Mme Marie-Noëlle Lienemann. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Je souscris tout à fait à cela. L’asile est un droit prévu par une convention de Genève qui engage la France, la République. Pour l’immigration, il y a des politiques, c’est tout à fait différent.
Ce texte, cela a été dit et redit, ne parle pas de l’Europe, ou si peu. Or le problème est déjà européen. La Méditerranée est devenue un cimetière à ciel ouvert : des milliers de personnes y meurent. L’Europe et la France doivent effectivement jouer un rôle majeur à cet égard et lutter fortement contre les passeurs.
Je sais la difficulté en Libye, y compris par rapport à cette île proche de la Tunisie, au large de Sfax. Un travail énorme doit donc être réalisé, parce que certains profitent de la misère humaine. Des villages entiers se cotisent pour que des personnes trouvent une place, s’entassent, dans ces embarcations de fortune qui feront naufrage, pour le plus grand profit de tous ces passeurs.
Compte tenu de tous ces problèmes, une politique d’intégration est nécessaire, cela a été fort bien dit. Toutefois, les mesures que vous annoncez, madame la ministre, ne permettront pas d’augmenter sensiblement le nombre d’obligations de quitter le territoire français véritablement réalisées ou celui des déboutés du droit d’asile qui seront reconduits à la frontière. Par conséquent, on a le sentiment que ce texte concentre beaucoup de critiques.
J’en reviens à la question préalable.
Mes chers collègues, je suis en désaccord avec la façon dont nous fonctionnons par rapport à des textes comme celui-là.
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte. Je ne comprends pas que l’on y recoure aussi facilement. Depuis un an, le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, a présenté un seul texte, je dis bien un seul, selon la procédure normale : la réforme constitutionnelle.
M. Roger Karoutchi. Ce n’était pas possible autrement !
M. Jean-Pierre Sueur. Et pour cause ! S’il avait choisi d’engager la procédure accélérée, le résultat eût été acquis d’avance, si je puis dire. Pourquoi cette volonté constante de précipitation ?
M. François Patriat. Il faut réformer !
M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher François Patriat, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Je me souviens d’une période, pas si lointaine, où, dans cette assemblée, pour des projets aussi importants que les quatre textes dont nous avons été saisis au cours de ce mois de juillet, deux semaines étaient prévues par projet, et la procédure accélérée n’était pas engagée, car il est important de bien légiférer. Ce n’est pas en entassant les textes que l’on travaille correctement.
Comme je l’ai dit, et je maintiens cette expression, il s’agit d’une question préalable de confort. Pour notre part, nous avons déposé vingt-neuf amendements – nous avons choisi ceux qui sont pour nous principaux –, et nous sommes prêts à en débattre maintenant, demain, après-demain, compte tenu de l’importance des sujets. On nous dit que ce n’est pas la peine, puisque, de toute façon, l’Assemblée nationale reprendra son texte tel quel.
Mes chers collègues, intégrer un tel raisonnement est assez dramatique eu égard à la conception que nous avons du débat parlementaire. Je me souviens de dernières lectures où, conformément à ce qui est écrit dans la Constitution, l’Assemblée nationale a retenu la rédaction du Sénat. D’ailleurs, en ultime lecture, l’Assemblée nationale peut retenir des amendements du Gouvernement, en général techniques, et des formulations du Sénat.
Si vous adoptez cette motion tendant à opposer la question préalable, vous présupposez qu’il n’est pas utile de débattre, car l’Assemblée nationale restera statique et, donc, que tout est acquis. Or souvenez-vous de ce que nous avons dit ici même, avec le président Larcher, dans de très nombreux groupes de travail sur la réforme de la Constitution et de la grande attention qui est la nôtre par rapport à certaines propositions du Gouvernement pour réduire le rôle du Sénat après la CMP.
Nous sommes aujourd’hui après la CMP. Or le projet de réforme constitutionnelle, qui va à l’encontre du bicamérisme, monsieur le président de la commission des lois, prévoirait en quelque sorte que le Sénat n’ait plus droit à la parole après la commission mixte paritaire. Si nous renonçons nous-mêmes à ce droit à la parole, nous ne fortifions pas les arguments qui sont les nôtres pour maintenir ce droit du Sénat dans le cadre du bicamérisme.
Voilà les raisons pour lesquelles notre groupe votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai bien entendu les avis et les positions des uns et des autres, y compris les qualificatifs utilisés pour désigner cette question préalable. Je me bornerai à dire que le Gouvernement prendra acte du vote du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela a le mérite d’être bref…
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 231 :
Nombre de votants | 307 |
Nombre de suffrages exprimés | 266 |
Pour l’adoption | 166 |
Contre | 100 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
5
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des lois a émis un avis favorable – 12 voix pour, 1 bulletin blanc – à la nomination de M. Jean-Raphaël Alventosa aux fonctions de médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.
6
Ajournement du Sénat
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, je constate que le Sénat a épuisé son ordre du jour pour la session extraordinaire.
M. le président du Sénat prendra acte de la clôture de cette session lorsque nous aurons reçu le décret de M. le Président de la République portant clôture de la session extraordinaire du Parlement.
Cette information sera publiée au Journal officiel et sur le site internet de notre assemblée.
Sous réserve de la publication du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire et de la communication de la lettre d’ordre du jour du Gouvernement, la prochaine séance devrait avoir lieu le mardi 25 septembre, à quinze heures et le soir, avec l’ordre du jour suivant :
À quinze heures :
Ouverture de la seconde session extraordinaire 2017-2018.
Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (A.N., n° 1135).
À seize heures trente :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq et le soir : sous réserve de sa transmission, suite de la nouvelle lecture du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (A.N., n° 1135).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quinze.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD