situés à l’intérieur du périmètre du projet d’intérêt général, ou PIG, Metaleurop Nord.
En effet, jusqu’à sa fermeture en 2003, cette usine bâtie en 1893 a rejeté dans l’air quantité de polluants, laissant derrière elle une pollution irréversible des sols, au plomb et au cadmium.
En 1999, un périmètre dit « PIG » a été défini, afin de délimiter les terres polluées autour de l’usine à Courcelles-lès-Lens, Evin-Malmaison et Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais. Les habitants concernés par ce périmètre ne peuvent pas construire comme ils le veulent ou cultiver leurs terres, d’où un réel préjudice, comme une moins-value de leur habitation.
Du fait de ces préjudices incontestables, l’Assemblée nationale a adopté au mois de décembre 2016, dans le projet de loi de finances rectificative, une disposition permettant aux communes concernées de consentir un abattement de 50 % de la taxe foncière pour tous les propriétaires touchés, dans le périmètre concerné, avec l’engagement que l’État le compenserait à l’euro près sur la dotation globale de fonctionnement, ou DGF.
Les élus des trois villes touchées et de la communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin ont donc voté cet abattement, pour qu’il puisse être applicable en 2018. Mais le reversement de l’État n’est pas venu… Ce flou quant aux modalités de compensation par l’État suscite de vives inquiétudes s’agissant de l’équilibre du budget des collectivités concernées.
Il est donc primordial que l’engagement pris par l’État soit enfin respecté, afin d’éviter aux villes concernées des difficultés financières qui s’ajoutent à celles qu’elles rencontrent chaque jour davantage. Il faut que les tergiversations de l’État cessent et que les promesses soient tenues.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Van Heghe, vous m’interrogez sur les modalités de mise en œuvre de l’abattement de 50 % de la taxe foncière pour les propriétaires situés à l’intérieur du périmètre du projet d’intérêt général Metaleurop Nord prévu par la loi de finances rectificative pour 2016.
J’attire votre attention sur un point : la disposition prévue au III de l’article additionnel qui avait été adopté constitue en réalité un « gage » ayant pour objectif de compenser la perte de recettes résultant pour une ou plusieurs collectivités d’une mesure proposée par un amendement parlementaire. En effet, l’article 40 de la Constitution, que nous connaissons tous bien, n’autorise la diminution d’une ressource publique que dans la mesure où elle est compensée par l’augmentation d’une autre ressource. Or son champ ne se limite pas aux moyens financiers de l’État ; l’article s’applique également aux organismes de sécurité sociale et aux collectivités territoriales. C’est pourquoi une disposition entraînant une diminution des ressources d’une ou de plusieurs collectivités territoriales, par exemple l’introduction d’un abattement ou d’une exonération sur une imposition, n’est recevable qu’à la condition d’être compensée, ou « gagée », par l’augmentation « à due concurrence » d’une autre recette.
C’est bien l’objet de la mesure de compensation prévue au III, qui visait en réalité à assurer la recevabilité de l’amendement n° 517 déposé par M. Philippe Kemel, alors député de la circonscription. En l’occurrence, le III de l’article assure la recevabilité financière de l’amendement au regard des ressources des collectivités locales tandis que le IV garantit cette recevabilité au regard des ressources de l’État, qui se trouveraient diminuées par la mise en œuvre d’une majoration de la DGF.
Actuellement, il n’est pas possible, d’un point de vue juridique, de mettre en place une telle compensation individuelle pour la communauté d’agglomération Hénin-Carvin ou les communes de Courcelles-lès-Lens, de Dourges, d’Evin-Malmaison, de Leforest et de Noyelles-Godault.
En effet, la détermination du montant des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales relève du domaine de la loi de finances, conformément aux articles 6 et 34 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, et non du pouvoir réglementaire. Or il se trouve que le législateur, et non l’État, n’a jamais majoré la DGF afin de tenir compte de l’abattement créé en loi de finances rectificative pour 2016. Cela rend impossible l’application de la compensation.
En outre, les attributions individuelles au titre de la dotation globale de fonctionnement sont calculées selon des critères fixés intégralement par le législateur et qui ne laissent pas de place à l’interprétation du pouvoir réglementaire. La mise en œuvre de la compensation sollicitée par les collectivités nécessiterait alors que, au-delà de majorer le montant global de la DGF, le législateur institue en son sein une part destinée à compenser les pertes de ressources occasionnées par la mise en œuvre de l’article 1388 quinquies B du code général des impôts.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Telles sont les informations que je suis en mesure de porter à votre connaissance, madame la sénatrice.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en trente-neuf secondes.
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le secrétaire d’État, voilà une subtilité que les collectivités concernées apprécieront…
La compensation, qui était d’ailleurs promise dans la loi, serait, me semble-t-il, un bon signal adressé à toutes les communes de France, surtout en ce jour de Congrès des maires. Les élus locaux sont très inquiets à propos de la compensation de la taxe d’habitation, qui sera supprimée prochainement.
fin des téléphones fixes
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, auteur de la question n° 454, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Daniel Gremillet. Le 15 novembre dernier, Orange a mis fin à la commercialisation des téléphones fixes. Le réseau téléphonique commuté, ou RTC, va progressivement disparaître à compter de 2023, au profit de la technologie IP. Dans l’immédiat, seuls les nouveaux clients d’Orange et les abonnés qui déménagent sont concernés.
Plusieurs questions m’interpellent. Cela concerne à la fois les usagers et les entreprises. Je souhaiterais pouvoir rassurer ces publics, mais également avoir la certitude que toutes les dispositions seront bien prises pour satisfaire au maintien d’un service téléphonique de qualité à un prix raisonnable.
Les entreprises disposeront de cinq ans pour faire évoluer leurs services de téléphonie et faire jouer la concurrence, afin de choisir l’offre de téléphonie la plus adaptée à leurs besoins. Ce temps peut aussi se révéler bien trop court s’agissant des usages spéciaux du réseau RTC. Je pense au fax, aux télédéclarations de type PAC, à la télésurveillance, aux alarmes d’ascenseurs ou à la téléalarme pour les personnes isolées. Ces équipements, souvent indispensables au fonctionnement des entreprises, s’appuient encore largement sur la technologie RTC, dont on sait par ailleurs qu’elle sera inutilisable en cas de coupures d’électricité.
Je crains que cette décision ne renforce malheureusement les effets de la fracture numérique. Effectivement, le nouveau fixe installé en protocole internet sera plus exposé aux pannes, car il nécessite l’électricité, alors que le réseau RTC fonctionnait même sans électricité.
Pour fonctionner en permanence, ce nouveau téléphone fixe nécessite d’avoir internet. Or, nous le savons, 7,5 millions de Français disposent d’un internet de mauvaise qualité. De plus, ce sont les zones rurales qui sont majoritairement touchées.
La question des tarifs inquiète légitimement la population. Nous avons besoin d’avoir des assurances.
L’État est le garant d’un service téléphonique de qualité à un prix raisonnable. Le groupe Orange a été désigné opérateur du service universel.
Pouvez-vous garantir aux abonnés, particuliers ou entreprises, que la mutation s’effectuera dans les conditions les plus simples et les moins onéreuses possible ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Gremillet, l’arrêt du RTC, annoncé le 15 novembre dernier, constitue une étape essentielle pour la modernisation de nos infrastructures de télécommunications.
Concrètement, à partir du mois de novembre 2018, c’est tout d’abord la commercialisation de nouveaux accès sur le RTC qui va cesser. Les accès existants seront maintenus. Ensuite, progressivement, à partir de 2022, et jusqu’en 2024, le service RTC sera arrêté par plaques annoncées cinq ans à l’avance. Les opérateurs et l’État accompagneront donc les usagers dans cette transition, en termes d’information et d’accompagnement technologique.
La modernisation a pour objectif d’améliorer la qualité de service de l’utilisateur. Elle ne signe pas pour autant la fin du réseau de cuivre. Il est essentiel que le réseau de cuivre, qui constitue pour de nombreux concitoyens le seul moyen de communication, soit pleinement maintenu en attendant le déploiement des nouveaux réseaux de fibre optique.
C’est tout le sens du mécanisme de service universel, dont le Gouvernement entend veiller à la pleine effectivité, et pour lequel l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a exercé sa mission de contrôle tout récemment, dans le cadre d’une procédure de mise en demeure à l’encontre du groupe Orange, qui est chargé du service universel.
Pour les usagers, la fin du RTC ne signifie pas une modification des tarifs, ceux du service universel étant fixés indépendamment de la technologie utilisée par l’opérateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en quinze secondes.
M. Daniel Gremillet. Il était important d’avoir des assurances. Trop de questions se posent, notamment pour la population et les entreprises les plus fragiles. Il ne s’agit pas de refuser le progrès. Nous voulons simplement que les usagers les plus exposés puissent continuer de se sentir bien dans notre société.
suppressions d’emplois dans le groupe carrefour
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteur de la question n° 467, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Michelle Gréaume. Au début de l’année 2018, le groupe Carrefour a engagé un plan de restructuration et d’économies, axé notamment sur la fermeture du réseau de proximité formé par les ex-magasins Dia et la suppression de 2 100 emplois.
Les promesses n’ont pas manqué : promesses quant à la recherche de repreneurs, afin de limiter le nombre de fermetures de magasins ; promesses de reclassements internes, d’aides à la formation, censés limiter au maximum le nombre de licenciements, le PDG du groupe s’engageant même à reclasser la moitié des salariés concernés.
Onze mois plus tard, le verdict est tombé, dans sa cruelle réalité : 243 magasins ont été fermés ; près de 1 500 salariés ont reçu leur lettre de licenciement. Un peu plus de 200 seulement ont trouvé un nouveau poste en interne. Ces chiffres justifient à eux seuls nos interrogations sur la sincérité et la réalité des efforts fournis par le groupe. Seuls 30 magasins ont été cédés à des repreneurs. Cela laisse à penser que des offres de reprise auraient été refusées au seul motif de ne pas favoriser la concurrence. Ainsi, 152 magasins auraient fait l’objet d’une offre sérieuse pourtant rejetée. Et que dire des offres de reclassement faites aux salariés ? Certaines à plusieurs centaines de kilomètres ; d’autres avec baisse de salaires ; d’autres encore sur des postes sans aucun lien avec la fonction exercée et sans proposition de formation, quand les postes en question n’étaient pas tout simplement déjà pourvus !
Le Gouvernement, à plusieurs reprises, a fait état de sa « vigilance sur la qualité du dialogue social ». Par conséquent, nous ne pouvons que nous étonner du silence assourdissant qui accompagne aujourd’hui ce qui constitue un des plus grands plans de licenciements en 2018. Car nous parlons d’un groupe qui a défrayé la chronique par l’ampleur des rémunérations attribuées à ses dirigeants, des dividendes versés aux actionnaires et des exonérations sociales dont il a bénéficié, soit 2 milliards d’euros en cinq ans.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, les mesures qui ont été prises pour contraindre Carrefour à respecter ses engagements, c’est-à-dire pour garantir la qualité du dialogue social ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Gréaume, face aux bouleversements du secteur de la distribution, le groupe Carrefour a décidé d’investir 2,8 milliards d’euros en cinq ans. Cela sera dédié à la transformation numérique et à la mise en place d’une nouvelle stratégie, liée au concept d’« omnicanal ».
Ce choix stratégique conduit à la mise en place de projets de réorganisation. Il faut le souligner, deux accords majoritaires ont été conclus avec les organisations syndicales de salariés le 25 avril 2018. Le premier concerne la restructuration des sièges et la suppression de 2 400 emplois, à travers la mise en place d’un plan de départs volontaires autonome ; la mobilité externe sera encouragée, de même que les départs liés à la création d’entreprise, ainsi que les départs en retraite anticipée pour les salariés susceptibles de faire valoir leurs droits à la retraite d’ici à la fin 2020. Le second accord entraîne la fermeture de 273 magasins de l’enseigne Dia – vous l’avez rappelé – et la mise en location-gérance de 79 autres magasins, avec un total de 2 100 suppressions d’emplois en CDI dans les magasins et de 200 suppressions dans les sièges.
Outre l’alignement des mesures sociales des ex-magasins Dia avec les mesures du plan de départs volontaires des sièges, la direction de l’entreprise a pris des engagements en matière de reclassement interne, au travers de la mise en place d’actions de formation, d’une cellule d’accompagnement, ainsi que de diverses aides destinées à faciliter le reclassement des salariés, avec notamment des garanties sociales et des périodes d’adaptation.
Concernant le personnel des magasins fermés avec départ contraint, 156 dossiers ont été validés pour un reclassement interne au sein du groupe et 1 753 courriers ont été envoyés proposant deux offres de reclassement interne à chacun des salariés concernés par un départ contraint.
Dans le cadre de cette restructuration d’ampleur, l’État a effectivement affirmé à plusieurs reprises son attachement à un dialogue social de qualité, dialogue qui se tient avec les représentants du personnel. Il y veille très concrètement dans le cadre de la commission de suivi du plan de sauvegarde de l’emploi de Carrefour Proximité, à laquelle participent activement les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE.
Plus globalement, le Gouvernement a exigé du groupe Carrefour que cette restructuration s’opère de la manière la plus responsable possible. Il continuera d’être très vigilant quant aux conséquences sociales de ces mesures et à la bonne exécution du plan de sauvegarde de l’emploi, qui a été validé par un jugement du tribunal administratif de Caen le 8 novembre dernier.
À cette fin, les services du ministère du travail et les services du ministère de l’économie et des finances sont particulièrement attentifs à ce que la direction de l’entreprise respecte l’intégralité de ses engagements en matière de reclassement vis-à-vis des salariés et qu’elle mobilise tous les moyens que l’on peut attendre d’un groupe de cette envergure pour garantir le maintien ou l’accès à l’emploi des salariés concernés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en vingt secondes.
Mme Michelle Gréaume. Vous ne m’enlèverez pas de l’idée que le Gouvernement fait preuve d’une grande passivité sur ce dossier. Ce n’est pas acceptable. J’ai évoqué le montant des exonérations dont a bénéficié Carrefour. Le Gouvernement, qui est si soucieux d’économie et de rigueur budgétaire, serait bien inspiré de demander des comptes sur l’utilisation de cet argent public versé à fonds perdu et d’exiger son remboursement. C’est la moindre des choses. Car, à l’évidence, cela a servi à tout sauf à préserver l’emploi.
sécurisation des bouteilles de gaz
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux, auteur de la question n° 501, transmise à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Yves Bouloux. Qu’ils soient professionnels ou volontaires, les sapeurs-pompiers français sont un exemple de dévouement, toujours prêts à affronter tous les périls pour secourir nos concitoyens. Pour autant, rien ne peut justifier de les exposer à des menaces mortelles qui devraient être assez facilement évitées.
En 1999, un sapeur-pompier s’est vu arracher une jambe par l’explosion d’une voiture au gaz de pétrole liquéfié, le GPL. Les enseignements de ce drame en ont été tirés : les véhicules ont été sécurisés grâce à une soupape permettant une lente évacuation du gaz. Cependant, aucune réglementation n’est imposée sur les bouteilles de gaz classiques, GPL ou propane, que l’on trouve partout en France.
Pourtant, quand ces bouteilles sont impliquées dans un incendie, ce qui est fréquent, elles sont un facteur terriblement aggravant. En effet, elles explosent dans un délai inférieur à cinq minutes lorsqu’elles sont immergées dans les flammes. Il s’ensuit une élévation de la température et un violent accroissement de la pression, entraînant des projections de fragments de tôle en effets missiles à des distances supérieures à 80 mètres.
Les conséquences sur la période 2010–2017 sont effroyables : décès d’un sapeur-pompier professionnel, neuf personnes grièvement blessées, essentiellement sapeurs-pompiers ; sinistres avec impossibilité d’attaque pour les soldats du feu et dégâts considérables.
Il paraît donc impératif d’agir au plus vite, à l’instar de la réglementation des véhicules GPL – cela n’a pris que deux mois –, afin d’éviter de nouveaux drames humains et d’énormes préjudices matériels.
Heureusement, les bouteilles de nouvelle génération ne posent pas de problème. Mais il s’agit pour le très important stock de bouteilles d’acier de remplacer l’ancien dispositif par un couple soupape-fusible, ce qui pourrait se faire raisonnablement dans un délai de cinq à huit ans.
De nombreux pays européens ont décidé de sécuriser leur parc de bouteilles de gaz, sur le type de dispositif que je viens d’exposer : le Royaume-Uni, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, la Suède, la Finlande, le Danemark… Ces États ont pris la mesure de l’enjeu. C’est une évidence : la France doit s’engager au plus vite sur ce chemin, pour la sécurité de la population, en particulier celle des sapeurs-pompiers.
Quelles mesures précises le Gouvernement envisage-t-il sur ce sujet ? Et dans quel délai ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Bouloux, le Gouvernement partage votre souci d’améliorer les conditions d’intervention des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires et de sécuriser au maximum les conditions d’intervention de ceux-ci.
Dans ce cadre, vous avez bien voulu solliciter notre attention sur la sécurisation du parc français de bouteilles de gaz, en soulignant plus particulièrement le danger que constitue l’exposition aux flammes de ces mêmes bouteilles. Certains représentants des sapeurs-pompiers, vous l’avez rappelé, estiment en effet qu’elles devraient être obligatoirement munies de soupapes. Le sujet est extrêmement contraint en droit. Je souhaite vous apporter quelques éléments.
Les bouteilles conformes à la directive que vous mentionnez sont en libre circulation dans l’Union européenne, qui n’impose ni n’interdit pas les soupapes. Il ne peut donc pas y avoir de surtransposition pour ces bouteilles.
Néanmoins, l’utilisation du parc historique, qui représente aujourd’hui encore la majorité des bouteilles en France, reste possible. Ce parc n’est pas équipé de soupapes susceptibles d’avoir un effet favorable pour l’exposition des sapeurs-pompiers en cas d’incendie. Mais les bouteilles sont équipées d’un limiteur de débit incompatible, dans l’état actuel des techniques, avec la soupape, qui permet de maîtriser le risque lié à des chutes de la bouteille sur le robinet.
À la suite de contacts avec les sapeurs-pompiers, le Gouvernement a décidé de confier à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, l’INERIS, une étude relative aux comportements des bouteilles en acier de GPL soumises au feu.
Cette étude, qui s’appuiera sur les essais déjà réalisés, y compris par les sapeurs-pompiers eux-mêmes, permettra de développer un modèle théorique de prédiction du comportement d’une bouteille de GPL en acier prise dans un feu et de déterminer les avantages et inconvénients des différents dispositifs de sécurité envisagés. Dans ce cadre, il conviendra de mener une analyse de risques portant sur l’ensemble du cycle de vie de la bouteille, pour ne pas se limiter à la seule prise en compte du risque d’exposition au feu. Je pense par exemple au stockage en extérieur à des températures plus ou moins élevées ou encore aux conditions de transport.
Les résultats de cette étude permettront d’argumenter une proposition qui visera à rechercher l’appui d’une majorité des États membres de l’Union pour modifier si nécessaire – vous semblez penser que cela l’est – la réglementation européenne couvrant la conception de ces bouteilles de gaz du parc historique.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en vingt secondes.
M. Yves Bouloux. Monsieur le secrétaire d’État, je vous entends. Mais de grâce : faisons vite et épargnons d’autres vies ! Certains sapeurs-pompiers ont malheureusement pâti de cette problématique, qu’il faut prendre en compte très rapidement.
fermeture de la base aérienne de châteaudun
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 439, adressée à Mme la ministre des armées.
Mme Chantal Deseyne. Ma question porte sur la fermeture de la base aérienne de Châteaudun, en Eure-et-Loir.
Le ministère des armées a pris la décision de fermer la base militaire de Châteaudun dès le second semestre 2021. Cette base compte encore 330 personnels civils et militaires. À compter de 2021, l’activité de démantèlement d’avions militaires sera totalement externalisée, pour des raisons de coût.
Ainsi, 330 militaires et civils vont partir, ce qui représente en tout près de 500 consommateurs, contribuables et scolaires en moins pour ce territoire. Les conséquences sociales et économiques de cette décision sont considérables pour les salariés, pour l’économie locale et pour l’avenir de tout le bassin de vie de Châteaudun, qui est déjà particulièrement sinistré.
Je souhaiterais donc savoir si le maintien de cette base aérienne ne pourrait pas être envisagé. À défaut, quelles sont les solutions proposées par le Gouvernement pour l’avenir de ce site, où les gros-porteurs de plus de 40 tonnes peuvent décoller et atterrir ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, Mme la ministre des armées m’a chargé de vous répondre.
La base aérienne de Châteaudun a été dissoute en 2014, le site ayant été depuis recentré sur le stockage d’aéronefs. La fin de la politique de stockage actif des aéronefs, qui était la mission résiduelle principale de cette emprise, a amené le ministère des armées à envisager sa reconversion en site de déconstruction des aéronefs. Aucun projet industriel viable de ce type n’a cependant pu être identifié.
Ce constat d’une emprise sans devenir opérationnel ni industriel a été confirmé par les équipes du ministère des armées, qui ont examiné ce dossier sur place au début de l’année 2018. Plutôt que de remettre à plus tard cette décision difficile, Mme la ministre des armées a souhaité trancher rapidement, afin de faire bénéficier les Dunois d’un dispositif arrivant à expiration à la fin de l’année 2018, celui du contrat de redynamisation du site de défense, le CRSD. Vous savez combien il a été précieux pour la reconversion réussie de la caserne Kellermann.
C’est pourquoi Mme la ministre des armées a décidé au mois de juillet dernier un désengagement progressif du site d’ici à 2021, comme vous l’avez rappelé, et en a informé les élus locaux. M. le Premier ministre a mandaté la préfète de l’Eure-et-Loir pour aboutir à un nouveau CRSD d’ici à l’été prochain, avec l’appui du Commissariat général à l’égalité des territoires et la délégation à l’accompagnement régional.
Vous pouvez compter sur l’engagement du Gouvernement pour accompagner la région, le département et la municipalité, afin de valoriser le foncier du site de Châteaudun et lui dessiner un avenir soutenable.
À ce titre, je citerais trois dossiers qui nous semblent prometteurs – je pense que vous les connaissez puisqu’ils font l’objet d’un suivi attentif – : l’implantation d’un circuit automobile, l’installation d’une centrale photovoltaïque ou encore la construction d’un démonstrateur de dirigeables.
Parce que votre mobilisation et celle de tous les acteurs locaux sont nécessaires pour accompagner le développement économique de ce bassin de vie, le ministère des armées fera très prochainement un nouveau point de situation, en présence de Mme la préfète et des élus locaux. Vous serez informée des évolutions et de la préparation du CRSD.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en un peu plus d’une minute.
Mme Chantal Deseyne. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, même si elle ne comporte pas forcément beaucoup d’éléments nouveaux, puisque je disposais déjà de ces informations.
Je vous signale simplement une annonce parue ce matin dans la presse locale : M. le Premier ministre pourrait indiquer dès jeudi la centaine de « territoires d’industrie » qui seront accompagnés par l’État. Or la ville de Châteaudun, 13 000 habitants, qui remplit un certain nombre de critères, avait postulé. Elle pourrait être éligible à ce dispositif, qui bénéficiera d’un accompagnement, dont un accompagnement financier de l’ordre de 500 millions d’euros.
Le bassin de Châteaudun est un bassin particulièrement sinistré. Une instance de réflexion et de proposition est déjà en place autour de la préfète. Nous souhaitons vraiment trouver des solutions pour revitaliser ce bassin. C’est une spirale infernale : le démantèlement du site de la base de Châteaudun entraîne l’économie du secteur dans le déclin.
prises de vues aériennes des prisons françaises accessibles sur internet
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, auteur de la question n° 481, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. François Bonhomme. Ma question porte sur les problèmes de sécurité soulevés par la diffusion de prises de vues aériennes des prisons françaises sur Google Maps et Google Earth.
Pour rappel, l’arrêté du 27 octobre 2017 fixe la liste des zones interdites à la prise de vues aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur. Parmi les 247 zones interdites de prises de vues aériennes en France figurent 68 prisons. La prise de vues aériennes de l’un de ces sites est ainsi passible d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Toutefois, près d’un an après la publication de cet arrêté, une cinquantaine de prisons, dont certaines accueillent des individus dangereux, resteraient visibles.
C’était il y a un mois encore le cas de la maison centrale de Réau, que tout le monde connaît malheureusement aujourd’hui. Voilà un mois, Google expliquait cette absence de floutage par le caractère non rétroactif de l’arrêté du 27 octobre 2017 : ce dernier ne s’appliquerait qu’aux photos prises depuis 2017.
Or chacun sait que l’accès à ces prises de vues aériennes dites « sensibles » pose de véritables problèmes de sécurité. Cela peut par exemple être utilisé pour préparer et organiser des évasions.
Constatant que ses demandes de floutage de sites sensibles sur Google Maps demeuraient lettre morte, le ministère de la défense belge a annoncé, au mois d’octobre dernier, sa volonté d’attaquer Google en justice.
Madame la garde des sceaux, le 16 octobre dernier, Google vous a annoncé par voie postale le démarrage du floutage des vues aériennes de prisons françaises visibles sur Google Maps et Google Earth, sans pour autant spécifier les prisons concernées. Dans le même temps, Google s’engageait à vous tenir informée de l’évolution du processus toutes les trois semaines.
Pourriez-vous nous préciser le programme de déploiement du floutage ? Où en sommes-nous ? Le cas échéant, quelles mesures envisagez-vous pour vous assurer que Google respecte effectivement le retrait ou le floutage des vues aériennes de nos prisons, afin de garantir leur sécurité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Bonhomme, le 31 juillet dernier, j’ai effectivement transmis un courrier à la direction de Google France en lui demandant de prendre les dispositions techniques nécessaires pour garantir le retrait ou le floutage des vues aériennes sur Google Earth et Google Maps des établissements pénitentiaires listés en annexe des arrêtés pris les 27 janvier et 27 octobre 2017.
La direction de Google France m’a répondu par deux courriers, le premier du 14 août et le second du 8 octobre ; vous y avez fait allusion. Google France m’a signalé que tout était mis en œuvre pour finaliser le floutage de l’ensemble des lieux visés par les arrêtés pris en 2017 d’ici au début du mois de décembre 2018. Nous pourrons donc très prochainement mesurer la portée de l’engagement qui a été pris par Google France. Mais je sais que cela commence d’ores et déjà à être effectif.
En parallèle, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale conduit actuellement des travaux qui rassemblent les experts juridiques des ministères, directions générales et agences concernés pour adapter les dispositions juridiques encadrant la prise de vue aérienne et par satellite des sites sensibles. Ce groupe de travail, auquel participe le ministère de la justice, a pour objectif de refondre le cadre juridique de la captation d’images et de leur diffusion, afin de préserver les zones sensibles, considérées comme des points d’importance vitale et stratégique. Il vise l’ensemble des fournisseurs, bien au-delà donc des seuls services qui sont proposés par Google. Ses travaux sont menés sur la base des propositions émises par la Direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense, du ministère des armées, dans son rapport du 4 juin 2018, consacré à ce sujet.
Sans attendre, le ministère de la justice, par arrêté du 12 octobre 2018, a enrichi la liste des zones interdites à la prise de vue aérienne pour couvrir tous les établissements les plus sensibles, portant le total de trente-huit à quatre-vingt-neuf sites. Les travaux de recensement des coordonnées GPS des autres sites se poursuivent, afin que l’ensemble des établissements pénitentiaires soient pris en compte en 2019.
Comme vous le voyez, c’est une action globale qui est menée pour assurer l’efficacité des mesures de sécurité que nous prenons pour l’ensemble de nos établissements pénitentiaires.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour répondre à Mme la garde des sceaux, en vingt-cinq secondes.
M. François Bonhomme. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, dont je prends acte, comme de vos intentions. Je regrette néanmoins la faible réactivité de Google par rapport à vos injonctions. Malheureusement, le mal est fait : les captures d’écran ont eu lieu et des actions sont peut-être en préparation sur la base de ces données photographiques. Pour l’avenir, j’ai bien noté que vous souhaitiez faire évoluer le cadre juridique relatif aux prises de vues aériennes.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. François Bonhomme. C’est nécessaire, car les choses ne peuvent pas rester en l’état, la situation étant insécure pour les maisons d’arrêt.
sécurité dans les prisons
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 497, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Brigitte Lherbier. Pas un mois ne passe sans que la sécurité de nos établissements pénitentiaires soit évoquée dans les médias, au Parlement ou par vous-même, madame le garde des sceaux.
La mission de sécurité de l’administration pénitentiaire consiste à assurer une sécurité optimale dans les prisons en prévenant les évasions, les mutineries, les violences, les dégradations ou les suicides. Sa mission est aussi de prévoir la réinsertion des condamnés à leur sortie pour éviter la récidive.
Depuis 2015, le contexte terroriste a naturellement accentué cette exigence de sécurité et nous oblige à une vigilance accrue.
L’agression de trois surveillants à Vendin-le-Vieil en janvier dernier, par un détenu condamné pour terrorisme, fut à l’origine d’un grand mouvement de mobilisation du personnel pénitentiaire. Il nous faut à toutes fins qu’il ne se redéclenche pas.
Les surveillants, à qui je voudrais rendre hommage, nous ont alertés très souvent sur leurs conditions de travail particulièrement difficiles, sur le manque de personnel qui les expose dangereusement pendant l’exercice de leur mission et sur les difficultés à recruter de nouveaux collègues.
La surpopulation continue de dégrader la vie carcérale et pèse sur les conditions de sécurité de nos établissements pénitentiaires. L’été a été difficile dans de nombreux endroits de France. Il faisait très chaud dans les maisons d’arrêt, au sens propre comme au sens figuré.
La semaine dernière, je suis allée visiter la prison de la Santé avec quelques collègues sénateurs : les syndicats de surveillants nous ont exprimé de nouveau leur mécontentement et leurs craintes. Ils dénoncent surtout le manque de reconnaissance face aux difficultés des missions qu’ils exercent.
Une nouvelle promotion de surveillants devrait assurer l’ouverture de la prison de la Santé : beaucoup de ces personnes venues de l’outre-mer n’ont toujours pas trouvé de logements décents à prix raisonnable afin de pouvoir s’installer à Paris.
Certains surveillants stagiaires ont trouvé des solutions d’hébergement précaire, notamment dans les foyers de jeunes travailleurs. D’autres sont toujours en cours de recherche. Tous réclament des lieux de détente, de sport, pour évacuer la pression quotidienne et pour s’entraîner physiquement. C’est bien le moins que l’on puisse leur offrir quand on sait le nombre de menaces de représailles qu’ils subissent chaque jour. Le sénateur François Grosdidier, lors des travaux de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure, l’avait souligné dans son rapport. À chaque visite de maison d’arrêt – Lille-Sequedin, Fresnes, etc. –, nous sentons la tension et les craintes professionnelles, qui pèsent dans la vie de chacun. Je tenais à vous en faire part, madame le garde des sceaux. Je sais que vous n’ignorez rien de cette situation, mais le Sénat prête une attention toute particulière à ces problèmes.
Contexte terroriste, surpopulation carcérale et mécontentement des surveillants : ces trois ingrédients forment un cocktail explosif qui ne peut que nuire à la mission de sécurité de l’administration pénitentiaire.
Madame le garde des sceaux, les orientations voulues par votre ministère ne nous semblent pas suffisamment prendre en compte ces trois facteurs d’insécurité. Votre ministère va-t-il aller plus loin ? Avez-vous les moyens budgétaires pour garantir la sécurité de nos établissements ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, il me faudrait plus d’une heure pour répondre à votre question tant l’ensemble des mesures que nous avons adoptées afin d’assurer la sécurité de nos établissements pénitentiaires est large et tant la « reconnaissance » – je reprends à mon compte ce terme que vous avez utilisé – que nous devons aux personnels de l’administration pénitentiaire est grande.
Je citerai quelques chiffres. Le budget de l’administration pénitentiaire s’élève à 3,8 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019, soit 2,5 milliards d’euros pour les dépenses de personnel, en hausse de 95 millions d’euros, et 1,2 milliard d’euros pour les autres dépenses.
Globalement, ce budget est en progression de 5,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. C’est une augmentation qui correspond à la fois à une hausse des dépenses de personnel de 3,9 % et à une hausse de près de 10 % pour les dépenses de fonctionnement et d’investissement.
Sans aller plus avant dans l’énoncé des chiffres, car vous pourriez vous lasser, je veux vous assurer que la sécurisation des établissements pénitentiaires est un point majeur : nous y consacrons un effort important de plus de 50 millions d’euros en 2019. Au-delà, nous accordons également une grande importance aux personnels pénitentiaires pour lesquels – je le redis – j’éprouve une véritable reconnaissance en raison de leurs conditions de travail très difficiles.
Nous avons fait un effort du point de vue indemnitaire : nous avons augmenté la prime de sujétion spéciale, la PSS, de plus de 2 % ; nous avons également augmenté le taux de base de l’indemnité pour charge pénitentiaire, qui est passée de 1 000 à 1 400 euros par an ; nous avons accru la prime des dimanches et jours fériés, qui est passée de 26 euros à 36 euros ; nous avons mis en place une prime de fidélisation pour les établissements les plus difficiles ou dans les zones de particulière cherté du coût de la vie – c’est le cas en banlieue parisienne où nous donnerons 8 000 euros pour six ans de fidélité à un établissement, 4 000 euros seront versés dès la première année.
Nous avons consenti un effort important en termes d’équipement, avec de nouveaux matériels de protection, des passe-menottes, etc.
Nous avons fait un effort en termes de renseignement pénitentiaire et en termes de régimes de détention, avec la mise en place d’un système d’étanchéité pour les détenus les plus dangereux, les détenus terroristes.
Toutes ces mesures s’inscrivent dans un plan pénitentiaire global, qui prévoit, à hauteur de plus de 1,7 milliard d’euros, la construction de 15 000 nouvelles places de prison, dont 7 000 seront livrées en 2022 et 8 000 seront commencées avant 2022. Cet ensemble de mesures nous permet de répondre à l’inquiétude dont vous faisiez état, madame la sénatrice, et dont je mesure la réalité.
malaise des élus locaux
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 445, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Alain Fouché. Monsieur le secrétaire d’État, le Congrès annuel des maires de France s’ouvre sur fond de malaise des élus locaux. Depuis 2014, le nombre de maires ayant quitté leur poste est en hausse de 55 % par rapport à la précédente mandature ; un dernier sondage prévoit 50 % d’abandons en 2020.
Alors que 68 % des Français leur font confiance, les maires sont usés. Ils sont usés par la recentralisation, la métropolisation, les fractures territoriales qui augmentent. Ils sont usés par des moyens financiers qui diminuent alors que les charges augmentent. La baisse des dotations entraîne des difficultés sans précédent et leur indépendance financière est remise en cause. Ils sont usés par l’accroissement des contraintes administratives. Certaines de ces tracasseries ne datent pas d’aujourd’hui. Ils sont usés par les faibles revenus qu’ils perçoivent : un maire sur deux bénéficie d’une indemnité mensuelle inférieure à 360 euros. La décision du Gouvernement de modifier leur fiscalité va entraîner une augmentation de l’impôt sur le revenu.
Les maires assument une tâche difficile et indispensable à la vie de nos territoires. Elle est peu conciliable avec une activité professionnelle. Un vrai statut de l’élu est attendu depuis longtemps, et c’est votre engagement ! Le Sénat a soumis des propositions en octobre dernier, je crois savoir que certaines d’entre elles seraient reprises.
Je lance aujourd’hui un cri d’alarme, monsieur le secrétaire d’État. Quelles mesures entendez-vous prendre pour résoudre cette crise et pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de ce futur statut de l’élu ? Je vous remercie de nous rassurer.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, le Gouvernement n’ignore pas les difficultés que peuvent rencontrer les élus locaux, qui consacrent leur temps et mettent toute leur énergie, toutes leurs compétences, au service de leurs concitoyens.
Toutefois, permettez-moi de relativiser les chiffres évoqués dans votre question. Le nombre de démissions de maires a très peu augmenté par rapport à la mandature précédente. Il est d’ailleurs davantage lié à des raisons de santé, professionnelles ou familiales, à des raisons mécaniques, comme la constitution de communes nouvelles, ou à la fin du cumul des mandats qu’à des raisons de départs volontaires pour motifs politiques ou par lassitude.
M. François Bonhomme. Ça reste à voir…
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Néanmoins, nous sommes bien entendu très attentifs à ce point. D’ailleurs, lors de son discours prononcé à l’occasion du 100e Congrès des maires de France du 23 novembre 2017, le Président de la République a fait part de son attachement à la place des élus locaux et a exprimé toute sa considération pour leur engagement et leurs convictions. Conformément à ce qu’il avait annoncé alors, plusieurs mesures sont mises en œuvre pour traduire concrètement cette reconnaissance de l’État.
Tout d’abord, il s’agit de réduire le poids des normes pesant sur les collectivités locales. La circulaire du Premier ministre en date du 20 octobre 2017 prescrit que toute norme réglementaire nouvelle doit s’accompagner de deux mesures d’abrogation ou, à défaut, de simplification. La circulaire du 8 novembre 2017 relative à l’accord de méthode entre l’État et les collectivités territoriales élaboré dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, demande au ministre, dans la sphère des compétences décentralisées, de laisser le champ le plus large possible au pouvoir réglementaire local.
D’une manière plus générale et dans le cadre du même accord de méthode, le Gouvernement s’est engagé à ce qu’aucune décision concernant les collectivités territoriales ne soit prise sans que ces dernières aient été préalablement consultées.
Enfin, conformément à la circulaire du Premier ministre du 12 janvier 2018, chaque projet de loi sectoriel devra intégrer un volet de mesures de simplification des normes législatives en vigueur. Les dispositions relatives aux collectivités territoriales sont évidemment comprises dans ce champ.
Les propositions de la mission d’évaluation et d’allégement des normes applicables aux collectivités territoriales, dirigée par Alain Lambert, ancien ministre et président du Conseil national d’évaluation des normes, et par Jean-Claude Boulard, ancien maire du Mans, décédé en juin dernier, font également l’objet d’un examen très attentif par le Gouvernement.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Par ailleurs, un chantier est dédié aux conditions d’exercice des mandats locaux dans le cadre de la Conférence nationale des territoires. Il pourra se nourrir des travaux engagés sur ces questions par la délégation du Sénat aux collectivités territoriales puisque celle-ci a constitué un groupe de travail chargé de mener une réflexion sur le statut des élus locaux.
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Dans ces conditions, c’est un véritable pacte de confiance que le Gouvernement propose aux élus de la République, de nature à leur permettre un exercice serein et accompli de leur mandat.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en quarante-trois secondes.
M. Alain Fouché. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vos précisions sur les normes. Je connais bien le texte sur les simplifications puisque j’en ai été le rapporteur au Sénat. Néanmoins, et c’est un problème, l’administration ne suit pas toujours ce que décide le politique.
Quoi qu’il en soit, vous ne m’avez pas répondu sur le statut de l’élu. Il est pourtant très important et très attendu. Vous n’avez pas non plus évoqué les dotations. Certes, leur niveau global reste le même, mais de nombreuses communes ont vu leurs dotations baisser. Dans mon seul département, la Vienne, 155 communes sur 280 communes ont enregistré une diminution de leurs dotations. De plus, les régions aident de moins en moins les petites communes. Telles sont nos difficultés. J’ai noté certaines de vos annonces, mais les maires sont las et le Gouvernement doit s’engager à faire plus.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, auteur de la question n° 453, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Antoine Karam. Depuis plusieurs années, la Guyane et Cayenne, en particulier, sont touchés par une prolifération de l’habitat informel et des occupations illicites.
En septembre 2018, c’est une nouvelle affaire de squat qui a agité l’actualité. Des locaux qui avaient été signalés depuis plusieurs années aux forces de l’ordre par les riverains exaspérés par les nuisances demeuraient occupés illégalement, ce qui entraînait un climat d’insécurité dans le quartier.
En dépit des plaintes déposées et des procédures engagées, la situation s’est enlisée avant de dégénérer avec la menace de mort dont a été l’objet une personne du voisinage.
