M. Philippe Mouiller. Cet amendement, proposé par Catherine Troendlé, fait suite aux travaux de la mission pour la relance du volontariat. Il s’inscrit dans un ensemble cohérent d’amendements destinés à favoriser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires par les entreprises et les collectivités territoriales.

Il s’agit aujourd’hui de reconnaître l’investissement de ces hommes et de ces femmes et des structures qui les emploient. En effet, employer un citoyen engagé en tant que sapeur-pompier volontaire peut entraîner certaines contraintes d’organisation, ce sapeur-pompier étant susceptible d’être appelé pour une intervention ou en cas de crise, ce qui peut constituer un frein à l’embauche.

Cet amendement pragmatique a pour objectif de permettre une exonération annuelle de charges patronales d’un montant de 3 000 euros par employé sapeur-pompier volontaire, dans la limite de 15 000 euros par an et par structure.

Ce mécanisme s’appliquera pendant cinq ans à tout nouveau sapeur-pompier volontaire recruté à compter du 1er janvier 2019 ou à tout salarié devenu sapeur-pompier volontaire à cette date. Il permettra de valoriser les entreprises vertueuses qui s’inscrivent dans une démarche citoyenne en soutenant l’engagement.

Parallèlement, il contribuera à freiner la crise du volontariat, laquelle constitue un véritable problème pour notre société aujourd’hui, en levant certains blocages et en faisant du volontariat un critère de valeur au sein tant de la société que de l’entreprise.

M. le président. L’amendement n° 182 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 121 rectifié ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous comprenons évidemment l’intention des auteurs de cet amendement, Mme Troendlé et M. Mouiller, qui est d’encourager le volontariat et d’inciter à l’embauche de sapeurs-pompiers volontaires. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut multiplier leur nombre, car nous en manquons.

Cela étant, s’il était adopté, l’amendement ferait peser des contraintes sur l’organisation du travail. Surtout, il aurait un coût élevé pour l’État et la sécurité sociale. Or vous n’en parlez absolument pas. M. le ministre va sans doute nous le confirmer, mais ce coût pourrait s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros pour la sécurité sociale.

Le présent texte n’est sans doute pas le meilleur vecteur qui soit pour favoriser l’embauche de sapeurs-pompiers volontaires. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je précise à M. le sénateur, et à travers lui, à l’ensemble du Sénat, qu’il ne s’agit pas de supprimer les cotisations salariales des sapeurs-pompiers, lesquels en sont déjà exonérés. Ce que vous proposez, monsieur Mouiller, c’est d’exonérer les employeurs des cotisations patronales. Voilà un point important : il ne s’agit pas de rogner le pouvoir d’achat des sapeurs-pompiers.

Si elle était adoptée, cette mesure coûterait, c’est vrai, 500 millions d’euros, ce qui est beaucoup. Je constate en outre que l’amendement n’est pas gagé. De plus, je ne vois pas en quoi la mesure favoriserait le volontariat, sachant que les sapeurs-pompiers ont déjà été largement encouragés sous les majorités précédentes.

Le véritable problème, c’est la charge que représentent ces questions pour les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, notamment pour certains d’entre eux. Il y a là matière à débat, mais pas dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, d’abord parce que la mesure proposée coûterait cher, ensuite parce qu’elle ne bénéficierait pas aux sapeurs-pompiers eux-mêmes, qui sont déjà exonérés de cotisations, enfin parce que l’objet du présent texte n’est pas de résoudre les difficultés que rencontrent les départements et les SDIS pour embaucher des sapeurs-pompiers.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, je pense qu’il y a confusion. La problématique soulevée est celle du frein à l’embauche. Que ferait un chef d’entreprise s’il devait choisir entre deux candidats ayant un CV identique – deux clones ! –, entre un candidat sapeur-pompier volontaire par ailleurs et, à ce titre, susceptible d’effectuer de nombreuses sorties, et un candidat qui ne le serait pas ? L’objectif, c’est d’inciter les employeurs à favoriser au maximum l’embauche de sapeurs-pompiers volontaires.

