M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. M. le sénateur Amiel m’a devancée : en effet, c’est purement comptable, et la Cour des comptes recommande la suppression de ce fonds.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
I. – Au titre de l’année 2018, sont rectifiés :
1° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
211,9 |
212,8 |
-0,9 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
14,2 |
13,3 |
0,9 |
|
Vieillesse |
236,9 |
236,6 |
0,4 |
|
Famille |
50,5 |
50,1 |
0,4 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
499,9 |
499,2 |
0,7 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse |
498,2 |
499,6 |
-1,4 |
; |
2° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
210,4 |
211,3 |
-0,9 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,8 |
12,0 |
0,8 |
|
Vieillesse |
134,5 |
133,7 |
0,8 |
|
Famille |
50,5 |
50,1 |
0,4 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
395,2 |
394,1 |
1,1 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse |
394,6 |
395,7 |
-1,0 |
; |
3° Les prévisions de recettes, les prévisions de dépenses et le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Fonds de solidarité vieillesse |
16,8 |
18,9 |
-2,1 |
; |
4° L’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale qui est fixé à 15,4 milliards d’euros ;
5° Les prévisions des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles sont nulles.
II. – En 2018, par dérogation à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, le crédit d’impôt prévu à l’article 231 A du code général des impôts ne fait pas l’objet d’une compensation à la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. L’article 5 traduit l’activité de l’année 2018, qui a été marquée par d’importants transferts entre la sécurité sociale, l’État et l’UNEDIC.
Le bilan peut être lu de la façon suivante.
Pour les régimes de sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, la hausse de la CSG a représenté en 2018 un gain de 22,4 milliards d’euros, pour partie compensé par une réduction des cotisations sociales, de 7,6 milliards d’euros.
Le bilan net est donc un surcroît global de prélèvements sociaux de 14,8 milliards d’euros. L’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, verse à l’UNEDIC, en contrepartie de la diminution des ressources de l’assurance chômage, une compensation de 9,4 milliards d’euros. Le gain en recettes pour les régimes de la sécurité sociale et le FSV est ainsi ramené à 5,4 milliards d’euros.
Ce supplément de recettes de la sécurité sociale lié à la mesure qui a partiellement substitué la CSG aux cotisations sociales est intégralement restitué à l’État en 2018 sous forme d’une fraction de TVA et du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital.
Mes chers collègues, je ne peux m’empêcher de penser que les retraités, par l’augmentation qu’a connue la CSG en 2018, ont ainsi participé au budget général et, en particulier, à des mesures d’allégement de fiscalité qui étaient destinées à d’autres catégories sociales. Si l’objectif était bien la suppression des cotisations sociales pour les salariés au cours de l’année 2018, il n’y avait pas nécessité, madame la ministre, monsieur le ministre, d’augmenter la CSG de 1,7 point pour les retraités dès le 1er janvier !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 381 rectifié est présenté par MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, M. Fichet, Mme Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 479 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 381 rectifié.
M. Yves Daudigny. L’article 5, qui rectifie les objectifs relatifs à l’exercice 2018, prévoit, comme pour 2017, de ne pas compenser le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires. La perte qui résulte de cette seule mesure pour les comptes de la sécurité sociale s’élève à 600 millions d’euros, soit nettement plus que le montant dégagé par la hausse de l’ONDAM et censé améliorer la situation de l’hôpital.
En fait, cet article doit être rapproché de l’article 19 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et de l’article 38 du projet de loi de finances pour 2019, bref de toutes ces mesures qui siphonnent les comptes de la sécurité sociale pour alimenter le budget de l’État.
Madame la ministre, vous tablez sur une manne qui, d’ailleurs, n’existe pas encore, et ce non pas pour améliorer la santé des Français ou la situation de nos concitoyens les plus fragiles - même si vous venez d’annoncer un plan de lutte contre la pauvreté -, mais pour alimenter les caisses de l’État déficitaire.
Jusqu’à maintenant, quand une cotisation était supprimée ou réduite, l’État compensait cette perte pour la sécurité sociale ; certes, ce n’était peut-être pas toujours une compensation intégrale, mais le principe même était respecté.
C’est à cette règle que vous mettez fin. Vous tirez d’ores et déjà les conséquences du rapport sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale : par ce système de vases communicants, la sécurité sociale et son projet de loi de financement sont mis au service de la réduction du déficit.