C’est dans ce contexte que les collectifs de citoyens ont décidé de procéder à l’évacuation du squat par leurs propres moyens. Oui, nous convenons tous ici que les citoyens ne peuvent se faire justice eux-mêmes et que l’État de droit doit être respecté. Je vous demande néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, d’entendre l’exaspération, la peur même, de ces femmes et de ces hommes qui n’admettent pas que, dans l’un des départements les plus criminogènes de France, on puisse laisser perdurer des années durant de telles situations d’insécurité sous leurs fenêtres. Ces faits d’une rare violence nous rappellent la nécessité d’éradiquer les occupations illicites en Guyane tant elles engendrent de graves troubles à l’ordre public.
Pour rappel, la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, en voie de promulgation, comporte des dispositions relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne en Guyane et à Mayotte. Aux termes de ces dispositions, lorsque des locaux ou installations édifiés sans droit ni titre constituent un habitat informel et présentent des « risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique », le préfet de Guyane pourra ordonner aux occupants d’évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir préalablement une ordonnance du juge et un avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.
À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, ce dispositif permettra-t-il également d’agir plus rapidement et plus efficacement s’agissant des squats que je viens d’évoquer, et qui causent de graves troubles à l’ordre public ?
Enfin, plus largement, quelles actions complémentaires le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour mieux protéger les propriétaires et les riverains exposés, car ils sont les premières victimes des nuisances liées aux occupations illicites ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, le département de Guyane, comme celui de Mayotte, voit se développer un habitat spontané important qui correspond à des zones d’habitations construites sommairement, de façon illégale, regroupant, dans des conditions d’hygiène déplorable, une population souvent en situation irrégulière.
En 2018, les gendarmes de Guyane ont prêté leur concours à l’expulsion des occupants de cinquante-neuf constructions illégales, dans le cadre de deux procédures prévues par le code des procédures civiles d’exécution : « l’assistance aux opérations d’exécution » et le « concours de la force publique ».
Il est précisé que la gendarmerie reste toujours un auxiliaire de « mise à exécution » d’une décision d’expulsion, qu’elle émane d’une autorité de justice ou d’une autorité administrative. Les gendarmes assistent toujours un huissier de justice.
Ces opérations d’expulsion proprement dites ne sont que l’aboutissement de procédures judiciaires et administratives, souvent très longues. Ces délais sont, comme vous l’avez souligné, incompatibles avec la préservation de l’ordre public lorsqu’il est gravement compromis.
La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique vise à résoudre cette difficulté. La nouvelle procédure d’expulsion qu’elle prévoit permettra une accélération des procédures d’expulsion en cas de risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique.
Elle ne supprime bien évidemment pas pour autant l’obligation de s’assurer que les locaux ou installations visés ont été édifiés sans droit ni titre, et qu’ils répondent bien aux critères d’un habitat informel.
Enfin, la procédure prévue n’est pas automatique. Les préfets apprécieront l’opportunité d’y recourir en veillant à ce que son usage soit proportionné au trouble constaté, tienne compte des possibilités de relogement des personnes expulsées et évite de créer une situation de trouble à l’ordre public plus dégradée que celle qui est constatée.
Mais je puis vous assurer que cette procédure sera bien mise en œuvre, dans les conditions que je viens de rappeler, et vous pouvez compter sur notre détermination pour la faire effectivement appliquer.
processus de construction de nouvelles casernes de gendarmerie
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 390, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Patrick Chaize. Ma question porte sur la procédure liée à la construction de nouvelles casernes de gendarmerie.
Selon les textes en vigueur, le processus de construction connaît différentes étapes dont la délivrance d’un agrément de la part du ministère de l’intérieur suivie de la validation du terrain, préalable indispensable pour le lancement de la conception réelle du projet avec l’établissement des plans et la réalisation des appels d’offres.
Cette validation s’inscrit dans le cadre d’une commission tripartite composée de représentants du secrétariat général pour l’administration du ministère de l’intérieur, de la gendarmerie et du service de santé des armées, le SSA. Ce dernier assure sa mission au sein des armées et de la gendarmerie en vertu de l’article R. 3232–11 du code de la défense et, depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur en 2009, dans le cadre de la convention de délégation de gestion entre le ministère des armées et le ministère de l’intérieur.
Au regard de la charge de travail qui est aujourd’hui celle du SSA, force est de constater que des projets de construction de gendarmerie sont bloqués comme cela a été le cas dans l’Ain où trois dossiers sont restés plusieurs mois en instance, du fait des difficultés à réunir la commission tripartite. Cette situation a des incidences fortes en termes de budget et de visibilité, notamment pour les collectivités concernées.
Aussi, afin de ne pas stopper la réalisation de projets immobiliers dont l’importance est connue de tous pour la gendarmerie et la sécurité de nos territoires, n’y aurait-il pas lieu d’engager une réforme du processus entre les deux ministères et, dans l’attente de son aboutissement, d’adapter les moyens du SSA afin que les réunions de la commission tripartite puissent se tenir selon des délais qui soient convenables ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, votre question témoigne de votre attachement à la gendarmerie et aux conditions d’exercice de ses missions ; je vous en remercie.
Sur le plan immobilier, les collectivités locales sont nombreuses à se montrer désireuses de participer à des projets immobiliers destinés aux forces de sécurité. Il faut donc améliorer le cadre permettant de conduire ces projets.
Pour répondre précisément à votre question, la procédure que vous évoquez a été abrogée en juillet dernier par la gendarmerie en raison même des difficultés que vous soulevez. Ainsi, la situation que vous évoquez pour les casernes de l’Ain est bien prise en compte et ne pose plus de difficulté.
Votre question me permet donc de souligner, à travers cet exemple, l’effort de simplification administrative mené par le ministère de l’intérieur et sur lequel il me semble utile de revenir rapidement.
Pour mémoire, dans le cadre des projets de constructions de casernes locatives, une commission mixte associant différents intervenants devait se réunir pour recueillir l’avis du service de santé des armées afin de protéger les gendarmes de tout risque sanitaire.
Toutefois, les difficultés à réunir ces commissions étaient réelles pour les raisons que vous avez invoquées et l’avancée de certains dossiers de construction de casernes s’en trouvait ralentie.
Cette procédure est désormais simplifiée puisque la nouvelle commission associera la gendarmerie et les services déconcentrés du ministère de l’intérieur. Les experts de la sûreté de la sécurité et de la santé au travail pourront veiller à ce que soient prises toutes les mesures nécessaires à la protection des militaires de la gendarmerie, mais aussi de leurs familles, des agents de l’État qui travaillent à leur côté et des citoyens qui se rendent auprès d’eux.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en quarante-six secondes.
M. Patrick Chaize. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir pris en considération cette problématique qui était tout à fait réelle. J’espère que pour les prochains dossiers tout ira mieux.
dépollution des ballastières de braqueville à toulouse
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, en remplacement de Mme Brigitte Micouleau, auteur de la question n° 423, transmise à Mme la ministre des armées.
Mme Chantal Deseyne, en remplacement de Mme Brigitte Micouleau. Je remplace effectivement ma collègue Brigitte Micouleau, retenue dans son département.
Madame la ministre, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, dont nous venons de commémorer le centenaire, 5 000 tonnes de nitrocellulose, un explosif produit en grande quantité sur le site de la poudrerie nationale de Toulouse, sont immergées dans quatre ballastières.
Ces lacs artificiels sont situés aux portes de Toulouse, à seulement 800 mètres de l’Oncopole, l’institut universitaire du cancer qui accueille chaque jour plusieurs milliers de patients et de personnels.
Depuis 2001 et la catastrophe de l’usine AZF, site voisin des ballastières, élus locaux et associations n’ont cessé d’alerter l’État sur cette véritable « poudrière » à ciel ouvert, tout en réclamant très clairement une dépollution des lieux.
En visite officielle à Toulouse le 13 janvier 2017, Bernard Cazeneuve, alors Premier ministre, avait fini par annoncer officiellement le déblocage de ce dossier. Il affirmait alors avoir demandé au ministère de la défense, propriétaire du site, d’engager les travaux de dépollution.
Hélas, depuis ce jour et malgré les interventions du maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, auprès du gouvernement auquel vous appartenez, c’est le statu quo complet.
Mes interrogations sont simples. Cette dépollution est-elle, oui ou non, toujours d’actualité ? Si oui, quand débutera-t-elle ? Combien de temps durera-t-elle ? Quel sera le procédé technique employé ? Combien cette opération coûtera-t-elle ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du ministère des armées sur le devenir du site des ballastières, aménagé après la Première Guerre mondiale.
Après le rachat de l’emprise par l’État à la société Grande-Paroisse, en 2004, le site des ballastières a fait l’objet d’une régularisation de son statut d’installation classée pour la protection de l’environnement, ou ICPE, afin notamment d’assurer dans les meilleures conditions la sécurité des biens et des personnes.
Les différentes mesures prescrites dans ce cadre ont été mises en œuvre et sont aujourd’hui strictement suivies par l’inspection des installations classées du contrôle général des armées.
Ce site bénéficie par ailleurs d’une situation environnementale exceptionnelle s’agissant de la biodiversité.
D’une part, il abrite plusieurs espèces de la faune et de la flore protégées par la France et l’Union européenne. Un arrêté préfectoral de protection du biotope a été pris. Le site a fait l’objet d’une désignation en zone spéciale de conservation au titre de la directive Habitats de Natura 2000 et en zone humide au sens de l’article L. 211–1 du code de l’environnement.
D’autre part, la partie sud du site est une zone de protection spéciale au titre de la directive Oiseaux de Natura 2000. Elle jouxte, de surcroît, une zone concernée par un arrêté préfectoral protégeant les poissons migrateurs.
Pour ces différentes raisons, ce site est strictement et durablement fermé au public, comme le souhaite la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie Midi-Pyrénées. Il s’agit d’un site Natura 2000 exceptionnel, notamment en termes de biodiversité, qui se situe par ailleurs en zone inondable.
L’ensemble de ces éléments rend plus complexe toute opération de dépollution et de réhabilitation, dont la mise en œuvre elle-même pourrait porter atteinte à la flore et la faune qui s’y sont développées.
Le ministère des armées reste naturellement particulièrement attentif à l’adoption et au suivi des mesures les plus appropriées pour la gestion du site des ballastières dans les meilleures conditions de sécurité. Soyez-en assurée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour répondre à Mme la ministre, en quarante-huit secondes.
Mme Chantal Deseyne. Madame la ministre, ma collègue Brigitte Micouleau lira avec attention votre réponse. Certes, le site est classé Natura 2000 – comme vous, j’accorde une importance particulière à la protection de l’environnement. Néanmoins, l’enjeu sanitaire est également bien réel. Il s’agit d’une priorité pour la ville de Toulouse.
démission légitime des assistants maternels
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteur de la question n° 460, adressée à Mme la ministre du travail.
Mme Laurence Rossignol. Ma question, madame la ministre, porte sur un segment un peu court et concerne les conséquences des mesures prises par votre collègue ministre des solidarités et de la santé, sur l’obligation vaccinale. Je précise bien sûr en préalable que j’apporte tout mon soutien aux mesures décidées par Mme Buzyn pour renforcer le caractère obligatoire des vaccins, en particulier sur les enfants.
Les enfants qui ne satisfont pas aux obligations vaccinales ne pourront plus être accueillis chez les assistantes maternelles au-delà de trois mois. Les parents ont donc trois mois pour mettre leur enfant en conformité avec ces obligations. Au-delà, si ces obligations ne sont pas satisfaites, l’assistante maternelle ne pourra plus accueillir l’enfant. Il s’agira alors d’une démission puisque les assistantes maternelles sont les employées des parents. En l’état des textes, cette démission n’ouvrira aucun droit au chômage pour l’assistante maternelle démissionnaire, alors que cette démission est imposée par la loi.
Voilà pourquoi je vous propose de considérer cette démission comme une démission légitime, ce qui ouvre droit à l’allocation de retour à l’emploi. Pour ce faire, il suffirait de créer une nouvelle catégorie de démission légitime ouverte aux assistantes maternelles pour non-respect de la part des parents de l’obligation vaccinale.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. La question que vous soulevez est légitime même si je tiens à rappeler que les situations que vous évoquez restent très minoritaires et qu’elles pourront être en grande partie évitées à l’avenir grâce au contrôle préalable du respect des nouvelles obligations vaccinales.
Les règles de l’assurance chômage permettent déjà, pour partie, de répondre aux situations d’indemnisation de chômage des assistantes maternelles qui seraient confrontées à la situation que vous décrivez.
Ainsi, l’assistante maternelle a la faculté de prendre acte de la rupture du contrat en raison des faits qu’elle reproche à l’employeur, en l’occurrence de ne pas se conformer au calendrier vaccinal exigé par la loi.
Si le juge des prud’hommes confère ensuite à la rupture les effets d’un licenciement, l’assistante maternelle pourra s’ouvrir des droits au chômage. Dans le cas contraire, cette rupture aura les effets d’une démission n’ouvrant pas de droits. C’est la difficulté que vous soulevez. Pour autant, l’assistante maternelle pourra alors solliciter un réexamen de sa situation au terme d’un délai de cent vingt et un jours.
Le cadre juridique, même s’il n’est pas idéal, existe donc bel et bien. La création d’un nouveau cas de démission légitime, comme vous le proposez, relève de la compétence des partenaires sociaux, qui pourront, s’ils le souhaitent, se saisir de votre proposition dans le cadre des négociations en cours. Le Gouvernement leur transmettra bien sûr cette demande, sur laquelle ils auront à statuer.
Par ailleurs, le Gouvernement est mobilisé pour accompagner les assistantes maternelles qui sont confrontées à ces difficultés, notamment en assurant leur orientation vers les acteurs pertinents pour garantir une meilleure sensibilisation des parents, en particulier les relais assistantes maternelles et les services de protection maternelle et infantile.
Vous l’admettrez avec moi, le mieux est d’éviter de se trouver dans cette situation. Il s’agit donc de prévenir, afin que les parents remplissent leurs obligations avant ou au moment de confier leur enfant à l’assistante maternelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour répondre à Mme la ministre, en un peu plus d’une minute.
Mme Laurence Rossignol. En effet, les assistantes maternelles peuvent contribuer à sensibiliser les parents sur le respect de l’obligation vaccinale, et c’est une bonne chose. Mais nous savons aussi que, s’agissant des vaccins, certains parents sont des militants. Les assistantes maternelles qui m’ont saisie de ce cas, de cette petite niche, avaient donc déjà rencontré cette difficulté.
Nous pouvons tomber d’accord sur le fait qu’il faut éviter d’engorger les prud’hommes. Moins souvent les gens sont contraints de saisir ces tribunaux, mieux c’est, car il s’agit de procédures lourdes, qui prennent du temps et sont relativement compliquées.
Vous dites qu’une telle mesure relève des partenaires sociaux. Certes, mais le Gouvernement peut également leur signaler des questions nouvelles. En outre, il ne me semble pas que cette mesure aurait une très grande incidence financière.
Vous l’avez relevé, ces cas seront probablement assez marginaux. Mais, vous le savez, ce sont les dossiers marginaux qui rendent les gens amers, car ils ont l’impression d’être abandonnés et victimes de décisions auxquelles, pourtant, ils adhèrent. Les assistantes maternelles qui m’ont saisie m’ont ainsi fait savoir qu’elles soutenaient absolument le respect de l’obligation vaccinale par les parents. Pour autant, il serait bon de faciliter leurs démarches dans toute la mesure du possible dans l’hypothèse où cette situation se présenterait.
Je leur transmettrai la réponse que vous m’avez faite ce matin, madame la ministre.
centre de nevers de l’agence nationale pour la formation professionnelle des adultes
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 513, adressée à Mme la ministre du travail.
M. Patrice Joly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, a annoncé la suppression de plus de 1 500 postes et la menace de fermeture de 38 sites, dont le centre de Nevers, dans le cadre de son plan de restructuration 2019–2020.
Depuis plusieurs années, l’AFPA fait face à des difficultés structurelles résultant d’une profonde évolution de son modèle économique à laquelle elle avait été insuffisamment préparée et accompagnée. Certes, la perte d’exploitation est encore de l’ordre de 70 millions d’euros cette année, mais en réduction significative par rapport aux années précédentes.
Cette situation est d’abord due à la décentralisation, et surtout à une concurrence sauvage via des appels d’offres menée depuis six ans. L’AFPA a ainsi perdu 20 % de ses heures de formation.
Face à une situation critique, en 2012, un premier plan de redressement de l’AFPA avait été élaboré, comprenant un engagement de l’État, à la fois, pour la poursuite de ses activités et pour sa restructuration.
Sur le territoire nivernais, l’AFPA occupe une fonction essentielle en proposant des formations en rapport avec les caractéristiques économiques du territoire. Il s’agit de formations liées, d’une part, à la transformation d’une ressource importante du département, le bois – charpente, menuiserie, etc. –, et, d’autre part, à la mécanique ainsi qu’à la métallurgie avec des formations de soudeurs, de réparation-moteur, de machinisme agricole…
Ces formations nécessitent un plateau technique lourd, ce qui explique que le coût de ces formations soit difficilement couvert par les prix demandés.
Les témoignages sont nombreux pour souligner que l’AFPA est une chance, notamment pour les personnes éloignées du marché du travail qui reprennent ainsi pied et construisent un parcours de réinsertion.
Cette suppression impacterait une large zone de recrutement s’étendant non seulement à la Nièvre mais également à l’Allier et au Cher. Vous comprendrez aisément qu’elle provoque de nombreuses incompréhensions et craintes. Ainsi, pour le seul centre de Nevers, ce sont 17 contrats à durée indéterminée qui sont menacés de suppression.
La fermeture de l’AFPA Nevers est donc sans conteste un nouveau coup dur pour notre territoire rural, qui voit chaque jour la fermeture des services publics et assiste impuissant à un démantèlement par l’État de son maillage territorial.
C’est pourquoi tous les élus du territoire, le conseil départemental en tête, vous demandent la mise en place d’une concertation avec tous les acteurs – élus, chambres de commerce, des métiers et de l’artisanat… – pour envisager de pérenniser cette structure essentielle à la formation professionnelle et aux demandeurs d’emploi de la zone concernée. Une structure dans laquelle l’État, je vous le rappelle, doit assumer toute sa responsabilité puisqu’il représente la moitié de son conseil d’administration.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Patrice Joly, la situation de l’AFPA est celle d’un opérateur historique du service public de l’emploi dont le modèle économique et les missions n’ont pas été fortement repensés depuis la décentralisation de la formation professionnelle en 2004 et l’ouverture à la concurrence en 2008, laquelle a profondément modifié la situation de l’AFPA.
Vous l’avez rappelé, la décentralisation et l’ouverture à la concurrence par appels d’offres de la part des régions a entraîné pour l’AFPA, sur le plan national, une perte d’environ 20 % de recettes et d’heures de formation chaque année. Or c’est le droit des régions de procéder de cette façon.
Nous sommes donc obligés de tirer les conséquences d’une absence d’anticipation et de résolution des précédents gouvernements qui, depuis dix ans, se sont refusé à prendre les mesures nécessaires pour sauver l’AFPA, mais avec des missions apportant une véritable plus-value dans le paysage de la formation. Le résultat est sans appel : plus de 723 millions d’euros de pertes cumulées entre 2012 et 2016, et plus de 70 millions de pertes d’exploitation cette année.
Chaque année, les pertes d’exploitation, que l’État est obligé de combler, représentent entre 60 et 100 millions d’euros. Ainsi faut-il, pour certains sites qui n’accueillent que très peu de stagiaires, maintenir une structure qui s’avère être décourageante pour tous, y compris pour les salariés.
Ne rien faire et laisser en l’état le premier organisme public de formation professionnelle serait irresponsable. C’est pour cela que nous avons décidé de confier à l’AFPA des missions d’intérêt général, qui correspondent véritablement à une logique de service public de la formation. Je pense à la formation des réfugiés, dans le cadre du programme Hébergement Orientation Parcours vers l’emploi, dit programme HOPE, et aux préparations « compétences » dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences. Pour cela, un projet de plan de réorganisation, que l’État soutient, a été proposé le 18 octobre dernier par la nouvelle gouvernance de l’AFPA. Ce projet est en cours de consultation auprès des représentants des salariés au niveau tant national que local. Il y a en effet deux sujets, l’un social, l’autre territorial.
Cette consultation doit pouvoir se poursuivre jusqu’à son terme normal, en 2019, afin qu’une solution puisse être trouvée pour chacun des salariés dont le poste sera concerné par le plan de réorganisation.
Vous l’avez rappelé, environ 1 500 postes sont concernés, mais cela comprend 600 départs à la retraite. Il y aura, par ailleurs, 600 créations de postes, qui représenteront autant d’opportunités de reconversions internes.
Pour ce qui concerne le plan territorial, le modèle doit être refondé pour répondre aux besoins des bassins d’emploi, comme vous l’avez souligné.
L’AFPA n’a pas vocation à disparaître dans le Nivernais, en Bourgogne-Franche-Comté ou ailleurs. Mais là où des centres ferment, pour que l’AFPA ait un avenir, une nouvelle offre innovante et mobile doit être déployée au plus près des attentes des salariés et des demandeurs d’emploi.
Il ne s’agit pas de choisir entre le « tout AFPA » ou le « zéro AFPA ». L’Agence peut travailler en réseau et de façon mobile : voilà aussi ce qui se prépare, et c’est important si l’on veut que l’ensemble des territoires soient couverts par une offre de proximité.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Yves Daudigny,
Mme Jacky Deromedi,
Mme Françoise Gatel.
M. le président. La séance est reprise.
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Financement de la sécurité sociale pour 2019
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019 (projet n° 106, rapport n° 111 [tomes I à III], avis n° 108).
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à celles et ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche.
M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après une semaine de discussion et plus d’une centaine d’amendements adoptés, nous nous retrouvons pour voter un PLFSS profondément modifié, voire dénaturé. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ose le dire !
Certes, je tiens à saluer la qualité des échanges et les discussions qui ont été enrichissantes, mais surtout d’une particulière qualité technique au sein de cet hémicycle,…
M. Philippe Dallier. C’est déjà ça !
M. Michel Amiel. … avec près de 600 amendements déposés. D’ailleurs, je souhaitais remercier les ministres d’avoir fait preuve de disponibilité, et d’avoir eu à cœur de répondre à chaque parlementaire dans le respect du bicamérisme fondamental pour notre République.
Mais quelle vision de notre système de protection sociale ce PLFSS ainsi modifié porte-t-il ?
Au-delà du financement des comptes sociaux, quid des mesures concrètes et nécessaires pour l’avenir de notre pays et de son système social ?
Si l’objectif financier d’un retour à l’équilibre pour la première fois depuis dix-huit ans – régime général et fonds de solidarité vieillesse, FSV – est maintenu, il n’en reste pas moins que des modifications profondes des relations financières entre l’État et la sécurité sociale sont envisagées, qui nous écartent quelque peu du modèle assurantiel à la base de notre système de solidarité, tel que conçu par le Conseil national de la Résistance à la sortie de la guerre. Il nous faudra être vigilants sur ce point.
Pour autant, il ne faudrait pas balayer d’un revers de main ce retour à l’équilibre que beaucoup ont souhaité et que nous avons réalisé.
Ce texte contient de nombreux apports qui permettent l’accès des plus précaires à la protection sociale en finalisant les mesures du reste à charge zéro, reflet d’une action continue et forte au service des Français et d’un engagement de campagne du Président de la République sur l’accès réel aux soins.
Cet accès sera aussi simplifié avec la fusion de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS, pour les plus démunis.
Un autre aspect intéressant de ce PLFSS est l’amorce d’une véritable politique du médicament, avec une profonde modification non seulement du financement des molécules innovantes, mais aussi des règles liées à l’autorisation de mise sur le marché, l’AMM, ou à l’autorisation temporaire d’utilisation, l’ATU. Mais je reste circonspect quant à la réticence de notre assemblée à ne pas restreindre l’utilisation de la mention « non substituable ».
Sur l’organisation de notre système de santé, je salue aussi la fin, au niveau des hôpitaux, du « tout tarification à l’activité », ou « tout T2A », avec la création d’un forfait pour les maladies chroniques. Je m’inquiète aussi de la mise en place du dispositif, du processus futur pour son extension, et surtout de l’articulation qu’il faudra trouver entre la médecine de ville et l’hôpital.
Je me félicite également des nouvelles possibilités d’expérimentation accordées pour les vaccinations des personnels hospitaliers contre la grippe – je rappelle que c’est la première cause de mortalité par maladie infectieuse en France –, que notre groupe a portées, mais aussi contre le papillomavirus.
La priorité donnée à la prévention, au-delà du PLFSS, est l’un des points forts de votre politique de santé, madame la ministre. La maladie de bon pronostic est celle que l’on n’aura pas ; il faudra donc veiller à amplifier encore cette action.
Je trouve dommage la suppression par notre chambre du rapport sur les addictions, sujet ô combien sensible aux mesures préventives, alors même que nous avons voté pour la création d’un fonds de lutte contre les addictions.
Mais l’étude du PLFSS montre que ce texte, au-delà des éléments impactant notre système sanitaire, est un réel projet de solidarité entre les générations, entre les plus aisés et les plus démunis. Sur ce sujet, je déplore la posture qui a été prise par la majorité de cet hémicycle. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Alors que le Gouvernement, au terme de consultations importantes, réfléchit…
M. Roger Karoutchi. Ah bon ?...
M. Michel Amiel. … à une simplification pérenne de nos systèmes de retraite afin de les rendre plus justes et universels, vous avez décidé, sans en mesurer les conséquences, de modifier l’âge de départ à la retraite ainsi que la revalorisation des pensions. (MM. Roger Karoutchi et Philippe Dallier opinent.) Vous le revendiquez, très bien ! Moi, je revendique le contraire !
Pourquoi ne l’avez-vous pas fait lorsque vous étiez au pouvoir, il n’y a pas si longtemps ? (On l’a fait ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le gouvernement en place a annoncé qu’il ne reviendrait pas sur l’âge de départ à la retraite. Dois-je rappeler que reculer l’âge de la retraite, c’est surtout pénaliser injustement les seniors,…
M. Philippe Dallier. Et rogner les pensions, c’est quoi ?
M. Michel Amiel. … en particulier celles et ceux qui sont les moins qualifiés, ceux qui subissent la précarité et le chômage. C’est à ces personnes que vous demandez des efforts ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
Dois-je également rappeler que travailler plus tard, voire trop tard, entraîne parfois des conséquences néfastes sur la santé des travailleurs futurs retraités,…
M. François Grosdidier. Et en baissant leurs revenus, vous leur faites du bien ?
M. Michel Amiel. … de l’absentéisme et des coûts importants pour notre système de protection sociale, notamment – n’est-ce pas, monsieur Dériot – la branche AT-MP ?
Bref, ce genre de décision relative à l’organisation de notre système de solidarité sans la prise en compte de la globalité du système semble être du bricolage à la marge, à l’aune d’une réforme courageuse menée avec le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye.
M. Philippe Dallier. Bon courage !
M. Michel Amiel. Les lignes rouges étaient connues dès l’origine. Les franchir empêche un travail commun, mais ne remet pas en cause le bicamérisme, bien au contraire !
Je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que nous sommes impatients de voir la loi relative à la future organisation de notre système de santé.
M. Albéric de Montgolfier. Nous aussi !
M. Michel Amiel. Alors que la démographie médicale est en berne, que les médecins cherchent à avoir plus de temps médical et, parfois, de temps personnel, que les infirmières sont dans la rue aujourd’hui, les attentes sont fortes, surtout après les annonces à la fois ambitieuses et réfléchies du plan « Ma santé 2022 », qui a recueilli un large consensus. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Nous avions espéré que le Sénat validerait ce PLFSS du retour à l’équilibre financier, en attendant, sur le plan organisationnel, la loi santé que vous avez annoncée, madame la ministre, pour 2019.
Les amendements que la majorité sénatoriale a adoptés creusent encore ce déficit ou le compensent par une augmentation des taxes (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.), ce qui paraît pour le moins paradoxal, compte tenu de certaines prises de positions, en particulier celles de M. Wauquiez.
Pour toutes ces raisons, et malgré de nombreuses avancées, notamment sur le plan sanitaire, nous regrettons de devoir voter contre ce PLFSS amendé par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Joseph Castelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a été l’occasion d’un débat dans notre assemblée qui a confronté deux projets de société différents.
En effet, le fil conducteur de votre projet gouvernemental, madame la ministre, est que les excédents de la sécurité sociale, obtenus à coups de restrictions budgétaires, participent désormais au désendettement de l’État. Pour ce faire, vous avez décidé de mettre fin, notamment, au principe de compensation intégrale par l’État des exonérations de cotisations sociales.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. C’est un choix que nous récusons et qui nous a conduits à déposer une motion d’irrecevabilité constitutionnelle, hélas rejetée par tous les autres groupes de notre Haute Assemblée !
Ainsi, vous considérez les cotisations sociales, y compris les cotisations patronales, comme des charges qui nuiraient à la compétitivité des entreprises, alors qu’elles sont la part socialisée des salaires perçus par les salariés.
Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer ce PLFSS pour 2019. L’ensemble des caisses nationales de sécurité sociale, réunies le 2 octobre 2018, l’a unanimement rejeté. Une première, à la hauteur d’une attaque sans précédent des principes fondamentaux qui gouvernent la sécurité sociale !
Entre le remboursement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, pour l’année 2018 et la baisse de cotisations décidée pour 2019, les entreprises et les actionnaires vont recevoir un cadeau de Noël de 40 milliards d’euros !
Je précise bien qu’il s’agit d’un cadeau puisque les entreprises n’ont aucune contrepartie à fournir en échange. Et cette mesure inique se prend en parfaite harmonie avec la droite sénatoriale…
Dans cette logique, vous ajoutez des exonérations sur les heures supplémentaires, sachant pertinemment qu’ainsi vous les encouragez !
C’est un non-sens d’inciter les entreprises à développer les heures supplémentaires, alors que notre pays connaît plus de 11 millions de chômeurs et précaires. Rappelons que, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, la précédente exonération avait fait perdre plusieurs dizaines de milliers d’emplois.
La réalité de ce PLFSS pour 2019, c’est qu’il n’y aura pratiquement plus de cotisations patronales pour la sécurité sociale.
Une fois que vous avez réduit les recettes, madame la ministre, vous nous expliquez qu’il faut raboter les dépenses. L’hôpital n’a pas besoin de moyens supplémentaires, dites-vous, mais d’une réorganisation. Les personnels, celles et ceux qui portent leurs services à bout de bras, jugeront. Les infirmières sont d’ailleurs en ce moment même devant votre ministère…
Votre budget exige des hôpitaux un tour de vis supplémentaire de 910 millions d’euros, quand la Cour des comptes relève que le déficit des hôpitaux publics a quasiment doublé en 2017, atteignant 835 millions d’euros. Nous condamnons ce sous-financement.
Tandis que vous êtes d’une grande largesse avec ceux qui n’en ont pas besoin, vous imposez le quasi-gel, à 0,3 %, des allocations familiales et des pensions de retraite. L’inflation attendue étant de 1,7 %, vos choix se solderont par une baisse de pouvoir d’achat des personnes concernées.
Pour ce qui concerne les retraités, cette mesure injuste, additionnée à l’augmentation de la contribution sociale généralisée, la CSG, va leur faire perdre 700 euros par an, et entraîner pour 2020 une baisse du pouvoir d’achat de huit d’entre eux sur dix. Quant à la majorité sénatoriale, qui prétend les défendre, elle a aggravé la note en repoussant l’âge de départ à la retraite à 63 ans !
Alors certes, madame la ministre, cette décision a été adoptée contre votre avis, mais au nom, comme vous le faites, de l’équilibre budgétaire et de votre logique consistant à faire peser les choix austéritaires sur la majorité des Françaises et des Français, déjà fort malmenés. Entendez la colère qui gronde un peu partout dans le pays en ce moment…
La transformation de notre système de santé que vous appelez de vos vœux, vous ne pouvez pas y procéder avec seulement 400 millions d’euros. C’est en totale contradiction, d’ailleurs, avec les 3,8 milliards d’euros de réduction des dépenses de santé prévus pour 2019.
Ce n’est malheureusement pas un ONDAM à 2,5 % qui améliorera réellement la situation. C’est pourquoi nous portons un projet d’urgence pour les hôpitaux et les EHPAD publics, avec la création de 100 000 nouveaux emplois hospitaliers pour répondre à la souffrance des personnels et des malades et 100 000 emplois par an, pendant trois ans, pour les EHPAD, avec un plan de formation et d’investissement à la hauteur des enjeux de société que représente le vieillissement de la population.
Les conséquences de ce PLFSS pour 2019, ce sont concrètement, malgré vos engagements, de nouvelles fermetures d’hôpitaux de proximité et singulièrement de maternités.
S’agissant de notre amendement tendant à prévoir un moratoire sur les fermetures d’hôpitaux et de services, vous nous avez répondu que les fermetures actuelles étaient justifiées pour des raisons de sécurité. Nous ne sommes pas des irresponsables, mais estimez-vous, mes chers collègues, qu’accoucher dans sa voiture ou dans un camion de pompiers c’est plus sécure qu’à l’hôpital ?
Durant ces cinq jours, nous avons constaté que, si une partie de la majorité sénatoriale, dont le président de la commission des affaires sociales, pouvait partager avec notre groupe l’impératif de défendre un financement de la sécurité sociale par les cotisations, contre l’accélération de l’étatisation avec un financement par l’impôt, cela ne se manifestait pas dans les actes. Toutes nos propositions de suppression des exonérations patronales ont, en effet, été rejetées.
Nous avons été les seuls à proposer durant les débats de mettre à contribution les revenus financiers, de revenir sur les suppressions de cotisations sociales patronales, de mettre également à contribution les entreprises selon leur politique salariale, notamment concernant l’égalité des traitements des femmes pour un travail de valeur égale et le respect de l’écologie. Nous avons aussi été les seuls à proposer la suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux publics et les établissements privés à but non lucratif. Quant à la situation catastrophique de la psychiatrie, elle n’est pas prise en compte dans ce PLFSS, si ce n’est indirectement avec le dispositif de l’incitation financière à l’amélioration de la qualité, l’IFAQ, qui risque même d’aggraver les choses.
On relève des mesures positives, mais qui, franchement, ne font pas le compte.
Madame la ministre, l’urgence, c’est d’embaucher 750 urgentistes et de rouvrir des lits d’aval.
Par ailleurs, vous mettez en œuvre le remboursement « 100 % santé » pour l’optique et les prothèses dentaires et auditives. Mais vous brouillez les pistes, car ce sont bien les patients qui paieront les mutuelles, lesquelles ne manqueront pas d’augmenter leurs tarifs et de réduire leur couverture. Pour mon groupe, ce qu’il faut mettre en œuvre, c’est le « 100 % sécu ».
Malgré quelques mesures positives, ce PLFSS n’est pas du tout de nature à faire reculer les renoncements aux soins et les déserts médicaux.
En utilisant le budget de la sécurité sociale pour réduire le déficit de l’État, votre gouvernement se livre au plus grand hold-up du siècle et vous franchissez sans état d’âme la ligne rouge.
Pour toutes ces raisons, et pour faire écho à tous les témoignages que nous avons entendus lors de notre tour de France des hôpitaux et des EHPAD, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, faut-il parler de moment historique ? De peu, avec 200 millions d’euros d’excédent pour 510 milliards de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires, la sécurité sociale redeviendra en effet excédentaire en 2019, avec une perspective d’extinction de la dette en 2024.
Ne boudons pas notre satisfaction de ne plus reporter nos dépenses de santé sur nos enfants. Mais la prudence doit demeurer de mise : ces résultats sont fortement liés à la progression de la masse salariale, donc à la conjoncture ; la branche maladie demeure déficitaire ; le déficit global cumulé des hôpitaux atteindra environ 1,5 milliard d’euros en 2018. Néanmoins, la pertinence de notre système de protection sociale, même s’il doit être adapté aux défis de notre société, est confortée dans ses fondements. Un signe de confiance est adressé aux jeunes générations.
Dans ce contexte, l’acharnement contre les retraités est incompréhensible. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.) Le quasi-gel des pensions de retraite, d’invalidité, des allocations familiales, de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, est insupportable (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.) quand le même gouvernement a allégé de 5 milliards d’euros, il y a un an, la fiscalité des plus aisés, finançant pour partie cet allégement par l’augmentation non compensée de 1,7 point de CSG pour plus de 6 millions de retraités. La mesure est inquiétante à l’amorce d’une réforme systémique des régimes de retraite.
Nous nous opposons avec la même force au dispositif imaginé par la majorité sénatoriale : hausse des cotisations des complémentaires, recul à 63 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Sans pénaliser la compétitivité des entreprises, un dispositif maintenant à 20 milliards d’euros le soutien pour l’exercice 2019 était possible.
Les minima sociaux, souvent avec des dispositions masquées et régressives, sont revalorisés. La plupart ne sont pas financés par la sécurité sociale, ce qui conduit à une autre grave interrogation. Quel rôle et quelle autonomie demain pour la sécurité sociale ? Vous mettez fin à la règle d’or de compensation par l’État des exonérations de charges, vous modifiez radicalement la trajectoire financière en captant pour le budget de l’État les excédents potentiels à venir, vous substituez aux cotisations sociales des parts de CSG ou de TVA, et vous mettez fin, ou presque, au paritarisme de gestion que vous aviez promu dans l’entreprise.
Madame la ministre, l’universalisation de la protection sociale ne peut être synonyme de baisse généralisée des prestations.
M. Martial Bourquin. Absolument !
M. Yves Daudigny. La sécurité sociale est une assurance contre les accidents de la vie pour l’ensemble des Françaises et des Français qui concourent à son financement. Nous réaffirmons, pour notre part, notre attachement aux piliers que sont la justice sociale et la solidarité collective.
Deux mesures faciliteront l’accès au soin. Toutefois, le remplacement de l’aide à la complémentaire santé par la CMU contributive pose la question d’une cotisation liée à l’âge, à l’opposé de la solidarité intergénérationnelle. La création du reste à charge zéro demandera une évaluation précise du comité de suivi quant à l’engagement des professionnels, la qualité des produits, l’attitude des patients et les montants des cotisations aux complémentaires, en particulier pour ce qu’on appelle les « petits contrats ».
Quelles sont les traductions du plan Santé dans la loi ? Pour la ville, les financements, la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé, les missions des assistants médicaux relèveront de la négociation conventionnelle. Nous avons soutenu l’expérimentation d’infirmiers référents – on dit souvent que les infirmiers sont les oubliés de la réforme –, troisième pilier d’un trio autour du patient avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant.
Pour l’hôpital, les mesures sont nombreuses, et elles ont été plutôt bien accueillies. Mais nous rappelons de nouveau avec force qu’elles n’apportent pas de réponse à la situation immédiate des hôpitaux dans lesquels la souffrance des personnels est générale. Nous soutenons les revendications communes des quatre grandes fédérations hospitalières dont le dégel complet de la réserve prudentielle de 415 millions d’euros et la création d’une mission de réflexion sur l’ONDAM. Quant à l’article sur la nouvelle tarification « à l’inactivité » visant à facturer aux services d’urgence la réorientation vers la médecine de ville, il a été opportunément supprimé.
La prévention est un, sinon le, pilier essentiel du progrès en santé publique. Nous ne doutons pas, madame la ministre, de votre engagement. Cependant, le financement du nouveau fonds de lutte contre les addictions aux substances psychoactives ne nous paraît pas satisfaisant, et nous avons souhaité garantir la présence d’acteurs reconnus dans ses instances de gouvernance. Nos amendements visant à la taxation des produits alimentaires utilisant l’alcool comme argument de vente à destination des jeunes et à l’extension de la « taxe prémix » aux vins aromatisés sont des signes forts adressés aux industriels.
Nous avons par ailleurs défendu la suppression du plafonnement des exonérations aux aides employeur à la culture et aux vacances, l’augmentation des seuils de début de dégressivité et de sortie des charges sociales patronales du dispositif dit « de compétitivité » en outre-mer, et le maintien des seuils d’exonérations du dispositif du TO-DE, le travailleur occasionnel-demandeur d’emploi. Nous attirons votre attention sur l’importance et la gravité des pénuries de médicaments et de vaccins.