La même question s’est posée dans la loi de programmation militaire concernant le nombre de jours de réserve autorisé pour les militaires. Fallait-il en autoriser dix ou cinq ? Si on en prévoyait dix, la France pouvait bénéficier d’un plus grand nombre de jours de réserve, et les militaires partir plus souvent. Si on en prévoyait cinq, cela pouvait malgré tout être un frein à l’embauche. Il est en effet difficile d’expliquer à un futur patron que l’on va devoir s’absenter un grand nombre de jours pour servir dans l’armée. C’est exactement la même chose pour les pompiers.

L’objectif, aujourd’hui, est de favoriser le recrutement et, donc, le volontariat. J’ai rencontré hier, lors des cérémonies patriotiques, un certain nombre de chefs de centre d’incendie et de secours, qui m’ont fait part de leurs difficultés à recruter.

Le dispositif proposé permettrait à notre système de secours, fondé sur le volontariat, de perdurer. Il est important de l’adopter, sachant en outre que l’arrêt du 21 février dernier de la Cour de justice de l’Union européenne ne va pas favoriser le volontariat.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. L’argument que vous avancez, monsieur le sénateur, ne sert pas la cause que vous défendez. Vous suggérez que les sapeurs-pompiers volontaires seraient moins employables que les autres. Or la solution que vous proposez entraînerait une très forte rupture d’égalité devant l’embauche. On ne peut pas en effet se prévaloir en la matière de ses engagements extérieurs.

La question se pose, monsieur le sénateur, pour les élus – nous réfléchissons d’ailleurs au statut de l’élu –, mais également pour toute personne, pas seulement les sapeurs-pompiers volontaires, ayant par ailleurs une charge que vous pourriez considérer d’intérêt général.

Cette question ne peut être réglée dans un texte financier. Donner des garanties aux militaires, aux pompiers, comme on réfléchit à un statut pour les élus, sachant que le code général des collectivités territoriales prévoit déjà certaines choses, pourquoi pas ? Mais pas dans un vecteur tel que le texte que nous examinons aujourd’hui. Je le répète, l’incitation financière que vous proposez pour les employeurs coûterait cher et entraînerait une rupture d’égalité.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Monsieur le ministre, nous manquons cruellement de sapeurs-pompiers volontaires et il est vrai que les entreprises, si elles ne rechignent pas à les embaucher, méritent un petit coup de pouce.

Certes, je vous l’accorde, la mesure proposée aurait un coût, mais les secours n’ont pas de prix. Combien cela coûterait-il de remplacer les sapeurs-pompiers volontaires, qui, je le rappelle, gagnent une misère de l’heure lorsqu’ils sont en intervention, par des entreprises privées ?

Je vois bien que vous n’êtes pas d’accord avec nous et que vous n’accepterez pas cet amendement, mais, sincèrement, les sapeurs-pompiers volontaires sont face au mur. Des mesures très volontaristes sont nécessaires afin de leur permettre de se faire embaucher dans les entreprises.

Je trouve cet amendement exceptionnellement bon. Je le soutiendrai évidemment.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je voterai aussi pour cet amendement, même si ce n’est qu’un amendement d’appel, et je vais vous dire pourquoi.

En milieu rural, lorsqu’un accident ou une maladie survient le week-end ou la nuit, en l’absence de médecin de garde et quand toutes les ambulances sont à l’hôpital, il ne reste le plus souvent que les sapeurs-pompiers. Or on constate une importante baisse des recrutements de sapeurs-pompiers dans les zones rurales, alors qu’on a impérativement besoin d’eux pour y préserver des vies et maintenir la sécurité.

