M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ces techniques spéciales d’enquête sont évidemment mises en place à l’insu de la personne qui est soupçonnée. Toute autre solution retenue n’aurait aucun sens en la matière.
J’ai omis de préciser que les éléments recueillis au moyen de ces techniques sont entourés de garanties.
D’une part, la décision de déclencher les investigations, je l’ai dit précédemment, est prise par un juge qui appréciera la nécessité de recourir à ces moyens. D’autre part, les éléments qui seront issus de la mise en place de ces techniques spéciales d’enquête pourront faire l’objet d’un recours en nullité lorsqu’ils seront soumis au débat contradictoire, pendant l’instruction et pendant l’audience de jugement. Il me semble donc que toutes les garanties sont prévues.
J’ai également omis de préciser que le Gouvernement souscrivait à l’ajout, proposé par la commission des lois, qui prévoit la possibilité pour le JLD de détruire les procès-verbaux et les supports d’enregistrement si des irrégularités ont été commises, sans qu’il soit nécessaire d’attendre la demande de nullité soulevée ultérieurement par la partie concernée. Encore une fois, les garanties sont apportées.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote sur l’article 29.
Mme Gisèle Jourda. Le groupe socialiste et républicain avait envisagé de demander la suppression du présent article. Mais la commission des lois a effectué un travail qui s’inscrit dans la logique que nous soutenons.
Elle a en effet proposé la suppression de l’extension inappropriée prévue et n’a pas remis en cause le principe d’un alignement du régime des techniques spéciales d’enquête, afin d’y apporter plus de lisibilité.
Elle a également complété le dispositif par un ensemble de garanties bienvenues : limitation à vingt-quatre heures de la durée d’autorisation de la technique, très intrusive, de captation des données informatiques ; exigence d’une ordonnance écrite et motivée ; exigence de mentionner dans la décision l’infraction qui motive le recours à la mesure de sonorisation et la durée de celle-ci ; nécessité de préciser dans l’autorisation l’infraction qui motive le recours aux opérations, ainsi que la durée de celles-ci ; interdiction, à peine de nullité, que les opérations aient un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées par les autorisations ; interdiction de conserver des séquences relatives à la vie privée qui sont étrangères aux infractions visées dans des décisions autorisant la mesure ; suppression de la nécessité pour le juge d’instruction, lors des informations judiciaires, de solliciter l’avis du procureur de la République.
Pour toutes ces raisons, nous suivrons la position de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l’article 29.
(L’article 29 est adopté.)
Article additionnel après l’article 29
M. le président. L’amendement n° 73 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Henno et Daubresse, Mme Renaud-Garabedian, M. Pellevat, Mme N. Goulet, MM. Longeot, Charon, Perrin, Raison et Lefèvre, Mmes Lassarade et Billon, MM. Kern, Bazin et Mandelli, Mme M. Mercier, MM. Kennel, Milon et Dufaut, Mmes Deromedi et Gruny, MM. Grand et Huré, Mme Deseyne, MM. Courtial et Moga, Mme Imbert, MM. Laménie et Sido, Mmes A.M. Bertrand et Lamure et MM. Duplomb, J.M. Boyer et Houpert, est ainsi libellé :
Après l’article 29
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le titre XXI bis du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré par un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« De la protection des interprètes et traducteurs
« Art. 706-63-3. – Les interprètes et traducteurs peuvent, sur autorisation du procureur de la République, du juge d’instruction ou du président de la formation de jugement déclarer comme domicile l’adresse de la juridiction devant ou au profit de laquelle ils interviennent.
« L’adresse professionnelle de ces personnes est alors inscrite sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au siège de la juridiction.
« Art. 706-63-4. – En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque l’exercice de sa mission est susceptible de mettre en danger la vie ou l’intégrité physique de l’interprète ou du traducteur, des membres de sa famille ou de ses proches, le procureur de la République, le juge d’instruction ou le président de la formation de jugement, peuvent, par décision motivée, autoriser que la mission soit exercée sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure ou ne soit dévoilée lors de l’audience. Cette décision n’est pas susceptible de recours.
