M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. J’invite à adopter l’amendement du Gouvernement, et j’émets un avis défavorable sur les autres.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le président, je veux intervenir avant la fin de l’examen de l’article 1er, puisque je n’ai pas pu le faire tout à l’heure, pour répondre à M. Guillaume concernant la problématique de la contractualisation.
Mon cher collègue, la contractualisation n’a pas servi à rien,…
M. Didier Guillaume. Je n’ai pas dit cela !
M. Laurent Duplomb. … pour une simple et bonne raison : dans les coopératives, elle existe, et elle est naturelle.
En revanche, avec la suppression des quotas laitiers, si la contractualisation n’avait pas existé, les entreprises privées auraient pu choisir leurs producteurs à travers le pays. Elles les auraient alors choisis dans les secteurs où le lait est le plus facile à collecter et auraient laissé tomber tous ceux qui travaillent dans des secteurs comme le mien, par exemple en zone de montagne.
Je veux aussi vous rappeler, à propos de coopération, que, chaque fois qu’un collecteur, en France, s’est cassé la figure, a été placé en liquidation ou a rencontré des difficultés financières, bref, chaque fois qu’il a fallu jouer le jeu de la mutualisation et de la solidarité, ce sont toujours les coopératives qui ont servi d’ambulance.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 275 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 163 rectifié quinquies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut être » sont remplacés par les mots : « , des viandes et du lait de vache est » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d’application et les produits visés. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement, que nous défendons avec constance depuis de nombreuses années, a pour objet d’étendre le mécanisme du coefficient multiplicateur aux viandes et au lait de vache, suivant d’ailleurs en cela les préconisations formulées par le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dans l’avis sur la compétitivité de l’agriculture que celui-ci a rendu en février dernier.
Fondé sur un principe simple d’encadrement des prix d’achat en lien avec le prix de vente, cet amendement tend à appliquer un coefficient limitant les taux de marge, plus particulièrement ceux des distributeurs, sur l’ensemble de la filière. Il s’agit d’une régulation par l’État des prix et du marché.
Ce dispositif est déjà l’objet de l’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime, mais il ne concerne actuellement que les fruits et légumes, avec un déclenchement laissé à la libre appréciation des ministres chargés de l’économie et de l’agriculture.
Si, depuis l’instauration de ce dispositif, son activation a été évoquée à plusieurs reprises, jamais cette démarche n’a été concrétisée. L’argument de la complexité de ce mécanisme est difficile à entendre, étant donné qu’il existe depuis maintenant des années.
S’il était effectivement utilisé, comme le préconise le CESE, le coefficient multiplicateur serait un outil très efficace d’encadrement des marges, pour éviter les situations dans lesquelles les producteurs sont obligés de travailler à perte.
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à l’étendre à l’ensemble des viandes et au lait de vache, tout en précisant qu’il s’appliquerait bien évidemment aux périodes de crise conjoncturelle ou en prévision de celles-ci.
En s’appliquant également aux produits agricoles importés, cette extension du coefficient multiplicateur constituerait aussi un puissant levier de dissuasion envers les pratiques de mise en concurrence des productions, notamment en fonction de la date d’arrivée sur le marché, et de dumping économique, social et environnemental
Nous pensons que ce mécanisme risque de tendre le dialogue entre les acteurs des filières, raison pour laquelle le dispositif de l’amendement précise également que les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture devront, avant de décider du taux et de la durée du coefficient multiplicateur, consulter non seulement les organisations professionnelles concernées, mais également les syndicats agricoles.
Enfin, la limitation à trois mois de l’application du coefficient multiplicateur est supprimée par le biais de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. La question du coefficient multiplicateur revient dans tous les textes agricoles que nous examinons, quelle que soit leur importance.
En 2005, sur l’initiative du député UDF Jean Dionis du Séjour, qui connaissait bien le secteur des fruits et légumes, ce dispositif a été introduit dans le code rural et de la pêche maritime, en cas de problèmes conjoncturels.
Force est de le constater, il n’est jamais utilisé, tout simplement parce que, s’il est séduisant, il est aussi très complexe.
On a là un bel exemple d’une loi que l’on a votée mais qui ne fonctionne pas ! En l’occurrence, la complexité du dispositif est telle qu’on ne peut pas le mettre en place.
Je pense sincèrement qu’il est inutile de généraliser le coefficient multiplicateur dans la loi.
Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Comme vous venez de le dire, monsieur le rapporteur, ce dispositif n’est pas nouveau. Il a été mis en place afin notamment de protéger les paysans et les consommateurs des pratiques abusives des intermédiaires, particulièrement en matière de marges.
Nous débattons à son sujet de façon récurrente.
L’objectif est bien de permettre la satisfaction des besoins des Français par une maîtrise publique et d’empêcher les spéculateurs de déstabiliser les prix.
Même s’il ne nous surprend pas, nous regrettons votre avis défavorable.
Puisque nous sommes désireux de régler le problème des marges et de protéger les agriculteurs et puisque nous appelons à un minimum de régulation, pour que chacun puisse s’y retrouver, je pense que le coefficient multiplicateur devrait être utilisé. Cela nous éviterait un certain nombre de crises agricoles telles que nous avons pu les connaître par le passé dans les différents secteurs.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 271 rectifié bis est présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot, MM. Wattebled et Paul, Mme Goy-Chavent, M. Daubresse et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
L’amendement n° 489 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez et Guérini, Mme Laborde et M. Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 631-24-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 631-24-… ainsi rédigé :
« Art. L. 631-24-… – Lorsque l’acheteur résilie un contrat mentionné à l’article L. 631-24 portant sur l’achat de lait, le producteur peut exiger, s’il n’a pas conclu un nouveau contrat avec un acheteur pour les volumes en cause, un avenant non renouvelable reprenant à l’identique les conditions prévues par le contrat résilié pour une durée de trois mois à compter de la date effective de la résiliation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 271 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement vise à lutter contre le chantage à la collecte et le déréférencement des producteurs.
En effet, ces deux instruments pervers donnent une force colossale de négociation aux acheteurs industriels. L’inversion de la construction des prix comporte des risques pour les producteurs et cet amendement tend à les protéger de pratiques de négociation abusives et critiquables.
La peur de ne plus être collecté place les producteurs dans une position de faiblesse à l’égard de leurs acheteurs, à cause de leur dépendance économique.
Conformément aux remarques exprimées par M. le rapporteur en commission et à la suite des échanges avec l’administration, la nouvelle rédaction de cet amendement propose une solution « 3+3 », selon laquelle, outre le délai de préavis à la rupture d’un contrat de trois mois, le producteur de lait ou de denrées périssables dispose de trois mois supplémentaires pour pouvoir, en quelque sorte, se retourner.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 489 rectifié.
M. Joël Labbé. Pour gagner du temps, je vais dire que l’amendement a été très bien défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. Sur le fond, ces amendements sont extrêmement importants. Cependant, en commission, nous avions sollicité le retrait de ceux qui nous avaient été soumis, parce qu’ils présentaient des problèmes de rédaction.
Les amendements que nous examinons sont désormais très bien rédigés, raison pour laquelle la commission y est très favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Pour autant, il ne peut y avoir de rupture de collecte en cas de difficulté entre un producteur et sa coopérative ou l’entreprise de collecte avec laquelle il a contractualisé, pour la bonne et simple raison que, tant que le litige n’est pas réglé, le transformateur doit continuer à collecter, quelle que soit l’issue des négociations.
Il est vrai que le chantage à la collecte et au déréférencement ne devrait pas exister – je souscris totalement à cette idée –, mais il n’est pas nécessaire d’introduire de nouvelles dispositions. Utilisons les dispositifs qui existent aujourd’hui !
Par ailleurs, plutôt que d’obliger l’acheteur à signer un avenant pour prolonger de trois mois le contrat arrivé à expiration, ce qui est contraire à la liberté contractuelle, j’invite les participants à anticiper les dates de fin de contrat et à commencer la médiation au moins trois mois avant la date d’expiration, maintenant que les délais en la matière sont très encadrés, pour que cette médiation soit beaucoup plus effective, ce qui devrait permettre aux parties de trouver des solutions.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 271 rectifié bis et 489 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 53, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin d’informer le consommateur de la part de valeur du produit qu’il achète qui revient au producteur primaire, et de ce que représente cette part de valeur relativement aux coûts engagés par le producteur pour fournir le produit que le consommateur, les producteurs, transformateurs et distributeurs signent des conventions tripartites pluriannuelles garantissant le partage de la valeur ajoutée et l’étiquetage de cet indicateur de prix.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement s’inscrit dans la logique du projet de loi, qui a pour ambition de rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée entre producteurs, transformateurs et distributeurs.
