M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Nous venons d’avoir une discussion sur les meilleurs moyens de rééquilibrer le contrat en faveur du producteur, mais les intérêts du transformateur doivent également être respectés.
Quand un agriculteur s’est engagé à fournir du lait à une coopérative ou à un autre transformateur et qu’il retire sa production, cet acte pose une difficulté au transformateur.
On peut, bien sûr, souhaiter que le bio se développe, mais il ne peut en aucun cas se généraliser, et il existe d’autres moyens d’améliorer l’agriculture raisonnée. Ne soyons pas fétichistes du bio et gardons-nous de mettre en place des dérogations excessives à l’équilibre du contrat, alors même que nous souhaitons que celui-ci soit correctement équilibré.
Un producteur de lait qui veut passer au bio ne le fait pas du jour au lendemain ; le rapporteur vient de rappeler qu’un délai de trois ans est obligatoire avant qu’il soit reconnu producteur bio. En conséquence, il dispose de tout le temps nécessaire pour adapter sa relation avec le transformateur.
Je parle du lait parce que, étant élu d’un département laitier, c’est une spécialité que je connais mieux que la viticulture, mais il me semble important de ne pas avoir une approche idéologique de ces problèmes. Si nous voulons faire comprendre aux transformateurs qu’il est nécessaire que le prix de revient moyen soit pris en compte sur des bases objectives, ne chargeons pas la barque en rendant plus difficile l’exécution des contrats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. M. Gremillet nous appelle à être sérieux, ce qui signifierait que nous ne le serions pas lorsque nous défendons ce type d’amendements.
Nous avons argumenté, et nous sommes censés défendre le monde agricole. Ce sont les agriculteurs, les victimes, et non les transformateurs ! Ce sont pourtant ces derniers que vous défendez contre les agriculteurs qui souhaitent faire la conversation vers le bio ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Mais non !
M. Joël Labbé. C’est absolument clair !
Vous nous enjoignez de ne pas être dogmatiques, mais je tiens à vous dire que c’est vous qui l’êtes en défendant ces positions ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. François Bonhomme. Parole d’expert !
Mme Élisabeth Lamure. C’est le monde à l’envers !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Le débat que nous avons est important, mais nous ne parlons pas beaucoup des consommateurs, qui sont pourtant ceux qui le trancheront. Ils font leur choix : certains veulent les produits courants de l’agriculture, d’autres recherchent des appellations d’origine contrôlée, des AOC, d’autres encore des produits bio.
Or nous n’avons pas assez d’agriculteurs qui se convertissent au bio pour répondre à la demande et une grande partie des produits de la filière bio provient de l’étranger, surtout de pays européens.
Je ne suis donc pas choqué par les amendements qui nous sont présentés, parce qu’il faut accompagner massivement les agriculteurs dans la conversion vers le bio afin qu’ils bénéficient de prix plus rémunérateurs. Cela ne s’oppose pas à l’agriculture conventionnelle, mais cela correspond à la demande des consommateurs.
Dans la ville dont j’ai été maire pendant vingt ans, nous sommes passés il y a une dizaine d’années à une alimentation bio dans la restauration scolaire.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Et vous n’avez pas eu besoin de la loi pour cela !
M. Martial Bourquin. Quelles difficultés n’avons-nous pas rencontrées pour nous approvisionner !
Si la filière bio n’est pas suffisamment puissante, cela suscitera des importations supplémentaires. Prenons donc les choses en main. En adoptant les amendements qui nous sont soumis, faisons en sorte que ceux qui font ce choix soient accompagnés.
Il est vrai qu’il y a des niches, mais certains produits sont plus rémunérateurs que d’autres, parce que la production baisse pendant plusieurs années. Les producteurs ne profitent donc pas immédiatement des niches.
Sachons prendre le train de l’histoire. Aujourd’hui, la demande existe, et, selon moi, elle sera encore plus importante demain. Ceux qui souhaitent consommer des produits bio doivent pouvoir s’en procurer et ,surtout, l’agriculture française doit pouvoir répondre à leur demande.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Et bien nous voilà en plein dedans ! Je le disais, soyons attentifs à la cohérence. Nous verrons ultérieurement que l’on nous demande d’augmenter les surfaces agricoles en bio ; si nous ne nous donnons pas les moyens d’accompagner les agriculteurs vers ce mode de production, nous ne parviendrons pas à atteindre cet objectif.
