M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.
M. Henri Cabanel. Apprécier l’intérêt public et l’ensemble des enjeux très en amont devrait être « la » cause commune des élus qui ont un projet et de l’administration qui va instruire les différentes phases de ce projet.
Dans la vraie vie, la réalité est tout autre : les élus foncent souvent tête baissée dans la phase d’opérationnalité et se heurtent à des administrations qui, au mieux, s’en tiennent strictement à la lettre, sans comprendre les difficultés concrètes vécues par les élus, et qui, au pire, interprètent les textes et donnent parfois des avis divergents. Le tout crée un malaise palpable sur le terrain entre les élus et les fonctionnaires de l’État et induit surtout des blocages qui nuisent in fine aux populations. Pourtant, les solutions et les pistes de travail existent pour redonner de la confiance aux trois parties prenantes : citoyens, élus et administrations.
En premier lieu, le certificat de projet, qui est peu connu et donc peu utilisé. Cet instrument de sécurité juridique et de stabilisation du droit permet au préfet de département de notifier un engagement à un porteur de projet sur les différentes procédures à respecter et les délais de délivrance des autorisations. Expérimenté en 2014 dans différents départements, il a été pérennisé au moment de la création de l’autorisation environnementale unique en tant qu’étape préalable au dépôt du dossier d’autorisation. Cette mesure est en vigueur depuis le 1er mars 2017.
Une autre solution pourrait être mise en place facilement : connecter les administrations entre elles pour décloisonner l’instruction. Une « équipe projet » serait systématiquement constituée en amont, composée d’un pilote élu et d’un pilote pour l’administration. L’idée est de mettre autour de la table toutes les administrations qui, du coup, ne pourront plus camper sur des positions figées qui se contredisent souvent.
Enfin, je rappelle l’une des propositions issues de la mission d’information relative à la démocratie, que j’ai présidée en 2017 aux côtés de Philippe Bonnecarrère, rapporteur : envisager, à long terme, la création d’une procédure continue de consultation du public couvrant toutes les phases du projet d’infrastructure et placée sous l’égide d’un garant désigné par la Commission nationale du débat public.
Tout cela ne pourra se faire qu’en changeant de méthode : changer la méthode de travail en passant d’un travail individuel à un travail collectif ; changer les postures et les mentalités. Comme le veut le projet de loi, l’administration doit revenir à sa source : le conseil et l’accompagnement.
M. le président. Monsieur Cabanel…
M. Henri Cabanel. Pour ce faire, les équipes doivent avoir une nouvelle doctrine commune. La volonté du Gouvernement de supprimer 120 000 fonctionnaires est contradictoire avec ce désir de changement. Permettez-moi de douter de la réussite de ce projet de loi. Si vous diminuez les effectifs, cela aura pour conséquence de creuser encore le fossé entre les administrations, les citoyens et les élus.
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite vraiment à respecter le temps qui vous est imparti pour que nous puissions terminer l’examen de ce texte ce soir.
L’amendement n° 10, présenté par Mmes Préville, Taillé-Polian et Meunier, MM. Durain, Kanner et Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel, Mazuir et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les économies réalisées par la dématérialisation sont prioritairement mobilisées à la mise en œuvre de mécanismes d’accompagnement des publics exposés au risque de marginalisation numérique.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. La dématérialisation des procédures par les services publics conduit à l’exclusion d’un certain nombre d’usagers, qui se retrouvent dans l’incapacité d’accomplir leurs démarches. C’est le cas des personnes qui résident dans les zones blanches, des personnes qui ne sont pas pourvues de matériel informatique ou encore de celles qui ne maîtrisent pas l’outil numérique.
Dans le même temps, le ministre de l’économie et des finances annonce une économie de plus de 60 millions d’euros grâce à la dématérialisation des feuilles d’impôts, des passeports ou des permis de conduire.
Il serait souhaitable qu’une partie des gains réalisés grâce à cette dématérialisation des services publics soit consacrée au financement des services d’accueil du public, aux personnes les plus vulnérables notamment, par exemple dans les maisons de services au public. Il est important de conserver une voie alternative aux services numériques pour ne pas favoriser un processus de marginalisation numérique.
C’est un fait : nous avons et garderons pour des années encore des citoyens vulnérables face au numérique. Ne les laissons pas au bord du chemin et choisissons de les accompagner tant qu’il le faudra, par esprit d’égalité et de fraternité en somme !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Nous gardons le même point de vue qu’en première lecture au sujet de l’annexe à laquelle renvoie l’article 1er. Il s’agit de « droit mou » dont les principes ressemblent davantage à des incantations qu’à des dispositions normatives. Si vous vous souvenez de l’examen de ce texte en première lecture, vous devez vous rappeler que beaucoup de nos collègues avaient voulu ajouter énormément de phrases et de souhaits. Or nous ne désirons pas la modifier.
Sur le fond, le principe que vous évoquez, ma chère collègue, semble bien entendu louable. Toutefois, s’il devait produire des effets, il irait à l’encontre du principe d’universalité budgétaire. Il porterait également atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement, exactement pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées par Mme la rapporteur.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué par l’article 1er et l’annexe.
(L’article 1er et l’annexe sont adoptés.)
TITRE Ier
UNE RELATION DE CONFIANCE : VERS UNE ADMINISTRATION DE CONSEIL ET DE SERVICE
Chapitre Ier
Une administration qui accompagne
Article 2
I. – Le code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° (Non modifié) L’intitulé du titre II du livre Ier est ainsi rédigé : « Les procédures préalables à l’intervention de certaines décisions » ;
2° Le même titre II est complété par des chapitres III et IV ainsi rédigés :
« CHAPITRE III
« Droit à régularisation en cas d’erreur
« Art. L. 123-1. – Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration, qui y est tenue, dans le délai que celle-ci lui a indiqué.
« La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude.
« Les premier et deuxième alinéas ne sont pas applicables :
« 1° Aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne ;
« 2° Aux sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement ;
« 3° Aux sanctions prévues par un contrat ;
« 4° Aux sanctions prononcées par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle.
« Art. L. 123-2. – Au sens du présent titre :
« 1° Est de mauvaise foi, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation ;
« 2° A procédé à des manœuvres frauduleuses, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation et mis en œuvre des procédés destinés à masquer cette méconnaissance ou à la présenter sous la forme d’une opération régulière, dans le but de faire obstacle au pouvoir de contrôle et de vérification de l’administration.
« En cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi et de la fraude incombe à l’administration.
« CHAPITRE IV
« Droit au contrôle et opposabilité du contrôle
« Art. L. 124-1. – Sans préjudice des obligations qui lui incombent, toute personne peut demander à faire l’objet d’un contrôle prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. La demande précise les points sur lesquels le contrôle est sollicité.
« L’administration procède à ce contrôle dans un délai maximum de six mois, sauf en cas de mauvaise foi du demandeur, de demande abusive ou lorsque la demande a manifestement pour effet de compromettre le bon fonctionnement du service ou de mettre l’administration dans l’impossibilité matérielle de mener à bien son programme de contrôle.
« Art. L. 124-2. – Sous réserve des droits des tiers, toute personne contrôlée peut opposer les conclusions expresses d’un contrôle effectué en application de l’article L. 124-1 à l’administration dont elles émanent, dès lors que celle-ci a pu se prononcer en toute connaissance de cause.
« Ces conclusions expresses cessent d’être opposables :
« 1° En cas de changement de circonstances de droit ou de fait postérieur de nature à affecter leur validité ;
« 2° Lorsque l’administration procède à un nouveau contrôle donnant lieu à de nouvelles conclusions expresses.
« Les premier à quatrième alinéas du présent article ne peuvent faire obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement.
« Lorsque l’administration constate, à l’issue de son contrôle, une méconnaissance des règles applicables à la situation de la personne contrôlée, celle-ci peut régulariser sa situation dans les conditions prévues aux articles L. 123-1 et L. 123-2. » ;
3° Après la quatorzième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 123-1 et L. 123-2 |
Résultant de la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance |
|
L. 124-1 et L. 124-2 |
Résultant de la loi n° … du … pour un État au service d’une société de confiance |
». |
II. – (Non modifié)
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Par les hasards de l’existence, certains articles prennent un relief particulier à la lumière d’événements récents, dont je ne parlerai pas, je vous rassure, même si tout le monde comprend à quelle situation je veux faire allusion. (Sourires.) C’est le cas de l’article 2, qui prévoit, en son alinéa 6, qu’« une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation […] ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction ».
