M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 387 rectifié et 558.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 181 rectifié ter, présenté par MM. Perrin et Raison, Mme L. Darcos, MM. Rapin, Magras, Mouiller, Longuet, Vaspart, Mayet, D. Laurent, Longeot, Détraigne et Gremillet, Mme Lamure, MM. Mandelli et Darnaud, Mmes Deromedi et A.M. Bertrand, MM. Regnard et Lefèvre, Mmes N. Delattre et Bonfanti-Dossat, M. Brisson, Mmes Garriaud-Maylam, Gruny et Imbert et MM. Danesi, Babary, Duplomb, Genest et Segouin, est ainsi libellé :
Après l’article 54
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article L. 422-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la loi ou le règlement prévoit des mesures alternatives de prévention des accidents du travail ou des maladies professionnelles, les caisses régionales ne peuvent, dans le cadre des dispositions générales qu’elles adoptent ou d’une injonction adressée à un employeur sur le fondement du 1°, imposer ou exclure l’une ou plusieurs de ces mesures. Si elle estime qu’une mesure assure une prévention insuffisante, une caisse régionale en fait part sans délai à la caisse nationale de l’assurance maladie et aux autorités compétentes de l’État. »
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement a été déposé par notre collègue Cédric Perrin. Au titre du principe de précaution conçu dans son sens le plus large, certaines caisses d’assurance retraite et de santé au travail, ou CARSAT, imposent systématiquement des mesures collectives et permanentes aux maîtres d’ouvrage des bâtiments.
À l’échelon national, cette approche maximaliste de certaines CARSAT soulève des difficultés, que ce soit un problème d’équité entre les maîtres d’ouvrage, une incohérence patente entre les différents codes de la construction et de l’habitation, du travail et de la sécurité sociale, qui place les maîtres d’ouvrage dans l’insécurité juridique, ou un impact financier souvent non négligeables des surprescriptions, qui se traduit par des travaux ou cotisations supplémentaires en cas d’inobservation de la recommandation des CARSAT.
Au regard des lourdes conséquences juridiques et économiques pour les entreprises, cet amendement tend à préciser que, lorsque la loi ou le règlement prévoit des mesures alternatives, une CARSAT ne saurait « inviter » un employeur à recourir obligatoirement à l’une de ces mesures ou, inversement, à exclure l’une de ces mesures.
Il consacre également la faculté des CARSAT de faire monter à l’échelon national une faille des mesures de prévention qu’elles auraient pu identifier, afin de permettre au pouvoir réglementaire d’harmoniser les mesures de prévention sur l’ensemble du territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. En tant qu’assureurs, les CARSAT sont capables d’identifier les entreprises où la sinistralité est la plus importante, ce qui leur permet de cibler leurs interventions et de proposer des actions pertinentes et opérationnelles.
Dans la prévention de certains accidents du travail présentant un fort risque de mortalité, il est parfaitement légitime que les CARSAT proposent des mesures complémentaires adaptées au contexte particulier de chaque entreprise. Il y va de la sécurité des salariés, et il revient aux CARSAT de procéder à des injonctions si nécessaire, puisque leur responsabilité est engagée.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. J’ajoute que si les entreprises jugent les propositions inadaptées, elles peuvent les contester auprès des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE.
Toutes les actions de prévention s’appuient sur des référentiels figurant dans le code du travail et issus d’un travail de concertation entre partenaires sociaux au sein la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Les garde-fous sont donc nombreux.
L’adoption de cet amendement risquerait d’augmenter le nombre de contentieux entre les entreprises et les CARSAT. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 181 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Nous connaissons bien la mission des CARSAT vis-à-vis des entreprises, monsieur le rapporteur.
Quant aux référentiels, madame la ministre, leur interprétation par les CARSAT varie selon les territoires. Cela pose problème, et le nombre de contentieux est déjà très important. Les collectivités territoriales sont souvent obligées de saisir les tribunaux administratifs. Comment peut-on assurer plus de sécurité aux entreprises en évitant ces différences d’interprétation ? Il conviendrait peut-être de mieux informer les CARSAT sur la bonne lecture des référentiels, ou de préciser ces derniers.
