Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 135 est présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Kerrouche, Leconte, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Jasmin, Lubin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 204 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 299 rectifié est présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 135.
M. Jacques Bigot. Nous souhaitons supprimer l’article 52 bis, par lequel la commission entend mettre en place un système de frais de justice pour assurer le financement de l’aide juridictionnelle.
Je rappelle que la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative avait instauré une contribution pour l’aide juridique forfaitaire de 35 euros. À l’époque, il s’agissait de financer l’obligation pour l’État d’indemniser des avocats commis d’office lors des gardes à vue.
La Cour de cassation avait considéré que l’avocat devait être présent dès la première heure de garde à vue, ce qui avait engendré des dépenses importantes.
Cette contribution avait été supprimée par la loi de finances pour 2014, mais la commission avait déjà souhaité la rétablir dans une proposition de loi votée en octobre 2017 ; nous nous y étions opposés.
Très peu de personnes bénéficient de l’aide juridictionnelle, le plafond de revenus afin de pouvoir y prétendre avoisinant 1 200 euros.
De nombreuses personnes issues des classes moyennes, qui n’ont pas forcément de gros moyens, vont être obligées de payer une contribution pour financer une aide juridictionnelle qui ne bénéficiera qu’à quelques-uns. Une fois de plus, on va taxer des personnes qui disposent de revenus à peine supérieurs à ceux dont disposent les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. C’est extrêmement dangereux et insatisfaisant. Les entreprises pourront en répercuter le montant dans leurs frais généraux, mais, pour les classes moyennes qui vont s’adresser à la justice notamment pour un divorce ou pour régler un conflit de voisinage, on va créer un coût d’accès à la justice, et ce n’est pas normal.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 204.
M. Thani Mohamed Soilihi. Comme l’a souligné notre collègue Jacques Bigot, l’article 52 bis vise à rétablir la contribution pour l’aide juridique, supprimée par la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. Elle serait désormais modulée, de 20 à 50 euros, en fonction du type d’instance engagée.
À l’instar du dispositif supprimé, ladite contribution n’aurait pas à être acquittée pour certaines matières contentieuses, auxquelles cet article ajoute les procédures engagées par les salariés devant les conseils de prud’hommes. Les personnes éligibles à l’aide juridictionnelle ne seraient pas non plus redevables de la contribution.
N’y a-t-il pas là une contradiction, voire quelque chose de choquant ? Non seulement cette disposition constitue une entrave financière non négligeable à la charge du justiciable, mais ce financement complémentaire de l’aide juridictionnelle tend à faire peser sur les seuls justiciables les moins fortunés le fonctionnement des institutions judiciaires. Ce n’est pas notre vision de la justice.
Il faut davantage conclure à la nécessité d’une refonte du système de l’aide juridictionnelle. Des études ont été engagées, avec notamment une piste de réflexion sur la taxation des conventions d’assurance.
En l’état, nous nous opposons donc à l’article 52 bis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l’amendement n° 299 rectifié.
Mme Josiane Costes. Comme l’ont rappelé nos collègues, la contribution pour l’aide juridique avait été supprimée en 2013 par le projet de loi de finances pour 2014, au motif que, depuis sa création, en 2011, elle avait découragé des justiciables à aller en justice.
Comme l’estimait la Chancellerie en 2013, « les contentieux de faible montant, comme les injonctions de payer, ont connu une diminution des saisines du juge de l’ordre de 13 % entre le premier semestre de l’année 2011 et le premier semestre de l’année 2012. Cette baisse, contemporaine de l’introduction du timbre à 35 euros, laisserait présumer que celui-ci constitue un obstacle à l’accès au juge, à tout le moins dans les petits litiges dont le gain escompté est faible. »
Il nous semble que ce constat, valable en 2013, doit continuer d’être regardé comme tel en 2018 : une réintroduction de la contribution pour l’aide juridique aurait des effets en premier lieu sur les petits litiges, ce qui s’oppose à la recherche d’une justice de proximité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur ces trois amendements, puisqu’ils ont pour objet de supprimer la contribution pour l’aide juridique que nous avons réinstaurée dans ce texte, à l’article 52 bis, après sa suppression en 2013.
