Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Troisième intervenant, et troisième sénateur du Pas-de-Calais… C’est dire l’importance du handicap dans ce département !
Madame la secrétaire d’État, le 24 mai dernier, alors que je vous faisais part ici même de l’inquiétude des personnes en situation de handicap et de leurs familles, vous m’avez assuré de l’engagement plein et entier du Gouvernement sur le sujet.
Aujourd’hui, je constate que la hausse annoncée de 40 euros de l’AAH aurait été de 54 euros si le Gouvernement avait maintenu l’indexation sur l’inflation. Il en aurait été de même pour les pensions d’invalidité et les rentes dont bénéficient les accidentés du travail. Pourquoi un tel changement du mode de calcul, si ce n’est pour minorer le montant de la hausse ?
Dans ces conditions, la communication à outrance sur la revalorisation des allocations versées aux plus fragiles prend un caractère mensonger…
Que dire aussi de la situation des familles dont un enfant présente un trouble relevant du spectre de l’autisme – près de 1 % des enfants sont dans ce cas, selon différentes études scientifiques. Les parents de ces enfants s’inquiètent du manque de structures compétentes pour réaliser les diagnostics et du manque de dispositifs tels que les services d’éducation spéciale et de soins à domicile, pourtant si nécessaires pour une inclusion réussie dans le milieu scolaire.
Par ailleurs, les enfants présentant des troubles « dys », dont le nombre est estimé à 1 million dans notre pays, ne bénéficient pas à ce jour, dans notre système scolaire, d’une prise en charge et d’un accompagnement adaptés, sauf à débourser près de 1 000 euros par mois pour accéder à une structure privée telle que le Centre de référence pour l’évaluation neuropsychologique de l’enfant, le CERENE !
Je me fais ici le porte-parole de ces personnes et de ces familles qui attendent des actes, et non plus des discours : les engagements doivent avoir une portée concrète. La société inclusive n’est toujours pas une réalité, treize ans après la promulgation de la loi qui devait opérer un changement de regard sur le handicap et mettre fin aux inégalités persistantes dont souffrent les personnes en situation de handicap.
Je redis mon inquiétude et j’attends des engagements forts de votre part, madame la secrétaire d’État, et de celle du Gouvernement, à la hauteur des enjeux et des retards accumulés depuis tant d’années en matière d’offre de solutions adaptées et accessibles, pour tous et partout sur nos territoires, métropolitains et d’outre-mer.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que l’allocation aux adultes handicapés n’augmente pas : elle augmente de 40 euros ce mois-ci, et elle augmentera encore de 40 euros en novembre 2019, soit une progression de 13 %, pour un montant total de plus de 2,5 milliards d’euros. C’est du jamais vu !
L’AAH atteindra ainsi 900 euros : la promesse du Président de la République est tenue ! Par conséquent, il est faux de dire que rien n’est fait pour revaloriser cette allocation, qui est servie à 1,1 million de personnes et est le plus élevé des minima sociaux, assorti des conditions les plus favorables pour les bénéficiaires. Le Gouvernement s’engage donc concrètement, financièrement, et la solidarité nationale joue à plein au travers du budget de l’État.
Pour ce qui est des enfants présentant des troubles relevant du spectre autistique, monsieur le sénateur, la stratégie nationale mobilise 340 millions d’euros : c’est du jamais vu, là encore ! Elle concernera aussi bien les 100 000 enfants autistes que les 600 000 adultes atteints de ces troubles, qui n’avaient jamais été pris en compte jusqu’alors. Tous les ministères sont mis à contribution, au titre de cette stratégie, pour agir dans les domaines de la recherche, de l’école, de l’accès aux soins, du logement…
En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit un « forfait d’intervention précoce », pour permettre une intervention avant que le diagnostic ne soit posé : cette génération sera ainsi sauvée et mise sur les rails de l’apprentissage. Je tiens à rassurer les parents : tous les enfants présentant des troubles relevant du spectre autistique sont concernés.
Enfin, les enfants présentant des troubles « dys » pourront eux aussi bénéficier de cette intervention précoce, car ces troubles font partie des troubles neurodéveloppementaux : nous ne choisissons pas entre les enfants selon le type de leur handicap.
