M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 558 rectifié.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet article, introduit en commission, revient à déroger à la loi Labbé.
Cette loi, dont le contenu a déjà été rappelé, s’inscrivait dans la continuité des travaux de la mission d’information que nous avons menée au Sénat en 2012. Lors de son examen, nous pouvions entendre qu’une telle loi ne serait jamais applicable et que les collectivités se retrouveraient dans une impasse. Quelques années plus tard, on s’aperçoit qu’il n’en est rien et que les collectivités se sont parfaitement adaptées.
Nous ne comprenons donc pas que l’on tente de remettre cette loi en cause. Au demeurant, comme cela a été souligné, il existe déjà des dérogations, notamment s’agissant de la sécurité des personnes ou d’un danger sanitaire grave. À nos yeux, l’article 14 quater AA revient à réduire à néant la portée de la loi de notre collègue Joël Labbé.
Autoriser des dérogations pour tous les dangers sanitaires mentionnés à l’article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime, c’est-à-dire pour les trois catégories, revient à déroger trop largement à la législation actuelle. Nous vous proposons donc de supprimer cet article, qui n’a en outre que peu de lien avec le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 748.
M. Stéphane Travert, ministre. L’article 14 quater AA constitue effectivement un recul par rapport aux dispositions de la loi du 6 février 2014, dite loi Labbé, qui avait été modifiée par la loi d’août 2015, dite loi Potier.
L’article semble considérer que seuls les produits phytopharmaceutiques dits conventionnels permettent de lutter contre les dangers sanitaires méconnaissant les principes de la lutte intégrée. Celle-ci privilégie les méthodes non chimiques, la prophylaxie, la surveillance, la prévention, le choix des espèces, les variétés. En outre, le respect de ces dispositions ne serait pas contrôlable en pratique pour les particuliers, qui n’ont pas d’obligation de tenir un registre des traitements réalisés.
Dans le texte actuel, si une stratégie nationale collective est adoptée pour une maladie, par exemple Xylella fastidiosa ou la maladie du palmier, l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et phytosanitaires dans les jardins publics et amateurs est déjà possible. L’article est donc totalement satisfait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. La commission a prévu une dérogation pour les utilisateurs non professionnels. L’interdiction sera opérationnelle au 1er janvier 2019 ; elle l’est déjà pour les collectivités publiques.
L’article adopté en commission prévoit une dérogation s’il n’existe aucun substitut pour traiter une maladie végétale. Les collectivités publiques et les utilisateurs non professionnels pourraient faire un usage encadré de produits phytopharmaceutiques ; je pense notamment à la problématique actuelle de la pyrale du buis, pour laquelle il n’existe a priori aucune méthode alternative efficace, cette maladie n’étant pas classée comme un danger suffisamment important.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer les dispositions que vous comptez mettre en place afin de nous éviter de revenir sur la législation existante ?
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Nous voterons ces amendements de suppression. Nous souscrivons aux propos de M. le rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Si nous voulons avoir un débat serein, ce qui a été souhaité par tous, nous ne pouvons pas revenir en arrière. Nous sommes, me semble-t-il, tous d’accord pour dire qu’il faut diminuer l’usage des produits phytosanitaires. Or il est envisagé de revenir sur la loi Labbé, qui fonctionne ; je ne connais pas de collectivité à qui cette loi pose problème.
Certains ont souligné la nécessité d’avoir des mesures à l’échelon européen. Or la loi Labbé est précisément reprise par l’ensemble des pays européens, qui envisagent actuellement de s’engager dans cette voie et citent la France en exemple.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je salue les propos de Mme la rapporteur. Contrairement à ce qu’affirment certains, nous ne revenons pas en arrière.
M. Joël Labbé. Mais si !
M. Daniel Gremillet. Nous sommes cohérents avec le dispositif que nous avions adopté à l’unanimité voilà un an et demi, alors que M. Le Foll était ministre de l’agriculture.
Si j’ai bonne mémoire – j’étais alors rapporteur du texte –, notre collègue Labbé avait voté cette mesure, qui visait à reconnaître que nous n’avions aucun produit de biocontrôle pour faire face à certaines maladies. Je pense, par exemple, à la pyrale du buis, qui est en train de décimer l’ensemble des parcs et jardins de notre pays. M. Le Foll avait jugé l’amendement du Sénat très intéressant, considérant qu’il permettait de sauvegarder le patrimoine.