Nous refusons que Bercy détermine à quel niveau les besoins des Français en matière de protection sociale seront couverts à l’avenir, sauf à accepter qu’ils se réduisent à une prise en charge forfaitaire, soit à un panier de base. C’est pourquoi l’autonomie financière de la sécurité sociale, garantie du haut niveau de prise en charge de nos concitoyens, sera le fil rouge de notre appréhension de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 479.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 5 rectifie les prévisions de recettes et de soldes ainsi que les objectifs de dépenses relatifs à l’année en cours. Or son alinéa 10 prévoit, comme en 2017, la non-compensation en 2018 du CITS, dont le montant s’élève à 600 millions d’euros.
Le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires a été créé par la loi de finances pour 2017 en miroir du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui ne s’adressait qu’au secteur lucratif. Cet article prévoit donc qu’en 2018 les organisations non lucratives bénéficieront d’exonérations de cotisations sociales.
Outre que cette décision ne repose sur aucune étude scientifique ou économique démontrant des effets positifs sur l’emploi, cette non-compensation du CITS par l’État va aggraver la situation de la sécurité sociale.
La compensation par l’État des baisses de cotisations de la sécurité sociale constitue un principe fondamental de l’autonomie des finances sociales, comme ma collègue Laurence Cohen a eu l’occasion de le rappeler en défendant notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. L’absence de compensation des exonérations est d’autant plus grave que les montants en cause sont très élevés.
Je rappelle, à titre de comparaison, que ces 600 millions d’euros non compensés représentent une fois et demie l’augmentation du budget de la santé prévue par le Gouvernement quand il fixe le taux d’augmentation de l’ONDAM à 2,5 %.
Nous refusons l’étatisation et l’affaiblissement de la sécurité sociale : ils remettent en question l’avenir de notre système de sécurité sociale, auquel nous sommes profondément attachés.
Tel est le sens de notre amendement de suppression de cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements identiques, qui visent à rétablir le versement à la sécurité sociale d’une compensation pour le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, ont reçu de la commission un avis défavorable.
Certes, le procédé consistant à demander cette non-compensation en deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année suivante n’est pas satisfaisant. Toutefois, le CITS s’éteint de toute façon à la fin de cette année, et il n’était déjà pas compensé auparavant. Il ne relève donc pas à proprement parler de la rénovation des relations entre l’État et la sécurité sociale pour les années à venir, rénovation dont nous débattrons lors de l’examen de l’article 19.
Je confirme donc l’avis défavorable de la commission sur ces amendements identiques, mais je tiens à souligner que le concept de non-compensation nous intéresse sur le fond.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. En effet, nous aurons sans doute ce débat lors de l’examen de l’article 19. J’estime néanmoins utile, comme M. Dussopt et Mme Buzyn l’ont fait hier, de dire quelques mots sur ce sujet à l’invitation de M. Daudigny et de Mme Apourceau-Poly.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général : le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur ces amendements, parce que la disposition ici prolongée existait déjà l’année dernière et s’éteindra demain pour les raisons que vous avez évoquées.
Cela dit, plus largement, la question posée par M. Daudigny est celle de la relation entre l’État et la sécurité sociale. C’est une relation importante, complexe et parfois opaque, qui répond à des exceptions désormais très largement devenues des règles.
Agnès Buzyn et ce gouvernement – je pense que c’est à mettre à son crédit – ont eu le courage de commander un rapport sur ce sujet à MM. Dubertret et Charpy afin d’apporter un éclairage net sur ces relations toujours plus complexes, opaques et multiples entre l’État et la sécurité sociale.
Monsieur le sénateur Daudigny, je ne peux pas tout à fait laisser vos propos sans réponse. D’abord, aujourd’hui, les compensations versées par l’État à la sécurité sociale sont de l’ordre de 36 milliards d’euros ; les non-compensations, de 2 milliards d’euros. Il faut savoir rester raisonnable dans les comparaisons !
De manière plus générale, la sécurité sociale ne vit pas dans une bulle. Elle vit notamment grâce à la croissance de l’économie et de la matière sociale au sens des cotisations sociales, par le biais de la masse salariale soumise à taxation.
Parfois, pour qu’augmente cette masse salariale, il faut baisser certains prélèvements et donc toucher à ce qu’on appelle la fiscalité de l’État. Quand on baisse l’impôt sur les sociétés, quand on met en avant un certain nombre de dispositions visant à relancer l’économie, telles que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune ou la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, on permet à l’économie de croître à un rythme de 1,7 % – ce chiffre a été confirmé dans le projet de loi de finances rectificative que j’ai présenté hier à l’Assemblée nationale. Ainsi, la masse des cotisations sociales et de la CSG est plus importante que lorsqu’on raisonne en vase clos.