Le changement de regard que j’ai évoqué est une réalité : on n’a jamais autant parlé du handicap, ni surtout agi concrètement – je vous en ai donné les preuves – que sous ce gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Je serai donc le quatrième sénateur du Pas-de-Calais à m’exprimer sur le sujet ! (Sourires.)
Ma question porte sur l’article 40 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui ouvre aux familles le droit à un bilan d’intervention précoce et de dépistage des troubles du neurodéveloppement de l’enfant.
Édouard Philippe a annoncé, le 6 avril dernier, la mise en œuvre d’une « stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement », qui était fortement attendue par les familles. Il semble que cette mesure, pourtant inspirée par les meilleures intentions, suscite des réactions fondées.
En ce qui concerne le champ retenu, tout d’abord, l’expression « troubles du neurodéveloppement » a l’avantage d’englober les formes diverses du handicap d’origine neurologique. Elle présente néanmoins le risque d’une assimilation contre-productive entre troubles relevant du spectre de l’autisme, troubles de l’apprentissage, troubles de l’attention et troubles liés à la déficience intellectuelle. Les âges de détection des handicaps et les réponses à leur apporter ne sont pas, par définition, les mêmes. L’article 40, en prévoyant une réponse trop globale, manque in fine son objectif.
En ce qui concerne la détermination de l’acteur chargé de l’organisation de ce bilan d’intervention précoce, ensuite, l’article 40 vise les centres d’action médico-sociale précoce, les centres médico-psychologiques, mais aussi les établissements de santé psychiatrique. Ce dernier point ne laisse pas d’inquiéter les familles, qui peinent encore aujourd’hui à faire reconnaître que le handicap neurologique ne doit pas être traité comme la maladie mentale. L’inquiétude et les craintes liées à l’histoire des pratiques en France, notamment le recours à la psychanalyse, resurgissent : je me réfère à l’excellent rapport élaboré par Valérie Létard en vue de la mise en place du plan Autisme, en 2011. Après l’abandon du vocable « psychoses infantiles », une stratégie qui nierait les spécificités des individus et de l’autisme constituerait un recul.
La création du « forfait bilan et intervention précoce » suscite d’immenses attentes chez les accompagnants. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous expliciter l’intention réelle qui sous-tend cet article 40 ? Comment son dispositif de positionne-t-il au regard de l’autisme ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, j’étais à Saint-Omer la semaine dernière, pour visiter un appartement représentant un lieu remarquable pour évaluer les besoins des personnes et définir la juste réponse à apporter.
Je tiens à rassurer l’ensemble des enfants concernés par l’intervention précoce et de leurs familles. Nous agissons avant le diagnostic. L’objectif est de pouvoir servir le plus grand nombre – l’autisme et les troubles du neurodéveloppement touchent respectivement 1 % et 5 %des enfants –, mais en ciblant les interactions qu’il est possible de relancer grâce à cette intervention précoce.
Les enfants ne naissent pas avec un diagnostic sur le front ; c’est bien toute la difficulté pour agir le plus précocement possible. Bien souvent, malheureusement, l’autisme s’accompagne d’une déficience intellectuelle, de troubles d’apprentissage, de troubles des fonctions cognitives, ce qui rend très difficile le diagnostic précoce : nous entendons retenir un périmètre large pour le dispositif du forfait d’intervention précoce pour qu’aucun enfant ne passe à travers les mailles du filet.
J’en viens à la seconde inquiétude que vous avez exprimée.
La loi précise d’abord que l’intervention des professionnels doit répondre aux recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé, la HAS. Ce sera là un gage de qualité, et je demande aux ARS de s’organiser en gardant cet impératif à l’esprit. Il est indispensable de toujours s’assurer que les professionnels respectent bien les recommandations de la HAS ; il s’agit là d’une grande attente de la part des familles.
Vous m’avez également interrogée sur les futures modalités de détection.
Le premier niveau d’alerte est constitué des médecins, bien sûr, mais aussi des assistantes maternelles et des personnels des crèches. Un énorme effort de formation devra être consenti en direction de ces professionnels. Nous élargissons de manière très importante ce premier niveau d’alerte.
