M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, que se passe-t-il si l’un de ces onze amendements en discussion commune est voté ? Tous les autres tombent-ils ? Tant qu’aucun d’entre eux n’est adopté, les suivants sont-ils soumis au vote ?
M. le président. Oui, mon cher collègue. D’ailleurs, afin que personne ne soit piégé, chaque fois que l’adoption d’un amendement ferait tomber les suivants, je l’indiquerai pour permettre à ceux qui souhaitent expliquer leur vote de le faire.
Je mets aux voix l’amendement n° 503 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l’amendement n° 713.
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, tous les autres amendements vont globalement dans le même sens. À cet égard, votre amendement aurait mérité d’être plus précis pour être adopté, conformément à votre souhait, par la Haute Assemblée. Tel qu’il est rédigé, il laisse trop de portes ouvertes. Si vous aviez indiqué que l’ensemble de la filière peut être partie prenante, alors, me semble-t-il, certains auraient pu changer d’avis. En tout cas, cela aurait fait changer le mien !
Je regrette de devoir m’abstenir sur cet amendement tel qu’il est rédigé, qui, je le répète, faute d’être suffisamment précis, ouvre la voie potentiellement à des dérives.
M. le président. Je précise que, si l’amendement n° 713 est adopté, les amendements nos 308 rectifié et 517 rectifié deviendront sans objet.
La parole est à Mme Noëlle Rauscent, pour explication de vote.
Mme Noëlle Rauscent. Pour l’avenir, les filières doivent s’organiser, se coordonner et se mettre d’accord pour parvenir à une plus juste répartition de la valeur ajoutée. Donc, il est de notre rôle de leur donner tous les outils pour tendre vers ce but, pour les inciter à faire converger leurs intérêts.
Pour autant, pensez-vous qu’il est de notre rôle, du rôle de l’État, de se substituer à ces négociations ? Pensez-vous qu’un organisme pourra prendre en compte à lui seul toutes les spécificités des coûts de production d’une filière ? Pensez-vous que ce même organisme permettra la mise en place de contrats efficients sans désavantager une partie du contrat ?
L’Observatoire doit donc se placer comme un outil au service des interprofessions et non comme un palliatif à leur manque de coordination.
La nouvelle rédaction de l’article 1er proposée par le Gouvernement respecterait cette vision selon laquelle les filières prennent leurs responsabilités.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émorine. Je partage l’avis de mon collègue Cabanel sur l’amendement du Gouvernement. Celui-ci indique que les organisations interprofessionnelles « peuvent » élaborer ou diffuser ces indicateurs. Pour avoir vu passer de nombreuses lois agricoles, je puis vous dire que l’emploi du verbe « pouvoir » ne veut pas dire grand-chose : en l’occurrence, si les organisations ne sont pas d’accord, il ne se passe rien !
S’agissant des indicateurs, en particulier ceux des coûts de production, c’est bien à l’échelon de l’exploitation agricole qu’ils doivent être déterminés, même s’ils sont rassemblés au niveau de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont on a vu, dans le passé, l’action sur les marges : les agriculteurs n’ont pas bénéficié d’importants revenus supplémentaires.
Ce qui me rassure, c’est que les organisations interprofessionnelles pourront également s’appuyer sur FranceAgriMer. Mais il appartient bien aux organismes comptables des exploitations agricoles de déterminer le coût de production, qui devra prendre en compte le revenu de l’agriculteur.
Monsieur le ministre, il est important de faire savoir que ce sont les organismes comptables qui pourront déterminer ce coût de production par exploitation, lequel sera plus ou moins élevé selon les exploitations. Et c’est cette moyenne que prendront en compte l’Observatoire et FranceAgriMer.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Nous avons été nombreux à indiquer tout à l’heure que ce texte devait garantir l’application concrète des orientations qu’il propose et que nous approuvons. Or, tel qu’il est rédigé, il me semble que l’amendement du Gouvernement ouvre la porte à de possibles dérives, sans rien garantir ni sécuriser les producteurs. Par conséquent, je ne le voterai pas.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Je veux apporter quelques précisions.
D’abord, le règlement OCM ne permet pas d’imposer des missions aux interprofessions. Et le présent amendement est conforme aux conclusions des États généraux de l’alimentation, c’est-à-dire encourager les interprofessions à créer les indicateurs, chaque opérateur étant ensuite libre de les utiliser s’il en a besoin.