Il me faut mentionner une autre chose à laquelle chacun est attaché : si les débats parlementaires sont séparés entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n’y a en revanche, bien sûr, qu’un seul contribuable, qui paye son impôt de manière générale. C’est tellement vrai que, quand je présente au nom du Gouvernement l’état des comptes publics et que vous le commentez, en bien ou en mal, vous parlez bien du déficit public toutes administrations publiques confondues, y compris la sécurité sociale ; il en est de même du taux de prélèvements obligatoires et du taux de dépense publique, à l’évidence compris toutes administrations publiques confondues.
Faut-il pour autant mettre fin à l’autonomie de la sécurité sociale ? La réponse est non, évidemment. D’ailleurs, la réforme constitutionnelle présentée par le Gouvernement ne prévoit pas la fusion des textes financiers. En effet, nous respectons, comme la Constitution le prévoit, l’autonomie de la sécurité sociale, même si cela peut parfois prêter à confusion et qu’on aurait pu imaginer que le débat sur les recettes soit mis en commun. Ce n’est pas le choix qu’ont fait le Gouvernement et le Parlement dans leurs réflexions constitutionnelles : il y a bien des textes séparés, dans chacun desquels figurent recettes et dépenses.
Faut-il pour autant maintenir les règles telles que nous les connaissons ? La réponse est non. Ainsi, Mme la ministre des solidarités et de la santé et moi-même compensons l’intégralité des allégements généraux. Quand nous décidons de transformer le CICE en allégement de charges – zéro charge sur le SMIC ! –, ce qui représente 20 milliards d’euros, nous le faisons avec l’argent de l’État, si vous me permettez cette expression.
Cela pousse d’ailleurs M. Albéric de Montgolfier, dans un propos sans doute plus rapide que de coutume – j’imagine d’ailleurs qu’il le corrigera en séance publique –, à nous reprocher d’avoir dégradé le déficit de l’État. Mais nous ne l’avons pas dégradé ; nous ne faisons que prendre en charge les effets que les allégements de charges ont eus sur la sécurité sociale. S’il n’y avait pas les allégements de charges, s’il n’y avait pas de compensation de l’État à la sécurité sociale, à la suite de la réforme très structurante du CICE, bousculé en allégement de charges, le déficit de l’État serait inférieur à celui de l’année dernière.
Nous ne sommes pas ici pour faire de la comptabilité, mais bien pour remettre, sinon l’église au milieu du village – je ne le dirais pas dans une enceinte républicaine et laïque –, mais le Sénat au milieu du jardin du Luxembourg, si vous me permettez cette expression. (Sourires.)
Et nous n’avons pas aujourd’hui à rougir de la gestion de la sécurité sociale. C’est ce qu’a démontré la commission des comptes de la sécurité sociale, qui a constaté un léger excédent, entre 600 et 700 millions d’euros. Nous y reviendrons après le débat parlementaire, monsieur le rapporteur général. Ce léger excédent n’est pas la fin de la dette sociale, puisque nous devons encore 126 milliards d’euros, mais il nous incombe de désendetter notre pays comme la sécurité sociale ; le contribuable désendette les deux !
Oui, la réforme de simplification que nous proposons s’inspire du rapport de MM. Dubertret et Charpy. Oui, c’est un débat très important, que nous aurons encore, peut-être, lors de l’examen de l’article 19. Mais non, nous n’utilisons pas les deniers de l’État et la fiscalité de l’État pour nous défausser sur la sécurité sociale, bien au contraire : 36 milliards d’euros d’une part, 2 milliards de l’autre. Je crois qu’il faut savoir rester raisonnable dans ses comparaisons !
L’avis du Gouvernement sur ces amendements, je le répète, est donc défavorable, et les précisions que j’ai apportées sur les relations entre l’État et la sécurité sociale serviront peut-être pour d’autres amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 381 rectifié et 479.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Au titre de l’année 2018, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs sont rectifiés ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
|
Sous-objectif |
Objectif de dépenses |
Dépenses de soins de ville |
89,5 |
Dépenses relatives aux établissements de santé |
80,5 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées |
9,2 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées |
11,1 |
Dépenses relatives au Fonds d’intervention régional |
3,3 |
Autres prises en charge |
1,7 |
Total |
195,4 |
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Je souhaite, à l’occasion de l’examen de cet article, qui traite de l’ONDAM, évoquer la situation plus qu’inquiétante des hôpitaux.
Pour 2019, le taux de progression de l’ONDAM est de 2,5 %, au lieu de 2,3 % en 2018. Malheureusement, cette augmentation doit être relativisée, notamment au regard de la dette de 30 milliards d’euros de nos hôpitaux. Au quotidien, ces derniers doivent faire toujours plus avec moins.
C’est d’autant plus marquant dans ma région, la Normandie : la croissance de la population y est inférieure à la moyenne nationale, et cette population vieillissante présente des pathologies lourdes et un taux de mortalité plus important qu’au niveau national. Dans ma région, le déficit des établissements hospitaliers devrait être cette année de 92 ou 93 millions d’euros. En 2017, 40 hôpitaux normands sur 54 étaient déjà en déficit ; en 2018, quasiment tous le seront.
D’un côté, madame la ministre, vous imposez une baisse des tarifs de remboursement des actes en expliquant que cela sera compensé par la hausse du nombre d’actes ; de l’autre, vous demandez aux hôpitaux de développer l’activité ambulatoire, qui a vocation à réduire la durée des séjours. Les tarifs vont donc encore baisser en même temps que les volumes : cela n’est pas tenable !
Malgré leurs efforts de gestion, indéniables et continus, les hôpitaux n’ont plus les marges de manœuvre qui leur permettraient d’investir dans les nouveaux outils nécessaires pour mener à bien leur mission de soin. Que doivent donc faire nos hôpitaux ? Baisser encore la masse salariale, alors que leur personnel est déjà sous tension ? Et le service public de santé, dans tout cela ? Tout le monde sait qu’aujourd’hui c’est le personnel des hôpitaux – infirmiers et médecins – qui porte le système à bout de bras ; si les établissements tiennent encore debout, c’est uniquement grâce au professionnalisme du personnel.
Des propositions vous ont été faites par les fédérations d’établissements de santé et d’hôpitaux. Je ne suis bien sûr pas opposée au virage ambulatoire, mais ne voyez-vous pas le décalage entre, d’une part, les effets à en attendre sur la situation économique du système de soins et, d’autre part, la situation de nos hôpitaux ?
Madame la ministre, il vous appartient d’entendre le personnel des hôpitaux publics et de gérer ce décalage dans le temps.
L’hôpital est plus que jamais en péril. En effet, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale – cela a déjà été dit –, le niveau de prise en charge des patients serait dégradé, et de nouvelles réductions d’emplois seraient menées, aggravant encore le découragement des professionnels, sans parler d’une baisse accrue des capacités d’investissement, pourtant absolument indispensables pour pratiquer une médecine moderne.
Il devient urgent d’agir avant d’atteindre le point de non-retour ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. L’amendement n° 393 rectifié, présenté par MM. Tourenne, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et Blondin, M. Fichet, Mme Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La répartition entre les sous-objectifs est établie sur la base de l’effort commun demandé à chacun des fonds et cette répartition sera fixée par décret.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous proposons par cet amendement une meilleure ventilation des efforts, ou des augmentations de crédits affectés à chacun des domaines de l’assurance maladie.
Ainsi, on s’aperçoit que, pour les soins de ville, l’ONDAM, qui est pourtant plus généreux, est régulièrement dépassé ; ce sont les ONDAM des hôpitaux et des établissements médico-sociaux qui viennent compenser, par un prélèvement s’effectuant chaque année. Les projets du Gouvernement pour 2019 sonnent comme un encouragement à dépenser encore davantage : les soins de ville sont favorisés, et bénéficient d’un taux de progression de l’ONDAM de 2,7 %, quand les hôpitaux ne reçoivent qu’un taux de 2,4 %. Ce taux ne prend d’ailleurs pas en compte l’annulation de 200 millions de crédits, qui va ramener à 2,2 % ou 2,3 % le taux d’augmentation de l’ONDAM pour les hôpitaux. C’est la même chose pour les établissements médico-sociaux. On vient de le dire, on vient de le montrer.
Je me souviens que, après les grandes manifestations du personnel des EHPAD, nous avions tous pris position et affirmé que cela ne pouvait pas continuer ainsi. Les situations sont absolument intolérables et il faut que nous apportions des solutions, ne serait-ce que pour nos concitoyens qui sont résidents de ces établissements et pour les personnels, qui n’en peuvent plus.
Or la traduction qui en est faite au travers de la répartition des sous-objectifs de l’ONDAM est totalement incompatible avec les grandes déclarations du Gouvernement, mais également de l’ensemble des membres de cette assemblée.
