Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous posez, en somme, la question de la fluidité du parcours de soins.
La prise en charge est trop morcelée pour nos concitoyens, qu’ils soient enfants ou adultes : il s’agit là d’un vrai sujet. Nous rouvrons précisément ce chantier, en nous appuyant sur l’excellent rapport que Philippe Denormandie a consacré au morcellement de l’accès aux soins. On renvoie constamment la prise en charge à une autre instance que l’établissement médico-social ou le centre d’action médico-sociale précoce, le CAMSP, qui accueille la personne. On voit se multiplier les demandes de prise en charge par les familles qui ne sont pas couvertes par des CAMSP et se trouvent dans une situation d’insécurité quant au remboursement par la sécurité sociale des dépenses exposées.
Il s’agit là d’un véritable frein à la mise en place de la société inclusive, au parcours de soins. Cette situation a nécessairement des répercussions sur la santé de nos concitoyens. Or il importe de garantir aux personnes handicapées un accès prioritaire aux soins, afin de prévenir le surhandicap, qui est une cause d’exclusion de la vie sociale ordinaire.
Comme annoncé lors du comité interministériel, nous rouvrons ce chantier, afin d’y voir beaucoup plus clair. Il faut faciliter la vie des personnes et éviter les ruptures dans l’accès aux soins. Vous pouvez compter sur notre détermination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. À titre préliminaire, je tiens à saluer la qualité des travaux menés par mon collègue Philippe Mouiller. Je m’associe pleinement aux préconisations formulées par son groupe de travail.
Madame la secrétaire d’État, ma question portera sur l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes et, plus particulièrement, sur les démarches administratives qu’il leur faut accomplir. Beaucoup de formulaires à remplir sont actuellement disponibles en version papier. Toutefois, l’heure est à la dématérialisation des procédures, qui, j’en suis sûre, s’étendra à l’ensemble de ces personnes. Or celles-ci rencontrent des difficultés pour utiliser les outils de communication modernes. Selon une étude menée par l’institut CSA en mars 2018, 39 % des personnes âgées de soixante-dix ans et plus estiment que les équipements comme les ordinateurs, les tablettes et les smartphones sont « plutôt difficiles » ou « très difficiles » à utiliser.
Diverses initiatives locales sont prises pour traiter cette problématique. À titre d’exemple, un bus numérique a été mis en place dans la région Centre-Val-de-Loire. La communauté de communes Somme Sud-Ouest a, quant à elle, mené une action d’initiation gratuite à l’utilisation des tablettes numériques.
Ces initiatives ont un point commun : elles ont pu bénéficier d’une subvention accordée par la conférence des financeurs de la prévention et de la perte d’autonomie. Cette instance a été mise en place par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Elle constitue un levier d’accompagnement des actions individuelles ou collectives destinées aux personnes âgées de soixante ans et plus. En 2016, grâce à un budget de 127 millions d’euros, près de 90 000 actions ont ainsi été déployées dans ce cadre.
Toutes les personnes âgées sont visées au travers de ces initiatives locales, mais qu’en est-il, dans les faits, des personnes âgées se trouvant en situation de handicap ?
Madame la secrétaire d’État, quelles sont les perspectives d’évolution du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, qui verse aux départements deux concours financiers ? Peut-on imaginer que les missions de cette caisse soient revues afin de prendre davantage en compte la situation des personnes que je viens de citer ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, les actions relatives à l’accès au numérique peuvent en effet être prises en charge par la conférence des financeurs de la prévention et de la perte d’autonomie, au titre des objectifs de lutte contre l’isolement social et d’accès aux droits, s’il s’agit de personnes de plus de soixante ans, y compris handicapées.
C’est tout le sens de la société inclusive : les dispositifs créés en faveur des personnes âgées doivent pouvoir servir aux personnes handicapées vieillissantes.
Les actions en question peuvent également être financées grâce aux concours de la CNSA qui sont attribués aux départements. Une autre partie des concours de la CNSA peut servir à financer des actions de prévention dans les résidences autonomie, au profit des personnes handicapées qui y vivent.