Ensuite, je rappelle que, en cas de désaccord au sein d’une interprofession, l’un de ses membres – c’est ce que nous verrons ultérieurement au cours de l’examen de ce texte – peut saisir le médiateur des relations commerciales agricoles pour trouver avec lui les voies d’un compromis sur l’utilisation de ces indicateurs.
Enfin, nous devons répondre à cette question : que fait-on, ce qui peut arriver, en l’absence d’interprofession ? Que fait-on si une organisation de producteurs laitiers, par exemple, ne souhaite pas utiliser les indicateurs de l’interprofession ? En l’état, l’alinéa 14 de l’article 1er ne permet pas de répondre à cette question et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé cet amendement. Aujourd’hui, les interprofessions doivent se saisir de toutes les opportunités pour créer les indicateurs, et, en cas de désaccord, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires va trouver les moyens de parvenir à un accord permettant d’avoir recours à ces indicateurs. À défaut, les données fournies par FranceAgriMer pourront aussi être utilisées.
Nous ne confions pas une responsabilité à l’Observatoire ; cela reviendrait à verser dans une forme d’économie administrée, ce qui n’est pas souhaitable pour notre agriculture. Au contraire, nous responsabilisons les interprofessions.
M. Didier Guillaume. Il fallait l’écrire ainsi !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens totalement la position du rapporteur. Monsieur le ministre, vous êtes le ministre de l’agriculture de notre pays, mais l’agriculture française n’est pas toute seule dans l’Union européenne. Ce qui me gêne dans ce débat, c’est que l’on parle des indicateurs français, et non pas des indicateurs européens, qui protègent aussi notre agriculture française, qui nous placent devant les réalités.
Monsieur le ministre, vous faites peser sur les interprofessions une responsabilité, mais c’est plus complexe, car celle-ci est partagée. Ainsi, il faut comparer l’évolution des coûts de production à la fois en France, mais aussi à l’échelon communautaire.
La loi Sapin II en faveur de laquelle, dans une autre vie, vous avez votée me semble-t-il, fait référence à deux indicateurs : un indicateur national et un indicateur européen, parce que l’agriculture française s’inscrit dans l’Union européenne.
Il faut protéger nos agriculteurs. Le grand danger, c’est qu’effectivement la France ne devienne pour les autres leur bouffée d’oxygène, parce qu’on ne voudra pas voir ce qui se passe à côté de chez nous, où l’on travaille sur les coûts de production, où les charges sont plus faibles que celles que supporte l’agriculture française.
C’est pour cette raison que mon groupe, dans sa grande majorité, soutient le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je ne suis pas agriculteur, mais je suis quand même effrayé par la manière dont vont être calculés les prix : on organise la concurrence entre les agriculteurs français ! Dévoiler, par les indicateurs, ses prix de revient – c’est ce à quoi l’on va aboutir –, justifier le prix demandé auprès de ceux qui sont soumis à la même réglementation – les agriculteurs français – permettra aux agriculteurs européens, en particulier ceux du Sud, dont certaines productions ont une saisonnalité avancée par rapport aux nôtres, de mettre facilement sur le marché leurs produits sans qu’ils aient de compte à rendre, contrairement aux agriculteurs français.
Compte tenu de l’ensemble des filières concernées, la loi ne pourra pas régler tous les problèmes. Preuve en est, monsieur le ministre : vous souhaitez introduire dans ce texte une disposition nouvelle, alors même qu’il vient d’être débattu par l’Assemblée nationale.
On le voit bien, en ce qui concerne le calcul des prix, ce texte n’est pas au point : franco-français, il ignore la concurrence internationale. Aussi les explications du rapporteur doivent-elles être prises en compte. Je voterai donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur l’amendement n° 308 rectifié.
M. Claude Bérit-Débat. Je veux rappeler les termes de notre amendement n° 308 rectifié, qui propose une nouvelle rédaction de la deuxième phrase de l’alinéa 14, lequel dispose : « Les indicateurs sont diffusés par les organisations interprofessionnelles. » Je propose d’écrire à la place : « Les organisations interprofessionnelles diffusent les indicateurs choisis qui peuvent être ceux construits par les organisations de producteurs ou les associations de producteurs elles-mêmes. »
Je propose donc la reconnaissance des organisations de producteurs, et l’on me renvoie dans mes vingt-deux mètres... Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas pourquoi, vous qui êtes plein de raison (Sourires.), vous n’émettez pas, au nom de la commission, un avis favorable sur un amendement qui va dans le bon sens et qui vise à renforcer le rôle des organisations de producteurs.