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 181 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 465 rectifié ter, présenté par MM. Jomier, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Jasmin, Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet, Antiste, J. Bigot et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 54
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l’article L. 461-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements mentionnés aux articles L. 1313-1 et L. 1413-1 du code de la santé publique et à l’article L. 4642-1 du code du travail remettent tous les trois ans aux ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du travail, au directeur général de l’organisme mentionné à l’article L. 221-1 du code de la sécurité sociale et au président du conseil d’administration de l’organisme mentionné à l’article L. 723-11 du code rural et de la pêche maritime un rapport examinant les besoins de création ou de révision des tableaux mentionnés aux alinéas précédents, à partir de données épidémiologiques réactualisées dans le domaine de la santé au travail. »
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement a pour objet la révision des tableaux des maladies professionnelles.
Selon un large consensus, l’élaboration actuelle de ces tableaux n’est pas satisfaisante. En 2008 déjà, la Cour des comptes constatait que la présomption d’imputabilité relevait davantage de la négociation que de critères scientifiquement établis. Nous proposons donc, à travers cet amendement, d’inscrire un rendez-vous régulier d’évaluation, et donc d’évolution potentielle des tableaux de maladies professionnelles, sur le fondement d’une expertise scientifique.
L’amendement a pour objet que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, l’Agence nationale de santé publique, et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail transmettent tous les trois ans à la CNAM et à la Caisse de la MSA leurs propositions d’évolution de ces tableaux.
Aujourd’hui – c’est d’ailleurs un signe évident de dysfonctionnement –, le taux de dossiers transmis qui ne correspondent pas à des maladies inscrites au tableau est bien trop élevé, et le taux de reconnaissance bien trop bas. C’est pourquoi nous voulons modifier le processus d’élaboration de ces tableaux.
Naturellement, c’est à l’État que la loi confie l’initiative de créer ou de modifier par décret les tableaux de maladies professionnelles. L’évolution législative que nous proposons nous semble nécessaire, mais l’État aura la responsabilité de s’emparer de ces points d’étape triennaux pour acter les modifications nécessaires, dans l’intérêt des personnes concernées.
Je voudrais enfin remercier M. le rapporteur de ses conseils avisés dans la rédaction de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Je remercie à mon tour M. Jomier d’avoir déposé cet amendement, dont les dispositions vont dans le bon sens. Nous avons en effet travaillé ensemble à une rédaction plus efficace.
L’adoption de cet amendement permettra d’obtenir des agences sanitaires un avis périodique sur les besoins de reconnaissance des maladies professionnelles, à partir de données objectives, épidémiologiques et scientifiques.
Le Gouvernement nous rappellera sans doute que c’est déjà le rôle de la Commission d’évaluation de la sous-reconnaissance. Toutefois, force est de constater que ce travail d’objectivation scientifique fait défaut ; vous l’avez vous-même reconnu devant la commission des affaires sociales, madame la ministre. Espérons que l’adoption de cet amendement incitera l’État et les partenaires sociaux à sortir d’une forme d’inertie en matière de reconnaissance des maladies professionnelles, car cela devient urgent.
C’est pourquoi nous avons émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous partageons votre constat, monsieur Jomier. Je vois toutefois plutôt dans votre proposition un amendement d’appel.
S’agissant de la régularité des révisions, le programme de travail de la CS4 est d’ores et déjà fixé chaque année par l’État, après avis des membres de la commission. Pour mémoire, celle-ci comprend des représentants des administrations concernées, des salariés, des employeurs et des organismes nationaux d’expertise et de prévention – CNAM, HAS, INSERM, ANSES… –, ainsi que des personnalités qualifiées.
Ce n’est donc pas tant la question du rythme d’évolution des tableaux que celle de leurs méthodes d’élaboration qui se pose. Or cet amendement n’a pas vraiment pour objet la façon dont les méthodes de révision sont validées, pas plus que les principes sur lesquels elles reposent.
Je continue de travailler sur la qualité scientifique des évaluations et d’explorer les voies permettant de faire reposer l’évolution des tableaux sur des connaissances robustes. C’est, me semble-t-il, l’enjeu principal.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, qui est d’ailleurs déjà en partie satisfait.
M. le président. Monsieur Jomier, l’amendement n° 465 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Bernard Jomier. Cet amendement vise non pas seulement la périodicité des révisions, mais aussi leur fondement scientifique, avec l’appel aux agences concernées…
Je m’en remets donc à la sagesse de M. le rapporteur ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Je risque de n’être guère plus sage que vous, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
Certes, vous prendrez ce que vous souhaitez dans cet amendement, madame la ministre. Si nous vous rejoignons sur la question de la périodicité, vous dites aussi avoir besoin, pour fonder vos avis, de méthodes scientifiques plus solides. S’il est de la responsabilité de l’État de les établir, l’adoption de cet amendement peut inciter à avancer en ce sens.