Vous avez raison, nous devons prendre en compte cette dimension du sujet. Il ne faut pas que les personnes handicapées vieillissantes, qui, parfois, n’ont jamais utilisé les outils numériques, subissent une fracture supplémentaire. Pour autant, nous devons développer massivement l’usage de ces outils, notamment des tablettes numériques, en leur direction, car c’est par ce moyen qu’elles pourront formuler leur projet de vie, exprimer leurs besoins, même primaires. Cela devrait permettre de grands progrès en matière de bientraitance dans les établissements médico-sociaux.
En ce sens, les actions tendant à réduire la fracture numérique feront d’ailleurs l’objet d’un suivi particulier : il faut pouvoir capitaliser sur ces mesures et, surtout, les diffuser dans l’ensemble du territoire. On observe là encore souvent des iniquités territoriales.
La question de la prévention, des moyens qu’il faut y consacrer, des priorités à définir en la matière et donc des concours de la CNSA fait l’objet d’un atelier dédié au titre de la concertation « grand âge et autonomie » lancée le 1er octobre dernier avec Agnès Buzyn. Vous le voyez, nous veillons à ce que tous les sujets soient traités au cours de cette concertation, dans la perspective d’une convergence entre personnes en perte d’autonomie, personnes handicapées et personnes vieillissantes.
Enfin, je vous signale qu’un atelier « cadre de vie » a été créé et que le sujet de la fracture numérique pour les personnes âgées y est traité particulièrement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Ma question porte sur la situation des auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et des accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH.
En dix ans, le nombre d’élèves handicapés a triplé dans les établissements relevant de l’éducation nationale : il est passé de 100 000 en 2006 à 320 000 en 2017. Cette augmentation est l’une des conséquences de la loi du 11 février 2005, qui a rendu obligatoire l’inclusion scolaire des enfants porteurs de handicap.
Les professionnels qui accompagnent ces élèves handicapés jouent un rôle fondamental pour leur intégration dans le système scolaire. Toutefois, le statut de ces « héros du quotidien » n’est pas à la hauteur de la tâche qui est la leur. Beaucoup sont employés à temps partiel, leur rémunération est calquée sur le SMIC et obtenir un CDI relève d’un véritable parcours du combattant.
Les premières victimes collatérales de cette précarité sont les enfants eux-mêmes. Cette question fait, aujourd’hui, l’objet d’une quasi-unanimité politique : le débat consacré à la proposition de loi relative à l’inclusion des élèves en situation de handicap, présentée par notre collègue député Aurélien Pradié, en est la meilleure illustration.
La rémunération ne doit pas être la principale motivation des personnes exerçant ce métier si particulier, nous en convenons. Mais, vous en conviendrez également, madame la secrétaire d’État, la rémunération ne doit pas être le principal frein à l’attractivité de cette profession.
Au travers du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le Gouvernement affirme sa volonté de mettre en place un bilan d’intervention précoce pour tout enfant atteint de troubles du neurodéveloppement et de recruter plus de 10 000 accompagnants supplémentaires pour l’année prochaine.
Quelles mesures complémentaires le Gouvernement entend-il mettre en œuvre afin de sécuriser le statut des AVS et des accompagnants des élèves en situation de handicap et, ainsi, d’améliorer durablement l’inclusion des élèves handicapés dans notre système scolaire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, votre question me permettra d’évoquer la concertation que nous avons ouverte avec Jean-Michel Blanquer.
La moitié des 340 000 enfants handicapés scolarisés lors de la rentrée de septembre ont besoin d’être accompagnés. Vous l’avez rappelé avec raison, cet accompagnement doit être assuré par des professionnels reconnus, recrutés de manière pérenne, afin que leur rôle soit stabilisé auprès des enfants. En outre, les familles doivent pouvoir accéder plus facilement à eux ; c’est l’objet de la simplification des cycles scolaires.
Pour que la scolarisation des enfants handicapés dans l’école inclusive soit une réalité, il nous faut agir sur plusieurs leviers.