Un certain nombre d’entre elles souhaitent être rassurées pour qu’on ne les oublie pas dans la fixation des prix.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Raison, rapporteur. J’aime le débat, mais votre amendement est satisfait, mon cher collègue. Il faut démystifier cette histoire d’indicateurs : bien sûr, ils seront élaborés avec les organisations de producteurs.
Je rappelle également, contrairement à ce que j’ai cru entendre à certains moments de notre débat, qu’il n’y aura pas un indicateur par agriculteur. Que l’on ne s’y trompe pas ! Les indicateurs pourront être nationaux, régionaux, tout dépendant des productions et des interprofessions. Par ailleurs, il existe plusieurs indicateurs, sans compter l’indicateur de prix de marché : les prix ne seront pas déterminés artificiellement, en fonction des seuls prix de revient.
J’en profite pour souligner l’inconvénient, selon moi, de ce fameux indicateur de prix de revient. Lors de l’achat d’une voiture, si le concessionnaire vous dit qu’elle a coûté 12 000 euros tout en vous la proposant à 20 000 euros, vous voudrez négocier son prix. Coucher sur le papier un prix de revient, c’est donc prendre le risque qu’il devienne un prix minimal.
Je poursuis mon raisonnement : lorsque le cours sera très bas, on a beau dire, mais il sera difficile de l’atteindre ; lorsque le cours sera très haut, ce que je souhaite et ce qui se passera peut-être avec le lait en 2019, il se trouvera bien quelqu’un pour estimer qu’il faudrait être fou de payer – dans le cas du lait – 420 euros la tonne, alors que le prix de revient est de 400 euros la tonne.
Je voulais rappeler ces dangers.
Je le répète, cet amendement est satisfait – contrairement à vous, mon cher collègue ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 45 est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 515 rectifié est présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Botrel, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 677 rectifié est présenté par MM. Menonville, Guillaume, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Gold, Mmes Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cas d’une conversion à l’agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, la modification du mode de production n’entraîne pas d’indemnités de résiliation du contrat.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 45.
M. Guillaume Gontard. Par cet amendement, nous proposons de briser un des obstacles à la transformation de la production agricole française en introduisant une clause permettant de ne pas appliquer d’indemnité de résiliation de contrat en cas de passage à un mode de production biologique.
En effet, le monde agricole change ; de plus en plus, les agriculteurs se tournent vers des modes de production responsables, respectueux des sols, de l’environnement, de la biodiversité et des citoyens. Il nous semble donc essentiel d’accompagner cette transformation de la production voulue par nombre de producteurs et de consommateurs en levant le maximum de freins possible, transformation utile également pour l’amélioration du revenu paysan.
La production biologique est déjà trop peu soutenue en France ; retirer les entraves à la liberté de choisir le type de production nous semble un minimum pour assurer l’indispensable transition agricole.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 515 rectifié.
M. Joël Bigot. L’article 1er du projet de loi dresse la liste des clauses minimales qui doivent être obligatoirement présentes dans les contrats ou accords-cadres écrits. Son alinéa 13 prévoit des délais de préavis et une indemnité réduits en cas de résiliation de contrat dans l’hypothèse d’un changement de mode de production. Par cet amendement, nous proposons de ne pas appliquer d’indemnité de résiliation de contrat en cas de modification du mode de production vers une production biologique.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous souhaitons encourager la transition vers des modes de production biologique en ne pénalisant pas les agriculteurs qui décident de s’engager dans cette voie. Pendant une certaine période, ils subissent une perte de revenus.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 677 rectifié.
M. Franck Menonville. Puisque votre objectif, monsieur le ministre, est le développement de l’agriculture biologique, il nous semble opportun, en marge de l’article 11 relatif à la restauration collective, qui sera un vrai levier de développement du bio, que ce projet de loi prévoie des mécanismes d’encouragement à la conversion. Dans cet esprit, cet amendement vise à ce que la proposition de contrat ou d’accord-cadre écrit comporte une clause permettant de ne pas appliquer l’indemnité de résiliation dans le cas de la conversion d’une exploitation vers le bio.
M. le président. L’amendement n° 490 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec, Arnell et Artano, Mme M. Carrère et MM. Collin, Corbisez, Guérini et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En cas de conversion à l’agriculture biologique au sens de l’article 17 du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91, la modification du mode de production ne peut entraîner à elle seule d’indemnités de résiliation du contrat.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement a pour objet de réduire de 100 % l’indemnité de résiliation du contrat en cas de passage au mode de production bio.