Elle serait désormais modulée de 20 euros à 50 euros, en fonction du type d’instance engagée. Ce droit de timbre existe actuellement en cause d’appel, son montant étant de 225 euros. Le rétablissement de cette contribution, qui rapportait chaque année à peu près 50 millions d’euros aux caisses de l’État, a le mérite d’apporter une réponse simple, pérenne, efficace aux difficultés permanentes de financement de l’aide juridictionnelle, dont les dépenses sont en augmentation continue, pour un coût limité pour le justiciable, grâce à la modulation prévue par le dispositif que nous avons intégré dans le texte.
Comme lors de sa mise en place en 2011, cette contribution n’aurait pas à être acquittée pour certains contentieux, auxquels cet article, d’ailleurs, ajoute les procédures engagées par les salariés devant le conseil des prud’hommes. Par ailleurs, comme par le passé, les personnes éligibles à l’aide juridictionnelle ne seraient pas non plus redevables de cette contribution.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La commission des lois, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, a introduit un nouveau titre qui vise à accroître la maîtrise des dépenses d’aide juridictionnelle. C’est évidemment un objectif que partage pleinement le Gouvernement, mais, pour autant, nous n’avions pas décidé d’inclure dans cette loi de programmation et de réforme de la justice des dispositions sur l’aide juridictionnelle. Je redis ici ce que j’ai eu l’occasion de préciser devant la commission qui m’a entendue : il y a évidemment une difficulté, que je qualifierai de pérenne, autour de la notion d’aide juridictionnelle, qui tient à sa construction. Nous avons donc décidé de demander un rapport à l’Inspection générale de la justice et à l’Inspection générale des finances. Ce rapport, qui vient de nous être rendu, évoque un certain nombre de pistes, dont, notamment, le droit de timbre, tel que votre commission le propose ici, mais pas seulement. D’autres orientations sont exposées, par exemple sur les contrats d’assurance juridique, et d’autres encore.
Nous sommes convenus avec les représentants des avocats, c’est-à-dire avec le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et la Bâtonnière de Paris, de prendre le temps du dialogue et de la construction d’un dispositif pérenne autour de ce projet. C’est la raison pour laquelle, volontairement, nous n’avons pas mis de dispositions à ce sujet dans le projet de loi que je vous présente.
Cependant, je vous indique que nous avons budgété pour l’année 2019 des provisions suffisantes pour, d’une part, évidemment, maintenir le paiement de l’aide juridictionnelle dans les conditions dans lesquelles elle fonctionne aujourd’hui, et, d’autre part, prévoir également une augmentation liée à l’accroissement de la représentation obligatoire qui est prévu dans le projet que je vous propose. Nous avons donc sécurisé les financements dans le budget 2019.
Je pourrai vous présenter les dispositions résultant de cette concertation, que nous pourrions conduire ensemble, à l’occasion de la discussion du budget 2020.
Enfin, sur la disposition précise du rétablissement proposé par votre commission de la contribution pour l’aide juridique, que l’on appelle familièrement droit de timbre, avec un montant modulé entre 20 et 50 euros, je me pose plusieurs questions. D’une part, je m’interroge sur la précision de cet article au regard du principe d’égalité devant les charges publiques, dans la mesure où aucun critère n’est défini pour déterminer le montant de cette contribution au sein de cette fourchette de 20 à 50 euros. Il y a donc un doute sur une question juridique.
