compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 220, M. Gérard Cornu a été porté comme n’ayant pas participé au vote, alors qu’il souhaitait voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (projet n° 567, texte de la commission n° 631, rapport n° 630, tomes I et II, avis nos 604, 606 et 608).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre IV du titre Ier, l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 12 bis.
TITRE Ier (suite)
CONSTRUIRE PLUS, MIEUX ET MOINS CHER
Chapitre IV (suite)
Simplifier et améliorer les procédures d’urbanisme
Articles additionnels après l’article 12 bis (suite)
M. le président. L’amendement n° 376 rectifié bis, présenté par Mme Sollogoub, M. Janssens, Mme Vullien, MM. Moga et Canevet, Mmes Guidez et Gatel, M. Maurey, Mme Létard et M. Delcros, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme, après les mots : « demandes de permis », sont insérés les mots : « de certificats d’urbanisme opérationnels ».
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement très simple tend à corriger ce qui apparaît comme une simple omission.
L’article L. 422-6 du code de l’urbanisme a prévu qu’en cas d’annulation par voie juridictionnelle ou d’abrogation d’un document d’urbanisme, et dans le cas où aucun autre document d’urbanisme ne s’appliquerait de façon automatique à la place, le responsable de la collectivité délivrant l’autorisation est tenu de solliciter l’avis du préfet. Mais cet article ne prévoit cette procédure que pour les permis de construire et les déclarations de travaux, sans qu’il soit fait mention du certificat d’urbanisme opérationnel.
Il me semble que c’est là un point de fragilité. En effet, le maire pourrait délivrer un certificat d’urbanisme opérationnel positif, tandis que le préfet, au moment du dépôt du permis de construire pour lequel son avis est sollicité, pourrait ne pas avoir le même avis.
Il semblerait plus prudent de traiter de façon homogène tous les documents d’urbanisme et selon un circuit identique. Je voulais attirer votre attention sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il est exact que les certificats d’urbanisme, en tant que tels, n’avaient pas traditionnellement valeur d’autorisation d’urbanisme. Mais l’apparition du certificat d’urbanisme opérationnel les a rapprochés effectivement d’un permis ou d’une décision de non- opposition.
Sur cet amendement, je sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la rapporteur, cela commence bien… (Sourires.)
L’avis du Gouvernement est défavorable, non pas pour être désagréable à l’endroit des auteurs de l’amendement, mais pour les raisons que je vais maintenant vous expliquer.
Cet amendement a pour objet de soumettre à l’avis conforme du préfet les demandes de certificat d’urbanisme opérationnel. Or, en l’état actuel du droit, lorsqu’un un PLU, c’est-à-dire un plan local d’urbanisme - ou une carte communale -, est annulé, abrogé ou déclaré illégal, le règlement national d’urbanisme s’applique à nouveau sur le territoire communal s’il n’existe pas de document d’urbanisme antérieur. Les demandes d’autorisation d’urbanisme sont alors soumises à l’avis conforme du préfet.
Le certificat d’urbanisme, lui, n’y est pas soumis ; il doit simplement indiquer que cet avis devra être recueilli au stade de la demande de permis.
Si l’avis conforme du préfet était étendu au certificat d’urbanisme, cela alourdirait significativement l’instruction des demandes de certificat, d’autant plus qu’à ce stade il n’est porté qu’une appréciation très relative sur la faisabilité du projet – la localisation approximative, par exemple. Même si le préfet intervient à ce moment, rien ne garantit la délivrance ultérieure de l’autorisation.
Les services préfectoraux doivent se concentrer de manière privilégiée sur ce qui présente de véritables enjeux pour l’État. Systématiser l’avis conforme du préfet, c’est-à-dire son accord sur l’ensemble des certificats, dont la vocation est surtout informative, ne paraît pas justifié.
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Jacques Mézard, ministre. Ne rajoutons pas constamment des avis conformes. Multiplier les avis conformes, c’est malheureusement rallonger les délais !
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, j’entends bien, et loin de moi l’idée d’ajouter à la charge qui pèse sur les épaules des préfets, sollicités très régulièrement. Il s’agit malgré tout ici de cas extrêmement marginaux.