Leur situation n’est pas comparable à celle des militaires ou des autres fonctionnaires, monsieur le ministre, elle est spécifique. Il faut absolument inciter les entreprises à garder les sapeurs-pompiers volontaires lorsqu’elles les ont embauchés. Enfin, il faut surtout que ces pompiers puissent partir en cas d’urgence ou lorsque de prompts secours doivent être organisés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai objectivement du mal à comprendre notre débat. Comme vous, en tant qu’élu sur le territoire, j’ai constaté des problèmes de vocation et de recrutement de sapeurs-pompiers, mais la solution que vous proposez me paraît doublement de nature à ne pas permettre d’atteindre le but qui est le vôtre.

D’abord, il faut aider les sapeurs-pompiers, et non les gens qui les emploient par ailleurs, ce qui n’aurait pas beaucoup de sens. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Quitte à dépenser 500 millions d’euros, autant revaloriser directement le traitement des sapeurs-pompiers.

Ensuite, imaginez l’usine à gaz que vous allez monter.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Il y en a d’autres !

M. Christophe Priou. Faites confiance à Bercy !

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, ce n’est pas Bercy qui vous parle. Comme disait ma mère, j’ai deux bacs, un pour laver, un pour rincer. Mon bon sens, c’est mon curriculum vitae ! Je peux dire des choses indépendamment de mon administration. (Exclamations sur de nombreuses travées.)

Je vous prie donc, même si nous ne sommes pas d’accord, de bien vouloir comprendre que celui qui vous parle n’est pas le monstre froid que vous avez tendance à dépeindre au motif qu’il est ministre des comptes publics. De manière générale, j’essaie d’avancer des arguments de bon sens. Comme vous, j’aime les sapeurs-pompiers. Il n’y a donc pas de problème !

Que va-t-il se passer ? Grâce à l’exonération que vous proposez, vous allez faire embaucher un sapeur-pompier volontaire plutôt qu’une personne qui ne l’est pas. C’est bien ce que vous recherchez en proposant une exonération ?

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Mais non !

M. Gérald Darmanin, ministre. L’exonération que vous proposez vise à favoriser les sapeurs-pompiers volontaires par rapport à ceux qui ne le sont pas ! Sinon, ce n’est pas la peine de dépenser 500 millions d’euros.

M. Rachid Temal. Caricature !

M. Gérard Cornu. C’est une discrimination positive !

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous la qualifiez de positive, mais avouez donc que vous mettez en place un système d’exonération de cotisations patronales en faveur des sapeurs-pompiers volontaires. Vous leur permettrez ainsi d’être mieux intégrés professionnellement que ceux qui ne le sont pas. Tel est le but de l’amendement, ce n’est pas le caricaturer que de le présenter ainsi.

Lorsqu’une personne cessera d’être sapeur-pompier, ce qui sera son droit le plus strict, rétablirez-vous alors les charges patronales ? Devra-t-elle déclarer qu’elle n’est plus sapeur-pompier volontaire ? Cela ne regarde en aucun cas l’employeur. (Mais si ! sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

M. Rachid Temal. Démagogie !

M. le président. Mes chers collègues, seul M. le ministre a la parole.

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous proposez une mauvaise réponse, par cette non-recette, à la question de la crise des vocations, qui est certaine.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui, s’il était adopté, entraînerait une évidente rupture d’égalité entre des candidats en concurrence sur un poste et ne permettrait pas du tout d’atteindre l’objectif que vous évoquez.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.

Mme Catherine Troendlé. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis sur le point de me rendre à Strasbourg – j’ai un train à prendre ! –, car, au Sénat, nous avons l’habitude de prendre nos responsabilités. J’ai rendez-vous avec Mme Thyssen, commissaire européenne à l’emploi, pour défendre la cause des sapeurs-pompiers volontaires et éviter que la directive européenne ne s’applique à leur statut. (Bravo ! et applaudissements sur de nombreuses travées.) Je serai donc très brève.

Monsieur le ministre, j’ai été nommée comme l’un des cinq corapporteurs de la mission pour la relance du volontariat mise en place par Gérard Collomb à la demande du Président de la République. Ce dernier avait annoncé quelques mois auparavant qu’il fallait relancer le volontariat. Le dispositif français est exceptionnel, car il permet aujourd’hui de garantir une présence de proximité dans un contexte de désertification médicale, la seule en nuit profonde et dans les zones rurales.