Il faut toutefois être raisonnable, ou sérieux, comme disait Daniel Gremillet, bien sûr ! Et nous le sommes lorsque nous demandons que les éleveurs et les agriculteurs qui souhaitent passer en bio disposent des moyens nécessaires.
En outre, quel volume les agriculteurs qui se convertiront au bio représenteront-ils pour les transformateurs ? Quatre fois rien ! En euros, au regard du chiffre d’affaires des grands producteurs laitiers que nous connaissons, c’est peanuts, sauf si nous enregistrions un nombre très important de conversions. Alors, nous pourrions réviser ce que nous aurions décidé aujourd’hui. Je doute pourtant que le nombre de personnes qui passeront au bio dans les prochaines années, et que ces dispositifs pourraient accompagner, mette en péril l’équilibre d’entreprises comme Lactalis.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. C’est exactement cela, il faut être sérieux. Nous évoquons le bio, et, en vous entendant, mes chers collègues, j’ai l’impression que c’est le secteur dominant, et que l’on ne parle plus que de lui. Aujourd’hui, le bio représente 6,6 % de la surface agricole française !
Il me semble que l’on peut encore beaucoup progresser, qu’il est nécessaire de progresser encore, et nous pouvons tous en convenir. Cette mesure ne mange pas de pain – si je puis dire ! –, mais elle peut améliorer les choses pour aller dans ce sens.
Je vous rappelle – il faut l’avoir à l’esprit – que l’agriculture traditionnelle perd des emplois, alors que dans la filière bio, qui est un secteur dynamique, ceux-ci augmentent de plus 13 %. Et toute mesure qui favorise l’emploi dans l’agriculture est bonne.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. J’interviens parce qu’il me semble que nous nous trompons de sujet. Je suis d’accord avec Didier Guillaume, il ne s’agit pas d’opposer les agricultures les unes aux autres.
Toutefois, je comprends l’exaspération que suscite parfois le fait que le bio soit porté au pinacle dans toutes les communications médiatiques et dans nos préoccupations.
Nous débattons du mauvais sujet. Il s’agit en l’espèce seulement de faire respecter un contrat, et non d’opposer le bio au reste ou d’empêcher les conversions en bio. Celles-ci sont accompagnées par ailleurs par un certain nombre de dispositifs, que le Gouvernement est en train de renforcer, ce qui aura sans doute pour effet de faire franchir le pas à un certain nombre d’agriculteurs.
Aujourd’hui, nous entendons seulement faire appliquer, dans des conditions raisonnables, les clauses d’un contrat bipartite qui engage un producteur et un transformateur, lequel n’est pas nécessairement important. Il ne s’agit pas toujours de Lactalis ou d’une autre coopérative puissante. D’ailleurs, ces grands opérateurs font aussi du bio, comme le rappelait M. le ministre. Nos débats concernent également les petits transformateurs qui ont conclu des contrats avec les producteurs.
Le rapporteur a rappelé que la conversion en bio exige un délai de trois ans, que, pendant ce temps, on peut trouver des arrangements et que personne ne laisse un producteur sur le côté en refusant de collecter son lait ou ses produits au seul prétexte qu’il a engagé la transformation de son entreprise.
Il me semble donc que nous versons dans l’irrationnel, et si nous poursuivons à ce train de sénateur, nous risquons de discuter de ce projet de loi pendant trois mois et demi ! Revenons à l’essentiel : il s’agit pour tout le monde de respecter le contrat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. Je ne me permettrais pas de parler de train de sénateur, parce que je défends la maison, mais faites attention, mes chers collègues ! Alors que nous étions sur le point de passer au vote, l’un d’entre vous a demandé la parole pour explication de vote, puis, de réaction en réaction, une dizaine d’intervenants se sont exprimés.