« L’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction est jointe à la procédure. La décision du président de la formation de jugement figure au jugement. L’identité et l’adresse de l’interprète ou du traducteur sont inscrites sur un registre coté et paraphé, ouvert à cet effet au siège de la juridiction.
« Lorsqu’une nécessité impérieuse le justifie, l’interprète est placé dans un box ou derrière tout dispositif lui permettant d’être dissimulé au regard du public, des parties civiles ou des personnes mises en cause, mises en examen, prévenues, accusées ou condamnées.
« Art. 706-63-5. – En aucune circonstance, l’identité ou l’adresse de l’interprète ou du traducteur ayant bénéficié des dispositions des articles 706-63-3 et 706-63-4 ne peut être révélée.
« La révélation de l’identité ou de l’adresse d’un interprète ou d’un traducteur, ayant bénéficié des dispositions des articles 706-63-3 et 706-63-4 est punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
« Art. 706-63-6. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent titre. »
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Cet amendement a pour objet d’instaurer une procédure d’interprétariat sous X, sur le modèle du témoignage sous X. En effet, des difficultés particulières se posent avec les langues rares. Les interprètes étant peu nombreux et généralement connus dans les « communautés », ils sont régulièrement l’objet de pressions et de menaces sur eux-mêmes ou leur famille.
Cet amendement reprend une disposition qui avait déjà été adoptée par le Sénat lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale, en janvier 2017. J’ose espérer que cette mesure sera adoptée de nouveau aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission s’est interrogée sur les objectifs des auteurs de cet amendement et sur la faisabilité de celui-ci.
La possibilité de dissimuler l’interprète derrière un box doit éventuellement être évaluée. Est-ce faisable ? Cela rallongerait-il les délais d’audience ?… De nombreuses questions se posent, même si les problèmes soulevés sont intéressants.
La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, vous souhaitez créer un régime de protection pour les interprètes et les traducteurs en autorisant leur anonymat dans certaines circonstances.
Nous considérons que cela ne constitue pas une mesure de simplification, laquelle est l’un des objectifs premiers de notre texte.
Surtout, cette mesure ne paraît pas totalement nécessaire, du moins telle que nous l’avons comprise, puisque l’interprète ne fait que traduire des propos émis par d’autres. La comparaison avec le témoin, pour lequel il existe la possibilité de déposer sous X, ne me semble pas opérante. Le témoin peut bénéficier d’une protection parce qu’il est susceptible d’apporter des éléments de preuve, ce qui n’est pas le cas de l’interprète.
Par ailleurs, la possibilité pour le traducteur de ne pas déclarer son adresse est déjà prévue par le droit existant, qui n’exige pas cette mention en procédure, contrairement aux articles 103 et 445 du code de procédure pénale pour le témoin.
Enfin, l’interprète intervient souvent dans le cadre d’une audience publique, ce qui limite la possibilité d’anonymat.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission suit l’avis du Gouvernement.
4
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable, par 31 voix pour et 3 bulletins blancs, à la nomination de M. Bernard Doroszczuk aux fonctions de président de l’Autorité de sûreté nucléaire.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 1 du chapitre II du titre IV, à l’article 30.
TITRE IV (suite)
DISPOSITIONS PORTANT SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT DE L’EFFICACITE DE LA PROCEDURE PENALE
Chapitre II (suite)
Dispositions relatives aux phases d’enquête et d’instruction
Section 1 (suite)
Dispositions communes aux enquêtes et à l’instruction
Sous-section 2
Dispositions relatives au statut et aux compétences des officiers, fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire
Article 30
I. – L’article 16 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’habilitation est délivrée par le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle intervient la première affectation du fonctionnaire. Elle est valable pour toute la durée de ses fonctions, y compris en cas de changement d’affectation. » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « le précédent alinéa » sont remplacés par les mots : « les neuvième et avant-dernier alinéas ».