L’un de nos objectifs est de permettre aux producteurs de vendre à un prix rémunérateur et de sortir de la précarité des milliers d’agriculteurs.
Or, si ce projet de loi vise à une répartition plus juste de la valeur ajoutée, l’un des moyens d’y parvenir est d’informer et de responsabiliser les consommateurs.
En effet, en indiquant sur l’étiquette des produits la manière dont est répartie la valeur ajoutée, nous permettons aux Français d’être plus avisés dans leurs achats.
Par ailleurs, les consommateurs pâtissent aussi de cette mauvaise distribution de la valeur ajoutée, puisqu’ils sont floués par le prix. Il est fréquent que les prix soient trop élevés et rémunèrent trop le distributeur, ou, à l’inverse, qu’ils soient trop bas et ne rémunèrent pas assez le producteur.
Par cet amendement, nous permettons aux citoyens de remédier à cette situation. En effet, consommer est devenu un acte citoyen : les Français sont de plus en plus nombreux à adopter un comportement d’achat qui vise à promouvoir des productions locales et responsables, mais aussi les produits dont la valeur ajoutée est équitablement partagée. La croissance constante de la consommation des produits locaux, bio, de saison ou issus du commerce équitable en témoigne.
Les Français souhaitent être exigeants dans leur consommation. Il est du devoir du législateur de permettre cette nécessaire transparence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, tout en étant très favorable aux contrats tripartites. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
En effet, madame Cukierman, les contrats tripartites existent déjà aujourd’hui. Ils fonctionnent bien et n’ont attendu aucune législation pour faire leurs preuves. Nous sommes plusieurs à considérer que, si nous commençons à légiférer à leur sujet, à les complexifier, à les rendre obligatoires, nous risquons de les pénaliser.
Nous avons plutôt intérêt à ce que la conclusion de contrats tripartites continue à se faire en toute liberté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
On s’aperçoit que, aujourd’hui, les contrats tripartites fonctionnent plutôt bien. Citons le dispositif « C’est qui le patron ?! », qui répond à une logique de meilleure rémunération du producteur, du distributeur et du transformateur.
En matière d’étiquetage, il est possible d’encourager des démarches individuelles. Il ne convient pas pour autant de multiplier les normes, qui sont déjà nombreuses. En général, les démarches existantes suffisent à leur propre publicité et la communication se fait pour chaque démarche identifiée par le consommateur.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le président, plus qu’expliquer mon vote, je veux revenir sur les paroles de M. le ministre.
Monsieur le ministre, vous prenez l’exemple de C’est qui le patron ?!, mais savez-vous comment cette entreprise est née et pourquoi la laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel paie mieux ses producteurs que les autres entreprises ? Parce que c’est le fruit de l’histoire ! La laiterie a été montée de toutes pièces après la suppression des quotas et s’est développée, depuis quelques années, sur la transformation du lait de consommation, notamment.
Depuis des années, les coopératives et les entreprises historiques du domaine laitier, qui collectent la totalité des producteurs, collectent plus que ce dont elles ont besoin pour leur marché. Elles ont toujours eu à gérer cet excédent. La plupart du temps, elles sont donc obligées d’investir, d’exporter et de faire porter le prix de leurs excédents sur le reste de leur consommation.
J’en reviens à la marque C’est qui le patron ?!. Cette entreprise se développe en « piquant » des producteurs, au gré de l’évolution de ses marchés, à toutes les autres entreprises, qu’il s’agisse de coopératives ou d’entreprises privées ! Apparue après les autres, elle se sert du système ; elle fait son marché, en retenant les meilleurs producteurs.
Pour citer un exemple de ma région, dans l’Allier, des producteurs sont partis de chez C’est qui le patron ?!, qui leur proposait tout simplement 20 euros de plus pour 1 000 litres de lait, alors qu’ils produisaient 1 million de litres de lait et pouvaient être coopérateurs.
Laisser se monter des entreprises qui se servent du système pour faire leurs choux gras et tuent les entreprises alentour, est-ce cela le sens de l’histoire de l’agriculture ?