Nous disons simplement qu’il faut garder la possibilité d’utiliser les produits qui permettent de sauver les plantes, la biodiversité et le patrimoine végétal, par cohérence avec ce que nous avions voté à l’unanimité à l’époque.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Alors que le débat dans la société porte sur la suppression, progressive ou totale, selon les sensibilités, des produits phytosanitaires, il est envisagé de revenir sur un progrès obtenu il y a quatre ans.
M. Daniel Gremillet. Mais non !
M. Fabien Gay. C’est ainsi que ce sera perçu ! Et, d’ailleurs, ça correspond à la réalité ! Il est incompréhensible qu’on veuille revenir sur ce progrès !
Nous débattrons tout à l’heure du glyphosate pour savoir s’il faut en sortir dès maintenant, dans trois ans ou à une échéance plus lointaine. Je me réjouis que nous puissions avoir ce débat ; chacun l’appelle de ses vœux.
Mais tenez-vous vraiment à ce que le seul message envoyé par le Sénat soit le retour sur une avancée acquise il y a quatre ans ? C’est pourquoi nous voterons ces amendements de suppression, et je vous invite à faire de même, mes chers collègues. À défaut, nous enverrions collectivement un très mauvais signal à l’extérieur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Ainsi que je le soulignais précédemment, des dispositifs permettent déjà l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pour certaines maladies qui font l’objet d’une stratégie nationale collective. M. Gremillet a, par exemple, évoqué la pyrale des buis. Or le code rural permet déjà de protéger les buis lorsqu’il y a un intérêt patrimonial. Nous savons qu’il est nécessaire de protéger certaines espèces présentes depuis des années.
Des produits de biocontrôle sont en cours de développement. Actuellement, deux sont disponibles, depuis près de deux mois. Nous avons engagé des travaux avec l’INRA pour envisager des solutions.
Au demeurant, la pyrale des buis est une sorte de marronnier au ministère de l’agriculture. Elle fait l’objet de questions écrites depuis des dizaines d’années auprès du ministère.
M. Didier Guillaume. Car c’est un vrai sujet !
M. Stéphane Travert, ministre. En effet, monsieur le sénateur !
La recherche avance. Nous avons des produits disponibles. L’INRA continue de travailler. Cela reste bien évidemment un point d’ancrage important de l’action du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Nous nageons en plein paradoxe : d’un côté, nous sommes tous pour le maintien des éléments patrimoniaux qui font la beauté de notre pays ; de l’autre, nous ne nous donnons pas les moyens de les protéger par obscurantisme et par peur de voir certains utiliser des produits phytosanitaires sans en avoir besoin. Je pense qu’à un moment le bon sens doit finir par s’imposer.
La France dispose d’un patrimoine végétal exceptionnel ; il suffit de visiter les jardins du manoir d’Eyrignac, puisque certains ont évoqué les buis, pour s’en rendre compte.
M. Laurent Duplomb. Je ne vois pas ce qui peut gêner les opposants à l’utilisation des produits phytosanitaires – je ne suis moi-même pas favorable à leur utilisation lorsqu’elle n’est pas indispensable – dans le fait de se laisser la possibilité d’y avoir recours face à un parasite contre lequel il n’existe pas d’autre moyen de lutte pour garantir la pérennité de notre patrimoine. À force de ne pas vouloir utiliser les moyens qui permettraient de protéger l’espèce humaine, on va finir par accepter de la voir disparaître !
M. Joël Labbé. Ce sont les produits chimiques qui vont la faire disparaître !
M. Laurent Duplomb. Il ne s’agit pas de traiter préventivement tous les buis en utilisant des tonnes de phytosanitaires. Il s’agit simplement de maintenir dans la loi la possibilité d’y avoir recours face à une attaque contre laquelle il n’existerait pas d’autre solution.
Parfois, j’ai l’impression de rêver ! Si ça continue, il ne faudra plus rien faire sur cette planète et accepter que le peuple français disparaisse !
Mme Éliane Assassi. Et seulement le peuple français ? Pas les autres ? (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Comme je l’avais annoncé, j’ai demandé un scrutin public sur ces amendements de suppression.
