Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je souscris aux propos de Mme la rapporteur, qui correspondent tout à fait à l’état d’esprit du groupe CRCE.
Indépendamment de la méthode employée par le Gouvernement – elle a déjà été dénoncée lors de nombreux rappels au règlement sur l’ensemble de nos travées –, le projet de loi instaure la mainmise de l’État sur l’assurance chômage sous plusieurs aspects.
D’abord, le texte donne le contrôle des finances à l’État, en remplaçant le financement par les cotisations sociales par un financement par l’impôt. Ce n’est pas anodin ; c’est même lourd de conséquences.
Ensuite, il dessaisit les partenaires sociaux de leur capacité de négocier. Le projet de loi prévoit non seulement que la négociation sera enfermée dans les limites d’une lettre-cadre rédigée par le Gouvernement, mais aussi que ce dernier pourra rédiger lui-même la convention par le biais d’un décret en Conseil d’État si le texte négocié ne correspond pas à ses attentes !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
Mme Laurence Cohen. Autrement dit, le projet de loi instaure un dialogue social de façade, dans lequel les partenaires n’ont plus la possibilité de s’exprimer et de négocier librement. Il est d’ailleurs paradoxal que certains ne cessent d’évoquer le « dialogue social » et les « désirs » des partenaires sociaux quand on voit comment ils traitent ces derniers !
Lorsque le Gouvernement annonce vouloir renégocier immédiatement la convention d’assurance chômage, normalement en vigueur jusqu’en 2019, afin d’ouvrir l’allocation chômage au-delà de vingt-quatre mois, c’est de la poudre aux yeux ! L’objectif d’une telle mesure est uniquement de pouvoir négocier la convention selon les nouvelles règles issues du projet de loi, ce qui permettrait au Gouvernement de prendre définitivement le contrôle sur l’assurance chômage.
C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
Au demeurant, cet amendement, compte tenu des effets extrêmement négatifs qu’il va entraîner, aurait mérité un réel débat de fond au sein de notre Haute Assemblée. Les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont vraiment pas dignes d’un débat démocratique serein. Nous commençons à débattre d’une mesure qui est loin d’être anodine à minuit, après plusieurs jours consécutifs ! Ce n’est pas respecter le Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Lorsque j’ai indiqué que nous étions quelque peu contrariés, c’était évidemment une litote !
Je ne me prononcerai pas sur le fond de la mesure. Je salue les arguments de Mme la rapporteur. Nous sommes d’accord pour dire que l’accord du 22 février mérite d’être discuté. Bien entendu, il ne répond pas aux deux grandes questions que sont la multiplication des contrats courts et le chômage structurel.
Toutefois, nous sommes bien obligés de nous interroger. Pourquoi une telle précipitation ? Et pourquoi maintenant ? L’accord date du 22 février ; il n’est pas spécialement récent. Pourquoi ne pas avoir inscrit une telle disposition dans la version initiale du projet de loi ?
Il y a également des interrogations sur l’assurance chômage. La suppression des cotisations salariales et la CSG, c’était un dégrèvement – c’est ce qui nous avait été présenté en commission. Mais cela justifie-t-il de changer tout l’équilibre de la protection sociale ? Et peut-on décider de le changer au travers d’un amendement de dernière minute ? Je ne le pense pas.
Nous avions un président de métropole qui disait : « C’est ch’ti qui paie qui commande ». (Sourires.) Ce n’est pas dans cet état d’esprit que nous voulons changer l’équilibre de la protection sociale. D’autant que nous avons longuement abordé d’autres questions, comme la réforme des retraites.
J’ai beaucoup apprécié l’intervention du président Milon sur le rôle du Sénat.
Je salue mon collègue Max Brisson, qui a retiré un amendement qui lui tenait à cœur. Nous avons tous une part de doute sur le transfert de compétences aux branches et aux régions ; moi, j’y crois, mais je comprends que l’on puisse être d’un autre avis.
Toutefois, madame la ministre, là, j’ai le sentiment que vous nous en demandez trop. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement. (M. Laurent Lafon, ainsi que les sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il y aura tout de même quelques voix pour. (Exclamations amusées.) Et le sujet se prête à autre chose que de l’ironie ! (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Vivette Lopez. Pas à minuit !
M. Alain Richard. Il est tout à fait possible – cela nous arrive à tout moment dans la vie parlementaire – de regretter les conditions d’arrivée d’une proposition dans un débat.