Quand un producteur se convertit au bio et que son collecteur ne valorise pas son mode de production, il est en effet courant, notamment dans le secteur laitier, que ce dernier lui réclame des indemnités non négligeables pour l’équilibre économique de l’exploitation. On a ainsi évoqué devant moi des cas où ces indemnités réclamées étaient supérieures à 15 000 euros.
Or le bio constitue parfois une porte de sortie pour les producteurs en difficulté, qui vont vers ce mode de production pour retrouver du revenu. Comment accepter qu’un producteur, dont l’équilibre économique de l’exploitation est parfois fragile, qui va vers un mode de production à la fois bénéfique pour son exploitation, mais aussi pour l’ensemble de la société soit tenu de payer une telle indemnité ?
Cette mesure a été rejetée par l’Assemblée nationale, les députés invoquant la liberté contractuelle. Mais je tiens à rappeler que la Cour de justice de l’Union européenne établit que le droit européen n’empêche pas les États membres d’appliquer des règles nationales qui ont un objectif d’intérêt général, même si ces règles sont susceptibles d’avoir une incidence sur le fonctionnement du marché.
Peut-on nier que l’agriculture biologique représente l’intérêt général ? La protection de l’environnement est un principe que nul ne conteste et qui est consacré par le traité de l’Union européenne et par notre Constitution. Or l’agriculture biologique protège notre environnement, toutes les études le montrent et le droit européen le reconnaît explicitement. Cette disposition est donc compatible avec la réglementation européenne.
On m’a aussi opposé la rupture d’égalité, mais l’agriculture biologique n’est pas n’importe quel système : elle s’appuie sur un cahier des charges européen et est reconnue comme répondant à un droit fondamental, celui de jouir d’un environnement sain.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas que l’on puisse, d’un côté, programmer des plans de développement de l’agriculture biologique, inscrire des objectifs de surfaces bio dans ce projet de loi, proposer un plan de sortie des pesticides, et, de l’autre, continuer à autoriser des pratiques qui freinent les conversions.
Nous devons limiter la liberté contractuelle face à l’intérêt général.
M. le président. L’amendement n° 516 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si l’acheteur est informé dans un délai raisonnable ne pouvant être supérieur à un an, la conversion à l’agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13 ne peut pas entraîner d’indemnités de résiliation du contrat.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Il s’agit d’un amendement de repli.
Nous proposons qu’une conversion à l’agriculture biologique ne puisse entraîner d’indemnités de résiliation de contrat dès lors que l’acheteur est informé dans un délai raisonnable de cette conversion. Nous avons fixé ce délai à un an, mais, monsieur le ministre, nous sommes ouverts à la discussion si vous êtes prêt à soutenir cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. Première remarque, je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. Labbé, parce que le règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles garantit la libre négociation des éléments du contrat, notamment les clauses de résiliation, ce qui interdit aux États membres de priver totalement les parties de la possibilité de prévoir de telles indemnités dans leur droit national.
Même si je n’ai pas fait un tour de France, je n’ai encore jamais rencontré le cas d’un producteur qui serait passé en bio et qui ne pourrait pas valoriser son lait en bio. Que ce soit une coopérative ou un établissement privé, le collecteur ramasse le lait ou le fait ramasser par un collègue qui traite le bio. Il y a toujours une solution !
Deuxième remarque : on dispose de trois ans de reconversion pour passer en bio, ce qui laisse quand même le temps de trouver une solution pour signer un autre contrat ou dénoncer son contrat – au maximum de cinq ans.
Troisième remarque : le texte prévoit déjà des indemnités réduites.
Dernière remarque : un agriculteur peut aussi, ce qui est plus rapide, opter pour un cahier des charges spécifiant une production de lait avec du foin, alors qu’il produisait auparavant du lait d’ensilage. Il faudra bien trouver une solution. Il n’y a pas que le bio dans la vie ! Entendre le contraire m’énerve parfois un peu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme Élisabeth Lamure. Moi aussi !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Avis défavorable.
Il y a le bio, mais il y a aussi les productions conventionnelles en appellation d’origine protégée ou en appellation d’origine contrôlée, fruit du très bon travail de nos producteurs et qui valent la peine d’être mises sur le marché !