Quand on prend la liste des exonérations à ce principe, on s’aperçoit qu’un certain nombre d’actes commis ces derniers jours n’y figurent pas. Dès lors, vous comprenez bien que cet article rapporté à la situation actuelle nous poserait d’énormes problèmes, puisque, tel qu’il est rédigé, il ne prend pas en compte le contexte dans lequel la faute a été réalisée.
Certains considèrent que cette faute est mineure, quand d’autres estiment qu’il s’agit d’une affaire d’État. En l’occurrence, l’article 2 nous pose un immense problème, parce que le principe sur lequel il repose est tellement vaste qu’il en devient inapproprié, compte tenu encore une fois des événements récents.
Nous vous proposons de laisser passer un certain nombre de jours, puis de revenir après un temps de réflexion avec une meilleure rédaction, car, aujourd’hui, celle-ci nous semble dangereuse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Le présent amendement tend à supprimer l’article 2, qui instaure un droit de régularisation en cas d’erreur et un droit au contrôle au bénéfice de tout usager de l’administration.
Je peux comprendre les motivations qui vous ont conduit à déposer cet amendement, mon cher collègue, dans la mesure où j’ai moi-même déploré en première lecture l’absence d’une véritable étude d’impact sur ces dispositions. Néanmoins, j’ai tout de suite indiqué que j’adhérais au dispositif proposé, qui consiste à simplifier les démarches des usagers, dans le respect du droit. C’est pourquoi j’ai présenté une série d’ajustements, adoptés par le Sénat en première lecture, et destinés à rendre le dispositif plus précis et plus incitatif, tout en renforçant l’accès à ce nouveau droit pour tous les usagers.
Ces modifications ont de nouveau été intégrées au texte de la commission en nouvelle lecture, puisque les propositions du Sénat n’ont pas été prises en compte par l’Assemblée nationale, sans véritable justification d’ailleurs. Parmi ces propositions, et s’agissant du droit à l’erreur, nous avons notamment adopté une définition de la fraude applicable au droit à l’erreur, qui complète celle de la mauvaise foi.
Je rappelle également que le champ d’application retenu est celui des procédures dans lesquelles l’administration peut appliquer une sanction pécuniaire ou une sanction consistant dans la privation ou la suspension d’une prestation due. Ce champ est donc assez limité et concerne bien les bénéficiaires des prestations sociales.
S’agissant du droit au contrôle, enfin, nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen de l’amendement n° 17, mais je tiens simplement à rappeler que l’administration peut toujours refuser le contrôle de manière discrétionnaire, si cette décision est justifiée.
La commission est donc défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’article 2 est la pierre angulaire du texte que nous présentons pour établir une nouvelle relation de confiance entre l’usager et l’administration. Bien que nous ayons quelques divergences avec l’approche de la commission spéciale du Sénat, nous ne souhaitons évidemment pas la suppression de cet article. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. M. le secrétaire d’État est monté au filet sur Sénèque. Moi, j’adore l’humour et l’esprit. Alors, je vais lui retourner une balle de fond de court : « Le bon juge condamne le crime sans condamner le criminel. » Ça vous fera réfléchir sur la situation actuelle.
M. Julien Bargeton. On avance…
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 9 rectifié est présenté par Mmes Préville, Taillé-Polian et Meunier, MM. Durain, Kanner et Cabanel, Mme Espagnac, MM. Lurel, Mazuir et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 14 rectifié est présenté par M. Menonville, Mme N. Delattre, MM. Requier, Arnell et Artano, Mme Costes, MM. Gabouty et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exception de la déclinaison de la politique agricole commune laissée à l’appréciation des États membres
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
Mme Angèle Préville. Le présent projet de loi exclut de l’application du droit à l’erreur les règles issues du droit européen. Or, dans le cas de la politique agricole commune, la PAC, il existe plusieurs volets définis par les États membres.