Bien sûr, vous êtes libres de faire comme vous le souhaitez…
Je mets aux voix les amendements identiques nos 45, 515 rectifié et 677 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 50 rectifié est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 303 rectifié est présenté par M. Delcros, Mmes Gatel et Vullien, MM. Louault et Henno, Mme Joissains, MM. Moga, Capo-Canellas, L. Hervé, Prince, Vanlerenberghe, Longeot et Mizzon, Mme Billon, M. Kern, Mme Sollogoub et MM. Canevet, Le Nay et D. Dubois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les contrats, le prix doit être déterminé ou déterminable par une formule claire et accessible. La connaissance, par les parties et par les pouvoirs publics, des indicateurs utilisés et de leur pondération respective doit suffire à calculer le prix.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié.
M. Fabien Gay. Dans son rapport de 2009 intitulé Les modalités de formation des prix alimentaires : du producteur au consommateur, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, rappelait qu’en matière agricole « les mécanismes de concurrence ne sont pas encore optimaux au niveau de la distribution. Les étapes de négociation entre fournisseurs et distributeurs dominent les filières agroalimentaires et le pouvoir de marché n’est pas équilibré (au détriment des agriculteurs et des consommateurs, qui subissent les baisses de prix pour les premiers et les hausses de prix pour les seconds). »
Dix ans après, ce constat est toujours d’actualité, preuve que la production agricole ne peut être soumise aux seules lois du marché et qu’il est urgent de remettre en place des mécanismes pour lutter contre l’opacité en matière de fixation des prix agricoles.
L’une des préconisations du rapport précité était d’ailleurs d’assurer une plus grande transparence dans la formation des prix au stade de la production, de la transformation et du commerce, ce qui implique une identification claire des marges de chacun des acteurs.
Tel est le sens de notre amendement, qui vise à garantir que, lorsque les contrats sont conclus, les prix déterminés ou déterminables reposent sur des critères clairs, lisibles et rendus publics, afin que les exploitants aient une parfaite connaissance des modalités de calcul.
Vous le savez, les acheteurs sont des spécialistes de la règle à calcul, et se moquent bien des conséquences concrètes que peuvent avoir leurs règles dans la vie de nos exploitations. Cet amendement tend donc à rendre transparent le mode de construction des indicateurs et à rééquilibrer l’asymétrie d’information actuelle dans le fonctionnement économique des filières.
Malgré la sacro-sainte liberté contractuelle, monsieur le ministre, il ne nous semble pas normal qu’un producteur ne parvienne pas à comprendre comment le prix a été déterminé.
Il est essentiel que les pouvoirs publics aient une connaissance des prix fixés dans la proposition de contrat ou dans l’accord-cadre, afin de garantir à la fois l’équilibre et la transparence, dans le cadre de la relation commerciale entre un producteur et un acheteur.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° 303 rectifié.
M. Bernard Delcros. L’objet de cet amendement a été bien présenté. S’agissant des critères et des modalités de détermination des prix, celui-ci vise à assurer aux producteurs une lisibilité totale sur les modalités de calcul des prix, et, surtout, sur leur évolution.
M. le président. L’amendement n° 502 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Guillaume et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les contrats, le prix est déterminé ou déterminable par une formule claire et accessible.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Cet amendement est proche des précédents. Il s’agit de faire en sorte que le producteur puisse comprendre la formule qui régit les prix.
Nous avons déjà débattu de cela en discutant de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche et de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Ces formules sont tellement bizarres que personne ne les comprend, et, à l’arrivée, on ne sait pas comment le prix est fixé.
L’introduction de cette notion de prix déterminé ou déterminable avait été adoptée en commission à l’Assemblée nationale, avant d’être rejetée en séance publique. Nous proposons de la réintroduire dans le texte.
Je ne sais pas lequel de ces amendements est le plus approprié, mais notre volonté est très claire : l’agriculteur doit comprendre, grâce à une formule très simple, comment est fixé le prix. À défaut, il devient spectateur et n’est plus acteur, ce qui pose un vrai problème dans le cadre de la nouvelle construction des prix. Il s’agit d’éviter que d’autres ne soient acteurs à sa place. Il doit savoir demain comme aujourd’hui ce qu’il va toucher en produisant.