La plateforme territoriale constitue le second niveau d’alerte : les territoires devront s’organiser avec les ARS, en se fondant sur les recommandations de bonne pratique, qui nous permettent de garantir aux familles la qualité des interventions.
Madame la sénatrice, vous pouvez compter sur notre détermination. Claire Compagnon et l’équipe de la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme sont totalement mobilisés face à cet enjeu essentiel !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Tout d’abord, qu’il me soit permis de remercier notre collègue Philippe Mouiller d’avoir proposé la tenue de cet utile débat.
Le financement de l’accompagnement des personnes handicapées atteint 30 millions d’euros, 11 millions d’euros provenant de l’État, 8 millions d’euros des départements, l’AAH représentant quant à elle 11 millions d’euros.
En 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l’initiative revient à Jacques Chirac, affichait l’ambition d’offrir aux personnes handicapées un monde plus ouvert, plus accessible. Cette question reste d’actualité. À présent, il est nécessaire d’aller vers l’inclusion des personnes handicapées.
Chez l’enfant, le repérage, sur la base de simples suspicions, de troubles du neurodéveloppement ou de troubles relevant du spectre de l’autisme – les TSA – devrait impliquer, à partir du 1er janvier 2019, un financement des intervenants. Il s’agit là d’un élément capital pour les familles qui ne peuvent assumer cette charge seules. Cela permettrait l’inclusion à l’école maternelle, avec des accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, dans certaines crèches ou encore auprès d’assistantes maternelles.
Ces solutions inclusives doivent être prolongées en faveur des adultes, qu’il s’agisse des TSA ou d’autres handicaps. Sur 600 000 personnes adultes présentant des TSA, 75 000 seulement sont aujourd’hui diagnostiquées. En d’autres termes, les personnes handicapées orientées par les MDPH vers certaines structures peuvent rester toute leur vie sans évoluer, alors que certains handicapés, notamment atteints de TSA, sont capables d’effectuer un travail avec un accompagnement, ce qui est pour eux un motif de fierté.
Il convient donc, avec les familles et les associations, de promouvoir l’évolution personnalisée vers l’inclusion, pour conduire au travail protégé au sein des établissements et services d’aide par le travail, ou ESAT, et des entreprises adaptées, en ménageant la possibilité de revenir, si nécessaire, en milieu protégé, via une passerelle. Je souligne que le doublement du nombre des places dans les entreprises adaptées va à cet égard dans le bon sens.
Il convient également de proposer d’autres places d’hébergement et de logement adaptés. En effet, pour l’heure, 6 000 de nos compatriotes sont placés en Belgique. Le maintien à domicile doit en outre être encouragé et financé grâce à l’aide aux aidants, à l’accès aux soins et au logement adapté prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Il convient par ailleurs de se préoccuper de la situation des personnes handicapées vieillissantes. Il peut être nécessaire d’envisager une orientation vers les foyers d’accueil médicalisés, les FAM, ou vers les unités spécifiques en EHPAD.
Madame la secrétaire d’État, à mon sens, trois principes doivent nous guider : repérer et traiter précocement ; accompagner davantage vers l’inclusion l’enfant et l’adulte ; améliorer le maintien à domicile et se préoccuper des handicapés vieillissants. Il convient de faire preuve d’ambition, mais aussi de mobiliser davantage de financements au niveau de l’État et d’instaurer une parfaite synergie entre ce dernier et les conseils départementaux,…
Mme la présidente. Veuillez conclure.
M. Daniel Chasseing. … afin de rendre la Nation accessible aux personnes handicapées.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez abordé de nombreux sujets… Si vous me le permettez, je ciblerai ma réponse sur la situation des personnes handicapées vieillissantes, qui subissent aujourd’hui une forme de double peine. Je pense notamment à celles qui se trouvent en ESAT et qui, lorsqu’elles atteignent l’âge de soixante ans, doivent en même temps quitter leur logement et leur travail, le foyer étant souvent lié à l’ESAT. De telles situations sont très préoccupantes. Parfois, la seule offre qui leur est faite, c’est de rejoindre un EHPAD, où elles se retrouvent entourées de personnes beaucoup plus âgées qu’elles. Il n’est pas digne de notre société de traiter ainsi des personnes handicapées : on ne demande à personne d’autre de quitter en même temps son travail et son logement.