Mais je voudrais que l’on ne sous-estime pas les motifs ayant conduit à prendre une telle décision. Il me semble avoir entendu avec respect un certain nombre de critiques sur les prises de position unilatérales, directives, du Gouvernement, qui ne tiendrait pas suffisamment compte des appréciations et du poids des partenaires sociaux.
En l’occurrence, on corrige un dispositif législatif en cours en tenant compte des événements récents de la vie sociale que Mme la ministre a mentionnés pour rouvrir – à mon sens, beaucoup des partenaires sociaux sont intéressés par cela et ne demandent pas de délai supplémentaire ; ils préfèrent que l’on travaille tout de suite – un champ à la négociation sociale sur des enjeux majeurs, dont, si j’ai bien compris, personne ne conteste le caractère décisif. Il s’agit de la multiplication des contrats courts, y compris dans une période de reprise de l’emploi, et de la persistance d’un chômage structurel, qu’il est difficile de traiter dans la durée.
Bien entendu, il y a des objections. Je ne me fais aucune illusion : l’amendement ne sera pas voté par le Sénat. Et si nos délégués à la commission mixte paritaire choisissent d’en faire un élément de principe, cela fera naturellement échouer la CMP, avec les conséquences que le président Milon décrivait très judicieusement tout à l’heure.
Plusieurs des objections qui ont été élevées par la rapporteur Puissat sont surmontables.
Madame, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la liberté contractuelle remplit quelques volumes. Elle consiste toujours à reconnaître l’importance d’un motif d’intérêt général qui vient limiter la liberté contractuelle, spécialement entre les partenaires sociaux. Si vous voulez soutenir que la lutte contre les contrats courts et l’action contre le chômage structurel ne sont pas des motifs d’intérêt général suffisants, c’est une ascension de la face nord ! (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.)
J’en viens au sujet de fond. Le régime d’assurance chômage est-il un régime purement assurantiel dont les bénéficiaires ne peuvent par conséquent être que d’anciens contributeurs, ou comporte-t-il une solidarité nationale supplémentaire ?
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Alain Richard. Il me semble que la France a déjà évolué sur ce sujet en se rapprochant des autres démocraties sociales européennes, que le débat va continuer et que les partenaires sociaux ne sont pas opposés à développer ce débat.
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue !
M. Alain Richard. Je fais un gros effort pour conclure, madame la présidente. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole, monsieur Richard !
M. Alain Richard. Je vous prie de m’excuser, mais je serai le seul orateur à m’exprimer en faveur de cette modification de la loi. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Il n’empêche que chacun a le même temps de parole !
M. Alain Richard. Je termine en disant simplement qu’il y a des motifs sérieux d’intérêt général de soutenir cet amendement.
Mme Patricia Schillinger. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je ne reprendrai pas ce qui a déjà été parfaitement dit. En plus, comme nous avons entendu l’oracle, nous devrions être totalement informés ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Je souhaite juste vous faire part des questions que je me pose. Pourquoi prendre le risque d’inconstitutionnalité ? Pourquoi prendre le risque de bousculer les procédures admises habituelles ? Pourquoi prendre le risque d’une manifestation de mépris à l’égard du Parlement ? Pourquoi prendre le risque de remettre en cause tout le travail de réflexion, d’élaboration d’amendements et de débat que nous avons effectué ? Pourquoi laisser prendre autant le risque d’apparaître comme totalement amateurs et montrer l’impréparation de votre texte ?
Contrairement à ce que vous avez dit, madame la ministre, ce n’est pas une mince affaire ! Il ne s’agit pas simplement de regarder si l’on peut moduler le cumul entre emploi partiel et allocations. Non ! Le Président de la République a déclaré qu’on allait confier aux partenaires sociaux le soin de réviser les règles de l’assurance chômage ; il a même évoqué la « transformation de l’assurance chômage ». Ce n’est donc pas une affaire de virgule ou de modification en surface !
J’ai cherché les motivations profondes d’une telle démarche et essayé de comprendre pourquoi le ton était si comminatoire et pourquoi c’est si urgent. Je n’ai que des conjectures, mais elles sont tellement plausibles.
La première explication réside évidemment dans l’indifférence que vous pouvez manifester à l’égard du Parlement ; ce n’est pas la première fois. Lorsque je dis « vous », ne le prenez pas à titre personnel, madame la ministre ; je parle du Gouvernement en général.