Il serait bon de répondre au besoin de transparence en faisant en sorte que tout cela soit compréhensible par tous les producteurs.
M. le président. L’amendement n° 652 rectifié, présenté par M. Tissot, Mmes Préville et Taillé-Polian, M. M. Bourquin, Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Lienemann, MM. Lurel, Vaugrenard et Antiste, Mme Conconne, M. Dagbert, Mmes Espagnac, Ghali et G. Jourda, M. Kerrouche et Mme Rossignol, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les contrats, le prix est déterminé ou déterminable par une formule claire et accessible. La connaissance, par les parties et par les pouvoirs publics, des indicateurs utilisés et de leur pondération respective doit suffire à calculer le prix.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à rendre transparente la fixation des prix.
Il n’est pas normal qu’un producteur n’arrive pas à comprendre comment le prix a été déterminé. Avec une formule claire, précise et accessible, les instances publiques ayant connaissance du contrat peuvent facilement suivre l’évolution des prix, sur la base de l’évolution des indicateurs utilisés.
Il s’agit, selon nous, d’une question d’honnêteté. Quand j’étais professeur et que je donnais des contrôles à mes élèves, je leur communiquais le barème. Cela me paraissait relever de la moindre des honnêtetés et de la pédagogie la plus élémentaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. Très sincèrement, je ne comprends pas bien la justification de ces amendements. Tout d’abord, je ne vois pas pourquoi on devrait diriger l’ensemble des données vers les pouvoirs publics.
Ensuite, la plupart des contrats sont signés dans le cadre d’organisations de producteurs, qui disposent amplement des compétences nécessaires pour décortiquer les prix.
Lorsqu’un agriculteur conclut un contrat individuel, je ne vois pas pourquoi il ne comprendrait pas. Un agriculteur, c’est intelligent ! De plus, il signe un contrat, ce n’est pas n’importe quoi. La liberté contractuelle existe.
On a beaucoup parlé du lait, mais il existe d’autres productions. Avant 2010 et la contractualisation obligatoire, les premiers contrats avaient été conclus par des producteurs avec McDonald’s. En 2010, j’étais rapporteur de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, et j’étais allé voir comment fonctionnaient les McDonald’s : la transparence était complète.
M. Didier Guillaume. Et vous y avez mangé ?
M. Michel Raison, rapporteur. Non, ce n’est pas ma tasse de thé !
Les contrats sont clairs ! Demandez aux éleveurs des deux départements les plus producteurs de viande, vous verrez qu’ils savent comment se construisent les prix quand ils vendent leur produit ; il en va de même des producteurs laitiers.
Je ne comprends donc pas très bien la raison d’être de ces amendements, mais quoi qu’il en soit, je me range derrière la commission, qui a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Je veux ajouter que l’objectif de ce projet de loi, c’est bien que la formule des prix négociés par le producteur, ou son organisation de producteurs, et l’acheteur soit claire et permette à chacun de connaître les prix et de garantir ainsi l’équilibre et la transparence entre les parties.
C’est sur cet équilibre que nous devons travailler, parce que c’est sur lui que repose la répartition de la valeur que nous appelons de nos vœux dans ce titre Ier.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Il s’agit évidemment d’amendements d’appel. Personne n’a dit qu’un agriculteur était un âne et incapable de comprendre ! Mais avec la contractualisation obligatoire par organisation de producteurs ou par filière, tout un secteur peut faire l’objet d’une construction des prix que l’agriculteur ne sera pas supposé connaître. Il saura combien il touchera, mais il ignorera pourquoi.
Nous en appelons donc à vous, monsieur le ministre. Tous les acteurs concernés doivent être attentifs à ce que l’agriculteur comprenne pourquoi il touche telle somme pour son produit. Tel est l’objet de ces amendements.
Je l’ai dit : parfois, vous devez envoyer des signes. Pour le moment, nous n’en voyons aucun, mais je ne doute pas qu’il y en aura durant les trois jours de discussion qui restent.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Plus on maîtrise la formule, plus on la comprend.