Il nous faut travailler de manière intelligente, comme nous le faisons déjà, en lien avec les départements. À ce titre, l’habitat inclusif constitue un levier : il s’agit de proposer des logements permettant l’accompagnement du vieillissement des personnes handicapées dans un environnement bienveillant, intergénérationnel, avec une mutualisation de services.
C’est tout l’objet de cette structure que le Premier ministre, Julien Denormandie et moi-même sommes allés visiter à Cergy. Il s’agit là d’un projet très intéressant : le maire de la commune s’est totalement emparé de l’enjeu du vivre ensemble. Ces logements adaptables permettent à leurs occupants de rester au milieu des autres, quels que soient leurs besoins spécifiques, de rester chez eux et d’y bien vieillir.
Telle est l’ambition qui doit nous animer. Un travail important doit être mené avec les ARS, les départements et les bailleurs sociaux. Il s’agit là d’un vrai sujet de société, car le vieillissement nous concerne tous. Il est très important que nous offrions, à nos concitoyens adultes handicapés, des réponses diverses et surtout différentes de celles d’aujourd’hui.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Ce sujet est extrêmement préoccupant, et nous y consacrons toute notre énergie, en lien avec les départements, dans le cadre du dispositif des territoires 100 % inclusifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les aides financières apportées aux aidants des enfants handicapés en bas âge.
Actuellement, les familles concernées perçoivent l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, l’AEEH, d’un montant de 130 euros mensuels. Cette aide fait l’objet d’un complément déterminé par la commission départementale en fonction du niveau de handicap de l’enfant. Or, comme nous pouvons le constater – et la loi insiste sur ce fait –, il est parfois difficile d’évaluer le degré de handicap chez de jeunes enfants.
Certains enfants handicapés ont besoin qu’un aidant apporte à chaque instant une réponse à leur vulnérabilité, qu’il s’agisse de la toilette, des soins, de vigilance, du lien social ou d’une aide au développement.
Très souvent, c’est l’un des deux parents qui tient ce rôle. Celui-ci doit alors mettre son activité professionnelle entre parenthèses. Il est néanmoins essentiel pour ces parents, surtout dans le cas des familles monoparentales, de pouvoir reprendre une activité professionnelle. L’isolement et la rupture avec le monde professionnel sont des risques qui menacent au premier chef les aidants familiaux. C’est pourquoi les pouvoirs publics doivent leur permettre de conjuguer leur engagement personnel et leur vie professionnelle.
Pour ce qui concerne les aidants d’enfants handicapés, en cas de reprise d’activité professionnelle, le montant du complément d’allocation devient dégressif. Pourtant, l’enfant a besoin d’une personne extérieure pour l’accompagner, et cette présence doit être organisée même si l’aidant ne reprend que partiellement son travail.
Comment le Gouvernement entend-il procéder pour permettre à ces familles, déjà lourdement éprouvées, de bénéficier d’une aide complète tout en conservant une activité professionnelle ?
J’ajoute que cette question est indissociable de celle de la dépendance des personnes âgées, sujet que vous avez largement abordé dans votre réponse précédente. À mes yeux, les gouvernements successifs ont trop longtemps dissocié les politiques menées en faveur des personnes âgées de celles destinées aux personnes handicapées. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Dans un souci de simplification et d’efficacité, nous devons parvenir à travailler de manière concertée dans ces secteurs où les attentes, tant des professionnels que des familles, sont énormes. Quelles décisions le Gouvernement entend-il prendre durant ce quinquennat afin de mener une politique réellement concertée en matière d’accompagnement de la dépendance, quelle qu’elle soit ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, les proches aidants, qu’ils interviennent auprès de personnes âgées ou de personnes handicapées, sont de 9 à 10 millions ; ils constituent un véritable pilier de notre société.
Jusqu’à présent, ces aidants ont fait l’objet, au fil du temps, de réponses très morcelées : don de jours de repos, accompagnement en matière de formation… Le temps est venu d’envisager de manière globale les besoins des aidants. Agnès Buzyn et moi-même avons inscrit cet enjeu sur notre feuille de route commune. Dans le cadre de la grande concertation consacrée à la dépendance, il fera l’objet d’ateliers spécifiques.