Pour conclure, je rappellerai l’absence d’ambition de la politique familiale et de la petite enfance, et l’annonce d’augmentations de certaines allocations dont les modalités nous interpellent parfois.
Rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale ne doit avoir qu’un seul objectif : répondre aux défis de notre système de santé, de l’allongement de la vie, de justice sociale quand l’individualisme primer le collectif. C’est un enjeu fondamental de cohésion sociale déterminant pour l’avenir d’une démocratie apaisée.
Vous l’aurez compris, le groupe socialiste et républicain votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Éric Bocquet et Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Guillaume Arnell. Vous avez clos les débats vendredi soir, madame la ministre, en nous avouant que c’était toujours un grand plaisir d’échanger avec le Sénat. Sachez que ce plaisir est partagé ! Même si nos positions divergent parfois, les échanges ont été, une fois de plus, constructifs et empreints de grand respect.
Ce PLFSS devrait marquer le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale après dix-huit ans de déficit, parfois abyssal ! Cela mérite d’être souligné, même si cet équilibre reste encore fragile.
Le texte comporte de nombreuses avancées, que nous saluons.
En matière de prévention, nous souscrivons pleinement au redéploiement des examens obligatoires de santé de l’enfant jusqu’à ses 18 ans, à la mise en place d’une rémunération forfaitaire pour la prise en charge hospitalière de patients atteints de diabète et d’insuffisance rénale, ou encore à la vaccination contre les infections liées aux papillomavirus humains chez les jeunes filles et garçons.
Je me félicite du fait que nous ayons suivi les recommandations du plan Cancer, qui prévoyait de renforcer les campagnes d’information dans le cadre scolaire.
S’agissant de la protection des personnes les plus fragiles, nous saluons, madame la ministre, vos orientations : la fusion de la couverture maladie universelle et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, mesure phare du plan Pauvreté ; et la réforme du « reste à charge zéro » pour les soins dentaires, l’optique et les prothèses auditives, qui permettra de faire progresser l’accès aux soins dans les secteurs où les renoncements sont les plus importants.
Ces deux réformes symbolisent les valeurs humanistes qui sont au cœur de notre système de santé.
Nous saluons également la majoration du complément de mode de garde pour les familles ayant un enfant en situation de handicap, la prolongation du congé maternité pour les travailleuses indépendantes et les exploitantes agricoles, ou encore l’allongement du congé paternité pour les pères de nouveau-nés nécessitant des soins intensifs.
Au cours des débats, notre assemblée a apporté des améliorations au projet de loi. Je pense bien évidemment à la suppression de l’article 7 bis relatif aux prestations accordées par les comités d’entreprise ou à celle de l’article 29 quinquies instituant un forfait de réorientation des urgences, portées notamment par notre groupe. Le Sénat a été unanime !
Aussi, j’espère, madame la ministre, que les débats que nous avons eus porteront leurs fruits lors de l’examen en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
S’agissant plus particulièrement du dispositif du TO-DE, je tiens à rappeler que ces exonérations sont cruciales pour l’ensemble des filières agricoles. Notre assemblée s’est ardemment mobilisée pour le maintien du dispositif ; notre groupe également, même si nous regrettons que l’amendement de responsabilité, présenté par notre collègue Franck Menonville, qui aurait permis de concilier les intérêts de la filière agricole avec les objectifs du Gouvernement, n’ait pas emporté l’adhésion du Sénat. Je crains que la rédaction retenue ne soit in fine rejetée par l’Assemblée nationale.
Toujours sur l’article 8, je souhaiterais rappeler les incidences pour les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et tout particulièrement pour nos entreprises, déjà fragilisées dans un contexte post-Irma. Je redoute que la charge sociale supplémentaire qu’elles auront à assumer ne soit un véritable frein pour la reconstruction et le développement économique de nos territoires. Aussi, je demande une nouvelle fois à Mme la ministre des outre-mer de reconsidérer la position du Gouvernement sur cette délicate question : il y va de la pérennité de la vie économique locale.
Sur la question de la taxation du rhum, pour laquelle notre collègue Catherine Conconne a dépensé tant d’énergie, je veux dire qu’il n’y a pas de corrélation entre le taux d’alcoolisme et la production locale de rhum, toutes les études prouvant que les boissons les plus consommées sont la bière, le champagne et le vin. Il est pour le moins troublant que la taxation du vin soit un sujet presque tabou au motif qu’il s’agit d’un fleuron de notre gastronomie. Mais le rhum antillais, guyanais ou réunionnais n’est-il pas lui aussi un fleuron de la gastronomie française ?
M. Guillaume Arnell. Néanmoins, vous avez consenti un effort important en acceptant le principe du rééchelonnement de la hausse sur six ans au lieu de quatre, et je ne peux que saluer ce geste.
Un autre sujet me tient tout particulièrement à cœur : c’est celui des médecins intérimaires. Dans mon île, comme dans beaucoup de territoires ruraux ou insulaires, le manque de praticiens contraint les établissements à se livrer à une véritable surenchère pour recruter ces intérimaires, dont certains ne se gênent pas pour faire monter les enchères. Je connais votre implication sur ce sujet et je souhaite, comme vous, que nous avancions ensemble. Je pense, à l’instar de ma collègue Véronique Guillotin, qu’une conférence des agences régionales de santé, les ARS, serait nécessaire pour garantir la cohérence de l’action publique.
Quelques mots enfin sur la disposition introduite par notre rapporteur relative à l’assurance vieillesse : si certains d’entre nous reconnaissent que le report de l’âge légal de départ à la retraite semble inéluctable, il est pour le moins prématuré et inopportun de débattre de cette question au détour d’un amendement dans le cadre du PLFSS, alors que le Haut-Commissaire, M. Jean-Paul Delevoye, mène une concertation depuis plusieurs mois en vue d’une réforme systémique.
Madame la ministre, nous aurions tellement souhaité vous accompagner jusqu’au bout, mais trop de sujets nous séparent encore. Aussi, la majorité du groupe du RDSE s’abstiendra sur le PLFSS pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. François Patriat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors de la dernière élection présidentielle, je n’ai pas appelé à voter pour le candidat Macron et je n’ai pas voté pour lui. (Exclamations sur les travées du groupe La République En Marche.) Contrairement à d’autres parlementaires, je suis donc parfaitement clair et cohérent lorsque je dénonce l’accumulation de mesures injustes et démagogiques.
La suppression de la taxe d’habitation est le symbole même de la démagogie (M. David Assouline s’exclame.) puisque, pour compenser la perte de recettes, on augmente par ailleurs d’autres impôts. De même, de nombreux arbitrages se traduisent par une injustice tout à fait insupportable. En particulier, les personnes âgées sont victimes d’un véritable matraquage fiscal.
Les retraités sont délibérément ciblés par une augmentation de 3 % de la CSG et par le gel de leurs pensions. On prévoit de plus une augmentation de 9 % de leurs cotisations aux mutuelles en contrepartie de la future prise en charge des soins dentaires et des lunettes.
M. Martin Lévrier. C’est faux !
M. Jean Louis Masson. Enfin, M. Delevoye a confirmé officiellement devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale que le Gouvernement allait imposer un abattement de moitié sur certaines pensions de réversion des veuves. (M. François Patriat s’exclame.)
C’est cela la justice sociale selon M. Macron et son gouvernement ! C’est une honte, car la France d’aujourd’hui a été bâtie grâce aux actuels retraités qui, eux, ont travaillé 40 heures par semaine dès l’âge de 14 ans et sans bénéficier ni de RTT ni de cinq semaines de congés payés.
Après toute une vie de labeur, certains retraités touchent actuellement nettement moins que ce que l’État dépense pour les flux massifs d’immigrés qui viennent pomper nos finances publiques…
M. Jean Louis Masson. … sans avoir jamais rien fait pour la France. (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Une veuve d’agriculteur ne perçoit même pas la moitié de ce qui est consacré à chaque immigré. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. Mensonge !
M. Jean Louis Masson. Pire encore, les petits retraités qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts payent malgré tout le ticket modérateur lorsqu’ils sont malades. Faute de ressources, il leur arrive même de renoncer à se soigner. Les immigrés bénéficient, eux, de l’aide médicale de l’État à 100 %. (Mme Patricia Schillinger s’exclame.) Ils ne payent strictement rien, y compris pour les dents, pour les lunettes et pour les médicaments. (C’est terminé ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean Louis Masson. Pour couronner le tout, à l’Élysée et au sein du Gouvernement, on se moque de nos concitoyens…
M. le président. Il faut conclure.
M. Jean Louis Masson. … en affirmant que le pouvoir d’achat des Français s’améliore. (Des sénateurs du groupe socialiste et républicain, ainsi que Mme Patricia Schillinger et M. Julien Bargeton frappent sur leur pupitre.) Ils n’ont qu’à aller voir les retraités et leur demander s’ils pensent que leur pouvoir d’achat a augmenté !
M. le président. Concluez !
M. Jean Louis Masson. Pour toutes ces raisons, je voterai sans aucune hésitation contre ce projet de loi. (Mme Claudine Kauffmann et M. Stéphane Ravier applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, année après année, le groupe Union Centriste appelle de ses vœux le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale : c’est une question de crédibilité et de respect des générations futures.
En recevant le PLFSS pour 2019, notre a priori fut bon. Pour la première fois en dix-huit ans, le budget était équilibré. Qui plus est, il était même excédentaire de 700 millions d’euros. Le groupe Union Centriste avait donc vocation à exprimer sa satisfaction. C’eut été sans la présence de plusieurs mesures irritantes, heureusement gommées par les travaux du Sénat ; j’y reviendrai.
Je commencerai par signaler ce qui, à nos yeux, va dans le bon sens.
Nous saluons l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires, prévue à l’article 7, et espérons que cela se traduira par une amélioration du pouvoir d’achat.
L’article 8 prévoit la transformation du CICE et du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, en baisses de charges pérennes. Nous soutenons cette mesure.
Concernant l’offre de soins, le plan « Ma santé 2022 », dont les premières mesures sont financées dans ce PLFSS, replace le patient au cœur du système, ce qui est essentiel.
Je salue également l’avancée que constituent le reste à charge zéro prévu à l’article 33 et l’amplification de la portée du dispositif d’expérimentations en santé à l’article 29.
S’agissant de la branche famille, qui est mon domaine de prédilection, les mesures sont peu nombreuses – je le regrette – et ont été approuvées par le Sénat. Cependant, j’appelle l’attention du Gouvernement sur la prime à la naissance dont le versement avant la naissance relèverait du bon sens. Enfin, l’attribution des allocations familiales dès le premier enfant devrait faire l’objet d’un débat approfondi.
Madame la ministre, plusieurs points nous ont malheureusement fait déchanter.
En ce qui concerne les agriculteurs, l’article 8 prévoyait la fin des allégements de cotisations spécifiques dont sont bénéficiaires actuellement les exploitants agricoles employant de la main-d’œuvre saisonnière. Le Sénat a préservé ces exonérations. (Très bien ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Augmenter les coûts de main-d’œuvre aujourd’hui pour certaines filières agricoles reviendrait à les condamner demain.
Mme Sophie Primas. Bien !
Mme Élisabeth Doineau. Mais surtout présenter un budget à l’équilibre n’est pas d’une difficulté insurmontable dès lors que votre gouvernement instaure « une moindre revalorisation des prestations sociales pour les deux prochaines années ». Cet euphémisme gouvernemental se traduit par une hausse de 0,3 % lorsque l’inflation est à 1,6 %. En français, cela s’appelle une désindexation. Elle produira 3,2 milliards d’euros d’économies.
Je vous le disais, équilibrer un budget n’est pas si difficile, sauf pour le pouvoir d’achat des Français. Après avoir déjà contribué à hauteur de presque 1,5 milliard d’euros sous le quinquennat précédent, les familles y seront de leur poche l’année prochaine pour 260 millions d’euros. Ces rabotages successifs ont des conséquences non négligeables.
Quant aux retraités, après la CSG l’an passé, cette année encore le Gouvernement ne les a pas oubliés puisqu’ils seront les plus gros contributeurs à l’équilibre du budget.
Mes chers collègues, donnons un peu de réalité à cette désindexation. Un retraité touche en moyenne une pension de 1 376 euros brut. Avec la désindexation, il touchera 4 euros de plus par mois au lieu de 22 euros, soit une perte de plus de 200 euros de pouvoir d’achat sur l’ensemble de l’année. Cette mesure concentre les critiques. Les Français ne peuvent pas comprendre pourquoi « on s’en prend toujours aux mêmes ».
Évoquons le contexte avec un peu de « en même temps » cher au cœur du Gouvernement.
Le prix du fioul a augmenté de 30 % en un an. Certes, le Gouvernement n’est pas responsable de l’augmentation du prix du pétrole. En revanche, il l’est lorsqu’il accélère l’augmentation des taxes applicables.
N’oublions pas en effet que le Gouvernement faisait adopter, dans la loi de finances pour 2018, une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, pour le 1er janvier 2019. En somme, un nouveau coup de massue qui arrivera juste après Noël !
Je rappelle que la TICPE devrait rapporter 17 milliards d’euros de recettes à l’État l’an prochain, contre 10 milliards d’euros en 2017.
Mes chers collègues, voilà donc ce nouveau monde dans lequel on ponctionne sans hésitation dans le pouvoir d’achat des Français (M. François Patriat s’exclame.), notamment des retraités, tout en augmentant en même temps le coût de la vie. C’est pourquoi notre assemblée ne peut pas vous suivre dans cette approche humainement non équilibrée.
Ainsi, la majorité sénatoriale a adopté trois amendements majeurs.
Le premier rejette la sous-revalorisation des prestations sociales.
Le deuxième prévoit le recul progressif de l’âge minimum légal de départ à la retraite à 63 ans à compter du 1er mai 2020.
Quand bien même une future réforme des retraites est annoncée pour l’an prochain, l’augmentation de l’espérance de vie des Français obligera, en tout état de cause, à travailler plus longtemps. Nous n’avons donc adopté qu’une évidence, sauf à ce que le Gouvernement privilégie une baisse des pensions. Je lui laisse l’expliquer à nos concitoyens.
Le troisième amendement prévoit un prélèvement exceptionnel sur les organismes complémentaires d’assurance maladie. La Cour des comptes avait mis en avant, dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2016, des frais de gestion des organismes complémentaires selon nous très élevés, probablement trop élevés. Ainsi, ce prélèvement de 1 milliard d’euros ne saurait être répercuté sur les affiliés.
Du fait des recettes ainsi produites, ces amendements permettront de financer le maintien du pouvoir d’achat des retraités et des familles.
Madame la ministre, avant de conclure, je souhaitais mettre en perspective la politique de votre gouvernement avec la grogne sociale incarnée par les « gilets jaunes ».
De plus en plus de nos concitoyens estiment être les seuls contributeurs à l’effort demandé par le Gouvernement. Votre hiérarchisation consistant à favoriser les créations d’emploi et à accélérer la transition énergétique n’est pas audible. Les retraités ont le sentiment d’être stigmatisés, les familles s’interrogent, les automobilistes sont excédés.
L’égalité face aux efforts demandés n’est pas perçue, l’équité encore moins. On ne peut qu’entendre et comprendre la grogne qui monte. Ce coup de canif dans la cohésion sociale risque à terme de déstabiliser l’équilibre de nos institutions.
Pour le moment, le groupe Union Centriste votera ce PLFSS modifié par le Sénat, mais nous vous exhortons à ne pas pousser trop nos concitoyens à la désespérance. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Emmanuel Capus et Alain Fouché applaudissent également.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis 2001, nous souhaitons un retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Le PLFSS pour 2019 prévoit un léger excédent, c’est une satisfaction pour la France et pour nos enfants, car parallèlement la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, se désendette, ainsi que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS. L’ensemble sera vraisemblablement remboursé en 2024.
La branche maladie représente 50 % du budget du régime général. Nous soutenons les objectifs – le financement pour l’investissement, la qualité et la pertinence des soins à l’hôpital, la fin du « tout T2A » – tout en connaissant les difficultés actuelles des établissements de santé.
Nous soutenons l’accès à l’innovation thérapeutique et le financement forfaitaire pour le diabète et l’insuffisance rénale chronique, que vous proposez, madame le ministre, d’étendre au privé en 2020.
Nous soutenons aussi l’amélioration de la coordination ville-hôpital grâce au numérique et le financement d’une forte politique de prévention – je pense notamment aux douze vaccinations, dont le papillomavirus, à la lutte contre les addictions, au renforcement du suivi médical et à l’implication des pharmaciens –, ainsi que le renforcement des urgences et de la psychiatrie.
Le plan « Santé 2022 » présenté par le Président de la République devrait désengorger les urgences et améliorer l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire avec ses cinq projets prioritaires : les assistants médicaux, les communautés professionnelles territoriales de santé, ou CPTS, les médecins à exercice partagé, la fin du numerus clausus et les hôpitaux de proximité.
Tout cela est bien accueilli par les professionnels de santé en termes de diagnostic et d’objectifs. Nous espérons que les financements suivront.
Je rejoins Mme le rapporteur pour l’assurance maladie sur plusieurs points : tout d’abord, les difficultés qu’entraînent les économies sur les produits de santé et l’ambulatoire, car nous arrivons à des coûts incompressibles, notamment en ce qui concerne le personnel ; ensuite, le financement à la qualité qu’il est souhaitable de réaliser, mais sans pénalité ; enfin, le maintien de la mention « non substituable » sur les ordonnances et la poursuite de la concertation sur le développement des médicaments hybrides. Dernier point, l’exonération partielle des cotisations sociales des médecins retraités va dans le bon sens.
Nous sommes favorables aux propositions visant à favoriser l’accès aux soins des personnes défavorisées. Ainsi, l’article 34 du texte prévoit la fusion entre la CMU-C et l’ACS, ce qui permettra une meilleure prise en charge des plus vulnérables – je rappelle qu’aujourd’hui 65 % des ayants droit ne recourent pas à l’ACS. Je citerai également le remboursement à 100 % de l’optique, du dentaire et de l’audition et la revalorisation de l’AAH et du minimum vieillesse.
Nous soutenons aussi les aides, fortes, en faveur de l’emploi et de la compétitivité des entreprises : le CICE 2018 versé en 2019, la transformation de ce crédit d’impôt en baisse de charges pérenne et l’exonération pour les aides à domicile.
Dans ce chapitre, nous avons soutenu les amendements pour le maintien de l’exonération des travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi, les TO-DE, jusqu’à 1,25 SMIC, ainsi que l’allégement de cotisations pour les employeurs de sapeurs-pompiers volontaires et la suppression du plafond des chèques-vacances.
Nous sommes favorables à l’exonération des heures supplémentaires – c’est une bonne mesure pour le pouvoir d’achat et les entreprises – et aux autres exonérations décidées par le Gouvernement qui valorisent le travail, mais à condition que toutes ces sommes, 1,3 milliard d’euros, soient compensées par l’État. Nous avons décidé d’affecter ces montants aux retraites et familles.
Sur le plan médico-social, vous souhaitez, madame la ministre, améliorer le maintien à domicile des personnes âgées et renforcer les aides attribuées aux EHPAD. Les sommes prévues seront insuffisantes pour combler les manques de personnel, en particulier en termes d’aides-soignantes et d’infirmières de jour. Or ces professionnelles sont indispensables pour une prise en charge décente des pensionnaires. Comme l’indique le rapporteur, le prix de journée reste trop élevé et le forfait soins insuffisant.
Nous sommes aussi favorables à l’amendement visant à autoriser la prescription par un médecin coordinateur, tout en conservant le principe d’un médecin traitant pour le pensionnaire.
Concernant le handicap, le plan de détection des troubles du neuro-développement va dans le bon sens et leur prise en charge par la sécurité sociale est une avancée importante pour les familles qui ne peuvent pas payer les intervenants.
Des progrès restent à faire pour augmenter les places d’hébergement destinées aux personnes handicapées, favoriser leur inclusion et mieux s’occuper des personnes handicapées vieillissantes.
S’agissant des branches retraite et famille, nous sommes défavorables à la faible revalorisation des pensions de retraite, fixée à 0,3 % par le Gouvernement. Nous ne pouvons pas faire porter cet effort budgétaire sur les retraités, déjà impactés par la hausse de la CSG, et sur les plus vulnérables.
Nous avions proposé un amendement demandant à l’État de compenser réellement les décisions qu’il prend en matière d’exonérations, ce qui permettait la revalorisation des retraites et le financement de la branche famille à hauteur de 1 %. Cela nous semblait constituer un bon équilibre. En outre, cette disposition était en lien avec la mise en place d’un filet de sécurité pour les personnes qui touchent de petites retraites.
D’ailleurs, cette mesure est proche du texte que nous sommes amenés à examiner aujourd’hui et nous avons voté, en séance, l’amendement de revalorisation des retraites présenté par la commission. En revanche, nous nous sommes abstenus sur le report de l’âge de départ à la retraite ; c’est une mesure qui sera peut-être – sûrement ? – envisagée, mais qui nécessite, à notre sens, un débat public.
Madame la ministre, à l’exception de ce point de divergence, nous sommes d’accord sur la quasi-totalité du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et du plan de santé présenté par le Gouvernement, mais nous ne souhaitons pas opposer les actifs et les retraités.
Nous saluons le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale et les objectifs d’amélioration des conditions de soins dans les territoires, à l’hôpital et pour les plus défavorisés, mais à condition que cet équilibre témoigne d’une répartition des efforts raisonnable, équitable et juste. Nous pensions avoir proposé un tel équilibre, sans pour autant décaler, à ce stade, l’âge de départ à la retraite – il est vraisemblable qu’une telle mesure sera adoptée, mais cela ne peut se faire qu’après débats et concertations.
En conclusion, la majorité du groupe Les Indépendants s’abstiendra sur le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Jocelyne Guidez applaudissent également.)
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme toujours, nos débats ont été passionnés et passionnants ! Ils ont mis en exergue nos différences avec le Gouvernement sur des sujets que nous estimons essentiels.
Le tout premier d’entre eux est celui du bouleversement du financement de la sécurité sociale qui est particulièrement prégnant dans ce texte. À travers la politique économique du Gouvernement, les sources de recettes de la sécurité sociale sont profondément modifiées. Ce sont notamment les effets de la suppression des cotisations sociales d’assurance maladie pour les salariés et des baisses de charges patronales en remplacement du CICE.
Il faut que vous ayez en tête, mes chers collègues, qu’en 2019 les recettes de la sécurité sociale seront assurées à hauteur de 52 % par des cotisations et 45 % par des recettes fiscales, en particulier la CSG. Ces chiffres, s’ils peuvent apparaître à beaucoup d’entre vous techniques, voire accessoires, sont au contraire véritablement politiques.
Le régime assurantiel, dont le principe est de cotiser selon ses moyens et de recevoir selon ses besoins, est totalement remis en cause pour être remplacé par un régime universel, dans lequel les recettes de la sécurité sociale seront assurées par des mesures fiscales.
Au-delà des débats propres au projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous estimons que, compte tenu de cette évolution, nous ne pouvons pas nous contenter de débats partiels. Cette question mérite un vrai et grand débat national, par exemple à travers l’organisation d’États généraux de la sécurité sociale.
Autre point essentiel, sur lequel le Sénat s’est retrouvé à la quasi-unanimité : le matraquage des retraités et des familles qui, une fois de plus, sont pris pour cibles par le Gouvernement.
Certes, un geste a été fait pour quelque 300 000 retraités, en évitant qu’ils ne subissent brutalement le taux plein de la CSG, mais dans le même temps le Gouvernement propose le quasi-gel des pensions de retraite. Des études ont clairement montré que la sous-revalorisation des pensions de 0,3 %, cumulée à d’autres mesures prises – hausse de la CSG, diminution des aides au logement… –, entraîne 79 % de perdants et 21 % de gagnants.
Du côté des familles, c’est la même injustice. Le gouvernement précédent a remis en cause l’universalité de la politique familiale avec notamment la modulation des allocations et la baisse des montants de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Vous avez non seulement continué cette politique, mais vous l’avez accentuée avec une nouvelle baisse de la PAJE, décidée en 2018.
Nous estimons que les efforts demandés aux familles pour participer au redressement des comptes sociaux sont d’autant plus préoccupants qu’ils s’inscrivent dans un contexte de baisse de la natalité, phénomène analysé par notre collègue Élisabeth Doineau dans son rapport.
Pour financer la revalorisation des prestations familiales et des pensions, le Sénat a pris ses responsabilités et, n’en déplaise au ministre de l’action et des comptes publics, M. Darmanin, nous ne sommes pas « hypocrites ».
J’ai eu l’occasion de le dire, vendredi dernier, lorsque nous avons terminé l’examen des amendements : je n’ai pas apprécié son intervention sur une chaîne d’information continue, le matin même, où il a parlé de « l’hypocrisie du Sénat ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Le ministre évoquait la mesure que nous avons adoptée pour les organismes complémentaires d’assurance maladie, les OCAM. Sur l’initiative du rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, et avec notre total soutien, nous avons prélevé, à titre exceptionnel, 1 milliard d’euros sur ces organismes.
Depuis des années, tous les acteurs de la santé ont fait des efforts : les professionnels, les hôpitaux, les cliniques, l’industrie pharmaceutique. Ce n’est pas le cas des complémentaires santé. C’est la raison pour laquelle le Sénat a voté une contribution exceptionnelle à leur charge.
Cette contribution est d’ailleurs l’occasion de mettre le doigt sur une gestion qui est loin d’être exemplaire. Alors que les frais de gestion de la sécurité sociale s’élèvent à 4,5 %, ceux des complémentaires santé sont en moyenne de 20 % à 25 % et peuvent aller jusqu’à 42 % ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Ainsi, l’assuré qui verse 100 euros à la sécurité sociale récupère 95,5 euros et seulement 58 euros avec certains organismes complémentaires. (C’est une honte ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) C’est l’assuré qui est lésé.
Ce phénomène a été signalé par la Cour des comptes en 2016. La Cour déplorait que les OCAM aient dépensé 7,2 milliards d’euros en frais de gestion, dont près de 3 milliards en simples frais de publicité et de communication dans le but d’obtenir de nouveaux clients – je voudrais d’ailleurs dire à M. Daudigny que, en enlevant 1 milliard sur 3 milliards, il en restera 2… Les OCAM sont donc tout à fait en mesure de ne pas augmenter les cotisations ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Depuis 2010, leurs frais de gestion ont explosé de plus de 30 %, relève la dernière enquête de l’UFC-Que choisir. Ils représentent à eux seuls 36 % de la hausse des cotisations des OCAM depuis 2010.
Par ailleurs, au-delà de leurs obligations prudentielles, les complémentaires santé ont 50 milliards d’euros en réserve. Une contribution de 1 milliard d’euros est donc à leur portée, sans que cela entraîne une augmentation des cotisations des assurés. C’est un geste de solidarité qui leur est demandé par le Sénat, rien d’autre !
Enfin, je rappelle que cette mesure, votée par la majorité sénatoriale, découle simplement de la décision du Gouvernement d’amputer de plus de 3 milliards d’euros le pouvoir d’achat des retraités et des familles. (Eh oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il n’y a pas non plus d’hypocrisie de la part du Sénat lorsque nous décidons de reculer l’âge de départ à la retraite de 62 à 63 ans en mai 2020. Je tiens à rappeler à ceux qui ont critiqué cette mesure que, dès le 1er janvier 2019, les salariés seront déjà amenés à partir à la retraite à 63 ans au plus tôt s’ils ne veulent pas subir une baisse du montant de leur retraite complémentaire AGIRC–ARRCO. (M. Marc-Philippe Daubresse et Mme Catherine Troendlé opinent. – MM. René-Paul Savary et Bruno Retailleau, ainsi que Mme Dominique Estrosi Sassone applaudissent.)
Nous disons tout simplement aux Français que le seul moyen d’avoir une retraite décente passera par un allongement de la durée du travail. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Madame la ministre, si nous voulons redonner confiance aux Français, il faut leur dire la vérité.
Pour équilibrer notre système de retraite par répartition, comme l’a démontré notre collègue René-Paul Savary, trois leviers peuvent être utilisés. Le premier, c’est le taux de cotisations patronales et salariales, aujourd’hui fixé à 28 %, un taux déjà élevé. Le deuxième, c’est l’âge de départ à la retraite ; tous les pays européens l’ont relevé. Le troisième, c’est le niveau des pensions. Nos concitoyens devront-ils vivre plus longtemps avec des retraites encore plus basses ? Madame la ministre, voulez-vous qu’à terme les retraités n’aient plus les moyens de maintenir leur niveau de vie ?
M. Antoine Lefèvre. Ça commence !
M. Alain Milon. Nous alertons dès aujourd’hui le Gouvernement : si nous ne voulons pas que les retraités de demain soient paupérisés, cet élément devra être pris en compte dans la réflexion menée dans le cadre de la réforme systémique. Nous avons certainement tort d’avoir raison trop tôt ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je termine mon propos sur le volet santé, pour lequel nous partageons votre constat, madame la ministre, mais il y a urgence à agir, surtout dans le secteur hospitalier. Force est de constater que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne répond que très partiellement à cette urgence.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Milon. Comme l’a souligné notre collègue et rapporteur Catherine Deroche, au fil des projets de loi de financement, de régulation en régulation, les dépenses de santé respectent l’ONDAM, mais à quel prix ? Baisses des tarifs, gels, puis annulations de crédits : les établissements de santé sont exsangues. (Le temps est dépassé ! sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Julien Bargeton frappe sur son pupitre.)
M. le président. Il faut conclure.
M. Alain Milon. Je vais donc conclure.
Sans surprise, le groupe Les Républicains votera le projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu’il a été amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur
M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux d’accueillir aujourd’hui M. Bernard Buis, sénateur de la Drôme, qui remplace notre ancien collègue Didier Guillaume. (M. Bernard Buis se lève.) Mon cher collègue, au nom du Sénat, je vous souhaite la bienvenue. (Applaudissements.)
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Financement de la sécurité sociale pour 2019
Adoption d’un projet de loi modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Ouverture du scrutin public solennel
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, modifié.
Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des conférences.
Je remercie nos collègues Yves Daudigny, Jacky Deromedi et Françoise Gatel, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à seize heures.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 20 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 181 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, modifié.
Avant de donner la parole à Mme la ministre des solidarités et de la santé, je souhaite remercier le président et le rapporteur général de la commission des affaires sociales, ainsi que l’ensemble des rapporteurs. Ils ont grandement contribué à la qualité de nos débats, qui se sont pourtant déroulés dans un temps contraint. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Vous avez la parole, madame la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je souhaite tout d’abord remercier très chaleureusement les présidents de séance qui se sont succédé la semaine dernière, ainsi que le président et le rapporteur général de la commission des affaires sociales et l’ensemble des rapporteurs et des sénateurs ayant participé à nos travaux. Chacun a contribué, dans la diversité, à la richesse des débats que nous avons eus sur ce texte. Il me semble particulièrement important que nos échanges se soient tenus dans une atmosphère sereine ; nous le devons à nos concitoyens, eu égard à l’importance des enjeux.
Je souhaite ensuite apporter quelques éléments de réponse aux prises de parole qui viennent d’avoir lieu.
Le Gouvernement ne partage évidemment pas tout à fait les options qui ont été adoptées par le Sénat… (Sourires.)
En particulier, le Gouvernement n’est pas favorable au recul – assez brutal, à notre sens – (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) de l’âge minimal légal de départ à la retraite à 63 ans.
M. Charles Revet. C’est bien dommage !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Cette mesure ne fait pas partie des engagements que nous avons pris devant les Français.
Nous ne partageons pas non plus la hausse, très massive, des taxes sur les organismes complémentaires d’assurance maladie. Cette hausse est évidemment contraire à notre objectif de réduire le reste à charge pour les Français et nous pensons que cette taxation augmentera inévitablement le coût des complémentaires.
M. Bruno Retailleau. Pas du tout ! Il faut remettre de l’ordre !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Certains sénateurs ont évoqué le fait que le budget de la sécurité sociale serait insuffisant par rapport aux enjeux. Je tiens tout de même à rappeler que nous augmentons ce budget de 10 milliards d’euros d’une année sur l’autre et, au sein de cette enveloppe, 5 milliards iront directement à la branche assurance maladie, donc à la réforme de notre système de santé.
Il me semble donc que le projet présenté par le Gouvernement est équilibré. Il permet, d’une part, de consolider et désendetter la sécurité sociale, afin d’anticiper les nouveaux risques, sur lesquels nous aurons à débattre, probablement à la fin de l’année prochaine.
Ce budget permet, d’autre part, de créer les conditions favorables à l’emploi et au travail. Là aussi, c’est un engagement du Président de la République. Nous souhaitons tous la réduction du nombre de chômeurs et le Gouvernement essaye de trouver les conditions les plus favorables pour faciliter l’accès à l’emploi au travers des nombreuses mesures que nous avons prises : suppression des charges sociales salariales sur les heures supplémentaires et réduction des charges patronales au niveau du SMIC.
Nous avons décidé un investissement très important en faveur de la transformation du système de santé, sujet dont nous aurons à débattre l’année prochaine.
Nous avons créé de nouveaux droits pour les familles et je crois que nous avons atteint une forme de consensus avec le Sénat à ce sujet.
Nous avons aussi créé de nouveaux droits pour l’ensemble des Français. Je pense en particulier à deux très belles mesures : le « 100 % santé », c’est-à-dire l’accès sans reste à charge aux prothèses auditives et dentaires et aux lunettes, et la fusion de l’ACS et de la CMU-C qui va permettre à 3 millions de nos concitoyens d’accéder à une complémentaire santé à moindre coût, au maximum un euro par jour de cotisation, soit une diminution de 30 euros par rapport au coût mensuel actuel des complémentaires pour les retraités. C’est un gain substantiel pour les retraités modestes !
Je veux également retenir de nos débats des éléments clairs de consensus. D’abord, sur les avancées sociales, dont je viens de parler : la CMU-C contributive et le « 100 % santé ». Ensuite, sur le projet de transformation du système de santé : il me semble que la direction prise par le Gouvernement rencontre globalement l’adhésion des sénateurs de tous les groupes.
Je voudrais aussi dire que la proposition que j’ai faite d’un nouveau système de santé laisse toute sa place à l’ensemble des professionnels, non seulement aux médecins et aux pharmaciens, mais également aux infirmières. Ces dernières sont aujourd’hui inquiètes et je tiens à rappeler qu’elles ont toute leur place dans le système de santé à venir, puisque je propose notamment une meilleure répartition des tâches entre tous les professionnels.
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous l’avez compris, sera complété par un projet de loi dédié à la transformation du système de santé, dont nous aurons probablement à débattre à la fin du premier trimestre 2019. Je sais que nos débats seront très riches et constructifs, comme ils le sont toujours au Sénat, et je tiens à vous en remercier à l’avance. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Madame la ministre, je vous remercie pour votre participation à ce débat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.)
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
Mme Françoise Gatel.
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur la diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24, organisé à la demande du groupe Les Républicains.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur du débat disposera d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.
Dans le débat, la parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trois semaines avant la conférence internationale sur le climat de Katowice en Pologne, il a paru essentiel au groupe Les Républicains de faire un état des lieux sur l’avancement des négociations climatiques. Il y a deux raisons principales à cela.
Tout d’abord, parce que la France a une vraie légitimité, un vrai leadership, sur la scène internationale en matière de changement climatique. Il y a bien sûr eu l’accord de Paris, mais il y a aussi le fait que notre mix électrique est décarboné, notamment grâce au nucléaire.
Ensuite, parce que ce sujet revient chaque année depuis un quart de siècle à l’agenda des Nations unies et que les contributions nationales des gouvernements proposées dans le cadre de l’accord de Paris depuis trois ans ne sont pas suffisantes pour contenir le réchauffement en dessous de 1,5 degré.
Malgré l’urgence, il faut accepter que la transformation du modèle de croissance hérité de la période préindustrielle vers une économie décarbonée prenne du temps. Elle nécessite surtout des changements en profondeur, qu’il convient d’accompagner. Il en est de même pour la société civile, qui ne peut pas du jour au lendemain modifier ses comportements.
Pour faire accepter des changements comportementaux, quatre ingrédients sont nécessaires : une trajectoire politique forte et cohérente sur le long terme ; la progressivité ; la transparence du financement ; de ce fait, l’acceptabilité par les citoyens. La fiscalité écologique doit être un moyen de fédérer les citoyens plutôt que de les diviser.
Limiter le réchauffement climatique n’est pas hors d’atteinte. Cela nécessite d’entamer une révolution énergétique globale, des transitions dans tous les pans de notre économie et de la société, et, bien sûr, cela réclame une volonté et du courage politique.
La COP24 a un rôle important, davantage que celui des deux précédentes COP. Il y est en effet prévu un bilan d’étape collectif des engagements climatiques nationaux. Son objectif principal est de finaliser le programme de travail de l’accord de Paris et de revoir les ambitions à la hausse.
Revenons sur les termes de l’accord de la COP21 de 2015. Les parties doivent limiter le réchauffement climatique « nettement en dessous de 2° Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5° Celsius ». Il s’agit également de revoir à la hausse la contribution nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour vérifier ces engagements, il est créé un cadre de transparence renforcé et une évaluation périodique des progrès réalisés est attendue. Enfin, les parties prévoient de débloquer 100 milliards de dollars chaque année à partir de 2020 pour les pays en développement.
Puis, il y a eu la COP22 à Marrakech. L’objectif de cette conférence était de définir les modalités d’application de l’accord sur le climat signé à Paris.
Le résultat de ces négociations est un support peu normatif. Les principaux éléments ressortant de la proclamation sont la nécessité « de rehausser d’urgence les ambitions et de renforcer la coopération », et la prise en compte des besoins spécifiques et des circonstances particulières des pays en développement.
Le fait le plus intéressant de ces négociations est sans nul doute l’accélération des financements, avec le Fonds d’investissement de Marrakech pour l’adaptation, le MICA, le Fonds d’adaptation, ou encore l’aide au Centre et réseau des technologies climatiques, et enfin le Fonds vert pour le climat.
Comme à la COP22, les futures règles visant à l’application concrète de l’accord de Paris sur le climat ont été négociées à la COP23, qui s’est tenue à Bonn en 2017.
De fait, la majorité des parties prenantes, acteurs étatiques comme ONG, ont annoncé avant la conférence que le moment clef pour l’application de l’accord de Paris serait la COP de Katowice, un an plus tard.
De la COP23, nous retiendrons le « dialogue de Talanoa », qui a été lancé dès janvier dernier pour collecter les contributions des pays signataires, afin de limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius. Les contributions nationales devront ainsi être revues à la hausse avant 2020.
Je note aussi avec beaucoup d’intérêt la montée en puissance d’une thématique au sein de ces négociations internationales, mais aussi en France, dans le cadre des assises de l’eau : il s’agit évidemment de celle de l’eau, première ressource concernée par le dérèglement climatique, puisque 90 % des catastrophes naturelles lui sont liées. Cette question étant centrale dans la limitation des émissions de gaz à effet de serre, elle doit être, me semble-t-il, un élément incontournable des plans climatiques.
Cela étant, le choix de la ville minière de Katowice pour la tenue de la COP24 est symbolique. En effet, la Pologne a un mix énergétique qui repose très largement sur le charbon, puisque 80 % de son électricité en provient. C’est aussi le cas dans de nombreux pays émergents. Cette ville incarne ainsi parfaitement les défis de la transition énergétique.
La COP24 sera l’occasion de finaliser les règles de mise en œuvre du pacte sur le climat, notamment concernant la transparence, c’est-à-dire la façon dont les États rendent compte de leurs actions et de leurs résultats. L’épineuse question du financement du réchauffement climatique sera également abordée. Ainsi, le « plan d’action de Katowice pour la transition juste » devrait être adopté.
Madame la secrétaire d’État, à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, nous prenons le sujet du dérèglement climatique très au sérieux. Nous avons auditionné voilà quelques jours Valérie Masson-Delmotte, paléo-climatologue et membre du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC. Venue nous présenter le rapport du GIEC, elle a insisté sur le rôle fondamental de la coopération internationale, mais aussi sur le fait que « le renforcement des capacités des pouvoirs publics nationaux, des collectivités locales, de la société civile, du secteur privé, des populations autochtones [pouvait] porter ces actions ambitieuses qui seraient nécessaires ». En effet, mes chers collègues, n’oublions pas que la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique passent, certes, par les grandes conférences internationales, mais aussi, et avant tout, par les territoires, par le bas, par l’échelon local.