M. le ministre a rappelé à très juste titre qu’il existe déjà des parades avec la loi actuelle.
Je reviens sur l’exemple emblématique des buis. Mes chers collègues, allez donc vous renseigner auprès des responsables du jardin du Luxembourg. Ils n’ont pas besoin de produits chimiques ! Et, dans les jardins de Marqueyssac, en Dordogne, ils sont en train de sauver leur parc avec des préparations naturelles peu préoccupantes !
Adopter l’article 14 quater AA, c’est mettre fin à toutes les recherches sur les alternatives. Ce seront alors les firmes qui reprendront la main !
M. Laurent Duplomb. C’est bien ce que je disais : c’est de l’obscurantisme !
M. Joël Labbé. Je ne vous permets pas !
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Monsieur Labbé, vous avez évoqué le buis et les « alternatives ». Il faut le savoir, le produit bio, que je ne citerai pas, qu’on utilise tous paralyse les mâchoires des chenilles. C’est tout simplement épouvantable ! Le produit chimique, lui, les tue en quelques secondes. À vous de juger…
M. Laurent Duplomb. C’est le bien-être animal !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, j’aimerais savoir où en est la recherche s’agissant des palmiers ? J’ai eu l’occasion de faire un déplacement en Corse, où tous les palmiers sont en train d’être décimés.
Et quid des oliviers ? Eux aussi connaissent des maladies terribles en Italie, qui sont en train de gagner le sud de la France. Quelles sont les actions envisagées, si possible à titre préventif ou, à défaut, à titre curatif, par le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison, il y a aujourd’hui un risque pathogène sur les végétaux que l’on nomme Xylella fastidiosa. Une conférence européenne s’est d’ailleurs tenue sur le sujet à Paris à la fin de l’année dernière. Sachez que le problème mobilise à la fois le Gouvernement et la Commission européenne ; je pense notamment à Vytenis Andriukaitis, commissaire chargé de la santé.
Des périmètres de protection sont mis en place autour des végétaux atteints par cette pathologie en Corse. Nous sommes également très vigilants sur les importations et les exportations de végétaux.
Il y a eu des cas dans les Alpes-Maritimes, notamment à Nice, de Xylella fastidiosa. Aujourd’hui, aucun traitement particulier ne permet d’enrayer cette pathologie végétale. La seule mesure que nous puissions prendre à ce stade est la mise en place d’un périmètre de protection autour des végétaux qui sont touchés.
Des agences européennes travaillent sur le sujet. Je vous invite à consulter les minutes du colloque que nous avions organisé à la fin de l’année dernière ; je peux vous les communiquer si vous le souhaitez. Le colloque a permis de créer une porte d’entrée unique pour les végétaux à l’échelon européen. Auparavant, cela existait pour les filières animales, mais pas pour les végétaux.
La pathologie appelée Xylella fastidiosa touche aussi bien la France que l’Italie, l’Espagne ou le Portugal. Elle fait de gros ravages sur la vigne, les oliviers et sur les patrimoines végétaux remarquables que nous pouvons avoir dans nos villes.
L’INRA travaille énormément sur le sujet, en lien avec d’autres agences européennes.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 89, 463 rectifié, 558 rectifié et 748.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 180 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 195 |
Contre | 148 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 14 quater AA est supprimé.
Article additionnel après l’article 14 quater AA
M. le président. L’amendement n° 199 rectifié, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14 quater AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l’article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après le mot : « variétés », sont insérés les mots : « ou de mélanges de variétés » ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Les semences peuvent être commercialisées sous forme de mélanges de variétés, pour autant que chaque composant du mélange réponde, avant mélange, aux dispositions du présent article. Les critères d’enregistrement au catalogue prendront en compte la capacité de la variété candidate à être cultivée en mélange. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. L’utilisation par les agriculteurs de mélanges de semences pour effectuer leurs semis est une pratique en constante augmentation, notamment en agriculture biologique. L’intérêt agronomique de l’utilisation de mélanges de semences consiste principalement à diminuer l’utilisation d’intrants par les agriculteurs, en sélectionnant des variétés complémentaires dans la résistance aux maladies.
En dépit de l’intérêt évident de cette pratique, de nombreux freins en pénalisent le développement.