Comme vous l’avez dit, quelle que soit la personne aidée, il existe une véritable convergence quant à la dynamique à engager au bénéfice des aidants. Ceux-ci doivent pouvoir reprendre une vie professionnelle et la concilier avec leur engagement auprès de leur proche. La réforme des retraites est également un enjeu pour les aidants. C’est pourquoi Jean-Paul Delevoye est lui aussi mobilisé. La situation des aidants qui ont dû interrompre leur carrière doit être prise en compte de façon spécifique.
Vous avez raison, il est temps de s’emparer de ce sujet des aidants ; c’est bien pour cela que nous ouvrons, avec Agnès Buzyn, plusieurs chantiers. Au-delà du soutien qui doit être accordé aux proches aidants, il faut bonifier leur formation, leur permettre de travailler à distance – c’est précisément l’une de leurs demandes. Pour explorer ces pistes, nous pouvons notamment nous appuyer sur différents rapports, notamment celui de l’ancienne sénatrice Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH. Il s’agit d’une étude remarquable sur les moyens de concilier une vie professionnelle et un rôle d’aidant. Quant à la grande concertation sur la dépendance que j’évoquais, dans laquelle le CNCPH est très impliqué, elle livrera ses propositions d’ici au mois de mars prochain au plus tard. Notre réponse devra être à la hauteur de nos ambitions.
M. Didier Rambaud. Merci, madame la secrétaire d’État !
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Le rapport de la mission d’information évoque une réduction de plus de 76 % de l’effort budgétaire pour la création de places en établissements médico-sociaux entre 2014 et 2018. Pour ce qui concerne plus précisément l’autisme, aucun des deux derniers plans n’a été respecté : 6 752 places devaient être réalisées, seulement 4 465 l’ont été !
La Haute Autorité de santé estime que 700 000 personnes sont atteintes d’autisme en France, dont 100 000 enfants. Seulement 27 % des enfants sont accueillis dans des structures, dédiées ou pas. Le taux d’accueil tombe à 10 % pour les adultes, ce qui est dramatiquement inférieur aux besoins.
Derrière ces chiffres, il y a les attentes et les souffrances des familles.
J’ai pris connaissance de la « stratégie nationale pour l’autisme » pour les années 2018-2022 : 1 500 places seront créées, mais il est précisé qu’elles serviront uniquement à l’achèvement du troisième plan Autisme, prévu pour 2017. Les créations de places sont donc figées.
Le comité interministériel du handicap assume, pour l’avenir, de « sortir d’une logique de places pour entrer dans une logique de parcours accompagnés », c’est-à-dire de transformer les places existantes au lieu d’en créer de nouvelles.
À l’instar de notre rapporteur, j’estime inapproprié ce « virage qualitatif » privilégié par le Gouvernement. Un tel changement de paradigme pourrait se comprendre si notre pays disposait d’un parc suffisant d’établissements d’accueil pour les autistes, or nous connaissons à cet égard une scandaleuse situation de manque.
Les parents s’épuisent à garder à leur domicile leurs enfants devenus adultes. Ils mènent un véritable parcours du combattant en multipliant les recherches et en enchaînant les échecs. Ils vivent avec la peur de disparaître avant d’avoir trouvé une solution pérenne, sans laquelle leur enfant serait placé dans un lieu totalement inadéquat, le plus souvent l’hôpital psychiatrique. Certains abandonnent leurs racines et leur réseau social pour s’expatrier dans un pays, la Belgique, qui s’est emparé bien avant nous de la question.
Madame la secrétaire d’État, je vous assure que la création de places est la priorité absolue pour les familles. Que comptez-vous faire pour répondre à leur attente ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je n’ignore pas la détresse des familles. Chaque semaine, je reçois plus d’une centaine de courriers par lesquels ces dernières me demandent non des places, mais des solutions, des services d’accompagnement.
Je vous le garantis : les familles ne souhaitent plus confier leur enfant à un établissement ; elles veulent véritablement qu’il soit accompagné dans sa vie au milieu des autres. C’est là tout l’enjeu de la stratégie sur l’autisme, avec l’intervention précoce, les parcours de scolarisation, les unités d’enseignement en maternelle, où un adulte membre de l’éducation nationale est assisté de quatre à cinq équivalents temps plein relevant du secteur médico-social. Ces structures permettent d’assurer un accompagnement, un encadrement des enfants autistes au milieu des autres, dans la même logique que l’habitat inclusif. C’est ce que nous sommes en train de bâtir.