M. Jean-Louis Tourenne. Mais peut-être est-ce simplement lié à la grogne des partenaires sociaux, qui se sont sentis floués du non-respect de l’accord du 22 février ? Ou à la note de 500 millions d’euros que vous n’avez pas présentée comme trajectoire budgétaire et que Bruxelles réclame ?
Peut-être allez-vous essayer, madame la ministre, de récupérer les 2 milliards d’euros dont votre budget va être amputé en 2019,…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Louis Tourenne.… en faisant porter par les chômeurs le poids de l’impopularité de la baisse des prestations fournies ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je suis stupéfié de la méthode !
L’article 33 porte sur des problèmes précis, comme le cumul entre une allocation et un emploi ou un bonus-malus pour les contrats courts. Or vous proposez un amendement qui n’a rien à voir avec l’objet du texte ! Imaginez que nous en fassions autant !
Nous avons systématiquement eu des amendements déclarés irrecevables au titre des articles 40 et 41 de la Constitution ou de l’absence de lien avec le dispositif examiné. Or le Gouvernement peut, de manière unilatérale, changer complètement un texte qui a déjà été travaillé à la fois par l’Assemblée nationale et par la commission des affaires sociales du Sénat ; c’est ne reconnaître le travail ni des députés ni du Sénat ! La méthode témoigne quand même d’une certaine improvisation.
En plus, le choix est différent. L’ASSEDIC est un système assurantiel ; ce sont des indemnités chômage. L’objectif tout à fait compréhensible de votre amendement, madame, est l’incitation au retour à l’emploi ! Or cela relève d’une politique de l’emploi qui doit être élaborée, proposée ou, du moins, visée par le Parlement. Nous sommes évidemment attentifs à ce qu’il y ait de vraies incitations au retour à l’emploi.
En l’occurrence, il y a une déviance des institutions. Le système assurantiel est un système des partenaires sociaux : il faut indemniser les gens ayant malheureusement perdu leur emploi. Un certain nombre d’éléments, en particulier les méthodes employées, nous invitent à suivre l’avis défavorable de Mme la rapporteur.
Nous ne savons pas ce que les partenaires sociaux se sont dit lorsqu’ils se sont réunis, mais ils font bloc. Il y a quelque chose qui ne va pas.
Madame la ministre, je ne suis pas sûr que vous rendiez service à nos jeunes en vous mettant à dos les corps intermédiaires et les élus de la Nation ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Par ses déclarations devant le Congrès, le Président de la République est venu fortement perturber nos débats. Je me suis déjà exprimé sur le sujet mardi dernier.
Quelques rappels cependant sur la gouvernance de l’assurance chômage.
Qu’en est-il actuellement ? La loi délègue aux partenaires sociaux la définition des règles d’indemnisation par la voie conventionnelle. Nous ne sommes pas pour autant dans une pure gestion paritaire, et ce pour deux raisons principales.
Premièrement, le Gouvernement n’est jamais bien loin pour faire valoir son point de vue, articuler ses propres interventions avec celles de l’UNEDIC et servir d’instance d’appel sur les sujets difficiles ; il faut bien que se tienne le festival d’Avignon ! (Sourires.) Rappelons que le Gouvernement agrée la convention d’assurance chômage. Il est donc bien, à la différence du Parlement, l’un des acteurs principaux du scénario actuel.
Deuxièmement, le recours à l’endettement ne sert pas seulement d’ajustement aux aléas de la conjoncture. Il offre également une porte de sortie commode aux négociateurs pour le bouclage des conventions. La proposition du Gouvernement fait évoluer ce schéma de gouvernance : un document de cadrage fixera désormais le cap de la négociation.
En supprimant les contributions salariales et en créant une aide forfaitaire pour les travailleurs indépendants, le Gouvernement fait évoluer la nature de l’indemnisation du chômage vers des prestations de solidarité. En mettant fin par anticipation à l’actuelle convention, valide jusqu’en 2020, dans des conditions qui ne sont d’ailleurs pas très claires, le Gouvernement demande paradoxalement aux partenaires sociaux d’acter cette évolution dans une nouvelle convention négociée dans le nouveau cadre et reverrait à cette occasion les règles des allocations de solidarité.
Nous assistons à la dépossession des partenaires sociaux des prérogatives qui leur ont été déléguées par la loi, à travers la remise en cause des accords conclus.
Comme vient de le rappeler notre rapporteur Frédérique Puissat, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 août 2008 sur la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, a fixé la doctrine en pareil cas : une convention ne peut être remise en cause par le législateur que pour un motif d’intérêt général suffisant.