Sur le plan du droit, la directive européenne 66/402 du 14 juin 1966, concernant la commercialisation des semences de céréales, précise ainsi que les États « admettent que des semences d’une espèce de céréales soient commercialisées sous forme de mélanges déterminés de semences de différentes variétés ». Cette directive n’a toutefois pas été transposée : la réglementation française maintient le principe de l’interdiction de la commercialisation de mélanges de semences.
C’est la raison pour laquelle, afin de lever ce frein et pour offrir une opportunité supplémentaire à nos agriculteurs, dans un contexte de réduction de l’usage des produits phytosanitaires, il est proposé, au travers de cet amendement, d’inscrire explicitement dans la loi la possibilité de commercialiser des semences sous forme de mélanges de variétés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. M. Gay a tout dit. La commission est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. L’avis est défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Deux directives de l’Union européenne prévoient le mélange de semences et la commercialisation. Nous venons de signer un arrêté, qui sera publié dans les jours à venir. La transposition de cette possibilité de commercialiser les mélanges de variétés prévus par le droit européen sera donc effective. Il n’y a pas besoin de base législative particulière sur le sujet.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14 quater AA.
Article 14 quater A
(Non modifié)
Au dernier alinéa de l’article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « gratuit », sont insérés les mots : « ou à titre onéreux ».
M. le président. L’amendement n° 200, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Au même dernier alinéa, après les mots : « non professionnels », sont insérés les mots : « , en vue d’une utilisation » et les mots : « n’est pas soumis » sont remplacés par les mots : « , ne sont pas soumis ».
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement, qui est proposé, entre autres organisations, par la Confédération paysanne, vise à assouplir la réglementation sur les semences paysannes pour des usages non commerciaux.
Actuellement, l’échange de semences doit respecter une procédure complexe, qui oblige à enregistrer la variété de semences au catalogue. Cet impératif ne fait pas la différence entre un échange à but commercial et un autre. Nous proposons donc, en accord avec les règlements européens et français, d’opérer une simplification quant aux règles d’échange de semences à but non commercial.
Tandis que nous travaillons à réduire l’usage de produits phytopharmaceutiques, que nous cultivons de plus en plus de produits biologiques et agroécologiques et que nous opérons une transition vers une consommation durable et fondée sur les circuits courts, il est nécessaire de permettre une adaptation des cultures en fonction des régions. Les dernières décennies de standardisation des espèces de fruits et légumes nous ont fait perdre une pluralité qui témoignait des diversités régionales. Aujourd’hui, grâce à des variétés de semences anciennes, des paysans réussissent l’exploit de faire pousser en montagne des variétés rares de tomates, et ce sans intrants chimiques.
Ainsi, l’usage des semences paysannes est l’occasion de diversifier l’agriculture, mais aussi de faire revivre les particularités de nos régions. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cette mesure pour la biodiversité de nos territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Cet amendement reprend la rédaction du code rural. Il apparaît plus simple de vérifier que l’utilisateur n’est pas professionnel plutôt que de contrôler que l’utilisateur, quel qu’il soit, envisage ou non de suivre une exploitation commerciale de la semence.
En outre, la rédaction proposée pourrait être interprétée de façon extensive et concerner plus que les jardiniers amateurs aujourd’hui visés par la dérogation.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. La modification ne change pas les difficultés que soulève pour le Gouvernement l’extension prévue à cet article de l’exemption d’inscription au catalogue des variétés cédées à titre onéreux à des utilisateurs professionnels. L’article, même ainsi rédigé, n’est pas conforme au droit européen et conduit à limiter l’information des utilisateurs sur les caractéristiques des semences achetées.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Ces deux avis défavorables sont très dommageables. Si nous votions cet amendement, la mesure pourrait être discutée et améliorée dans le cadre de la commission mixte paritaire. C’est par des mesures comme celles-là, monsieur Duplomb, qu’on préservera la biodiversité, notamment la biodiversité cultivée, et qu’on pourra sauver la planète !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 233 rectifié, présenté par MM. Yung et Amiel, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 276 rectifié, présenté par MM. Bizet, Buffet, Cornu, Danesi, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Priou, Rapin, Revet, Sol, Vaspart et Vogel, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 779, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Compléter cet article par des mots et une phrase ainsi rédigés :
et après le mot : « sélection » la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « , à la production et à la commercialisation. La cession, la fourniture ou le transfert à titre onéreux est subordonné à une déclaration dématérialisée préalable et gratuite des variétés, dont les modalités sont fixées par décret. »
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. L’objet de l’amendement est d’organiser un recensement des variétés non enregistrées au catalogue et cédées à titre onéreux au travers d’une simple déclaration préalable dématérialisée qui pourrait contenir une dénomination et une description de la semence. Cela permettra d’avoir une vision exhaustive des variétés anciennes utilisées par les jardiniers amateurs et non inscrites au catalogue, sans pour autant ajouter une charge trop lourde à ces derniers.