La réussite ne sera possible que grâce aux acteurs de nos territoires, notamment les plus ruraux de ceux-ci. Je pense à l’action des agriculteurs, des associations et, bien sûr, des élus locaux, qui sont au cœur de l’aménagement des territoires et ont un rôle majeur de protection de la nature, particulièrement lorsqu’ils déploient sur le terrain les plans climat-air-énergie territoriaux.
En France, nous avons la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas carbone visant à la neutralité carbone en 2050. À l’échelon de l’Union européenne, parmi les engagements pris, figure le paquet climat-énergie fixant des objectifs pour 2030.
Il est crucial que l’Europe conserve le leadership en matière climatique et puisse, dès la COP24, indiquer qu’elle rehaussera son ambition climatique.
Madame la secrétaire d’État, j’ai plusieurs questions à vous poser.
Quelles sont les propositions concrètes que la France fera au reste du monde pour relever ce défi du XXIe siècle qu’est la transition énergétique ?
Quels sont les objectifs de la diplomatie française à l’occasion de cette COP24 ?
Quel a été l’impact du rapport du GIEC du mois d’octobre dernier sur la stratégie de la délégation française ?
Enfin, la diplomatie française envisage-t-elle de mieux articuler la question climatique avec les deux autres grands enjeux du XXIe siècle, à savoir l’accès aux matières premières et la croissance démographique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie vivement de votre invitation à ce débat. Il est très important pour moi d’être là, car je considère que votre démarche est fondamentale.
Vous le savez, il n’y a pas plus grand défi que la lutte contre le changement climatique. Vous avez notamment cité, monsieur le sénateur, le rapport du GIEC. Plus que jamais, nous savons que nous vivons avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. La France, vous avez raison, a une responsabilité particulière, parce que nous avons été les hôtes de l’accord de Paris. C’est ici que ce dernier a vu le jour et c’est sous l’impulsion de la France qu’il a été si rapidement ratifié. C’est aussi maintenant la responsabilité de la France, non seulement d’en défendre l’esprit et de s’assurer de sa mise en œuvre à l’échelle internationale en mobilisant ses partenaires, mais aussi, et surtout, à l’heure où, disons-le franchement, il est parfois menacé, de le rendre irréversible en focalisant l’action sur des objectifs concrets et en mobilisant l’ensemble de la société, pas uniquement les gouvernements.
Tels sont donc les deux objectifs majeurs de la diplomatie climatique française : défendre l’esprit et la mise en œuvre de l’accord de Paris et, surtout, encourager l’action concrète « par le bas », comme disait le sénateur Chevrollier. Même si je ne fais pas mienne cette expression, j’en partage en tout cas l’esprit.
Je souhaite maintenant insister plus en détail sur plusieurs points essentiels de notre diplomatie climatique.
La France mène une diplomatie climatique ambitieuse et elle sera à la hauteur. Elle se mobilise particulièrement en vue de la COP24.
Rappelons d’abord rapidement le contexte climatique dans lequel nous nous situons. Nous sommes actuellement sur une trajectoire d’élévation de la température mondiale moyenne estimée autour de 3 degrés d’ici à 2100. Nous sommes donc très loin des objectifs qui ont été retenus dans l’accord de Paris. Le rapport spécial du GIEC sur le 1,5 degré, dont vous avez entendu parler très récemment, a une nouvelle fois confirmé l’urgence climatique.
Dans ce contexte, la priorité est par conséquent de donner pleinement effet à l’accord de Paris. C’est pourquoi la COP24 est particulièrement importante. C’est même la plus importante après la COP21, puisque doivent y être discutées et décidées les règles d’application de l’accord. Elle doit aussi permettre de relever l’ambition des pays et de revoir à la hausse leurs contributions nationales.
Pour mémoire, l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, initialement prévue en 2020, est intervenue beaucoup plus tôt, il y a deux ans, dès novembre 2016, notamment grâce à l’action de la France, qui a été déterminante non seulement en Europe, mais aussi ailleurs dans le monde. Et la France est encore attendue.
Je sais qu’on a un peu tendance à accuser notre pays de tenir un double discours, ambitieux sur la scène internationale, et moins en interne. Je puis vous dire que tel n’est pas le cas. Notre politique est cohérente. C’est indispensable, car c’est la seule façon pour nous d’être crédibles à l’échelle internationale.
J’ai eu l’occasion de me déplacer aussi bien avec le Président de la République qu’avec le ministre d’État François de Rugy, voire seule, et je peux vous assurer que la voix de la France est spécialement écoutée. Nous sommes attendus et nous ne pouvons pas décevoir.
C’est dans ce cadre-là que nous avançons et que nous rassemblons autant que nous pouvons les différentes parties, notamment dans la perspective de la COP24.
Je le répète, ce sommet a deux objectifs majeurs : la mise en œuvre effective de l’accord de Paris et le rehaussement de l’ambition des États d’ici à 2020.
Pour contribuer au succès de la COP24, la France est aussi particulièrement active au sein de l’Union européenne. Vous le savez, elle négocie non pas seule, mais à travers l’Union européenne, qui négocie en notre nom, multipliant les échanges bilatéraux avec les acteurs clés de la négociation.
Je reviens par exemple aujourd’hui d’un voyage en Chine. Je pense que j’aurai l’occasion de vous en parler plus en détail. Avant cela, j’étais en Inde pour échanger avec nos homologues indiens.
M. Gérard Longuet. Vous n’étiez pas sur les barrages ?
M. Stéphane Ravier. En voilà du carbone ! Vous auriez pu faire des visioconférences !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Eh oui, messieurs, c’est aussi cela la réalité de la transition écologique ! (Sourires.)
J’échange aussi très régulièrement avec M. Kurtyka, le secrétaire d’État polonais chargé de l’environnement, prochain président de la COP24.
La France, je vous le disais, a un rôle moteur et elle est particulièrement engagée dans la perspective de cette COP, comme dans l’action concrète contre le changement climatique.
Quand le président Trump a malheureusement décidé de quitter l’accord de Paris en 2017, le Président de la République a aussitôt lancé le cri de ralliement « make our planet great again » et invité les acteurs internationaux, les associations, les entreprises, les ONG, les collectivités locales à se mobiliser et à prendre des engagements les plus ambitieux possible. Le One Planet Summit a ainsi eu lieu le 12 décembre 2017 à Paris. Il y a eu ensuite une deuxième édition, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.
C’est vraiment une plateforme d’action, qui contribue à l’agenda, et qui se veut aussi un vecteur d’accélération du déploiement de la finance verte. Nous devons cependant passer à l’échelon supérieur.
La France est au rendez-vous ; elle continue à mobiliser et à agir, notamment sur la question des 100 milliards de dollars, mais cette somme ne suffira pas pour réaliser la transition écologique dans le monde. Nous le savons, celle-ci nécessite environ 32 000 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Il nous faut donc impérativement mobiliser l’argent privé. Cette somme existe bien quelque part, mais elle est au mauvais endroit.
Nous voulons, je le répète, accélérer le déploiement de la finance verte. C’est tout l’objet de la conclusion que le Président de la République a livrée du One Planet Summit à New York, en appelant, à terme, devant un parterre de chefs d’État, de chefs d’entreprise et de directeurs d’institutions financières, aussi bien publiques que privées, à rediriger 30 % à 40 % des investissements mondiaux vers des projets bas carbone. Nous en reparlerons, j’en suis certaine.
Par ailleurs, au sein de l’Union européenne, la France travaille au rehaussement de l’ambition climatique, et, pour tout dire, franchement, c’est difficile. C’est particulièrement difficile, parce que des États européens se sentent peut-être moins investis, moins responsables, ont moins l’envie de collaborer à l’échelle européenne. Cela ne vous aura pas échappé. La France considère, là aussi, qu’elle doit être au rendez-vous, et plus que jamais moteur sur la question. Nous tentons donc de rassembler, et nous militons activement pour que l’Union européenne affirme son leadership dans les négociations climatiques et fasse preuve aussi d’exemplarité sur son territoire.
Mme la présidente. Madame la secrétaire d’État, vous devez conclure.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. C’est d’autant plus important que la COP24 est perçue à l’échelon international comme une COP européenne. Il faut par conséquent que nous soyons au rendez-vous. Cela ne sera pas facile, mais les différentes briques sont en place.
Pour conclure, je veux vous dire que nous sommes mobilisés sur deux points : les négociations climatiques traditionnelles, au sens anglo-saxon du terme, et l’action. Je me réjouis d’en discuter avec vous aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Débat interactif
Mme la présidente. Mes chers collègues, chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Madame la secrétaire d’État, la fiscalité carbone du Gouvernement provoque la colère d’une grande partie de nos concitoyens, colère dramatiquement exprimée ce week-end. Pourtant, vous l’avez rappelé, l’urgence climatique est là.
Si, par principe, je ne m’opposerai pas à la hausse de la fiscalité sur le carbone, je ne peux que constater une délétère habitude, qui est de toujours ponctionner nos concitoyens plutôt que les activités économiques peu soucieuses de l’environnement. Pendant que nos compatriotes, obligés de rouler parfois 60 à 80 kilomètres par jour pour gagner un SMIC, voient le prix à la pompe augmenter, les exonérations fiscales demeurent pour le transport de marchandises et, pis encore, pour le transport aérien.
Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, le transport aérien est responsable de 3,2 % des émissions mondiales de CO2, un chiffre colossal pour seulement 3,7 milliards de passagers annuels. Chaque passager d’un long courrier consomme autant de carburant que s’il parcourait la même distance tout seul dans une voiture de grosse cylindrée. Pour ce qui concerne un court courrier, la consommation est équivalente à celle d’un petit camion.
Il n’y a pas de mode de transport de passagers plus polluant que l’avion. Or le trafic aérien double tous les quinze ans, et le rythme de 5 % de croissance annuelle sera maintenu pour au moins vingt ans, selon Airbus et Boeing. En cause, le développement des vols low cost, permis notamment par le prix très compétitif du carburant…
En effet, depuis la convention de Chicago de 1944, la taxation du kérosène est interdite sur les vols internationaux. C’est bien une aberration écologique, le plus souvent répercutée, comme en France, sur les vols intérieurs. Conséquence : le trafic aérien est tout simplement exclu des négociations internationales sur le climat et du périmètre des COP. Un comble !
Maigre consolation pourtant : en 2016, après quinze ans de négociations, l’Organisation de l’aviation civile internationale, qui est une agence de l’ONU, a fini par adopter un accord, largement insuffisant cependant, autorisant le transport aérien à compenser ses émissions croissantes de CO2 en achetant des crédits carbone à d’autres entreprises.
Madame la secrétaire d’État, je pense que vous me voyez venir : pour rétablir un semblant de justice fiscale et conduire une politique de transition écologique cohérente, la France va-t-elle engager des négociations internationales pour mettre fin à l’aberrante exonération fiscale du kérosène ?
M. Gérard Longuet. Bonne question !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gontard, je ne crois pas que ce soit le lieu de refaire le débat sur la fiscalité carbone domestique, même s’il est fondamentalement important, et que je suis loin de le fuir. Vous avez néanmoins raison de pointer du doigt un certain nombre d’incohérences. Mais, même si nous sommes aux responsabilités, ces incohérences ne sont pas du fait du gouvernement auquel j’appartiens.
C’est vrai, le transport aérien est particulièrement émetteur de CO2, bien plus qu’une voiture. Cependant, globalement, quand vous regardez les chiffres français, les véhicules particuliers restent parmi les plus émetteurs, nos concitoyens utilisant beaucoup leur voiture individuelle. Soyons clairs, je ne suis pas en train de vous dire qu’il ne faut pas travailler sur le transport aérien, mais il faut aussi avancer sur la question de la voiture.
Nous travaillons sur le trafic aérien à l’échelon européen en mobilisant d’autres États membres pour mettre fin – j’ose utiliser le même mot que vous – à cette aberration. Effectivement, il faut que le transport aérien prenne aussi sa part de responsabilité. Dans cette optique, se déroule un débat entre l’Union européenne et l’Organisation de l’aviation civile internationale, dans lequel la France est particulièrement moteur.
Vous parlez du transport aérien, monsieur le sénateur ; moi, je pourrais également vous parler du transport maritime.
M. Fabien Gay. Nous aussi !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Vous le savez, toutes les décisions en l’espèce se prennent, par définition, dans le cadre d’instances internationales, puisqu’il s’agit de transports internationaux. Sachez en tout cas que la France joue aussi un rôle particulièrement moteur au sein de l’Organisation maritime internationale. J’ai eu l’occasion d’en parler avec les services du ministère de la transition écologique et solidaire, et je puis vous dire que c’est extrêmement difficile.
Mme la présidente. Madame la secrétaire d’État, il faut conclure.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je conclus, madame la présidente, et je vous remercie de votre patience.
Je ne vais pas vous dresser la liste des États qui bloquent, mais je peux vous dire qu’il y en a beaucoup. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, continuez à nous relancer pour nous demander d’être plus que jamais mobilisés. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Je sais que vous le faites, mais, croyez-moi, nous sommes mobilisés sur la problématique des transports aérien et maritime.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d’État, ce qu’attendent de nous les pays malmenés par le réchauffement climatique, comme les îles Maldives ou les îles Fidji, ce sont des actes, des engagements précis, concrets, dès maintenant. Depuis des années, discours enflammés et belles paroles s’accumulent. Ces pays, déjà lourdement et irrémédiablement affectés, sont impatients et las d’attendre, alors qu’ils perdent tout.
À quelques semaines du lancement de la COP24, des tensions se sont déjà fait ressentir en marge des négociations préparatoires, les pays en développement ayant manifesté des mécontentements à Bangkok.
La question du financement promis aux pays les plus exposés et les moins nantis pour faire face au réchauffement climatique ne fait pas consensus.
Face à ce constat, le Fonds vert, épicentre des objectifs fixés par l’accord de Paris, doté de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, peine à se mettre en place. Il est pourtant l’outil de la finance climat pour mettre en œuvre des projets ouvrant la voie aux nouvelles technologies et aux énergies propres. La gouvernance de ce mastodonte financier pose question. Les dérives possibles aussi. Les mésententes qui lui sont liées doivent sans attendre être aplanies pour éviter de bloquer des projets.
La Banque mondiale chiffre à 143 millions les réfugiés climatiques à l’horizon 2050. Face à cette crise humanitaire annoncée, nous devons assumer la part de responsabilité qui est la nôtre. À mon sens, il nous faudrait nouer des partenariats plus forts, encourager le bilatéralisme permettant des relations plus identifiées, personnifiées, pour ne pas dire plus fraternelles. Il est temps de remettre de l’humain, de la proximité et du concret dans ces politiques.
La France est engagée auprès de plusieurs de ces pays pour améliorer les conditions de vie des populations vulnérables et développer les énergies renouvelables : initiative WACA, le programme de gestion du littoral ouest-africain, qui lutte contre la dégradation du littoral par une approche régionale et intégrée, ou encore Initiative africaine pour les énergies renouvelables, IAER, lancée en marge de la COP21.
Madame la secrétaire d’État, face à l’immense défi et à l’urgence absolue, pouvez-vous m’apporter une réponse chiffrée sur l’état d’avancement de ces programmes en précisant quelle est la politique bilatérale de la France, ainsi que la ligne diplomatique qui sera tenue lors des négociations de la COP24 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je souhaite vous apporter plusieurs éléments de réponse.
D’abord, vous savez que le Fonds vert a connu des crises de gouvernance profondes. Selon moi, ces crises sont d’ordre culturel et soulignent toute la difficulté qu’il y a à plonger les mains dans le cambouis de la transition écologique très concrètement. Il faut donc s’interroger sur cette gouvernance. Toujours est-il que le fonds est plus ou moins reparti sur de bons rails. En tout cas, nous avons évité un nouveau blocage à la veille de la pré-COP.
Concrètement, le Fonds vert, c’est quoi ? Il y a eu 1 milliard de dollars de contributions approuvés au bénéfice de 19 projets, le lancement immédiat du processus de reconstitution du Fonds vert, dont la conclusion est espérée en octobre 2019, avec le démarrage en parallèle d’une revue indépendante de la performance du fonds, l’accréditation de 16 nouvelles entités, le lancement du processus de recrutement du futur directeur exécutif du fonds et la sélection de l’agent fiduciaire. En gros, c’est le prolongement des services de la Banque mondiale.
Plus globalement, vous soulevez la question de relations plus fraternelles. Avec ce mot, vous êtes au cœur de la transition écologique, car sans fraternité – j’ose même parler d’amour –, nous n’arriverons pas à enclencher un mouvement, aussi bien mondial que national, en faveur de la transition écologique.
La fraternité, c’est aussi tout l’objet du One Planet Summit, cela dit sans langue de bois. Il s’agit de réunir très concrètement des projets qui sont à la fois solidaires et écologiques, et de les développer de façon massive. Il s’agit de demander à des institutions financières internationales, qui financent encore à coups de centaines de milliards des entreprises ou des projets profondément nocifs tant pour les populations que pour l’environnement, de cesser – j’ose le mot – ce carnage et de rediriger cet argent vers des projets qui sont bons pour la planète. C’est sur cet objectif que la France concentrera toute son énergie et toute son attention à l’occasion de plusieurs échéances internationales, à commencer par le G7.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je remercie tout d’abord mes collègues du groupe Les Républicains d’avoir demandé l’organisation de ce passionnant débat.
Madame la secrétaire d’État, effectivement, nous sommes actuellement en situation d’échec. Les émissions de CO2 ont augmenté l’année dernière comme jamais depuis dix ans. L’association Climate Chance, que je préside, vient de produire un rapport de 600 pages d’analyse des tendances, que vous retrouvez sur son site.
On voit bien que la situation est tout à fait dramatique. En effet, nous n’avons pas réussi, ces dernières années, à lier développement – cela rejoint la question précédente – et lutte contre les émissions de CO2. Nous n’avons pas réussi à créer les flux financiers nécessaires entre les pays les plus riches et les autres pour financer cette transition bas carbone.
Quelle est la particularité de la COP qui doit se tenir en Pologne ? Elle ne sera en aucun cas la COP du début ou de la fin du monde. On nous fait le coup à chaque fois. Je le sais pour suivre ces conférences depuis une quinzaine d’années. Il s’agira d’une COP parmi d’autres, et il ne faut pas en attendre plus que nécessaire.
Néanmoins, le plan d’action de Katowice pour la transition juste, qui fait écho au débat que nous avons aujourd’hui aussi en France, prévoit, à ce stade, d’encourager les entités chargées de la finance climatique à participer à des projets porteurs d’emploi dans les pays en transition vers une économie bas carbone. En clair, cela signifie-t-il que l’Europe va financer la sortie du charbon en Pologne ?
Mes questions sont assez simples.
Tout d’abord, est-ce que la France va soutenir le plan d’action proposé aujourd’hui par les Polonais pour la COP ?
Ensuite, est-ce que vous allez soutenir à l’échelon européen des mécanismes financiers pour aider notamment les Polonais à sortir du charbon, madame la secrétaire d’État ? Il faut être clair, concrètement, cela veut dire que nous allons nous aussi payer un peu.
Enfin, plus largement, est-ce le mécanisme que vous allez défendre à l’échelon international ? Malgré les engagements pris lors du One Planet Summit, on voit bien que les 100 milliards de dollars, y compris les milliards français, ne sont pas encore sur la table. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Dantec, je vous remercie de votre question, qui est effectivement essentielle.
Premièrement, la France sera au rendez-vous de la finance climatique au sens de la COP21, tout simplement parce qu’elle est le pays hôte de l’accord de Paris. Et nous tenons à respecter l’esprit de ce dernier et à faire en sorte qu’il soit mis en œuvre. Il est donc de notre responsabilité de respecter les engagements pris à cette occasion, non seulement en mettant sur la table les milliards nécessaires, mais également en convainquant les autres pays de le faire. C’est fondamental.
Deuxièmement, comme je l’ai dit et répété, de nombreux milliards sont investis au mauvais endroit. Là encore, nous avons pris le leadership sur cette question à l’échelle mondiale.
J’ai déjeuné aujourd’hui avec la secrétaire générale adjointe de l’ONU, Mme Amina Mohammed, qui a confié au Président de la République une mission sur la finance climat alliant ces deux volets, lesquels doivent forcément aller de pair, car il y a urgence à agir de manière massive.
C’est une des réponses que nous devons apporter pour assurer une transition juste. Les inégalités sociales apparaissent aussi, quand, en toute impunité et de façon peu transparente, des organisations, des banques continuent à financer des projets ne bénéficiant qu’à quelques-uns et ayant des effets négatifs pour la planète.
Nous voulons changer cela en profondeur et saisissons chacune des occasions qui se présentent à nous pour le faire. À l’échelle internationale, la France n’est toutefois qu’un pays, parmi beaucoup d’autres. Je suis persuadée, je vous le dis en toute sincérité, que nous sommes au rendez-vous et que nous sommes vraiment leaders sur cette question à l’échelon mondial. J’en conviens, on ne va jamais assez vite, mais ce n’est pas du fait de la France !
Mme la présidente. La parole est à M. Roman Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Madame la secrétaire d’État, je veux le rappeler, il est un point sur lequel la France avait pris de l’avance, le transport aérien, avec ce qu’on a appelé la fameuse « taxe Chirac », qui est une taxe de solidarité internationale. Je ne vous pose pas de question sur ce point, vous laissant quelques jours pour y réfléchir au sein du Gouvernement. (Sourires.)
À l’occasion d’un prochain débat, nous allons déposer un amendement visant, ce qui fait écho aux propos tenus tout à l’heure par mon collègue Gontard, à indexer la taxe Chirac sur le prix de la contribution climat-énergie. L’objectif est de mettre un terme au traitement injuste subi par ceux qui empruntent leur voiture par rapport à ceux qui prennent l’avion. Et la mesure rapporterait entre 100 et 150 millions d’euros supplémentaires au profit de la solidarité internationale sur le climat ! On bouclerait ainsi la boucle ! J’espère donc que vous soutiendrez la proposition !
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Perrot.
Mme Évelyne Perrot. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme ce 11 novembre 2018, à l’occasion du Forum de Paris sur la paix, en juin dernier, lors du G7, Donald Trump décidait de boycotter la séance de travail consacrée au changement climatique.
Il est vrai qu’en août dernier, il avait notifié son désengagement du traité international de lutte contre le réchauffement, scellé à la COP21.
Comportement impensable pour les Européens que nous sommes, mais qui fait, malheureusement, des émules, puisque son homologue brésilien envisage de se retirer de l’accord de Paris, alors que son pays possède pourtant la plus vaste forêt tropicale de notre planète à protéger, grande consommatrice de CO2 !
Comment ne pas penser à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur et aux 70 000 tonnes de bœuf que l’Europe accepte de recevoir pour l’instant ?
L’or rouge du Brésil est une véritable industrie : élevage intensif, bétail cloné. Depuis 2012, le Brésil est devenu le plus grand exportateur de viande bovine au monde. Il prévoit de doubler le cheptel, aujourd’hui estimé à 210 millions de bêtes, d’ici à 2025.
Pour le moment, le Brésil n’exporte pas de viande porcine vers l’Europe. À quand l’arrivée du porc brésilien sur le marché européen ?
Madame la secrétaire d’État, la France et les Français demandent des aliments issus d’une agriculture raisonnée, respectueuse de l’environnement, comme nos producteurs savent en faire.
Il me semble impensable de recevoir des bêtes qui ne répondent en rien à l’attente des consommateurs français et dont les propriétaires, afin d’augmenter leur cheptel, n’hésitent pas à s’attaquer au poumon vert de notre planète. Il faut le savoir, l’élevage intensif est l’une des plus grandes sources de gaz à effet de serre, couplé au fait que cette viande sera issue d’un pays sorti de l’accord de Paris.
Madame la secrétaire d’État, quelle vigilance pourrons-nous avoir vis-à-vis de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur si le Brésil se retire de la COP21 ? Quelles seront les conséquences pour les consommateurs et, surtout, pour les éleveurs français qui sont, de toute façon, perdants dans cet accord ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, avant de vous répondre en vous donnant la position du gouvernement auquel j’appartiens, je vais vous apporter une précision : loin de moi l’envie de me dédouaner de quoi que ce soit, mais je tiens à le dire, la transition écologique – vous le savez, c’est devenu un poncif – met en cause la responsabilité de chacun.
Premier point et à titre d’exemple, peut-être serait-il bon que chacun d’entre nous envisage de réduire un peu sa consommation de viande. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. C’est la dictature écologique !
M. Stéphane Ravier. De toute façon, les Français n’ont pas les moyens d’acheter du bœuf !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Voilà une réaction typique !
On ne veut que les bons côtés et on n’accepte pas de faire des efforts, mais les efforts font partie de la transition écologique !
Deuxième point, vous avez raison, l’une des réponses est de consommer des produits issus d’une agriculture bien plus respectueuse de l’environnement. C’est, en tout cas, l’engagement pris par le gouvernement auquel j’appartiens. Il était inscrit dans le projet du candidat Macron et était l’un des piliers clés de sa campagne pour l’élection présidentielle. Vous avez entendu le Président de la République dire lui-même que pour le moment, le compte n’y est pas dans l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Nous voulons, par exemple, des quotas sur le bœuf. Pour l’instant, les négociations sont donc interrompues.
Nous avons un plan d’action dans le cadre du CETA et d’autres accords commerciaux.
Messieurs les sénateurs, mesdames les sénatrices, puisque vous vous intéressez à la question, vous avez, j’en suis sûre, entendu le Président de la République dire à la tribune de l’ONU que l’accord de Paris devrait faire partie intégrante des accords commerciaux. Il a précisé que nous ne ferions pas de commerce avec des pays qui ne respecteraient l’accord de Paris ni dans son esprit ni dans ses modalités d’application.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Madame la secrétaire d’État, trois ans après l’adoption de l’accord de Paris, la mise en œuvre des engagements pris en 2015 a-t-elle été à la hauteur du défi climatique ? Comment les États peuvent-ils renforcer leurs ambitions et coordonner leurs efforts pour une action efficace et juste ? Voilà deux points essentiels pour les futurs débats à Katowice.
Dans la mise en œuvre de l’accord climatique de 2015, la France porte une responsabilité particulière, parce que c’est à Paris que cet accord a été signé et que la diplomatie française a joué un rôle moteur, capital pour obtenir une issue positive. Pourtant, l’accord de Paris, s’il est essentiel, n’est qu’un point de départ, il faut s’en convaincre.
Tout le monde l’a souligné, cet accord prévoit de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète à 2 degrés. Pourtant, à la demande des pays les plus vulnérables, les États ont commandé au GIEC un rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement global de 1,5 degré, rendu public le 8 octobre dernier. Aux termes de ce document, chaque demi-degré compte, le changement climatique affecte déjà les populations, les écosystèmes et les moyens de subsistance. Il n’est pas impossible que le réchauffement ne dépasse pas 1,5 degré, mais cela demande, dans tous les aspects de la société, des transitions sans précédent.
Comment procéder pour monter cette marche ? Certes, la France n’est pas seule puisque, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, c’est l’Union européenne qui mène les négociations pour ses membres. Mais chacun sait aussi que les points de vue ne sont pas unanimes au sein de l’Union européenne.
Première question, comment se passe la négociation entre les pays de l’Union ?
La France est en train de réviser sa stratégie nationale bas carbone. La Commission européenne va proposer pour discussion une feuille de route à l’horizon 2050, alors qu’une révision à la hausse des contributions climat est attendue d’ici à 2020, dans le cadre de l’accord de Paris.
Seconde question, comment faire en sorte que fonctionne la promesse de Paris, celle d’un accord dynamique, fondée sur l’émulation et la solidarité ?
Pour être acceptée par la population, la transition doit être juste. Les événements actuels le montrent, il faut remplir cette condition essentielle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, à vos questions, qui abordent de nombreux aspects, je commencerai par répondre sur le sujet de l’Union européenne. Vous avez raison, c’est elle qui représente la France dans les négociations internationales, une tâche très difficile !
Je ne vous cache pas qu’il y a des moments de doute au cours desquels on se demande si on va y arriver. Entre les ministres des pays de l’Union européenne assis autour de la table, il y a clairement des divisions fondamentales, des différences de perception et de vues. Nous nous efforçons de les dissiper peu à peu au fil du temps et du dialogue.
La France joue un rôle tout à fait moteur à cet égard. Nous échangeons beaucoup et de façon continue avec nos homologues. La transition juste constitue en effet l’un des points sur lesquels la négociation est parfois difficile. Certains États se cachent derrière cette question pour éviter de revoir leurs ambitions à la hausse.
Toujours est-il que nous sommes parvenus à obtenir que l’Union européenne négocie en qualité d’entité unique. Nous avons ainsi déjà franchi une étape importante, même si nous avions des ambitions plus vastes. La Commission européenne va en outre s’engager à présenter une stratégie à la hausse.
Pour mobiliser les partenaires européens, nous avons plusieurs modes d’approche. Ainsi, nous nous réunissons dans le cadre du Green Growth Group entre pays ambitieux, environ une dizaine, pour déterminer les positions communes les plus porteuses d’ambition possible avant les réunions des conseils des ministres de l’environnement.
Vous le voyez, le dialogue est permanent, mais il est aussi très difficile et a parfois bien du mal à se concrétiser en déclinaisons d’objectifs et d’actions ambitieuses.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories.
Mme Pascale Bories. Madame la secrétaire d’État, le Global Carbon Project, qui fait état des rejets de CO2 par pays, démontre que la France n’a pas à rougir de ses résultats en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de protection de l’environnement. L’indice de performance environnementale de l’université de Yale, de janvier dernier, hisse la France au second rang des pays les plus performants en la matière.
L’organisation de la COP21 à Paris en décembre 2015, succès incontestable pour la diplomatique française, a eu le mérite de mobiliser les sociétés civiles en faveur du climat.
La France, qui peut être fière de son bilan carbone et du travail accompli par sa diplomatie, renouvelle son adhésion à la lutte contre le changement climatique.
En ce lendemain de week-end des « gilets jaunes », force est de constater que vous accentuez l’écologie punitive, rendant ainsi contre-productive toute communication en faveur de l’écologie auprès de la population, et ce sans cohérence ni affectation transparente, à l’inverse de ce que vous disiez tout à l’heure. (M. Laurent Duplomb applaudit.)
Contrairement aux caricatures, les Français veulent travailler et ne peuvent pas tous se rendre sur leur lieu de travail en patinette électrique ! Les Français veulent s’engager dans la transition énergétique si on leur en donne la possibilité au regard de leurs moyens financiers et si l’alternative proposée les assure de faire un vrai choix écologique et durable.
La conquête des opinions publiques, si difficile à obtenir, est en train de vous échapper, madame la secrétaire d’État !
La France ne saurait être crédible vis-à-vis de ses partenaires internationaux que si nous parvenons à restaurer le calme dans le pays.
Alors que la COP24 est essentielle pour l’application de l’accord de Paris, nous montrons au monde le visage d’un pays rebelle à une politique que nous préconisons à nos partenaires. Et la programmation pluriannuelle de l’énergie se fait attendre.
Je vais vous poser deux questions, madame la secrétaire d’État : d’abord, le Gouvernement peut-il s’engager à remettre les citoyens au centre de la transition écologique pour associer celle-ci aux grands choix structurants, nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie, PPE, et taxe carbone en tête ?
Ensuite, pensez-vous que la crise de la fiscalité écologique, qui est en réalité une crise budgétaire, permette à la France de conserver son leadership en matière de diplomatie climatique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, dans le cadre d’un débat sur la diplomatie climatique, je vois que ce sont surtout les sujets domestiques qui vous importent – et à raison, je ne le nie pas !
Je suis, je vous l’avoue, assez choquée de vous entendre dire que la France peut être fière de son bilan carbone.
M. Laurent Duplomb. Qu’est-ce qu’on entend !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. J’ose ces mots-là ! Si je m’exprime ainsi, c’est parce que les émissions carbone de la France sont reparties à la hausse. La faute n’en revient pas à notre gouvernement, puisque le bilan que je mentionne est établi sur la base des années précédentes. Or voilà dix-huit mois à peine que nous sommes au Gouvernement.
Pour sortir des hydrocarbures, nous avons pris des mesures résolument ambitieuses et très concrètes, dont nous sommes fiers sur la scène internationale : fin de l’exploitation des hydrocarbures, décision que nous sommes le premier État dans le monde à avoir prise, fermeture de toutes les centrales à charbon, fiscalité carbone.
Et puisque vous touchez du doigt la question absolument essentielle de la transition juste, je vous dirai aussi, madame la sénatrice, que nous avons mis en place une palette d’outils et de solutions pour soutenir et aider les plus modestes d’entre nous, ceux qui n’ont malheureusement pas le choix et n’ont d’autre solution que de prendre, par exemple, leur voiture. Nous avons annoncé que nous allions mettre en œuvre la taxe carbone, votée, je vous le rappelle, par un gouvernement auquel appartenait Laurent Wauquiez, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et qui a ensuite été confirmée, main sur le cœur, par des membres d’un gouvernement suivant, sous la présidence de François Hollande, socialiste.
Vous le constatez, cette politique est dans l’air du temps, elle a même été adoptée depuis une dizaine d’années. Et nous payons aujourd’hui les conséquences d’années d’impréparation et d’hypocrisie, madame la sénatrice ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Encore la leçon !
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Dans un débat où l’on a fait référence à l’estime et à l’amour, les échanges qui viennent d’avoir lieu ne sont pas tellement respectueux ! Les uns et les autres se coupent la parole, crient. Écoutons-nous si nous voulons avancer, même si nous ne sommes pas d’accord ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Yves Détraigne. Notre collègue a raison !
M. Richard Yung. J’apprécie de manger une côtelette de veau de temps en temps, mais j’accepte d’entendre qu’il faut mesurer ma consommation.
J’avais décidé d’intervenir dans ce débat sur la diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24, dont l’enjeu était, en quelque sorte, de mesurer si la France a progressé depuis l’accord de Paris, d’apprécier ce qui a bien marché et ce qui a moins bien fonctionné.
Les questions que je vais poser sont plutôt d’ordre financier, d’autres que moi les ont évoquées dans le passé.
L’accord de Paris réaffirme l’engagement par tous les pays développés de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, d’ici à deux ans, donc. L’objectif est de permettre aux pays en voie de développement de prendre les mesures pour un développement durable et juste. Il faut comprendre ces pays : ils nous font remarquer que nous leur donnons des leçons et leur enjoignons de se restreindre alors que nous polluons la planète depuis 150 ans, pillant partout les ressources naturelles. Le même débat oppose d’ailleurs les mêmes protagonistes en matière de propriété industrielle. C’est à nous d’aider les pays en voie de développement à faire ce que nous leur demandons. C’est le fameux Fonds vert, dont vous avez parlé, madame la secrétaire d’État.
Mes questions sont les suivantes : comment allez-vous faire pour réorienter, comme l’a dit le Président de la République, la finance mondiale vers de nouvelles actions climatiques ? Comment allez-vous articuler la contribution française avec la contribution européenne dans le cadre du nouveau budget européen ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir replacé le vrai débat au centre de l’attention.
Vous pointez du doigt les deux piliers clés de la transition et du financement.
La France sera au rendez-vous des 100 milliards de dollars. En effet, c’est un engagement qui avait été pris dans le cadre de l’accord de Paris. C’est la raison pour laquelle la France a joué un rôle moteur dans la relance du Fonds vert, en particulier. Nous sommes aussi en train de travailler, avec d’autres partenaires européens et internationaux, notamment dans le cadre du plan d’action sur la finance verte, pour déployer une palette d’outils permettant de rediriger les financements.
Je pense singulièrement aux mesures visant à faire la lumière sur les risques climatiques. Vous le savez, le terme qu’affectionne le langage de la finance, c’est le risque. Tant que les risques pour la planète – et donc pour les hommes – ne sont pas pris en compte dans les projets au même titre que des risques d’ordre financier, il sera beaucoup plus difficile de rediriger les investissements privés vers des projets meilleurs pour la planète et comportant un moindre risque pour l’environnement.
Donc, sur la question des 100 milliards de dollars, oui, la France sera au rendez-vous, je le répète ! Elle mobilise d’autres partenaires, dont l’Allemagne.
Parmi les éléments de réponse que je peux vous apporter, je vous indique que la France finance toute une série de projets à l’échelle internationale, en Afrique et sur d’autres continents dans des pays émergents ou en voie de développement. Elle travaille aussi dans le cadre de l’IAER, de l’Alliance solaire internationale par le biais de l’Agence française de développement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Madame la secrétaire d’État, il y a un an de cela, je vous interrogeais, de la même place, sur la COP23 et le fléchage de l’aide publique au développement, notamment vers les aides agricoles pour les pays du Sud. La transition agroécologique de ces derniers est, en effet, un enjeu majeur.
Depuis, au mépris du monde, la chaise américaine demeure désespérément vide ; un nouveau rapport du GIEC alerte la communauté internationale sur la nécessité absolue de mettre en branle des changements très rapides pour stabiliser le réchauffement à une augmentation de 1,5 degré.
Vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, le changement, c’est maintenant, si j’ose dire. Le Fonds vert pour le climat, principal outil concret de la mise en œuvre de l’accord de Paris et de la solidarité entre le Nord et le Sud aurait aujourd’hui du plomb dans l’aile, malgré le lancement, à ce jour, de près d’une centaine de projets pour 4 milliards d’euros.
On est bien loin des 100 milliards par an promis en 2009 à Copenhague ! La COP 14 Biodiversité, qui se réunit actuellement en Égypte, à Charm el-Cheikh, démontre la nécessité d’une meilleure rémunération du capital nature.
Où en est la participation française ? Votre gouvernement se félicite, sur le site France Diplomatie, de vouloir mettre l’accent sur la taxe sur les transactions financières, la TTF, en vue d’une universalisation du mécanisme fléché justement vers le Fonds vert pour le climat.
Or vous venez d’entériner, dans le projet de loi de finances pour 2019, une diminution de la part de cette TTF – de 50 à 30 % – allouée à la solidarité internationale et au climat ! La TTF pourrait constituer un levier important en vue de générer des ressources nouvelles pour le climat et serait conforme à l’esprit de l’article 2 de l’accord de Paris, qui appelle à réorienter les flux financiers vers une trajectoire bas carbone.
Plus loin, dans ce même article sur le site susvisé, il est indiqué qu’à l’échelon européen, « les discussions sur la mise en œuvre d’une TTF européenne destinée à alimenter pour partie le budget communautaire ont enregistré quelques progrès. »
Aussi, madame la secrétaire d’État, j’aimerais connaître les quelques progrès et les efforts diplomatiques menés par la France pour convaincre ses partenaires européens de créer une TTF continentale dans la perspective d’honorer nos engagements écologiques. Défendrons-nous toujours avec autant d’ardeur cette belle idée fiscale qui taxerait les flux financiers spéculatifs pour financer la transition écologique des pays du Sud ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous posez plusieurs questions qui appellent donc diverses réponses.
Je le répète une fois de plus, la France sera, au rendez-vous des 100 milliards de dollars. Nous nous sommes engagés à fournir 5 milliards d’euros de financement en 2020, dont 1,5 milliard d’euros pour l’adaptation. Nous sommes au rendez-vous !
Vous le savez, l’Agence française de développement, notre bailleur de fonds pour le climat, a annoncé qu’elle ne financerait plus de projets aux incidences négatives pour la planète ou en contradiction avec l’accord de Paris.
Les engagements de la France en la matière vont considérablement augmenter pour atteindre 0,55 % du PIB d’ici à la fin du quinquennat.
La question des 100 milliards fait en effet largement débat avec les pays en voie de développement. Cet aspect particulièrement difficile freine l’avancement des négociations climatiques en vue d’un accord lors de la COP24.
L’OCDE rendra, d’ici à la réunion de cette conférence, un rapport qui fera le bilan des engagements publics. Si cette question des 100 milliards est absolument essentielle, elle n’est pas suffisante, nous le savons. Nous devons explorer une autre palette de moyens de financement, à commencer par la mobilisation des financements privés.