Tout d’abord, il nous faut former et outiller les enseignants ; c’est l’objet de la plateforme numérique qui sera développée au cours de cette année. Elle permettra une adaptation pédagogique selon les troubles, selon les retards d’apprentissage, quel que soit le type de handicap.
Ensuite, il nous faut adapter l’environnement scolaire aux besoins éducatifs particuliers de ces élèves, en proposant des réponses graduées et diverses : c’est l’objet des différents dispositifs de scolarisation qui sont développés, notamment les unités localisées pour l’inclusion scolaire, les ULIS, ou les unités d’enseignement.
Enfin, il nous faut déplacer les moyens médico-sociaux dans l’école et mieux organiser la gestion des ressources humaines – à ce titre, je pense à l’expérimentation des pôles d’inclusion scolaire.
Concernant le statut des accompagnants, pour la première fois, les emplois aidés ne représentent plus qu’un tiers du total par rapport aux contrats d’AESH. On observe donc une véritable accélération vers la professionnalisation. Toutefois, ces contrats d’AESH ne suffisent pas à sortir les accompagnants qui en bénéficient de la précarité financière : le temps scolaire ne leur permet pas d’atteindre les 35 heures hebdomadaires de travail.
Là est tout l’enjeu de la concertation : il faut organiser la porosité de l’accompagnement entre tous les temps de vie de l’enfant – à l’école, au centre de loisirs… – pour permettre aux accompagnants de jouer leur rôle pendant 35 heures hebdomadaires et de pouvoir vivre ainsi dignement de leur travail.
Cette concertation est menée avec les familles, les associations du secteur médico-social, les syndicats et les collectifs d’AESH. Nous sommes engagés dans une démarche de coconstruction pour aboutir à une professionnalisation permettant aux accompagnants d’être présents durablement auprès des élèves.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse très éclairée ; je sais combien vous êtes attachée à cette politique, et je prends note des solutions que vous allez promouvoir, de concert avec le ministre de l’éducation nationale.
Pour ce qui concerne la scolarisation des enfants handicapés, la loi de 2005 nous oblige. Par le passé, certains de ces enfants restaient sans AVS à la rentrée scolaire, et il fallait attendre la Toussaint pour que ces situations se résorbent. Je compte sur vous pour mener à leur terme toutes les actions que vous envisagez.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Je souhaite tout d’abord remercier notre collègue Philippe Mouiller et les membres du groupe de travail de leur excellent rapport sur la question du financement de la prise en charge du handicap.
Pour ma part, je retiens de ce travail l’extraordinaire diversité des acteurs du monde du handicap. La mise en place d’une structure d’animation et de coordination s’avère nécessaire afin de rendre cohérente l’articulation de tous ces outils. C’est le sens, me semble-t-il, de votre proposition de création d’un service public de l’emploi unifié et dédié aux personnes handicapées, l’objectif étant de faciliter l’insertion, d’ancrer la notion de parcours dans l’accompagnement médico-social et de mettre en place des passerelles entre milieux ordinaire, adapté et protégé.
Les MDPH constituent, selon moi, des acteurs départementaux incontournables en raison de leur connaissance fine du territoire, qui les met en mesure de produire un véritable recensement qualitatif des besoins de la population, étape fondamentale en vue de la réalisation d’un diagnostic territorialisé et prospectif. Or, aujourd’hui, il faut bien l’admettre, leur rôle se réduit souvent à une gestion purement administrative des dossiers.
Parallèlement, les centres locaux d’information et de coordination gérontologiques, les CLIC, sont bien intégrés dans le paysage départemental depuis les années 2000. Ces guichets uniques d’information et d’accompagnement social dédiés aux personnes âgées, répartis au plus près des territoires, sont capables de rendre un véritable service de proximité. Ils ont acquis une expertise en termes de connaissance, à l’échelle des bassins de vie, des structures médico-sociales et des difficultés des personnes et de leur entourage. Depuis peu, ils sont identifiés comme des acteurs du handicap. Plutôt que de créer une structure supplémentaire, la plateforme territoriale du handicap, ou PTH, comme le propose notre collègue, pourquoi ne pas renforcer les structures existantes et leur octroyer les moyens de développer leurs compétences ?