Je vous propose d’adopter cet amendement, mes chers collègues. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur l’amendement n° 747 que présentera le Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 747, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe :
… – Après les mots : « à la sélection », la fin du même dernier alinéa est ainsi rédigée : « la production et la commercialisation. La cession à titre onéreux n’est exemptée des dispositions du présent article que pour les variétés ayant fait l’objet d’un enregistrement, sur la base notamment d’une dénomination, d’une description et des connaissances acquises sur ces variétés. Les modalités de cet enregistrement sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Les directives concernant le catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles, applicable à la quasi-totalité des variétés de semences, prévoient, à leur article 3, que « chaque État membre établit un ou plusieurs catalogues des variétés admises officiellement à la certification et à la commercialisation sur son territoire ».
Les dispositions de l’article 14 quater A en ce qu’elles exonèrent d’inscription au catalogue la cession à titre onéreux de semences ne sont pas conformes aux règles européennes. La cour d’appel de Nancy a confirmé cette interprétation dans un arrêt rendu en 2014.
La directive de 2009 prévoit, par exception et pour les légumes, des critères d’admission allégés pour les variétés de conservation ou sans valeur intrinsèque, adaptées à des conditions géographiques particulières. Elle permet également d’exonérer de la procédure d’examen officiel les variétés créées pour répondre à des conditions de culture particulières lorsque les informations détenues sont suffisantes.
Dans ce contexte, et afin de faciliter encore la mise à disposition de ces semences tout en assurant une information minimale des jardiniers amateurs et le respect des dispositions européennes, il est proposé une procédure d’enregistrement des variétés qui répondent aux conditions mentionnées à l’article 23 de la directive de 2009. Cette disposition devrait permettre de satisfaire la demande d’une réglementation adaptée et allégée pour la vente aux jardiniers amateurs et aux utilisateurs, mais aussi pour des raisons de droit de concurrence.
Enfin, afin de prévenir les risques sanitaires ou l’introduction d’espèces invasives sur le territoire national, il importe que le respect des règles sanitaires et leur contrôle s’appliquent aussi à l’étape de la commercialisation.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’abonderai dans le sens de la commission.
De quoi parle-t-on exactement ? Je citerai juste un exemple : l’engrain ou triticum monococcum est la première céréale élevée par l’homme dans le croissant fertile – l’agriculture vient de là, entre l’Irak et la Syrie. C’est une céréale qui arrive dans l’Hexagone, soit l’actuel territoire de la France, 7 000 ans avant Jésus-Christ. Depuis cette date jusqu’à aujourd’hui, elle n’a cessé d’être cultivée. Elle l’est encore, notamment à Forcalquier et dans certaines zones, sous l’appellation « petit épeautre » ou « épeautre ».
Il s’agit simplement de reconnaître que certaines semences portent un patrimoine historique qui nous dépasse très largement et qu’elles ne doivent pas être soumises aux mêmes critères que des céréales qui ont été mises au point génétiquement il y a quelque temps. Souvenons-nous que l’agriculture est plus ancienne que les années cinquante. Voilà pourquoi il faut reconnaître à certaines variétés un statut particulier.
Ce petit rappel historique me semblait utile à un moment où l’agriculture semble oublier d’où elle vient.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, j’étais cosignataire de l’amendement n° 276 rectifié. Je défends l’accès des jardiniers amateurs aux plantes anciennes, comme l’épeautre ou autres. Je suis absolument incompétent sur la question, mais j’aurais aimé être éclairé par l’avis de Mme le rapporteur et de M. le ministre.