II. – Les troisième et quatrième alinéas de l’article 18 du code de procédure pénale sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les officiers de police judiciaire peuvent se transporter sur toute l’étendue du territoire national, à l’effet d’y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies, après en avoir informé le procureur de la République saisi de l’enquête ou le juge d’instruction. Ils sont tenus d’être assistés d’un officier de police judiciaire territorialement compétent si ce magistrat le décide. Le procureur de la République dans le ressort duquel les investigations sont réalisées est également informé par l’officier de police judiciaire de ce transport. »
III. – L’article 28 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nonobstant toute disposition contraire, lorsque les fonctionnaires et agents relevant du présent article doivent prêter serment avant d’exercer leur fonction, ce serment n’a pas à être renouvelé en cas de changement d’affectation de la personne. »
IV. – Aux premier et dernier alinéas de l’article 60, à la première phrase du premier alinéa de l’article 60-1 et à l’article 60-3 du code de procédure pénale, après les mots : « l’officier de police judiciaire», sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, l’agent de police judiciaire ».
V. – L’article 77-1-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorisation du procureur de la République n’est pas nécessaire si la réquisition est adressée à un organisme public ou si son exécution donne lieu à des frais de justice d’un montant inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire. »
VI. – Au premier alinéa des articles 76-2, 77-1, à la première phrase du premier alinéa de l’article 77-1-1, aux premier et deuxième alinéas de l’article 77-1-2, et à l’article 77-1-3 du code de procédure pénale, après les mots : « l’officier », sont insérés les mots : « ou l’agent ».
VII. – Au second alinéa de l’article L. 130-7 du code de la route, les mots : « est renouvelé » sont remplacés par les mots : « n’a pas à être renouvelé ».
M. le président. L’amendement n° 143, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Remplacer les mots :
pour toute la durée de ses fonctions
par les mots :
pour une durée de dix ans
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. L’article 30 vise à permettre, en toute bonne logique, qu’un officier de police judiciaire ayant reçu une habilitation ne soit pas obligé à chaque mutation ou mobilité d’être de nouveau habilité.
Néanmoins, nous pensons nécessaire d’ajouter à l’alinéa 3 que cette habilitation vaut pour une durée de dix ans. Le renouvellement systématique signifierait en effet qu’une personne qui recevrait une habilitation à l’âge de 25 ans la garderait ad vitam aeternam, alors qu’il nous paraît logique d’exercer, à un moment donné, un contrôle sur le bien-fondé de cette habilitation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Dans un souci de simplification, le Gouvernement a proposé que l’habilitation des officiers de police judiciaire, les OPJ, ne soit plus renouvelée à chaque fois qu’ils changent d’affectation.
Le présent amendement tend à prévoir un renouvellement de l’habilitation tous les dix ans, afin de garantir, comme l’a indiqué Jacques Bigot, un contrôle régulier de l’autorité judiciaire. Cette proposition figurait dans le rapport Beaume-Natali.
Cette formalité supplémentaire n’a pas paru nécessaire à la commission des lois pour garantir le contrôle de l’autorité judiciaire qui s’exerce surtout par le biais de la notation des OPJ par les procureurs généraux et du contrôle qu’exerce la chambre de l’instruction, laquelle peut décider qu’un OPJ n’exercera plus, temporairement ou définitivement, ses fonctions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis est défavorable, pour les raisons que vient d’évoquer M. le rapporteur.
Je rappelle que nous nous situons dans le cadre d’un projet de loi de simplification de la procédure pénale. Or l’amendement que vous proposez, monsieur le sénateur, ne va pas, me semble-t-il, en ce sens.
Par ailleurs, ainsi que l’a rappelé M. Buffet, les évaluations régulières auxquelles sont soumis les OPJ suffisent amplement à vérifier les compétences de ces derniers.
M. le président. L’amendement n° 145, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Alors que la réalisation d’actes d’enquête sur l’ensemble du territoire national nécessite une autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, l’article 30 du projet de loi prévoit de n’exiger qu’une simple information, dans le but de simplifier le formalisme actuel.
Cette autorisation prescrite par le droit en vigueur ne peut être analysée comme une simple formalité administrative sans importance particulière. Elle permet d’assurer le contrôle du magistrat – le procureur est un magistrat, comme cela nous a été rappelé à plusieurs reprises aujourd’hui – sur la direction des enquêtes.