D’autre part, plus généralement, force est de constater que la réintroduction d’un droit de timbre fait l’objet de débats qui traversent non seulement le Parlement – le Sénat et, sans doute, l’Assemblée nationale –, mais aussi notre société, comme le montre le dépôt des trois amendements de suppression. Le droit de timbre, bien sûr, peut-être conçu comme une manière de responsabiliser les justiciables dans leur présence au sein du service public de la justice en les sensibilisant sur le coût réel de la justice et sur les saisines abusives. Toutefois, le paiement des frais de justice est une question qui, j’y insiste, est très sensible, et qui s’applique différemment selon les pays d’Europe. Il y a en effet un certain nombre de pays européens dans lesquels les frais de justice s’appliquent, ce qui ne doit pas être négligé, mais, en France, si tel a pu être le cas un moment, il n’en est plus ainsi. Ces dispositions méritent donc des échanges approfondis dans le cadre de la navette parlementaire. À ce stade, je m’en remets à la sagesse du Sénat, tout en ayant conscience que la difficulté et la délicatesse des débats sur ce sujet nous conduiront à approfondir cette question avec l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mme Sophie Joissains. En 2014, Jacques Mézard et moi-même avions rendu un rapport sur l’aide juridictionnelle, dans lequel nous avions pris acte de la suppression du droit de timbre, lequel posait des problèmes d’accès à la justice et d’égalité. Nous avions proposé deux pistes, qui n’ont pas été explorées depuis : la hausse des droits d’enregistrement et, dans le même temps, la taxation des contrats d’assurance protection juridique. Je pense déposer un amendement allant dans ce sens lors de la prochaine discussion budgétaire, et, en attendant, je ne voterai pas cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, le droit de timbre n’est en aucun cas une difficulté pour l’accès à la justice. Il est au contraire le moyen de financer l’aide juridictionnelle, sans laquelle un million de personnes n’auraient pas accès à la justice chaque année. Quand vous êtes impliqués dans un procès, vous versez plusieurs milliers d’euros à un avocat, du moins dans un certain nombre de cas, et vous seriez incapables de verser 20 euros à 50 euros de droit de timbre pour assurer le financement solidaire de l’aide juridictionnelle et permettre à d’autres d’accéder à la justice… Il me semble qu’il y a là une contradiction majeure. Chacun sait bien que la justice n’est pas gratuite, en réalité, et que le droit de timbre est simplement une contribution solidaire pour l’accès de tous à la justice. Il faut autoriser cette contribution, qui permettra de régler bien des problèmes d’accès à la justice dans notre pays.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 135, 204 et 299 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 52 bis.
(L’article 52 bis est adopté.)
Article 52 ter (nouveau)
Après l’article 18 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, il est inséré un article 18-1 ainsi rédigé :
« Art. 18-1. – Toute demande d’aide juridictionnelle est précédée de la consultation d’un avocat. Celui-ci vérifie que l’action envisagée n’apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.
« Cette consultation n’est pas exigée du défendeur à l’action, de la personne civilement responsable, du témoin assisté, de la personne mise en examen, du prévenu, de l’accusé, du condamné et de la personne faisant l’objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
« La rétribution due à l’avocat pour cette consultation est prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle si le demandeur remplit les conditions pour en bénéficier, à l’exception de celles fixées à l’article 7.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 42 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 93 est présenté par Mme Joissains.
L’amendement n° 183 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 300 rectifié est présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 42.
Mme Éliane Assassi. Cet article, qui a été introduit par les rapporteurs du texte, s’inspirant d’une mesure adoptée par le Sénat lors de l’examen de la proposition de loi sur le redressement de la justice, prévoit que toute demande d’aide juridictionnelle est précédée de la consultation d’un avocat, lequel vérifie que l’action envisagée n’apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.
Selon nous, cette mesure porte atteinte au principe d’accessibilité de la justice, en ajoutant un obstacle supplémentaire au parcours du justiciable qui souhaite saisir la justice, mais qui n’en a pas les moyens.
Par ailleurs, confier aux avocats, qui sont des acteurs privés, une mission relevant de l’autorité de l’administration, dans le seul objectif de réaliser des économies, n’est pas admissible.
Rappelons que « la justice est la sanction des injustices établies », pour reprendre les mots d’Anatole France, qui devraient nous inspirer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour présenter l’amendement n° 93.
Mme Sophie Joissains. Cette mission donnée à l’avocat est, certes, une mission de filtre, mais c’est surtout une mission de pré-jugement, ce qui, je pense, n’est pas le rôle de l’avocat, par nature partisan. De surcroît, il se retrouverait juge et partie dans cette position, ce qui n’est pas conforme à nos principes juridiques. Dans le rapport que Jacques Mézard et moi-même avions rendu, nous avions prévu le contrôle de la recevabilité au fond de l’affaire par le bureau d’aide juridictionnelle dans sa composition pluripartite.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 183.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est un amendement de suppression de l’article 52 ter introduit par la commission.