Les cas où les communes se voient privées de leurs documents d’urbanisme sont très rares, et il est tout aussi rare de solliciter un préfet pour la délivrance d’un permis de construire. Simplement, pour les porteurs de projets, le certificat d’urbanisme opérationnel est déterminant dans la mesure où c’est ce document qui tranche du caractère réalisable ou non d’une opération, et c’est donc sur cette base qu’ils peuvent éventuellement s’engager. Le fait qu’il puisse y avoir une pluralité d’interprétations, en amont et au moment de la décision finale, est une source de fragilité, et cela peut impacter les porteurs de projets dans les territoires.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je suis l’avis du Gouvernement : défavorable !
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. On peut comprendre la préoccupation de notre collègue. Simplement, il faut veiller à être cohérent. Il est compliqué à la fois de demander une simplification dans le portage des projets et de protester, parfois, contre une dérive que l’on peut observer chez certains préfets dont on peut se demander s’ils n’ont pas tendance à devenir des quasi-gouverneurs sur les territoires !
Il faut donc redonner un peu d’initiative à l’échelon local et se garder de s’en remettre peut-être trop spontanément à l’autorité du préfet.
Sur le fond, maintenant, il me semble que l’amendement de notre collègue est satisfait par la prise en compte par la commission des affaires économiques d’une disposition adoptée lors de l’examen par le Sénat de la proposition de loi portant accélération des procédures et stabilisation du droit de l’urbanisme, de la construction et de l’aménagement, que mon collègue François Calvet et moi-même avions commise.
Ce texte prévoit en effet que, en amont des projets, un dialogue est noué entre le porteur de projet, l’État – sous l’autorité du préfet – et la collectivité. Cela permet effectivement de garantir une certaine sécurité, dans un cadre qui est déterminé entre ces trois parties. Le but est que le discours tenu par l’État en amont de la démarche soit cohérent et univoque, afin d’éviter tout désagrément ultérieur.
C’est cette solution qui nous était apparue souhaitable.
Je rappelle que le Sénat avait voté cette proposition de loi à l’unanimité. Le principe de cette commission de conciliation, avec le référent unique, qu’a donc intégré la commission des affaires économiques dans ce texte, apparaît beaucoup plus opérationnel, souple et efficace.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 376 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 617 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Sueur, Daunis et Iacovelli, Mme Guillemot, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey, Lienemann et Jasmin, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mme Lubin, MM. Lurel et Roger, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Vaugrenard, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant les perspectives d’amélioration du cadre de vie, du paysage architectural et urbain des entrées de ville.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Hier, nous avons déjà eu un débat sur la question des entrées de ville. L’amendement que nous avions déposé n’a pas été voté, les ministres nous ayant dit, ce dont nous prenons acte, que tous les outils existent aujourd’hui pour permettre que ces espaces évoluent dans le bon sens.
Dans mon intervention d’hier, j’expliquais également qu’un certain nombre d’initiatives avaient déjà été prises afin de faire évoluer et d’améliorer ces espaces qui, on le sait, constituent pour nos villes de grands enjeux non seulement d’aménagement mais aussi d’évolutions sociétales. En effet, la question des fonctions urbaines et des usages évolue et les entrées de ville constituent des éléments importants de ces évolutions.
Je ne suis pas fan des rapports, dont on ne sait que trop, dans cet hémicycle, les destinées qui peuvent leur être réservées. Mais l’objet de cet amendement est aussi de rappeler que la question des entrées de ville est un vrai sujet, que les quelques évolutions que nous observons aujourd’hui sont réelles, mais lentes, qu’elles ne sont pas encore un fait acquis dans nos territoires. C’est pourquoi je trouve intéressant que, un an après la promulgation de cette loi, un rapport nous permette d’identifier ces évolutions, d’envisager des améliorations et, surtout, de vérifier que les élus sont bien accompagnés pour transformer ces espaces.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Notre collègue a elle-même apporté la réponse que je lui ferai ! Effectivement, le Sénat n’est pas fan de rapports et la commission des affaires économiques a choisi, sur ce texte, de ne pas retenir les amendements demandant la remise de rapports.