Je suggère de maintenir cet amendement.
M. Bernard Jomier. Je le maintiens donc, monsieur le président !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 54.
L’amendement n° 550 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 54
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I bis de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi rédigé :
« I bis. – Pour la détermination de l’âge d’accès à l’allocation est prise en compte la durée totale du travail ouvrant droit à une cessation anticipée d’activité dans un ou plusieurs régimes, qu’il s’agisse du régime général de sécurité sociale dans les conditions mentionnées au troisième et septième alinéa du I du présent article ou de celle effectuée dans les établissements ou les navires ouvrant droit à l’accès aux dispositifs de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante relavant d’un régime spécial mentionné à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale, dans les conditions prévues par ces dispositifs. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à répondre à une interpellation que nous avons reçue de la part de victimes de l’amiante. En effet, il est toujours complexe de faire reconnaître son exposition à une matière dont on sait pourtant qu’elle a tué, et qu’elle continue de tuer, des centaines de milliers de personnes dans le monde, notamment en France.
Qu’il s’agisse de faire valoir ses droits de victimes ou de faire reconnaître un site comme amianté, c’est toujours un parcours du combattant, doublé d’une course contre la montre. Ma collègue Cathy Apourceau-Poly a d’ailleurs été interpellée récemment par des agents de la SNCF qui souhaitaient faire reconnaître la présence d’amiante dans les ateliers, mais qui sont bloqués par la raison d’État. En effet, reconnaître l’exposition à l’amiante de quelques cheminots, c’est reconnaître tous les ateliers comme potentiellement amiantés, avec le risque de sommes importantes à débourser par l’État.
Nous sommes ici dans le cas plus précis de travailleurs souhaitant faire valoir leur droit à l’allocation pour cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA, et qui se trouvent en contradiction, voire en opposition avec certaines CARSAT.
En effet, il semblerait que certaines d’entre elles ne tiennent pas compte de la correction effectuée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et opposent une fin de non-recevoir aux potentiels allocataires, dès lors que ceux-ci auraient été exposés alors qu’ils étaient affiliés à un régime spécial. C’est particulièrement vrai pour les marins et dockers à Calais, Dunkerque ou ailleurs, qui ont été exposés des années durant à la fibre d’amiante et qui ont des difficultés à percevoir cette allocation.
Par cet amendement de réécriture, nous souhaitons assurer une base légale claire au respect des droits de ces travailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. La modification, en 2012, de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, relatif à l’ACAATA, avait précisément pour objectif de permettre aux salariés ayant relevé de plusieurs régimes de sécurité sociale d’avoir les mêmes droits que ceux qui avaient relevé d’un seul régime. La rédaction actuelle de cet article permet donc déjà le cumul des périodes travaillées dans les établissements où le salarié a été exposé à l’amiante, que l’intéressé soit affilié au régime général ou à un régime spécial.
L’adoption de cet amendement permettrait de procéder à un rappel. Toutefois, si les pratiques des CARSAT varient d’un département à l’autre, la CNAM doit pouvoir les contraindre à une harmonisation.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Cet amendement vise à réécrire une disposition qui figure déjà dans la loi. Son intérêt ne me semble donc pas évident. Une telle disposition ne va pas améliorer les pratiques sur le terrain et résoudre les problèmes que vous dénoncez. Je le rappelle, si des difficultés d’application se posent, les dossiers peuvent être signalés auprès des services de médiation des caisses, ou même au ministère des solidarités et de la santé.
Je ne vois pas l’intérêt de modifier la loi, qui prévoit déjà la prise en charge des patients couverts par d’autres régimes. Je rappellerai la règle applicable aux caisses et leur demanderai d’être particulièrement vigilantes sur ce sujet, mais je sollicite le retrait de cet amendement, qui en réalité est satisfait.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 550 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. J’entends vos arguments, madame la ministre.
Toutefois, cet amendement étant plus particulièrement porté par ma collègue Cathy Apourceau-Poly, qui a dû regagner son territoire, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 440 rectifié, présenté par MM. Lurel, Antiste et J. Bigot, Mmes Conconne et Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret et Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 54
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un décret pris en Conseil des ministres fixe les conditions de la reconnaissance en tant que maladie professionnelle des affections provoquées par l’exposition au chlordécone.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. À la suite de son passage en Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, le Président de la République a fait des annonces relatives à la reconnaissance du chlordécone comme maladie professionnelle. Le présent amendement vise à prendre en compte cet engagement.