J’ai eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises, notamment dans le cadre du One Planet Summit. Nous voulons déployer des instruments permettant d’accélérer le redéploiement des investissements privés vers des projets bas carbone.
Certaines des mesures que vous proposez sont potentiellement intéressantes et innovantes. Il nous faut, en tout cas, avoir des réflexions créatives – je ne sais pas si elles seront immédiatement appliquées – pour trouver des moyens de financement adaptés aux besoins massifs à couvrir.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Le Nay.
M. Jacques Le Nay. Madame la secrétaire d’État, le changement climatique n’est plus une menace, ce n’est plus un avenir incertain, encore moins un concept théorique : c’est une réalité, une réalité d’ores et déjà visible, concrète, quotidienne. Ses effets se font sentir partout sur la planète, et la France, en métropole comme outre-mer, ne fait pas exception. La sécheresse exceptionnelle et persistante que connaissent les Alpes et la Franche-Comté en est le dernier exemple en date.
Mon département, le Morbihan, et l’ensemble de la région Bretagne sont, en tant que zone littorale, particulièrement concernés. Le GIEC a ainsi mis en évidence une augmentation du nombre et de l’intensité des tempêtes dans les prochaines années, couplée à la hausse du niveau des mers qui entraînera une salinisation des cultures proches du rivage. Et ce n’est là qu’un aspect de ce qui est aujourd’hui à l’œuvre !
L’accord de Paris, conclu lors de la COP21, constitue une grande avancée, saluée par tous et à juste titre. Les conférences des parties successives, à Marrakech et à Bonn, ont permis d’en préciser les modalités de mise en œuvre, et c’est encore l’objectif de la COP24, qui s’ouvrira la semaine prochaine, à Katowice.
Or les États-Unis se sont retirés de l’accord de Paris. Le Brésil menace aujourd’hui de faire de même. De nombreux autres États ont déjà annoncé qu’ils ne seront pas en mesure d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés.
Face à ces renoncements des États, une lueur d’espoir peut être trouvée dans l’activisme de nos territoires. Les grandes villes du monde s’organisent en réseaux pour mettre en place des solutions innovantes et adaptées. Des initiatives existent aussi, nombreuses, dans nos petites villes, comme dans nos campagnes.
La COP24 pourrait-elle alors rester dans l’histoire comme celle où la diplomatie des États fait enfin une place à la diplomatie décentralisée, au nom de l’objectif supérieur de préservation de notre environnement ? Il y a urgence !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison : il est de plus en plus difficile à l’échelle internationale de mobiliser les États ! Il n’en va pas partout ainsi. Certains États restent particulièrement moteurs, d’autres le sont beaucoup moins.
C’est vrai – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt –, la décision du Président Trump de quitter l’accord de Paris a des conséquences. Elle a permis, paradoxalement, de catalyser l’action, c’est-à-dire de mobiliser, plus encore qu’ils ne l’auraient fait spontanément, des États, notamment fédérés, des villes, des entreprises, des ONG. Les uns et les autres ont senti plus que jamais à quel point l’action devait passer par eux, en fait par le terrain, par les territoires.
Le meilleur moyen de rendre l’accord de Paris irréversible, c’est de le mettre en œuvre. Tout l’objet du One Planet Summit et de l’agenda de l’action consiste à mobiliser cette coalition d’acteurs. La COP24 fera une place importante aux entreprises. Certes, celles-ci n’assistent pas directement aux négociations, mais elles sont présentes, aussi bien en participant à des événements qu’en apportant à l’Union européenne des propositions et contributions qui nourrissent les débats et permettent d’avancer.
Il reste néanmoins indispensable, même si l’action se décline sur les territoires où il faut plus que jamais mobiliser chacun, que la France se mobilise et mobilise les États du monde entier. En effet, on a besoin d’un cadre clair, avec une vision à long terme, notamment l’objectif de la neutralité carbone d’ici à 2050, sur lequel la France joue un rôle très moteur, enjoignant d’autres à la rejoindre. Elle envoie ainsi un signal clair aux acteurs économiques et à d’autres pour qu’ils réalisent eux aussi rapidement la transition.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Les Républicains d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de ce débat.
Le changement climatique est un enjeu majeur, dont la dimension dépasse largement nos frontières. Quelques chiffres récents en témoignent : en 2017, selon l’Internal Displacement Monitoring Centre, l’IDMC, 30,6 millions de personnes ont dû fuir les conflits et les catastrophes dans 143 pays ; 39 % des nouveaux déplacements ont été provoqués par des conflits et 61 % par des catastrophes naturelles. Ce sont donc 18,8 millions de personnes qui ont été déplacées à la suite de catastrophes météorologiques.
En 2015, dans le rapport que Leila Aïchi et moi-même avons rédigé, nous rappelions qu’en 2050, pas moins de 250 millions de migrants seraient dénombrés. Nous assimilions les changements climatiques à un « multiplicateur de risques » qui aggrave les tensions existantes et en crée de nouvelles. Nous pointions du doigt également les carences des structures de gouvernance internationale qui, organisées en silos, ne s’intéressaient pas suffisamment à cette question. Celle-ci était traitée dans différentes enceintes, qui avaient leurs logiques propres de protection des droits de l’homme, du droit de l’environnement, ou encore de gestion des flux. Il en était de même pour les États, dont les intérêts divergent.
Ma question est donc la suivante : comment la France s’inscrit-elle dans la construction de cette gouvernance des migrations environnementales et quel modèle défend-elle dans le cadre des négociations internationales ?
Dans la proposition n° 29 du rapport précité, nous recommandions à la France d’être, au sein de l’OTAN, à l’initiative d’une réflexion sur l’analyse des conséquences géopolitiques du changement climatique, afin de prendre celles-ci en compte dans l’appréciation des risques et des menaces, ainsi que dans les perspectives de transformation de l’organisation des forces.
C’est certainement le général Pierre de Villiers qui parle le mieux de ce sujet. S’il a retrouvé ses habits de civil, il est surtout un homme d’expérience et de terrain. Dans son dernier essai, il alerte avec force sur les graves conséquences géostratégiques qu’induit le dérèglement climatique. Il témoigne des déplacements incontrôlés de populations, du manque d’eau, des facteurs éventuels de vulnérabilité pour les armées, ou encore des risques accrus de conflictualité.
Face à ces urgences, madame la secrétaire d’État, quelles sont vos réponses ?
M. Benoît Huré. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, de plus en plus, les déplacés climatiques constituent un enjeu majeur. Beaucoup d’États en ont pris conscience et continuent de le faire. Cette question fait partie des négociations et des discussions à l’échelle internationale, notamment dans le cadre des négociations sur le climat.
La meilleure façon de résoudre le problème des déplacés climatiques, c’est de mettre en place des politiques publiques de lutte contre le changement climatique et des politiques publiques de transition écologique et solidaire au sein des pays. C’est ce que nous faisons. La France prend toute sa part de responsabilité, notamment avec l’Alliance solaire internationale en Afrique, l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables, l’IAER, et des projets dans le cadre de l’Agence française de développement. Elle le fait aussi à l’échelon européen avec ses partenaires.
Par ailleurs, au mois de juillet 2019, la France prendra la présidence de la plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes qui se trouve à Genève.
Cette question reste centrale. Lorsque l’on regarde dans le détail, on constate qu’il est de plus en plus difficile de détacher les questions de migration de celles du changement climatique. Le changement climatique est une réalité qui a des conséquences concrètes en termes de catastrophes naturelles et de sécheresses accrues et qui a un impact réel sur les populations, parfois amenées à se déplacer.
Il faut aussi beaucoup aider les États et renforcer leurs capacités à l’échelon national. Là encore, lorsque l’on regarde dans le détail, on constate que nombre de ces déplacements se font à l’intérieur même d’un pays – c’est le cas en Inde ou, en Afrique, dans des grands pays comme le Nigeria – ou d’une zone géographique – c’est le cas entre le Bangladesh, l’Inde et d’autres pays.
Ce problème est très complexe. La meilleure façon de s’y attaquer sera d’obtenir un succès à la COP24 et dans le cadre d’autres négociations internationales.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les dirigeants du monde entier se réunissent, en Pologne, à l’occasion de la COP24, pour prendre acte de la mise en place des mesures décidées par l’accord de Paris, le GIEC a publié, le 8 octobre dernier, un rapport que l’on peut qualifier d’alarmant. En effet, celui-ci appelle à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, comme cela a été rappelé, si l’on veut éviter l’irréversibilité de certains impacts non seulement sur les espèces animales et végétales, mais bien évidemment aussi sur l’espèce humaine, annonçant les migrations climatiques massives qui bouleverseront dangereusement les équilibres planétaires.
Les États, dont la France, doivent évidemment s’appuyer sur ce rapport pour revoir leurs ambitions climatiques à la hausse, dans le contexte de la COP24. S’il est indispensable de redoubler d’efforts pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, il nous appartient également de plaider pour un comportement écologiquement correct.
Alors que les deux précédents sommets ont axé leur réflexion sur l’adoption d’un calendrier afin de mettre en œuvre l’accord de Paris et sur les conséquences du retrait des États-Unis de celui-ci, la COP qui va avoir lieu se doit de clarifier les règles permettant de transposer les contenus de cet accord en actions climatiques efficaces.
N’appartient-il pas à l’Union européenne de mener ce combat avec plus de vigueur, si nous voulons inciter les États du monde entier non seulement à respecter leurs engagements, mais, qui plus est, à les reconsidérer ?
Par ailleurs, l’accord de Paris trace une feuille de route collective. C’est donc collectivement que les États doivent la respecter, chacun à son échelon.
Pour autant, les scientifiques ne sont pas fatalistes. Nous pouvons encore faire des choix différents, mais nous devons agir rapidement. La France doit prendre sa part des responsabilités et assumer son rôle de leader.
Il faut faire de l’accord de Paris une réalité pour l’Europe et une action de la diplomatie climatique.
Madame la secrétaire d’État, au risque de vous répéter, pouvez-vous préciser quelles ambitions financières la France exprimera lors de la COP24 ? Pensez-vous parvenir à un accord sur des solutions pérennes avec nos partenaires européens, pour répondre aux problèmes environnementaux internationaux qui sont le défi majeur du XXIe siècle ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, j’ai eu l’occasion de m’exprimer déjà sur cette question. Oui, la France sera à ce rendez-vous politique, puisqu’elle joue un rôle moteur. Elle sera aussi au rendez-vous des financements, car ce sont 5 milliards d’euros qui seront mis sur la table pour le climat d’ici à 2020. Nous respectons donc l’accord de Paris. C’est bien sûr fondamental pour la France, qui mobilise aussi à l’échelon européen.
Vous pointez du doigt l’importance de réussir les négociations internationales sur le climat. Dans le cadre de l’accord de Paris, chaque État apporte une contribution nationale volontaire, qui donne une sorte de feuille de route, qui détermine en tout cas son niveau d’ambition. Il revient ensuite à chaque État de la traduire en politiques publiques concrètes. C’est ce que fait l’Union européenne et c’est ce que ses États membres négocient à intervalles très réguliers dans le cadre des conseils des ministres de l’environnement. Ainsi, comme vous le savez peut-être, dernièrement, nous nous sommes mis d’accord sur un texte ambitieux en matière d’économie circulaire qui vise à développer une économie de la ressource – nous prenons mieux en compte les ressources et baissons nos émissions de CO2.
À l’échelon national, la France a, en 2017, lancé le plan Climat qui vise à être à la fois très ambitieux sur le plan climatique, puisqu’il s’agit d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, et particulièrement solidaire avec un paquet « solidarité climatique », dont vous avez sans doute beaucoup entendu parler ces dernières semaines.
Ainsi, la France met en cohérence ses politiques nationales avec sa politique de développement à l’échelon international, notamment par le biais de l’Agence française de développement, en veillant à ce que tous les projets que finance l’AFD soient bien respectueux des accords de Paris.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Priou. Madame la secrétaire d’État, nous avons trouvé que vous aviez répondu vertement – c’est de circonstance sans doute ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) – à notre collègue Pascale Bories.
Vous avez évoqué l’Europe et la construction européenne à propos de nombreux sujets qui ne sont pas faciles. Je prendrai pour ma part l’exemple d’un dossier que suit le ministère de la transition énergétique et solidaire, celui de la fermeture de la centrale thermique de Cordemais. L’ouest de la France n’a pas beaucoup de production d’électricité et, si l’hiver est rigoureux, nous importerons de l’électricité d’Allemagne, pays qui relance l’énergie à base de charbon pour sortir du nucléaire. Vous le voyez, ces sujets ne sont pas faciles.
Vous n’empêcherez pas non plus l’actualité de vous rattraper, madame la secrétaire d’État. Il faut expliquer aux Français que, dans la trajectoire financière prévue, sur les 37 milliards d’euros que rapportera la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, seulement 7 milliards d’euros seront affectés à la transition énergétique.
Je souhaite maintenant évoquer un volet important pour un pays comme le nôtre, le volet maritime. Il faut promouvoir à l’échelon diplomatique une politique en faveur des énergies marines renouvelables. Cela fait des années qu’en France nous avons brassé beaucoup d’idées, construit des prototypes, esquissé des rendements intéressants pour une énergie propre et inépuisable. Cependant, le constat est cruel aujourd’hui : nous dénombrons à ce jour des milliers d’éoliennes offshore en activité dans les mers européennes, notamment en Europe du Nord, mais zéro éolienne marine au large des côtes françaises, avec des changements de règles du jeu peu propices à rassurer les investisseurs.
Madame la secrétaire d’État, je vous rejoins sur les initiatives locales et régionales, comme l’a excellemment rappelé notre collègue Guillaume Chevrollier. Je pense aussi que c’est de la base que peuvent partir les solutions. La région Pays de la Loire a ainsi mis en place une stratégie Ambition maritime régionale.
Madame la secrétaire d’État, quelle sera la position de la France pour défendre les aspects maritimes utiles à la lutte contre le réchauffement climatique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous posez la question essentielle, même vitale, de la politique énergétique de la France. Vous savez que nous sommes actuellement en pleine négociation et finalisation de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui dessinera le plan énergétique de la France pour les dix années à venir. Les problématiques que vous soulevez sont au cœur des débats que nous avons en ce moment et que nous continuerons d’avoir, puisque le processus de cette programmation pluriannuelle de l’énergie s’élabore de façon transparente et en consultation avec les différentes parties prenantes.
La fermeture de la centrale thermique de Cordemais est la preuve de l’ambition française et de la résolution du Gouvernement de sortir des énergies fossiles et de réaliser cette transition, puisque ces énergies doivent rester dans le sol.
Le sujet est difficile, vous l’avez dit vous-même, monsieur le sénateur, car nous devons dans le même temps répondre à des questions essentielles de sécurité d’approvisionnement des Français, qui ne comprendraient pas de manquer d’électricité, et sortir des énergies fossiles. Il s’agit là d’un équilibre compliqué.
Nous avons un dialogue très fructueux avec l’Allemagne, en particulier avec M. Peter Altmaier – je sais que le ministre d’État s’entretient avec lui de façon régulière. Parallèlement, nous mettons en place des contrats de transition écologique, qui nous permettent de réaliser cette transition-là.
Il existe aussi toute une autre palette de politiques publiques – vous en saurez plus à l’occasion de la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie : travailler non seulement sur l’offre, mais aussi sur la demande avec l’accroissement de l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, tout un bouquet énergétique qui devrait nous permettre de garantir la sécurité d’approvisionnement tout en produisant l’énergie la moins carbonée possible.
J’en viens à l’éolien offshore. C’est une énergie à laquelle nous croyons beaucoup et que nous devons développer de façon bien plus massive et plus facilement. Nous avons mis en place des mesures de simplification pour développer l’éolien en mer. Nous y travaillons aussi avec d’autres partenaires européens, notamment ceux avec lesquels nous avons des frontières communes. Ce dossier sera donc aussi au cœur de la programmation pluriannuelle de l’énergie qui sera présentée dans les jours à venir.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un consensus assez large se dégage au moins sur un point : la prochaine COP qui s’ouvrira dans quelques semaines sera sans doute la plus importante en termes d’enjeux depuis celle de 2015 qui s’est tenue à Paris. Il devient en effet urgent et primordial d’établir un plan d’action précis et opérationnel – ce sont aussi vos termes, madame la secrétaire d’État – pour atteindre des objectifs raisonnés face à l’urgence climatique.
Parmi les multiples sujets liés à ces objectifs, prenons celui de la mobilité décarbonée. L’OPECST, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, publiera au début de l’année prochaine un rapport sur la faisabilité de l’arrêt de la commercialisation des véhicules thermiques, émettant des gaz à effet de serre, d’ici à 2040. En tant que corapporteur, j’explore depuis un peu plus de deux mois les nombreux défis à relever pour passer de l’annonce, voire de l’injonction politique, à la mise en œuvre effective.
La multiplication des véhicules électriques suscite de réelles questions.
D’un point de vue technologique, l’Europe ne maîtrise pas la chaîne de production des batteries lithium et elle est fortement dépendante pour les matières premières, ce qui la rend vulnérable notamment vis-à-vis de la Chine. Par ailleurs, l’accélération de la mise en circulation de véhicules électriques pose la question de notre production d’électricité, qui devra, elle aussi, être décarbonée. Sur ce point, il me semble que nous devons être extrêmement prudents et vigilants sur les annonces de fermeture de centrales nucléaires ou autres, tant que l’EPR de Flamanville n’est pas en service.
Pour être à la hauteur du défi climatique et des transitions qu’il implique, les États européens doivent renforcer et coordonner leurs efforts, pour une action pertinente et efficace, sur les questions tant d’industrialisation que de recherche et développement, par exemple sur la filière hydrogène, qui n’a pas encore été évoquée.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quels moyens la France met en œuvre pour doter l’Union européenne d’un véritable plan cohérent en matière de transition énergétique, en particulier sur l’enjeu de la mobilité décarbonée ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, il est essentiel de se fixer des objectifs ambitieux à long terme. Dans le cadre du plan Climat, nous avons clairement énoncé que, d’ici à 2040, nous voulions qu’il n’y ait plus de véhicules thermiques en France. Cet objectif à long terme est fondamental, puisqu’il donne de la visibilité aux entreprises, qui, ensuite, s’y préparent.
M. Gérard Longuet. Elles disparaissent !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Cela envoie un signal très clair aux entreprises, notamment aux constructeurs automobiles.
J’en viens à la question des transports. Plusieurs solutions existent. Les réponses ne viendront pas d’une seule technologie. Oui, la batterie électrique est une option – on pourra par la suite parler des différents types de batteries ; elle est essentielle, notamment pour les voitures individuelles. Cependant, d’autres solutions sont envisageables pour les transports en commun ou les transports de marchandises. Je pense à l’hydrogène.
En Europe, particulièrement en France, nous avons comme véritable ambition de créer des politiques industrielles. C’est ainsi que la transition écologique devient une opportunité, y compris en termes de justice. Elle est source d’emplois et constitue un nouveau relais de croissance pour notre économie. C’est la raison pour laquelle nous travaillons par exemple avec le commissaire européen M. Šefčovič et l’Allemagne à la mise en place d’une politique industrielle en faveur du développement des batteries. Il faut que nous ayons un avantage compétitif par rapport à certains de nos concurrents, comme la Chine.
Se pose ensuite la question de l’approvisionnement énergétique, en particulier celle de la sécurité en la matière. Bien sûr, un parc électrique automobile consommera beaucoup d’électricité ; nous y travaillons dans le cadre des différents scénarios de la PPE. En menant une réflexion sur la demande et sur l’efficacité énergétique, nous pourrions obtenir un équilibre dans lequel nous développerons les énergies renouvelables et nous répondrons à la demande d’électricité de nos concitoyens et de nos entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’aune de la COP24, je ne m’attarderai pas sur la politique internationale, la montée des climatosceptiques et le contexte géopolitique peu propice au financement de l’accord de Paris. En revanche, madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le contexte social français, liant écologie et fiscalité.
Les automobilistes ont été nombreux samedi 17 novembre dernier à dénoncer la hausse du prix des carburants, et leur révolte perdure. Je constate trois perdants dans ce conflit social : d’abord, les Français, en proie à un ras-le-bol fiscal, ensuite, le Gouvernement, qui se voit affaibli, enfin, l’écologie. C’est sur ce dernier point que je tiens à insister.
Avec la taxe carbone, le Gouvernement pousse les Français à devenir des « anti-écolos ». Il s’y prend très mal : absence d’explications sur la taxe carbone, absence d’explications sur l’utilisation des recettes, absence de concertation, absence de justice sociale.
Pourtant, avec l’accord de Paris, notre pays se révèle l’un des leaders de la conscience écologique à l’échelon mondial. La réussite de la transition environnementale est notre souhait à tous.
Toutefois, il va falloir expliquer et, surtout, mettre en place des mesures redistributives et non des mesurettes pour compenser à court terme, comme l’extension du chèque énergie. Cela ne permettra pas de restaurer la confiance, on le voit. Il est urgent de créer un véritable consensus social en faveur de l’environnement.
Madame la secrétaire d’État, la parole de la France à l’international est affaiblie par le conflit social que nous vivons. Comment porter la voix de notre pays lors de la COP24 dans ce contexte ?
Par ailleurs, en tant que sénateur d’un département montagnard, permettez-moi de vous interroger sur le point suivant : êtes-vous favorable à la prise en compte des zones géographiques de montagne dans les négociations internationales, comme cela a été le cas pour les zones insulaires ? Pourquoi ne pas faire de même pour les territoires de montagne ?
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je ne sais pas avec quel chef d’État ou quel ministre étranger vous vous êtes entretenu. Pour ma part, j’ai eu l’occasion de participer à des échanges ces jours derniers et je peux vous dire que la voix de la France compte toujours autant. Plus que jamais, elle est entendue et leader en la matière.
J’en viens au contexte français. Vous parlez de mesures à court terme et formulez un certain nombre de reproches. Monsieur le sénateur, à quelle majorité appartenez-vous ? Quel gouvernement a fait voter la taxe carbone ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. C’est le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ! C’était sous Hollande !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous payons aujourd’hui le prix d’années d’impréparation. La voilà, la réalité !
M. Jacques Le Nay. C’est l’argument des faibles !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Il ne s’agit pas de mesures à court terme. Je trouve déloyal, presque malhonnête dans le cadre d’un débat sur la diplomatie internationale, d’exiger une réponse sur le contexte domestique français.
Monsieur le sénateur, vous savez pertinemment, comme moi, qu’une partie de la colère des « gilets jaunes » est non seulement légitime, mais, qui plus est, compréhensible. En effet, le débat ne porte pas uniquement sur la question écologique ; il a pour beaucoup trait à la question du pouvoir d’achat et des difficultés nombreuses auxquels les Français sont confrontés, car nous payons les résultats des politiques précédentes.
Vous affirmez vous-même qu’il ne faut pas de petites mesures au compte-gouttes. Ce n’est pas du tout ce que nous faisons. Comment redonne-t-on du pouvoir d’achat aux Français ? Par la croissance et la baisse des dépenses publiques. Que faisons-nous ? Nous nous attachons justement à relancer la croissance. Les chiffres du chômage en France ont été publiés aujourd’hui et vous avez pu constater que le chômage n’avait pas augmenté. Vous connaissez notre action, pour avoir participé au débat du projet de loi PACTE. C’est aussi le cas grâce au plan Pauvreté, au plan en faveur de la formation professionnelle et de l’apprentissage de Muriel Pénicaud. Tout cela forme un ensemble de réformes structurelles et profondes auxquelles les Français ont droit. Il est aujourd’hui indispensable de donner à nos concitoyens des réponses après des années et des années de réformes repoussées.
M. Joël Bigot. Vous ne répondez pas à des questions d’actualité au Gouvernement !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. C’est cela le sujet ! Ne l’exploitez pas à des fins politiques !
M. Pierre Ouzoulias. Est-ce ce que l’on fait dans cet hémicycle ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Madame le secrétaire d’État, vous participerez bientôt à la COP24 et évoquerez la COP21, qui est en effet un succès diplomatique de la France.
Avant ce succès et pour que nous ayons une société décarbonée, la France peut revendiquer un succès beaucoup plus ancien, plus profond, plus durable : la décarbonation de la production de l’énergie électrique à travers sa filière nucléaire.
Depuis trois ans, depuis 2015, il apparaît avec force que le nucléaire n’est pas simplement le complément des énergies renouvelables – le Commissariat à l’énergie atomique a changé de nom, pour devenir le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives –, il est surtout une condition. Nous savons que le renouvelable tel que nous le connaissons – éolien ou solaire – se caractérise par son intermittence – une intermittence aléatoire – et une dispersion qui implique une politique de réseaux extraordinairement denses et coûteux. Au contraire, le nucléaire, par sa souplesse, est, pour la production d’électricité, pour la production de chaleur, pour la production d’hydrogène à partir de l’électrolyse, un atout considérable pour consolider les avancées d’années d’énergies alternatives, en tous les cas d’énergies n’émettant pas de CO2.
Madame le secrétaire d’État, avez-vous une stratégie diplomatique pour faire en sorte que le nucléaire, qui est un atout français partagé avec quelques pays, la Russie en particulier, puisse devenir un atout essentiel de ce monde décarboné que vous souhaitez et qui dispose d’un avantage qu’assez curieusement les gouvernements successifs n’osent pas mobiliser au service de l’intérêt de notre pays et de celui de la planète ? S’il faut faire un geste, celui-ci a au moins le mérite de l’efficacité immédiate. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je veux croire que votre langue a fourché en disant « madame le secrétaire d’État ».
M. Gérard Longuet. Je l’ai fait à dessein : le masculin est générique en français !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Vous voulez entrer dans ce débat ? Très bien ! Mais je vous demande de m’appeler « madame la secrétaire d’État ». C’est comme cela.
M. Gérard Longuet. Je vous appellerai « chère amie » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je ne veux pas que vous m’appeliez « chère amie ». Je veux que vous m’appeliez « madame la secrétaire d’État ». (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Gérard Longuet. Je ne le ferai pas tant que l’Académie française n’aura pas changé la règle !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Comment pouvez-vous prétendre parler au nom des Français et relayer leurs aspirations ? L’égalité femmes-hommes en fait partie, monsieur le sénateur ! C’est cela, la réalité !
M. Jean-Noël Cardoux. Cela suffit !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Les Français veulent l’égalité femmes-hommes, mais aussi que nous répondions à certaines de leurs attentes. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Noël Cardoux. Nous ne sommes plus à l’école !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je fais comme vous ! Parfois, je profite d’une tribune pour parler d’un tout autre sujet. En l’occurrence, ce sujet est ancré dans la réalité, monsieur le sénateur, et je vous demande de m’appeler « madame la secrétaire d’État ». Le débat est clos. C’est comme cela et pas autrement ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Pour répondre à votre question sur la transition écologique, nous nous sommes engagés, lors de la campagne présidentielle, à baisser la part du nucléaire dans le mix énergétique français de 75 % à 50 % d’ici à 2025. C’est un objectif qui a été fixé dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et que nous reprenons à notre compte. Nous sommes en train de travailler sur différents scénarios pour y parvenir le plus rapidement possible. Cela se fera dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Monsieur le sénateur, vous parliez aussi des aspirations des Français. Je crois que beaucoup d’entre eux veulent que nous développions les énergies renouvelables de façon massive. C’est l’une des réponses, l’une des volontés et l’une des priorités du gouvernement auquel j’appartiens. C’est aussi pour cette raison-là que nous baisserons significativement la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Vous en saurez bientôt plus avec la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui sera présentée prochainement.
Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe auteur de la demande.
M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer, et nous refusons de l’admettre ».
Ces mots, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, prononcés par le Président de la République Jacques Chirac en 2002, résonnent encore et ont contribué à marquer un tournant dans la politique française en matière d’engagement pour la planète.
Organisé à la demande du groupe Les Républicains, le présent débat montre, s’il est encore nécessaire de le faire, que le corps législatif que nous constituons a parfaitement compris l’importance des enjeux liés au réchauffement et au dérèglement climatiques, et ce bien au-delà des clivages politiques – les orateurs précédents l’ont illustré.
Depuis la loi relative à la protection de la nature du 10 juillet 1976, la France n’a cessé de s’engager en faveur d’une meilleure protection de notre planète. Les élus, les associations, les citoyens, se sont engagés sur ces questions ces dernières décennies, avec une accélération ces dix dernières années. Le Grenelle de l’environnement, organisé en 2007, a marqué une étape majeure, qui a permis à la France d’enclencher une véritable révolution – d’abord, une révolution de la pensée, afin de mettre en avant l’importance des notions telles que le réchauffement et le dérèglement climatiques, la biodiversité, ensuite, une révolution législative et réglementaire.
Ainsi, la loi Grenelle a mis la France sur le chemin de sa mutation écologique. Se sont ensuivies entre autres les lois Grenelle II, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la loi Biodiversité. Cette liste ne saurait être exhaustive, puisque, aujourd’hui, pas une loi n’est votée sans que la notion environnementale soit présente sous une forme ou une autre. Le Sénat s’est d’ailleurs particulièrement mobilisé, afin d’intégrer aux projets de loi des dispositions innovantes. Je pense notamment à la notion de préjudice écologique introduite par nos collègues Bruno Retailleau et Jérôme Bignon lors de l’examen de la loi Biodiversité.
Nous devrons travailler dans les semaines à venir sur de nouveaux textes qui sauront, je n’en doute pas, pleinement nous mobiliser sur cette question.
Si nous sommes d’accord sur les objectifs pour lutter contre le réchauffement climatique et réduire nos émissions de CO2, il arrive parfois que tel ne soit pas le cas sur les moyens d’y parvenir. Ainsi, au sein du groupe Les Républicains, nous croyons que c’est en développant une écologie incitative et non punitive que nous pourrons obtenir de meilleurs résultats et une meilleure acceptation de nos concitoyens. La mobilisation des « gilets jaunes » – l’actualité en témoigne – montre bien que nous ne pouvons construire un modèle écologique durable contre les citoyens. La pédagogie et la volonté politique ne suffisent pas. La fiscalité doit être intégralement utilisée pour accompagner nos concitoyens vers le changement. À l’opposé de cette démarche punitive, je me dois de saluer la concertation pour l’élaboration de la feuille de route pour l’économie circulaire, madame la secrétaire d’État, dont nous débattrons dans cet hémicycle dans quelques mois.
Je souhaite également rappeler l’importance du choix du mix énergétique pour la France. Ce choix, qui permet d’allier l’énergie nucléaire et le développement des énergies renouvelables pour suppléer les énergies fossiles, a été au cœur de nombreux débats. Il permet à notre pays d’émettre aujourd’hui deux fois moins de gaz à effet de serre que son voisin allemand.
Les changements engagés par la France en faveur de l’environnement nous ont permis de faire entendre une nouvelle voix sur le plan international. L’organisation de la COP21 et les accords de Paris ont été un véritable succès sur le plan de la mobilisation des États et de leurs engagements.
Ce sujet est devenu bien plus qu’un engagement national pour la France et s’est converti en une arme diplomatique de taille. Notre pays apparaît désormais sur la scène internationale – vous l’avez confirmé, même si on peut encore en douter – comme le fer de lance de la lutte contre les dérèglements climatiques.
L’Union européenne se mobilise également en faveur du climat. Des réglementations importantes et contraignantes ont été votées, afin d’engager les pays membres dans la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Par ailleurs, 180 milliards d’euros, soit 20 % du budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020, devraient être consacrés à la prise en compte de ces questions et à la protection du climat.
Le combat est pourtant loin d’être gagné et la fragilité des accords de Paris montre que nombreux sont les gouvernements qui doutent encore de l’urgence climatique. Je pense bien sûr aux États-Unis ou au Brésil.
Cette mobilisation internationale n’a cependant pas été vaine, et nous pouvons nous satisfaire d’avoir collectivement gagné une bataille, celle de la mobilisation des consciences. Je regrette cependant que la question de la démographie ne soit pas corrélée systématiquement à celle de l’utilisation des ressources.
Sans engagement citoyen, il ne peut y avoir de changement politique ou de comportement. Il est donc nécessaire d’associer les citoyens et de rendre les décisions acceptables, ou à tout le moins compréhensibles.
N’oublions pas que le succès de cette politique repose sur un équilibre subtil entre les trois piliers du développement durable – l’environnement, bien sûr, le social et l’économique, qu’il ne faut pas oublier – et sur le fait de placer en permanence l’Homme au cœur de notre réflexion et de nos actions. C’est cette voie, me semble-t-il, que doit emprunter la France dans la perspective de la COP24. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Lutte contre l’exposition précoce des enfants aux écrans
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à lutter contre l’exposition précoce des enfants aux écrans, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues (proposition n° 706[2017-2018], texte de la commission n° 132, rapport n° 131).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
proposition de loi visant à lutter contre l’exposition précoce des enfants aux écrans
Article unique
Le titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« PRÉVENTION DE L’EXPOSITION PRÉCOCE DES ENFANTS AUX ÉCRANS
« Art. L. 2136-1. – Les unités de conditionnement des outils et jeux numériques comportant un écran contiennent un message avertissant des dangers des écrans pour le développement des enfants de moins de trois ans. Un décret précise les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 2136-2. – Les messages publicitaires en faveur des équipements mentionnés à l’article L. 2136-1 contiennent un message avertissant des dangers des écrans pour le développement des enfants de moins de trois ans. Un décret précise les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 2136-3. – Des actions d’information et d’éducation institutionnelles sur l’utilisation des écrans sont assurées régulièrement en liaison avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel. »
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, à la rapporteur de la commission, pour sept minutes, puis au Gouvernement et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, rapporteur. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, à l’occasion de ma mission sur la formation à l’heure du numérique, j’ai été sensibilisée par plusieurs experts de la santé aux troubles du développement qu’ils observaient chez un nombre croissant de jeunes enfants et sur les liens de cause à effet qu’ils constataient entre ces troubles et l’exposition précoce aux écrans de leurs jeunes patients.
J’ai souhaité approfondir cette question et j’en suis arrivée aux conclusions suivantes.
D’abord, l’exposition aux écrans commence dès la petite enfance et tend à augmenter en raison de la multi-exposition des enfants aux écrans et de la possibilité d’utiliser ces derniers n’importe où et n’importe quand. Si la France dispose d’un nombre restreint de statistiques, elle possède en revanche de nombreuses enquêtes. Je vous renvoie à cet égard aux trois enquêtes que j’ai déjà citées la semaine dernière : une étude de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, une enquête déclarative de l’Association française de pédiatrie ambulatoire et une enquête de l’IPSOS menée en 2017. Toutes trois montrent l’ampleur du phénomène.
La deuxième conclusion à laquelle je suis parvenue, et que confirment toutes les études scientifiques, c’est que les interactions d’un enfant avec son entourage et son environnement sont la meilleure source de stimulation pour lui. Or plus un enfant passe de temps devant un écran durant une journée, moins il lui en reste pour jouer et interagir avec les autres.
Toujours selon des données scientifiques, une surexposition aux écrans peut avoir des conséquences sur le développement du cerveau et de l’apprentissage des compétences fondamentales, notamment du langage ; sur les capacités d’attention et de concentration des enfants ; sur leur comportement. Ainsi, la surexposition des plus petits risque d’entraîner une attitude passive face au monde qui les entoure.
En dépit de ces signes alarmants établis depuis des années, en France comme à l’étranger d’ailleurs, les industriels continuent de mettre sur le marché toute une panoplie de jouets pseudo-éducatifs en direction des enfants en bas âge, contribuant à développer un environnement favorable à l’augmentation du temps passé devant les écrans et à créer l’illusion qu’il est normal, voire très bon, pour un enfant de passer plusieurs heures de sa journée devant un écran.
C’est la raison pour laquelle les sénateurs de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont décidé à l’unanimité, madame la secrétaire d’État, de renforcer la visibilité des recommandations nationales déjà existantes en exigeant tout d’abord la présence d’un message à caractère sanitaire avertissant des dangers liés à l’exposition des écrans pour les enfants de moins de trois ans sur tous les outils et jeux numériques disposant d’un écran, mais également sur toutes les publicités concernant ces derniers, quel que soit leur support. La commission a ensuite décidé l’organisation d’actions régulières d’information et d’éducation institutionnelles, en partenariat avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dont c’est le rôle, conformément à la loi.
Au total, la présente proposition de loi n’a pas la prétention de régler tous les problèmes liés aux écrans. La question de l’extension des messages sanitaires aux sites d’achat en ligne et aux sites qui fournissent des contenus audiovisuels en ligne n’est pas traitée, par exemple, nous le savons. Mais face à un sujet qui est en train de devenir un véritable problème de santé publique, nous avons adopté des mesures simples et efficaces pour sensibiliser, former et informer les parents, ainsi que tous ceux qui gravitent dans leur entourage, et pour atténuer l’asymétrie d’information dont ils sont les premières victimes.
Aussi, je suis particulièrement étonnée de l’absence de soutien du Gouvernement à cette proposition de loi et surtout des arguments avancés pour la justifier.
La semaine dernière, vous avez estimé, madame la secrétaire d’État, que « les données manquent quant à l’ampleur de l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans et surtout quant aux effets d’une surexposition des très jeunes enfants aux écrans ». Vous avez donc souhaité attendre les résultats d’une mission confiée au Haut Conseil de la santé publique avant d’élaborer une nouvelle campagne nationale de prévention.
Depuis dix ans, le Conseil supérieur de l’audiovisuel supervise chaque année une campagne de sensibilisation financée par les chaînes de télévision pour rappeler les bonnes pratiques à adopter en matière d’exposition des enfants aux écrans. Cette campagne ne se base-t-elle pas sur des données scientifiques ?
Le 1er avril dernier, les nouveaux modèles de carnet de santé de l’enfant sont entrés en vigueur. Dans son communiqué de presse du 5 mars, le ministère des solidarités et de la santé écrivait : « Les principales évolutions de la nouvelle édition concernent les messages de prévention, qui ont été enrichis et actualisés pour tenir compte des évolutions scientifiques et sociétales, de nouvelles recommandations et de l’identification de nouveaux risques. » À titre d’exemple, il est conseillé d’« éviter de mettre un enfant de moins de trois ans dans une pièce où la télévision est allumée (même s’il ne la regarde pas). »
Où est donc la logique ?
Les messages à caractère sanitaire figurant dans le carnet de santé seraient validés scientifiquement, mais les mêmes messages que la proposition de loi prévoit d’imposer sur les emballages et lors des publicités pour des outils ou des jeux numériques comprenant des écrans ne seraient pas légitimes, faute de preuves scientifiques suffisantes ! Franchement, ce n’est pas sérieux !
Par ailleurs, l’étude que vous avez confiée au Haut Conseil de la santé publique, alors même qu’une étude similaire est d’ores et déjà conduite depuis plusieurs mois par un comité tripartite rassemblant des membres de l’Académie des sciences, de l’Académie des technologies et de l’Académie de médecine, va établir une revue de la littérature scientifique sur ce sujet. Elle renforcera bien entendu les faisceaux d’indices sur les effets de la surexposition aux écrans, mais elle n’apportera pas non plus de preuves définitives. Comme Serge Tisseron le rappelle, les enfants ne sont pas des rats !
Au cours de votre intervention devant la commission de la culture, vous avez eu la maladresse – je n’ose imaginer que c’était intentionnel de votre part – de décrédibiliser à la fois la présente proposition de loi et les initiatives de prévention, menées sans moyens, mais avec beaucoup d’abnégation, par un grand nombre d’acteurs du secteur médical et infantile. Vous avez semé la confusion entre leur action et des propos très regrettables, mais, je tiens à le dire, également très isolés, mélangeant les troubles résultant de la surexposition aux écrans et ceux du spectre de l’autisme.
Je rappelle solennellement, comme je l’ai déjà fait la semaine dernière, que je n’ai jamais, pas plus que mes collègues, parlé d’autisme ! C’est vous qui l’avez cité, madame la secrétaire d’État. Pour ma part, j’ai évoqué des troubles du langage, du développement et de l’attention. Quant aux médecins que nous avons auditionnés, eux non plus ne font pas bien entendu cette confusion.