La création de places est un processus long, coûteux, et en définitive les structures en question sont peu adaptées aux besoins. C’est ce que les parents nous disent. Le reliquat de 53 millions d’euros du troisième plan Autisme sert à la création de places pour adultes. On voit encore émerger des projets de création de structures, mais, j’y insiste, ils n’aboutissent qu’après énormément de temps. Or il existe des solutions beaucoup plus rapides, souples et agiles. Je pense en particulier à la création de toutes petites structures en cœur de ville, d’habitats de proximité. Cela permet d’éviter des déplacements et des séparations douloureuses.
En outre, je rappelle que nous avons triplé les crédits destinés à éviter les départs d’enfants pour la Belgique. Cet exil forcé n’est plus de mise. Cela étant, certains parents demandent encore à pouvoir recourir à cette solution ; on ne peut pas le leur refuser.
Nous travaillons au quotidien avec les ARS, les départements et, plus largement, les collectivités territoriales pour mettre en place la réponse de proximité, la réponse accompagnée pour tous, en mobilisant des crédits, en particulier 180 millions d’euros dédiés à la transformation de l’offre médico-sociale. Les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel pour le développement de cet habitat diffus de proximité, assorti de services permettant d’assurer un bon accompagnement.
Pour autant, il nous faut améliorer, notamment, la prestation de compensation du handicap, pour les enfants comme pour les adultes. Bien souvent, les parents ont du mal à obtenir une prise en charge du parcours éducatif. Bien sûr, nous vous tiendrons informés de l’avancement de ces chantiers de manière très régulière.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, alors que vous vous apprêtez à quitter vos fonctions de vice-présidente du Sénat, je tiens à vous remercier de votre contribution à la bonne tenue de nos débats.
Mme la présidente. Merci, cher collègue.
M. Bernard Jomier. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur le financement du soin médical en structure médico-sociale : le caractère incomplet des dispositions réglementaires est dommageable aux personnes en situation de handicap.
Théoriquement, la réglementation en vigueur permet une couverture intégrale des dépenses engendrées par le handicap de la personne accompagnée. L’article R. 314-26 du code de l’action sociale et des familles dispose que la dotation médicale de chaque établissement ou service couvre uniquement les frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et de laboratoire afférents aux soins qui correspondent aux missions de l’établissement ou du service. Il est complété par la disposition de l’article R. 314-122 du même code en vertu de laquelle tout soin complémentaire délivré à titre libéral à l’extérieur, donc indépendamment du forfait versé à la structure accompagnatrice, est pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de l’ayant droit dans les conditions de droit commun, si ce soin ne peut être assuré par la structure accompagnatrice.
Or, dans les faits, des différences d’interprétation de ces dispositions engendrent une hétérogénéité des pratiques des caisses primaires d’assurance maladie. Certaines s’appuient sur la rédaction de l’article R. 314-26 pour justifier le financement d’interventions de psychologues, d’ergothérapeutes ou de psychométriciens, d’autres pour refuser leur prise en charge, au motif qu’elles sont comprises dans le forfait global versé à la structure.
Ces désaccords entre couverture par le forfait versé à la structure, d’une part, et couverture par remboursement de la caisse, de l’autre, obèrent le fonctionnement du dispositif, créent sur le territoire national des disparités contraires au principe d’égalité et portent préjudice à un accompagnement médical global et efficient des personnes en situation de handicap, en particulier les enfants. Dans ses avis rendus en 2006 et 2008, la Cour de cassation elle-même s’est refusée à déterminer clairement le périmètre de la dotation aux structures.
Vous en conviendrez, madame la secrétaire d’État, cette situation n’a que trop duré. Pouvez-vous nous indiquer quand cette clarification réglementaire sera apportée ? Quelle sera l’orientation privilégiée par le Gouvernement : une couverture de ces soins par le forfait de la structure ou, comme le propose notre rapporteur, Philippe Mouiller, dont je tiens à saluer la qualité du travail, un recours facilité au remboursement au titre des soins de ville ?