En pratique, la demande d’autorisation implique actuellement que l’officier de police judiciaire rende compte de l’avancée de l’enquête auprès du magistrat. Il est donc permis de s’interroger sur l’intérêt opérationnel d’une telle mesure.
Par ailleurs, la présence d’un officier de police judiciaire territorialement compétent est aujourd’hui imposée par l’article 18 du code de procédure pénale lors des opérations réalisées par les enquêteurs hors de leur ressort, afin de permettre la prise en compte de toute situation imprévue. L’article 30 du projet de loi prévoit de rendre cette exigence facultative, à la discrétion du magistrat.
Cette disposition risque de créer des situations procédurales et opérationnelles particulièrement dommageables, par exemple en cas de découverte incidente ou inopinée de stupéfiants ou d’armes au cours d’une perquisition. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article 30.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Le texte prévoit de faciliter le déplacement des OPJ sur le territoire national : au lieu d’imposer une commission rogatoire du juge d’instruction ou une réquisition du procureur, une simple information de ces magistrats suffira pour que l’OPJ poursuive son enquête en dehors des limites de son lieu d’exercice habituel.
La commission des lois a estimé que cette évolution était positive. Comme c’est déjà le cas, le juge d’instruction ou le procureur pourrait exiger que l’OPJ soit accompagné d’un OPJ territorialement compétent.
À une époque où la délinquance est extrêmement mobile, il n’est pas inutile que les OPJ puissent profiter de cette avancée juridique.
Je crois d’ailleurs me rappeler que nous avions à plusieurs reprises regretté de ne pas pouvoir aller en ce sens pour améliorer l’efficacité de nos forces de l’ordre.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.
De plus, je rappelle que le procureur, une fois informé, pourra toujours s’opposer à cette possibilité. Les éléments sont donc, me semble-t-il, suffisamment clairs.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Karoutchi, Daubresse et Courtial, Mme Duranton, MM. Joyandet, Grosdidier et Brisson, Mme Deroche, MM. Duplomb et de Legge, Mme Deromedi, M. Mouiller, Mme Lassarade, M. H. Leroy, Mme Bonfanti-Dossat, M. Pellevat, Mme Estrosi Sassone, MM. Husson, Magras et D. Laurent, Mmes Raimond-Pavero, Morhet-Richaud et Eustache-Brinio, M. Houpert, Mmes Lanfranchi Dorgal et M. Mercier, MM. Sol, Ginesta, Bazin, Dallier, Chatillon, Kennel, Poniatowski, Gilles, Piednoir et Bonhomme, Mmes Procaccia, de Cidrac et Micouleau, M. Mandelli, Mme Bories, MM. Genest, Savary, Lefèvre et Huré, Mme Troendlé, M. Forissier, Mme Deseyne, M. Babary, Mmes Thomas et Lopez, MM. Bouchet et Paul, Mme Berthet, MM. Mayet, Sido et Rapin, Mmes Lherbier et Puissat, MM. Savin et Revet et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Après l’article 20-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 20-2 ainsi rédigé :
« Art. 20-2. – Les sous-officiers et officiers de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale peuvent également bénéficier de la qualité d’agent de police judiciaire lorsqu’ils sont appelés pour occuper un poste comportant cet exercice. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. Il précise les conditions d’expérience et les qualités requises pour bénéficier de la qualité d’agent de police judiciaire au titre du présent article. »
… – Au 1° bis de l’article 21 du code de procédure pénale, la référence : « l’article 20-1 » est remplacée par les références : « les articles 20-1 et 20-2 ».
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. À l’origine, la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale avait pour objet de seconder les gendarmes dans leurs missions en période estivale ou de pallier une absence d’effectifs.
Sa finalité a depuis évolué et, sous l’autorité de leur commandant d’unité, les réservistes effectuent à présent des missions en autonomie dans le cadre d’un détachement de surveillance et d’intervention. Ils sont alors des entités opérationnelles à part entière et peuvent notamment être amenés, en tant que primo-arrivants, à constater des crimes, délits ou contraventions et à en dresser procès-verbal.