Je souhaite rappeler que le chlordécone est un pesticide toxique qui a été utilisé durant plus de vingt ans, entre 1972 et 1993, dans les bananeraies de Guadeloupe et de la Martinique. Conçu pour lutter contre le charançon du bananier, il a malheureusement pollué nos sols pour des siècles.
Classée cancérigène possible par l’Organisation mondiale de la santé dès 1979, la molécule a continué d’être utilisée dans nos départements malgré son retrait du territoire hexagonal. Son interdiction n’est intervenue que le 30 septembre 1993.
Cet amendement tend à traduire juridiquement l’engagement public du Président de la République, selon lequel une procédure permettant de reconnaître l’exposition au chlordécone comme maladie professionnelle sera ouverte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Le Président de la République s’est engagé, à la fin du mois de septembre 2018, à la reconnaissance comme maladie professionnelle de l’exposition au chlordécone.
Afin d’actualiser les tableaux des maladies professionnelles, l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, et l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, doivent rendre, d’ici à mars 2019, leurs travaux d’évaluation de l’impact du chlordécone. C’est à partir de ces travaux que les partenaires sociaux pourront entamer des négociations sur les conditions de reconnaissance des maladies en lien avec l’exposition à cette molécule. L’objectif de cet amendement semble donc satisfait, les choses étant en voie de règlement.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la sénatrice, nous avons tenu les engagements que nous avons pris, puisque les travaux visant à la création de tableaux de maladies professionnelles ont été lancés par les instances dédiées de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général et du régime agricole.
Ces deux instances, composées des administrations concernées, des partenaires sociaux et des organismes d’expertise, ont inscrit la thématique des produits phytosanitaires, dont le chlordécone, dans le programme de travail pour 2019, afin de définir quelles seront les maladies reconnues pour les travailleurs exposés.
Ces instances s’appuieront sur l’expertise scientifique de l’INSERM, qui a été saisi par les ministères de la santé et de l’agriculture pour actualiser son expertise collective de 2013, Pesticides : effets sur la santé. Nous avons demandé à l’INSERM de donner une priorité à la question du chlordécone. À l’issue des travaux de ces instances, les tableaux pourront être créés par décret simple d’ici à la fin de l’année 2019.
Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Madame Jasmin, l’amendement n° 440 rectifié est-il maintenu ?
Mme Victoire Jasmin. J’entends les arguments du rapporteur et de la ministre, mais on ne peut pas considérer que cet amendement est satisfait ! Au mieux, le problème est en cours de résolution, puisque vous venez de dire, madame la ministre, que l’INSERM et les autres parties prenantes allaient travailler sur la question.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 474 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet, Antiste et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes S. Robert et M. Filleul, MM. Tissot, J. Bigot, P. Joly, Mazuir, Jacquin, Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 54
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Dispositions relatives à la réparation intégrale des préjudices directement causés par l’utilisation des produits phytopharmaceutiques
« Section 1 – Réparation des divers préjudices
« Art. L. 253-19. – Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices : les personnes qui ont obtenu la reconnaissance, au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité, d’une maladie professionnelle occasionnée par les produits phytopharmaceutiques mentionnés à l’article L. 253-1. »
« Section 2 – Fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques
« Art. L. 253-20. – Il est créé un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, personne morale de droit privé. Il groupe toutes les sociétés ou caisses d’assurances et de réassurances mutuelles agricoles.
« Ce fonds a pour mission de réparer les préjudices définis à l’article L. 253-19. Il est représenté à l’égard des tiers par son directeur.
« Art. L. 253-21. – Le demandeur justifie de l’exposition à des produits phytopharmaceutiques et de l’atteinte à l’état de santé de la victime. Il informe le fonds des autres procédures relatives à l’indemnisation des préjudices définis au présent article éventuellement en cours. Si une action en justice est intentée, il en informe le juge de la saisine du fonds.
« En l’absence de déclaration préalable par la victime, le fonds transmet sans délai le dossier à l’organisme concerné au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité. Cette transmission vaut déclaration de maladie professionnelle. Elle suspend le délai prévu à l’article L. 253-23 jusqu’à ce que l’organisme concerné communique au fonds les décisions prises. En tout état de cause, l’organisme saisi dispose pour prendre sa décision d’un délai de trois mois, renouvelable une fois si une enquête complémentaire est nécessaire. Faute de décision prise par l’organisme concerné dans ce délai, le fonds statue dans un délai de trois mois.