Monsieur Labbé, mesdames, messieurs les sénateurs qui avez défendu ces amendements, je partage totalement cet objectif de défense et de promotion de l’agriculture biologique. D’ailleurs, j’ai donné un avis favorable sur un amendement des députés qui visait à ce que le délai de préavis et l’indemnité préalable applicable soient réduits en cas de modification du mode de production. Cela figure dans le projet de loi. Mais imposer l’absence totale et systématique d’indemnité n’est pas possible au regard de la liberté contractuelle et une telle disposition s’inscrit en opposition avec l’objectif que nous poursuivons, à savoir mettre en valeur la relation contractuelle pour déterminer à la fois le meilleur prix, le meilleur cahier des charges pour la meilleure qualité possible et pour faire en sorte que le prix qui sera fixé entre un acheteur et un producteur puisse permettre à ce dernier de vivre dignement de son travail.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes bien d’accord : il n’y a pas que le bio dans la vie. Mais il y a aussi le bio ! La Haute Assemblée le dit depuis des années : en agriculture, il ne faut pas opposer les uns aux autres. Nous avons besoin de l’agriculture conventionnelle productiviste, qui exporte, qui produit de la valeur ajoutée, laquelle est indispensable à notre balance commerciale. Cette agriculture conventionnelle, nous devons la défendre, nous devons travailler sur la recherche, nous devons vendre du bœuf en Chine et ailleurs, parce que c’est cela qui produit de la valeur ajoutée et qui donne de la rentabilité à nos exploitations. Je le répète, n’opposons pas le conventionnel et le bio, mais nous avons besoin de l’agriculture biologique pour répondre à la demande de nos concitoyens.
M. Michel Raison, rapporteur. Nous n’avons pas dit le contraire !
M. Didier Guillaume. Or, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, si l’agriculture conventionnelle existe depuis des décennies, l’agriculture biologique est apparue il y a bien moins longtemps, ce qui rend sa pratique beaucoup plus difficile. C’est la raison pour laquelle nos collègues ont déposé ces amendements qui font l’objet d’une discussion commune et qui tendent à aider les agriculteurs bio en faisant en sorte qu’ils ne soient pas trop pénalisés.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je partage votre analyse : pas d’opposition entre le conventionnel et le biologique, pas de stigmatisation, pas de dogmatisme – c’est absolument indispensable –, mais, monsieur le ministre, pour donner plus de force à votre projet de loi, il faudrait pousser un peu plus dans la direction du bio, montrer que vous avez envie d’aller dans ce sens.
Félicitations pour votre programme Ambition bio 2022, dans lequel vous mettez beaucoup d’argent – il y en a besoin ! –, ce qui répond à une demande très forte des acteurs du secteur bio. Vous n’êtes donc pas en cause. Mais, je le répète, il faut que ce projet de loi adresse de petits signes.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je veux réagir aux propos de mon collègue Didier Guillaume.
Je suis surpris d’entendre ce que j’ai entendu. Nous venons tout juste d’essayer de faire en sorte que les agriculteurs de notre pays s’organisent en encourageant la contractualisation – nous nous rejoignons sur ce point, monsieur le ministre. Ce n’est pas si ancien.
M. Michel Raison, rapporteur. Cela date de 2010 !
M. Daniel Gremillet. Auparavant, hormis ceux qui étaient organisés en coopératives, il n’y avait rien. Et cette contractualisation va même devenir obligatoire, pour permettre aux agriculteurs de sortir de leur isolement, de leur fragilité. Alors, effectivement, il ne faut pas opposer les différents types d’agriculture – volontairement, je ne prononcerai pas le nom de l’une d’entre elles –, mais c’est ce que vous faites !
M. Didier Guillaume. Non !
M. Daniel Gremillet. Certains nous expliquent que, finalement, un contrat ne vaut rien, qu’on peut faire ce qu’on veut, qu’on peut revenir sur sa parole.
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas ce qui est écrit !
M. Daniel Gremillet. Comme l’a dit M. le rapporteur, donnez-nous des exemples concrets d’un agriculteur s’étant retrouvé au bord du chemin après être passé d’un type d’agriculture à un autre. Il n’y en a pas ! Il faut être très sérieux parce qu’ouvrir cette faille pourrait avoir des effets contraires à ceux que l’on attend.
Il peut arriver qu’une entreprise perde son marché. Pourrait-elle donc soudainement refuser de collecter la production d’un agriculteur, alors qu’elle a conclu un contrat avec lui ? Eh bien non ! Un contrat vaut pour les deux parties.
Soyons réalistes et honnêtes. Dans le système en vigueur, un contrat est conclu pour cinq ans ; cela passe vite, vous savez !
En outre, un contrat n’est pas une affaire solitaire, il implique des collègues paysans, il est conçu en lien avec l’environnement local. Pourtant, un signataire pourrait décider seul de fragiliser les autres !
Un contrat est un engagement collectif sur un territoire et il doit être respecté.