Chaque année, pour bénéficier des aides financières européennes de la PAC, les agriculteurs doivent remplir des dossiers de demande, rédigés par l’administration et les services français, dans lesquels il n’est pas rare de se perdre. Les nouveaux dispositifs de la PAC impliquent des dossiers de plus en plus complexes, et les formulaires demandent un haut degré de précision.
Le travail quotidien de nos agriculteurs est rude, prenant, vous le savez. Ils n’ont aujourd’hui ni forcément le temps ni l’appui technique pour remplir ces dossiers. Cet amendement vise donc à faire en sorte que, dans les domaines définis par les États membres, en l’occurrence ceux qui relèvent des décisions de l’État français, le droit à l’erreur puisse s’appliquer.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Ces deux amendements tendent à inclure dans le champ d’application du droit à l’erreur les sanctions relatives à la politique agricole commune.
Comme je l’ai déjà expliqué en première lecture et en commission, si je comprends bien l’intention des auteurs de ces amendements, il n’est pas utile de formaliser expressément dans la loi le fait que les sanctions prises en application de la déclinaison de la politique agricole commune, laissées à l’appréciation des États membres, sont bien incluses dans le champ d’application du droit à l’erreur, puisque c’est déjà le cas. En effet, en application des dispositions qui figurent à l’article 2, chaque fois que les États membres disposeront d’une marge d’appréciation dans le prononcé d’une sanction, les agriculteurs pourront faire jouer leur droit à l’erreur dans les conditions de droit commun définies aux articles L. 123-1 et L. 123-2 du code des relations entre le public et l’administration, nouvellement créés par le projet de loi.
En revanche, les sanctions qui doivent être prises en application du droit de l’Union européenne et qui ne sont pas laissées à l’appréciation des États membres devront être appliquées sans qu’il soit possible d’y déroger, comme le prévoient également les dispositions de l’article 2, conformément à nos engagements juridiques européens.
En outre, ces amendements ont pour objet de réaffirmer ce principe pour une seule matière, la PAC, alors que celui-ci est d’ores et déjà satisfait et garanti par le dispositif proposé pour l’ensemble des politiques faisant l’objet d’une harmonisation européenne.
Non seulement l’objet des amendements est satisfait, mais leur adoption risquerait en plus d’induire des interprétations a contrario pour les autres politiques européennes qui pourraient éventuellement être concernées. Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Ne sont exclus du droit à l’erreur que les cas dans lesquels la France ne dispose pas de marges d’appréciation pour prononcer une sanction en application des règles européennes. Pour les agriculteurs, c’est donc seulement lorsque l’État membre n’a pas d’autre choix que d’infliger une sanction au titre de la politique agricole commune que le droit à l’erreur ne s’appliquera pas. En revanche, chaque fois que les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans le prononcé d’une sanction, les agriculteurs pourront faire jouer leur droit à l’erreur.
Comme l’a rappelé Mme la rapporteur, ce que je dis pour les agriculteurs vaut pour l’ensemble des personnes concernées par une politique communautaire.
Considérant la demande des auteurs de cette disposition comme satisfaite, le Gouvernement a apporté son soutien à sa suppression à l’Assemblée nationale. C’est ce qui me conduit aujourd’hui à émettre un avis défavorable sur les amendements qui visent à la rétablir.
M. le président. Madame Préville, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?
Mme Angèle Préville. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié est retiré.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’amendement n° 9 rectifié.
M. Marc Laménie. On peut vraiment comprendre les auteurs de cet amendement, car ils prennent en compte les difficultés que rencontre le monde agricole avec toutes les démarches liées aux dossiers de demande d’aides européennes dans le cadre de la politique agricole commune. Il faut reconnaître que tout cela est particulièrement compliqué. D’ailleurs, cela fait quelques années que l’on dénonce ces pratiques technocratiques.
Cela étant, je m’alignerai sur la position des rapporteurs, en soulignant le travail considérable accompli par toutes celles et tous ceux qui, issus de commissions différentes, se sont regroupés au sein de cette commission spéciale. Je signale à ce titre que le rapport de la commission comporte 270 pages.