Le présent amendement vise donc à renvoyer à un décret la fixation d’une répartition plus équitable des objectifs des différentes catégories de dépenses d’assurance maladie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Tourenne, les enjeux que vous soulevez sont importants, mais, le rééquilibrage ne pouvant se faire en cours d’exécution, ils appellent de notre part quelques réserves.
Nous partageons votre constat selon lequel des efforts de régulation s’imposent et qu’ils ne doivent pas se faire uniquement au détriment des établissements de santé. Je soutiens également les propos de Mme Féret concernant ces derniers. Il faut qu’un mécanisme équivalent existe pour les soins de ville.
Permettez-moi toutefois de préciser que M. Revel, directeur général de la CNAM, nous a indiqué lors de son audition qu’il n’existait pas de séparation très nette entre les dépenses de ville et les dépenses de l’hôpital.
Par exemple, l’ONDAM de ville inclut des dépenses prescrites par les établissements hospitaliers, notamment dans les cas de rétrocession de médicaments, ou des éléments de rémunération des praticiens. Il faut en être conscient.
Par ailleurs, nous avons noté la volonté du Gouvernement de mieux prendre en compte ces enjeux, en appliquant une réserve prudentielle de 120 millions d’euros sur l’ONDAM de ville.
Nous nous interrogeons toutefois, madame la ministre, monsieur le ministre, sur le caractère opérationnel de cette mesure. Si elle traduit une volonté de mieux partager l’effort, que nous soulignons, peut-être faudrait-il éviter que ces régulations n’interviennent qu’ex post. Un ajustement des dépenses en cours d’année permettrait ainsi d’éviter de ne faire que constater un déficit plus important des dépenses de soins de ville.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. C’est une discussion quelque peu étonnante que celle qui est engagée par le groupe socialiste et républicain sur la politique de baisse des tarifs accompagnée d’une demande d’augmentation du nombre d’actes, car c’est exactement celle qu’a menée le précédent gouvernement pendant cinq ans. Ce que je propose est justement de sortir du système de tarification à l’activité pour éviter cette course à l’acte. Cela n’a pas été fait avant.
Vous évoquez un ONDAM « indécent » par rapport aux besoins, monsieur le sénateur. Or je rappelle qu’il s’agit de l’ONDAM le plus élevé depuis six ans, puisque son taux de progression se situait autour de 2 % durant les cinq années qui ont précédé.
Donnez-nous au moins acte de notre volonté de changer le système, les modes de tarification et les modes d’organisation. C’est vraiment un mauvais procès que vous faites au Gouvernement, monsieur Tourenne, surtout venant de vous.
S’agissant du médico-social, l’ONDAM relatif aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, a été fixé à 3,2 %. Il a été spécifiquement augmenté afin de permettre la mise en œuvre de la feuille de route pour relever le défi du vieillissement et le plan d’urgence pour les EHPAD, que j’ai présentés le 30 mai dernier.
Par ailleurs, l’autorisation d’augmentation des dépenses a été portée à 2,7 % en 2019, contre 2,4 % en 2018.
L’ONDAM médico-social permettra ainsi d’accélérer la gestion de la charge en soins dans les établissements médico-sociaux.
Comme le rapporteur général l’a souligné, l’ONDAM de ville ne se limite pas aux soins de ville. Il comprend bien davantage, puisqu’il inclut les indemnités journalières, dont la progression est connue et sur laquelle nous aurons l’occasion de débattre, les frais de transport, la rémunération d’actes de professionnels de santé effectués dans les établissements de santé et les médicaments prescrits à l’hôpital.
Contrairement à l’image sainte que l’on peut en avoir, il s’agit non pas d’opposer la médecine de ville et l’hôpital public, mais simplement de répartir des pôles de dépenses nommés « ville » et « hôpital » indépendamment du prescripteur.
Aujourd’hui, nous devons consentir un effort particulier pour restructurer les soins de ville. C’est ce que nous faisons au travers du virage ambulatoire, dans un objectif non pas financier, mais de qualité des soins et de qualité de vie pour les malades, notamment afin d’éviter les maladies nosocomiales.
Ce qui va permettre de mieux équilibrer l’hôpital public, c’est de diversifier son mode de financement. C’est ce que nous faisons avec la diminution progressive de la part de la tarification à l’activité, ou T2A.
J’aurais souhaité que mon ministère dispose dans ses tiroirs de données suffisantes pour mettre en œuvre ce virage et cette diversification plus rapidement.
L’avis sur cet amendement est donc défavorable.