Ainsi, la MDPH ne peut-elle être, dans le cadre des schémas départementaux et en étroite collaboration avec le réseau des CLIC, l’acteur central de coordination et d’animation attendu par le monde du handicap ? Cela conforterait la mission de solidarité territoriale qui échoit aux départements et serait conforme à la proposition du rapporteur visant à rendre aux conseils départementaux un rôle décisif en matière de planification de l’offre médico-sociale. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner votre sentiment sur cette proposition ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je vous remercie de présenter la MDPH comme la maison des personnes handicapées.
Comme indiqué lors du comité interministériel du handicap, nous ouvrons le chantier de la gouvernance des MDPH. La simplification et l’octroi de droits à vie permettront d’alléger leur tâche administrative, qui consiste surtout en renouvellements de droits à l’identique et comporte donc peu de valeur ajoutée. Leurs équipes expertes, pluridisciplinaires, pourront ainsi se concentrer sur l’accompagnement de la personne, son orientation et l’aide à la décision. La valeur ajoutée des MDPH réside dans l’évaluation et l’accompagnement. Dans cette perspective, nous devons – je m’y suis consacrée dès ma prise de fonctions – accélérer le déploiement du système d’information commun des MDPH, afin de les libérer également de nombreuses tâches informatiques et de pouvoir bénéficier d’une vision beaucoup plus globale des places disponibles, avec ViaTrajectoire, ainsi que des besoins des personnes. Sur ce dernier point, nous naviguons pour l’heure à vue. Nous allons désormais pouvoir disposer d’un levier formidable pour connaître les besoins et, partant, pour mieux y répondre.
Enfin, nous avons mis en place, lors de la conférence nationale du handicap, un groupe de travail qui réunira tous les acteurs : les conseils départementaux, au premier chef, mais aussi les associations de personnes handicapées, à travers le CNCPH, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui est une source essentielle de propositions d’un haut degré d’expertise.
Vous avez évoqué le maillage des CLIC. Dans le département du Nord, par exemple, une expérience très intéressante a été menée avec la maison départementale de l’autonomie, s’appuyant sur les relais autonomie, pour offrir une réponse de proximité, sous gouvernance départementale de la MDPH. Il nous faut l’expertiser.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. À l’occasion de ce débat, je voudrais aborder la question de l’emploi des personnes handicapées.
Aujourd’hui, le taux de chômage des actifs handicapés atteint 19 %, soit le double de la population active « ordinaire ». En théorie, depuis la loi du 10 juillet 1987, les entreprises ont l’obligation de compter 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs. En pratique, ce taux n’est que de 3,5 %, les entreprises préférant payer une contribution plutôt que d’embaucher des personnes handicapées.
Madame la secrétaire d’État, la « révolution culturelle » que vous avez évoquée pour définir ce qui a permis l’émergence, dans les pays du Nord, d’une société plus inclusive doit être menée aujourd’hui en France. Il faut favoriser la rencontre entre l’entreprise et la personne handicapée, qui constitue bien souvent un choc positif pour l’entreprise, crée de la solidarité et permet d’accompagner les personnes handicapées vers l’indépendance. Il nous faut donc agir pour favoriser l’insertion dans le milieu professionnel ordinaire, même si les entreprises du secteur adapté font un travail remarquable, comme je peux le constater dans mon département de la Mayenne.
Le rapport de notre collègue Philippe Mouiller met en exergue plusieurs difficultés qui expliquent la réticence des entreprises du milieu dit « ordinaire » à embaucher des personnes handicapées. Par exemple, l’orientation et l’insertion professionnelle de ces dernières sont des missions de Pôle emploi, de Cap emploi et des missions locales, mais, bien qu’ils relèvent tous trois du service public de l’emploi, ces acteurs ne coordonnent pas nécessairement leurs actions.