Le problème vient du fait que cette compétence est exclue pour ceux d’entre eux qui sont recrutés au sein de la société civile. Ils sont légalement limités à la qualité d’agents de police judiciaire adjoints, en application de l’article 21 du code de procédure pénale, qualité judiciaire insuffisante au regard de l’évolution de leur emploi. Pour être plus efficaces, il faudrait qu’ils puissent être agents de police judiciaire, APJ, tels que les gendarmes d’active ou ceux qui, à la retraite, sont appelés au titre de la réserve opérationnelle.
Cela mettrait ainsi juridiquement fin à une inégalité entre les réservistes dits « anciens de l’arme » et ceux qui sont issus du secteur civil. Au même grade, un sous-officier de réserve devrait en effet avoir accès à la même qualité judiciaire, et ce peu importe l’origine de son recrutement, à partir du moment où il répond aux exigences de connaissances requises pour accéder à la compétence dont il s’agit.
De plus, la direction générale de la gendarmerie nationale a mis en place la formation de jeunes officiers de réserve, majoritairement issus de la société civile, appelés à commander aussi bien les personnels venant de la société civile que ceux qui ont fait leur carrière au sein de la gendarmerie nationale.
Il paraît ainsi doublement contradictoire que ces officiers de réserve soient, sur un plan militaire, leurs supérieurs et, sur un plan judiciaire, leurs subordonnés, alors que, pour les gendarmes de carrière, la qualité judiciaire conditionne la progression hiérarchique.
C’est pourquoi, afin de gagner en logique, en clarté et en efficience, nous proposons cet amendement qui permet l’accès à la qualité d’APJ aux sous-officiers et officiers de la réserve opérationnelle de la gendarmerie.
En concertation avec la direction générale de la gendarmerie nationale, il appartiendra au pouvoir exécutif, par décret en Conseil d’État, de fixer les conditions d’accès à cette qualité judiciaire, et donc à l’un de ces deux corps. Cela pourrait se faire par l’obtention d’une certification, à la suite d’un contrôle de connaissances.
Leur apprentissage aurait alors lieu à distance avec pour obligation de préparer l’examen à partir de la plateforme en ligne GendForm 3.0, qui a été élaborée par la gendarmerie nationale depuis plusieurs années et qui a fait ses preuves.
L’épreuve réussie, le réserviste pourrait alors accéder au corps des sous-officiers ou officiers de réserve, condition nécessaire pour devenir APJ.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement apporte une réponse intéressante à une difficulté opérationnelle que rencontrent parfois nos concitoyens engagés dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie : à ce jour, ils ne sont pas habilités à dresser le procès-verbal des infractions qu’ils constatent, car ils n’ont pas la qualité d’APJ, alors qu’ils jouent un rôle opérationnel de plus en plus important sur le terrain. J’évoque bien le cas des personnes engagées dans la réserve, dans laquelle elles exercent une réelle activité.
L’amendement prévoit qu’elles puissent accéder à cette qualité d’APJ, sous réserve de satisfaire certaines conditions d’ancienneté et de qualification. Un décret en Conseil d’État préciserait les conditions à remplir.
Le dispositif paraît à la commission pragmatique et bien encadré, ce qui l’a conduite à émettre un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je souhaiterais le retrait de votre amendement. À défaut, l’avis serait défavorable non pas pour une question de principe, mais parce qu’il nous semble, en effet, que cet amendement est satisfait par le droit positif, et donc inutile.
Aux termes des articles 20 et 20-1 du code de procédure pénale, sont déjà APJ les gendarmes servant dans la réserve. Les attributions attachées à cette qualité ne peuvent être exercées qu’en cas d’affectation à un emploi comportant cet exercice.
M. le président. Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Je veux apporter une précision. Mme la ministre a évoqué le cas des anciens gendarmes qui servent dans la réserve ; or nous parlons bien ici de la réserve civile, c’est-à-dire des personnes ne provenant pas du corps de la gendarmerie, mais servant dans la réserve de la gendarmerie. Il s’agit d’une situation quelque peu différente.