M. Laurent Duplomb. Je crois rêver quand j’entends le ministre de l’agriculture prendre l’exemple de C’est qui le patron ?!, entreprise qui s’est développée dans l’irrespect total de la totalité des autres acteurs de la filière. (M. Pierre Cuypers applaudit.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à ne pas utiliser les explications de vote sur les amendements en lieu et place de prises de parole sur les articles.
Je mets aux voix l’amendement n° 53.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
L’article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 631-25. – Est passible d’une amende administrative, dont le montant ne peut être supérieur à 2 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos ou, dans le cas des organisations de producteurs ou associations d’organisations de producteurs assurant la commercialisation des produits sans transfert de propriété, à 2 % du chiffre d’affaires agrégé de l’ensemble des producteurs dont elles commercialisent les produits :
« 1° Le fait, pour un producteur, une organisation de producteurs, une association d’organisations de producteurs ou un acheteur de produits agricoles de conclure un contrat écrit ou un accord-cadre écrit ne comportant pas toutes les clauses mentionnées à l’article L. 631-24 ou comprenant une délégation de facturation en méconnaissance du IV du même article L. 631-24 ;
« 2° Le fait, pour un producteur ou un acheteur, de conclure un contrat ne respectant pas, en méconnaissance du I dudit article L. 631-24, les stipulations d’un accord-cadre ;
« 2° bis Le fait, pour un acheteur, de ne pas proposer une offre écrite de contrat au producteur qui en a fait la demande, en méconnaissance du paragraphe 1 bis des articles 148 et 168 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 précité ou de proposer une offre écrite de contrat ne comportant pas toutes les clauses mentionnées à l’article L. 631-24 ou comprenant une délégation de facturation, en méconnaissance du IV du même article L. 631-24 ;
« 2° ter Le fait, pour un acheteur de produits agricoles, de ne pas donner de réponse écrite au producteur, à l’organisation de producteurs ou à l’association d’organisations de producteurs, en cas de refus de la proposition de contrat ou d’accord-cadre écrit ;
« 3° Le fait, pour un acheteur, de ne pas transmettre les informations prévues au dernier alinéa du III dudit article L. 631-24 et à l’article L. 631-24-1 ;
« 4° Lorsque la conclusion de contrats de vente et d’accords-cadres écrits a été rendue obligatoire dans les conditions prévues à l’article L. 631-24-2 :
« a) Le fait, pour une organisation de producteurs reconnue ou une association d’organisations de producteurs reconnue agissant comme mandataire de ses membres pour négocier la commercialisation des produits dont ces derniers sont propriétaires, de ne pas proposer au premier acheteur de ces produits un accord-cadre écrit ;
« b) Le fait, pour un producteur, de faire délibérément échec à la conclusion d’un contrat écrit en ne proposant pas de contrat à l’acheteur de ses produits ;
« c) Le fait, pour un acheteur, d’acheter des produits agricoles à un producteur sans avoir conclu de contrat écrit avec ce producteur, sans avoir conclu d’accord-cadre écrit avec l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs à laquelle il a donné mandat pour négocier la commercialisation de ses produits ou sans respecter les dispositions prises en application du II du même article L. 631-24-2 ;
« 5° Le fait, pour un acheteur, d’imposer des clauses de retard de livraison supérieures à 2 % de la valeur des produits livrés.
« Le montant de l’amende est proportionné à la gravité des faits constatés, notamment au nombre et au volume des ventes réalisées en infraction. Il peut être porté au double en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la première commission des faits. L’autorité administrative compétente peut, en outre, ordonner la publication de la décision ou d’un extrait de celle-ci dans les publications, journaux ou services de communication au public par voie électronique, dans un format et pour une durée proportionnés à la sanction infligée. Cette publication est systématiquement ordonnée en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la première commission des faits.
« L’action de l’administration pour la sanction des manquements mentionnés au présent article se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été commis si, dans ce délai, il n’a été fait aucun acte tendant à la recherche, à la constatation, ou à la sanction de ce manquement. »
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. L’article 2, que nous nous apprêtons à étudier, est d’une importance centrale, puisqu’il permet de sanctionner les manquements aux obligations contractuelles, par la prévention des situations où l’acheteur aurait la tentation de se placer en position de force vis-à-vis d’un ou de plusieurs producteurs.
Dans ce cadre, nous avons déposé plusieurs amendements, qui visent à redonner de la force à notre législation et, surtout, à faire en sorte que les dispositions coercitives dissuadent de toute infraction ou de tout abus de pouvoir.