En outre, même si ce sujet est ô combien intéressant et important, l’aspect normatif d’un rapport serait particulièrement faible.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je n’ai jamais été très favorable aux rapports et à leur multiplication. Je ne changerai pas d’avis, même si j’ai changé de fonctions.
J’ajoute, madame Robert, que le contrôle est bien dans les missions du Parlement : pour juger justement de ces évolutions et des possibilités d’amélioration du cadre de vie, du paysage architectural, des entrées de ville, le Parlement a tous les moyens d’œuvrer utilement. Nous ferons le meilleur usage de son travail.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 617 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12 ter
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au 1° de l’article L. 111-4, après les mots : « constructions existantes », sont insérés les mots : «, l’édification d’annexes à proximité d’un bâtiment existant » ;
2° (nouveau) L’article L. 151-12 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces annexes sont situées à proximité d’un bâtiment existant. » ;
b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
3° L’article L. 161-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 161-4. – La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l’exception :
« 1° De l’adaptation, du changement de destination, de la réfection, de l’extension des constructions existantes, de l’édification d’annexes à proximité d’un bâtiment existant ;
« 2° Des constructions et installations nécessaires :
« a) À des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ;
« b) À l’exploitation agricole ou forestière, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, ou aux activités situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci et destinées à une activité d’accueil touristique complémentaire de l’activité agricole, comprenant mais non limitée à l’hébergement touristique et à la restauration ;
« c) À la mise en valeur des ressources naturelles ;
« d) (nouveau) Au stockage et à l’entretien du matériel des coopératives d’utilisation de matériel agricole.
« Les dispositions mentionnées aux 1° à 3° du présent article ne sont applicables que lorsqu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles.
« Les constructions et installations mentionnées au 2° du présent article, utilisées en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles ou de l’accueil touristique, sont soumises à l’avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. »
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons, avec cet article et les suivants, la problématique de l’urbanisme en milieu rural.
Sans reprendre les débats que nous avons eus ici hier après-midi et hier soir, je veux simplement rappeler que, pour notre groupe, l’objectif n’est pas d’interdire la construction en zone rurale ; en revanche, nous ne voulons pas permettre une dérégulation et une déréglementation totales qui fragiliseraient la construction pour les décennies à venir dans nos territoires ruraux.
Nous pensons, et nous l’avons toujours dit ici, que c’est non pas de déréglementation, mais bien de moyens humains et financiers pour maintenir un niveau acceptable de services publics dont ont besoin les territoires ruraux dans notre pays.
Les problématiques de logement ne peuvent s’appréhender séparément des enjeux de mobilité, de déplacement, de développement économique, de présence des services publics. Nous le constatons avec la question des écoles dans les zones rurales, dont un certain nombre voient les classes fermer et la présence scolaire se réduire, tout comme se réduit la présence postale.
De même, hier encore, nous avons débattu de la protection des espaces naturels agricoles.
Monsieur le ministre, je me souviens que vous aviez fait discuter ici même une proposition de résolution pour la solidarité entre les territoires, voulant rompre justement avec cette mise en concurrence des territoires et des hommes et tordre le cou finalement à l’hypermétropolisation qui s’installe dans notre pays, année après année.
C’est bien de cela qu’ont besoin nos territoires, des territoires parfois enclavés. Ils ont besoin d’un effort de la puissance publique pour garantir l’égalité républicaine à toutes et à tous, quelles que soient leurs conditions sociales, mais aussi quelles que soient leurs conditions territoriales.
Pour notre part, nous nous opposons à un usage dispendieux des terres agricoles et naturelles. Nous ne sommes pas des ayatollahs de tel ou tel principe ou de telle ou telle posture dogmatique (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), mais nous considérons que le foncier est un bien rare et précieux qu’il convient d’utiliser au plus juste et qu’il ne faut pas produire des politiques d’artificialisation des sols aux conséquences irréversibles.
Nous avons débattu hier des territoires à aménager. Bien évidemment, il faut permettre aux territoires ruraux de se développer et de construire, limiter également l’invasion par la forêt, nuisible dans un certain nombre de nos villages, mais aussi réglementer pour empêcher de faire tout et n’importe quoi et de détruire la qualité de nos territoires pour les décennies à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 549, présenté par MM. Duran et Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Alain Duran.