Je vais évidemment vous présenter une série d’amendements de suppression pour les raisons que j’ai indiquées précédemment, à savoir que je ne souhaite pas introduire de dispositions sur l’aide juridictionnelle. Soit je détaille à chaque fois les raisons pour lesquelles je souhaite la suppression, soit on considère que ma position est liée à la problématique générale, si vous m’y autorisez, madame la présidente.
Mme la présidente. Ils seront considérés comme étant défendus.
La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l’amendement n° 300 rectifié.
Mme Josiane Costes. Comme cela vient d’être dit et comme cela a été évoqué lors de l’examen de la proposition de loi pour le redressement de la justice, la réforme proposée pour le contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle rendant obligatoire la consultation préalable d’un avocat pose de nombreuses questions de principe et de mise en œuvre. En effet, ce dispositif tend à faire porter sur les avocats la charge d’un contrôle aujourd’hui effectué par l’administration, un contrôle qui devrait, au contraire, être renforcé, comme vous le proposez par ailleurs, messieurs les rapporteurs. D’autres l’ont déjà souligné, il s’agit également d’un obstacle supplémentaire entre le justiciable et le juge. C’est pour ces raisons que nous y sommes opposés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’avis est défavorable sur ces quatre amendements identiques.
Je rappelle simplement que l’article 52 ter a pour objet de prévoir la consultation obligatoire d’un avocat préalablement au dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, à l’exception des actions pour lesquelles le justiciable est défendeur ou, en matière pénale, des demandes relevant de l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle en raison de leur caractère urgent.
Il s’agit de rendre effectives les dispositions prévues à l’article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, qui n’a jamais été appliqué en pratique. Cet article prévoit que l’aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l’action n’apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement. Bien sûr, la mise en place de cette mesure supposera une organisation spécifique des barreaux, ainsi que divers ajustements pratiques qui devront être réglés par le pouvoir réglementaire.
Ce dispositif, s’il fonctionne correctement, devrait améliorer grandement le contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle. Cette attribution obéit aujourd’hui à une logique de guichet, disons les choses telles qu’elles sont : 90 % des demandes formulées en première instance donnent lieu à une admission, alors que ce taux est de 23 ,5 % en cassation, où l’aide juridictionnelle est refusée aux demandeurs si aucun moyen de cassation sérieux n’est relevé. Un grand nombre de rapports ont été rendus ces dernières années sur ce sujet-là, proposant divers dispositifs, qui, finalement, n’ont jamais été mis en œuvre. Il est temps d’essayer d’apporter une solution pratique.
Mme la présidente. Le Gouvernement est bien sûr favorable aux trois amendements identiques au sien, madame la ministre ? (Mme la garde des sceaux acquiesce.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 42, 93, 183 et 300 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 52 ter.
(L’article 52 ter est adopté.)
Article 52 quater (nouveau)
L’article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « peut recueillir » sont remplacés par le mot : « recueille » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« À cet effet, il consulte les services de l’État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales. Ceux-ci sont tenus de lui communiquer, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l’intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 43 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Benbassa et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.
L’amendement n° 180 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié.
Mme Michelle Gréaume. L’argumentaire développé pour défendre la suppression de l’article 52 ter est tout aussi valable pour cet article 52 quater. Dans le même esprit affiché par les rapporteurs de vouloir assurer un meilleur contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle, cet article sous-entend que certains justiciables feraient la demande de l’aide juridictionnelle alors que leurs ressources seraient suffisantes pour se payer les services d’un avocat par leurs propres moyens.
Il est donc proposé de récupérer les informations nécessaires pour juger du bien-fondé des demandes en sollicitant les organismes de sécurité sociale et les organismes assurant la gestion des prestations sociales.
Cette logique de suspicion à l’égard des plus vulnérables n’est pas acceptable, d’autant moins lorsque l’on connaît les difficultés que rencontrent les personnes les plus précaires pour accéder aux informations concernant leurs droits en matière d’aide juridictionnelle.
Mme la présidente. Puis-je considérer que votre amendement n° 180 est défendu, madame la garde des sceaux ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je veux simplement ajouter que la consultation des administrations qui détiennent des informations pertinentes pour l’instruction d’une demande d’aide juridictionnelle est prévue dans le cadre du projet informatique visant à simplifier les demandes d’aide juridictionnelle. Nous voulons en effet numériser ces demandes.