Dans notre volonté d’une discussion constructive, nous proposerons des mesures échelonnées. D’ailleurs, l’un de nos amendements tend à fixer la sanction à 5 % du chiffre d’affaires.
Mes chers collègues, nous devons travailler à une loi qui protège, afin de donner aux autorités compétentes les moyens de défendre les plus faibles face aux plus forts.
Nous pensons que, pour que ce texte soit crédible dans sa tentative de permettre aux producteurs de percevoir un juste niveau de rémunération, les amendements déposés à l’article 2 qui visent à instaurer des sanctions doivent être adoptés à l’unanimité.
Je le dis très sereinement : il est temps d’envoyer un signal fort à nos agriculteurs, en leur montrant que nous voulons une contractualisation équilibrée, permettant l’émergence de prix justes et, surtout, l’octroi d’un revenu décent.
Nous ne pouvons laisser mourir de faim des femmes et des hommes qui nourrissent les femmes et les hommes de notre pays.
Il appartient dès aujourd’hui à la puissance publique de permettre une régulation visant à s’assurer de ce bon équilibre de la relation entre les producteurs et les acheteurs.
M. le président. L’amendement n° 55, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 631-25. – Sans préjudice des articles L. 442-6 du code de commerce et 1112 du code civil, est passible… (le reste sans changement)
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. À l’alinéa 2 de cet article 2, nous proposons de faire référence à l’article L. 442-6 du code de commerce sur les pratiques restrictives de concurrence.
Nous voulons rappeler qu’une action peut être introduite devant une juridiction civile ou commerciale compétente, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate une pratique restrictive de concurrence.
Si une situation illicite est avérée, les autorités compétentes que je viens de citer peuvent faire constater la nullité des clauses ou des contrats illicites et demander la répétition de l’indu.
Elles peuvent également demander le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 5 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. La procédure prévue à l’article L. 442-6 du code de commerce étant applicable à tout producteur, commerçant et industriel, il n’est pas utile de complexifier la rédaction de l’article 2 avec ce rappel.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Cet amendement vise à rappeler que les sanctions pour déséquilibre significatif, bien qu’inscrites dans le code de commerce, s’appliquent également aux contrats conclus entre le producteur et son premier acheteur.
Si l’objectif semble satisfait par le texte, la rédaction proposée par Mme Cukierman permet d’apporter une précision, raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 56, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
supérieur à 2 %
par les mots :
supérieur à 5 %
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Je pense que nous allons vivre un grand moment avec l’adoption unanime de cet amendement. (Sourires.)
Comme nous l’avons souligné lors de la discussion générale, chaque fois que le législateur a tenté de remédier, par touches successives, aux effets pervers de la libéralisation du marché agricole, les acteurs de la grande distribution se sont adaptés aux nouvelles contraintes visant à rééquilibrer les relations commerciales. Et malheureusement, ce texte, qui s’inscrit dans la même logique, n’échappera sûrement pas à cette règle.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de porter à 5 % du chiffre d’affaires le taux des sanctions encourues en cas de non-respect des dispositions prévues à l’article 1er du projet de loi, tout en ayant conscience que ces mêmes sanctions pourront désormais s’appliquer aux producteurs.
Toutefois, comme l’a souligné le rapporteur, deux adaptations protègent ces derniers : d’une part, contrairement à l’acheteur, le producteur ne sera pas sanctionné s’il propose un contrat ne comportant pas toutes les clauses mentionnées à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime ; d’autre part, les sanctions seront adaptées à la taille des organismes concernés et les petits producteurs n’auront pas à payer les mêmes montants que des acteurs réalisant un chiffre d’affaires de plusieurs milliards d’euros.
Comme l’a souligné M. le ministre à l’Assemblée nationale, 2 %, ce sont « des cacahuètes », mais il s’agit tout de même d’un maximum. Or l’article L. 642-6 du code de commerce, tel que modifié par la loi Macron, prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires en cas d’atteinte au droit de la concurrence, par exemple, mais aussi en cas de déséquilibre significatif ou de rupture brutale des relations commerciales.
C’est la raison pour laquelle, dans un souci de parallélisme des formes et dans un esprit constructif, nous souhaitons porter le taux des sanctions prévues à l’article 2 de ce projet de loi de 2 % à 5 % du chiffre d’affaires.