Nous avons travaillé. À partir des plus de 27 000 réponses que nous avons reçues à nos questionnaires, nous avons élaboré des mesures pragmatiques et logiques. Vous les connaissez sans doute puisque vous vous intéressez également aux sapeurs-pompiers.

Un des volets du rapport de la mission porte sur les employeurs et sur ce qu’on peut faire pour qu’ils laissent davantage partir leurs sapeurs-pompiers lorsqu’ils sont appelés sur un accident. Nous avons, entre autres, proposé un allégement de charges patronales.

Monsieur le ministre, je demande des explications. Le Président de la République demande à son ministre de l’intérieur de mandater un travail approfondi, qui a été fait, puis largement vendu par ce dernier lors du congrès de Bourg-en-Bresse voilà quelques semaines, sous les applaudissements. Pour ma part, je suis présidente du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, qui associe le collège des employeurs à ses travaux. La problématique est réelle et, aujourd’hui, nous avons l’occasion de mettre en œuvre l’une de nos propositions. Je ne comprends pas pourquoi, monsieur le ministre, en réponse à la commande qui nous a été faite, vous ne nous suivez pas. À quoi ont donc servi nos travaux ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Morisset. J’apporte mon soutien à cet amendement. Nous avons tous l’occasion de rencontrer nos sapeurs-pompiers. Les SDIS font preuve d’imagination pour renforcer leurs liens avec les entreprises et les inciter à recruter.

Cet amendement vise en fait à reconnaître la participation des chefs d’entreprise, avec lesquels nos services départementaux d’incendie et de secours mettent de plus en plus souvent en place des conventions. On peut lier cet amendement à un certain nombre de conditions, mais, sur le principe, on se doit de reconnaître qu’en apportant un soutien aux chefs d’entreprise on défend la disponibilité des salariés.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, devons-nous encourager le volontariat chez les sapeurs-pompiers ? La réponse est unanime : oui !

Est-ce une situation favorable lorsqu’un sapeur-pompier volontaire est employé dans une entreprise privée ? La réponse est également oui.

L’entreprise privée, du fait de la présence, parmi ses employés, de sapeurs-pompiers volontaires, subit-elle un préjudice, des désagréments, une désorganisation de son travail ? La réponse est oui.

Cet amendement vise donc à apporter une compensation à l’entreprise qui emploie, parmi ses salariés, des sapeurs-pompiers volontaires. Le groupe socialiste et républicain le soutiendra. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, si je prends quelques instants la parole, c’est parce que je suis un peu gêné avant le vote. J’aimerais bien que le président de la commission des affaires sociales nous dise quelques mots.

Au fond, la question qui est au cœur de nos débats est la suivante : peut-on aider les employeurs à aider les sapeurs-pompiers volontaires ? L’amendement tend effectivement à mettre en œuvre une mesure de discrimination positive, afin de permettre une meilleure employabilité de nos sapeurs-pompiers.

À titre personnel, je suis d’accord avec tout ce qu’ont dit nos collègues, mais, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, je note que cette mesure, dont le coût est évalué pour l’instant à 500 millions d’euros, n’est pas financée dans le projet de loi. Si j’écoute le sénateur rural que je suis, je vote l’amendement, mais si j’écoute le rapporteur pour avis de la commission des finances, je me dis qu’il est peut-être préférable d’attendre d’avoir trouvé le financement de cette mesure. Je suis donc très embêté au moment de voter !

La commission saisie au fond étant la commission des affaires sociales, je renverrais bien la « patate chaude » à son président, afin qu’il nous dise, in fine, à l’issue de ce débat très dense, ce qu’il recommande à tous ceux qui se sont intéressés à ce sujet.