« Le fonds examine si les conditions d’indemnisation sont réunies. Il recherche les circonstances de l’exposition aux produits phytopharmaceutiques et ses conséquences sur l’état de santé de la victime ; il procède ou fait procéder à toutes investigations et expertises utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou industriel.
« Au sein du fonds, une commission médicale indépendante se prononce sur l’existence d’un lien entre l’exposition aux produits phytopharmaceutiques et la survenue de la pathologie. Sa composition est fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, des outre-mer et de l’agriculture.
« Vaut justification de l’exposition à des produits phytopharmaceutiques la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par ces produits au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité.
« Vaut également justification du lien entre l’exposition à des produits phytopharmaceutiques et le décès la décision de prise en charge de ce décès au titre d’une maladie professionnelle occasionnée par des produits phytopharmaceutiques en application de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité.
« Dans les cas valant justification de l’exposition aux produits phytopharmaceutiques mentionnés aux deux alinéas précédents, le fonds peut verser une provision si la demande lui en a été faite. Il est statué dans le délai d’un mois à compter de la demande de provision.
« Le fonds peut demander à tout service de l’État, collectivité publique, organisme assurant la gestion des prestations sociales, organisme assureur susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles.
« Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande faite au fonds d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds sont tenues au secret professionnel.
« Le demandeur peut obtenir la communication de son dossier, sous réserve du respect du secret médical et du secret industriel et commercial.
« Art. L. 253-22. – Dans les neuf mois à compter de la réception d’une demande d’indemnisation, le fonds présente au demandeur une offre d’indemnisation. Il indique l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice. À défaut de consolidation de l’état de la victime, l’offre présentée par le fonds a un caractère provisionnel.
« Le fonds présente une offre dans les mêmes conditions en cas d’aggravation de l’état de santé de la victime.
« L’offre définitive est faite dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle le fonds a été informé de cette consolidation.
« Le paiement doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la réception par le fonds de l’acceptation de son offre par la victime, que cette offre ait un caractère provisionnel ou définitif.
« L’acceptation de l’offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l’action en justice prévue à l’article L. 253-23 vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l’exposition à des produits phytopharmaceutiques.
« Art. L. 253-23. – Le demandeur ne dispose du droit d’action en justice contre le fonds d’indemnisation que si sa demande d’indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné à l’article L. 253-22 ou s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite.
« Cette action est intentée devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur.
« Art. L. 253-24. – Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes.
« Le fonds intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable, et devant les juridictions de jugement en matière répressive, même pour la première fois en cause d’appel, en cas de constitution de partie civile du demandeur contre le ou les responsables des préjudices ; il intervient à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi.
« Si le fait générateur du dommage a donné lieu à des poursuites pénales, le juge civil n’est pas tenu de surseoir à statuer jusqu’à décision définitive de la juridiction répressive.
« La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, à l’occasion de l’action à laquelle le fonds est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime en application de la législation de sécurité sociale. L’indemnisation à la charge du fonds est révisée en conséquence.
« Art. L. 253-25. – Le fonds est financé par :
« 1° L’affectation d’une fraction du produit de la taxe prévue à l’article L. 253-8-2 ;
« 2° Les sommes perçues en application de l’article L. 253-23 ;
« 3° Les produits divers, dons et legs.
« Art. L. 253-26. – Les demandes d’indemnisation doivent être adressées au fonds dans un délai de dix ans.
« Pour les victimes, le délai de prescription commence à courir à compter de :
« – pour la maladie initiale, la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques ;
« – pour l’aggravation de la maladie, la date du premier certificat médical constatant cette aggravation dès lors qu’un certificat médical précédent établissait déjà le lien entre cette maladie et une exposition aux produits phytopharmaceutiques. »
« Art. L. 253-27. – L’activité du fonds fait l’objet d’un rapport annuel remis au Gouvernement et au Parlement avant le 30 avril.
« Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Le délai fixé au premier alinéa de l’article L. 253-23 est porté à douze mois pendant l’année qui suit la publication du décret mentionné au précédent alinéa. »
II – Le VI de l’article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« VI. – Le produit de la taxe est affecté :
« 1° En priorité, à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, dans la limite du plafond fixé au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, pour financer la mise en place du dispositif de phytopharmacovigilance défini à l’article L. 253-8-1 du présent code et pour améliorer la prise en compte des préjudices en lien direct avec l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ;
« 2° Pour le solde, au Fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. »
La parole est à Mme Corinne Féret.