Vous avez dit, madame la secrétaire d’État, que nos méthodes divergent, et vous avez raison sur ce point. La commission de la culture du Sénat, vous le savez, a pour règle de travailler étroitement avec tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, afin de faire progresser les dossiers qui lui sont soumis. Récemment, nous avons débattu de l’utilisation du téléphone portable à l’école. Où étaient d’ailleurs les études sur les conséquences de l’usage du téléphone portable sur la discipline au collège ou sur les apprentissages ? Il n’y avait rien ! Et pourtant, nous avons décidé de faire confiance au Gouvernement.
Alors oui, madame la secrétaire d’État, nous connaissons le poids des lobbies. Il a fallu plus de trois ans à l’administration pour publier les décrets permettant la mise en œuvre effective des bandeaux sanitaires sur les publicités visant les boissons sucrées et les produits alimentaires manufacturés. Va-t-on reproduire le scandale de la cigarette, de l’alcool, des produits sucrés ?
En conclusion, en cette Journée internationale des droits de l’enfant, le Défenseur des droits publie un rapport dans lequel il recommande aux pouvoirs publics l’application d’un strict principe de précaution en interdisant l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans dans les lieux les accueillant.
Fort de ces recommandations, le Sénat prend aujourd’hui ses responsabilités en choisissant la santé de nos enfants. Au Gouvernement de prendre les siennes ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer le travail de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, plus particulièrement celui de sa présidente, et son investissement sur les questions liées au numérique depuis plusieurs années.
Le numérique modifie en profondeur nos activités. Il a changé notre manière de nous informer, d’apprendre, de consommer, d’échanger, de nous divertir. Il est important de porter un regard critique sur ces bouleversements.
Dans votre rapport publié en juin dernier, madame la rapporteur, vous précisez avec justesse qu’il est grand temps de se former, de « prendre en main notre destin numérique », d’assurer la montée en compétence numérique de l’ensemble des citoyens et de les sensibiliser aux enjeux de la digitalisation du monde. À cet égard, et nous vous rejoignons sur ce point, nous nous devons de porter une attention toute particulière aux enfants.
Les effets potentiels d’une surexposition aux écrans des très jeunes enfants sont légitimement une source de questionnement, comme en témoignent des travaux variés sur ce sujet.
Le Gouvernement, madame la rapporteur, partage l’objectif de mieux communiquer sur des repères dans l’usage des outils numériques. Cela a été rappelé lors de l’examen en commission, à partir des recommandations établies par le ministère en 2008, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est saisi de la question des enfants et des écrans. Nous mesurons aujourd’hui combien cet enjeu demeure plus que jamais d’actualité.
La proposition de loi qui est soumise au vote du Sénat visait initialement à lutter contre la surexposition des jeunes enfants aux écrans en diffusant des messages sanitaires sur les emballages. Après l’examen en commission, vous avez proposé que toute publicité pour des télévisions, des smartphones, des ordinateurs portables, des tablettes et des jeux numériques, quel que soit le support, soit assortie d’un message à caractère sanitaire.
S’il est vrai que les chiffres attestent que le temps passé devant les écrans augmente, il n’y a en revanche pas de consensus sur l’interprétation qu’il faut en faire. Les données manquent sur les conséquences de l’exposition des enfants, en particulier sur le développement psychomoteur de ceux-ci.
Pour les enfants de moins de trois ans, le ministère a récemment réitéré sa recommandation, dans le nouveau carnet de santé, en conseillant aux parents d’éviter, à titre préventif, de laisser leur enfant face à des écrans.
Cependant, eu égard au principe de responsabilité, nous ne pouvons nous permettre d’imposer des messages de santé publique précis sur des produits en circulation s’ils ne sont pas clairement étayés par des analyses scientifiques.
M. Pierre Ouzoulias. C’est irresponsable !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. C’est donc bien pour répondre à toutes ces interrogations et aux préoccupations partagées par le Gouvernement que le Haut Conseil de santé publique a été saisi par la ministre des solidarités et de la santé le 1er août dernier. Il lui a été demandé de produire une analyse des risques pour l’enfant et son développement liés à l’usage des écrans, ainsi qu’une étude sur les effets pathologiques et addictifs des écrans. Nous attendons que le Haut Conseil fasse la synthèse des connaissances disponibles et qu’il propose des recommandations, afin de diffuser une information fondée sur des preuves scientifiques.
Cette saisine témoigne, s’il le fallait, que le Gouvernement partage l’ensemble des inquiétudes qui ont été exprimées en commission. (M. Pierre Ouzoulias s’exclame.)
Le plan Priorité prévention présenté en mars dernier par le Premier ministre et Agnès Buzyn prévoit d’ailleurs la création de repères sur les usages des écrans destinés aux proches de jeunes enfants et une campagne d’information sur ces repères et sur les bonnes pratiques en termes de temps passé devant les écrans. Ces repères seront établis sur la base des travaux du Haut Conseil.
Par ailleurs, les États généraux des nouvelles régulations numériques sont un espace de discussion et d’échanges au sein duquel la surexposition des enfants aux écrans a été identifiée. En effet, nous ne sommes pas seuls à nous interroger et à réfléchir sur ces sujets. Le mouvement doit aussi être européen, voire international.
Enfin, je dirai un mot sur un aspect important à mes yeux, je veux parler du rôle des parents.
Nous avons souvent l’occasion de le souligner dans le cadre des actions de soutien à la parentalité : être parent est une mission difficile, aujourd’hui certainement plus qu’hier. S’agissant des écrans, la situation est très différente de celle que connaissaient les générations précédentes.
Les écrans se sont démultipliés dans les foyers et il faut désormais surveiller non seulement le poste de télévision du salon, mais également les téléphones, l’ordinateur, les tablettes, les jeux vidéo… Limiter l’accès des enfants aux écrans ne se résume plus à une surveillance intransigeante de la télécommande. Cela peut être une véritable bataille quotidienne.
Protéger d’abord les jeunes enfants : tel est le sens de la stratégie « Dessine-moi un parent » présentée cet été par le Gouvernement, dont l’un des axes est la sensibilisation des parents et la formation des professionnels aux risques de surexposition des jeunes enfants aux écrans interactifs. Nous avons besoin d’évaluer le poids de l’éducation, ainsi que le rôle des adultes référents dans les usages excessifs des écrans et leur régulation.
La question de l’usage des écrans au quotidien fait partie des difficultés qui conduisent de nombreux parents à demander de l’information et de l’accompagnement auprès des associations de soutien à la parentalité.
Le réseau des Écoles des parents et des éducateurs propose notamment des animations collectives sous forme de groupes d’échanges entre parents, des ateliers de sensibilisation aux technologies numériques ou des conférences-débats qui facilitent la prise de conscience et la parole des parents sur les pratiques numériques de leurs enfants, sans les stigmatiser ou les rendre coupables.
Je pense également au rôle de la protection maternelle infantile, dont les missions sont en cours d’évaluation et de mise à jour.
Enfin, le passage à l’instruction obligatoire dès l’âge de trois ans doit permettre à tous les enfants, sans exception, l’apprentissage de la vie en collectivité, l’interaction avec les autres, l’ouverture sur leur environnement extérieur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est nullement question de reporter toute action ou de minimiser cette question. Notre souhait commun est bien d’agir. La seule nuance est que le Gouvernement souhaite d’abord renforcer les constats scientifiques qui doivent le guider concernant l’usage des écrans chez les enfants.
Or, à ce jour, nous estimons que les données des études que vous mentionnez sont encore trop partielles pour imposer un message sanitaire indiscutable. Nous avons besoin qu’une instance d’expertise se prononce pour pouvoir, sur cette base, mener les actions pertinentes, à la hauteur de l’enjeu pour nos enfants.
Dans ce contexte, et pour les raisons que j’ai évoquées, nous ne pouvons soutenir cette proposition de loi aujourd’hui, même si nous en partageons l’objectif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un entretien à un célèbre hebdomadaire français, l’écrivain américain Philip Roth expliquait : « Face à l’écran et à son pouvoir hypnotique, la lecture est un art désormais mourant. La forme romanesque, comme vecteur d’informations sur le monde et l’expérience humaine, et comme plaisir, est devenue obsolète. »
Sans s’enferrer dans une vision manichéenne, où le numérique ne ferait que rapetisser l’Homme, je pense que les propos de cet écrivain, étendus à d’autres domaines que la lecture, sont éclairants sur les risques inhérents à une exposition massive aux écrans. Il est question « d’informations sur le monde », d’« expérience humaine », de « plaisir », en somme de réflexions et d’interactions avec le monde et avec les autres.
Comme l’ont démontré nombre de psychiatres et de pédopsychiatres – je ne reviendrai pas sur les études mentionnées par la présidente Catherine Morin-Desailly –, ces découvertes de la vie, ces contacts humains sont encore plus déterminants pour les enfants, en particulier entre zéro et trois ans. Ils permettent tout à la fois l’apprentissage du langage, de la communication verbale et corporelle. Ils améliorent les capacités motrices, d’attention et de concentration. Ils sont donc des moments vitaux dans la construction de l’enfant en tant qu’individu.
Or, sans diaboliser les objets numériques, qui peuvent être parfois d’une grande utilité pour l’apprentissage et la diffusion des connaissances, par exemple, il faut reconnaître que leur utilisation immodérée, voire frénétique, pose de plus en plus problème et peut être clairement dangereuse pour les enfants. Il convient donc de veiller à ne pas en arriver à une situation où ce seraient ces objets qui prendraient possession de l’être humain, bien plus que celui-ci en contrôlerait l’usage et l’évolution.
Sur ce point, je crois que nous sommes entrés dans une phase de transition. Après l’euphorie liée à la démocratisation d’internet et au développement « hypersonique » des moyens de communication, l’envers du décor est apparu.
Collectivement, nous avons pris conscience que l’entrée dans la « troisième révolution industrielle », selon l’expression de Jeremy Rifkin, s’accompagnait d’enjeux modernes auxquels il est impératif de réfléchir et d’apporter des réponses satisfaisantes.
En d’autres termes, cette phase de transition est une nouvelle phase de régulation, consécutive aux progrès exponentiels en matière numérique. Il s’agit de préserver les équilibres sociaux et de maintenir un rapport harmonieux entre la société et le déploiement des nouvelles technologies.
C’est dans ce cadre global que s’inscrit la présente proposition de loi, qui est, à mon sens, importante. Elle est une première étape en vue de concilier au mieux le développement psychologique et moteur des enfants avec l’usage des objets numériques. Ainsi, les dispositions visant à avertir des dangers des écrans pour le développement des enfants de moins de trois ans et à mener des campagnes pour sensibiliser tout un chacun sur le sujet sont des propositions très importantes.
À l’avenir, il serait pertinent de faire preuve d’encore plus de pédagogie, sans chercher à prononcer des injonctions qui ne seraient que contre-productives, car l’éducation des enfants aux écrans passe obligatoirement par l’éducation des parents à ces mêmes écrans. Ces derniers ont tellement imprégné notre quotidien, sont devenus tellement indispensables dans les sphères professionnelle et privée que les adultes peuvent aussi acquérir des réflexes négatifs et oublier que leur propre exposition prolongée peut être pernicieuse et constituer un mauvais exemple pour leurs enfants. Il est donc impératif de prendre ses distances avec les écrans, tout en ayant conscience qu’il serait bien sûr vain et inutile de s’en priver.
Par ailleurs, il est important de souligner que les actions de prévention prévues dans le présent texte, eu égard à leur objectif de santé publique, nécessitent de véritables moyens financiers, d’autant plus que les progrès du numérique et de l’intelligence artificielle sont amenés à s’intensifier, et, partant, les dérives liées à la surexposition aux écrans. Peut-être faudra-t-il inévitablement prévoir, dans les années à venir, un vaste plan de prévention, sachant que cette surexposition peut entraîner des problématiques de santé publique liées à la sédentarité.
Enfin, comme ne manqueront pas de le dire, je l’imagine, mes collègues qui interviendront après moi, je tiens à faire part de ma surprise, pour ne pas dire de mon incompréhension, face à la position que le Gouvernement a exprimée en commission et encore aujourd’hui. Cette proposition de loi, mes chers collègues, est de bon sens, pour ne pas dire essentielle. Elle est aussi la première pierre d’un édifice, car il nous faudra aborder ensuite la question des contenus et de l’éducation au numérique. Son rejet par l’exécutif, sans véritable motif, n’est nullement encourageant. Il nous laisse surtout très perplexes.
Madame la secrétaire d’État, vous avez argué de la nécessité de mener des études d’impact – on vous a entendue – avant de légiférer sur cette question. Je vous rappellerai simplement, comme l’a dit Mme la rapporteur, et comme je l’ai déjà indiqué en commission, que lorsqu’il s’est agi d’interdire les téléphones portables à l’école, vous n’avez nullement attendu de bénéficier de telles analyses.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Tout à fait !
Mme Sylvie Robert. Au contraire, il y avait urgence, et la précipitation était de rigueur ! On avait alors fait confiance au Gouvernement. Je formule donc le vœu que, à l’avenir, les avis du Gouvernement soient étayés par de véritables arguments et qu’ils ne soient pas simplement des postures sélectives.
En conclusion, en cette Journée internationale des droits de l’enfant, écoutons le Défenseur des droits, qui a évoqué ces questions. Cette proposition de loi, que bien sûr nous voterons, traite de prévention, mais aussi d’éducation, en bref de la construction des adultes de demain, tout simplement. (Bravo ! et applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons a été examinée selon la procédure de législation en commission et adoptée à l’unanimité, tant son objet est d’intérêt majeur pour la santé de nos futures générations.
Les scientifiques le démontrent avec constance depuis plusieurs années, l’exposition précoce des enfants aux écrans est délétère pour leur développement et constitue un risque important de santé publique.
Certes, la responsabilité d’exercer une vigilance de chaque instant sur l’usage des écrans numériques qui est fait par les enfants incombe d’abord aux parents, lesquels doivent protéger leurs enfants de toute surexposition, mais surtout donner l’exemple d’une utilisation raisonnée et raisonnable. Toute action de prévention passe nécessairement par ces derniers, et par l’entourage socio-éducatif des enfants.
L’impact des écrans sur nos vies est fort, car cet usage allie la facilité du virtuel et la force de l’émotionnel, le plus souvent en huis clos. Dans ce contexte, plus l’enfant sera accompagné par des adultes, mieux il sera outillé pour tirer les bénéfices des écrans, plutôt que d’en subir tous les risques. Pour réussir, il est préconisé d’appliquer une règle de précaution simple, celle du 3-6-9-12 : pas d’écran avant 3 ans, pas de console de jeux avant 6 ans, pas d’internet avant 9 ans, pas de réseau social avant 12 ans.
Selon l’étude Junior Connect’ de 2017, les enfants âgés de un à six ans passent en moyenne quatre heures et trente-sept minutes par semaine devant un écran, soit cinquante-cinq minutes de plus qu’en 2015. Or les conséquences d’une exposition prolongée sont dramatiques : problèmes de langage, de repères dans l’espace et de sommeil, perte d’habileté motrice ou d’attention liée à trop de sédentarité et de passivité, voire vision du monde à plat.
J’ai la conviction que la politique de prévention des risques associée à ces mésusages doit être renforcée, et je félicite ma collègue Catherine Morin-Desailly d’avoir œuvré en ce sens, même s’il reste des pistes d’amélioration. En commission, nous avons adopté un texte obligeant les fabricants, dans les conditions fixées par arrêté, à indiquer sur l’emballage des outils numériques que leur utilisation peut nuire au développement psychomoteur des enfants de moins de trois ans et prévoyant qu’un message similaire apparaisse dans les publicités, comme cela est le cas pour ce qui concerne les aliments gras, par exemple.
Cette multiplication des supports de diffusion du message, fruit du travail de la commission, est nécessaire pour que la mesure de prévention ait un effet réel. Plusieurs amendements visant à élargir la portée du message ont d’ailleurs été déposés par mon groupe.
Le premier tendait à élargir le périmètre de diffusion du message sanitaire aux sites de e-commerce qui mettent en vente des outils et des jeux numériques avec écran. Cette discussion devra être menée à l’échelon européen, dans le cadre de la renégociation de la directive e-commerce.
Il est également nécessaire, à mon sens, d’élargir ce message aux plateformes qui fournissent des contenus audiovisuels, afin notamment d’alerter les parents sur les effets du visionnage par les très jeunes enfants des vidéos qui leur sont expressément destinées, comme celles de comptines enfantines disponibles en ligne. La future loi sur l’audiovisuel, qui sera examinée au second semestre 2019, sera l’occasion d’en débattre.
Enfin, les décrets d’application devront associer aux « actions d’information et d’éducation institutionnelle » tous les services sanitaires et socio-éducatifs entourant les jeunes enfants : les services de santé, bien sûr, mais aussi ceux de la petite enfance. Nous considérons en effet que les agents de ces services doivent réellement être formés à la problématique de l’impact des écrans sur les enfants, afin qu’ils puissent eux aussi être acteurs de la prévention, surtout dans la mesure où ces services disposent d’écrans mis à la disposition des enfants, à l’instar des médiathèques.
Si la commission de la culture a fait preuve de bon sens en adoptant à l’unanimité cette proposition de loi, mon incompréhension a cependant été totale à l’annonce de la position défavorable du Gouvernement. Il vous semble urgent d’attendre, madame la secrétaire d’État. Il nous paraît au contraire que nous devons nous fier aux recherches scientifiques, toutes concordantes, qui estiment qu’il est urgent d’agir.
La procédure de législation en commission a limité l’approfondissement du travail parlementaire sur ce texte, et nous le regrettons. Nous estimons toutefois que la politique de prévention sur l’usage précoce des écrans, qui doit être transversale, mérite d’être accélérée et amplifiée. C’est pourquoi le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, rapporteur, mes chers collègues, à l’heure où l’âge moyen de possession d’un premier téléphone portable est de dix ans, l’exposition des enfants aux écrans est devenue un enjeu de santé publique.
En mai 2017, une tribune parue dans le journal Le Monde dénonçait les « graves effets d’une exposition précoce des bébés et des jeunes enfants à tous types d’écrans ». Les experts qui s’exprimaient s’alarmaient du manque de réactivité des enfants de trois ans dont les parents avaient remplacé les jeux d’éveil traditionnels par des écrans. Ils ne sont pas les seuls. Chamath Palihapitiya, ancien vice-président de Facebook chargé de la croissance et de l’audience, a interdit à ses enfants d’utiliser le réseau social et limité drastiquement l’usage des écrans. Même philosophie pour Sean Parker, Bill Gates et Steve Jobs.
En septembre dernier, une étude canadienne menée sur plus de 4 500 enfants de huit à onze ans aux États-Unis indiquait un appauvrissement du développement cognitif des enfants qui passent plus de deux heures par jour sur des écrans.
En effet, les experts s’accordent à dire que la surexposition des enfants aux écrans les expose à un ensemble de risques sanitaires et psychosociaux auxquels nous devons être attentifs : risque de dépendance, myopie, troubles de l’attention, de la mémoire et du comportement, difficultés d’apprentissage, retard de la parole, isolement social, risque d’exposition aux contenus violents ou pornographiques et au cyber-harcèlement… La liste est longue, comme en témoignent les mises en garde communiquées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est particulièrement sensible à cette problématique et salue une initiative législative qui vise à sensibiliser la société dans son ensemble aux effets néfastes de la surexposition ou de l’exposition précoce aux écrans. Nous soutenons cette démarche, qui apporte des compléments utiles aux campagnes de sensibilisation que mène le CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, chaque année depuis dix ans.
Nous avions proposé des dispositions complémentaires lors de l’examen au Sénat de la proposition de loi relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire. Le premier dispositif visait à équiper les écrans de filtres à lumière bleue, afin de protéger la rétine des plus sensibles. Le second tendait à encadrer la durée d’utilisation pédagogique des écrans par classe d’âge.
Si ces amendements n’ont pas été retenus l’été dernier, leur pertinence nous a été confirmée cet automne par les experts que nous avons interrogés pour préparer l’examen de cette proposition de loi. Serge Tisseron, psychiatre spécialisé dans les rapports aux nouvelles technologies, a attesté l’effet néfaste de la lumière bleue émise par les LED, notamment pour les jeunes enfants. Le cristallin de ceux-ci n’étant pas encore suffisamment opaque pour filtrer naturellement ce type de lumière, la conséquence est un risque accru de développer plus tard une dégénérescence maculaire liée à l’âge.
Par ailleurs, la lumière bleue émise par les écrans perturbe notre horloge biologique en inhibant la sécrétion de mélatonine, et cela quelle que soit la classe d’âge.
Madame la secrétaire d’État, nous avons déposé de nouveau ces amendements lors de l’examen en commission de la proposition de loi et sommes convenus d’une application de ces mesures par voie réglementaire. Nous serons vigilants sur ce point.
Mes chers collègues, si le numérique représente une source inépuisable de savoir et une rupture technologique au moins aussi importante que l’invention de l’imprimerie, nous ne maîtrisons pas encore la révolution qu’il opère dans nos vies et dans le développement cognitif des plus jeunes. Aussi devons-nous rester attentifs aux signaux envoyés par les communautés scientifiques et éducatives, pour réguler et limiter les effets néfastes qu’ils nous signalent.
Cette proposition de loi va dans le bon sens, et c’est pourquoi mon groupe la soutiendra. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le remarquable travail de fond réalisé par Catherine Morin-Desailly, dont la détermination se concrétise avec la proposition de loi que la Haute Assemblée examine aujourd’hui.
Le contexte, vous le connaissez. Il est préoccupant, voire alarmant : tous les spécialistes auditionnés par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont souligné les dangers qui découlent de l’exposition des tout-petits aux écrans.
Retard dans le développement moteur de l’enfant, apparition tardive du langage, difficultés majeures dans l’apprentissage de l’attention et de la concentration, socialisation imparfaite : les conséquences de cette surexposition des moins de trois ans sont parfaitement identifiées. Elles sont désastreuses et peuvent contrarier la capacité de ces enfants à devenir des adultes structurés, autonomes et équilibrés.
La proposition de loi qui nous est soumise s’adresse d’abord aux industriels : ils sont incités à mieux prendre en compte dans leur activité ces préoccupations psychologiques et sociologiques. Il y va de leur responsabilité sociétale.
Loin de moi l’idée que les fabricants fassent peu de cas du problème de santé humaine qui nous préoccupe ici, mais il me paraît indispensable qu’ils ne se limitent pas à reproduire les messages d’alerte et de prévention imposés par la réglementation. Ils doivent, dès à présent, reconsidérer la conception même de leurs produits et évaluer a priori les conséquences de ces derniers en cas d’usage déraisonnable, excessif ou incontrôlé.
Cette autorégulation est possible, comme le montre l’exemple de l’industrie agroalimentaire, qui s’est efforcée de réduire les teneurs en sucre, sel et graisse des produits qu’elle met sur le marché, tout en diffusant des messages de prévention pour inciter à modérer la consommation et à pratiquer le sport. Il peut en aller de même pour les fabricants de jouets, de terminaux, de contenus numériques et, plus largement, de produits connectés.
Je veux ensuite insister sur la responsabilité personnelle des parents et rappeler que l’éducation aux écrans est un devoir de tous les instants, qui ne souffre aucun relâchement.
Mais comment peut-on dissuader les enfants de recourir aux écrans si on leur donne soi-même l’exemple d’un usage immodéré des terminaux connectés, tablettes ou smartphones ? Ce serait abdiquer ses responsabilités éducatives de laisser son enfant seul face à un écran, sous prétexte qu’on est soi-même débordé, ou pour avoir la paix.
Nous le savons tous : le rôle parental suppose, sur ce sujet comme sur tous les autres, de poser des règles, de donner l’exemple, de n’accepter aucune habitude addictive.
C’est l’intérêt supérieur de nos enfants qui est en l’occurrence en jeu. Pour résister à la fascination de l’écran, il ne suffit pas d’interdire. Il faut aussi s’investir dans les activités de l’enfant, en interaction, pour qu’il sorte d’une dépendance passive, grâce à un environnement familial et social qui puisse éveiller son attention, sa curiosité, son envie d’agir. Ainsi l’aidera-t-on à construire sa personnalité.
Au-delà de la cellule familiale, essentielle en matière de prévention, il me semble que cette mission relève aussi des lieux de socialisation. Je pense évidemment au rôle décisif des structures d’accueil et des acteurs de la petite enfance : crèches, assistantes maternelles, professionnels de la protection maternelle et infantile. Mais, plus largement, il faut solliciter les professionnels de santé, notamment les pédiatres, et toute la communauté éducative.
Ces professionnels en ont bien conscience, d’ailleurs. L’engagement doit être collectif. Tous ceux qui sont en contact avec les plus jeunes peuvent prendre une part de responsabilité dans la prévention de ce comportement à risque, omniprésent et nocif.
Il convient donc que tous les professionnels qui sont en contact direct avec les enfants soient eux-mêmes formés et informés, afin de nouer avec les parents un dialogue constructif lorsque les troubles de comportement sont constatés.
Je propose également que la règle énoncée par le psychiatre Serge Tisseron, auditionné par notre commission, soit rappelée avec constance : aucune exposition aux écrans entre zéro et trois ans, en vertu du principe que le temps passé par un enfant de moins de trois ans devant un écran est préjudiciable à son développement ; pas de console de jeux portable avant six ans ; pas d’internet avant neuf ans, et seulement un internet accompagné jusqu’à l’entrée en collège ; enfin, internet seul à partir de douze ans, mais avec prudence.
Pour mobiliser les consciences, je suggère, premièrement, l’instauration d’une journée sans écran, qui permettrait aux familles de se retrouver et de faire une pause avec l’environnement numérique qui accapare toute l’attention au détriment d’autres activités favorisant le partage et l’interactivité. Je pense que cette piste mérite d’être étudiée, et je connais quelques familles qui ont renoué avec de vraies relations intrafamiliales grâce à cette pratique.
Je propose, deuxièmement, de réfléchir à la mise en place d’ateliers obligatoires pour les parents à la maternité, dans les crèches et les écoles, mais aussi, et surtout, dans les centres de PMI, même si tous ces professionnels sensibilisent déjà beaucoup les familles.
Je sais bien qu’interdire les outils numériques et leurs usages est illusoire. C’est donc bien en matière de prévention qu’il nous faut agir.
La proposition de loi de notre collègue Catherine Morin-Desailly pose les bases indispensables à la régulation de l’usage des écrans. Elle fait œuvre utile. Le groupe Les Républicains, par ma voix, la soutient donc avec conviction.
Madame la secrétaire d’État, en cette Journée internationale des droits de l’enfant, il aurait été symbolique que votre gouvernement approuve notre texte de loi. Nous sommes tous convaincus qu’il va dans le bon sens. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, gouvernement après gouvernement, nous entendons souvent, à l’endroit des propositions de loi que nous présentons, les mêmes antiennes.
D’abord, nos textes seraient justes, mais ils viendraient percuter des projets plus larges et plus systémiques que le Gouvernement entendrait lui-même porter. Bref, nos propositions de loi aborderaient de vrais problèmes, mais elles le feraient de manière trop réductrice, en les appréhendant par le petit bout de la lorgnette.
Second argument, répété à l’envi : nos propositions de loi traiteraient de questions insuffisamment documentées. Elles souffriraient notamment d’une absence d’étude d’impact sur les conséquences juridiques, économiques et sociales des mesures qu’elles préconisent.
Ces deux critiques sont tout à fait audibles, et parfois même justifiées. Mais il faut dire aussi que ces défauts sont consubstantiels à la place et aux moyens accordés au Parlement en matière d’initiative et de travail législatifs dans le fonctionnement réel de la Ve République.
Je m’explique : les propositions de loi déposées par les groupes politiques dans nos assemblées, si elles veulent pouvoir être adoptées, doivent être nécessairement concises et ne comporter que quelques articles, pour entrer dans le cadre temporellement très contraint des niches parlementaires qui nous sont dédiées.
Alors, c’est vrai, elles ne comportent que quelques-unes des mesures susceptibles de répondre à la problématique qu’elles entendent embrasser.
On reproche aussi parfois à nos propositions de loi d’être insuffisamment documentées. Et pour cause : le Parlement est loin de disposer des mêmes moyens techniques et financiers que l’exécutif, même s’il faut rappeler que nous menons en commission, avec sérieux et au long cours, de très nombreuses auditions des acteurs impliqués sur les sujets à propos desquels nous entendons légiférer.
En ce qui concerne l’incidence juridique de nos propositions et de nos amendements, rappelons que les parlementaires ne disposent pratiquement d’aucun droit de tirage pour solliciter les avis éclairés du Conseil d’État. Celui-ci travaille presque exclusivement pour l’exécutif, comme si le Parlement n’était pas une composante essentielle de l’État républicain.
Mais venons-en plus précisément à la proposition de loi, déposée par notre collègue Catherine Morin-Desailly, qui vise à protéger, ou plus précisément à prévenir l’exposition précoce, et de plus en plus intense, de nos enfants aux écrans.
L’objectif initial était d’inscrire dans le code de la santé publique l’obligation pour les fabricants d’ordinateurs, de tablettes ou de tout autre objet ludo-pédagogique d’apposer sur l’emballage des outils numériques un message de prévention à caractère sanitaire relatif à l’exposition aux écrans des enfants de moins de trois ans.
Récemment, notre collègue Catherine Morin-Desailly a déposé un amendement tendant à renforcer le dispositif initialement proposé et à demander la diffusion d’un message à caractère sanitaire à l’occasion des publicités pour les outils et jeux numériques concernés, en plus du message apposé sur les emballages.
Cette proposition de loi, certes très circonscrite dans son objet, va dans le bon sens : celui de la protection des plus jeunes, et donc des plus fragiles, dans une société soumise chaque jour davantage au bombardement de messages visant à capter, ou plutôt à détourner leur attention à des fins au mieux récréatives – cela se fait alors au détriment de la captation de leur attention à des fins de formation et d’éducation –, au pire – c’est souvent le cas, malheureusement – à des fins de communication persuasive tendant à orienter dès le plus jeune âge leurs choix en matière de consommation et de pratiques vers ce qu’on peut appeler des comportements addictifs.
De portée et de champ certes restreints, cette proposition de loi vient toutefois compléter des textes déjà adoptés à de très larges majorités au sein de notre assemblée.
Elle s’inscrit dans la même veine que la loi relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire, votée l’été dernier.
Elle s’inscrit également dans le même esprit que la proposition de loi que j’avais eu l’honneur de porter en 2016, et qui a abouti à la suppression des publicités commerciales destinées aux enfants dans les programmes jeunesse du service public.
Pour justifier de telles mesures, les études sur le sujet ne manquent pas. Impossible ici de toutes les énumérer. Pour n’en citer qu’une, j’évoquerai la dernière vague d’enquête de la direction de la recherche, des études et des statistiques du ministère de la santé, la DREES, sur la santé des élèves de grande section de maternelle, publiée en 2015. Celle-ci souligne notamment que le nombre de ces enfants portant des lunettes est passé de 12 % à 18 % en l’espace de treize ans.
La même étude révèle également que le taux de jeunes enfants en excès pondéral est presque de 40 % supérieur à la moyenne chez ceux qui disposent d’un écran dans leur chambre.
Soucieux, comme l’ensemble de nos collègues, du bon développement de nos enfants et de la nécessité d’agir dans ce sens, les membres du groupe La République En Marche voteront en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur – j’ai plaisir à utiliser exclusivement le féminin, ce qui est rare ! (Sourires.) –, sous la conduite de sa présidente, Mme Catherine Morin-Desailly, notre commission mène une réflexion de fond sur les apports bénéfiques, les risques et les dangers de l’introduction massive des outils numériques dans l’éducation, la culture, la connaissance et, in fine, dans nos vies quotidiennes.
Elle tente de conduire ce travail de façon consensuelle, en questionnant les acteurs du numérique, dans leur diversité, et en essayant de se détacher des sollicitations et des contingences d’un monde qui s’abandonne de plus en plus aux effets de la communication éphémère, au règne de l’immédiateté et à la dictature de l’instant.
Dans cette démarche ambitieuse de construction, par le droit, de normes régulatrices de l’espace numérique, il était judicieux de s’intéresser, ab ovo, aux plus jeunes et de mettre en garde leurs parents contre une exposition précoce aux médias qui s’y déploient. Le cœur informatique de ces processus étant difficile à appréhender par la loi, la présente proposition de loi s’intéresse donc à l’écran comme principal vecteur de transmission.
Néanmoins, et je crois que vous ne nous avez pas compris, madame la secrétaire d’État, ce n’est pas sur l’objet lui-même que nous nous proposons de légiférer, mais sur les processus qu’il met en jeu ou, plus précisément encore, sur leurs conséquences pour les apprentissages cognitifs des jeunes enfants.
Les trois articles qui sont visés à l’article unique du présent texte seront introduits dans le code de la santé publique, mais il est vrai qu’ils auraient pu aussi enrichir le titre Ier du livre II du code de l’action sociale et des familles, si celui-ci ne renvoyait déjà précisément au code de la santé publique. Dans l’absolu, ces dispositions pourraient constituer les prémices d’un code de la santé mentale qui reste à écrire !
Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous exprime une nouvelle fois notre surprise quand vous nous dites que « les données manquent quant à l’ampleur de l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans, et surtout quant aux effets d’une surexposition des très jeunes enfants aux écrans ».
Notre commission reçoit régulièrement un spécialiste des neurosciences qui nous a expliqué très exactement l’inverse. Je veux parler de votre collègue Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale du gouvernement auquel vous appartenez aussi. Permettez-moi de reprendre plusieurs de ses déclarations sur le sujet. Ainsi, à propos des téléphones portables, il nous expliquait que leur « usage peut empêcher la construction d’une sociabilité harmonieuse, essentielle au développement des enfants ». De façon plus générale, il déclarait récemment : « l’addiction aux écrans peut devenir une plaie dans nos sociétés, qui nuit aux rapports humains », ou encore : « il faut protéger les enfants contre l’addiction aux portables », et enfin : « il faut éviter que les enfants soient devant les écrans de manière abusive, notamment avant l’âge de 7 ans. » (Mmes Françoise Laborde et Catherine Morin-Desailly, rapporteur, marquent leur approbation.)
Vous nous accorderez, madame la secrétaire d’État, que la présente proposition de loi répond fort opportunément à cette injonction ministérielle.
Sur le fond, et sans poursuivre l’énumération un peu cruelle de ces incohérences gouvernementales, vous me permettrez de saisir l’opportunité de l’examen de cette proposition de loi, qui sera adoptée céans à l’unanimité, tant elle emporte l’adhésion, pour souligner combien il aurait été utile que votre gouvernement engageât une véritable réflexion interministérielle sur le numérique et ses usages. Je parle au passé, car nous avons constaté avec regret que M. Mounir Mahjoubi, dont le secrétariat d’État chargé du numérique était auparavant directement rattaché au Premier ministre, dépend maintenant du ministre de l’économie et des finances. Cette rétrogradation dans l’organigramme marque un manque de volonté politique dans l’appréhension du numérique dans toutes ses dimensions.
Certes, le numérique peut être un outil puissant de transformation de l’économie et de l’administration. Néanmoins, il est indispensable de protéger nos concitoyennes et nos concitoyens lorsque son déploiement a pour conséquence de porter atteinte aux libertés individuelles ou de les mettre en garde contre son usage immodéré. Sur tous ces points, nous aurions aimé entendre le secrétaire d’État chargé du numérique. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Laugier, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Michel Laugier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je n’entretiendrai aucun suspense : le groupe Union Centriste votera ce texte ; il le votera même des deux mains, pas seulement parce que Catherine Morin-Desailly, que je félicite pour l’excellence de son travail, en est l’auteur, mais aussi parce que c’est un texte de bon sens, qui fait l’unanimité sur toutes les travées de cet hémicycle.
Madame la secrétaire d’État, la seule voix discordante s’est fait entendre du côté du Gouvernement. En commission, vous nous avez dit en substance qu’il était urgent d’attendre…
Attendre, alors que l’impact des écrans sur le développement psychomoteur des plus petits est connu depuis des années !
Attendre, alors que les professionnels du monde entier nous alertent sur le phénomène depuis bien longtemps !
Il faudrait pourtant, selon vous, attendre de nouvelles études, de nouveaux débats, de nouveaux colloques…
Non, madame la secrétaire d’État, l’heure n’est plus à la tergiversation ; elle est à l’action !
C’est de cela que meurt la politique : de notre incapacité à prendre nos responsabilités. Même face à l’évidence, nous nous tâtons, nous nous interrogeons. Mais nos concitoyens sont fatigués de ces atermoiements. Ils veulent des actes.
Si nous ne sommes pas capables d’imposer un message d’alerte pour protéger les moins de trois ans des effets néfastes, bien connus, des écrans, comment nos concitoyens pourraient-ils nous faire confiance pour faire repartir la croissance ou imposer la transition énergétique ?
La question est d’autant plus caricaturale que la présente proposition de loi ne fait que tirer les conséquences des études qui ont déjà été réalisées sur le sujet.
Il s’agit non pas, bien entendu, de verser dans le dramatique, mais de constater, avec les professionnels de la petite enfance, que l’exposition précoce est susceptible de produire des troubles qui vont d’une moindre forme physique au retard scolaire, en passant par des difficultés de développement social ou d’apprentissage.
Or, cela, tous les parents ne le savent pas. Ils n’en ont pas conscience, tant s’en faut. C’est à cela que servent les messages sanitaires.
Qui, aujourd’hui, songerait à supprimer le macaron avertissant les femmes enceintes des dangers de l’alcool ? Personne, évidemment ! Le message adressé par le texte de Catherine Morin-Desailly est exactement de même nature.
Nous le soutenons d’autant plus qu’il a été substantiellement amélioré et complété en commission. Si nous créons un message d’alerte sur les supports de conditionnement, il est logique de compléter l’information sanitaire dans le champ publicitaire, comme c’est déjà le cas pour l’alcool, le tabac ou les boissons sucrées.
Enfin, par-delà l’objet circonscrit de cette proposition de loi, il n’aura échappé à personne que ce texte soulève la question fondamentale de l’éducation aux médias et au numérique. L’exposition aux écrans est particulièrement néfaste pour les tout-petits, mais, à haute dose, elle n’est bonne pour personne.
Notre rapporteur a évoqué la question des obligations que nous devrions imposer aux sites de vente en ligne et aux plateformes de partage de vidéos. C’est effectivement encore un aspect du problème, mais, surtout, après avoir stigmatisé le contenant, il va aussi falloir s’interroger sur le contenu. Donne-t-on aux enfants et aux adolescents les armes pour savoir prendre ce qu’il y a de bon dans la révolution numérique et jeter le reste ? À l’évidence, non. Or c’est un immense danger, car ces technologies ont eu un impact très fort et très négatif sur les nouvelles générations, et nous en sommes toujours à nous interroger.
Encore une fois, madame la secrétaire d’État – à plus grande échelle, cette fois –, il n’est plus urgent d’attendre, il est urgent d’agir. (Applaudissements.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Bravo !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 21 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l’adoption | 333 |
Contre | 2 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
10
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.