M. Alain Duran. La commission des affaires économiques a ouvert la possibilité de réaliser des annexes à tout bâtiment existant dans les zones agricoles, naturelles et forestières, en dehors des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, les STECAL.
Les textes permettent actuellement de réaliser des extensions ou annexes aux seuls bâtiments d’habitation.
Par ailleurs, la commission a prévu que ces nouvelles possibilités de constructions s’appliqueraient également aux communes n’étant couvertes par aucun document d’urbanisme.
De fait, ces constructions nouvelles pourraient n’être encadrées par aucun document d’urbanisme et l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF, serait supprimé.
Ces dispositions marquent un recul important pour la protection du foncier agricole, alors que tous s’accordent à dire que ces zones agricoles sont des zones pour lesquelles la constructibilité doit rester très limitée. Est-il nécessaire de rappeler que c’est dans ce monde rural que la surface imperméabilisée par habitant est la plus forte ?
Il semble qu’aujourd’hui la nécessité pour les communes d’élaborer un projet de territoire économe en matière de consommation foncière ne fait plus débat. C’est la raison pour laquelle nous devons encourager les communes à se doter d’un document d’urbanisme qui permettra aux maires d’élaborer leurs projets de développement et de choisir ainsi leur avenir, plutôt que de le subir.
Cet article 12 ter est donc un très mauvais signal à la fois pour l’aménagement et la planification, mais également pour l’activité des territoires. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La mesure prévue à cet article, adoptée par la commission, est de nature à faciliter la réalisation de travaux de faible ampleur, tels que la construction d’annexes.
Elle garantit que les constructions édifiées ne porteront pas atteinte aux paysages et aux espaces naturels, ou aux activités agricoles de la zone.
Il est également nécessaire que les maires puissent permettre la construction de petites annexes.
C’était d’ailleurs la position adoptée par le Sénat lors de l’examen de la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural, de notre excellent collègue Jacques Genest.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Initialement, cet article 12 ter corrigeait une erreur qui avait vicié la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Nous avions la volonté de rétablir la possibilité d’autoriser les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles dans les secteurs non constructibles.
La commission des affaires économiques du Sénat a beaucoup élargi cette possibilité puisqu’elle a étendu la liste de ces constructions et installations aux annexes dans les zones non urbanisées, a supprimé les règles encadrant l’implantation des annexes et extensions aux bâtiments d’habitation en zones A et N des PLU, et autorisé, dans les communes disposant d’une carte communale, l’implantation en zone non constructible de bâtiments des coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA, et des constructions à destination touristique, dont l’hébergement et la restauration, qui sont des activités commerciales.
Nous ne pouvons pas être favorables à un tel élargissement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Sur l’artificialisation des sols, on passe son temps à le dire, les pertes de biodiversité que nous vivons actuellement sont considérables. Je vous renvoie à différents travaux, ceux de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’IPBES, ceux du CNRS ou du Muséum national d’histoire naturelle, le MNHN, lequel, en mars dernier, nous a encore alertés.
Je pense également au plan Biodiversité qu’a récemment annoncé, avec une certaine émotion, M. Hulot, par lequel il déclare vouloir reconquérir cette biodiversité.
La principale raison de perte de la biodiversité, ce n’est pas le glyphosate, ce sont les pertes de terrains naturels : chaque fois que l’on artificialise des sols, on accentue les pertes de biodiversité.
Cette semaine, dans le cadre des travaux que je mène sur la sixième extinction des espèces au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, le rapporteur du MNHN nous a déclaré que l’accélération était « fulgurante ».
Alors, on peut continuer à construire, en disant que ce n’est pas grave, que c’est limité, un petit morceau ici, un petit bout là, mais c’est faire le contraire de ce qu’il faudrait pour conserver la biodiversité !
Par principe, et je le regrette beaucoup pour ceux qui voudraient construire des annexes, je pense qu’à un certain moment il faut savoir changer de direction, savoir changer son fusil d’épaule.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Morisset. Je soutiens totalement la position de la commission et ne voterai pas cet amendement de suppression de l’article.