Nous défendons les agriculteurs en leur permettant de savoir et de comprendre, et savoir, c’est aussi pouvoir agir. Nous cherchons donc à leur donner de la force dans l’équilibre qu’évoquait M. le ministre et qu’apparemment tout le monde appelle de ses vœux.
Monsieur le rapporteur, personne ne sous-entend, en proposant ses amendements, que les agriculteurs seraient des idiots qui ne comprendraient pas les formules. Mes chers collègues, des élus locaux ou des directeurs d’hôpitaux ont été amenés à signer des contrats toxiques contenant des formules illisibles, parfois volontairement conçues pour conduire à la catastrophe que nous avons connue. J’espère que, dans cet hémicycle, personne ne considère qu’ils étaient idiots !
La simplification de la formule, afin qu’elle soit accessible et compréhensible par tous ceux qui sont concernés, est aussi une exigence de démocratie. Il s’agit précisément de rétablir l’équilibre.
Ces quatre amendements en discussion commune, quelle que soit leur rédaction, vont tous dans le même sens : conforter effectivement l’équilibre et ne pas se contenter de bonnes intentions louables, au risque de découvrir, une fois la loi promulguée, que nous en sommes au même point. Nous nous retrouverions alors dans quelques années pour discuter d’un nouveau texte, avec un nouvel intitulé, dans une sorte de débat éternel.
Cela dit, nous voterons en faveur de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 rectifié et 303 rectifié, dont l’adoption ferait devenir sans objet les deux suivants.
M. Didier Guillaume. Il y a peu de chance !
(Les amendements sont adoptés.) (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 502 rectifié et 652 rectifié n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 291 rectifié, présenté par MM. Bizet, Buffet, Cornu, Danesi, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Priou, Rapin, Revet, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer le mot :
« ou »
par le mot :
« et »
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Lors de l’examen du présent texte par l’Assemblée nationale, l’adoption de différents amendements a permis d’intégrer les dispositions du règlement Omnibus sur la répartition de la valeur, notamment quant à la négociation de clauses de partage de valeur par les agriculteurs ou par leurs associations. Cette disposition est une avancée importante pour le pouvoir de négociation des agriculteurs.
Toutefois, il ne faut pas confondre clause de renégociation et clause de répartition de la valeur, dont les objectifs ne sont pas tout à fait similaires.
De plus, il convient de conserver le caractère facultatif de la clause de répartition de la valeur.
M. le président. L’amendement n° 309 rectifié, présenté par MM. Bérit-Débat, Courteau, Dagbert, J. Bigot, Daudigny, Tissot, Roux, Lalande, Duran, Vaugrenard et Lozach, Mme Conway-Mouret, M. Manable et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer le mot :
« ou »
par les mots :
« et, éventuellement »
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement est presque identique au précédent, son dispositif n’ajoutant que le mot « éventuellement ».
En étroite discussion avec l’une des AOP majeures de mon département, s’agissant de la production laitière, l’AOP Sunlait, j’ai souhaité déposer cet amendement, qui traduit une inquiétude légitime de la part de cet acteur. D’ailleurs, les signataires de l’autre amendement représentent sans doute les territoires d’origine des douze organisations de producteurs qui se sont réunies pour créer cette AOP représentant 2 600 producteurs, 1,2 milliard de litres de lait et 40 % des besoins de Savencia. C’est donc une AOP qui compte.
C’est le deuxième amendement que je défends pour essayer de renforcer la possibilité de renégocier les contrats en cas d’évolution significative du marché. La négociation de la répartition de la valeur doit alors rester le domaine des producteurs et de leurs associations et doit donc demeurer facultative.
Comme l’a dit M. Pellevat, lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, l’adoption de différents amendements a permis d’intégrer des dispositions positives à ce sujet, issues du règlement européen, notamment, la mise en place de clauses de partage de valeur par les agriculteurs ou par leurs associations.
Cette orientation du texte constitue une avancée importante pour le pouvoir de négociation des agriculteurs.