Par ailleurs, le ministère de la justice s’est engagé dans une démarche de convention avec la Caisse nationale des allocations familiales – CNAF –, ainsi que l’a préconisé la mission, dont je vous parlais précédemment, confiée à l’Inspection générale de la justice et à l’Inspection générales des finances sur diverses pistes d’amélioration pour l’aide juridictionnelle, afin de permettre aux bureaux d’aide juridictionnelle d’avoir accès aux données mises à disposition par la CNAF et qui sont nécessaires à l’instruction d’une demande d’aide juridictionnelle, via notamment le service « Mon compte partenaire ».
Pour toutes ces raisons, il me semble que la modification de la loi proposée par la commission n’est pas nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques.
En réalité, madame la ministre, nous visons le même objectif. La seule différence, c’est que la commission des lois souhaite rendre obligatoire la consultation par les bureaux d’aide juridictionnelle des services ou organismes sociaux compétents pour apprécier les ressources des demandeurs. Notre souhait est d’être efficace, naturellement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 rectifié et 180.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 52 quater.
(L’article 52 quater est adopté.)
Article 52 quinquies (nouveau)
Au premier alinéa de l’article 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, le mot : « étrangères » est remplacé par le mot : « relatives ».
Mme la présidente. L’amendement n° 182, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’article 52 quinquies vise à confier l’ensemble de la procédure de recouvrement de l’aide juridictionnelle au Trésor public. L’État peut recouvrer les sommes versées aux bénéficiaires de l’aide juridictionnelle auprès de la partie adverse, quand celle-ci perd son procès. Dans ce cas, on utilise la procédure de recouvrement de recettes non fiscales. Les états de recouvrement sont adressés au cours d’appel, lesquelles transmettent ensuite les titres de recettes au service du Trésor public. L’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de la justice, dans le rapport dont je fais état depuis maintenant quelques amendements, ont examiné ce point et elles ont conclu qu’il était contre-productif de modifier une nouvelle fois le circuit de recouvrement. En effet, il serait nécessaire de revoir encore le rôle de chaque acteur, de modifier les applications informatiques, ce qui, selon elles, ne serait pas pertinent.
La direction générale des finances publiques a fait évoluer son dispositif de recouvrement des recettes non fiscales pour plus d’efficacité. Elle a confié le recouvrement au comptable de l’ordonnateur qui émet le titre de perception. Il me semble que cela devrait améliorer le taux de recouvrement. Nous allons également, comme je l’ai déjà dit, développer un nouveau système d’information pour gérer l’aide juridictionnelle, ce qui devrait faciliter l’identification des sommes à recouvrer. Je demande donc la suppression de l’article 52 quinquies.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’avis est défavorable, puisque l’article que nous avons introduit améliore le taux de recouvrement des sommes versées au bénéfice de l’aide juridictionnelle à la suite d’une décision de retrait de l’aide ou auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès, dès lors que celle-ci n’est pas bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, en confiant ce recouvrement au Trésor public, dont on connaît la capacité « à faire ». En pratique, le retrait de l’aide juridictionnelle n’est que très rarement ordonné, puisqu’il représente environ 0,1 % du nombre annuel d’admissions. Et quand il l’est, les sommes ne sont recouvrées que dans 3 % ou 4 % des cas.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 52 quinquies.
(L’article 52 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 52 quinquies
Mme la présidente. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Henno, Daubresse et Pellevat, Mme N. Goulet, MM. Longeot, Charon et Lefèvre, Mmes Lassarade et Billon, MM. Kern, Bazin et Mandelli, Mme M. Mercier, MM. Kennel, Milon, Joyandet, Grand et Huré, Mme Deseyne, MM. Courtial et Moga, Mme Imbert, MM. Laménie et Sido, Mmes A.M. Bertrand et Lamure et MM. Duplomb, J.M. Boyer et Houpert, est ainsi libellé :
Après l’article 52 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 91–647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’elle agit devant la juridiction administrative, il est tenu compte, dans l’appréciation des ressources, de celles de ses membres, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. André Reichardt.