Les uns et les autres, dans nos territoires ruraux, nous vivons au quotidien des situations qu’il nous faut expliquer.
Monsieur le ministre, je vous ai posé une question voilà peu de temps sur les CUMA, dont les adhérents sont des exploitants agricoles. Vous m’aviez répondu, me semble-t-il, que vous n’envisagiez pas d’élargir à ces coopératives les possibilités de construction de bâtiments, dès lors qu’il y avait une carte communale, alors que les règlements d’urbanisme ont évolué, rendant possible une construction dans une commune dotée d’un PLU. À l’époque, vous m’aviez dit que cela ne soulevait aucun problème, la commune n’ayant qu’à prendre une délibération, et le préfet la suivrait.
Cela ne se passe pas ainsi, monsieur le ministre ! À ce jour, les exploitants agricoles en CUMA voulant construire ou rénover un bâtiment n’ont pas le droit de le faire.
C’est pourquoi nous avons profité de cet article pour régler ce problème concret et mettre fin à une incohérence : dans une commune dotée d’un PLU, la construction d’un bâtiment destiné à une CUMA est autorisée ; dans une commune sans carte communale, elle est interdite.
Sur ce point-là, monsieur le ministre, vous qui connaissez bien les territoires ruraux, vous devriez, dans votre sagesse, élargir la réflexion pour au moins autoriser les CUMA à construire leurs bâtiments. Les exploitants agricoles ont, individuellement, le droit de construire ; s’ils se mettent à plusieurs, ils n’ont plus le droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je suis tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit.
Si l’on veut vraiment aider les agriculteurs à percevoir des revenus décents, cela passe également par une diminution de leurs charges. Et, pour qu’ils puissent réduire leurs charges, il faut les aider à se regrouper afin qu’ils puissent mettre leur matériel en commun. Or, commencer par leur imposer tout un tas de contraintes pour la construction de bâtiments où ils peuvent entreposer leur matériel, c’est leur signifier d’entrée qu’on est contre le principe d’une diminution de leurs charges.
Je ne vois donc pas l’intérêt d’ajouter des contraintes supplémentaires à des secteurs d’activité qui sont déjà suffisamment contraints en matière d’urbanisme.
J’ai d’ailleurs moi-même déposé un amendement qui sera examiné tout à l’heure.
Le problème, pour le milieu rural, c’est d’attirer plus de population : plus on limitera les contraintes de construction en milieu rural, à la campagne, quel que soit le type de bâtiment, plus on favorisera non seulement l’économie, mais aussi la démographie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 916 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Guérini et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement va nous permettre de poursuivre le débat.
Je veux bien que l’on fasse de grandes déclarations d’intention, que l’on prétende qu’on empêcherait le milieu rural de vivre, mais avez-vous bien écouté ce qu’a dit M. le ministre ? L’article 12 ter, tel qu’il est rédigé, permet de faire à peu près tout ce qu’on veut dans des zones qui ne sont pas prévues pour l’urbanisation.
Jusqu’à présent, la loi ne fait qu’encadrer ces possibilités de construction, ce que n’avait pas remis en cause la proposition de loi adoptée précédemment par le Sénat. Relisez l’article L. 151-12 du code de l’urbanisme, qui dispose que le règlement du PLU « précise la zone d’implantation et les conditions de hauteur, d’emprise et de densité de ces extensions ou annexes permettant d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone ». Il n’interdit pas toute construction !
Par cet amendement, je propose simplement de supprimer ce fameux alinéa 6 qui ôte tout encadrement pour la construction d’extensions ou d’annexes, y compris l’avis de la CDPENAF, ce qui n’a aucun sens.
Je le répète, le Sénat avait approuvé cet encadrement des constructions.
Abandonnons ces postures et cessons donc ces déclarations enflammées. On empêcherait tout ? Ce n’est pas le cas !
Le législateur ne peut pas supprimer tout encadrement et permettre tout et n’importe quoi. Écoutons bien ce qu’a dit M. le ministre : les constructions ne seront pas empêchées, elles seront encadrées, tout simplement.