Le rapporteur propose donc d’unifier les missions d’insertion et de maintien dans l’emploi des personnes handicapées autour d’un seul service public, dont le financement dépendrait directement du budget de l’État. Madame la secrétaire d’État, quel est votre avis sur ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, j’ai le même attachement pour l’entreprise inclusive que pour l’école inclusive, que nous avons déjà évoquée. De manière plus générale, la société inclusive est l’objet de la concertation que nous sommes en train de mener.
Nous disposons déjà de leviers d’action. Aujourd’hui, les entreprises ne peuvent plus avancer l’excuse d’une trop grande complexité administrative, puisque nous simplifions et automatisons la déclaration avec la déclaration sociale nominative, la DCN, au travers de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Nous sommes en pleine concertation avec l’ensemble des acteurs. Vous avez raison, c’est aujourd’hui un maquis illisible, pour les entreprises comme pour les travailleurs. À qui un travailleur handicapé au chômage doit-il s’adresser : Pôle emploi ou Cap emploi ? Un jeune doit-il plutôt se tourner vers la mission locale ? Cette structure connaît bien les jeunes, mais moins le handicap. Voilà ce que vivent aujourd’hui les travailleurs handicapés.
Cap emploi a déjà fusionné avec les services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, les SAMETH, de sorte que les entreprises disposent maintenant d’un seul interlocuteur en matière d’accompagnement et de maintien dans l’emploi. Il nous faut aller plus loin. M. le sénateur Mouiller recommande ainsi d’organiser un service public de l’emploi beaucoup plus lisible. Comme pour l’école de la République, il faut instaurer une porte d’entrée unique pour tous les travailleurs, handicapés ou pas, en apportant des réponses variées. C’est l’objet de l’expérimentation que mène Pôle emploi dans treize départements pilotes en vue de mettre en ordre de marche tous ces dispositifs, y compris les centres de reconversion professionnelle, les CRP, qui font aussi un travail remarquable. La concertation est en cours avec tous les acteurs, entreprises, organisations syndicales et patronales, associations, afin de rendre cette offre plus lisible et beaucoup plus opérationnelle.
Nous n’avons pas évoqué l’emploi accompagné. Nous devons accélérer le développement de ce dispositif et mettre l’accent sur l’accompagnement du travailleur et du collectif de travail pour que l’embauche soit une réussite.
Nous n’attendrons pas trente ans pour passer de 3,5 % à 6 % de travailleurs handicapés dans les entreprises, comme il a fallu attendre trente ans pour atteindre les 3,5 %. Vous pouvez compter sur ma détermination pour accélérer ce mouvement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d’État, il faut effectivement rechercher la meilleure organisation, au service des personnes handicapées comme des entreprises, qui sont nombreuses, dans les territoires, à rechercher du personnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer.
M. Jean-Marc Boyer. Madame la secrétaire d’État, le financement de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées est un sujet majeur. Il constitue un levier pour la transformation de l’offre de services en faveur des personnes handicapées, qui doit s’inscrire dans une réflexion globale.
Cette réflexion nécessite une anticipation suffisante au vu des risques identifiés, dont celui de voir se développer des parcours stéréotypés, voire déshumanisants, reposant sur une classification des besoins de la personne ou des difficultés des structures, notamment de taille modeste, à faire face à ces réformes et à leurs répercussions…
L’excellent rapport d’octobre 2018 du sénateur Philippe Mouiller, présenté au nom de la commission des affaires sociales, dresse un constat plutôt mitigé « quant à l’amorçage de la réforme du financement des établissements et services accueillant des personnes handicapées ». Il est indiqué, plus loin, que « l’intention de départ, consistant à partir des besoins des personnes pour construire la nouvelle tarification, est parfaitement louable, mais le chemin que prend la réforme, loin de faire “tomber les murs” autour de la personne, ne paraît en fait que modifier leur agencement. L’ambition première de la réforme risque de se voir passablement émoussée par un tropisme […] consistant à voir dans la réforme tarifaire l’outil principal de restructuration de l’offre. »
Ainsi, de nombreuses inquiétudes se font jour face aux enjeux de la réforme du financement de l’accompagnement médico-social de la personne handicapée. Je souhaiterais relayer une interrogation majeure : où en sont les travaux de la mission SERAFIN-PH ? Quelle analyse est faite des résultats des enquêtes nationales de coûts ?