Quel est le motif d’intérêt général suffisant que le Gouvernement entend invoquer pour remettre en cause une convention agréée voilà un peu plus d’un an ? C’est la question que nous posons au Gouvernement. Nous demanderons évidemment au Conseil constitutionnel d’examiner sa réponse.
M. Alain Richard. Si l’amendement est voté…
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Certains attendaient lundi, espérant un rééquilibrage du quinquennat dans un sens plus social. En fait, ils réclamaient la « jambe gauche » de la politique gouvernementale.
Le Président de la République leur a répondu que les mesures qui étaient déjà passées devant le Parlement et qui passaient en ce moment, dont le présent projet de loi, répondaient à une telle exigence en présentant une cohérence : construire « l’État-providence du XXIe siècle ».
Ce qui semble être une formule nouvelle est en réalité une formule déjà éculée depuis la fin du siècle dernier par certains qui ont essayé de revenir sur notre modèle, y compris dans d’autres pays européens. Il s’agit de s’orienter vers un modèle fondé sur le dialogue entre l’individu et l’État, dans lequel on finit par déconstruire les solidarités pour les remplacer par des responsabilités individuelles. Le Président de la République a d’ailleurs évoqué la « responsabilité de chacun ».
La responsabilité passe par l’acceptation accrue des postes, quels qu’ils soient, par les chômeurs. En cela, le système qui est proposé est fort commode, avec son financement par l’impôt. Il évacue les partenaires sociaux et permet à l’État d’imposer ses conditions aux chômeurs. C’est effectivement cohérent avec la volonté d’orienter de plus en plus de personnels de Pôle emploi vers le contrôle des chômeurs, alors que les besoins en termes d’accompagnement, notamment des chômeurs de longue durée, sont criants aujourd’hui. Par ailleurs, de nombreux postes seront certainement supprimés à Pôle emploi.
Si cela ne fait pas une « jambe gauche », cela fait bien une cohérence : une cohérence extrêmement libérale, à laquelle nous nous opposons évidemment !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Nous débattons d’une question importante à minuit et quart. Si mon groupe approuve globalement l’objectif, il désapprouve la méthode. Par conséquent, la grande majorité du groupe s’abstiendra.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. J’ai expliqué le contexte d’agenda social souhaité par les partenaires sociaux. Je reviendrai maintenant sur le motif d’intérêt général, puisque vous m’avez interpellée sur ce sujet.
Pour nous, il y a un motif d’intérêt général important qui justifie de demander au législateur d’anticiper le réexamen de la convention d’assurance chômage par les partenaires sociaux – je dis bien « par les partenaires sociaux ».
Nous sommes aujourd’hui dans un contexte de croissance qui a du mal à se transformer en croissance riche en emplois. Dans ce contexte, relativement récent, nous sommes confrontés à trois enjeux extrêmement importants.
Le premier enjeu, qui est croissant, c’est la lutte contre la précarité excessive. Comme vous le savez, 80 % à 85 % des embauches se font aujourd’hui en CDD, mais un tiers sont des CDD de moins d’une journée et un très grand nombre sont des CDD de moins d’un mois. Nous sommes entrés dans une logique de précarisation tout à fait excessive, qui ne se justifie pas et qui a besoin d’être régulée. C’est un motif d’intérêt général extrêmement important. Comment peut-on en effet se projeter dans sa vie professionnelle en étant dans une précarité continue et permanente, avec des contrats de très courte durée ? Voilà le lien avec la liberté de choisir son avenir professionnel !
Le deuxième enjeu, ce sont les incitations de retour à l’emploi. Un système d’assurance chômage qui s’est inscrit pendant des années dans un contexte avec peu d’offres d’emploi a forcément besoin d’être revu, notamment en ce qui concerne les incitations de retour à l’emploi, quand la croissance est là et qu’il faut saisir les opportunités.
Enfin, troisième enjeu très important, s’agit-il de solidarité ou d’un régime assurantiel ? L’assurance chômage est un régime assurantiel, mais dans lequel l’État intervient beaucoup et de différentes façons. Tout d’abord, il intervient tous les jours via l’opérateur Pôle emploi – financé en partie par le régime d’assurance chômage – auprès de millions de demandeurs d’emploi. Ensuite, l’État intervient en garantissant la dette de l’UNEDIC, qui s’élève actuellement à près de 34 milliards d’euros, soit environ une année de cotisations. (M. Jean-Louis Tourenne s’exclame.) Enfin, et c’est l’élément le plus récent, l’État intervient pour pouvoir augmenter significativement le pouvoir d’achat des salariés en prenant en charge, par la solidarité à travers la CSG et l’impôt, des cotisations d’assurance chômage des salariés. Les deux premiers motifs ne sont pas nouveaux et justifient que l’État a toujours été un partenaire de l’assurance chômage.