L’examen de cet amendement me permet aussi de rebondir modestement sur l’intitulé du chapitre Ier, dont fait partie l’article 2. Je le dis, cet intitulé est trop large. Derrière cette « administration qui accompagne », beaucoup de ministères sont concernés. Ils accompagnent aussi bien les chefs d’entreprise que les particuliers, les sociétés ou les collectivités locales.
Malgré cet amendement, dont je comprends et respecte tout à fait l’esprit, notamment parce qu’il a le mérite de poser des questions qui ne sont pas nouvelles, on peut comprendre avec un peu de recul la position des rapporteurs, à laquelle je me rallierai. (Mmes Dominique Vérien et Michèle Vullien applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 17 à 29
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Dans un premier temps, permettez-moi de relire l’avis du Conseil d’État sur le présent projet de loi.
Si « le Gouvernement entend ainsi privilégier le dialogue et le conseil au détriment du contrôle et de la sanction et renforcer la sécurité juridique des personnes », le Conseil d’État « estime qu’en créant une procédure supplémentaire sans simplifier les normes et les procédures existantes, le mécanisme du “droit au contrôle” […] n’y répond que très imparfaitement ».Il ajoute que « ce dispositif, dont le champ d’application est extrêmement vaste, pourrait porter atteinte au bon fonctionnement de l’administration dès lors qu’il prévoit que celle-ci est tenue de faire droit à cette demande dans un délai raisonnable sans tenir suffisamment compte de ses moyens et de ses effectifs ». Il « relève que les moyens des services de l’État ont souvent été fortement réduits et ne lui permettent pas toujours d’assumer ses missions premières, au risque d’exposer la responsabilité de l’État et la responsabilité pénale de ses agents ».
Je crois que ces remarques sont tout à fait fondamentales. Ne prenons qu’un seul exemple, celui de l’administration fiscale, qui, bon an mal an, réalise entre 40 000 et 45 000 contrôles sur place avec ses équipes de vérificateurs. Je vous invite, mes chers collègues, à vous reporter au document d’évaluation des voies et moyens, en annexe du projet de loi de finances, et notamment à la partie consacrée aux résultats du contrôle fiscal.
Le contrôle sur pièces est autrement plus important : il concerne plus ou moins 570 000 articles au titre de l’impôt sur le revenu, ce qui peut représenter beaucoup, mais concerne in fine moins de 200 % des articles.
Le contrôle sur place n’est pas fait pour le contribuable, disons « ordinaire ». On peut même penser, comme le fait le Conseil d’État, que « le projet du Gouvernement pourrait emporter des effets d’aubaine au bénéfice des personnes les plus à même de connaître le droit qui leur est applicable et de disposer, en interne, de compétences et de conseils juridiques adaptés à leur situation ».
Devons-nous mettre en question l’efficacité des services chargés du contrôle fiscal, élément crucial de la lutte contre la fraude, pour ce qu’on pourrait appeler un droit au contrôle, qui risque fort de n’intéresser que peu de monde, fût-il bien informé de ses droits ou particulièrement fortuné ? Déjà qu’une différence existe probablement entre ceux qui évitent les tribunaux en transigeant avec la CIF, la commission des infractions fiscales, et ceux qui sont soumis, pieds et poings liés, au verrou de Bercy.
Mes chers collègues, je vous remercie de bien vouloir voter l’amendement de notre groupe, qui rétablit l’égalité de traitement entre les contribuables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Le présent amendement vise à supprimer le droit au contrôle au bénéfice des usagers, prévu à l’article 2 – et auquel nous tenons beaucoup –, au motif que le dispositif proposé ne tiendrait pas compte des moyens et des effectifs de l’administration.
Or l’article L. 124-1 du code des relations entre le public et l’administration, nouvellement créé, prévoit bien que l’administration pourra toujours refuser de procéder à ce contrôle de manière discrétionnaire. Ce refus est possible dans plusieurs hypothèses : la demande est faite de mauvaise foi – vous avez parlé de ces entreprises qui pourraient tenter d’agir de manière incorrecte ou abusive – ou a manifestement pour effet de compromettre le bon fonctionnement du service ou de mettre l’administration dans l’impossibilité matérielle de mener à bien son programme de contrôle. Ces précautions sont donc bien intégrées au dispositif.
Mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?