Au vu des préconisations contenues dans le rapport sénatorial, le calendrier de la réforme ne doit-il pas être revu, afin de se donner le temps d’analyser les incidences de ce nouveau modèle tarifaire et d’associer les acteurs à la définition des dispositifs transitoires ?
Enfin, comment prévenir les répercussions de ces réformes sur des structures, établissements et services, afin d’éviter que ceux-ci, et par voie de conséquence les personnes accompagnées, ne se trouvent en grande difficulté ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Merci, monsieur le sénateur, de me donner l’occasion de faire un point sur la réforme SERAFIN-PH, très importante pour le virage inclusif, et de rassurer les professionnels, qui s’inquiètent à tort.
Le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, remis en octobre 2012, pointait le fait que les dotations des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées étaient, pour l’essentiel, le fruit de l’histoire. Nous avons engagé cette réforme précisément pour établir enfin un lien direct entre les modalités de l’accompagnement proposé, le public accueilli et le niveau de budget alloué. Notre intérêt collectif est bien de mettre fin à cette grande dispersion des coûts et de promouvoir un nouveau modèle de financement. Cette orientation a été confortée dans le cadre du lancement de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous ».
Dans ce contexte, le projet SERAFIN-PH doit permettre d’apporter toutes les souplesses nécessaires pour ajuster le financement des établissements à la complexité de certaines situations individuelles.
Je voudrais vous rassurer sur la méthode de travail qui a été suivie. Ce projet est un chantier de long terme, qui a fait toute sa place à la concertation et à la coconstruction avec les différents acteurs, en particulier dans le cadre du groupe technique national. Il a été planifié pour se dérouler en trois phases et s’étendra sur plusieurs années.
La première phase, engagée en 2014, a pour objet de concevoir les outils qui permettent de rénover le modèle d’allocations. Il s’agit d’élaborer concrètement les nomenclatures de besoins et de prestations, qui ont été validées en 2016, et de mener des enquêtes et des études nationales de coûts. Deux enquêtes ont ainsi été réalisées, en 2016 et en 2017, et la première étude nationale sera engagée cette année.
Les phases 2 et 3 viseront à étudier et à définir de nouvelles modalités de tarification, puis à les déployer.
À ce stade, aucun choix n’a donc été prédéfini ni arrêté, et le projet ne vise en aucun cas à remettre en cause la qualité des accompagnements des personnes. Bien au contraire, tout l’enjeu des travaux en cours consiste à la faire progresser.
Encore une fois, je tiens à vous rassurer : nous avançons pas à pas, mais il n’est pas question de nous arrêter en chemin.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Je salue l’initiative de nos collègues de la commission des affaires sociales, qui nous permet d’aborder un sujet de société particulièrement important.
Madame la secrétaire d’État, vous avez fait référence à la loi de 2005. J’ai une pensée, à cet instant, pour notre ancien collègue Paul Blanc, qui a œuvré, notamment, pour la mise en place des MDPH.
L’aspect financier est important, certes, mais la question des moyens humains est fondamentale. La notion de solidarité tient une place centrale dans cette problématique, d’où l’implication de l’État, des collectivités territoriales, dont les départements, des entreprises, des associations et, plus généralement, de l’ensemble des acteurs du champ social.
Je souhaite aborder plus particulièrement la problématique des départements frontaliers. Dans le mien, les Ardennes, nous manquons malheureusement de places d’accueil pour les personnes handicapées. Nombre d’entre elles sont donc obligées de s’orienter vers des établissements belges, ce qui pose le problème de la coopération transfrontalière. Le nombre de places d’accueil va-t-il augmenter dans notre pays ?