Loin de moi l’idée de discriminer le rapporteur général du PLFSS, qui nous a déjà donné son avis. Il serait maintenant intéressant de connaître celui de M. le président Milon.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Comme l’a dit M. le ministre, c’est une mesure à 500 millions d’euros, non compensée dans le budget de la sécurité sociale, qui accuserait de ce fait un déficit du même ordre. Dans ces conditions, je vous demande de trouver aussi les 800 millions d’euros manquants pour combler le déficit des hôpitaux cette année. Il me semble qu’il est plus important de faire le nécessaire pour les hôpitaux que de prendre des mesures visant à inciter les employeurs à embaucher des sapeurs-pompiers volontaires.

En tant que conseillers départementaux ou maires, vous savez combien vous coûtent les SDIS. Chaque fois que vous recevez la note, vous râlez, comme je l’ai fait pendant des années.

Je ne suis donc pas favorable à la mesure qui nous est proposée. Je préférerais attendre de voir comment cela se passe dans le temps. En tout état de cause, il ne me semble pas raisonnable d’imposer un déficit de 500 millions d’euros à la sécurité sociale pour cette mesure-là. (M. Olivier Henno applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. On ne peut qu’approuver les interventions qui viennent d’être faites concernant les sapeurs-pompiers volontaires. Cela étant, faut-il mettre en œuvre une exonération des cotisations patronales et amoindrir encore le budget de la sécurité sociale ?

Depuis le début, notre groupe affirme avec constance que les exonérations patronales ne sont pas la solution. Et là, on en rajoute !

Comme l’a très bien dit le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, nous avons tous dans nos territoires des hôpitaux à genoux, asphyxiés. Mme la ministre des solidarités et de la santé n’arrête pas de nous dire qu’il n’y a pas d’argent et que ce n’est de toute façon pas la solution.

Et il faudrait tout à coup adopter une mesure qui pèserait gravement sur le budget de la sécurité sociale ?

Notre groupe n’est pas favorable à ces exonérations patronales et ne soutiendra pas cet amendement. Nous ne voterons pas contre, nous nous abstiendrons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 121 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article additionnel après l'article 7 - Amendements n° 121 rectifié et  n° 182 (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
Discussion générale

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Hommage à Émile Reymond, sénateur mort au combat

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en ce mois de novembre 2018, alors que s’achèvent les commémorations du centenaire de la fin de la Grande Guerre, j’ai tenu à conclure ces cérémonies en rendant un hommage particulier au sénateur mort au combat au cours de la Première Guerre mondiale, Émile Reymond, décédé dans des circonstances héroïques le 22 octobre 1914 à la suite d’une mission de reconnaissance aérienne au-dessus des lignes allemandes. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent.)

Émile Reymond fut jusqu’à son dernier jour un homme passionné, qui se voua à de multiples engagements, toujours au service de l’intérêt général, comme médecin, comme élu, comme aviateur, comme militaire. Ayons aussi à l’esprit son engagement républicain et social, qui a marqué toute sa vie.

Né le 9 avril 1865 à Tarbes, fils de Francisque Reymond, député puis sénateur de la Loire, Émile Reymond a « fait ses humanités » au lycée de Versailles, puis aux lycées Condorcet et Henri-IV, à Paris. Il poursuivit ensuite l’étude des mathématiques et opta finalement pour la faculté de médecine de Paris.

Ce fut d’abord un grand chirurgien, dans ses fonctions à l’hôpital de Sèvres puis, à partir de 1903, à la « Maison départementale de Nanterre », où son service fut l’un des plus importants de ce que l’on appelait la région parisienne.

Élu local, il devint conseiller général du canton de Boën et présida le conseil général de la Loire, puis il succéda en 1905 à son père, récemment décédé, comme sénateur de la Loire, département d’élection de nos collègues Bernard Bonnne, Cécile Cukierman, Bernard Fournier et Jean-Claude Tissot. Réélu sénateur en 1906, il exerça les fonctions de secrétaire du Sénat à partir de 1912.

Au Sénat, c’est tout naturellement qu’il mit à profit son expérience et sa compétence de médecin pour intervenir dans les différents débats concernant la santé publique.

Émile Reymond fut un passionné d’aéronautique. Il avait obtenu son brevet de pilote en 1910. Il fit de nombreuses randonnées en avion en France, ainsi qu’une exploration aérienne du Sahara.

Cette passion pour l’aéronautique se concrétisa par sa participation au groupe de l’aviation du Sénat, en tant que vice-président, au Comité national de l’aviation militaire et au Conseil supérieur de l’aérostation militaire. Elle le conduisit surtout à jouer un rôle majeur dans le développement de l’aviation militaire, dont il pressentait l’importance potentielle pour la défense nationale.

Ainsi, il lançait depuis la tribune de notre hémicycle des « appels pressants » et adressait des « sommations impérieuses » « aux hommes des bureaux et à leurs hésitations temporisatrices ». Il parlait naturellement de défense.

Les efforts d’Émile Reymond débouchèrent sur la création d’une direction de l’aéronautique au ministère de la guerre, au sujet de laquelle il présenta, comme rapporteur, l’avis favorable de la commission sénatoriale de l’armée en 1913.

Lorsque les hostilités éclatèrent, il choisit de servir en première ligne comme observateur en aéroplane dans une escadrille de l’armée de l’Est, plutôt que comme chirurgien à l’arrière. La lecture de ses carnets de guerre montre qu’Émile Reymond rongeait souvent son frein lorsqu’il était confronté aux ordres limitant les départs en reconnaissance aérienne et qu’il déplorait « l’obstination » que l’on mettait, selon lui, à ne pas tirer parti de l’aviation.

Cela ne le découragea pas de continuer à mener des reconnaissances aériennes. Ainsi, le 13 septembre 1914, il partit seul en reconnaissance en dépit d’un vent violent et constata à cette occasion que l’ennemi avait quitté une région que l’on croyait encore occupée. Cette mission intrépide lui valut sa première citation.

Le 21 octobre 1914, le destin lui fut malheureusement moins favorable. Alors qu’il s’était chargé d’une reconnaissance périlleuse qui ne pouvait être accomplie qu’à très basse altitude, son avion fut contraint d’atterrir entre les positions allemandes et les lignes françaises. Il fut immobilisé en lisière du bois de Mort-Mare, dans le département de Meurthe-et-Moselle, cher à nos collègues Véronique Guillotin, Jean-François Husson, Philippe Nachbar et Olivier Jacquin, à quelques centaines de mètres seulement de l’endroit où se trouve aujourd’hui l’exploitation agricole de ce dernier. Une stèle mémorielle pourrait y être érigée, marquant la reconnaissance du Sénat, cent ans après la motion du 22 décembre 1918.

Exposé à un feu nourri, Émile Reymond fut grièvement blessé par une balle qui lui perfora le corps, alors que le pilote qui l’accompagnait était tué. Il réussit, à la faveur de la nuit tombée, à gagner en rampant les lignes françaises, d’où il put être emmené à l’hôpital de Toul. Malgré ses blessures, il trouva l’énergie de faire un compte rendu très précis de sa reconnaissance. Il mourut le lendemain, vers seize heures, après que son général l’eut décoré de la Légion d’honneur.

La mort héroïque d’Émile Reymond fait honneur à la patrie, au Sénat, comme sa vie tout entière. Nous nous sommes inclinés ce matin devant deux autres anciens sénateurs morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale, Alfred Mézières et Charles Sébline, décédés alors qu’ils étaient otages.

Je vous propose, en cet instant, d’observer un moment de recueillement en leur mémoire, en y associant le souvenir des fonctionnaires du Sénat et de tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour le pays au cours de cette Grande Guerre qui s’est achevée voilà maintenant un siècle. Nous en avons fait mémoire le 11 novembre autour du Président de la République ; cette mémoire n’est pas simplement historique, c’est aussi une mémoire pour l’avenir. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)