Mme Brigitte Lherbier. Madame la présidente, le 7 novembre dernier, lors du scrutin n° 11 sur l’amendement n° 1 rectifié bis, j’ai été considérée comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre. Cet amendement visait l’étendue des périodes de chasse des oiseaux migrateurs.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
11
Conférence des présidents
Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour et complétant l’ordre du jour établi lors de la réunion de la conférence des présidents du 7 novembre 2018 sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.
conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mercredi 21 novembre 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe du RDSE)
- Proposition de loi visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux, présentée par M. Éric GOLD et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 124, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
- Débat sur le thème : « La ruralité, une chance pour la France »
• Temps attribué au groupe du RDSE : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit
(Ordre du jour réservé au groupe LaREM)
- Proposition de loi organique relative à l’élection des sénateurs, présentée par M. André GATTOLIN et plusieurs de ses collègues (n° 744, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
- Proposition de loi visant à la présentation par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur la mise en œuvre des préconisations relatives aux éventuels risques liés à l’emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques, et usages similaires, établies par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail le 18 septembre 2018, présentée par Mme Françoise CARTRON et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 126, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 21 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
PROJET DE LOI DE FINANCES
CALENDRIER D’EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2019 ET ORDRE DU JOUR DES SÉANCES DU JEUDI 22 NOVEMBRE AU MARDI 11 DÉCEMBRE
Jeudi 22 novembre 2018
À 11 heures
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Discussion générale
• Temps attribué au rapporteur général de la commission des finances : 15 minutes
• Temps attribué au président de la commission des finances : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 2 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 21 novembre à 15 heures
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 22 novembre à 11 heures
À 16 h 15, et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Suite de la discussion générale
=> Examen de l’article liminaire
=> Examen de l’article 37 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne
• Temps attribué au rapporteur spécial de la commission des finances : 5 minutes
• Temps attribué au président de la commission des affaires européennes : 3 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements à l’article liminaire et à la première partie et délai limite pour l’ajout d’un signataire à l’un de ces amendements : jeudi 22 novembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements à l’article liminaire et à l’article 37 : à l’issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 21 novembre à 15 heures
Vendredi 23 novembre 2018
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
• Réunion de la commission pour examiner les amendements à la première partie : vendredi 23 novembre à 9 heures
Samedi 24 novembre 2018
Le matin, l’après-midi et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Éventuellement, dimanche 25 novembre 2018
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Lundi 26 novembre 2018
À 10 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Mardi 27 novembre 2018
À 14 h 30, à 17 h 45 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Examen des articles de la première partie (suite)
=> Explications de vote sur l’ensemble de la première partie
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 5 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 26 novembre à 15 heures
Scrutin public ordinaire de droit
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2018 ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 novembre à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mardi 27 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 27 novembre à 12 h 30
Mercredi 28 novembre 2018
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (+ article 73)
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 27 novembre à 11 heures
=> Justice
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 27 novembre à 11 heures
=> Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
. Compte spécial : Développement agricole et rural
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 27 novembre à 11 heures
=> Défense
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (8) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 27 novembre à 11 heures
Jeudi 29 novembre 2018
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 28 novembre à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 28 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Écologie, développement et mobilité durables (+ articles 75 et 76)
. Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens
. Compte spécial : Aides à l’acquisition de véhicules propres
. Compte spécial : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
. Compte spécial : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
. Compte spécial : Transition énergétique
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 28 novembre à 11 heures
=> Sport, jeunesse et vie associative
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 27 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 28 novembre à 11 heures
Vendredi 30 novembre 2018
À 9 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Économie
. Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés (+ article 85)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 29 novembre à 11 heures
=> Remboursements et dégrèvements
et Engagements financiers de l’État (+ article 77)
. Compte spécial : Participation de la France au désendettement de la Grèce
. Compte spécial : Participations financières de l’État
. Compte spécial : Accords monétaires internationaux
. Compte spécial : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics et Investissements d’avenir
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (4) : 5 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 29 novembre à 11 heures
=> Cohésion des territoires (+ article 74)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 29 novembre à 11 heures
=> Administration générale et territoriale de l’État
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 29 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 29 novembre à 11 heures
Éventuellement, samedi 1er décembre 2018
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Éventuellement, dimanche 2 décembre 2018
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Lundi 3 décembre 2018
À 10 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Outre-mer
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 30 novembre à 11 heures
=> Aide publique au développement (+ article 72)
. Compte spécial : Prêts à des États étrangers
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 30 novembre à 11 heures
=> Action extérieure de l’État
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 30 novembre à 11 heures
=> Recherche et enseignement supérieur (+ article 78)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 30 novembre à 11 heures
Mardi 4 décembre 2018
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Culture
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 3 décembre à 11 heures
=> Médias, livre et industries culturelles
. Compte spécial : Avances à l’audiovisuel public
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (5) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 3 décembre à 11 heures
=> Pouvoirs publics
et Conseil et contrôle de l’État
et Direction de l’action du Gouvernement
. Budget annexe : Publications officielles et information administrative
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (6) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 3 décembre à 11 heures
=> Travail et emploi (+ article 84)
. Compte spécial : Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 30 novembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 3 décembre à 11 heures
Mercredi 5 décembre 2018
À 11 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 79 à 81)
Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 4 décembre à 11 heures
=> Enseignement scolaire
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 3 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 4 décembre à 11 heures
Jeudi 6 décembre 2018
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 82 et 83)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 5 décembre à 11 heures
=> Santé
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 5 décembre à 11 heures
=> Gestion des finances publiques et des ressources humaines
et Crédits non répartis
et Action et transformation publiques
. Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
et Régimes sociaux et de retraite
. Compte spécial : Pensions
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 5 décembre à 11 heures
=> Immigration, asile et intégration
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 5 décembre à 11 heures
=> Sécurités
. Compte spécial : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 7 minutes chacun
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 4 décembre à 11 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 5 décembre à 11 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 5 décembre à 11 heures
Vendredi 7 décembre 2018
À 9 h 30, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
=> Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
• Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : mercredi 5 décembre à 12 heures
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : jeudi 6 décembre à 11 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : jeudi 6 décembre à la suspension du soir et, éventuellement, vendredi 7 décembre à 8 h 30 et aux suspensions
Éventuellement, samedi 8 décembre 2018
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Suite de l’ordre du jour de la veille
Éventuellement, dimanche 9 décembre 2018
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Suite de l’ordre du jour de la veille
Lundi 10 décembre 2018
À 10 heures, 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits (suite)
Mardi 11 décembre 2018
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2019 (A.N., n° 1255)
=> Éventuellement, suite et fin de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
=> Explications de vote sur l’ensemble du projet de loi de finances
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 10 décembre à 15 heures
Scrutin public à la tribune de droit
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 11 décembre 2018 (suite)
À 14 h 30 et le soir (suite)
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à préserver l’ordonnancement juridique relatif au port du voile intégral dans l’espace public, présentée par M. Bruno RETAILLEAU (n° 83, 2018-2019) (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 10 décembre à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote
- Proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l’exercice des libertés ainsi qu’à la tenue des évènements et à l’exercice d’activités autorisés par la loi, présentée par M. Jean-Noël CARDOUX et plusieurs de ses collègues (n° 23, 2018-2019) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 4 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 11 décembre en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 10 décembre à 15 heures
- Proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, présentée par Mme Françoise GATEL et plusieurs de ses collègues (n° 503, 2017-2018) (demande du groupe UC)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 11 décembre en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 10 décembre à 15 heures
Mercredi 12 décembre 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, instituant des funérailles républicaines (n° 170, 2016-2017)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 décembre à 15 heures
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, en faveur de la création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs, présentée par MM. Franck MONTAUGÉ, Henri CABANEL, Jean-Claude TISSOT, Patrick KANNER, Olivier JACQUIN et plusieurs de leurs collègues (n° 86, 2018-2019)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 décembre à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote
De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit
(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)
- Proposition de loi relative à l’obligation de déclaration d’un préavis de grève des contrôleurs aériens, présentée par M. Joël GUERRIAU et plusieurs de ses collègues (n° 621, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 décembre à 15 heures
Jeudi 13 décembre 2018
À 10 h 30
- Suite de la proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l’exercice des libertés ainsi qu’à la tenue des évènements et à l’exercice d’activités autorisés par la loi, présentée par M. Jean-Noël CARDOUX et plusieurs de ses collègues (n° 23, 2018-2019) (demande du groupe Les Républicains)
- Suite de la proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, présentée par Mme Françoise GATEL et plusieurs de ses collègues (n° 503, 2017-2018) (demande du groupe UC)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 13 décembre à 11 heures
À 16 h 15
- Suite de l’ordre du jour du matin
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 17 décembre 2018
À 15 heures et le soir
- Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2018
• Intervention liminaire du Gouvernement
• 8 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes
• Séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par la commission des affaires européennes : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 14 décembre à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne (procédure accélérée) (A.N., n° 1386)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 10 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 14 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 17 décembre en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 14 décembre à 15 heures
- Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (n° 84, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 14 décembre à 15 heures
Mardi 18 décembre 2018
À 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer (A.N., n° 850)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 10 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 12 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 18 décembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 17 décembre à 15 heures
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 18 décembre à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer (A.N., n° 850)
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ou nouvelle lecture et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : lundi 17 décembre à 15 heures
En cas de nouvelles lectures :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 17 décembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mardi 18 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance à ces deux textes : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
Mercredi 19 décembre 2018
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2019 ou nouvelle lecture
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 18 décembre à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 19 décembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale
- Suite des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ou nouvelle lecture et des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions ou nouvelle lecture
Suspension des travaux en séance plénière : du jeudi 20 décembre 2018 au dimanche 13 janvier 2019
Prochaine réunion de la conférence des présidents : mardi 18 décembre 2018 à 18 h 30
12
Communication relative à deux commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de finances rectificative pour 2018 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Je l’informe également que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
13
Candidatures à des commissions
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de trois commissions ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
14
Conditions de mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global (CETA)
Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur les conditions de mise en œuvre de l’accord économique et commercial global, ou CETA.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur du débat disposera d’un temps de parole de huit minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.
Dans le débat, la parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe auteur de la demande.
M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon groupe a souhaité ce débat sur les conditions de la mise en œuvre du CETA, ce traité de libre-échange conclu entre l’Union européenne et le Canada, pour une raison, somme toute, assez simple : il règne une grande opacité autour de ce traité de nouvelle génération ; opacité dans sa négociation, dans sa mise en œuvre, quant à ses effets et, enfin, dans l’échéance de sa ratification.
Effectivement, ce traité n’est pas un accord commercial comme un autre. Il ne se contente pas, pour faciliter les échanges, de diminuer puis de faire disparaître les droits de douane – ce qu’on appelle les barrières tarifaires. Non, son enjeu majeur est de viser également à amoindrir toutes les entraves existantes au commerce, même lorsqu’est en jeu l’intérêt général, avec notamment nos services publics, notre santé et l’environnement. C’est ce que l’on appelle les barrières non tarifaires.
Ce débat devient urgent, car de nouveaux traités sont en préparation, avec Singapour, le Mercosur, le Vietnam, l’Indonésie, ou encore le Japon – le JEFTA ; il y en a quinze sur la table. Or, pour débattre en toute connaissance de cause, nous avons besoin d’études d’impact sérieuses sur ce type de traités, dont nous ne connaissons pas encore suffisamment les effets.
Je parlais d’opacité ; le CETA a été négocié à Bruxelles, au troisième sous-sol, par la Commission européenne de 2006 à 2014. Même si, depuis lors, nous avons gagné en transparence sur les mandats de négociation, avec notamment leur publication sur le site du Parlement européen,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Tout à fait !
M. Fabien Gay. … et, même si l’Union européenne a toute compétence pour ces négociations depuis le traité de Lisbonne, la question de l’association des parlements nationaux reste, selon nous, un enjeu majeur.
Le CETA, signé le 30 octobre 2016, est entré en vigueur de manière provisoire le 21 septembre 2017 pour sa partie relative aux barrières tarifaires. Nous devions nous prononcer sur la question des barrières non tarifaires, car celles-ci modifient profondément les législations européenne et nationale. Or comment serait-il possible d’appliquer un accord sur la partie tarifaire sans que la partie non tarifaire en soit affectée ?
Par exemple, nous venons d’adopter la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dont les mesures restent pourtant, selon nous, assez timides, au travers de laquelle nous demandons à nos agriculteurs un mieux-disant social et environnemental. Or, du côté canadien, les experts insistent sur l’absence de garanties concernant les farines animales, les antibiotiques comme activateurs de croissance, l’étiquetage des produits contenant des OGM et le type et les niveaux de pesticides autorisés. Le Canada autorise encore quarante-six substances actives qui ont été interdites depuis longtemps dans les autres pays.
On nous objectera, monsieur le secrétaire d’État, que les quotas d’importation de viande de bœuf – 35 000 tonnes – et de porc – 75 000 tonnes – ne sont pas atteints, mais ce n’est en rien surprenant, les hormones étant autorisées dans l’élevage au Canada ; la mise en place d’une filière sans hormones, destinée à l’export, prend du temps. Pour autant, « sans hormones » ne signifie pas sans antibiotiques ni sans mauvais traitements. De plus, l’Union européenne et le Canada ne sont pas d’accord sur la reconnaissance automatique de leurs standards phytosanitaires. Enfin, les contingents canadiens atteindront leur plein potentiel en 2023, conformément à cet accord.
Il s’agit d’une concurrence déloyale pour notre agriculture et de la mort, à terme, de notre agriculture paysanne. Vous le savez, il est impossible de préciser sur l’étiquette si le bœuf est ou non traité aux hormones. Comment savoir, par exemple, si le saumon nourri aux OGM de la société AquaBounty ne se retrouvera pas un jour dans nos assiettes ?
Les risques ne sont donc pas écartés, et nous ne pouvons pas ne pas les évoquer. Nous parlons de risques, mais le climat est le grand oublié de ce traité. Un rapport commandé par les gouvernements prévoyait une hausse des émissions de gaz à effet de serre, du fait de l’augmentation de 7 % du trafic maritime entre l’Europe et le Canada, et de la promotion des investissements dans des industries polluantes, telles que celle du pétrole issu des sables bitumineux. Sommes-nous donc toujours coincés dans la logique « pas chez moi, mais ailleurs, pas de problème, allez-y, polluez ! » ? Nous bannissons ou nous atténuons ici des pratiques pour les encourager ailleurs, en les cautionnant par l’importation !
Alors que les émissions de gaz à effet de serre ont de nouveau augmenté en 2017, de 3,2 %, nous voudrions poursuivre ce mouvement destructeur ? Cela n’a absolument aucun sens.
Nous n’avons pas non plus de nouvelles concernant le veto climatique annoncé voilà un an.
Bref, les incohérences sont flagrantes, sans parler de l’actualité, comme le forage offshore ou le projet Montagne d’or en Guyane. Votre slogan, c’est définitivement : « Make our business great again ».
Mes chers collègues, je m’adresse maintenant à vous ; jusqu’à quand allons-nous laisser l’exécutif nier aux parlementaires le droit de se prononcer sur le CETA ? Ce traité a été ratifié du côté canadien et par le Parlement européen. Chacun des États membres devait ensuite le ratifier, ce qu’ont fait la Lituanie, la Lettonie, le Danemark, la Croatie et le Portugal. En France, la ratification devait intervenir un an après la mise en œuvre provisoire. Nous y sommes, et pourtant aucune date à l’horizon !
Même situation en Italie, où le Gouvernement avait indiqué son opposition au traité. Pour autant, il tarde, sous la pression de l’Union européenne, à le soumettre à ratification. Est-ce pour cette raison, monsieur le secrétaire d’État, que nous n’avons pas encore eu à nous prononcer ? Pour laisser le temps au gouvernement italien de trouver les moyens d’approuver ce traité, afin de ne pas compromettre son adoption ? En effet, rappelons-le, il suffit qu’un seul des États membres le rejette pour que cet accord tombe de lui-même. Monsieur le secrétaire d’État, une vraie question : quand aurons-nous la date de la ratification de ce traité ?
J’irai même plus loin, nous, sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que les parlementaires européens communistes, des associations et des citoyens, proposons d’organiser un référendum sur le CETA (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.), après une période de débat public et de réelle information des citoyens, qui doivent pouvoir décider en toute connaissance de cause. Un choix qu’il s’agirait de respecter véritablement, contrairement à ce qu’il s’est passé en 2005. Nous proposons même que ce soit l’un des enjeux des prochaines élections européennes, et peut-être, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous l’inclure dans le clip de propagande gouvernementale que vous diffusez actuellement ? (Sourires sur diverses travées.)
Enfin, je veux terminer sur une question, mes chers collègues, qui peut, je crois, malgré nos différences et nos désaccords, nous réunir. Elle vise les tribunaux d’arbitrage privés, qui seront au-dessus des États et donc de leurs lois, ce qui nous concerne en tant que citoyens, mais aussi en tant que législateur. Allons-nous laisser les multinationales attaquer nos États et nos lois, celles que nous votons ici pour défendre les Françaises et Français, notre agriculture, nos entreprises, notre modèle social ?
L’association Les Amis de la terre a récemment révélé qu’une entreprise canadienne, Vermillon, avait menacé l’État français de poursuites sur le fondement d’un autre accord de protection des investissements pour amoindrir, avec succès, la portée de la loi Hulot sur la fin de l’exploitation des hydrocarbures. Je sais que cette loi a fait débat, mais je suis certain que chacun a à cœur que la décision que nous avons adoptée ne soit pas remise en cause par le pouvoir économique, car cela signifierait la fin du pouvoir politique. La société de demain doit-elle être administrée par les entreprises GAFAM et par les multinationales ? Si c’est le cas, démissionnons et déplaçons l’hémicycle dans leurs conseils d’administration, cela ira plus vite ! Nous vous proposerons, mes chers collègues, de nous opposer ensemble à cette disposition.
Si vous me le permettez, madame la présidente, j’aimerais finir par une citation qui dure quelques secondes.
Mme la présidente. Allez-y, monsieur Gay.
M. Fabien Gay. Elle a cent soixante-dix ans, mais, à mon sens, elle est toujours d’actualité : « En général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l’extrême l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C’est seulement dans ce sens révolutionnaire, messieurs, que je vote en faveur du libre-échange. »
M. André Gattolin. Karl Marx !
M. Fabien Gay. Ces mots sont en effet de Karl Marx, et je les fais miens aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, merci beaucoup de me donner l’occasion de débattre de nouveau de l’AECG, ou CETA.
Effectivement, nous en avons discuté à plusieurs reprises, que ce soit lors d’auditions au sein des commissions ou dans l’hémicycle du Sénat ou de l’Assemblée nationale, et j’ai envie de dire que vous ne m’aurez pas l’usure ; au contraire. Il y a une volonté intacte de pouvoir conduire à bien ce chantier, qui va très clairement conforter la relation entre la France et le Canada, entre l’Union européenne et le Canada.
Celui qui vous le dit siégeait, voilà quelques années, sur ces travées, et il était déjà extrêmement vigilant par rapport au déroulement des négociations du CETA – nous étions un certain nombre de sénateurs à manifester cette vigilance, cette attention. J’avais eu l’occasion de dire à l’époque – nous étions en 2014 – qu’il ne me semblait pas de bonne méthode que j’apprenne un certain nombre d’éléments non par la Commission européenne, mais par le négociateur québécois ou canadien. On le voit bien, il y avait alors une forme d’asymétrie dans la façon d’associer les parlements nationaux.
Je suis aussi déterminé aujourd’hui que naguère à faire en sorte d’améliorer ces procédures. Un certain nombre d’entre elles ont déjà évolué vers plus de transparence et d’association. J’y reviendrai en détail.
Cet accord a donné l’opportunité au gouvernement français de prendre des engagements en matière de politique commerciale. Nous avons ainsi adopté, le 25 octobre 2017, en réponse à la commission instituée pour évaluer l’impact du CETA, un plan d’action sur la mise en œuvre de cet accord commercial. Il s’agit d’aller vers plus de transparence et de respecter une mise en œuvre exemplaire de cet accord en affirmant une nouvelle ambition climatique dans notre relation avec le Canada.
Par ailleurs, nous voulions également tirer un certain nombre de leçons pour les négociations d’accords commerciaux à venir.
Après une première année d’application provisoire, nous relevons déjà des retombées économiques positives. Nous constatons aussi qu’un certain nombre des craintes que plusieurs d’entre nous redoutaient ne se sont pas réalisées : les exportations françaises de vin ont ainsi augmenté de 5 % et celles de fromage de 8 %. La France profite d’une dynamique très clairement positive.
Si l’on prend le temps d’observer le monde dans son ensemble, au regard du contexte international marqué par les tensions commerciales croissantes et par l’unilatéralisme américain, le Canada est un partenaire important pour la défense du multilatéralisme. Voilà quelques jours, nos amis canadiens accueillaient à Ottawa une conférence sur l’avenir de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. Vous le savez, nous avons un besoin urgent de moderniser cette instance et de disposer d’outils de régulation effectifs de la mondialisation.
Plus que des accords de libre-échange, ce sont vers des accords de juste-échange que nous devons tendre. Il ne s’agit pas de simples paroles ou de marketing, mais de la réalité : nos sociétés sont naturellement tiraillées par un certain nombre d’inégalités. Nous avons besoin de mettre de l’équité dans le commerce international pour le rendre socialement acceptable.
Vous évoquiez, monsieur Gay, une grande opacité sur la mise en œuvre de ce plan d’action. En sus du processus parlementaire – auditions par les commissions compétentes, débats en séance publique comme ce soir… –, nous réunissons régulièrement le comité de suivi des sujets de politique commerciale. Nous avons d’ailleurs établi un tableau de suivi de chacun des engagements du plan d’action dont la dernière version est disponible sur internet.
Vous pouvez ainsi suivre, action par action, l’état des lieux et constater que nous avons bien avancé sur certains points et qu’il reste encore du travail sur d’autres. Ce tableau est naturellement à la disposition du public, au-delà de la société civile organisée, des ONG, par exemple, et des parlementaires qui participent déjà au comité de suivi stratégique des sujets de politique commerciale.
Je veux évoquer quelques éléments sectoriels. Certaines craintes étaient apparues au sujet des biens agricoles : nous avons obtenu un contingent de 18 500 tonnes de fromage, là où les droits étaient de 245 %. Maintenant qu’un certain nombre des barrières auxquelles ils étaient soumis sont tombées, imaginez quels nouveaux marchés vont pouvoir conquérir le camembert, le Roquefort ou le brie de Meaux, par exemple. Il en va de même pour nos vins et spiritueux.
En ce qui concerne la viande bovine, des chiffres alarmistes circulaient. Entre janvier et août derniers, un peu moins de 500 tonnes ont été exportées depuis le Canada sur un contingent de 45 000 tonnes, soit tout juste 1 % de ce qui était permis. Les Canadiens sont donc loin de saturer les quotas, là où nous les utilisons fort bien.
Dans le domaine des services, cet accord va nous donner l’occasion d’obtenir une meilleure reconnaissance des qualifications et de lever des restrictions d’accès au marché canadien, notamment dans le secteur des communications et des services postaux.
La question des qualifications est importante – je parle sous le contrôle du sénateur Regnard, élu d’Amérique du Nord qui sait quels problèmes peuvent parfois rencontrer nos concitoyens avec certains ordres consulaires au Canada et au Québec. Grâce à cet accord, une dynamique positive va pouvoir s’enclencher, afin de leur faciliter l’exercice de leur profession.
Le CETA permet également de diffuser nos normes et notre modèle français et européen. Par ce traité, le Canada s’est engagé à reconnaître et à protéger notre système d’indication géographique : quarante-deux produits bénéficieront ainsi d’un niveau de protection – jambon de Bayonne, piment d’Espelette, brie de Meaux, reblochon, crottin de Chavignol, huîtres de Marennes-Oléron… Je pourrais citer énormément de produits de vos territoires respectifs, mesdames, messieurs les sénateurs…
M. Christophe Priou. Et le chablis, alors ! (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Je range naturellement le chablis dans la catégorie des vins et spiritueux que j’ai déjà évoquée, monsieur le sénateur. (Mêmes mouvements.)
L’administration est totalement mobilisée pour suivre dans le détail la mise en œuvre de cet accord. Si nous n’avons pas assisté à un déferlement de viande canadienne, c’est que le Canada n’est pas outillé pour exporter ces produits vers l’Union européenne. D’ailleurs, nous ne sentons pas d’appétence particulière pour le développement d’une telle filière.
Vous avez évoqué, monsieur Gay, le saumon OGM ou d’autres produits qui ne sont pas autorisés sur notre territoire. Très clairement, l’accord nous permet d’assurer le respect strict de nos normes. Tout produit importé au sein de l’Union européenne doit impérativement être sûr, ne présenter aucun danger pour la santé des consommateurs et respecter les normes dont nous nous sommes dotés, comme l’interdiction de produits OGM.
S’agissant du mécanisme d’interprétation conjoint…
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous avons soumis un projet de veto climatique que la Commission européenne a endossé. Je me suis assuré que nos amis canadiens, à travers la voix de leur ministre du commerce – il s’agissait alors de François-Philippe Champagne –, y consentaient. Nous sommes sur la bonne voie.
Nous avons énormément de sujets à évoquer ensemble, mais c’est tout l’enjeu de nos débats et des questions à venir…
M. Fabien Gay. Quid de la date, monsieur le secrétaire d’État ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Nous allons y venir, monsieur Gay. (Sourires.)
Je tenais justement à vous remercier de l’occasion que vous nous donnez de débattre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Débat interactif
Mme la présidente. Je rappelle que chaque orateur peut intervenir pour deux minutes maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Je veux tout d’abord remercier nos amis du groupe CRCE d’avoir pris l’initiative de ce débat qui démontre très clairement, selon moi, le pouvoir qu’exerce la technocratie européenne sur le pouvoir politique. Mais il s’agit d’un autre débat que nous devrons tenir à un autre moment.
Le CETA a été présenté comme ambitieux, ce qu’il est. Il me semble que la Commission européenne a évalué à plus de 600 millions d’euros la valeur des barrières douanières que cet accord faisait tomber au profit des exportateurs.
Vous évoquiez, monsieur le secrétaire d’État, la libéralisation des services. En termes de PIB, on en attend plus de 6 milliards d’euros à l’échelle européenne, ce qui est considérable.
Toutefois, cet optimisme – et je sais le vôtre sincère – n’est pas partagé par tous. Fabien Gay a illustré ce paradoxe français ; j’évoquerai, de mon côté, celui de l’outre-mer, et plus particulièrement de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je ne vais pas apporter une touche exotique ce soir…
Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité, au sens de l’article 74 de la Constitution, associée à l’Union européenne. À ce titre, elle bénéficie de 26 millions d’euros de crédits européens pour son développement et son insertion dans la région.
Vous avez vite compris que la région concernée se résume en grande partie à son plus grand voisin d’Amérique du Nord, situé à moins de trente kilomètres de ses côtes, à savoir le Canada. Or le paradoxe que j’évoquais est qu’à aucun moment la Commission européenne n’a intégré l’archipel dont je suis originaire dans les discussions.
J’ai pourtant essayé pendant onze ans, lorsque je présidais cette collectivité, de créer une porte d’entrée vers l’Europe. Aujourd’hui, on a créé un pont entre le Canada et l’Union européenne, sans voir en Saint-Pierre-et-Miquelon un territoire européen, un territoire français, à proximité du Canada, ce qui est navrant.
La Direction générale du Trésor a rendu un rapport en 2016 dont un certain nombre de préconisations n’ont jamais été traduites dans un plan d’action tel que celui que vous venez d’évoquer, monsieur le secrétaire d’État.
Je pense que le gouvernement français doit assumer le soutien qu’il apporte au CETA et ne surtout pas faire supporter à Saint-Pierre-et-Miquelon la seule responsabilité de faire tomber des barrières douanières qui appartiennent au conseil territorial, compétent en matière d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés et de droits de douane.
Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais savoir si vous êtes prêt à assumer ce soutien au CETA. Allez-vous signer, avec les acteurs locaux, un plan d’action qui permette de préserver Saint-Pierre-et-Miquelon de son voisin canadien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Sophie Primas applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Vous avez raison, monsieur le sénateur : du fait de son statut de PTOM – les pays et territoires d’outre-mer –, Saint-Pierre-et-Miquelon n’est partie intégrante de l’Union européenne que si les textes le prévoient explicitement et n’a donc pas été inclus dans l’AECG.
La France a obtenu l’inscription dans le texte d’un certain nombre de délais – pouvant aller jusqu’à sept ans – pour la libéralisation des lignes tarifaires concernant les produits de la mer canadiens concurrents.
En 2016, une mission s’était penchée sur l’impact de l’accord sur l’économie de l’archipel. Elle avait conclu que ce dernier était peu exposé aux conséquences du CETA. Nous avons mandaté un certain nombre de nouvelles missions en vue de la réalisation de l’étude d’impact. Nous allons utilement leur demander de s’assurer que les choses n’ont pas évolué. Si de nouveaux éléments devaient être mis à jour, nous les prendrions assurément en compte.
Je peux vous le garantir, à chaque fois que la France et le Canada se parlent, les dossiers propres à Saint-Pierre-et-Miquelon sont systématiquement évoqués.
Vous le savez, nous avons obtenu l’exonération de l’augmentation des frais de scolarité dans les universités canadiennes pour les étudiants français. Il s’agit d’une bonne chose que nous devons nous efforcer de décliner.
Pour avoir assisté à un certain nombre d’entretiens entre le Président la République et le Premier ministre canadien, je peux vous dire que tous les sujets intéressant Saint-Pierre-et-Miquelon sont pris en compte – Annick Girardin y est particulièrement attachée. Nous serons toujours à vos côtés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Comme cela a été dit, il convient aujourd’hui de tirer tous les premiers enseignements de la mise en œuvre du CETA.
Si les exportations vers le Canada sont globalement en hausse, notamment le chocolat belge, le jambon italien, mais aussi les fromages, les fruits ou les produits pharmaceutiques, ce fait ne doit pas masquer des réalités plus dérangeantes, notamment pour certains produits français qui subissent des pratiques commerciales déséquilibrées. Je pense aux vins et spiritueux que vous avez évoqués, monsieur le secrétaire d’État.
Il semblerait qu’un certain nombre de taxes à l’importation aient augmenté au Canada. Des professionnels m’ont fait savoir, par exemple, que la Colombie-Britannique limiterait les ventes de vins étrangers en grande surface. Il semblerait encore que l’Ontario applique des taxes de 60 centimes de dollars canadiens par litre, tandis que les vins nord-américains ou chiliens bénéficieraient de réductions de 30 centimes par litre.
Je vous invite à vérifier ces faits, qui montrent que la situation des vins et spiritueux européens au Canada s’est globalement détériorée ces derniers mois. Sachant que ce pays est le quatrième marché pour les vins et spiritueux de l’Union européenne, cette situation n’est pas tenable.
La vigilance est aussi de rigueur à propos du secteur de la viande bovine, même si les importations de bœuf canadien n’ont pas commencé. Nous le savons, la production canadienne repose sur l’engraissement d’animaux en feedlot, sans aucun accès aux pâturages, élevés aux hormones de croissance avec le recours aux farines animales, aux antibiotiques et à d’autres substances chimiques interdites en France et dans l’Union européenne.
Ce mode de production est en totale contradiction avec l’article 44 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi ÉGALIM, que nous avons récemment adoptée.
Et pourtant, à ce jour, ni le CETA ni la réglementation européenne n’interdisent l’importation de viande canadienne issue de ces feedlots. Le contingent des 64 500 tonnes à droits de douane réduits peut donc à tout moment inonder le marché français et européen. Je dis « inonder », car chacun sait que ces importations concerneraient essentiellement les morceaux les plus rémunérateurs pour nos éleveurs, comme l’aloyau. Connaissant les difficultés que rencontre la filière, cette situation est inacceptable.
Monsieur le secrétaire d’État, fort de ces constats, comment pensez-vous protéger les intérêts des agriculteurs français ? Notre modèle familial est particulièrement respectueux de l’environnement. Envisagez-vous de faire valoir l’exception pour le secteur sensible de la viande bovine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Je me suis rendu au Canada dans la foulée de la mise en place de notre plan d’action que j’ai présenté aux autorités. À cette occasion, j’ai répété systématiquement, tant au niveau fédéral qu’à l’échelon provincial, à Québec, qu’il était impensable que les pas en avant obtenus à travers l’accord soient remis en cause par des limitations à la vente dans les grandes surfaces ou par d’autres mesures.
J’ai présenté les choses ainsi, car nous avions eu les mêmes retours que vous. Je ne doute pas que la très active ambassadrice du Canada en France, Mme Hudon, nous écoute et qu’elle aura compris que la représentation nationale était particulièrement attentive à cette question.
Je le répète avec la même force que vous : c’est un combat que nous partageons.
Madame Loisier, le quota de viande bovine est de 45 000 tonnes et non 64 500. Au-delà de ce que j’ai déjà pu dire de la filière bovine, la crainte de voir des pièces nobles, comme l’aloyau, remplir l’ensemble du quota ne semble pas fondée.
Je sors d’une réunion avec les inspections qui ont été missionnées sur cette question et avec des représentants des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le Canada va aussi exporter des carcasses et le risque évoqué semble bien infondé.
Les membres de la mission sont également allés à la rencontre des filières dans le Limousin voilà seulement quelques jours. Si nous restons très vigilants, nous ne sommes pas inquiets au regard des éléments dont nous disposons et de ceux que nous avons pu obtenir au Canada.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Le CETA est un accord qui se veut novateur. Il a pour objectif de dynamiser les échanges commerciaux entre l’Union européenne et le Canada, d’accroître la croissance, de créer des emplois et de nouveaux débouchés pour les entreprises européennes et françaises.
En effet, l’Union européenne et le Canada nous ont promis d’établir une communication continue et transparente. Le Canada publiera tous ses appels d’offres sur un site web consacré aux marchés publics. Ce site aidera les PME françaises, puisque l’accès à l’information est l’un des principaux obstacles auxquels elles sont confrontées pour accéder aux marchés internationaux. Vous nous avez dit voilà quelques instants, monsieur le secrétaire d’État, que les premiers résultats étaient encourageants.
Le présent débat nous offre aussi et surtout l’opportunité de dresser un bilan de la façon dont l’Union européenne négocie pour nous les accords commerciaux, puisque c’est l’une de ses compétences exclusives.
D’une manière générale, je pense que la Commission devrait mieux prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques, comme l’a souligné un précédent orateur.
Les grands accords commerciaux peuvent en effet avoir un effet désastreux sur les producteurs locaux dans nos outre-mer. Il faut y veiller, alors que nous allons signer des accords avec l’Amérique latine ou l’Australie.
Il me semble également que les enjeux climatiques et de développement durable devraient davantage être inclus dans nos accords. Le commerce doit être un levier européen pour étendre ses standards de protection de l’environnement au monde entier.
Enfin, il convient de s’assurer d’une meilleure réciprocité avec nos partenaires.
Sans sombrer dans un protectionnisme stérile, il est fondamental que l’Europe réagisse et prenne des mesures pour faire face aux États-Unis ou à la Chine qui renforcent leurs instruments de défense commerciale ou bloquent l’accès à leurs marchés publics.
L’Union européenne ne peut se permettre d’être naïve sur les enjeux commerciaux, alors qu’elle est la troisième puissance commerciale du monde.
Le Canada est un pays riche en ressources naturelles et constitue un vaste marché, essentiel pour les exportations européennes. L’Europe et la France en ont besoin, mais pas à n’importe quel prix.
Je voudrais donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, quelle position défendra la France pour moderniser la politique commerciale de l’Union européenne à la lumière du bilan du CETA.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur Guerriau, la France défend systématiquement les intérêts des régions ultrapériphériques, les RUP, au sein du Conseil européen.
Je vais vous en donner une illustration très concrète : lors des discussions préalables à l’adoption des mandats de négociation pour les futurs accords de commerce avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, au premier semestre 2018, nous avons pu faire inscrire expressément dans le préambule des deux mandats la prise en compte des intérêts des RUP par le négociateur européen. Nous ne baissons pas la garde.
En ce qui concerne le climat, nous avons obtenu un certain nombre de références aux enjeux qui nous sont chers. Ainsi, l’accord entre l’Union européenne et le Japon inclut-il un engagement explicite à respecter, à mettre en œuvre de manière effective, l’accord de Paris, ainsi qu’une référence expresse au principe de précaution.
Nous avons obtenu, dans l’accord conclu entre l’Union européenne et Singapour voilà quelques mois, en marge de l’ASEM, l’inclusion de règles spécifiques pour les biens verts : les barrières non tarifaires seront levées plus facilement pour des biens qui contribuent à la lutte contre le changement climatique, à la protection de l’environnement. Nous nous inscrivons bien dans cette ambition affirmée.
Quant à la réciprocité, vous parlez d’or. L’Europe ne peut effectivement pas être naïve. J’avoue me féliciter que le trilogue ait abouti avec le Parlement européen sur le mécanisme de filtrage des investissements étrangers. Il importait de disposer d’une législation à même de protéger un certain nombre d’industries stratégiques. Il y va de notre souveraineté industrielle et technologique européenne.
Il s’agit d’un pas qui montre bien que nous sommes ouverts aux investissements, mais que nous avons un droit de regard très clair, dès lors que certains secteurs sont considérés comme stratégiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Comme l’a souligné Mme Loisier à l’instant, nous avons inscrit dans la loi ÉGALIM l’interdiction de la vente de denrées alimentaires non conformes à la réglementation européenne.
Cette proposition forte du Sénat réaffirme notre attachement aux exigences sanitaires de production, dans un objectif de protection des consommateurs et de notre filière agricole.
Dans le même temps, la France ouvre de plus en plus son marché à des denrées provenant de pays aux exigences différentes. À ce titre, le CETA permet au Canada d’exporter chaque année, sans droits de douane, jusqu’à 45 000 tonnes de viande bovine produite selon des techniques d’élevage très différentes de celles de nos producteurs français.
Les négociations entre l’Union européenne et le Mercosur pourraient, quant à elles, autoriser l’importation de 99 000 tonnes de viande non tracée, issue d’élevages utilisant de manière intensive les antibiotiques et les farines animales.
Les États-Unis, qui ne veulent pas être en reste, demandent maintenant de nouveaux quotas d’exportation de viande bovine, produite selon des pratiques d’élevage souvent interdites en France.
Monsieur le secrétaire d’État, je m’interroge sur le manque de vision globale de la politique commerciale extérieure de la France et de l’Union européenne : le Parlement s’engage en faveur de la protection des consommateurs et de la filière agricole et, dans le même temps, le Gouvernement donne à la Commission européenne un total blanc-seing pour négocier, sans que la France soit directement impliquée, une multitude d’accords ouvrant de larges brèches dans notre système de surveillance sanitaire.
Il y a un vrai déficit d’évaluation a priori des conséquences de chaque accord sur les filières. L’effet cumulé de ces différents accords bilatéraux n’est pas non plus étudié.
Monsieur le secrétaire d’État, comment assurer que nous connaissons l’impact global sur chaque filière de l’ensemble des accords et comment en évaluer les conséquences au moment où les frontières de nos ports vont être très fragiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la présidente Primas, nous souscrivons pleinement à l’article de la loi ÉGALIM que vous évoquez.
Encore une fois, nous avons des normes et nous entendons bien qu’elles soient respectées pour faire en sorte qu’aucun produit y contrevenant ne puisse pénétrer sur notre territoire.
En ce qui concerne l’accord avec le Mercosur – mais il existe d’autres pays aux traditions d’élevage différentes avec lesquels nous négocions, comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, par exemple –, nous souhaitons disposer d’un certain nombre de garanties en termes de traçabilité, notamment après les scandales qui ont éclaté au Brésil.
Le consommateur doit pouvoir disposer d’un système robuste lui procurant une information correcte. La France fédère régulièrement les États membres de l’Union européenne pour tracer des lignes rouges dans le cadre des négociations.
Bien évidemment, un accord est possible s’il est équilibré. Il s’agit aussi de respecter les sensibilités agricoles. En décembre dernier, par exemple, la France s’est portée à la tête de treize États membres pour peser dans les discussions auprès de la Commission.
La question de l’impact cumulé est un combat que nous menons de longue date, de pair avec nos amis belges. Là aussi, petit à petit, nous parvenons à progresser : nous avons obtenu qu’il soit fait référence, dans le cadre du mandat de négociation avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, à l’impact cumulé des traités de libre-échange. Nous en avions débattu dans cet hémicycle. Il s’agit d’une première qui montre qu’il est possible, à force de persévérance et de persuasion, de faire bouger les lignes de la politique commerciale européenne.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. La politique commerciale de l’Union européenne a souvent focalisé les critiques contre l’Union en général.
On a souvent reproché à cette dernière d’être trop axée sur le marché, sur le commerce international, sur le business is business… On lui a aussi souvent reproché de fonctionner en silo : quand on parle argent ou commerce, les droits de l’homme et les autres questions de fond ne sont pas toujours intégrés aux discussions.
Enfin, on a beaucoup reproché à la Commission d’être d’abord une industrie de production de traités. Dans cet hémicycle, voilà environ deux ans et demi, Matthias Fekl, alors secrétaire d’État au commerce extérieur, nous disait que l’Union européenne produit des négociations de traités sans en assurer le suivi.
Pour autant, j’ai le sentiment que, ces deux ou trois dernières années, sous l’impulsion des opinions publiques et de la présidence Juncker, les modes de négociation sont plus équilibrés.