Toutefois, la rédaction actuelle de l’alinéa 15 de l’article 1er fait référence de manière indifférenciée aux clauses tant de renégociation que de répartition de la valeur, dont les objectifs ne sont pas tout à fait similaires.
Sans revenir sur la nécessité de prévoir dans les accords-cadres des clauses de renégociation des contrats, la rédaction proposée prévoit de conserver le caractère facultatif de la clause de répartition de la valeur.
Cela dit, je suis prêt à rectifier cet amendement pour le rendre identique à l’amendement n° 291 rectifié, si l’adoption de ce dernier devait l’emporter en raison de sa rédaction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 291 rectifié, déposé par M. Bizet. Quant à l’amendement n° 309 rectifié, nous sommes gênés par l’adverbe « éventuellement ». Nous en demandons donc la rectification ou le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Le Gouvernement est également favorable à l’amendement n° 291 rectifié. En raison de la présence du mot « éventuellement », qui n’est pas conforme, dans le dispositif de l’amendement présenté par M. Bérit-Débat, j’en demande le retrait au profit de celui qu’a déposé M. Bizet, mais cela n’a rien à voir avec le fait que ce dernier soit élu du département de la Manche, bien entendu ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Bérit-Débat, l’amendement n° 309 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, je souhaite le rectifier, afin d’en ôter le mot « éventuellement » et de le rendre ainsi identique au précédent.
Je ne vois aucune relation de cause à effet avec le fait que vous soyez de la Manche, monsieur le ministre, mais le vice-président comme la secrétaire générale de Sunlait sont en Dordogne. Cela représente tout de même une force en termes de négociation et c’est ce qu’il faut en matière de contractualisation.
Pour ne rien vous cacher, cette AOP a été créée en 2015 grâce au travail de votre prédécesseur, lequel avait réuni les partenaires dans mon bureau de vice-président du Sénat.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 309 rectifié bis, présenté par MM. Bérit-Débat, Courteau, Dagbert, J. Bigot, Daudigny, Tissot, Roux, Lalande, Duran, Vaugrenard et Lozach, Mme Conway-Mouret, M. Manable et Mme G. Jourda, et ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer le mot :
« ou »
par le mot :
« et »
Je mets aux voix les deux amendements désormais identiques nos 291 rectifié et 309 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 220, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent comporter des normes de calibrage abusives ne se justifiant pas au regard des obligations réglementaires en vigueur et des contraintes techniques de production.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. De manière assez logique et pragmatique, nous proposons de restreindre aux normes réglementaires en vigueur les obligations de calibrage contenues dans le cahier des charges des professionnels de l’alimentation.
Instauré dans les règlements européens pour faciliter les échanges commerciaux, le calibrage a été réduit en 2009, pour se limiter à dix types de fruits et légumes. Pourtant, ces normes sont toujours incluses de manière abusive dans de nombreux cahiers des charges, notamment dans la grande distribution.
Il en résulte un gaspillage titanesque de produits alimentaires, qui sont directement jetés aux ordures. Selon une étude de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture datant de 2011, le gaspillage alimentaire européen, pour la seule production, est supérieur à 160 kilogrammes par personne et par an.
Il est inimaginable qu’un tel gaspillage soit autorisé quand des millions d’êtres humains sont mal nourris, que les agriculteurs peinent à vivre et que les ressources agricoles sont de plus en plus limitées !
Il est temps de sortir de cet artifice de la société de consommation où les légumes et les fruits sont normés et sans défaut. La notion de perfection n’existe pas en agriculture, pas plus que dans le reste du vivant. D’ailleurs, la forme parfaite d’un fruit, si elle fait joli sur un étal, ne garantit en rien sa qualité.
La nature n’est pas uniforme ; ainsi, une tomate peut être déformée. Bien plus, la diversité des formes est gage de qualité. Il faut redonner, en quelque sorte, la vérité des aliments à nos concitoyens !
Enfin, les agriculteurs seront les premiers bénéficiaires de cette mesure, puisque la fin du calibrage leur permettra de vendre plus en gaspillant moins.