J’en reviens au motif d’intérêt général. Comment peut-on croire qu’il n’y a pas motif d’intérêt général alors que la croissance est là, qu’une partie importante des emplois ne peut pas être pourvue et que beaucoup de nos concitoyens sont aujourd’hui dans une précarité excessive et croissante, certains d’entre eux étant condamnés à cette précarité pour une très longue durée ?
Voilà tous les motifs d’intérêt général qui supposent une articulation entre la solidarité et le régime assurantiel. Nous souhaitons juste une chose : autoriser les partenaires sociaux à renégocier des éléments de la convention d’assurance chômage. C’est aussi par respect du dialogue social que nous considérons que le fait d’élargir le champ leur permettra de choisir les bons leviers et d’en négocier entre eux.
M. Jean-Louis Tourenne. C’est laborieux !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 750.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 212 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 21 |
Contre | 303 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno applaudit également.)
L’amendement n° 344, présenté par M. Tourenne, Mme Taillé-Polian, M. Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à supprimer la possibilité que s’octroie le Gouvernement de modifier les règles d’indemnisation des chômeurs qui ont un travail à temps partiel et bénéficient actuellement, au-delà du salaire perçu et qui est minime, d’une allocation chômage différentielle. Nous ne pouvons accepter que ce droit soit supprimé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous examinons ce texte un peu à l’envers. Je suis opposée à cet amendement de suppression pour deux raisons.
La première raison, c’est que l’alinéa 1 autorise le Gouvernement à fixer par décret les règles de l’allocation des démissionnaires et des travailleurs indépendants afin de garantir l’effectivité de ces deux nouvelles allocations, disposition que nous n’avons pas encore votée mais que nous avons présentée en commission.
La seconde raison, c’est que je souhaite donner un délai supplémentaire aux branches pour négocier sur la précarité. C’est ce que nous verrons demain matin.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 486, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Supprimer les mots :
, de l’article L. 5425–1 en tant qu’il s’applique à l’allocation des travailleurs indépendants
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement a pour objet de supprimer la disposition permettant au Gouvernement de déterminer par décret les conditions dans lesquelles l’allocation chômage des travailleurs indépendants peut se cumuler avec les revenus d’activité et les revenus sociaux.
La question du cumul des revenus est une question sensible, car elle concerne les personnes les plus fragiles économiquement et socialement. C’est ce cumul de revenus qui permet aux foyers les plus précaires de tenir financièrement.
Si cette question est centrale pour les travailleurs salariés, elle l’est encore plus pour les travailleurs indépendants. En effet, pour l’instant, cette catégorie de travailleurs ne bénéficie pas d’une assurance chômage. Ce projet de loi prévoit de leur ouvrir ce droit, mais de façon restreinte par rapport à l’allocation chômage des salariés.
Selon les annonces du Gouvernement, l’allocation chômage serait de 800 euros par mois pendant six mois maximum. Cette allocation est faible puisqu’elle est inférieure au seuil de pauvreté estimé par l’INSEE à 1 000 euros par mois.
Il est donc crucial pour ces travailleurs indépendants de pouvoir cumuler l’allocation chômage avec des revenus de leur travail plus ponctuels. Cette question du cumul de revenu est essentielle et doit donc être débattue au sein du Parlement et non dans le cadre de l’article 38.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, la commission défendra demain un amendement visant à supprimer la faculté ouverte au Gouvernement de modifier par décret les règles du cumul allocation-salaire pour tous les salariés.
Ensuite, le décret visé au premier alinéa de l’article 33 a une portée très limitée, essentiellement technique, pour permettre la mise en place de l’allocation des travailleurs salariés. Comme vous le savez, j’ai un regard plutôt critique sur cette allocation, mais à partir du moment où elle existera, il faudra des textes d’application pour la faire vivre.
Nous avions prévu de préciser que la prochaine convention d’assurance chômage ne sera pas négociée dans les mois à venir, mais il nous faudra sans doute revoir notre texte.
En tout état de cause, il faut bien des décrets pour prévoir les conditions techniques de l’application de l’allocation des travailleurs indépendants, l’ATI.