De même, la volonté du Président de la République de construire un plan d’action et des comités de suivi dans le cadre du CETA a renforcé cette tendance : les premières négociations, plutôt sombres et secrètes, ont ainsi laissé place à quelque chose de plus démocratique.
Enfin, j’ai le sentiment que, au-delà du CETA, l’Union européenne met enfin du politique dans sa politique commerciale en posant des conditions sur les droits de l’homme, sur les droits des travailleurs.
C’est ce qu’elle fait dans le cadre de négociations compliquées avec le Vietnam et le Cambodge. Elle a ainsi montré que nous étions capables de remettre en cause des accords conclus avec le Cambodge dans le cadre de l’initiative Tout sauf les armes si les conditions sociales et les droits de l’homme n’étaient pas respectés.
Monsieur le secrétaire d’État, partagez-vous également ce sentiment d’une inflexion vers des accords plus politiques, englobant plus largement les valeurs de l’Union européenne, ou n’est-ce qu’une illusion ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Oui, monsieur Gattolin, la politique commerciale européenne est en profonde mutation. Les méthodes ont considérablement évolué vers plus de transparence des mandats et des informations.
Vous avez raison : au-delà de la négociation et de la conclusion d’accords, ce qui est important, c’est la mise en œuvre et le suivi. À cet égard, la France plaide pour la mise en place d’une sorte de procureur commercial, qui pourrait, au sein des services de la Direction générale du commerce, s’assurer que les accords soient bien respectés. Autrement, il ne s’agit que de tigres de papier…
Nous nous réjouissons de disposer, pour la deuxième année consécutive, d’un rapport de la Commission sur l’application des accords déjà conclus.
Nous en avons discuté lors du conseil des ministres du commerce, voilà dix jours. Nous avons ainsi pu apprendre que l’accord de libre-échange conclu avec la Corée en 2011 a permis au commerce européen de redevenir excédentaire, nos exportations de vins et spiritueux ayant augmenté de plus de 150 %.
Il s’agit donc d’outils qui nous permettent désormais d’avoir une vision de la mise en œuvre.
Par ailleurs, vous avez raison, la politique commerciale n’est pas isolée. De ce point de vue, l’Union européenne ne fonctionne pas « en silo », pour reprendre votre expression. Cette politique s’inscrit dans une ambition environnementale, politique et sociale. Par conséquent, la référence à un certain nombre de normes de l’OIT, l’Organisation internationale du travail, aux droits humains et aux libertés est désormais présente, notamment pour ce qui concerne le Vietnam, le Cambodge, ou encore la Birmanie, avec le drame des Rohingyas. Vous le savez, des discussions s’enclenchent en vue d’éventuelles sanctions contre telle ou telle entité.
Naturellement, l’Europe promeut ses valeurs dans le cadre des discussions commerciales.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le secrétaire d’État, le 14 février dernier, Nicolas Hulot déclarait à l’Assemblée nationale que le CETA et le Mercosur « ne sont pas en l’état climato-compatibles ». Cette lucidité ne nous étonne pas de la part de l’ancien ministre d’État, bien conscient que libre-échange et lutte contre le réchauffement climatique sont incompatibles.
Fabien Gay l’a rappelé, il n’est pas besoin d’être un expert du GIEC pour faire ce constat : le fret mondial représente 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et son volume devrait augmenter de 290 % d’ici à 2050.
Le rapport neutre et dépassionné de la commission d’évaluation du CETA, remis au Premier ministre le 14 septembre 2017, l’a confirmé. Mais la France avait déjà décidé d’appliquer le CETA de manière anticipée dès le 21 septembre, sans attendre l’aval du Parlement. Une décision peu démocratique ! C’est à se demander d’ailleurs pourquoi le Gouvernement s’est donné la peine de commander un rapport le 3 juillet. Sans doute pour permettre à Nicolas Hulot de sauver la face en brandissant une recommandation du rapport visant à instaurer un veto climatique.
Il va de soi que, sans rouvrir les négociations sur le CETA, l’entreprise s’annonçait juridiquement complexe. Il suffisait d’entendre les propos de votre collègue Brune Poirson, secrétaire d’État, pour s’en convaincre : « Nous avons sollicité la commissaire européenne au commerce, qui a indiqué être d’accord pour travailler sur le veto climatique ». Ce dernier prendrait « la forme d’une déclaration juridique interprétative, qui sera adossée à la partie consacrée aux investissements dans le CETA ».
Nicolas Hulot le confirmait dans cet hémicycle le 8 mars dernier : « Je ne vous le cache pas, nous devrons faire durant le printemps un véritable travail de conviction à la fois auprès de nos partenaires européens et évidemment de nos amis canadiens. » Depuis, c’est un silence radio, ou presque, ce qui n’invite pas à l’optimisme.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser où en est la demande française d’instauration d’un veto climatique ? J’ai cru comprendre que ce sujet était déjà en bonne voie.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. S’agissant de l’entrée en vigueur provisoire de l’accord, c’est une décision non pas française, mais européenne, qui tient compte de l’intégration de cette politique et de sa communautarisation.
C’est d’ailleurs parfait : un an après, nous pouvons voir que le monde ne s’est pas arrêté de tourner. Nous n’avons pas été envahis par un certain nombre de substances dont nous n’aurions pas voulu.
S’agissant du veto climatique, la France a tenu la plume : nous avons transmis un projet de texte, qui est un véritable mécanisme d’interprétation conjointe contraignant. Il permettra de préserver le droit étatique à réguler. Il est hors de question de remettre en cause une législation que vous auriez votée, mesdames, messieurs les sénateurs, sous couvert d’un investissement.
Nous avons donc progressé sur ce point : initialement, le CETA possédait un dispositif dit ISDS, dont les lacunes étaient nombreuses. Je me suis battu contre un tel mécanisme. Nous avons évolué vers un dispositif meilleur, avec des arbitres qui ne sont pas désignés pour chaque affaire, mais préfigurent une cour permanente d’investissement. C’est le projet que nous portons, et nous avons bon espoir d’avancer aussi en la matière.
Pour ce qui concerne notre ambition climatique, le Président de la République l’a d’ailleurs affirmé, dans la mesure où les États-Unis se retirent de l’accord de Paris, il est hors de question d’avoir avec eux un accord commercial global. Nous défendons en effet l’accord de Paris. Il est donc important de ne pas consentir des préférences à des États qui le remettraient en question.
Quant à la prise de position de Nicolas Hulot, je me souviens au contraire d’un travail très fructueux avec ses équipes, avec Matthieu Orphelin, à l’Assemblée nationale, pour trouver le chemin de crête permettant une ambition environnementale et, en même temps, le développement de flux commerciaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Vous ne m’avez pas complètement rassuré, monsieur le secrétaire d’État ! Je sais également qu’un certain nombre d’associations environnementales sont inquiètes. Ce ne sont pas des petits morceaux de sparadrap qui nous permettront d’y arriver.
À défaut de remettre en cause cet accord, la mise en œuvre d’un véritable veto climatique est nécessaire. Vous dites que Nicolas Hulot avait travaillé sur la question. Certes, mais il a également démissionné, en partie pour montrer l’incohérence du Gouvernement en matière de politique environnementale.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait référence dans votre propos liminaire au rapport d’experts dit « rapport Schubert » et au plan d’action annoncé par le Président de la République.
Si, sur le plan commercial, l’accord est présenté de façon positive, le moins qu’on puisse dire, c’est que, du point de vue environnemental – mon collègue vient de s’en faire l’écho – les inquiétudes persistent. Le calendrier de l’accord de Paris peut expliquer que ses conclusions ne se retrouvent pas dans le CETA, mais il est temps aujourd’hui qu’elles soient prises en compte.
La France doit convaincre la Commission européenne de conclure un accord complémentaire prévoyant la neutralité du CETA en matière d’émissions de gaz à effet de serre, l’interconnexion des marchés carbone, et une taxation spécifique sur le transport maritime.
De même, nous attendons une déclaration interprétative précisant le sens à donner aux dispositions sanitaires et environnementales insuffisamment claires dans le traité, ainsi que l’application du principe de précaution.
L’accord avec le Canada est un accord vivant. (M. le secrétaire d’État approuve.) Il doit, avant que l’on nous propose de le ratifier, être amélioré. L’Europe doit exporter ses marchandises, mais aussi ses standards sociaux et environnementaux.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous dire où en sont les discussions avec l’Union européenne sur ces sujets – respect des accords de Paris, du principe de précaution et de standards sanitaires et sociaux – et nous informer des discussions concernant l’accord sur le code de conduite relatif aux arbitres du futur mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, lequel pourrait entrer en vigueur si l’accord était ratifié ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur Marie, s’agissant du travail spécifique en matière environnementale avec le Canada, le plan d’action prévoyait que nous puissions compléter l’accord. Ce complément s’est concrétisé le 16 avril dernier, au moment où le Premier ministre Justin Trudeau est venu en France. Un partenariat avec neuf engagements très concrets a alors été signé. Par exemple, un travail commun est mené au sein de l’Organisation maritime internationale pour réduire les émissions du transport international. Le Canada s’est très clairement engagé à travailler avec nous dans un certain nombre d’enceintes internationales, notamment l’OMC, sur tous ces sujets.
S’agissant de la déclaration interprétative, j’ai recueilli un accord de la Commission européenne et du Canada. Il pourrait donc être soumis dès le prochain forum qui réunira les deux parties. Vous l’avez dit, c’est un accord vivant : les parties peuvent continuer à trouver des points d’entente sur un certain nombre de mécanismes.
Sur le code de conduite relatif aux arbitres, nous avons souhaité des règles éthiques très strictes, qui sont assorties d’un appareil de sanctions efficaces pouvant aller jusqu’à la révocation du juge par l’Union européenne et le Canada. Ces modalités devraient être adoptées courant 2019, dans tous les cas avant l’entrée en vigueur du tribunal d’investissement, laquelle n’interviendra qu’une fois l’accord ratifié par l’ensemble des Parlements.
Vous le savez, la mise en œuvre provisoire ne concerne que la partie commerciale. La partie investissements relève de la compétence des parlements nationaux, c’est-à-dire de votre compétence, mesdames, messieurs les sénateurs. Ce n’est qu’à l’issue de la ratification par l’ensemble de l’Union européenne que ce volet entrera en vigueur.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, les intentions sont bonnes.
Le Canada n’est pas nécessairement le plus mauvais partenaire en matière environnementale. Cela dit, les inquiétudes persistent, en particulier sur la volonté d’adhésion de l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Nous aimerions savoir si la France a réussi à convaincre l’ensemble de ses partenaires pour avancer d’un même pas dans cette direction.
Par ailleurs, pour ce qui concerne l’accord de règlement des différends, nous attendons un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne…
M. Didier Marie. … qui devrait, du moins nous l’espérons, aller dans le bon sens.
Nos inquiétudes restent donc fondées. Nous espérons obtenir une réponse définitive dans les meilleurs délais, afin de pouvoir enfin ratifier cet accord, si le Gouvernement nous le soumet.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat tombe bien ! En effet, de nombreux nuages noirs planent sur le commerce international et le multilatéralisme. Je pense au Brexit, au budget italien et aux tweets de M. Trump. Pour mon groupe, il est opportun de marquer notre attachement à un développement du commerce international régulé. Le groupe Union Centriste est favorable au CETA, raison pour laquelle nous souhaitons sa ratification par le Parlement. Ce n’est pas forcément parce qu’on est opposé à un accord qu’on souhaite qu’il soit soumis à ratification !
Cet accord nous semble judicieux, à condition qu’il soit réciproque et équilibré. Il existe en effet entre le Canada et l’Union européenne des proximités historiques, politiques, culturelles, linguistiques, et donc commerciales.
L’application, avant ratification, du CETA provisoire porte déjà certains fruits. Je pense notamment à une progression de 7 % des exportations de l’Union européenne vers le Canada.
Il convient de faire en sorte que le CETA soit une chance pour toutes les entreprises françaises et européennes, y compris les PME. Quelles sont vos actions, monsieur le secrétaire d’État, pour parvenir à ce que cet accord profite aussi aux petites et moyennes entreprises ?
Nous sommes favorables au développement des échanges commerciaux régulés. Karl Marx a été cité tout à l’heure. Pour ma part, j’évoquerai Montesquieu : « L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. » Ce n’est pas parce qu’on est favorable au développement du commerce qu’on ne souhaite pas une plus grande régulation. Nous préférons donc les termes « commerce régulé ».
Ma question porte aussi sur le bien-être animal. C’est une notion qui trouve un écho en Europe, mais qui est trop souvent ignorée au Canada. Je pense notamment à la question des abattoirs. Je voudrais donc connaître les lieux de dialogue et les mécanismes mis en œuvre pour améliorer le CETA sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Vous avez raison, monsieur le sénateur, les nuages noirs s’accumulent dans le domaine du commerce international.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Qui sème le vent récolte la tempête !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. On voit le bloc américain versus le bloc chinois. Tout cela commence d’ailleurs à avoir des répercussions : les entreprises ont parfois tendance à lever le pied pour ce qui concerne leurs investissements, tandis qu’un certain nombre d’organismes internationaux ont révisé à la baisse la croissance mondiale.
Il y a donc une impérieuse nécessité de moderniser les instruments commerciaux, notamment l’OMC. Il convient de faire respecter les règles édictées et de revoir la définition – ou l’autodéfinition – de pays en voie de développement. Sinon, l’équité sera absente du commerce international. Nous partageons, me semble-t-il, l’ambition d’un commerce international régulé.
Pour que l’accord soit un succès, encore faut-il que les entreprises aient la capacité de s’en saisir, par conséquent soient informées des potentialités offertes par celui-ci.
Aussi, tout un travail de pédagogie est nécessaire dans nos territoires, pour montrer les opportunités à explorer. Un travail est d’ores et déjà enclenché avec certaines chambres de commerce et d’industrie. Des entreprises ont saisi la balle au bond. Je pense notamment au groupe Lauak, cher à Mme la sénatrice Frédérique Espagnac. Il s’est rapproché d’une filiale du groupe Bombardier. Ainsi les échanges commerciaux et les flux d’investissements, avant même l’entrée en vigueur du volet investissements du traité, ont créé un contexte favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Monsieur le secrétaire d’État, avec le CETA, vous mettez de nouveau en œuvre le « en même temps » catastrophique de la politique gouvernementale, en démontrant son incohérence.
L’incohérence, c’est de faire voter, voilà quelques mois, la loi ÉGALIM, qui stigmatise dramatiquement l’agriculture française. Avec ce texte, il faudrait changer notre modèle agricole pour un modèle moins intensif, moins polluant, plus vertueux, plus bobo, quoi ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche.)
C’est aussi la multitude de contraintes supplémentaires pour nos agriculteurs. Je pense à l’interdiction des rabais, ristournes et remises sur les produits phytosanitaires, à l’interdiction des néonicotinoïdes, à l’interdiction du cumul du conseil et de la vente des produits phytosanitaires.
Dans le même temps, vous préparez le CETA, avec, en toile de fond, pour l’agriculture canadienne, la possibilité d’exporter en Europe des denrées agricoles telles que la viande porcine et la viande bovine, alors que les conditions d’élevage sont radicalement différentes des nôtres.
Toujours en toile de fond, on trouve des céréales produites avec des matières actives issues de quarante-deux pesticides interdits en France, tels que l’atrazine, prohibée dans notre pays depuis plus de dix ans!
C’est ce même « en même temps » scandaleux que vous promouvez en déclarant qu’il n’est pas question « d’ouvrir nos frontières aux produits alimentaires avec des pesticides jugés toxiques chez nous ».
C’est raté, monsieur le secrétaire d’État, car c’est exactement le résultat de cet accord commercial : les Canadiens pourront nous vendre ces produits, et sans taxe ! La compétitivité de leurs produits sera ainsi accrue, au détriment des produits agricoles français.
En outre, cela fait un an jour pour jour que les produits canadiens entrent en Europe et en France, alors que l’accord n’a pas encore été ratifié par le Parlement.
Monsieur le secrétaire d’État, comment pouvez-vous faire cela à nos agriculteurs et, surtout, aux consommateurs français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous parlez d’incohérence. Or la cohérence, c’est de vous rappeler que cet accord entre l’Union européenne et le Canada a été engagé par un certain Nicolas Sarkozy, …
M. Laurent Duplomb. C’était avant la loi ÉGALIM !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. … à un moment où un homme politique de votre département participait au Gouvernement. Il aurait pu légitimement s’émouvoir des craintes que vous aviez.
La cohérence, c’est de se dire que, dans cette mondialisation, nos filières agricoles ont beaucoup à gagner. Nous sommes en effet une puissance exportatrice agricole. Nos produits agricoles et agroalimentaires contribuent positivement à la balance commerciale.
Permettez-moi, monsieur le sénateur, de me référer à vos activités passées ou récentes. Vous avez été président de l’Union du Massif central de Sodiaal. Or Sodiaal, ce n’est pas la PME du coin, c’est une entreprise classée au seizième rang mondial.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Une petite coopérative ! (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Elle pèse 5,4 milliards d’euros. C’est donc un groupe qui bénéficie à plein d’un certain nombre d’opportunités créées par cet accord. Les produits laitiers et fromagers sont en augmentation en termes d’exportation.
Je vous incite donc, monsieur le sénateur, au nom de la cohérence, à considérer également l’ensemble de ces éléments.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je partage un grand nombre des réserves et des inquiétudes qui ont été exprimées, en particulier sur la manière dont les négociations ont été engagées. Il y a probablement eu un manque de définition claire de nos intérêts au début de la négociation. Il convient désormais d’exercer notre vigilance sur des exigences environnementales de plus en plus aiguës.
Toutefois, je veux affirmer une conviction. Face au monde selon Trump, le fait que deux espaces économiques importants de la planète, possédant des valeurs communes, puissent se mettre ensemble pour essayer d’établir une norme face au règne du rapport de force est une bonne chose. Nous devons essayer d’aller le plus possible dans cette direction, tout en veillant à nos intérêts.
Je veux aussi rappeler à quel point les gouvernements français précédents, sous l’impulsion, notamment, de Matthias Fekl, ont fait avancer un certain nombre de points s’agissant du règlement des différends en matière d’investissements et de protection de certaines appellations d’origine protégée.
Toutefois, on constate aujourd’hui que le CETA possède deux parties : la première a été négociée par l’Union européenne, dans le cadre de ses compétences exclusives et propres. Elle représente 90 % de l’accord et a été mise en œuvre depuis septembre, après sa ratification, en février 2017, par le Parlement européen.
La seconde partie représente environ 10 % du traité. Elle concerne l’investissement et les services financiers qui figurent respectivement aux chapitres 8 et 13. Elle attend sa ratification par l’ensemble des vingt-sept États européens, puisque le Canada a réalisé cette étape. En réalité, trente-sept parlements nationaux ou régionaux doivent la ratifier.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple. Nous le savons, la Belgique a saisi la Cour de justice de l’Union européenne. Il pourrait être logique d’attendre la décision de cette instance sur cet accord et les compétences partagées. Cependant, dans la mesure où vous semblez défendre le CETA, je voudrais savoir à quel moment le Gouvernement assumera le fait de demander une ratification par le Parlement français.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. Cela interviendra-t-il après les élections européennes, après la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, ou bien beaucoup plus tard ? Comment gérerez-vous l’annonce d’un refus de ratification par l’Italie ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Vous avez raison, monsieur le sénateur, le monde selon Trump ressemble beaucoup à la loi du plus fort, d’où l’intérêt de renforcer le multilatéralisme, véritable chantier qui, je l’espère, sera doté d’une boussole dans quelques jours, à l’issue du G20. En effet, il serait bon d’avoir un calendrier s’agissant des réformes et de la modernisation de l’OMC.
Vous avez également raison, un dialogue entre deux blocs tels que l’Union européenne et le Canada en matière réglementaire est une chose positive. Si d’aventure la Chine et les États-Unis se mettaient d’accord sur des normes, le marché est tel que celles-ci s’imposeraient assez vite à tous.
Il est donc particulièrement important d’imposer, de façon offensive, nos propres normes, par exemple nos IGP, dans le cadre d’un accord de juste échange, afin de garder la main.
Vous avez évoqué le rôle de Matthias Fekl, et je reconnais bien volontiers avec vous sa contribution positive pour améliorer le dispositif en matière d’arbitrage.
Cet accord a été engagé sous un Président de la République issu de la droite ; il a été poursuivi sous un Président de la République issu du parti socialiste. Chacun a donc eu vocation à le perfectionner, pour répondre à un certain nombre de craintes.
Par ailleurs, nous souhaitons soumettre le texte à ratification dès lors qu’il y aura une étude d’impact répondant aux attentes fortes exprimées par le Parlement. Je veux parler d’une estimation des effets macroéconomiques plus approfondie qu’un simple copier-coller de l’étude d’impact de la Commission européenne. Nous avons donc missionné le CEPII, un organisme de recherche et d’expertise sur l’économie mondiale, ainsi qu’un certain nombre d’inspections pour évaluer l’incidence du CETA sur des filières sensibles de type agricole.
Une fois que tous ces éléments, qui permettront de vous éclairer complètement, seront enfin disponibles, nous déposerons un projet de loi de ratification. Ce travail est en cours, puisque pas plus tard qu’aujourd’hui j’étais en réunion avec des représentants des commissions et des experts, pour examiner si la méthodologie retenue pour l’étude d’impact était bien celle qui convenait au Parlement.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il faut un moratoire !
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite aborder la question de la filière bovine, notamment celle des éventuels soutiens budgétaires qui pourraient lui être accordés, dès lors que les quotas à droit nul seront totalement ouverts.
Je le rappelle, pour la filière bovine, les contingents d’importation à droit nul concédés au Canada ont été fixés à plus de 45 000 tonnes, soit 0,6 % de la consommation européenne.
Certes, le CETA prévoit que l’Union européenne puisse activer une « clause de sauvegarde », afin de réduire temporairement les quotas canadiens en cas de soudain « déséquilibre du marché d’un produit agricole ».
Force est de le constater, la déstabilisation de la filière bovine risque de se révéler lente et progressive, dès lors que l’ouverture des contingents à droit nul ne sera complète qu’au bout de sept ans.
Aussi la déstabilisation de la filière bovine ne devrait-elle pas, a priori, permettre l’activation de la clause de sauvegarde prévue par le CETA, celle-ci ne pouvant intervenir qu’en cas de déstabilisation soudaine et importante du marché.
Néanmoins, lorsque ces quotas seront pleinement ouverts, nous avons de bonnes raisons de croire qu’ils deviendront véritablement attractifs pour la filière canadienne, qui se révélera dès lors structurellement plus compétitive que la filière française.
En effet, si les contingents à droit nul devraient dans un premier temps rester limités et peu attractifs, de nombreux observateurs considèrent qu’une fois que les contingents de cette nature offerts au Canada auront atteint leur rythme de croisière, ils deviendront plus attrayants pour les exportateurs canadiens.
J’ai donc deux questions à vous poser, monsieur le secrétaire d’État.
Tout d’abord, que prévoit le Gouvernement pour accompagner les éleveurs une fois que tous les quotas seront totalement ouverts et que la filière canadienne sera complètement attractive ?
Ensuite, quelles compensations financières pourraient être apportées à nos éleveurs face à ce qui s’apparente à un déséquilibre compétitif ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur Bonhomme, accompagner les éleveurs, c’est leur ouvrir des marchés extérieurs. Nous sommes donc au rendez-vous ! Je reviendrai tout à l’heure sur les quotas octroyés au Canada.
Le marché chinois s’ouvre de nouveau au bœuf français et européen. L’accord signé avec le Japon est également porteur d’opportunités considérables, tant pour le bœuf que pour le porc. C’est la même chose pour l’accord qui a été conclu avec le Vietnam.
Certes, tout le monde peut se barricader ! Dès lors, nos propres productions ne pourraient plus s’exporter. Selon moi, le meilleur accompagnement, c’est l’ouverture de nouveaux marchés offrant de nouveaux débouchés.
Le quota de 45 000 tonnes que vous évoquiez est d’ores et déjà mis en place. Vous le disiez vous-même, et je vous remercie d’ailleurs de ce chiffre révélateur, cela correspond à 0,6 % du marché européen. En réalité, il représente aujourd’hui moins de 500 tonnes, soit 1 % de 0,6 %. L’impact de la mesure est donc extrêmement limité.
Vous le disiez également, nous veillons à introduire un certain nombre de clauses de sauvegarde, car il est important que nous puissions reprendre le contrôle en cas de déstabilisation. De la même façon, nous avons besoin, dans les négociations à venir, de tenir compte des concessions passées. C’est le fameux mécanisme dit Single Pocket, qui permet d’avoir cette vision globale. Nous sommes un certain nombre à œuvrer en faveur d’une telle disposition. Nous avons enfin obtenu une telle référence, qui est un point d’accroche intéressant, dans le cadre du mandat de négociation avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Nous resterons donc mobilisés aux côtés des éleveurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou.
M. Christophe Priou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite évoquer ici deux thèmes, à savoir l’environnement et le maritime.
Tout d’abord, le principe de précaution n’est pas suffisamment explicite. Permettez-moi de vous le rappeler, tel qu’il a été formulé dans la déclaration de Rio : « En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement. »
À ce stade, je pense utile de faire référence à la procédure d’équivalence, qui permettra aux Européens et aux Canadiens d’harmoniser certaines normes équivalentes, notamment en termes de protection de l’environnement.
S’il n’y a pas actuellement de convergence des instruments de lutte contre le réchauffement climatique, il n’y a pas non plus d’engagement contraignant sur la sécurité maritime, quarante ans après le naufrage de l’Amoco Cadiz et vingt ans après celui de l’Erika. Il était nécessaire de travailler sur la généralisation de certaines normes de sécurité pour les navires. Je pense par exemple aux paquets européens Erika I, II et III.
Au mois de juillet 2011, dans le cadre de la mission parlementaire chargée d’analyser le fonctionnement du Fonds d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, nous avions préconisé d’améliorer le fonctionnement du régime international d’indemnisation, en accélérant le traitement des demandes d’indemnisation en cas de sinistre de grande ampleur. Cela me semble utile pour favoriser la future coopération réglementaire et limiter la divergence des normes futures. Le CETA fait explicitement mention de la création d’un « forum de coopération réglementaire ». Comment ce nouveau dispositif fonctionnera-t-il ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’environnement. Comme j’ai eu l’occasion de le préciser, dans notre politique commerciale, nous insistons sur le respect de l’accord de Paris, qui est pour nous une boussole. Certes, à l’époque de la conclusion du CETA, le processus de ratification de l’accord de Paris n’était pas encore aussi avancé qu’aujourd’hui. Lors de la dernière réunion du comité conjoint entre l’Union européenne et le Canada, nous avons veillé à faire en sorte que les parties fassent explicitement référence à cet accord, afin d’afficher clairement notre ambition environnementale.
Je connais votre engagement en faveur de la sécurité maritime, hier comme député et aujourd’hui comme sénateur, au regard du drame qu’a connu la côte atlantique. Le sujet ne relève pas de la politique commerciale. Il est traité dans un certain nombre d’enceintes. Pour ma part, je suis à l’écoute des propositions qui pourraient être issues de vos rapports ou de vos travaux, si d’aventure nous pouvions les défendre à l’échelon européen. La sécurité maritime doit être pleinement prise en compte lors des discussions sur les transports : nous avons besoin de protéger nos littoraux.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, pour la réplique.
M. Christophe Priou. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Les échanges transatlantiques doivent effectivement être des échanges protégés. Et n’oublions pas que de nouvelles routes maritimes – cela concerne l’Amérique du Nord et, en particulier, le Canada – vont être ouvertes.
Mme la présidente. La parole est à M. Damien Regnard.
M. Damien Regnard. Le Canada est le dixième partenaire commercial de l’Union européenne. Cette année, avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, la France et les Pays-Bas, ce pays compte cinq pays européens parmi ses dix premiers partenaires économiques.
L’accord économique et commercial global, qui est entré en vigueur le 21 septembre 2017, permet la suppression progressive des barrières douanières entre l’Union européenne et le Canada, afin de faciliter l’accès des entreprises canadiennes et européennes aux marchés de la zone partenaire et de stimuler l’investissement des deux côtés de l’Atlantique.
Ces échanges commerciaux sont particulièrement significatifs. Ils s’élèvent aujourd’hui à près de 60 milliards d’euros par an. À terme, l’accord pourrait permettre d’augmenter le volume global de ces échanges de 25 %, soit 12 milliards d’euros supplémentaires par an pour le PIB de l’Union européenne.
En un an, la France a déjà bénéficié du CETA, avec une croissance de la valeur de ses exportations d’environ 5 %, notamment dans le secteur agroalimentaire ; par exemple, l’augmentation est de 8 % pour les fromages et produits laitiers et de 14 % pour les vins.
Nos deux pays partagent des valeurs communes, notamment la libre circulation des biens, des services et des personnes. En un an, la France réalise le même volume d’échanges commerciaux avec le Canada qu’en une semaine avec l’Allemagne. Et le Canada fait annuellement avec la France ce qu’il réalise en trois jours avec les États-Unis ! Réduction des coûts des marchandises, mobilité accrue des personnes, création d’emplois, croissance… : il me paraît essentiel de soutenir cet accord, afin que les entreprises françaises puissent continuer à en tirer profit dans les années à venir.
Je tiens à le rappeler ici : loin des fantasmes véhiculés par quelques adeptes du repli sur soi, le CETA ne modifie en rien les règles sanitaires propres à chaque État. Les verrous institutionnels appliqués aux mécanismes de coopération réglementaire permettront de préserver la souveraineté des deux partenaires, leurs modèles sociaux et leurs réglementations environnementales.
Encore une fois, cet accord offre de véritables chances pour notre pays, notre économie et nos entreprises. C’est pourquoi je souhaite vivement que le Gouvernement lui apporte un soutien déterminé, à l’instar des douze États membres de l’Union européenne qui l’ont déjà ratifié.
Je rentre tout juste du Canada, où les autorités que j’ai pu rencontrer, notamment la ministre des relations internationales du Québec, Mme Nadine Girault, s’inquiètent et s’interrogent devant tant de réticences !
Quand le Gouvernement affichera-t-il son soutien en proposant à la représentation nationale de ratifier le CETA ?
M. Fabien Gay. On attend la réponse avec impatience !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, notre soutien est clair et ferme. Nous estimons qu’il s’agit d’un bon accord. De surcroît, nous avons obtenu un certain nombre d’engagements du Canada pour le compléter. Il n’y a donc aucune ambiguïté de notre part ; je crois que les autorités fédérales et provinciales le savent.
Nous souhaitons simplement nous assurer que la mise en œuvre de l’accord sera exemplaire. Je partage votre sentiment sur le fait qu’il y a là matière à renforcer considérablement les échanges.
Je me souviens d’un rapport de Jacques Attali sur la francophonie économique. Nous avons souvent eu des débats sur la francophonie, y compris dans cet hémicycle. D’aucuns déplorent que la francophonie économique n’avance pas assez vite. Mais en voilà un exemple très concret : le Canada est un espace francophone. Le fait d’avoir une langue en partage facilite clairement la compréhension mutuelle, les échanges, la vie… Je crois que nous devrons pleinement nous en saisir, afin que nos entreprises puissent faire de même. Vous l’avez dit, celles et ceux qui ont utilisé cette possibilité ont vu une hausse significative de leur chiffre d’affaires.
Nous sommes totalement engagés et déterminés. Nous allons mettre la feuille de route en œuvre, sous votre regard vigilant. Cela fait partie de la transparence que nous voulons introduire dans les procédures de négociation et de suivi d’accords. Comme la négociation est menée par Bruxelles, il est important pour nous d’avoir de tels échanges en amont, au sein des commissions et dans l’hémicycle. Je salue le fait que la première proposition de résolution concernant le mandat de négociation avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande à propos d’un accord à venir ait été adoptée au Sénat. Une fois de plus, la Haute Assemblée était en avance !
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Ma question concerne la communication autour du CETA.
J’évoquerai tout d’abord la communication destinée au grand public. On a entendu beaucoup de contre-vérités sur le CETA. On a écouté les opposants, mais peu de voix se sont élevées pour le défendre. Il y a peu d’informations ; elles sont difficiles à trouver. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de rappeler votre attachement à la francophonie ; or nombre de documents sont en anglais. Du coup, il y a beaucoup de mauvaises interprétations. Nous avons souvent soulevé ce point au sein de la commission des affaires européennes.
Comment vulgariser les accords économiques et commerciaux et redonner confiance à la population ? Par exemple, nous ne sommes pas informés sur les conséquences d’une absence de ratification parlementaire. Qu’en est-il ?
Où en est le Gouvernement dans son plan d’action aujourd’hui ? Une plus grande transparence et un effort d’information me semblent nécessaires.
J’en viens à la communication en direction des entreprises. Les entreprises européennes, en particulier les entreprises françaises, sous-estiment les possibilités que pourraient leur offrir les accords de libre-échange signés par l’Union européenne.
Au mois de septembre, seulement 258 entreprises exportatrices françaises s’étaient enregistrées pour s’ouvrir sur le marché canadien, contre 410 en Belgique, 1 200 en Allemagne et 12 000 au Royaume-Uni ! Nos entreprises ne bénéficient pas suffisamment des clauses ouvertes par le CETA. Comment le Gouvernement compte-t-il aider les sociétés françaises à profiter de cet accord ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je partage totalement votre diagnostic selon lequel nous devons apporter beaucoup d’explications au grand public et aux entreprises. Une cinquantaine de réunions ont d’ores et déjà été organisées par les chambres de commerce sur les territoires. Il faut continuer et amplifier ce mouvement.
Il me semble important de pouvoir faire part de toutes les « histoires à succès » qui naissent grâce à cet accord. Il faut dédramatiser. Beaucoup de choses ont été affirmées ; certaines idées ont la vie dure, y compris lorsqu’elles se fondent sur des éléments factuellement faux. La quête d’une information fiable est un combat de tous les instants. Vous l’avez souligné, un certain nombre de documents doivent être accessibles en français.
En cas de non-ratification par un parlement – trente-sept parlements nationaux ou régionaux doivent se prononcer –, l’accord tombe de fait si le refus est notifié. La conséquence n’est donc pas infime. Chaque parlement devra se prononcer en son âme et conscience. Nous travaillons sur une étude d’impact.
Nous mettons à jour très régulièrement un suivi du plan d’action, à peu près tous les quatre mois. La dernière version, celle du mois de septembre, est en ligne ; elle est accessible au plus grand nombre. Le suivi doit pouvoir s’effectuer point par point, de manière très détaillée. Il y a toute une batterie d’actions.
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe auteur de la demande.
M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vos réponses. Je connais vos engagements. Nous pouvons avoir des divergences, mais, au moins, nous avons eu un débat ce soir, ce dont je me félicite.
Vous avez insisté dans votre propos liminaire sur les « bienfaits » de l’accord pour nos exportations : une augmentation de 11 % pour les vins pétillants, de 34 % pour le chocolat. On pourrait également mentionner la pharmaceutique ou la machinerie. Mais vous n’avez pas parlé des importations !
M. Fabien Gay. Elles sont effectivement plutôt dynamiques : en hausse de 206 % pour l’aluminium – ce n’est pas rien ! –, de 78 % pour la chimie, de 45 % pour le pétrole et les combustibles. Sur ce dernier point, je note qu’il y a une petite incohérence à mettre fin aux hydrocarbures sur notre sol national et à augmenter, dès la première année, les importations !
Mme Sophie Primas. Merci !
M. Fabien Gay. Vous ne nous avez pas répondu sur la date de ratification. Pourtant, mon collègue Damien Regnard et moi-même vous avons sondé sur ce point. Vous ne pourrez pas esquiver la question très longtemps.
M. Fabien Gay. Un peu quand même… D’ailleurs, votre réponse à mon collègue était un numéro d’équilibriste que j’avais rarement vu auparavant. Je m’incline ; je n’aurais pas su en faire autant !
Vous allez tout de même devoir nous informer de la date du débat de ratification. Nous devions l’avoir au mois de septembre ; nous ne l’avons toujours pas. Est-ce lié au fait que le gouvernement italien ne veut pas de cet accord et qu’il y a une pression de l’Union européenne ?
M. Fabien Gay. Moi aussi, j’ai mes informations. Nos parlementaires européens sont très reconnus pour leur travail. Je pourrais évoquer Patrick Le Hyaric, qui est un ami personnel ; c’est quelqu’un d’assez sérieux… J’ai échangé tout le week-end avec lui. Nous sommes plutôt d’accord.
J’aurais aimé que nous puissions échanger sur ce point, monsieur le secrétaire d’État. Cela n’a pas pu être le cas. Je vous adresserai donc demain une question écrite ; j’espère que j’aurai plus de chance avec vous qu’avec certains de vos collègues.
Il y a d’autres débats. Vous ne dites rien sur l’environnement ! Et à qui va profiter le CETA ? À mon sens, ce sera aux multinationales, c’est-à-dire à celles et ceux qui auront les moyens de nous attaquer devant les tribunaux arbitraux ! Vous n’avez pas dit un mot sur nos PME, qui devront faire face à la concurrence.
Avec ce traité de nouvelle génération, vous avez un problème : il y a les barrières tarifaires et les barrières non tarifaires. Nous devons avoir un débat sur les services publics, sur l’environnement et sur les conséquences sur la santé. Que nous soyons d’accord ou pas, les faits sont les faits : cela change nos législations européennes et nationales. C’est pour cela que le processus tarde. Nous avons du mal à avancer et à procéder à une harmonisation vers le haut, comme vous le souhaitez. S’il s’agit d’harmoniser vers le haut – vous avez cité un certain nombre d’AOC –, nous serons toujours à vos côtés. Mais, vous le savez, nous avons eu un débat sur le glyphosate. Comme il est utilisé au Canada, nous avons un peu de mal à nous engager fermement ici…
Personne ne fera la différence entre un saumon nourri aux OGM et un autre saumon ; c’est impossible à étiqueter ! Nos collègues qui sont agriculteurs vous diront qu’il est même impossible d’étiqueter le bœuf.
Enfin, nous avons un vrai problème démocratique sur les tribunaux arbitraux. D’ailleurs, vous le savez, puisque vous êtes en train de changer votre fusil d’épaule s’agissant des traités qui sont aujourd’hui sur la table, comme l’accord de libre-échange entre le Japon et l’Union européenne, ou JEFTA. Vous prétendez vouloir encadrer l’application du CETA. Mais je rappelle que la société Vermilion a exercé des pressions, par exemple, lors de l’examen du texte sur les hydrocarbures. Et il pourrait y avoir d’autres cas comme celui-là.
Encore une fois, j’espère que, malgré nos désaccords, nous saurons nous réunir lorsque nous connaîtrons la date d’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie de ce débat, qui, je pense, a été de bonne qualité et de bonne tenue. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur les conditions de mise en œuvre de l’accord économique et commercial global, ou CETA.
15
Adoption des conclusions de la Conférence des présidents
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents. Elles sont donc adoptées.
16
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 21 novembre 2018 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen)
Proposition de loi visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux, présentée par M. Éric Gold et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 124, 2018-2019).
Débat sur le thème : « La ruralité, une chance pour la France ».
De dix-huit heures trente à vingt heures et de vingt et une heures trente à minuit :
(Ordre du jour réservé au groupe La République En Marche)
Proposition de loi organique relative à l’élection des sénateurs, présentée par M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues (n° 744, 2017-2018).
Proposition de loi visant à la présentation par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur la mise en œuvre des préconisations relatives aux éventuels risques liés à l’emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques, et usages similaires, établies par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail le 18 septembre 2018, présentée par Mme Françoise Cartron et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 126, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinq.)
nomination d’un membre d’une commission
Le groupe La République En Marche a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Bernard Buis est membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
nomination de membres de commissions
Les groupes Union Centriste et La République En Marche ont présenté trois candidatures pour trois commissions permanentes.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, ces candidatures sont ratifiées : M. Jean-Marie Mizzon (Union Centriste) est membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ; M. Dominique Théophile (La République En Marche) est membre de la commission des affaires sociales ; M. Bernard Buis (La République En Marche) est membre de la commission des affaires économiques.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD